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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 38e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité se réunit pour étudier le Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada.
La réunion d'aujourd'hui se déroule selon le format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 novembre 2021. Les députés participent en personne dans la salle et à distance à l'aide de l'application Zoom. Conformément à la directive du Bureau de régie interne du 10 mars 2022, toutes les personnes qui assistent à la réunion en personne doivent porter un masque, à l'exception des députés qui sont à leur place pendant les délibérations.
J'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres du Comité.
Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Pour les personnes qui participent par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
En ce qui concerne l'interprétation, les participants qui utilisent Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes qui sont dans la salle peuvent utiliser l'écouteur et sélectionner le canal souhaité.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés par l'intermédiaire du président.
Pour les membres du Comité qui se trouvent dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour ceux qui participent sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre consolidé des interventions pour tous les membres du Comité, qu'ils participent virtuellement ou en personne, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard. Cela étant dit, je demande aux membres du Comité et aux témoins de se traiter mutuellement avec respect et décorum.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler aux membres du Comité, comme nous en avons discuté lors de la dernière réunion sur le projet de rapport sur la Loi sur les mesures d'urgence, qu'ils doivent transmettre au greffier leurs commentaires ou suggestions finales dans les deux langues officielles le plus tôt possible.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Je suis ravi d'accueillir à nouveau le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem. Il est accompagné de la première sous-gouverneure, Carolyn Rogers.
Bienvenue. La parole est à vous.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bonjour.
Permettez-moi de vous dire à quel point la première sous-gouverneure, Carolyn Rogers, et moi-même sommes ravis d'être ici en personne pour discuter de notre Rapport sur la politique monétaire et de la décision que nous avons prise il y a deux semaines.
Quand nous avons publié le rapport, nous en étions à la huitième semaine de l'invasion non provoquée de l'Ukraine par la Russie. La guerre cause une énorme souffrance humaine, et nous avons une pensée émue pour le peuple ukrainien. La guerre constitue aussi une nouvelle source d'incertitude pour les perspectives économiques mondiales. Elle stimule une inflation déjà élevée dans de nombreux pays, dont le Canada, et elle perturbe la reprise de l'économie mondiale.
Dans ce contexte, nous avons trois grands messages. Premièrement, l'économie canadienne est forte. En général, elle s'est complètement remise de la pandémie et entre maintenant dans une phase de demande excédentaire. Deuxièmement, l'inflation est trop élevée. Elle est supérieure à nos attentes et elle restera élevée pendant plus longtemps que nous le pensions. Troisièmement, nous avons besoin de taux d'intérêt plus élevés.
Le taux directeur est notre principal outil pour maintenir l'équilibre économique et ramener l'inflation à la cible de 2 %. Il y a deux semaines, nous avons relevé notre taux de 50 points de base, pour le faire passer à 1 %. Comme nous l'avons indiqué, les Canadiens devraient s'attendre à d'autres hausses.
Laissez-moi vous parler plus en détail de chacun de ces trois thèmes.
[Français]
Nous avons tous subi de nombreuses épreuves au cours des deux dernières années. Tout le monde a été touché par la pandémie, que ce soit par la maladie ou la perte d'un être cher, la peur et l'incertitude, la perte d'un emploi ou la fermeture d'une entreprise. Nous avons vécu la récession la plus forte et la plus profonde jamais enregistrée. Les vagues successives du virus ont rendu la reprise difficile.
Grâce aux mesures de relance budgétaires et monétaires exceptionnelles, aux vaccins efficaces et à la volonté de s'adapter et d'innover, l'économie a vite rebondi de façon remarquable. La reprise a été plus vive et plus rapide que jamais. Maintenant, la demande commence à dépasser notre capacité de production.
[Traduction]
Il suffit de regarder le marché du travail pour s'en convaincre. Avant la pandémie, le taux de chômage était de 5,7 % au pays. Quand la pandémie a frappé, il a grimpé en flèche à 13,4 %. Maintenant, deux ans plus tard, il se situe à un creux historique de 5,3 %. Le nombre de postes vacants est élevé et la croissance des salaires a atteint les niveaux prépandémie. Les entreprises ont du mal à trouver suffisamment de travailleurs pour satisfaire à la demande et elles nous disent qu'elles vont devoir augmenter les salaires pour attirer et retenir la main-d'œuvre.
