Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la séance numéro 113 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi renvoyé au comité le mercredi 29 mai et à la motion adoptée par le comité le lundi 27 mai, le comité reprend son étude du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l'ingérence étrangère.
Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les membres et aux participants en personne de consulter les cartes sur la table pour obtenir des lignes directrices sur la prévention des incidents de rétroaction audio. Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, en particulier des interprètes. N'utilisez qu'une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n'utilisez pas l'oreillette, placez-la face cachée sur l'autocollant placé sur la table à cet effet.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans une forme hybride.
J'aimerais faire quelques commentaires à l'intention des membres et des témoins.
Veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés au président.
J'ai quelques remarques à formuler sur le projet de loi C-70. J'aimerais rappeler aux membres que les amendements au projet de loi C-70 devraient être soumis au greffier du Comité au plus tard demain à 16 heures, heure normale de l'Est, soit le vendredi 7 juin. Il est important que les membres sachent que, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 30 mai, le délai de 16 heures pour soumettre les amendements est ferme. Cela signifie que le Comité ne prendra pas en compte tout amendement soumis au greffier après l'heure de tombée et tout amendement proposé ici sans préavis au cours de l'examen article par article du projet de loi.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos premiers témoins. Nous accueillons l'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, ainsi que l'honorable Arif Virani, C.P., député, ministre de la Justice.
Je poursuis la présentation de nos témoins. Nous accueillons également des fonctionnaires, soit, du ministère de la Justice, Shalene Curtis-Micallef, sous-ministre et sous-procureure générale du Canada, et Heather Watts, sous-ministre adjointe déléguée; du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, Shawn Tupper, sous-ministre et Richard Bilodeau, directeur général; de la Gendarmerie royale du Canada, Mark Flynn, sous-commissaire, Police fédérale. Enfin, du Service canadien du renseignement de sécurité, nous accueillons Sarah Estabrooks, directrice générale, Politique et relations étrangères et David Vigneault, directeur.
Merci à tous d'être venus pour participer à cette étude dans un délai aussi court.
J'invite maintenant le ministre LeBlanc à faire une déclaration liminaire d'au plus cinq minutes.
Monsieur le président et chers collègues, bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole aujourd’hui sur le projet de loi C-70, qui constitue un élément essentiel des efforts déployés par notre gouvernement pour lutter contre l’ingérence étrangère.
Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir présenté les hauts fonctionnaires du ministère, de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité qui se joignent à moi ce matin.
Je pense que nous pouvons tous convenir que le gouvernement et, par extension, le Parlement n’a aucune obligation plus importante que celle de protéger ses citoyens et notre démocratie.
[Français]
Tout comme nous, les Canadiens sont conscients de l'omniprésence et de la complexité croissante de l'ingérence étrangère, et ils ont raison de s'en inquiéter. Ils savent aussi que l'ingérence étrangère représente une menace réelle et sérieuse pour notre pays ainsi que pour nos processus et institutions démocratiques.
Des acteurs étatiques cherchent à exploiter les vulnérabilités du Canada en ciblant tous les ordres de gouvernement, nos systèmes universitaires ouverts, les entreprises privées et même des communautés ou des Canadiens en particulier. Nous devons éliminer ces vulnérabilités. Les menaces sont de plus en plus nombreuses et, comme beaucoup d'autres l'ont dit avant moi, de plus en plus complexes.
[Traduction]
Il s’agit notamment de consulter directement les personnes touchées au sujet des solutions possibles, et c’est pourquoi le gouvernement du Canada consulte des entreprises privées, des chercheurs et le secteur de la santé afin de les informer des menaces et de les aider à mieux comprendre comment protéger leur travail. Il fournit des mécanismes de déclaration publique par l’entremise de divers sites Web et de lignes téléphoniques nationales sur les menaces liées à la sécurité. Il consulte les communautés à risque au Canada afin de les aider à mieux se protéger contre les menaces étrangères. Il aide les exploitants d’infrastructures essentielles à défendre les systèmes de cybersécurité essentiels sur lesquels les Canadiens comptent. Il se coordonne et échange des informations avec le Groupe des cinq et d’autres alliés, tels que le G7 et l’OTAN, sur l’ingérence étrangère et d’autres menaces. Il accroît la résilience collective à la désinformation en aidant les Canadiens et les particuliers au Canada à mieux connaître les tactiques et les acteurs de la désinformation, et en améliorant la transparence.
À la lumière de ce que nous avons entendu au cours du processus de consultation rigoureux et diversifié, nous avons présenté le projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, plus tôt ce mois-ci. Dans le but de renforcer notre capacité de détecter et de lutter contre les menaces d’ingérence étrangère et de protéger les institutions canadiennes et toutes les personnes au Canada, le projet de loi C-70 propose des modifications importantes et nécessaires pour moderniser la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, la Loi sur la protection de l’information, le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada.
De plus, le projet de loi C-70 présente la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère, qui vise à accroître la transparence en créant un registre pour la transparence en matière d’influence étrangère pour les particuliers et les entités agissant au nom de commettants étrangers qui cherchent à influer sur des activités au sein de nos processus politiques et gouvernementaux. Toute personne ou entité qui conclut une entente avec un commettant étranger et qui exerce des activités visant à influencer un gouvernement ou un processus politique au Canada serait tenue d’enregistrer publiquement ces activités.
[Français]
Je vais être clair: le registre crée une obligation positive d'enregistrement pour les individus ou entités qui participent à des activités d'influence à l'étranger avec un commettant étranger. Les individus et les entités seraient tenus de faire preuve de plus de transparence au sujet de leurs liens avec des États étrangers et d'appuyer les objectifs nationaux du Canada en matière de sécurité nationale.
(0825)
[Traduction]
Cependant, nous reconnaissons que la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère n’est en aucun cas une solution unique à l’ingérence étrangère. C’est pourquoi le projet de loi C-70 prévoit également des mesures et des outils pour aider les organismes d’application de la loi et de renseignement à détecter, à décourager et à réduire les menaces d’ingérence étrangère dès les premières étapes, tout en respectant la vie privée des Canadiens. La Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère s’appuierait sur les efforts continus et de longue date du gouvernement pour protéger le Canada contre la menace d’ingérence étrangère.
Je peux assurer au Comité que le gouvernement poursuivra son travail avec tous ses partenaires, y compris d’autres administrations au Canada, les collectivités touchées, le milieu universitaire et la société civile, afin de s’attaquer ensemble à l’ingérence étrangère.
Monsieur le président, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues du Comité, pour le travail si exhaustif que vous avez accompli ces derniers jours par rapport à ce projet de loi. Nous attendons avec impatience vos délibérations sur les amendements susceptibles de l'améliorer et de le renforcer.
Je tiens à reconnaître ce que je considère comme un effort collectif important et non partisan de la part de tous les partis de la Chambre des communes pour travailler ensemble sur un sujet important pour les Canadiens. Je vous remercie tous pour vos efforts à cet égard.
Je suis très heureux d'être ici pour vous parler de la menace d'ingérence étrangère au Canada et de la façon dont ce projet de loi, le projet de loi C-70, vise à aider à détecter et à perturber les menaces posées par des acteurs étrangers et à protéger notre pays et ses institutions contre celles-ci.
Le projet de loi C-70 modernise les lois canadiennes afin de mieux protéger notre démocratie et les Canadiens contre les menaces nouvelles et changeantes. Nous sommes particulièrement préoccupés par les membres des communautés de la diaspora qui sont ciblés de manière disproportionnée par ceux qui se livrent à l'ingérence étrangère. Les réformes de notre droit pénal proposées dans le projet de loi sont fortes, mesurées et directes.
En ce qui concerne tout d'abord la Loi sur la protection de l'information, ce projet de loi modifierait l'infraction consistant à recourir à l'intimidation, aux menaces ou à la violence au nom d'États étrangers contre des Canadiens et des personnes vivant au Canada. Il simplifierait les poursuites en supprimant l'obligation de prouver que l'acte interdit a causé un préjudice à des intérêts canadiens ou aidé un État étranger. Il suffirait de prouver que la menace ou la violence a été exercée au nom d'un État étranger ou en association avec lui.
