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Je déclare la séance ouverte.
Bonjour à tous et à toutes et bienvenue à la 110e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride conformément au Règlement.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 24 avril 2023, le Comité reprend aujourd'hui l'étude du projet de loi .
Je souhaite la bienvenue à tous les témoins présents aujourd'hui.
De l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, nous accueillons Eleanor Noble, présidente nationale, qui est accompagnée de Marie Kelly, directrice générale nationale. Nous accueillons également Me Stéphanie Hénault, directrice des affaires juridiques à l'Association nationale des éditeurs de livres, ainsi que Marie‑Julie Desrochers, directrice générale de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. De la Guilde canadienne des réalisateurs, nous accueillons Dave Forget, directeur général national, et Samuel Bischoff, responsable des politiques et des affaires règlementaires. Enfin, de Music Canada, nous accueillons Patrick Rogers, président-directeur général.
[Traduction]
Je vous remercie d'être des nôtres en ce lundi matin, qui nous approche de la fin de notre étude du projet de loi . Déjà, je vois que vous suscitez beaucoup d'enthousiasme dans la salle. Je vous remercie donc de prendre le temps de nous éclairer par votre témoignage et vos réponses à nos questions aujourd'hui.
Sans plus tarder, nous commençons par Mme Noble, pour cinq minutes.
La parole est à vous.
Je m'appelle Eleanor Noble, et je suis la présidente nationale de l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists.
Je vous remercie de l'occasion de m'adresser à votre comité au nom des 30 000 membres de notre syndicat. Je suis accompagnée aujourd'hui de Marie Kelly, notre directrice exécutive nationale. Elle m'aidera à répondre à toutes vos questions.
Depuis plus de 80 ans, l'ACTRA représente des artistes professionnels du Canada qui donnent vie à des histoires canadiennes. Nous jouons un rôle essentiel dans une industrie de près de 14 milliards de dollars qui viabilise 240 000 emplois par année. Nous sommes venus à votre comité aujourd'hui parce que nous sommes préoccupés par l'utilisation de l'intelligence artificielle et de technologies du même type dans une industrie.
Soyons clairs. L'utilisation responsable de la technologie dans notre industrie présente certains aspects positifs. Cela dit, nos membres craignent de plus en plus l'utilisation effrénée et débridée de l'intelligence artificielle dans notre industrie et ailleurs, qui risque d'être lourde de conséquences et néfaste pour la capacité de travailler et de gagner sa vie dans l'audiovisuel.
L'an dernier, nous avons mené un grand sondage sur l'impact de l'IA, l'intelligence artificielle auprès de nos membres. Sauf en contexte de négociations collectives, nous n'avons jamais eu plus de réponses à un sondage auprès de nos membres. Permettez-moi de vous faire part de quelques-uns des constats de haut niveau: 98 % des artistes-interprètes de l'ACTRA craignent l'utilisation abusive de leur nom, de leur image ou de leur ressemblance par l'IA; 93 % des répondants craignent que l'IA finisse par remplacer les acteurs humains, en commençant par le travail de fond et le doublage.
Nous avons déjà vu de vrais exemples d'utilisation préjudiciable. Il a été porté à l'attention de l'ACTRA l'an dernier que la voix d'une artiste-interprète d'âge mineur de l'ACTRA a été téléchargée sur une liste de voix de synthèse de texte en intelligence artificielle dans un site Web public qui permettait aux utilisateurs de manipuler sa voix et lui faire dire des vulgarités cotées R. Une mineure, je vous le rappelle! C'est inacceptable.
De même, un artiste-interprète de l'ACTRA dans un jeu vidéo a été téléchargé par les joueurs qui, grâce à l'IA, ont réussi à manipuler la voix du personnage et à lui faire dire des obscénités et accomplir des actes sexuels, tout cela à l'insu et sans le consentement de l'acteur. Cette vidéo est restée en ligne pendant deux ans avant que l'acteur en apprenne l'existence et que l'ACTRA, mise au courant, n'intervienne.
Ce sont là deux exemples seulement des manipulations préjudiciables auxquelles sont confrontés les artistes-interprètes, voire de nombreux Canadiens. Je pense que nous, les Canadiens, sommes convaincus que ces violations sont extrêmement préjudiciables. Ce projet de loi vous donne l'occasion de nous protéger, et c'est ce que nous attendons de vous.
Nous sommes heureux de constater que le gouvernement applique une approche multidimensionnelle pour évaluer l'impact de l'IA. Nous croyons qu'il est important de mettre à jour le régime de protection de la vie privée au Canada et de mettre en place un cadre qui permettra le développement et le déploiement de l'IA en tenant compte des dangers que pourraient éventuellement présenter leurs technologies.
Nous tenons à féliciter le gouvernement d'avoir présenté le projet de loi . En particulier, nous appuyons votre intention d'exiger le consentement de l'artiste-interprète à l'utilisation de ses données biométriques, comme son nom, son image et sa ressemblance. Nous espérons que la clarté exigée dans le consentement éclairé facilitera le travail que nous faisons pour veiller à ce que l'industrie ne piège pas les artistes-interprètes pour les forcer à renoncer à leurs droits.
Votre comité doit aller encore plus loin dans ce projet de loi afin de clarifier le type de préjudice que les artistes subissent souvent. Non seulement l'IA cause des préjudices personnels à des artistes-interprètes comme moi, mais encore elle menace aussi nos moyens de subsistance et nos réputations. Dans le secteur du divertissement, notre réputation — y compris notre nom, notre image et notre ressemblance — est tout ce que nous avons. Nous sommes la marque, que nous protégeons. La différence entre décrocher un emploi un jour et en louper un le lendemain peut se résumer aux détails les plus infimes, comme la réputation.
Malheureusement, le projet de loi ne tient pas compte des atteintes à la réputation. La définition de « préjudice », qui inclut le « préjudice psychologique » ou la « perte économique subie par un individu », n'englobe pas suffisamment le préjudice à notre réputation. En raison de la nature de nos activités, il se peut que nous ne soyons pas en mesure de faire la preuve d'un cas exact de perte de travail en raison d'un hypertrucage ou d'une manipulation, mais il ne fait aucun doute que l'atteinte à la réputation d'un artiste entraîne une perte réelle et tangible dans sa carrière.
Nous avons soumis à votre comité la formulation que nous proposons pour corriger cette lacune dans le projet de loi. Nous vous exhortons fortement à modifier la définition de « préjudice » afin de protéger les droits des artistes-interprètes par ce projet de loi.
Enfin, le gouvernement doit prendre des mesures pour modifier d'autres lois afin d'atténuer le préjudice que cause l'IA aux artistes-interprètes canadiens. Plus précisément, nous croyons que la Loi sur le droit d'auteur joue fondamentalement contre les artistes-interprètes en ne leur reconnaissant pas un droit moral. Nous engageons le Comité à agir sans tarder dans le contexte de ce projet de loi ou ailleurs, pour protéger les artistes-interprètes canadiens. Nous savons que le prochain projet de loi d'exécution du budget pourrait contenir des modifications à la Loi sur le droit d'auteur, et nous vous demandons de sensibiliser la à l'urgence d'y prévoir des droits moraux pour les artistes, comme pour les musiciens.
Mesdames et messieurs, nous reconnaissons que ce projet de loi ne fait qu'effleurer la surface des outils de politique publique dont dispose le gouvernement dans ce dossier. Nous vous exhortons à nous prendre au sérieux. Notre secteur est un moteur économique au Canada, avec de vrais travailleurs qui s'efforcent de gagner leur vie et de contribuer à la vie culturelle canadienne. Nous comptons sur les législateurs que vous êtes pour veiller à ce que nous puissions être protégés et continuer à travailler aujourd'hui et demain.
Merci. Mme Kelly et moi serons heureuses de répondre à vos questions.
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Au nom de l'Association nationale des éditeurs de livres, je vous remercie de me recevoir à l'occasion de cette étude qui porte sur la première initiative législative visant à réglementer spécifiquement les systèmes d'intelligence artificielle au Canada.