Nous nous attendons à ce que la croissance continue d'être forte dans les prochains mois. Avec la levée progressive des restrictions sanitaires, les Canadiens dépensent plus pour des services, notamment dans les secteurs des voyages et des loisirs, de l'hébergement et de la restauration. Et ils achètent encore beaucoup de biens. L'activité sur le marché du logement est encore vigoureuse et, même si nous nous attendons à ce qu'elle ralentisse, elle restera à des niveaux élevés.
Les investissements des entreprises et les exportations augmentent, et les prix élevés de nombreux produits de base que le Canada exporte font entrer davantage de revenus au pays. Les investissements vigoureux des entreprises, la productivité accrue du travail et la hausse de l'immigration devraient favoriser la capacité de production de notre économie. Et les taux d'intérêt plus élevés devraient ralentir les dépenses.
Tout compte fait, la Banque prévoit que la croissance de l'économie canadienne atteindra 4 ¼ % cette année, avant de ralentir pour s'établir à 3 ¼ % en 2023 et à 2 ¼ % en 2024.
Cela m'amène à mon deuxième point.
L'objectif principal de la Banque est l'inflation. Au Canada, l'inflation mesurée par l'Indice des prix à la consommation, l'IPC, a atteint 6,7 % en mars, son plus haut niveau en 30 ans, bien au‑delà de la projection du Rapport sur la politique monétaire de janvier. La guerre a fait monter le prix de l'énergie et d'autres produits de base et perturbe davantage les chaînes d'approvisionnement mondiales. Les facteurs qui font grimper l'inflation viennent de l'étranger, mais compte tenu de la demande excédentaire au sein de l'économie, nous devons aussi composer avec des pressions internes sur les prix. Environ les deux tiers des composantes de l'IPC affichent une hausse de plus de 3 %, ce qui signifie que les Canadiens sentent les effets de l'inflation sur leur budget, que ce soit pour l'essence, les aliments ou le loyer.
Nous nous attendons maintenant à ce que l'inflation atteigne presque 6 % en moyenne durant la première moitié de 2022 et reste bien au‑dessus de notre fourchette de maîtrise de l'inflation de 1 à 3 % tout au long de l'année. Elle devrait ensuite baisser pour s'établir à environ 2 ½ % au deuxième semestre de 2023, avant de revenir à la cible de 2 % en 2024.
Le niveau élevé de l'inflation touche chacun de nous. Un taux d'inflation de 5 % sur une année — c'est‑à‑dire 3 points de pourcentage au‑dessus de notre cible — coûte 2 000 $ de plus au Canadien moyen. Or, l'inflation touche encore davantage les personnes les plus vulnérables de notre société, à la fois parce qu'elles dépensent la totalité de leur revenu et que le coût des produits essentiels, comme les aliments et l'énergie, a connu une hausse marquée.
[Français]
Cette généralisation de pressions sur les prix est extrêmement préoccupante. C'est de plus en plus difficile pour les consommateurs canadiens d'échapper à l'inflation, quelle que soit leur patience ou leur prudence.
Cela m'amène à mon troisième point: les taux d'intérêt augmentent. L'économie a besoin de taux d'intérêt plus élevés et elle est capable de les encaisser. Puisque la demande commence à dépasser notre capacité de production, nous avons besoin de taux plus élevés pour rétablir l'équilibre de l'économie et modérer l'inflation au pays.
Nous avons aussi besoin de taux d'intérêt plus élevés pour garder les attentes d'inflation des Canadiens ancrées à la cible. Nous ne pouvons ni maîtriser ni influencer les prix de la plupart des biens échangés à l'échelle internationale. Cependant, si les attentes d'inflation des Canadiens demeurent bien ancrées à la cible de 2 %, l'inflation descendra chez nous quand on verra diminuer les pressions inflationnistes mondiales liées au prix élevé du pétrole et aux problèmes d'approvisionnement.
[Traduction]
Nous nous sommes engagés à utiliser notre taux directeur pour ramener l'inflation à la cible et nous prendrons, s'il le faut, des mesures énergiques pour y parvenir.