Le projet de loi ferait également en sorte que ces protections s'étendent aux personnes travaillant à l'étranger ou voyageant pour rendre visite à des proches. Il garantirait que la Loi s'applique aux menaces proférées par des États étrangers à l'encontre de membres de familles de Canadiens. Cette disposition saisit les cas où des membres de la famille sont menacés pour qu'ils exercent une pression sur une personne afin qu'elle fasse ou ne fasse pas quelque chose, par exemple protester contre un gouvernement étranger. Il s'agit d'une étape importante dans la lutte contre la répression transnationale et contre certaines craintes exprimées par des groupes communautaires et des parties prenantes lors des consultations que nous avons menées.
Le projet de loi créerait une nouvelle infraction visant la perpétration d'un acte criminel pour le compte d'une entité étrangère, ainsi qu'une nouvelle infraction générale d'ingérence étrangère lorsqu'une personne se livre sciemment à une conduite subreptice ou trompeuse pour le compte d'une entité étrangère. Nous renforçons également la protection de nos institutions démocratiques. La nouvelle infraction d'ingérence politique pour le compte d'une entité étrangère criminalise l'ingérence dans un processus démocratique et s'appliquerait à tout temps à tous les ordres de gouvernement — le changement est important — et, surtout, au processus de nomination des partis politiques.
[Français]
En ce qui concerne le Code criminel, le projet de loi propose de moderniser l'infraction actuelle de sabotage, qui n'a pas été révisée depuis 1951. Nous proposons aussi d'ajouter deux infractions visant à protéger les infrastructures essentielles et à criminaliser la création et la distribution de dispositifs destinés à être utilisés à des fins de sabotage.
[Traduction]
Cette disposition vise à préciser que l'infraction s'applique aux infrastructures publiques et privées qui sont essentielles à la santé, à la sécurité et au bien-être économique de la population du Canada — par exemple, les systèmes d'infrastructures privées et publiques qui permettent le transport ou les communications, ou qui facilitent la prestation des services de santé et d'alimentation.
[Français]
Pendant les consultations publiques, les intervenants des associations canadiennes et de l'industrie ont indiqué clairement la nécessité de protéger les infrastructures essentielles. Les modifications proposées reconnaîtraient expressément le droit à la liberté d'expression et le droit à la liberté de réunion pacifique, protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, et confirmeraient que les personnes qui agissent en vertu de ces droits sans intention de commettre un acte de sabotage ne tombent pas sous le champ d'application de l'infraction.
Je vais maintenant parler de la partie 3, qui modifie la Loi sur la preuve au Canada et le Code criminel.
(0830)
[Traduction]
Cet article du projet de loi créerait un mécanisme normalisé, assorti de solides protections procédurales, afin d'assurer la protection des renseignements relatifs à la sécurité nationale dans le cadre du contrôle judiciaire de décisions du gouvernement.
Grâce à ces importantes propositions législatives, notre gouvernement prend des mesures concrètes pour protéger tous les habitants du Canada, nos institutions et notre démocratie contre l'ingérence étrangère. Ces modifications ont été élaborées avec la participation des Canadiens, y compris de membres de nombreuses communautés de la diaspora. Elles sont équilibrées, justes et nécessaires.
À ce stade, en compagnie du ministre LeBlanc, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Je vous remercie. Je suis reconnaissant à tous les témoins d'être venus nous voir.
J'adresserai les questions suivantes au ministre LeBlanc.
Le récent rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR, révèle que des parlementaires, y compris des membres de notre chambre, la Chambre des communes, ont sciemment et volontairement aidé un État étranger hostile au détriment de la population du Canada. Cela jette un voile de suspicion sur chacun des membres de la Chambre — des députés.
Nos services du renseignement, la GRC et le ministère de la Sécurité publique m'informent de façon régulière et exhaustive, de sorte que je suis très à l'aise avec l'information dont j'ai besoin pour faire le travail que j'ai à faire. Cependant, vous comprendrez que nous ne voulons pas discuter publiquement des détails, surtout des renseignements les plus délicats.
Je sais que plusieurs noms sont apparus dans différents produits du renseignement que j'ai vus, mais je n'étais pas présent lors des travaux du Comité des parlementaires. Je ne connais pas les détails exacts des documents qu'il a consultés et n'a pas consultés, mais je suis tout à fait certain que j'ai accès à tous les renseignements les plus importants, ce qui comprendrait des noms, dans certains cas.
Très bien. Dans certains cas, selon nos services du renseignement, des personnes sont soupçonnées d'avoir commis des infractions parmi les plus graves en droit canadien. Êtes-vous prêt à divulguer leurs noms, oui ou non?
Il est important que les Canadiens comprennent que ces noms figurent dans des rapports de renseignement. Dans certains cas, il s'agit de renseignements non corroborés ou vérifiés.
Je pense que nous devons être très attentifs à comprendre, comme le directeur l'a dit lui-même, que le renseignement est souvent une série de pièces de casse-tête. Une pièce du casse-tête, une source de renseignement ou une information peut ne pas être mise en contexte ou être discréditée ou modifiée par une information subséquente. L'idée qu'il existe une liste de noms parfaite et entièrement fiable...
Je n'ai pas terminé ma question, monsieur le ministre.
Pensez-vous que les Canadiens ont le droit de savoir, lorsqu'ils feront un X à côté du nom d'un candidat au cours des 15 prochains mois — le sujet même dont nous traitons ici dans le projet de loi C-70 — si un député subit l'influence d'un État étranger hostile, oui ou non?
Je pense que les Canadiens savent, et je suis convaincu qu'ils ont toutes les raisons d'être rassurés, que nos services de renseignement et la GRC prennent leurs responsabilités extraordinairement au sérieux et qu'ils disposent des ressources nécessaires pour enquêter. Par exemple, si la GRC, dans sa sagesse, décidait que des accusations devaient être portées en consultation avec les procureurs compétents, c'est notre système dans une démocratie fondée sur la règle du droit. Il ne s'agit pas simplement de publier une série de noms ou, comme M. Caputo dit s'en inquiéter, de jeter l'opprobre sur tout le monde en prétendant qu'il existe une liste de noms parfaite que le gouvernement ne publie pas. Aucune autre démocratie occidentale ne le sait.
M. Caputo sait que sous le gouvernement de M. Harper, même ce genre de conversation aurait été inconcevable, et je pense donc qu'il y a un certain manque de sincérité dans les effets théâtraux de M. Caputo ce matin.
Sous le gouvernement de M. Harper, nous n'avions pas de rapport disant que des acteurs étatiques étrangers avaient fait une telle chose. En vertu des dispositions législatives en vigueur, il est possible de divulguer des renseignements très secrets si c'est dans l'intérêt public. Qu'est-ce qui serait plus dans l'intérêt public que de savoir qu'une personne susceptible d'être élue est sous la coupe d'un acteur étatique hostile? Vous pouvez divulguer cette information.
Vous parlez de faire preuve de mauvaise foi, et vous pouvez divulguer cette information. Pourquoi ne le faites-vous pas avant les prochaines élections?
Parlant de mauvaise foi, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement n'existait pas sous le gouvernement de M. Harper parce que celui-ci ne croyait pas que les parlementaires devraient avoir accès à cette information ou être en mesure d'examiner le travail de nos agences de renseignement. Sous le gouvernement de M. Harper, en 2013, le SCRS a publiquement fait état d'un risque croissant d'ingérence étrangère dans nos institutions démocratiques...
Vous êtes donc d'accord pour que des gens aillent voter et mettent un X à côté d'un nom alors qu'ils ont des soupçons à l'égard de chacun d'entre nous.
Regardons les choses en face, monsieur le ministre. Je pense que s'il y avait six conservateurs sur cette liste et aucun libéral, nous aurions les noms. Soyons honnêtes.