Je m'appelle Stéphanie Hénault et je suis directrice des affaires juridiques de l'Association, qui regroupe les maisons d'édition de livres francophones au pays. Avec l'association qui représente les auteurs au Québec, l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, nous avons créé la société québécoise de gestion collective des droits de reproduction Copibec. Celle-ci offre aux utilisateurs et aux titulaires de droits des solutions adaptées à la gestion de droits et de redevances. Associés à la plus grande fédération d'éditeurs au monde, l'International Publishers Association, nous promouvons l'édition comme vecteur de développement économique, culturel et social, et demeurons à la fine pointe de son évolution. En participant collectivement à d'incontournables foires et salons internationaux, en accueillant des éditeurs, des libraires et des journalistes étrangers au pays ainsi que de nombreux projets structurants, nous multiplions les actions qui favorisent le rayonnement du livre franco-canadien.
Voici quelques exemples. Nous avons créé l'Entrepôt ANEL‑De Marque, qui a permis le développement fructueux d'un modèle commercial complémentaire à celui de l'imprimé, et nous appuyons nos membres pour la mise en œuvre de stratégies numériques favorisant leur essor. Concrètement, nous promouvons le livre dans tous ses formats dans les pays francophones et encourageons sa traduction en Allemagne, en Argentine, en Chine, en Égypte, en Espagne, aux États‑Unis, au Mexique, en Islande, en Suède, en Serbie et en Turquie, pour ne nommer que ces pays.
Plus la littérature canadienne se fait connaître à l'international, plus elle séduit les lecteurs. Plus elle se fait remarquer par les jurys, plus elle est primée et plus elle se vend sur tous les continents, y compris dans notre propre pays. Les quelques chiffres qui suivent illustrent le succès du livre francophone canadien. Au Québec seulement, la vente de livres neufs représente un marché d'environ 680 millions de dollars par année. Au Québec toujours, la part de marché des maisons d'édition francophones représente 50 % des ventes, même si quelque 900 éditeurs étrangers y distribuent leurs livres.
À l'ère de l'intelligence artificielle, l'ensemble du secteur canadien du livre a plus que jamais besoin que vous le souteniez en établissant des politiques et des programmes actualisés et en encourageant l'offre légale de contenus dans ce domaine.
C'est pourquoi nous avons pris part activement à la récente consultation portant sur l'intelligence artificielle générative et le droit d'auteur, en faveur du développement responsable de l'intelligence artificielle. Nous l'avons fait avec Access Copyright, l'Association of Canadian Publishers, l'Association des éditeurs de langue anglaise du Québec, la Canadian Authors Association, le Canadian Publishers' Council, Copibec, le Literary Press Group of Canada, le Regroupement des éditeurs franco-canadiens, le Writers' Union of Canada, l'Union des écrivaines et des écrivains québécois, ainsi qu'avec nos autres partenaires réunis au sein de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles.
Le secteur mondial de l'édition s'appuie sur le droit d'auteur, en particulier le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'utilisation d'œuvres et d'accorder des licences moyennant rémunération. Ces droits sont engagés lorsque des œuvres sont intégrées dans des systèmes d'intelligence artificielle et lors de l'utilisation de ces systèmes si des œuvres y sont reproduites. Pour les titulaires, la faculté d'accorder ou non la permission d'en faire ces utilisations est aussi importante que la compensation pouvant en découler, en particulier quand la production du système d'intelligence artificielle concurrence l'œuvre, s'y substitue ou porte atteinte au droit moral de l'auteur, pour ne nommer que ces préjudices.
Au Royaume‑Uni, en Europe et sur le marché nord-américain, on assiste à une multiplication d'actions pour violation du droit d'auteur contre des modèles d'intelligence artificielle ou à la conclusion d'accords commerciaux pour concéder sous licence du contenu pour la fouille de textes et de données.
Au Canada, l'octroi de licences pour la fouille de textes et de données est un marché naissant. Nous implorons le gouvernement, au nom du secteur du livre, d'encourager celui-ci en modifiant la partie 3 du projet de loi afin qu'il soit clairement établi que l'intelligence artificielle doit se développer et se déployer de manière responsable, et ce, de la façon suivante: premièrement, en appliquant des procédures qui garantissent le respect de la législation sur les droits d'auteur lors de l'entraînement de ses modèles; deuxièmement, en ayant des obligations de transparence comme la publication et la mise à disposition d'informations sur les contenus intégrés dans son système; et finalement, en précisant de façon claire et explicite dans ses propres conditions de licence avec ses utilisateurs que ceux-ci sont tenus de respecter le droit d'auteur.
Dans les cas de contrefaçon impliquant un développeur, un fournisseur ou un utilisateur d'intelligence artificielle, la Loi sur le droit d'auteur offre des recours aux titulaires pour en disposer. Cependant, en amont, la législation encadrant spécifiquement l'intelligence artificielle doit au minimum énoncer la nécessité de respecter la propriété intellectuelle des Canadiens. Autrement, le marché canadien des droits risque d'être touché encore plus négativement, alors que des systèmes vont se développer et se déployer de manière opaque, injuste et illégale.
J'espère être bien claire: nous ne sommes pas contre l'intelligence artificielle, mais nous soutenons que tous les acteurs du marché canadien doivent soutenir les intérêts légitimes des auteurs et des maisons d'édition, de même que leur contribution essentielle à l'innovation, au savoir, à la culture, à la diversité, au rayonnement, à l'économie et à la richesse du pays. Nous insistons donc pour que vous vous assuriez que notre pays se conforme minimalement aux pratiques internationales respectueuses des auteurs et des éditeurs, comme le fait l'Europe avec sa nouvelle législation sur l'intelligence artificielle, pour éviter que le Canada ne passe pour une république de bananes de compagnies technologiques à l'échelle internationale.
En terminant, permettez-moi de souligner qu'auteurs et éditeurs comptent également sur vous pour que soit améliorée la Loi sur le droit d'auteur, sans quoi ils ne pourront pas toucher les redevances légitimes que leurs homologues internationaux perçoivent lorsqu'on reproduit leurs œuvres dans certains établissements d'enseignement. Je me permets aussi de vous rappeler que cette priorité a été soutenue par le Comité permanent de la science et de la recherche dans son rapport de novembre 2023, intitulé « Soutien à la commercialisation de la propriété intellectuelle ».
Au nom de l'Association nationale des éditeurs de livres, merci beaucoup de votre écoute. Je demeure disponible pour des questions.
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Monsieur le président et chers membres du Comité, permettez-moi de vous remercier de votre invitation et de saluer cette première occasion que vous offrez au milieu culturel de présenter ses commentaires à l'égard du projet de loi .
Je suis la directrice générale de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles, qui célèbre cette année 25 ans d'existence. La Coalition réunit plus de 50 membres, soit des syndicats, des associations professionnelles et des sociétés de gestion francophones et anglophones du secteur culturel du Canada. Nous couvrons une large diversité de disciplines: l'audiovisuel, la musique, les arts numériques, le livre et l'édition, ainsi que les arts visuels et les arts vivants. Nous représentons plus de 350 000 créateurs et créatrices et près de 3 000 entreprises du milieu culturel.
Aujourd'hui, je suis en bonne compagnie, entourée de trois membres de la Coalition: l'Association nationale des éditeurs de livres du Québec, la Guilde canadienne des réalisateurs et l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists. Ce petit échantillon n'illustre qu'un pan des effets du développement de l'intelligence artificielle sur notre milieu. Je vous invite à continuer à consulter le secteur culturel pour entendre aussi des représentants des artistes visuels, des scénaristes, des producteurs, des compositeurs, des auteurs et j'en passe.
La Coalition a pour mission première de veiller à ce qu'une exception culturelle soit prévue dans les accords de commerce, afin de préserver la souveraineté culturelle canadienne. Nous veillons aussi à ce que le Canada adopte des politiques publiques qui assurent la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, incluant dans l'environnement numérique. Notre action s'appuie sur la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cette convention de l'UNESCO a vu le jour grâce aux efforts concertés du Québec et du Canada, mais aussi de la France, et je rappelle que le Canada a été le premier pays à la ratifier.
Nous sommes ici aujourd'hui afin de commenter un projet de loi qui vise à protéger les Canadiens et les Canadiennes des risques posés par les développements fulgurants de l'intelligence artificielle, notamment l'intelligence artificielle générative.
La Convention de 2005 rappelle que la diversité culturelle est « indispensable à la paix et à la sécurité aux plans local, national et international ». Autrement dit, le développement d'une intelligence artificielle responsable doit prendre en compte cette diversité et s'assurer de la protéger. La diversité est essentielle à la sauvegarde de notre liberté d'expression, à la santé de notre démocratie et au maintien de notre souveraineté.