Les hausses du taux directeur de la Banque font monter les taux d'intérêt des prêts aux entreprises, des prêts à la consommation et des prêts hypothécaires et elles améliorent le rendement de l'épargne. Nous avons indiqué clairement que les Canadiens devraient s'attendre à une trajectoire à la hausse des taux d'intérêt, mais il peut être inquiétant de voir ses versements hypothécaires et ses autres coûts d'emprunt augmenter. Nous évaluerons avec soin l'effet des taux d'intérêt plus élevés sur l'économie.
On le sait, la question qui est sur toutes les lèvres, c'est jusqu'où les taux vont grimper, ou encore, à quel niveau devront-ils être haussés? Il faut se rappeler que nous avons une cible d'inflation et non une cible de taux d'intérêt. Autrement dit, nous n'avons pas de destination préétablie pour le taux directeur. Mais je peux vous dire que les Canadiens devraient s'attendre à ce que les taux d'intérêt continuent d'augmenter pour revenir vers des niveaux plus normaux. Par « normaux », on entend la fourchette que nous envisageons pour un taux d'intérêt neutre qui ne stimule pas l'économie et ne pèse pas sur celle‑ci. Nous estimons qu'il se situe entre 2 et 3 %. Il y a deux semaines, nous avons relevé le taux directeur à 1 %, ce qui reste bien en deçà du taux neutre. C'est aussi inférieur au taux directeur en vigueur avant la pandémie, qui s'établissait à 1,75 %.
[Français]
Le niveau que le taux directeur atteindra dépendra de la réponse de l'économie et de l'évolution des perspectives d'inflation. Alors que l'économie entre dans cette phase de demande excédentaire, elle est en plein essor, et l'inflation est élevée. Nous nous sommes engagés à ramener l'inflation à la cible.
Si la demande réagit vite aux taux plus élevés et si les pressions inflationnistes diminuent, on pourrait juger approprié de faire une pause dans le resserrement quand on se sera rapproché d'un taux neutre. En revanche, on pourrait devoir augmenter les taux un peu au-dessus du taux neutre pendant un certain temps pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande et pour ramener l'inflation à la cible.
[Traduction]
Pour terminer, laissez-moi vous parler de notre bilan. En date de cette semaine, nous ne remplaçons plus les obligations du gouvernement du Canada qui arrivent à échéance, et la taille de notre bilan va diminuer. Ainsi, nous bouclons la boucle du côté de nos mesures de politique monétaire exceptionnelles.
Quand l'économie avait besoin d'un soutien exceptionnel au plus creux de la récession, nous avons abaissé notre taux directeur à sa valeur plancher et nous avons accompagné cette mesure d'un programme d'assouplissement quantitatif. En novembre dernier, nous avons mis fin à l'assouplissement quantitatif et amorcé la phase de réinvestissement.
Nous sommes maintenant passés au resserrement quantitatif. Comme l'économie s'est complètement remise, c'est le moment de normaliser notre bilan. Le resserrement quantitatif servira de complément aux relèvements du taux directeur et créera une pression à la hausse sur les taux d'intérêt à long terme.
Monsieur le président, je m'arrête là‑dessus.
La première sous-gouverneure Rogers et moi serons heureux de répondre à vos questions.
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C'est une question très importante.
Nos propres prévisions, que nous avons publiées il y a deux semaines dans notre Rapport sur la politique monétaire, indiquent que la croissance est en train de s'atténuer. La croissance doit s'atténuer afin que la demande s'harmonise avec la capacité de production de l'économie. Même si elle s'atténue, la croissance demeure assez forte: 3 ¼ % l'année prochaine et 2 ¼ % l'année suivante. La plupart des prévisions du secteur privé sont largement similaires aux nôtres, à savoir qu'elles indiquent une diminution de l'inflation et une croissance qui se poursuivra à un rythme plus modéré.