M. Caputo fabule en disant que s'il y avait six conservateurs et aucun autre parti politique sur la liste, il est évident que nous la publierions. Je ne vais pas violer la Loi sur la protection de l'information et risquer des poursuites pour marquer des points politiques et je pense que M. Caputo est plus intelligent que ça.
Monsieur le ministre, j'aimerais me concentrer sur l'ingérence étrangère et son impact sur les communautés de la diaspora, un sujet que M. Virani a évoqué dans sa déclaration liminaire. Je sais que vous en avez déjà parlé. Différents...
J'entends votre rappel au Règlement. J'encourage tous les membres à ne pas s'adresser aux personnes qui leur font face et à s'adresser à la présidence lorsqu'on leur donne la parole. Cela nous serait utile à tous.
J'espère que vous rappellerez Mme O'Connell à l'ordre, car elle ne s'adressait pas à la personne en face d'elle, elle criait pour perturber le tour de parole de M. Caputo.
Je voudrais me concentrer sur l'ingérence étrangère et son impact sur les communautés de la diaspora. Nous avons accueilli les représentants de différents groupes qui ont soulevé cette préoccupation, notamment de l'Organisation mondiale des Sikhs. Ils étaient largement en faveur de ce projet de loi. Ils ont dit qu'il fallait faire davantage pour contrer l'ingérence étrangère et qu'à cet égard, le projet de loi C-70 est un pas dans la bonne direction. Ils ont toutefois tenu à souligner que le SCRS pourrait divulguer des renseignements à toute personne ou entité s'il le jugeait pertinent. Il s'agit d'un grand pas en avant, mais ils se demandaient si les fonctionnaires consulaires étrangers au Canada seraient considérés comme des entités, quel type de renseignements pourrait leur être divulgué et si les communautés de la diaspora pourraient être mises en danger à cause de cette divulgation.
Je vous remercie de mettre en lumière ce qui, je pense, nous préoccupe tous à juste titre, à savoir l'impact sur les communautés de la diaspora au Canada. Vous avez tout à fait raison. Elles sont souvent les victimes et les cibles d'ingérence étrangère.
Des cas rapportés publiquement devraient tous nous inquiéter. C'est l'une des raisons pour lesquelles il serait formidable que le Parlement soit en mesure de renforcer, de manière appropriée et avec les garanties adéquates, la capacité de nos agences à protéger ces communautés, à protéger les Canadiens.
Monsieur Gaheer, vous et moi avons eu l'occasion de discuter de cet élément précis concernant des renseignements qui peuvent être communiqués à différents gouvernements étrangers ou agents consulaires. Je sais qu'il existe des accords qui régissent, à juste titre, ce type d'échange. Je pense que nous pouvons convenir que le type de renseignements — et je parle au nom de mes collègues de la GRC et du SCRS, et j'espère qu'ils ne seront pas en désaccord — que nous pourrions échanger avec, par exemple, les partenaires du Groupe des cinq est différent de ce que nous pourrions échanger avec un pays qui s'ingère de manière illégale et inappropriée dans les affaires canadiennes.
Si vous le permettez, monsieur le président, le directeur du SCRS, M. Vigneault, pourra donner, je l'espère, la réponse précise à la question très pertinente de M. Gaheer.
Le député souligne un point extrêmement important dans le débat sur l'ingérence étrangère. On s'est beaucoup attardé à l'ingérence électorale, mais des communautés minoritaires ont été et sont encore ciblées par des États étrangers. C'est pourquoi il est si important que nous disposions des outils appropriés.
En ce qui concerne l'échange de renseignements, je peux assurer au député que des lignes directrices très explicites et révisables dans le cadre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères régissent la manière dont nous échangeons des renseignements. Elles sont revues chaque année par l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Nous prenons cela très au sérieux afin de nous assurer que nous ne communiquons pas de renseignements susceptibles de nuire à des Canadiens.
C'est très bien. Je vous remercie. Ce que j'entends, c'est que des contrôles appropriés sont effectués avant que l'information ne soit divulguée.
L'autre point qui avait été soulevé est qu'il existe un cadre de coopération pour la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent entre le Canada et l'Inde. Il est toujours en vigueur. Je pense que l'accord a été conclu en 2018. À cette époque, les membres de différentes communautés de la diaspora — la communauté sikhe, par exemple — avaient certaines hésitations à son sujet, et les craintes ont été exacerbées lorsque la nouvelle du meurtre de Hardeep Singh Nijjar en Colombie-Britannique est sortie. Lorsque le premier ministre est intervenu au Parlement, nous en avons tous été témoins.
La communauté et l'Organisation mondiale des Sikhs se demandent si cet accord est toujours en vigueur et quels renseignements sont communiqués dans le cadre de cet accord. Est-ce que des renseignements communiqués, ou susceptibles de l'être mettent des personnes en danger, qu'elles vivent ici au Canada ou dans leur famille à l'étranger, en Inde?
Il est important de rassurer la communauté que les protocoles appropriés sont en place. Leurs intérêts et leur sécurité sont évidemment primordiaux dans toutes les décisions que nos agences de sécurité pourraient prendre.
C'est peut-être au directeur du SCRS ou au sous-commissaire de la GRC de répondre. Je suppose que dans le cas d'une enquête criminelle — par exemple, celle de M. Nijjar — par opposition à une enquête sur le terrorisme, il y aurait...
Monsieur le président, avec votre indulgence, je pense que le directeur du SCRS et le sous-commissaire de la GRC pourraient fournir les renseignements que notre collègue souhaite obtenir.
Je sais que mes collègues du SCRS et d'autres ministères ont des processus similaires. Au sein de la GRC, un processus garantit une évaluation adéquate des risques. Des personnes indépendantes qui ne font pas partie de ces enquêtes sont invitées à analyser l'information, les demandes d'information et nos réponses pour garantir que toute information que nous allons communiquer à une entité étrangère est dûment évaluée et ne met pas en danger qui que ce soit. Je dis « qui que ce soit », que la personne soit canadienne ou non.
Je suis conscient de la préoccupation qui a été soulevée. En tant que responsables de l'application de la loi, de la sécurité et du renseignement, nous composons avec elle tous les jours. Nous vivons à l'ère de la mondialisation. De nombreux problèmes sont de nature mondiale. La réalité est que nous devons communiquer avec des personnes et des pays qui n'ont pas les mêmes valeurs et la même éthique que les Canadiens et le Canada dans son ensemble. Toutefois, je peux vous assurer que nous prenons tous ces engagements très au sérieux. Nous faisons preuve d'une extrême prudence dans tous ces engagements.
Je vous remercie tous d'être ici ce matin et en si grand nombre, c'est impressionnant. Je vais poser des questions à M. Virani, mais je vais commencer par M. LeBlanc, si vous me le permettez.
Monsieur LeBlanc, je suis de très près le dossier de l'ingérence étrangère depuis très longtemps, et je comprends parfaitement votre réponse lorsque vous dites ne pas pouvoir répondre à M. Caputo ni donner une liste de noms.
De par sa nature, l'information classifiée portant la mention « très secret » ne peut pas être divulguée, nous le comprenons déjà. Nous n'exigeons pas de rendre publique l'information, car nous savons qu'elle ne peut pas l'être. Cependant, nous nous demandons ce qui pourrait arriver. Pourriez-vous nous donner un petit aperçu de ce qui pourrait arriver?
En fait, nous avons l'impression que, dans le passé, on a été un peu lent à réagir. Nous ne voulons pas le dire comme cela, mais nous avions quasiment l'impression qu'il y a eu de l'évitement, que ce soit de la part du rapporteur spécial, ou que ce soit parce que certains documents n'ont pas été communiqués à la commission Hogue.
Compte tenu de l'importance de cette question, ce que vous avez souligné dans votre allocution d'ouverture, et sachant que vous ne pouvez pas transmettre l'information, qu'est-ce qui va se passer?
Je vous remercie de la question, monsieur Villemure.