Le projet de loi C‑27 traite essentiellement des risques posés à des individus par l'intelligence artificielle. Comme d'autres l'ont fait avant nous, nous souhaitons insister sur l'importance de prendre également en considération les risques sociétaux posés par l'intelligence artificielle.
En effet, l'objet de la nouvelle loi proposée, à l'article 4, ou la définition de préjudice qu'on retrouve dans le texte sont trop restreints. Reprenant une formulation que l'on trouve dans la législation sur l'intelligence artificielle de l'Union européenne, nous suggérerons qu'un des objectifs de la nouvelle loi soit de protéger la santé, la sécurité et les droits fondamentaux inscrits dans la Charte, y compris la démocratie — dont la diversité des expressions culturelles est un pilier — et l'état de droit, ainsi que l'environnement contre les effets nocifs des systèmes d'intelligence artificielle.
Le thème principal des témoins d'aujourd'hui est le droit d'auteur. Cela est réjouissant, puisque nous sommes convaincus que le projet de loi C‑27 a un rôle majeur à jouer en la matière.
Récemment, le gouvernement du Canada a mené une consultation concernant les effets de l'intelligence artificielle générative sur le droit d'auteur. Le milieu culturel est unanime: contrairement à une perception répandue, la législation canadienne sur le droit d'auteur n'a pas besoin d'être modernisée de façon importante pour protéger les titulaires de droits en réaction aux développements de l'intelligence artificielle générative. En effet, elle protège déjà la création humaine et interdit l'utilisation non autorisée de contenus culturels protégés. Toutefois, en raison d'un manque de transparence concernant les données utilisées pour nourrir les systèmes d'intelligence artificielle, cette loi ne peut être mise en œuvre de façon optimale. C'est ici que le projet de loi C‑27 doit jouer un rôle.
Voici deux pistes de solutions concrètes qui permettraient à la Loi sur le droit d'auteur de reprendre sa pleine efficacité, au bénéfice des titulaires de droits, mais aussi des Canadiens et des Canadiennes.
Il faut s'inspirer de la législation européenne sur l'intelligence artificielle. Il faut aller plus loin que l'obligation de conserver des registres de données, comme cela est indiqué au nouveau paragraphe 7(2) proposé par amendement au projet de loi C‑27, et notamment prévoir qu'un résumé suffisamment détaillé de l'utilisation des données de formation protégées par le droit d'auteur est mis à la disposition du public.
De plus, il faut inscrire plus clairement que le projet de loi C‑27 induit des responsabilités à l'égard de la Loi sur le droit d'auteur, comme l'a fait l'Union européenne.
Le cadre de responsabilisation indiqué au nouveau paragraphe 12(5) proposé par amendement au projet de loi C‑27 pourrait ainsi prévoir des politiques et procédures concernant la Loi sur le droit d'auteur et l'utilisation de la voix, de l'image ou de la réputation d'un individu.
Ces ajouts seraient en phase avec la réglementation qui se met en place à l'international et favoriseraient le développement d'un marché de licence basé sur le consentement et la rémunération des ayants droit.
Je vous remercie de votre attention et serais heureuse de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Mes salutations au président, ainsi qu'aux membres du Comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à cet important travail.
Je m'appelle Dave Forget, et je suis le directeur général national de la Guilde canadienne des réalisateurs, la GCR. Je suis accompagné aujourd'hui de Sam Bischoff, responsable des politiques et des affaires réglementaires. Nous remercions le Comité de son invitation.
L'IA générative menace l'écosystème de la création au niveau existentiel. Les créateurs devraient avoir le droit de refuser leur consentement et d'être rémunérés lorsqu'une entité d'intelligence artificielle utilise leur contenu protégé par droit d'auteur. À la croisée des chemins pour réglementer l'IA afin de nous protéger contre les préjudices, nous croyons qu'il est crucial de protéger les créateurs contre les préjudices économiques et moraux causés par la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, c'est‑à‑dire la LIAD.
La Guilde canadienne des réalisateurs est une organisation syndicale nationale qui représente plus de 7 000 membres clés du personnel de création et de logistique des industries du cinéma, de la télévision et des médias numériques. Aujourd'hui, elle compte également plus d'un millier de réalisateurs qui travaillent dans tout le pays à la programmation audiovisuelle.
Le secteur canadien du cinéma et de la télévision génère énormément de valeur, d'emplois et de puissance douce. En 2021‑2022, l'ensemble de la chaîne de valeur du secteur audiovisuel a contribué directement à l'économie canadienne à hauteur de 337 000 emplois, 16,6 milliards de dollars de revenu du travail et 23,3 milliards de dollars de PIB. Cependant, l'intelligence artificielle menace le cœur de cet écosystème. Les grands développeurs de modèles linguistiques reproduisent de vastes quantités de créations à des fins commerciales sans autorisation ni juste rémunération des auteurs.
Le droit d'auteur demeure une loi-cadre centrale régissant notre industrie. La copie non autorisée pour former des modèles d'IA est du vol. De plus, il est très difficile pour les titulaires des droits de savoir quand leurs œuvres ont été utilisées sans leur consentement dans la formation de modèles d'IA. Les créateurs devraient pouvoir déterminer dès le départ si leurs œuvres sont copiées et utilisées pour des fins d'exploration. La transparence des systèmes d'IA doit être une condition préalable de la défense des droits des auteurs. Il s'agit d'un élément fondamental pour assurer un avenir favorisant l'épanouissement de la créativité humaine.
Dans sa forme actuelle, la LIAD ne protège pas et ne respecte pas les principes fondamentaux du droit d'auteur. Nous avons besoin de la LIAD pour faire ce qui suit, dans le sens des protections offertes aux créateurs en vertu de la Loi européenne sur l'intelligence artificielle.
Premièrement, confirmer que l'utilisation de contenu protégé par droit d'auteur nécessite l'autorisation du titulaire des droits. Cela serait assujetti à l'exception limitée pour la reproduction éphémère technique, qui représente l'exception très limitée du Canada pour les activités d'exploration de textes et de données, dans la mesure où elle s'applique.
Deuxièmement, les systèmes polyvalents d'IA comme ChatGPT doivent être transparents au sujet des documents utilisés pour la formation. Ils doivent donner une description des renseignements sur les données utilisées pour la formation, les tests et la validation, et expliquer comment ces données ont été obtenues et sélectionnées.
Troisièmement, les fournisseurs de modèles polyvalents d'IA devraient être tenus d'instaurer une politique pour respecter les lois canadiennes sur le droit d'auteur, y compris l'obtention du consentement pour fins d'exploration de textes et de données. Le fournisseur qui met sur le marché canadien un modèle polyvalent d'IA devrait se conformer à cette obligation, quel que soit le territoire où la formation a lieu.
Je cède la parole à M. Bischoff.
Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter avec vous du projet de loi dans la perspective des grandes étiquettes de musique au Canada.
La création de règles d'engagement pour l'IA arrive à point nommé pour l'industrie de la musique, au Canada comme à l'étranger. D'entrée de jeu, je dirai que notre industrie utilise déjà des éléments positifs de l'intelligence artificielle comme outil pour aider les artistes à faire de la musique plus intrigante et intéressante, et l'utilise, encore une fois comme outil, pour aider les artistes, y compris les artistes canadiens, à nouer des liens avec des admirateurs du monde entier.
Bien entendu, ces aspects ne sont pas au cœur du projet de loi ni des raisons pour lesquelles il faut pousser la réglementation. Je consacrerai le reste de mon temps à vous dire où vous pouvez le plus nous aider.
Comme nous l'avons vu avec le téléchargement illégal dans la génération précédente, l'utilisation et la propriété de la musique sont un précieux canari dans la mine de charbon. Depuis, nous avons compris l'importance de réglementer la technologie pour son utilisation pratique et commune plutôt que d'inclure des exceptions dans nos lois et nos cadres économiques pour les cas de concentration. Nous avons appris que la valeur de la musique et d'autres formes d'expression créative ne peuvent pas être sacrifiées au profit du rythme de la révolution technologique, et nous avons appris que la musique de qualité, sûre et sous licence est aussi populaire auprès des amateurs de musique qu'auprès des artistes qui sont payés lorsque leur musique est jouée.