Je tiens à souligner, par contre, qu'obtenir cet atterrissage en douceur ne sera pas chose facile. L'équilibre est délicat. Il existe de bonnes raisons de croire que nous pouvons continuer de faire croître l'économie tout en diminuant l'inflation. Les deux principales raisons sont les suivantes. Premièrement, la plupart des facteurs qui font grimper l'inflation viennent de l'étranger. Nous avons observé une hausse du prix des produits de base et des perturbations dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Si le prix du pétrole cesse d'augmenter et qu'il commence à baisser — ne serait‑ce que cesser d'augmenter — et que les pressions sur les chaînes d'approvisionnement mondiales commencent à s'atténuer, nous verrons naturellement une réduction de l'inflation, pourvu que nous gardions les attentes d'inflation bien ancrées.
Permettez-moi de mettre l'accent sur ce dernier point, qui est essentiel. Si nous ne maintenons pas les attentes d'inflation bien ancrées, le taux d'inflation demeurera élevé. C'est donc ce que nous devons faire, et nous prenons des mesures en conséquence.
La deuxième raison qui justifie qu'il soit possible de faire croître l'économie tout en diminuant l'inflation est le fait que la demande dicte tout. Nous pouvons le constater dans le marché du travail, où nous enregistrons un niveau très élevé de postes vacants. Le taux d'emploi est très élevé, mais nous sommes aux prises avec un très grand nombre de postes vacants. Si nous réussissons à diminuer la demande, nous pourrons réduire le nombre de postes vacants, conserver un fort taux d'emploi, rééquilibrer l'économie et ramener l'inflation à la cible.
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J'aurais quelques commentaires à ce sujet.
Disons d'abord et avant tout que notre économie se porte bien. Il va de soi qu'en pareille situation, les entreprises se tirent généralement plutôt bien d'affaire, les profits sont au rendez-vous et les salaires sont à la hausse.
Nous nous intéressons effectivement au mode de répartition des revenus entre travailleurs et entreprises. Il est bien évident que nous souhaitons que la prospérité profite à tous. J'ajouterais une observation que nous avons pu faire au fil d'une longue période avant la pandémie. Cela concerne les hausses de prix. Nous parlons régulièrement aux chefs d'entreprise. Nous leur posons des questions. Nous menons chaque trimestre une enquête sur les perspectives des entreprises qui nous permet de leur demander notamment si elles transfèrent à leurs clients les coûts supplémentaires des intrants lorsque ceux‑ci augmentent.
On nous répond généralement qu'il y a bel et bien des coûts qui sont transférés, mais seulement dans une très faible proportion, car les clients réagissent beaucoup aux hausses de prix, ce qui rend l'exercice très ardu.
Dans un contexte où notre économie se dirige vers une situation de demande excédentaire, avec des prix qui augmentent d'une manière générale, les entreprises nous indiquent qu'elles transfèrent plus rapidement les hausses de prix à leurs clients.
Dans les circonstances, la meilleure solution consiste à réduire l'inflation afin de rétablir la stabilité des prix.
Une inflation stable à un niveau faible a notamment pour avantage de mettre en lumière les hausses de prix, ce qui fait réagir les consommateurs, un risque que les entreprises doivent prendre en considération. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous devons juguler l'inflation, et c'est pourquoi nous haussons les taux d'intérêt.
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Merci beaucoup, gouverneur Macklem et première sous-gouverneure Rogers.
J'ai quelques questions concernant les causes de l'inflation. C'est sûr que certains aimeraient simplifier à l'extrême un problème aussi complexe que l'inflation, mais, comme vous l'avez bien noté, l'inflation est un phénomène mondial. J'ai regardé les statistiques récentes, et à 6,7 %, le taux d'inflation au Canada se situe quand même sous la moyenne des pays de l'OCDE, qui est de 7,7 %, sous celle du G20, qui est de 6,8 %, et sous celle de la zone euro, qui est de 7,3 %.
Je voudrais vous féliciter. Dans votre nouveau rapport sur la politique monétaire, dans l'encadré 4, à la page 21 de la version française, vous résumez très bien et succinctement les déterminants intérieurs et mondiaux de l'inflation. Maintenant, plus personne ne peut simplifier à l'extrême les causes de l'inflation. Vous le résumez bien.
Vous avez particulièrement mentionné le coût de remplacement par le propriétaire d'une maison. Le Comité a étudié, entre autres, l'inflation dans le domaine immobilier.
Pouvez-vous en dire davantage sur ce sujet?