Je vous remercie également pour le travail que vous faites, votre formation et vous, afin d'appuyer et d'améliorer le projet de loi. Je comprends très bien votre question, et je sais que vous la posez avec sincérité. Je vous assure que nous voulons bien faire les choses.
Cela dit, vous avez raison. Vous avez parlé des raisons pour lesquelles il n'était pas possible de donner, comme par magie, une liste de noms. Vous avez raison quant au fait qu'il est important de rassurer les Canadiens. Les institutions démocratiques et la plus haute institution démocratique de notre pays, soit la Chambre des communes, où nous avons le privilège de siéger, sont à l'abri de l'ingérence étrangère, dans la mesure du possible. Ceux et celles qui décident de participer à de tels scénarios doivent rendre des comptes.
En tant que ministre de la Sécurité publique, j'ai eu le privilège de voir de près le travail de la Gendarmerie royale du Canada, ou GRC, et du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS. Je ne doute pas que ceux et celles qui décident de ne pas respecter la loi et d'agir à l'encontre des intérêts du Canada vont devoir rendre des comptes. En contexte électoral, on peut penser à la Loi électorale du Canada. Plusieurs mécanismes entrent en jeu.
Vous avez fait allusion à la commission Hogue, avec raison. J'ai travaillé avec plaisir avec M. Therrien, le leader parlementaire de votre parti, l'été passé, pour créer la commission Hogue. J'ai tout à fait confiance en son travail, et j'ai hâte de voir les recommandations de la commissaire. Nous avons eu le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement cette semaine ainsi que celui de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.
J'espère que la volonté du Parlement est d'améliorer le projet de loi et de l'adopter. C'est à vous de juger si des amendements doivent y être proposés pour l'améliorer. Cependant, l'idée, c'est de rassurer les Canadiens ainsi que de renforcer les institutions et les agences de sécurité nationale, de façon à contrer l'ingérence.
Nous attendons les recommandations qui découleront de la commission Hogue, à la fin de l'année, et nous étudions de près celles du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. L'hiver prochain, nous pourrons travailler ensemble pour améliorer le projet de loi ou en présenter un nouveau.
Nous sommes aux aguets, et nous essayons de faire tout ce que nous pouvons pour rassurer les Canadiens. Je pense qu'il est important de ne pas donner l'impression qu'il y a des députés qui ne sont pas assujettis à la loi. Tout le monde y est assujetti. Je suis certain que le processus va se faire de la bonne façon.
Par le passé, les solutions ont parfois été longues à venir, ce qui a miné la confiance de la population. Selon moi, le projet de loi C‑70 se résume à trois mots, soit confiance, transparence et exemplarité. C'est ce que l'on recherche.
Je vais vous poser une question qui est plus en lien avec le projet de loi. Curieusement, dans le projet de loi, on ne semble pas définir l'ingérence étrangère. Il y a quelques occurrences dans une partie, où on peut la déduire, mais ce n'est pas défini dès le départ. Ce qui n'est pas défini n'existe pas.
Lors de mes discussions avec mes collègues du ministère ou des agences de sécurité, la même question m'est apparue comme étant raisonnable.
Il y aura évidemment des poursuites judiciaires et des poursuites pénales au fil des années. Les tribunaux vont définir comme il se doit les éléments d'une offense criminelle. C'est de cette façon que le droit évolue au Canada, et c'est totalement approprié. Il y a aussi des tactiques nouvelles. La menace évolue littéralement mois après mois, année après année, à cause de la technologie.
Une définition aurait été une façon de restreindre la capacité de faire de l'ingérence, mais je comprends l'inquiétude de certains si ce n'est pas défini. Ça peut aller dans deux directions. Je fais entièrement confiance aux tribunaux, à la Charte canadienne des droits et libertés et aux agences de sécurité nationale.
Monsieur Virani, je ne suis pas un expert en droit criminel, et peu le sont. Hier, nous avons entendu le témoignage d'une criminaliste qui nous disait de faire attention. Par exemple, selon elle, l'article 20.4 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et l'article 52.1 du Code criminel, entre autres choses, étaient trop importants et trop imprécis pour être traités si rapidement.
Je dois avouer qu'étant un membre du comité qui n'est pas un criminaliste, je suis mal à l'aise à l'idée d'apporter de telles modifications au Code criminel à un tel rythme. Je ne peux pas argumenter sur chacun des articles, mais le souci, hier, était lié au fait qu'il y avait des imprécisions et des généralités et que des conséquences non souhaitées pourraient se matérialiser.
Que pourriez-vous faire pour nous aider à accomplir notre travail de la bonne manière? Personnellement, je crois que, dans ce cas-ci, la précipitation est un mauvais guide.
D'abord, à la suite du changement que nous avons apporté à la Loi en 2016, je crois, il est nécessaire de déposer à la Chambre une déclaration concernant tout projet de loi dont un aspect touche la Charte canadienne des droits et libertés. Cette déclaration a donc déjà été déposée à la Chambre.
Dans ce document, vous pouvez voir un contexte où certains droits et libertés, protégés par la Charte, sont en jeu. En ce qui concerne les protections en matière de droit criminel, je crois que ce projet de loi reflète les nombreuses consultations que nous avons menées. Nous vivons une situation assez délicate, mais cela est important. Il s'agit d'une priorité pour le Canada, mais il s'agit aussi d'une priorité si nous voulons effectivement moderniser des aspects de la Loi, particulièrement en ce qui concerne l'infraction de sabotage.
L'inconvénient avec ces nouvelles tables longues disposées en longueur, c'est qu'on me perd dans la masse.
Je remercie nos témoins d'être parmi nous et d'aider le Comité à mener à bien cette étude très importante.
Monsieur le ministre Virani, j'aimerais commencer par vous. J'ai quelques questions à propos des modifications de la Loi sur la protection de l'information, la LPI.
Il est stipulé à l'article 24 de l'actuelle LPI que: « Il ne peut être engagé de poursuites pour infraction à la présente loi sans le consentement du procureur général », c'est-à-dire vous. Le projet de loi renferme des modifications très conséquentes à la LPI, surtout l'article 20.4 proposé, qui sera ajouté sous la rubrique « Ingérence dans les affaires politiques pour une entité étrangère ».
Je me projette dans l'avenir. Le poste de procureur général est occupé par un député. Ne serait-il pas plus sûr de supprimer l'exigence du consentement du procureur général, puisqu'il s'agit d'infractions de nature politique? Ne serait-il pas préférable de confier cette tâche à un haut fonctionnaire? Avez-vous une opinion à ce sujet?
Oui. Merci, monsieur MacGregor. C'est un point important. Je vais souligner deux ou trois choses.
Tout d'abord, on exige le consentement du procureur général à différents endroits dans le Code criminel. Nous pouvons parler du contexte d'une poursuite pour certains délits de propagande haineuse, par exemple. Cela figure dans le Code pour des raisons précises, mais surtout en tant que garantie. Lorsque nous exprimons une compréhension, nous voulons que le Code reflète la compréhension que les intérêts en jeu sont très importants. Lorsqu'on parle de restrictions potentielles de droits garantis par la Charte dans le contexte d'un événement qui pourrait avoir été orchestré par une nation étrangère, on parle de crimes très graves, par opposition à une simple introduction par effraction ou au fait de proférer des menaces.
Je comprends votre point de vue. Nous avons procédé à une analyse assez approfondie de la répartition des rôles entre le procureur général et le ministre de la Justice. Cette analyse a été réalisée par une ancienne procureure générale, Anne McLellan. Elle a expliqué comment notre système peut continuer à fonctionner.
Il est important que quelqu'un — comme une personne qui exerce le rôle que j'exerce — réfléchisse à cette question, car lorsqu'il est question d'ingérence étrangère, nous avons potentiellement affaire à des renseignements de nature très délicate du type de ceux décrits par le ministre LeBlanc. Il s'agit de questions délicates concernant les relations avec d'autres États, tant avec l'État en question qu'avec d'autres États qui peuvent avoir coopéré avec nous en nous fournissant des renseignements. Compte tenu de cet aspect, je pense qu'il est très important que quelqu'un qui a un point de vue politique donne son avis sur la pertinence d'intenter une poursuite.