C'est pourquoi Music Canada appuie les efforts déployés dans le projet de loi en ce qui concerne la réglementation de l'IA générative.
Il y a trois endroits où nous vous encourageons à aller encore plus loin.
Il faut d'abord que les développeurs de l'IA tiennent et rendent disponibles des registres des œuvres qui ont été englouties et utilisées pour la formation. Une grande partie du cadre économique des industries qui seront touchées désormais par l'essor de l'IA suppose que tout le monde comprenne d'où part la formation en IA. Pour bien comprendre cela, ces registres sont indispensables.
Les partisans les plus enthousiastes de la technologie débridée vous diront que cette demande se situe entre ne rien comprendre et dire que ce n'est pas possible. Je demande au Comité d'y réfléchir de la façon suivante: si l'IA est capable de guérir des maladies, de concevoir des villes nouvelles et meilleures pour l'avenir et de faciliter un peu les déplacements de députés toujours pressés, alors elle peut certainement générer un chiffrier ou dresser une bibliographie.
Deuxièmement, le projet de loi peut aller plus loin en exigeant l'étiquetage des images et des vidéos générées uniquement par intelligence artificielle, surtout dans les cas où elles personnifient quelqu'un de connu. À l'heure actuelle, nous sommes au bord de la vallée de l'étrange avec l'IA. Lorsque vous aurez compris quoi chercher, vous pourrez comprendre que l'image du pape vêtue d'une veste bouffie blanche n'est pas une photo du pape, mais cette technologie ne sera jamais pire qu'elle l'est aujourd'hui. Chaque jour, elle s'améliore et, à bien des égards, elle est un outil de plus en plus dangereux de tromperie et de mésinformation. Exiger l'étiquetage est une étape importante pour régler ce problème.
Troisièmement, il faut considérer les hypertrucages et les clones de la voix comme une menace et préparer notre système juridique afin d'amener tout le monde à reconnaître que la production d'hypertrucages et de clones de la voix à l'insu de la personne clonée est répréhensible.
En tant qu'élus, vous savez qu'il faut toute une vie pour se faire la réputation qui ouvre les portes de la Chambre des communes. Vous savez aussi qu'il suffit d'un instant pour l'anéantir. De plus en plus, c'est un fait que les gens de toutes les professions, de tous les modes de subsistance et de tous les âges sont confrontés à la prolifération des hypertrucages et à la facilité avec laquelle ils peuvent être produits.
Abacus Data a constaté que l'exposition aux hypertrucages est monnaie courante et que les Canadiens s'inquiètent des risques. Un Canadien sur deux a pris un hypertrucage pour une vidéo authentique. C'est encore pire chez les jeunes Canadiens, dont 77 % ont été trompés et 15 % disent que cela arrive tout le temps. Les Canadiens s'inquiètent des effets des hypertrucages sur les artistes, les dirigeants politiques et les chefs d'entreprise, mais 79 % des Canadiens s'en inquiètent aussi pour eux-mêmes. Presque à l'unanimité, à 93 %, les Canadiens sont d'accord pour dire qu'ils devraient avoir le droit d'interdire ces personnifications.
Il est maintenant temps de renforcer le projet de loi et toutes nos lois afin d'adapter aux réalités numériques d'aujourd'hui pour tous des lois analogiques désuètes dont l'objet était au départ d'interdire l'utilisation sans consentement d'images de célébrités dans les publicités diffusées dans les revues.
Certains demanderont: Et la liberté d'expression? En ce qui concerne les hypertrucages, la réponse est simple: mettre vos mots dans ma bouche ne fait pas partie de la liberté d'expression.
Et la parodie? Les hypertrucages ne sont pas de la parodie. Ils n'imitent pas l'exagération délibérée pour son effet comique. Ils visent à tromper, à mésinformer et à voler l'identité d'une personne au profit d'une autre. En 2024, dans un environnement numérique, c'est illégal, disons‑le clairement.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
Pour les autres témoins qui veulent s'exprimer là‑dessus, disons qu'il faudrait réunir des données. D'après les témoignages, il semble bien que tout le monde est d'accord pour dire que c'est ce que nous voulons.
Maintenant, la question est de savoir si c'est pour la Loi sur le droit d'auteur, avec d'autres consultations maintenant, ou pour la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, soit la LIAD elle-même. Je crois savoir que ce sera dans le cadre de la LIAD. Certaines parties renvoient à la Loi sur le droit d'auteur, mais c'est ce que nous voulons voir.
Est‑ce que des témoins veulent en parler ou faire des commentaires à ce sujet?
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Monsieur le président, je remercie le député de sa question.
Écoutez, je pense qu'au bout du compte, il est très important de nous rappeler à ce stade que la technologie qui peut nous amuser est la même qui peut nous terrifier. Ce site en particulier est intéressant et peut nous faire rire.
Nous serons peut-être un jour en mesure d'accorder des licences pour ces choses‑là, mais si elles sont volées, essentiellement, les renseignements et les données nécessaires pour les créer disparaissent d'Internet et le droit d'auteur est violé. Aucun des artistes dont l'œuvre a été reproduite de cette façon n'a donné son consentement et n'a été rémunéré, et cela nous préoccupe au plus haut point.
Je pense qu'il est très important, dans le cadre de ce premier essai, de garder à l'esprit certains de ces principes fondamentaux. Nous savons que nous n'accepterions jamais cela autrement. Ce n'est pas parce que cela se fait rapidement et en grandes quantités que c'est plus légal.
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Je vous remercie de cette question.
Nos membres sont des acteurs. Ce sont des artistes-interprètes. On les voit au cinéma et à la télévision. On les voit dans les jeux vidéo. Ils sont très exposés aux hypertrucages et aux abus. Ce que nous voulons faire ressortir ici, c'est que lorsqu'il s'agit d'acteurs et d'interprètes, nous sommes en quelque sorte des observateurs de l'extérieur qui suivent les protections du droit d'auteur. Nous prenons un peu de recul et disons que le premier problème pour les acteurs est que la Loi sur le droit d'auteur ne leur reconnaît pas de droits moraux pour les protéger au départ. Les musiciens ont eu des droits moraux lorsque Napster est apparu et a commencé à voler leur musique il y a quelques décennies. Aujourd'hui, nous avons la même situation avec les hypertrucages qui volent l'image des interprètes. La Loi sur le droit d'auteur ne nous donne pas de droits moraux. Nous disons qu'il faut y voir immédiatement.
Dans le projet de loi , nous voyons également que « préjudice » comprend « préjudice physique ou psychologique ». Je dirais que pour prouver le préjudice psychologique, nous devrons sortir le DSM, le déposer devant le tribunal et expliquer la condition qui a été produite. Ce ne peut pas être le niveau pour un artiste-interprète. Ensuite, il y a le dommage aux biens d'un individu. Comme je viens de vous le dire, nous n'avons pas de protection du droit d'auteur. Il y a ensuite la « perte économique subie par un individu ». Ce qu'il faut comprendre, c'est que les artistes-interprètes ont un emploi précaire. Tous les jours, ils passent des auditions pour le prochain emploi. Ce peut être une journée de tournage dans une série ou un film. Chaque jour, ils doivent se chercher un nouvel emploi. Comment prouver qu'ils n'ont pas obtenu le rôle convoité dans Law & Order? Comment prouver qu'il s'agit d'une perte économique?
Il ne faut pas oublier le préjudice à la réputation. Eleanor Noble vit de ce que vous voyez ici. Son nom, son image, sa ressemblance, elle s'en soucie dans tout ce qu'elle fait, dans ses activités professionnelles ou dans sa vie privée, parce qu'elle sait que son prochain boulot en dépend, et pourtant, elle est exposée aux risques constants des hypertrucages.
Nos données sont maintenant faciles à saisir. Tout est diffusé en continu. Tout est sur votre téléphone. Dans votre ordinateur. Elles sont faciles à saisir, pour utilisation pour une bonne ou une mauvaise fin. Nous avons vraiment besoin que le Comité se penche sur les répercussions pour les artistes-interprètes au pays.
:
Merci à vous tous d'être ici.