Premièrement, au Canada, l'inflation est un peu sous la moyenne des autres pays. Cependant, selon les Canadiens, elle est trop élevée. Manifestement, nous devrions la maîtriser.
En ce qui concerne le prix du logement, nous observons que les prix des maisons ont connu une forte hausse d'environ 25 % d'une année à l'autre.
Cela entre dans le calcul de l'IPC, l'Indice des prix à la consommation, mais ce n'est pas du un pour un. Au moyen de l'IPC, on tente de mesurer le service qu'on reçoit — il peut s'agir de la maison ou du logement. Cependant, le coût de ce service, pour remplacer ou améliorer les maisons, se base sur la mesure utilisée pour les nouvelles maisons. Cela fait donc partie de l'IPC, mais cela n'a pas d'effet direct.
Or, si nous regardons le coût du logement dans l'IPC, nous verrons qu'il est effectivement fortement à la hausse. Cela reflète les pressions, ici, au Canada. Ce ne sont pas des pressions internationales, mais plutôt des pressions de demandes excédentaires, ici, au Canada.
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Il y a deux ans, je n'étais pas gouverneur. Il y a deux ans et au début de la pandémie, l'économie a connu le pire effondrement de son histoire. Le PIB a chuté de 15 %. Le taux de chômage a grimpé de 5,7 % à 13,4 %. Près de trois millions de Canadiens étaient sans emploi et trois autres millions de Canadiens ne faisaient que 50 % de leurs heures de travail.
Cette situation présentait un sérieux risque de déflation. Le surplus de l'offre, au sein de l'économie, était énorme. Beaucoup de Canadiens ne travaillaient pas et, s'il n'y avait pas eu de politique concertée, il y aurait eu un véritable risque de déflation.
Pourquoi la déflation est-elle si dommageable? Lorsqu'un état d'esprit déflationniste s'installe, les gens pensent que les prix vont chuter et ils ont tendance à attendre pour acheter plus tard lorsque les prix auront été réduits. Les choses sont déjà chancelantes, alors si les gens décident d'attendre et d'acheter plus tard lorsque les prix auront baissé, cela affaiblit davantage l'économie. Dans une économie où le niveau d'endettement des ménages est à un niveau relativement élevé et où le paiement hypothécaire est une valeur nominale fixe, une baisse de revenu rend ces paiements encore plus risqués.
Ces commentaires valent dans le contexte d'une économie en danger de déflation. Nous ne prévoyions pas d'inflation. Nous avons pris des mesures audacieuses afin, tout d'abord, de limiter ce déclin et, ensuite, de soutenir la relance économique. Nous ne prévoyions pas de déflation, mais nous précisions que, si nous ne prenions pas des mesures audacieuses, c'est ce qui aurait très bien pu se produire.
Nous l'avons vu lors de la Grande Dépression... Pourquoi l'avons-nous appelée la Grande Dépression? Il y a eu d'abord un déclin très marqué, puis une économie incroyablement faible pendant une période terriblement longue. Bien des gens en ont souffert en conséquence.
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Oui, la situation est exactement telle que vous l'avez décrite. Durant la pandémie, les gens ne pouvaient pas acheter et consommer les services qu'ils voulaient puisque ces services exigent des contacts étroits. Par conséquent, les gens ont remplacé ces services par des biens. Au lieu de fréquenter le gym, ils ont acheté des appareils de conditionnement physique. Au lieu d'aller au restaurant, ils ont amélioré leur équipement de cuisine. Cette situation s'est reflétée dans l'ensemble du marché du logement. De nombreux Canadiens travaillaient à domicile, leurs enfants faisaient l'école à domicile, et toutes les activités récréatives se déroulaient à domicile. Ce n'est donc pas étonnant qu'ils aient voulu de plus grandes maisons, ce qui a eu un effet sur le marché du logement. De plus, une plus grande maison demande plus de meubles et de nouveaux électroménagers.
Habituellement, durant les récessions, ce sont les biens durables qui sont le plus touchés, car les gens peuvent garder leur divan un peu plus longtemps, mais pendant la pandémie, ils passaient toute la journée sur leur divan. Les biens durables étaient beaucoup plus utilisés. La grande réorientation de la demande vers les biens est une situation fort inhabituelle, et elle ne s'est pas produite seulement au Canada, mais bien partout dans le monde. La très forte demande de biens, combinée aux perturbations dans les chaînes d'approvisionnement, a entraîné une hausse importante des prix des biens.