J'ai une autre question qui porte sur le même article du projet de loi, l'article 53. C'est un article assez long. La modification de l'article 20 de la LPI parle d'intimidation, de menaces ou de violence. Nous voyons que le mot « intimidation » y est inséré.
J'ai entendu certains groupes s'inquiéter du fait que l'intimidation n'est pas définie dans la LPI. Cela pourrait poser un énorme problème, car cela pourrait donner lieu à des interprétations. Par exemple, si deux groupes ont une association à l'étranger, mais se situent à des extrémités différentes du spectre politique, n'y a-t-il pas un risque que des gouvernements de différents horizons politiques voient ces deux groupes sous des angles différents? Comment définir l'intimidation? Y a-t-il un problème à ne pas circonscrire davantage le terme?
En réponse à la question précédente, je tiens à souligner que le consentement du procureur général peut toujours être délégué, comme c'est le cas dans certaines provinces, à la personne désignée comme directeur des poursuites pénales.
Pour répondre à votre deuxième question, nous sommes guidés par la jurisprudence en matière d'intimidation, selon l'interprétation que les tribunaux en ont donnée. Il s'agit d'un terme utilisé dans le Code criminel et ancré dans le Code criminel.
Vous soulevez un point très important, M. MacGregor, à savoir l'idée de veiller à ce que la dissidence et la manifestation légales, y compris les arrêts de travail sur un élément important de l'infrastructure, sont protégées et demeurent protégées. C'est la raison pour laquelle ce libellé a été délibérément inséré dans le projet de loi. Nous ne voulons pas que cela se transforme en une situation où l'idéologie détermine la possibilité que des personnes soient visées par des poursuites judiciaires. C'est toujours lorsqu'il y a un élément d'ingérence étrangère et qu'un acte ne constitue pas une dissidence et une manifestation légitimes, mais devient quelque chose de plus répréhensible qui tente d'influer sur le Canada et de subvertir des intérêts canadiens.
Je pense avoir le temps de poser une dernière question.
En parcourant le projet de loi C-70, je constate que la plupart des modifications sont manifestement de nature thématique. Nous avons des modifications importantes à la Loi sur le SCRS, à la LPI et à la Loi sur la preuve au Canada, et, bien sûr, le projet de loi promulgue une nouvelle loi visant à créer un registre sur l'ingérence étrangère. Cependant, les modifications du Code criminel, surtout en ce qui concerne le sabotage, semblent détonner. Je me demande si vous pourriez nous expliquer pourquoi il semble si important de mettre à jour la définition de « sabotage » dans le Code criminel dans le cadre d'un projet de loi qui traite principalement d'ingérence étrangère.
En toute franchise, monsieur MacGregor, c'est le reflet de ce que nous avons entendu lors des consultations et de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Je suis troublé par le fait que la disposition relative au sabotage n'ait pas été modifiée depuis 75 ans, c'est-à-dire depuis 1951. C'est une période extrêmement longue sans mise à jour d'une définition importante dans nos lois. C'est aussi le reflet des fruits de vos travaux au sein du Comité, des constatations qui émanent du CPSNR et de ce que qui ressort de l'enquête de la juge Hogue.
Nous apprenons que l'ingérence étrangère est très présente et qu'elle touche les infrastructures essentielles. Elle touche différents niveaux d'influence et différentes composantes de la société canadienne. À mon avis, nous devons moderniser l'infraction de sabotage pour nous assurer que nous répondons aux menaces auxquelles nous sommes confrontés et pour que les Canadiens aient confiance dans l'approche que nous adoptons à l'égard de ce problème très pernicieux.
Merci, monsieur MacGregor. Encore une fois, je suis désolé de vous avoir expurgé tout à l'heure.
Nous allons commencer notre deuxième tour qui se conclura une fois que nous aurons entendu M. MacGregor. Je demande aux ministres de rester quelques minutes de plus. Nous pourrons alors accorder aux conservateurs et aux libéraux des créneaux supplémentaires de deux minutes et demie.
Monsieur Cooper, je vous en prie, vous disposez de cinq minutes.
Monsieur le ministre LeBlanc, vous avez dit il y a quelques instants qu'il faut protéger la Chambre des communes contre l'ingérence étrangère. Je suis tout à fait d'accord avec vous à cet égard, mais le rapport du CPSNR publié cette semaine affirme sans équivoque que des élus, y compris certains députés, travaillent sciemment — et j'insiste sur le mot « sciemment » — avec des États étrangers hostiles, notamment en communiquant fréquemment avec des missions étrangères, en fournissant à des agents diplomatiques étrangers des renseignements confidentiels et en transmettant des secrets à des agents du renseignement d'États étrangers. À mon avis, tant que le premier ministre continuera à dissimuler les noms de ces députés compromis, un nuage noir continuera à planer sur la Chambre.
Je vous repose la question: quels sont les noms de ces députés compromis? Qui sont-ils?
Je vais répéter la réponse que j'ai donnée au collègue de M. Cooper. La divulgation de ces renseignements délicats et très secrets est régie par la Loi. Je pense que M. Cooper sait très bien que la dernière...
Monsieur le président, peut-être devriez-vous rappeler aux membres du Comité que les personnes qui posent des questions doivent accorder un temps égal aux témoins pour répondre.
Sur le même rappel au Règlement, monsieur le président, il n'y a aucune exigence pour ce qui est d'accorder un temps de parole égal. C'est le temps de parole du député. C'est bien établi. Que vous lisiez le livre un vendredi soir ou un samedi soir, il dira la même chose à ce sujet.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, je ne vous demande pas de divulguer des renseignements. Je ne vous demande pas de divulguer des sources et des méthodes. Je vous demande simplement de divulguer les noms. Aucun obstacle juridique ne vous empêche de le faire ou n'empêche le premier ministre de le faire.
Pourquoi le premier ministre continue-t-il à dissimuler les noms et à protéger les députés qui sont compromis par des États étrangers hostiles?
Loin de là. Le premier ministre et notre gouvernement ont renforcé la capacité du Canada à détecter et à contrer l'ingérence étrangère.
Nous discutons aujourd'hui d'un projet de loi historique dont le Comité est saisi qui renforcerait la capacité de nos agences de renseignement et de la Gendarmerie royale du Canada à faire le travail important qui consiste à demander des comptes à ceux qui enfreignent la loi canadienne. Je le répète, je suis parfaitement convaincu que...
Monsieur le ministre, nous savons déjà qu'un ancien député libéral, le député de Don Valley-Nord, a reçu l'aide de Pékin pour obtenir l'investiture du Parti libéral. Nous savons que le premier ministre en a été informé pendant les élections de 2019, avant l'élection du député et alors qu'il était candidat libéral. Le premier ministre n'a rien fait à ce sujet et a étouffé l'affaire pendant près de quatre ans, jusqu'à ce qu'il se fasse prendre lorsque l'affaire a été rapportée dans le Globe and Mail.
Le premier ministre a des antécédents troublants en ce qui concerne la priorité accordée aux intérêts partisans du Parti libéral plutôt qu'à la transparence et à la protection de notre démocratie et de notre sécurité nationale. La véritable raison pour laquelle le premier ministre refuse de divulguer les noms n'est-elle pas qu'une partie ou la totalité des députés compromis sont des libéraux?
M. Cooper sait pertinemment que l'information qui sous-tend les conclusions de nos agences de renseignement ou de la GRC est hautement protégée, qu'il s'agit de renseignements de nature délicate qui sont souvent accompagnés de mises en garde de la part de partenaires étrangers.
Je comprends ce qui motive la performance théâtrale. M. Cooper est très doué pour cela. Je pense qu'on devrait peut-être lui décerner une étoile dorée pour sa performance. Il sait...
Monsieur le ministre, la question est on ne peut plus sérieuse. Nous avons des députés qui travaillent pour des États étrangers hostiles. Vous ne voulez pas divulguer leurs noms. Les Canadiens méritent au moins de savoir combien de députés sont compromis. Combien y en a-t-il?