Je vous remercie vraiment de faire entendre votre voix dans cette importante conversation. Vous représentez tous des acteurs et des membres incroyablement importants de nos industries créatives, et je crois que nous sommes tous très préoccupés par l'IA et les préjudices qu'elle peut causer à des personnes qui gagnent leur vie et qui, dans bien des cas, je pense, ont bâti leur réputation pendant de nombreuses années, au prix d'un travail acharné. Je comprends toutes vos positions. J'ai lu à l'avance une bonne partie de vos mémoires et de vos documents. Je vous suis vraiment reconnaissant d'être ici. Permettez-moi de commencer par cela.
J'entends constamment parler de l'intersection avec le droit d'auteur. C'est parfaitement normal. Je comprends qu'il y a des recoupements entre le projet de loi et le droit d'auteur, même si nous savons que le projet de loi C‑27 ne traite pas du droit d'auteur. Le gouvernement du Canada mène des consultations et des tables rondes. Il a déjà tenu sept tables rondes.
Je voudrais commencer par demander à chacun d'entre vous — peut-être un représentant de chaque groupe — si vous avez été consulté et si vous participez au processus de consultation sur le droit d'auteur. Le gouvernement du Canada cherche à déterminer si cette conversation mérite des amendements à la Loi sur le droit d'auteur dans le cadre d'un processus distinct, mais sans intervenir dans la portée de ce projet de loi.
Madame Noble ou madame Kelly, l'Alliance of Canadian Cinema Television and Radio Artists, l'ACTRA a‑t‑elle participé à ces consultations?
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Passons aux choses sérieuses.
Madame Desrochers, j'aimerais que vous nous parliez de la question de l'utilisation non autorisée d'œuvres artistiques, parce qu'on parle beaucoup des artistes et des compensations financières. Dans l'esprit du public, si vous proposez de rendre accessible, aux artistes ou au public, la liste des œuvres utilisées dans l'entraînement des systèmes d'intelligence artificielle générative, c'est nécessairement parce que les artistes veulent être payés, ce qui serait tout à fait légitime.
N'est-ce pas le droit le plus fondamental d'un artiste que de contrôler ce qui arrive à son œuvre, notamment de refuser l'utilisation de celle-ci pour une production cinématographique ou pour des adaptations? Pourquoi serait-ce différent avec l'intelligence artificielle? Pourquoi ces modèles peuvent-ils actuellement utiliser tout cela gratuitement, sans consentement et sans même qu'on le sache?
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C'est un produit, premièrement, et ce produit, créé par une machine, peut faire l'objet d'une poursuite en contrefaçon. Si on reconnaît une œuvre qui est protégée et dont l'utilisation n'a pas été autorisée, cela pose problème à l'utilisateur.
Quand vous achetez et lisez des livres et que vous vous en inspirez, le droit d'auteur le permet parce que, en commercialisant le livre, on vous a permis de le lire. Cependant, nos membres négocient constamment des licences pour toutes sortes de services, qu'ils soient dans le domaine de la technologie ou du livre imprimé. Chaque fois, ça se monnaie et on autorise l'utilisation.
La fouille de textes et de données peut se faire avec des œuvres qui sont autorisées avec ou sans rémunération ou avec des œuvres qui appartiennent au domaine public. Lorsqu'il s'agit d'œuvres protégées, ça prend des licences au même titre que des services qu'on veut utiliser, et pour lesquels il faut lire les conditions, payer et s'engager. Pour nous, c'est la même chose avec la propriété intellectuelle.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui.
La semaine dernière a été très intéressante. Nous avons reçu Google, Microsoft, Amazon et Meta. Très franchement, j'ai trouvé sidérant d'avoir devant nous un groupe de sociétés qui avaient été condamnées à des amendes de plusieurs milliards de dollars dans le monde, alors que nous n'avions pas eu le même genre de surveillance ici. Ces sociétés détiennent aussi des droits de distribution sur bon nombre des oeuvres que vous produisez ici.
Depuis lors, en fait, Microsoft, qui était présente ici, a été mise en cause dans son rachat d'Activision, qui touche bon nombre d'entre vous et les gens que vous représentez. La société vient d'annoncer qu'elle allait licencier un grand nombre d'employés chez Activision, alors qu'elle avait précédemment déclaré qu'elle ne le ferait pas. Les États-Unis prennent donc des mesures plus énergiques à cet égard.
J'aimerais simplement m'adresser à tous les témoins maintenant, parce que nous devons prendre une décision au sujet de ce projet de loi, qui, essentiellement, fait passer beaucoup de choses du côté de la réglementation. Dans le meilleur des cas, il sera mis en oeuvre dans probablement trois ans, ou nous pouvons le remanier de façon générale, en commençant presque du début. C'est aussi parce que le gouvernement ne veut pas séparer les aspects liés à la Loi sur la protection des renseignements personnels, où je pense qu'il y a beaucoup de points communs, des aspects liés à l'IA.
Nous pourrions peut-être commencer par l'ACTRA.
Devrions-nous recommencer à zéro ou essayer de continuer notre travail? Je ne sais pas trop quoi penser à ce sujet. Très franchement, j'ai été très déçu par la réunion de mercredi dernier... Je n'ai jamais vu, pendant toutes les années que j'ai passées ici, un groupe de témoins constitué d'entreprises ayant une influence sur tant de Canadiens, qui ont été condamnées à payer des amendes — et des poursuites judiciaires — notamment à d'autres gouvernements à travers le monde, pour des milliards de dollars. Nous n'avions jamais eu un groupe de témoins comme celui-là, et pourtant ils sont entrés dans la salle et en sont repartis comme si de rien n'était. Ils ont envoyé des gens chargés des relations gouvernementales, dont certains avaient fait partie d'équipes gouvernementales du passé, et dont ils ont acheté les services.
Allons-nous poursuivre un processus qui nous expose à une éventuelle réglementation que le Parlement déléguera à bien des égards — pour sa mise à jour — ou essayons-nous de retravailler les choses et de remettre le Parlement sur le devant de la scène?
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À mon avis, il n'est pas acceptable que le gouvernement ne fasse rien. Partout dans le monde, les gouvernements sont aux prises avec ce problème, et nous comprenons qu'il s'agit d'une question très difficile qui touche tant d'industries différentes, qui touche autant les entreprises que les gens. Nous comprenons que c'est difficile. Nous croyons également qu'il faudra mettre en place un ensemble de mesures de protection. Il ne peut s'agir uniquement du projet de loi .
Lorsque je faisais du lobbying dans mon ancienne vie, on me disait toujours: « Obtenez ce que vous pouvez maintenant parce que le gouvernement ne réexaminera pas la question avant une autre décennie. » Ce ne peut pas être le cas ici. Nous devons faire de notre mieux, chaque fois que nous en avons l'occasion, pour protéger les Canadiens, les travailleurs et la société.
Ce que je vous dirais, au sujet du projet de loi , c'est que nous appuyons l'intention de veiller à ce que le consentement soit requis pour les renseignements biométriques. Nous comprenons que cela va commencer à protéger le nom, l'image et la ressemblance, mais vous nous entendez dire, même au sujet du projet de loi C‑27, qu'il ne va pas assez loin pour les artistes. Ce projet de loi doit prévoir de meilleures mesures de protection, mais il faut agir. Je dirais simplement au gouvernement qu'il faut agir rapidement.
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Je vous remercie de la question.
Ma réponse sera oui, nous devrions aller de l'avant, mais le contexte évolue si rapidement. Le projet de loi a été rédigé avant que l'IA générative n'ait des répercussions telles que nous les voyons maintenant. Il y a un peu plus d'un an, dans mon conseil d'administration élu, ce sujet est passé de l'arrière-plan à l'avant-plan.
Je peux me faire l'écho de certains des commentaires que vous avez entendus. Selon nos propres sondages auprès de nos membres, qui travaillent non seulement comme réalisateurs, mais dans une cinquantaine de catégories d'emploi différentes, cela les touche de différentes façons, et cela les touche profondément.
C'est une préoccupation majeure, et il est donc vraiment important d'agir rapidement, tout en apportant les améliorations nécessaires, dont nous sommes heureux de discuter ici aujourd'hui, précisément pour pouvoir protéger les créateurs.
Allez de l'avant de façon réfléchie, mais essayez de le faire rapidement. Ce serait notre conseil.
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Music Canada est le seul nom que je vois sur la liste, alors je ne suis pas surpris qu'il se soit trompé à ce point dans cette partie du projet de loi s'il n'a pas parlé aux groupes les plus concernés.