D'après nous, l'équilibre de la demande se rétablira naturellement à mesure que la pandémie s'atténuera. On le voit déjà. Les gens veulent recommencer à fréquenter le gym, à aller au restaurant du coin et à sortir. Par conséquent, nous nous attendons à ce que la demande de biens diminue à mesure que la consommation de services augmente.
Toutefois, en ce moment, la demande dépasse l'offre; la moyenne doit donc croître à un rythme plus lent que dans le passé, sinon les pressions inflationnistes persisteront. Il se passe donc deux choses en même temps. Nous examinons de très près la réorientation de la demande de biens vers la demande de services.
Jusqu'à maintenant, nous avons constaté un fort rebond de la demande de services. Cependant, la demande de biens n'a pas vraiment diminué. C'est peut-être attribuable en partie aux contraintes liées à l'offre. Une personne qui essaie d'acheter une voiture pourrait devoir attendre six mois avant de l'obtenir et de conclure la vente. La demande n'a pas encore vraiment diminué; c'est une des raisons pour lesquelles l'économie est forte. Nous espérons que lorsqu'il y aura moins de contraintes liées à l'offre, les gens obtiendront les biens qu'ils voulaient, et la demande commencera à se rééquilibrer. Nous surveillerons la situation de près.
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Oui, si l'on remonte à janvier — et je n'ai pas le rapport de janvier devant moi —, avant la guerre, on commençait à voir un début d'atténuation de ces perturbations de la chaîne d'approvisionnement. Je dirais qu'ils étaient quelque peu timides, mais si vous regardez les retards d'expédition, par exemple, ils avaient certainement atteint un sommet et commençaient à se résorber. En ce qui concerne les puces électroniques, par exemple, nous avons constaté que l'approvisionnement s'améliorait. Vous avez vu un certain redressement dans notre propre industrie de fabrication automobile, car elle a obtenu les puces dont elle avait besoin.
Je dirais que les choses ne s'amélioraient peut-être pas aussi rapidement que nous aurions pu l'espérer, mais elles commençaient à s'améliorer.
La guerre a certainement constitué un nouveau revers. Elle provoque, en particulier en Europe, de nouvelles perturbations dans la chaîne d'approvisionnement. Certaines composantes clés de la chaîne d'approvisionnement qui sont produites en Ukraine — ou en Russie, d'ailleurs, mais davantage en Ukraine —, le néon, par exemple, ne sont pas disponibles à l'heure actuelle.
Je pense que ce qui est le plus important, certainement pour le Canada, c'est que le transport maritime mondial est perturbé.
Ensuite, l'autre élément que je soulignerais est ce que les nouvelles éclosions de COVID et les nouveaux confinements en Chine provoquent. Le port de Shanghai est très engorgé en ce moment.
La guerre et la COVID continuent donc de perturber les chaînes d'approvisionnement. Nous pensons qu'à mesure que nous entrons dans la deuxième moitié de l'année, ces problèmes vont s'estomper. Cependant, oui, il y a énormément d'incertitude concernant ces chaînes d'approvisionnement, et malheureusement, ce n'est pas près de disparaître.
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Je vais souligner quelques points.
Premièrement, l'étude que nous avons publiée présente divers scénarios. Il y a beaucoup d'incertitudes quant aux effets des changements climatiques, et nous ne sommes pas en mesure de faire de prévisions à cet égard. Cependant, il est très utile et très important d'avoir recours à des scénarios pour évaluer les risques.
Les scénarios que nous avons utilisés sont axés sur les risques de transition vers un objectif carboneutre. Cependant, ces scénarios n'incluent pas les risques physiques, comme les tempêtes ou les sécheresses qui sont plus fréquentes. Cela dit, nous allons également tenir compte de ces risques à une autre étape.
Des événements récents ont fait ressortir un autre aspect, c'est-à-dire les délais. Même nos scénarios tiennent compte des délais pour entamer cette transition climatique. Comme Mme Rogers l'a souligné, c'est plus coûteux lorsqu'il y a des délais.