J'ai expliqué plus tôt cette semaine — et peut-être que si cela intéresse M. Cooper, le directeur du SCRS ou d'autres pourront lui expliquer — le défi que représente le fait de prendre...
Je ne joue pas à quoi que ce soit. Je vous pose une question très directe, à savoir combien il y a de députés compromis et s'il y en a au Cabinet. Vous n'avez qu'à répondre.
Non, madame O'Connell, il ne l'a pas obtenue. Comme nos collègues le savent, nous avons offert, à plusieurs occasions, de traiter la demande d'habilitation appropriée pour le chef de l'opposition afin qu'il puisse consulter certains renseignements que ses collègues semblent si intéressés à ce que leur divulguions, mais il n'a pas fait de demande en ce sens.
Nous étions très heureux que, par exemple, le chef du Nouveau Parti démocratique ait accepté notre offre. Nous pensons que c'est une façon collaborative et constructive d'accroître la confiance des Canadiens dans nos institutions démocratiques.
Monsieur le ministre LeBlanc, M. Cooper vient de dire que cette question est « on ne peut plus sérieuse » et pourtant, son chef refuse d'obtenir une habilitation de sécurité qui lui permettrait de prendre connaissance de toute l'information dont disposent les membres du CPSNR. Cela lui permettrait de s'adresser aux Canadiens et à son propre caucus et de dire qu'il a consulté l'information et que, bien qu'il ne puisse révéler les détails, il est convaincu que certains renseignements ne sont pas corroborés. Il pourrait dire qu'il est convaincu que d'autres renseignements font l'objet d'un examen plus approfondi par les forces de l'ordre et qu'il a confiance dans nos institutions démocratiques.
Au lieu de cela, les conservateurs décident d'ignorer délibérément une question « on ne peut plus sérieuse ». Au lieu de cela, ils lancent de fausses accusations moralisatrices sur le nombre de députés compromis et sur ce que cela pourrait signifier. Le caractère moralisateur fondé sur l'ignorance crasse et délibérée du Parti conservateur ne fera que susciter la méfiance et la défiance à l'égard de nos institutions démocratiques, sans qu'il soit possible d'être informé.
Leur propre chef a la possibilité d'être pleinement informé de la situation dans cette affaire sérieuse. Au lieu de cela, il choisit l'ignorance aveugle qui engendre la méfiance et la défiance. Qui profite le plus de la méfiance à l'égard de nos institutions démocratiques? Les États étrangers qui espèrent agir sur elles.
Monsieur le ministre, des accusations ont été lancées au sujet de l'ingérence dans la propre course à la direction du chef de l'opposition. Cependant, n'est-il pas tout à fait inapproprié de commencer à porter des accusations sur certains éléments de renseignement et, assez curieusement...
Un député: Y a-t-il une question?
Mme Jennifer O'Connell: C'est mon temps de parole et je peux faire des observations.
C'est assez curieux qu'ils ne mentionnent pas cette accusation dans leurs interventions.
Trouvez-vous irresponsable qu'un chef de l'opposition qui espère devenir un jour premier ministre soit aussi ignorant et aveugle à l'égard d'une question « on ne peut plus sérieuse »?
Madame O'Connell, vous avez tout à fait raison. Si le chef de l'opposition voulait vraiment comprendre les renseignements qui sous-tendent le rapport du CPSNR...
Mme O'Connell a siégé à ce comité de parlementaires et le saurait donc mieux que moi. Le comité a produit deux rapports. Il a produit un rapport très secret destiné au premier ministre et à nos agences de renseignement et il a produit un rapport qui a été rendu public au début de cette semaine. Bien entendu, le rapport rendu public était soumis à toutes les garanties législatives appropriées. M. McGuinty en a parlé publiquement.
Si le chef de l'opposition souhaitait consulter les renseignements de nature très délicate dont le comité de parlementaires a pris connaissance et qui ont servi de base à sa version très secrète du rapport, il lui suffirait de dire qu'il est prêt à obtenir les habilitations de sécurité voulues. Il aurait alors accès à ces renseignements tout comme, disons, lechef du Nouveau Parti Démocratique y a eu accès. Dans le monde difficile du renseignement, qui s'accompagne de mises en garde et de la nécessité de protéger les sources et les méthodes, il s'agit là, selon moi, d'une manière responsable et réfléchie de procéder. Ce n'est pas la voie que les conservateurs ont choisie.
Je pense que votre hypothèse sur certaines des raisons, madame O'Connell, était tout à fait valable.
Monsieur le ministre, les conservateurs aimeraient prétendre qu'il s'agit en quelque sorte d'une dissimulation. Toutefois, les renseignements protégés et réputés secrets ou ayant le statut très secret sont assujettis à des lois et à des règlements.
Ces lois et ces règlements étaient-ils en vigueur sous le gouvernement précédent ou s'agit-il d'une nouvelle loi, comme la loi contre l'espionnage?
En ce qui concerne la protection de ces renseignements, le directeur du SCRS et la GRC ont expliqué pourquoi il est important que nous fassions ce travail et les dispositions législatives qui le régissent. Ce n'est pas différent des conversations que j'ai eues avec mes collègues de Groupe des cinq et d'autres alliés du Canada.
En ce qui concerne les dispositions législatives précises qui existaient, peut-être que le directeur peut vous donner un aperçu, madame O'Connell, des différents textes de loi qui régissent la divulgation de ces renseignements et depuis combien de temps ils existent.
Je sais que nous célébrons cette année le 40e anniversaire du SCRS. Je n'ai aucun doute que le directeur vous invitera tous à la fête dans un instant.
David Vigneault souhaite peut-être ajouter quelque chose.
Le droit est très clair et il est en vigueur depuis un certain temps. La Loi sur la protection de l'information vise à protéger les sources et les méthodes et à empêcher la divulgation de renseignements qui seraient préjudiciables à des intérêts personnels. Je pense que nous avons vu les conséquences de fuites, et lorsque des renseignements classifiés sont divulgués, cela pose des problèmes. Dans un environnement démocratique, nous essayons de nous assurer de contrer les menaces à la sécurité nationale, et ce, dans le respect de la loi.
La protection des personnes n'est pas la protection d'un quelconque chef de l'opposition ou parlementaire. Il s'agit des personnes qui servent notre pays en recueillant ces renseignements et qui pourraient être mises en danger par la divulgation de renseignements de nature délicate. Est-ce exact?
Les consultations les plus récentes ont duré quelques mois. Pour ce qui est des consultations menées avant mon arrivée au Cabinet, je vais devoir demander aux fonctionnaires qui m'accompagnent de m'aider.
Les consultations sur les aspects juridiques du projet de loi se sont déroulées de novembre à février, je crois, et auparavant, nos collègues de la Sécurité publique ont mené des consultations sur le registre. Je crois qu'elles ont commencé en mai 2023, si ma mémoire est bonne.
C'est pour cela que je trouve difficile d'examiner ce projet de loi en quatre jours, honnêtement. Les sujets abordés sont très sérieux et très importants, et les implications sont grandes. Je trouve que l'examen est un peu précipité.
Monsieur LeBlanc, je vais revenir à une réponse que vous avez donnée un peu plus tôt. Il est vrai que les chefs de partis peuvent demander la cote de sécurité adéquate afin de pouvoir examiner l'information. Ce faisant, cependant, ils sont également tenus au secret à perpétuité. Pour nous, du moins, l'offre est appréciée, mais elle n'est pas très utile.
Existe-t-il un autre mécanisme qui pourrait nous aider, mis à part celui-là?
Encore une fois, je prends en compte la sincérité de votre question, et je partage votre sentiment.
Supposons qu'un chef de parti ait accès, par exemple, au rapport secret du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, soit à la version qui n'a pas pu être rendue publique. Il peut alors utiliser les renseignements contenus dans ce rapport pour prendre des décisions liées à ses responsabilités de chef de parti.