Lorsque j'achète un livre ou qu'une entreprise achète un livre, ou lorsque j'achète un billet pour assister à une représentation ou que je télécharge une chanson, depuis que Napster n'est plus là, je paie pour l'utiliser à des fins personnelles ou pour en faire une certaine utilisation au sein de l'entreprise. Si une université veut photocopier une partie d'un manuel, elle doit payer le droit d'auteur parce qu'elle l'utilise à des fins commerciales, n'est‑ce pas? Elle paie pour ce droit.
Est‑ce que l'un d'entre vous, ou l'un de vos organismes, a été payé pour une oeuvre de vos membres, artistes et écrivains qui a été utilisée par OpenAI, ChatGPT, Microsoft ou AWS? Y en a‑t‑il parmi vous qui ont été payés pour une de ces oeuvres jusqu'à présent?
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Oui. Je vous remercie de me permettre de faire un commentaire.
Il y a deux façons de procéder. Soit vous dites qu'il n'y a pas d'exceptions pour l'IA, que l'IA est comme tout le reste, et vous pouvez le faire dans une mesure législative comme le projet de loi et faire référence à la Loi sur le droit d'auteur, soit vous apportez le changement dans la Loi sur le droit d'auteur et vous dites que c'est le cas.
Nous n'avons pas créé de droits d'auteur pour la presse à imprimer. Nous avons créé le droit d'auteur pour Dickens et la reconnaissance que l'œuvre valait plus que ce que vous aviez payé immédiatement, et nous avons prolongé la durée du droit d'auteur pour les enregistrements sonores parce que les gens commençaient à vivre assez longtemps pour entendre leur chanson à la radio sans être payés. Nous avons donc apporté ce changement.
Si nous disons que nous savons qu'ils récupèrent nos créations, et que nous savons que c'est une utilisation — qu'elle a de la valeur —, nous pouvons simplement convenir maintenant que c'est le cas et mettre fin à ce genre de conversations théoriques amusantes où l'on dit: « Je ne sais pas. Est‑ce une copie? » Je sais que c'est une copie. Je sais qu'ils l'ont faite parce que nos créations ont de la valeur.
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Je pense qu'il va falloir rassembler un grand nombre d'éléments différents.
Le droit d'auteur est essentiel. Vous nous entendez dire cela en tant qu'acteurs. Je pense qu'il faut protéger les données que vous examinez dans le projet de loi . Je crois très important que nous examinions la façon dont elles sont récupérées et ce qui en est fait. Nous devons savoir d'où proviennent ces données pour être en mesure de retracer les mauvais acteurs — et les bons acteurs qui les prennent par hasard sans le savoir.
Qu'allez-vous faire dans le cas d'un travailleur dont l'employeur s'approprie les données pour générer un programme, comme une session de formation, etc.? Pourquoi ne pas inclure dans la Loi sur les normes d'emploi une disposition protégeant tous les travailleurs contre l'utilisation de leur nom, de leur image et de leur ressemblance sans consentement, sans contrôle et sans compensation?
Les lois sur la protection des renseignements personnels doivent être renforcées pour que nous ayons ces protections.
Je suis sûre qu'il faudra plus que cela. Il va falloir un ensemble d'éléments.
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Je pense que cela illustre bien la dichotomie entre les droits individuels et les droits collectifs. Nous avons dit un peu plus tôt à quel point nous ne pensons pas qu'il existe une vision globale de ce que nous appelons les droits collectifs. Nous négocions des droits collectifs, et nous voyons donc cela tout le temps.
Pour ce qui est des mauvais acteurs, je dirais que l'une des solutions consiste à encourager les bons acteurs. Pour ce faire, il faut qu'il y ait de l'ordre sur le marché et qu'il y ait un marché prévisible où la musique, les films et la télévision sont largement disponibles à un prix abordable pour que les clients puissent les acheter. C'est ainsi que l'on dissuade les mauvais acteurs.
J'aimerais vous faire part d'une réflexion qui me semble pertinente. Nous avons beaucoup parlé de la mesure dans laquelle les problèmes qui surviennent... D'ailleurs, l'une des réponses directes à votre question est que l'une des façons de décourager cette pratique est d'empêcher la dilution de la valeur en veillant à ce que les acteurs qui ne sont peut-être pas des mauvais acteurs, mais qui surfent sur le travail existant d'autres personnes pour créer de nouvelles choses le reconnaissent, obtiennent une autorisation et aient un modèle. Il s'agit également d'un impératif économique. Nous sommes heureux de pouvoir — nous concluons constamment des accords de ce genre — nous asseoir pour négocier ce que pourrait être un accord de licence. Nous constatons que cela se produit de plus en plus, donc alors c'est manifestement possible.
Mon dernier commentaire sera pour souligner la logique perverse. Les mêmes entités qui sont occupées à exploiter des œuvres protégées par le droit d'auteur dans le but de créer quelque chose de nouveau veulent faire fi du droit d'auteur sur les données d'entrée, mais cherchent ensuite à obtenir la protection du droit d'auteur sur les données de sortie. Je tiens à souligner, pour que ce soit bien clair, que ce sont les humains qui sont les moteurs de la création et non les logiciels. De plus, pour revenir au lien avec un marché ordonné et prévisible, il est problématique que du matériel dont vous n'avez pas obtenu la licence alimente quelque chose qui n'a pas été fabriqué par un être humain.
Je suppose que la question est la suivante: qu'advient‑il de cela en termes de...? Quand je pense au travail que font nos membres, je constate qu'il s'agit de millions de dollars d'investissement dans la création de films, de programmes télévisés et de médias numériques. L'enjeu est de taille, et les investisseurs voudront savoir qu'ils disposent d'un moyen d'exploiter ces œuvres et de générer des revenus.
Je suis désolé pour ma longue réponse, mais la question comportait de nombreux éléments.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Desrochers, des témoins ont comparu à notre comité et ils nous ont dit que, pour rendre plus sécuritaire l'environnement dans lequel tous les types de modèles d'intelligence artificielle se déploient, il devrait peut-être y avoir un registre au gouvernement fédéral. Quand on a un modèle à incidence élevée, les compagnies devraient en déposer le code et avoir un plan d'atténuation des risques.
Je reviens à la question de la diversité culturelle. Ce qui est intéressant, c'est que les représentants des Google, Apple, Facebook et Amazon de ce monde qui sont venus témoigner ici nous ont défini des modèles à incidence élevée et à haut risque mettant en cause la santé, la sécurité et, je pense, l'intégrité des gens. Croyez-vous que la diversité culturelle devrait être incluse dans cette définition? Si c'est le cas, comment cela pourrait-il s'opérationnaliser?
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C'est une bonne question.
D'abord, même si toutes nos œuvres étaient traitées par les machines, elles demeureraient minoritaires dans toute l'information qui est traitée par ces machines. Je ne pense pas donc que cela suffirait à protéger la diversité de nos expressions culturelles ou à refléter adéquatement notre culture dans ces modèles.
La question des cultures et des langues minoritaires est étudiée par plusieurs personnes en ce moment. Il y a toutes sortes de projets qui se développent pour voir comment l'intelligence artificielle peut contribuer à propulser ces cultures minoritaires ou à assurer leur sauvegarde.
Ensuite, on peut réfléchir à la possibilité de mettre en place des solutions innovantes pour s'assurer que notre culture continue d'avoir sa place dans un environnement où l'intelligence artificielle s'installe, mais en conservant le plus possible le contrôle de nos données et de nos histoires. Il y a toutes sortes de propositions qui circulent en ce moment.
On reconnaît que le développement de l'intelligence artificielle reproduit les dynamiques de domination ou d'hégémonie qui se retrouvaient déjà dans l'environnement. Il ne faudrait donc pas rendre nos données disponibles à bas prix, sans consentement et dans des conditions qu'on ne contrôle pas et espérer que la culture québécoise se retrouve tout d'un coup mieux représentée dans les systèmes d'intelligence artificielle.
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Merci, monsieur le président.
Ce que nous avons entendu de la part d'un certain nombre de témoins différents est intéressant. Souvent, ils nous disent de faire quelque chose, mais ils nous disent aussi de veiller à nous aligner, dans une certaine mesure, sur les États‑Unis et l'Europe. Je ne sais pas comment nous pourrions faire les deux.