Cela dit, ces scénarios sont probablement trop optimistes parce que, dans le modèle que nous présentons, tout le monde connaît les politiques climatiques et tout le monde connaît les prévisions. Ainsi, en vertu de ces scénarios, les investissements dans de nouvelles sources d'énergie seront accessibles au fur et à mesure que les investissements dans le pétrole diminueront, et il ne semble pas y avoir de problème du point de vue de la coordination.
Or, ce que nous voyons partout au monde, c'est que la question de la sécurité d'énergie devient de plus en plus importante et qu'il n'est pas évident que l'offre pourra répondre à la demande.
Nous avons donc beaucoup de travail à faire pour réussir à modéliser une situation où la coordination n'est pas très bonne.
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L'une des choses que j'apprécie chez ce président, c'est qu'il garde toujours le meilleur pour la fin.
Nous avons abordé un certain nombre de facteurs différents aujourd'hui, que ce soit la COVID, la guerre ou les changements climatiques qui ont eu une incidence sur l'inflation. Nous avons parlé de certaines causes nationales, dont les prix abusifs dans le secteur privé qui, à mon avis, ont été bien documentés par les gens de l'organisme Canadiens pour une fiscalité équitable et du Centre canadien de politiques alternatives. Il est clair qu'il y a beaucoup de conjectures, et nous en avons entendu quelques-unes aujourd'hui, sur le rôle du gouvernement en matière de politique fiscale et d'inflation et peut-être certains appels qui ont été faits à la Banque du Canada sur la question de la politique monétaire et les scénarios possibles qui ont été évoqués.
Si l'on remonte dans le temps à octobre 2021, les propos tenus par certains parlementaires étaient que les prestations de la pandémie, en particulier la Prestation canadienne d'urgence et la Prestation canadienne de relance économique, favorisaient l'inflation. Je veux dire, soyons honnêtes: la plus grande part des dépenses gouvernementales pendant la pandémie a été consacrée au soutien direct du revenu des Canadiens. C'est de cela qu'il s'agit quand on parle de politique fiscale. Je pense qu'il était implicite, et parfois explicite, que l'argument visait à dire que si les soutiens au revenu pendant la pandémie étaient retirés de l'équation, on observerait un ralentissement de l'inflation maintenant.
Les programmes de prestations liées à la pandémie ont été presque entièrement annulés à la fin d'octobre 2021. Les programmes qui ont été mis en place au cours de cette législature étaient beaucoup moins importants. Ils étaient plus difficiles d'accès. Ils ont procuré moins d'avantages aux Canadiens pendant le confinement causé par le variant Omicron que les prédécesseurs lors des vagues précédentes, et pourtant l'inflation a grimpé en flèche et continue d'augmenter depuis l'élimination de la prestation. Je n'insinue certainement pas qu'il existe un lien de cause à effet ou même une corrélation entre l'élimination de ces programmes et l'inflation, mais il me semble assez clair que le soutien au revenu pendant la pandémie n'a pas été un moteur important de l'inflation ou que nous aurions constaté une certaine diminution de l'inflation, si ces programmes n'avaient pas existé.
Il y a encore des gens qui sont en grande détresse, pas explicitement à cause des confinements, mais je pense aux gens de l'industrie du voyage et du tourisme, en particulier les conseillers en voyage indépendants. Je pense aux gens du secteur des arts et de la culture qui, bien que les lieux soient ouverts, n'ont tout simplement pas vu le même nombre de spectateurs revenir. Dans certains cas, oui, mais dans d'autres, non.
Je me demande si vous avez des réflexions rétrospectives sur les programmes de prestations en cas de pandémie et des idées sur la nécessité d'offrir un soutien continu dans certains volets importants de notre économie, comme les voyages et le tourisme, que nous voulons voir revenir. Dans un marché du travail compétitif, nous ne voulons pas voir tous ces gens se diriger vers un autre secteur de l'économie, car ce sont des compétences et une expertise qui ne seront pas disponibles pour les entreprises canadiennes lorsque ces industries se rétabliront, ce qui ne s'est pas encore produit autant que nous l'aurions voulu, mais qui se produira sans doute.
Je me demande si vous pourriez faire part de quelques-unes de vos réflexions à ce sujet au Comité.