Vous avez absolument raison de dire qu'un chef de parti politique est toujours tenu de ne pas divulguer l'information, comme nous, ici, et comme mes collègues des agences.
Cela dit, l'information ainsi consultée par le chef de parti peut quand même lui servir à prendre les décisions qui s'imposent quant à des candidatures, par exemple.
Très brièvement, monsieur le ministre Virani, nous avons entendu quelques groupes de témoins employer l'expression « répression transnationale ». Êtes-vous convaincu que les modifications de la LPI prévues dans ce projet de loi couvrent les groupes qui nous préoccupent en matière de répression transnationale?
Oui. Nous avons entendu cette préoccupation et je pense que nous l'avons traitée d'une manière aussi souple que possible afin de couvrir la répression transnationale le plus largement possible.
C'est un sujet sur lequel je m'interroge en tant que membre du Comité.
Monsieur le ministre LeBlanc, je m'adresse à vous.
D'après les échanges que nous avons eus, je pense qu'il y a une différence évidente entre le renseignement et la preuve, et il peut être très difficile d'utiliser le renseignement pour obtenir une preuve en raison de la nature secrète des sources. Je comprends tout cela. Je comprends également que notre chef, M. Singh, a assisté à la séance d'information parce que, bien sûr, l'ingérence étrangère l'a touché personnellement. Nous savons que cela a affecté sa vie personnelle — où il peut aller, sa famille, etc. Je pense que cela est de notoriété publique.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de la partie 4 de ce projet de loi et de la création du registre public. Le projet de loi renferme une définition du terme « arrangement », où on lit: « sous l'autorité ou en association avec ». Le registre sera public, mais il existe une différence très nette entre le fait d'être sous l'autorité d'un commettant étranger et le fait d'être en association avec un commettant étranger. J'aimerais que vous me décriviez la différence que vous faites entre ces deux expressions. Comme il s'agira d'un registre public, cela pourrait avoir de graves conséquences pour les personnes qui y seront inscrites, même si elles ne sont qu'en association avec un commettant étranger.
Monsieur MacGregor, je pense que vous avez raison de souligner l'approche réfléchie de votre chef dans ce dossier. Parce que cela a été rendu public, je pense que les Canadiens ont été à juste titre bouleversés d'apprendre que lui et sa famille ont été potentiellement ciblés dans certains de ces contextes. Il est certain que je continue de m'inquiéter de sa capacité à faire son travail de parlementaire.
Vous soulevez une question pertinente, monsieur MacGregor. Je sais que M. Bilodeau a travaillé sur les détails du registre concernant les commettants. Les raisons pour lesquelles nous sommes tous, je l'espère, en faveur du registre sont bien connues, je ne les répéterai donc pas. Je comprends la distinction explicite entre « en association avec » et « sous l'autorité de ». Je peux penser à une relation entre un avocat et son client, par exemple, et à la façon dont cela pourrait être différent.
M. Bilodeau peut peut-être vous donner une réponse précise à cette question, car elle est pertinente.
La réponse est que le projet de loi vise à saisir une vaste gamme d'arrangements. Il n'est pas nécessaire qu'ils soient écrits, mais le commissaire devra quand même démontrer qu'il existe une sorte d'entente entre un État étranger et une entité au Canada en vue de mener des activités d'ingérence. Cette disposition a été rédigée ainsi afin de donner au commissaire la latitude nécessaire à l'application de la loi.
En ce qui concerne l'identification de personnes dans le registre en vertu d'un tel arrangement, des recours sont prévus dans le projet de loi. Si une personne estime qu'elle ne devrait pas figurer sur le registre, elle peut demander un contrôle judiciaire de cette décision. Les garanties sont intégrées dans le projet de loi.
Enfin, le commissaire aura la possibilité d'émettre des interprétations et des orientations. Cela permettrait de préciser ce qui est considéré comme un arrangement.
Monsieur le président, j'ajouterai que le registre n'est pas un objet de stigmatisation qui sous-entend une conduite criminelle ou inappropriée. C'est un document de transparence. La distinction est importante.
Nous avons largement dépassé le temps imparti, mais comme j'ai gaffé avec Mme O'Connell et que je lui ai laissé beaucoup plus de temps, je vais accorder une minute à M. Motz pour poser une question.
Étant donné l'importance du projet de loi C-70, nous savons que le Parlement a fait son travail. Nous voulons maintenant que le gouvernement fasse le sien. Messieurs les ministres, est-ce que chacun de vous s'engagera aujourd'hui à ce que le projet de loi C-70 soit en place et pleinement en oeuvre avant les prochaines élections, oui ou non?
Il est certain que c'est notre objectif. Nous sommes conscients de l'urgence de la situation. C'est pourquoi nous apprécions, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, le travail de la Chambre. Nous ne savons pas ce que le Sénat fera, mais pour ce qui est des éléments qui relèvent du gouvernement, je peux assurer à nos collègues que nous veillerons à ce qu'ils soient en place lors de l'entrée en oeuvre de la Loi.
Brièvement, comment comptez-vous le mettre en oeuvre? Par un décret ou autrement? Les fonctionnaires ont dit que cela pourrait prendre un an. Il se peut que nous ne disposions pas d'un an. Un décret suffirait-il pour garantir que tout est mis en place avant les prochaines élections?
Je ne suis pas un spécialiste des décrets. Pour certaines dispositions du projet de loi, comme celle qui porte sur la nomination du commissaire et les dispositions connexes, nous allons procéder promptement et consulter le Parlement, comme de raison. Peut-être M. Virani pourrait-il en dire davantage sur la possibilité d'un décret.
Monsieur Motz, c'est une excellente question. Il doit être bien clair pour tous mes collègues que nous souhaitons ardemment, comme vous certainement, que la mesure soit adoptée avant les prochaines élections. C'est pourquoi nous sommes très encouragés de voir le travail qui se fait ici.
Je vais travailler en collaboration avec le ministre LeBlanc pour qu'on accorde la priorité à ce projet de loi. Il revêt une grande importance, comme il a été souligné.
J'ajouterai, monsieur Motz, que la disposition d'entrée en vigueur fixe la date à 60 jours après la sanction royale. Nous n'avons aucun contrôle sur le processus sénatorial, mais nous mettrons tout en oeuvre pour que la priorité soit accordée à un projet de loi de cet ordre.
Merci, messieurs les ministres, pour vos excellents témoignages. Votre contribution a été des plus utiles.
Certains fonctionnaires vont nous quitter et seront remplacés par d'autres. Nous allons suspendre les travaux pour l'arrivée d'un nouveau groupe de témoins.
Je souhaite la bienvenue aux fonctionnaires qui viennent de se joindre à leurs collègues autour de la table. Représentant le Bureau du Conseil privé, nous accueillons Mme Nathalie Drouin, qui est sous-greffière du Conseil privé et conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre. M. Mark Scrivens, avocat-conseil, et Mme Karine Bolduc, avocate, représentent quant à eux le ministère de la Justice.
Je crois comprendre que les fonctionnaires ne présenteront pas de déclaration liminaire. Nous allons donc amorcer sans tarder la période des questions, avec M. Caputo en premier. Vous disposez de six minutes.
Je vais poser une question qui s'adresse à tous. Parmi les fonctionnaires présents, quiconque estime être le mieux placé pour y répondre pourra le faire.
On a parlé des séances d'information sur la sécurité et de la question de savoir si une personne qui a obtenu une autorisation de sécurité peut assister à une telle séance. Le chef du NPD a déclaré qu'il aimerait se soumettre à ce genre de séance d'information. Après avoir assisté à une séance d'information sur la sécurité, une personne peut-elle divulguer l'information transmise? Pourrait-elle poser des questions au gouvernement concernant l'information reçue lors de cette séance?
C'est une question très importante. Elle montre que la manière dont notre nation aborde les questions de sécurité nationale est en train d'évoluer. C'est un territoire assez peu connu. À ma connaissance, aucun politicien ou chef de parti n'a obtenu d'autorisation de sécurité lui permettant de recevoir cette information.