Je pourrais peut-être m'adresser à Mme Noble à ce sujet. Nous avons parlé dans les grandes lignes de la façon dont l'IA peut vous exploiter, mais je sais que l'ACTRA représente également les enfants acteurs. Je me demande à quoi ressemble maintenant le modèle d'autonomisation en termes de vulnérabilité, même en dehors de l'IA, lorsqu'il s'agit d'essayer d'obtenir un contrat, de renoncer aux droits visuels, à votre voix et à toutes les autres choses qui pourraient être capturées, même sans une IA aussi perfectionnée qu'elle l'est aujourd'hui, en raison des enregistrements et des choses qui peuvent arriver, et à quel point cela peut être effrayant pour l'avenir et pourrait peut-être empêcher plus de gens d'exercer leurs droits si nous ne faisons pas bien les choses.
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J'ai participé à quelques conférences aux États-Unis, cet été, dans le cadre de mes activités entre le Canada et les États-Unis. Certaines de ces entreprises parlaient de la façon dont elles essayaient de corriger leurs préjugés ethniques et culturels en ce qui concerne les données réelles introduites dans l'intelligence artificielle, et de la façon dont elles construisent leurs modèles. Elles reconnaissaient qu'il y avait des lacunes importantes.
Ce que vous dites, je suppose, c'est que l'information qui est maintenant recueillie sur l'artiste pourrait être reproduite et utilisée dans des représentations biaisées sur des plateformes multimédias pendant des générations, alors que l'artiste serait toujours là.
Vous avez tenu des propos semblables, monsieur Rogers, au sujet de l'artiste. J'ai trouvé cela très intéressant, parce que vous avez raison. J'étais ici pour l'examen du droit d'auteur. C'était en partie parce qu'ils pouvaient littéralement s'entendre chanter, car ils vivaient plus longtemps. Cela peut aussi être l'héritage que l'artiste laissera derrière lui.
Très rapidement, je sais que parfois, nous signons tous des contrats aux dispositions nébuleuses dans le cadre desquels nous renonçons à notre vie privée. Est‑ce la même chose dans votre industrie? Les artistes doivent-ils comprendre à quoi ils renoncent dans ces longs formulaires, et tout ce qu'on leur présente au dernier moment? Ce genre de vulnérabilité existe‑t‑il?
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C'est une bonne question.
J'aimerais vous donner un petit aperçu de la vie des artistes. Premièrement, ils savent très bien que s'ils sont difficiles, ou perçus comme tels sur le plateau, cela va se savoir et ils n'obtiendront pas un autre emploi. Lorsqu'ils se présentent, les artistes veulent faire plaisir au réalisateur, au producteur et aux gens sur le plateau. Ils arrivent bien trop souvent à 6 heures du matin, pour se coiffer et se maquiller. On leur remet un contrat et on leur dit de le signer. On leur remet un épais contrat. Ils ne sont pas avocats. Ils n'ont pas d'avocat avec eux, mais ils savent que s'ils ne signent pas, s'ils ne cèdent pas ce que le contrat leur demande de céder, ils n'obtiendront pas cet emploi, et peut-être un autre emploi.
Ce sont des travailleurs précaires qui doivent vraiment se préoccuper de leur prochain emploi. Ce ne sont pas eux qui font obstacle aux droits qu'ils devraient avoir dans notre société. Vous avez entendu parler de l'artiste ou de l'acteur en difficulté qui doit exercer un deuxième emploi, souvent dans un bar ou un restaurant. C'est la vérité. Ils ne peuvent pas payer leur loyer avec le salaire qu'ils gagnent en faisant le travail qu'ils aiment, et ils doivent ensuite faire face à la réalité d'être perçus comme étant difficiles à gérer.
Ils signent ces contrats, et ils ne savent pas ce à quoi ils renoncent.
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Ce n'est pas ce que j'ai dit.
Je suis contente que vous me posiez la question et vous en remercie.
L'édition étant une industrie mondiale, nous avons de fréquents échanges avec des partenaires internationaux. Or, nos homologues à l'étranger sont parfois très surpris de constater que la législation canadienne sur le droit d'auteur accuse du retard dans tous les secteurs.
La directive européenne vise à protéger les expressions culturelles, ce qui est un des objectifs de la législation européenne sur l'intelligence européenne, je crois, ainsi que la richesse de la francophonie et celle de toutes les langues. Or, dans le contexte de l'intelligence artificielle, il est encore plus important d'avoir de bonnes politiques publiques pour soutenir les industries culturelles en langue minoritaire.
Évidemment, l'anglais est une langue dominante qui voyage plus facilement, mais cela représente quand même des défis pour le marché anglophone du Canada, parce que le grand marché américain qui est juste à côté lui fait concurrence.
Pour ce qui est de l'industrie francophone du livre, les politiques publiques québécoises ont vraiment favorisé son essor, contrairement à d'autres industries culturelles. D'ailleurs, les chiffres sont là pour le démontrer. La part de marché de 50 %, un très bon pointage, a été obtenue grâce aux politiques publiques du Québec et du Canada, qui ont été structurantes pour le développement de l'industrie du livre.
Cependant, il est évident que ces politiques doivent être actualisées et modernisées. Le projet de loi à l'étude est une occasion d'aider la culture canadienne à continuer à émerger.
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C'est formidable d'avoir un peu plus de temps pour revenir à mes questions.
D'après ce que j'ai compris en lisant la LIAD et les amendements proposés, les organisations qui construisent des systèmes à vocation générale capables de générer des résultats doivent faire de leur mieux pour s'assurer que les résultats de ces systèmes peuvent être détectés facilement ou à l'aide d'un logiciel libre.
C'est une première chose. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. Je vais vous poser une question dans un instant, mais j'aimerais aborder quelques autres sujets.
D'autre part, cela renforce sensiblement le cadre d'application de la protection des renseignements personnels et exige un consentement explicite et significatif lorsque des renseignements personnels de nature délicate sont recueillis, utilisés ou divulgués. À mon avis, cela couvre l'information biométrique, qui s'appliquerait à tous vos acteurs, créateurs, interprètes et réalisateurs, etc. Il y a peut-être des exceptions.
De plus, les entreprises qui créent les systèmes d'intelligence artificielle sont également tenues de conserver les données relatives à la création et à l'exploitation des systèmes, ce qui peut suggérer qu'elles doivent tenir des registres sur la façon dont elles entraînent leurs systèmes.
Je comprends que nous pourrions aller plus loin, et que certains d'entre vous le souhaiteraient, mais ce sont là trois étapes qui semblent importantes pour accroître la transparence.
Je voudrais d'abord m'adresser à l'ACTRA. Il me semble que ce sont vraiment des mesures positives. Ne convenez-vous pas que ce sont des mesures très positives qui ont été ajoutées au projet de loi?
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Je crois que les amendements du sont un pas dans la bonne direction. Je pense que, comme nous en avons discuté, ils peuvent aller plus loin.
Cependant, je trouve désespérant qu'on puisse dire que, parce qu'il s'agit de gros chiffres ou que c'est compliqué, cela ne devrait pas être réglementé ou ne devrait pas être nécessaire.
Vous avez maintenant accès, sur votre téléphone, à presque toutes les chansons jamais enregistrées, et cela de façon légale et autorisée, parce qu'il y a eu une entente entre les titulaires de droits et les plateformes. C'est génial. À une certaine époque, on disait que ce n'était pas faisable. Des gens se sont assis ici et ont dit aux parlementaires: « Voulez-vous vraiment que j'aille chercher les droits de tous les titulaires de droits sur les chansons? Ne savez-vous pas qu'il existe un droit d'enregistrement et un droit écrit? Cela prendra une éternité. » Nous avons maintenant un processus de musique important, florissant, légal et autorisé sur de multiples plateformes.
C'est donc faisable. Je supplie les parlementaires de ne pas se laisser entraîner sur la voie du « c'est trop compliqué pour que vous compreniez. » Vous devez rejeter cela. Nous ne l'accepterions pas pour la réglementation nucléaire ou bancaire. Nous ne pouvons pas le permettre pour le vol des arts et de la culture.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais obtenir une précision.
Certains intervenants, dont bon nombre d'entre vous aujourd'hui, se sont dits préoccupés par le fait que la Loi sur l'intelligence artificielle et les données ne protège pas adéquatement le droit d'auteur des créateurs canadiens. C'est bien établi aujourd'hui.
Cependant, Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal du ministère, a expliqué au Comité, lors de sa comparution en octobre, que les aspects les plus efficaces pour répondre aux préoccupations relatives au droit d'auteur se trouvent dans la Loi sur le droit d'auteur, et que le gouvernement a annoncé une consultation sur le lien entre l'intelligence artificielle et le droit d'auteur. Certains de ces aspects ont été abordés.
Pour que ce soit bien clair pour moi et pour le ministère, pourquoi pensez-vous que les questions liées au droit d'auteur doivent être traitées explicitement dans la LIAD plutôt que dans la Loi sur le droit d'auteur? Quelqu'un veut‑il faire un commentaire à ce sujet? Des modifications à la Loi sur le droit d'auteur pourraient-elles être apportées à la place ou en plus des dispositions explicites sur le droit d'auteur de la LIAD? Si oui, lesquelles?
Si quelqu'un veut apporter ces précisions, ce serait très utile.
Monsieur Rogers, vous avez la parole.
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Merci. C'est très intéressant.
Madame Noble, votre témoignage au tout début m'a frappé.
Je viens de la vallée du Fraser et je représente la vallée et le canyon du Fraser. Tous les films Hallmark d'Amérique du Nord ont probablement été tournés dans ma circonscription, la plus importante au Canada, Mission—Matsqui—Fraser Canyon. L'année dernière, je passais littéralement toutes les semaines dans le centre-ville d'Abbotsford ou de Mission, et je voyais des films en plein tournage. Puis, il y a eu la grève aux États-Unis et l'industrie s'est arrêtée. En fait, les deux voisins de part et d'autre de ma maison travaillent dans l'industrie cinématographique et n'ont pas reçu de chèque de paie pendant près d'un an. Ces familles ont été très touchées. Ce sont de bons emplois bien rémunérés.
Tout d'abord, que disent les acteurs et les auteurs au sujet des lois équivalentes ou des problèmes équivalents aux États-Unis? Où devons-nous trouver l'interopérabilité avec les lois américaines, particulièrement en ce qui concerne la programmation en langue anglaise, pour nous assurer que nos écrivains, nos artistes et nos interprètes ne sont aucunement désavantagés?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Bienvenue à tous au Comité et bon début de semaine.
Les témoignages que vous avez livrés donnent facilement à penser que l'impact de l'intelligence artificielle est tout à fait comparable à celui causé par l'invention de la presse à imprimer il y a quelques centaines d'années. Je dis cela après une longue réflexion historique sur le sujet. En effet, la révolution industrielle nous a permis de faire rouler des trains sur des rails à travers le monde. On insiste beaucoup sur les possibilités offertes par l'intelligence artificielle dans votre domaine et dans votre secteur, mais on constate qu'il règne également une certaine fébrilité dans l'univers de l'intelligence artificielle dans lequel vous évoluez ou au sein de ce secteur technologique.
Madame Noble et madame Kelly, je vais commencer par vous. L'impact de l'intelligence artificielle est‑il plus fort du côté du droit d'auteur ou du côté de l'intelligence artificielle générative, où les humains ne seront peut-être plus nécessaires? Je vous demande cette précision parce que nous tenons actuellement des consultations sur le droit d'auteur et parce que la partie 3 du projet de loi, la Loi sur l'intelligence artificielle et les données, ne touche pas le droit d'auteur. J'aimerais avoir votre avis là‑dessus. Si vous deviez nous donner un pourcentage de l'impact dans les deux cas, quel serait‑il?
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Je vous remercie pour cette question. Je vous remercie également d'avoir fait allusion aux répercussions des deux grèves de l'an dernier sur nos membres, particulièrement en Colombie-Britannique.
Je dois dire qu'il y a eu beaucoup d'anxiété au cours de la dernière année. Nos membres exercent une diversité de fonctions. En plus des réalisateurs, il y a les monteurs de films et de bandes sonores, les régisseurs, les comptables de production, les coordonnateurs de production, les concepteurs et j'en passe.
Quand nous demandons à nos membres s'ils utilisent l'intelligence artificielle et comment ils voient l'avenir de cette technologie et l'impact qu'elle aura sur notre travail, nous entendons un point de vue bien différent, naturellement. Les concepteurs nous disent que le niveau d'appréhension est très élevé. Comme ce sont eux qui créent le monde que vous voyez à l'écran, ils sont responsables de l'œuvre d'art qui se trouve sur le mur dans la maison de la personne, là où se trouve le personnage. Les monteurs s'inquiètent des répercussions, de même que les réalisateurs et les auteurs, bien entendu.
Dans l'ensemble, je dirais que bon nombre de nos membres voient l'intelligence artificielle comme une technologie de transformation. Cela correspond à la définition que j'ai en tête d'une technologie qui aura une incidence élevée, tant pour les Canadiens que pour la culture, et sur la façon dont les œuvres sont produites.
Permettez-moi de faire un dernier bref commentaire. Nous avons l'habitude de l'innovation. Nous sommes passés au numérique il y a 30 ans. Nous n'utilisons plus de pellicule pour produire des films, car nous nous sommes empressés d'adopter les nouvelles technologies dès le début. Vous avez peut-être raison de faire une analogie avec l'invention de la presse à imprimer, mais nous avons connu l'arrivée de nombreuses technologies nouvelles qui font maintenant partie du travail quotidien de nos membres.
Bref, l'intelligence artificielle est perçue comme une technologie différente, mais plus importante et plus transformatrice.
J'espère que cela répond à votre question.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais faire un commentaire sur la question de la transparence. Un de mes collègues, M. Turnbull, en a parlé. Il a dit que ça pourrait être compliqué de trouver, parmi des milliards d'éléments d'information, l'identité des œuvres qui ont été utilisées. Or, j'ai comme l'impression qu'un système d'intelligence artificielle qui est capable de lire 100 millions de livres par jour est capable de chercher dans une liste. Ce serait à vérifier.
Cela dit, des intervenants sont venus nous dire que le projet de loi ne faisait pas l'affaire. Beaucoup de représentants des géants du Web sont venus nous le dire. Cela sous-entendait presque qu'il fallait s'en débarrasser, repartir à zéro, modifier toutes sortes d'autres lois et travailler encore je ne sais combien d'années là-dessus. Nous avons cette option. Il y a aussi l'option d'aller de l'avant, de continuer d'amender le projet de loi et de faire le mieux possible. Il y a peut-être l'option d'attendre et d'imiter l'Europe puisque, après tout, le Canada est un petit joueur.
Il y a toutefois une autre solution: on pourrait ajouter une disposition obligeant une mise à jour périodique de la loi, par exemple tous les trois ou cinq ans. Ça forcerait le Parlement à revoir complètement la loi et lui donnerait l'occasion, de manière périodique, d'arrimer la loi à la législation d'autres pays pour que le Canada demeure concurrentiel, tout en lui permettant de participer au processus de réflexion internationale.
Madame Hénault, que pensez-vous d'une telle disposition?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Ma première intervention concerne le prochain défi que nous devons relever, parce que vous avez démontré aujourd'hui que c'est là‑dessus que nous allons vous consulter au sujet du projet de loi afin de régler la question du droit d'auteur. Nous allons nous y attaquer après l'adoption du projet de loi C‑27. Pour le NPD, ce n'est pas suffisant. Il est clair pour nous que nous pouvons relever ces deux défis. Ou nous reléguons cette réglementation aux oubliettes — c'est vraiment ce qui se passe — ou bien nous démantelons ce que nous avons ici.
La solution de rechange à laquelle je pense consisterait à l'étudier dans une optique de sécurité nationale ou presque. Nous pourrions même demander à un comité permanent de la Chambre et du Sénat de se pencher sur la question du droit d'auteur dans l'ensemble des provinces, parce que, techniquement parlant, le droit d'auteur ne fait pas partie de ce projet de loi. En réalité, toutefois, il englobe tout ce que vous avez dit et fait ici d'une manière beaucoup plus exhaustive que dans beaucoup d'autres secteurs.
Je vais faire un rapide tour de table pour savoir ce que vous pensez de l'idée de désigner un commissaire à l'intelligence artificielle. Ce commissaire devrait‑il être indépendant et avoir le pouvoir d'imposer des amendes pour toute utilisation abusive de l'intelligence artificielle, si jamais cette fonction est prévue à la loi?
Nous pourrions commencer par l'ACTRA.