Il est déjà arrivé que des personnes divulguent publiquement des choses entendues lors d'une séance d'information classifiée. S'il y a un décalage entre ce qui a été transmis et ce qui est divulgué, c'est problématique. La capacité de protéger les sources, les méthodes et les personnes qui recueillent l'information peut aussi être compromise. Je pense donc que des changements s'imposent. Cela dit, les limites sont très claires relativement à ce qu'un chef de l'opposition peut dévoiler. La question est de savoir si la menace d'ingérence étrangère pourra être atténuée du fait d'avoir obtenu une information et de pouvoir prendre des décisions. C'est quelque chose dont il faudra discuter, et c'est clair que l'évolution de notre système est nécessaire maintenant.
Monsieur Vigneault, si j'assistais à une séance d'information demain, pourrais-je poser des questions à la Chambre des communes concernant des personnes ou des sujets précis sur lesquels j'aurais reçu de l'information? Je vois que votre collègue hoche la tête. Est-ce qu'on pourrait dire que les personnes qui ont assisté à ces séances sont en quelque sorte muselées?
Je le décrirais autrement. Je dirais plutôt que la loi interdirait à un député de parler de ce qu'il a entendu.
Le défi est qu'il y a d'un côté la loi, et de l'autre il y a le privilège de la Chambre des communes. Pour revenir à l'évolution nécessaire du système, si quelqu'un reçoit de l'information à titre confidentiel et invoque le privilège de la Chambre pour la divulguer, nous tombons en terrain inconnu quant à la procédure. C'est pourquoi, en ma qualité de professionnel du renseignement, je recommande un examen fouillé de la question en vue de l'établissement d'un nouveau modus vivendi pour les Canadiens.
Je comprends. J'ai dit que les personnes sont « muselées » dans le sens où c'est la loi qui les muselle.
Je vais formuler ma question autrement. Si un député de l'opposition assiste à une séance d'information sur la sécurité de niveau très secret durant laquelle il entend des renseignements classés très secrets, y compris les renseignements bruts auquel le ministre LeBlanc a fait allusion tout à l'heure, ce député pourrait-il agir par rapport à cette information ou s'agirait-il d'une contravention à la Loi sur la sécurité nationale?
Oui, évidemment, il pourrait agir. C'est pourquoi, récemment, j'ai offert à tous les partis, et plus particulièrement à leur chef, de recevoir de l'information qui pourrait leur permettre de prendre des mesures au cours d'une élection partielle ou des élections générales, de gérer leur caucus et d'être mieux outillés pour réfléchir à leur conduite, au genre d'événements auxquels ils participent et au genre de relations qu'ils entretiennent. Ces informations leur permettent de faire beaucoup de choses sans qu'il soit nécessaire de les rendre publiques.
Mon point est qu'ils ne peuvent pas parler des informations reçues. Quand je dis « agir », je pense à une intervention publique. Par exemple, le député pourrait-il poser publiquement des questions difficiles et très pointues au gouvernement par rapport à ce qu'il aurait entendu au cours de cette séance d'information? La réponse est non. C'est ce que je veux dire.
Le ministre Virani a expliqué que nous avons une loi qui l'interdit. Cette loi repose sur des principes fondamentaux. La collecte d'information au moyen de processus de renseignement n'est pas contradictoire, et les personnes visées par ces activités de collecte ne sont pas en mesure de se défendre. C'est pourquoi nous avons parlé de l'équilibre à trouver entre d'une part l'efficacité du cadre législatif en matière de renseignement et de sécurité nationale et, de l'autre, la nécessité de protéger les droits de la personne. Je crois que la divulgation de noms recueillis dans le cadre du processus de renseignement irait à l'encontre de nos principes de protection des renseignements personnels, mais également de nos principes de protection des droits de la personne.
Le ministre peut communiquer de l'information classifiée pour des raisons d'intérêt public. Qu'est-ce qui serait davantage dans l'intérêt public que de savoir si, sur son bulletin de vote, une personne a inscrit un X à côté du nom d'un candidat qui a été compromis par un acteur étatique étranger?
Tout d'abord, je peux vous affirmer que toute une série de mécanismes est en place pour réduire la menace. Le SCRS peut mettre en oeuvre une mesure de réduction des menaces, organiser une séance d'information sur la défense. Un chef peut gérer son caucus. Une démarche peut être suivie concernant les acteurs étrangers. Nous pouvons déclarer un membre du personnel consulaire persona non grata. Beaucoup de choses peuvent être faites pour réduire les menaces.
Selon M. Cooper, mon temps s'achève. Je crois que c'était une menace voilée.
J'ai six minutes. Mon temps est loin de s'achever, monsieur Cooper. C'est adorable.
Quoi qu'il en soit, mes questions vont s'adresser au ministère de la Sécurité publique.
Des témoins ont déploré le fait que le projet de loi ne s'appliquera pas aux courses à la direction des partis politiques nationaux et à leurs congrès. Est-ce bien le cas? Quelle est votre interprétation à ce sujet?
La loi s'applique aux processus gouvernementaux et politiques. Elle contient une liste de ce qui est visé, mais elle n'est pas limitative.
Selon notre interprétation du projet de loi, il s'applique aux courses à la direction puisqu'il s'agit de processus politiques. Il reviendra au commissaire de trancher ces questions, mais c'est l'intention du projet de loi.
Un de mes collègues a demandé à des témoins ce qu'ils pensaient du mot « association » relativement au déclenchement de l'obligation d'enregistrement. Le mot « association » serait trop large selon certains. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce mot a été utilisé et comment il faut l'interpréter?
Selon la définition qui a été retenue, un « arrangement » s'entend d'une situation dans laquelle une personne agit « en association avec » ou « sous l'autorité »… Cette formulation suppose qu'il doit exister une forme d'accord entre l'entité qui exerce une influence et la puissance étrangère. Il faut qu'il y ait une forme quelconque d'entente ou d'accord.
La décision de ne pas trop restreindre la définition est délibérée. Elle doit couvrir tous les types d'arrangement qui peuvent être conclus, sans exception, et qui doivent déclencher l'obligation d'enregistrement parce que c'est la transparence qui est en jeu ici. Il y a une limite, bien entendu, si quelqu'un décide de son propre chef de divulguer quelque chose sans l'avoir demandé à quiconque et sans qu'il y ait eu d'accord. L'obligation d'enregistrement ne s'appliquerait pas dans ces cas, mais le but est qu'elle s'applique au plus grand nombre de situations possible.
Une autre question dont le Comité a débattu est celle de l'indépendance du commissaire. Il est prévu au projet de loi que le commissaire relèvera du ministère de la Sécurité publique. Pourquoi cette décision a-t-elle été prise et quels seront les avantages de cela?
Selon le modèle proposé dans le projet de loi, le commissaire relèverait du ministère de la Sécurité publique, mais il pourra agir indépendamment pour remplir son mandat. C'est ce qui a été proposé dans le projet de loi parce que ce modèle permettra de tirer profit de l'infrastructure du portefeuille de la Sécurité publique, et notamment de faciliter l'échange d'informations avec le SCRS et la GRC. C'est important parce que le commissaire devra compter sur les plaintes reçues et son propre travail d'enquête, mais également sur les informations provenant d'autres sources pour orienter ses enquêtes. Le lien avec le ministère de la Sécurité publique accroîtra sa capacité à cet égard. Il sera plus facile pour les autorités de lui transmettre de l'information et il pourra tirer profit de l'infrastructure physique en place pour la recevoir. Le commissaire restera néanmoins maître de ses décisions et du contenu de ses rapports.
Le projet de loi prévoit que le ministre fera déposer le rapport, mais c'est le commissaire qui va produire ce rapport. Le ministre ne pourra pas le modifier.
Je suis d'accord avec les députés de l'opposition qui réclament une mise en oeuvre avant les prochaines élections. Si nous apportons un amendement au projet de loi afin que le commissaire soit un agent indépendant du Parlement, y aurait-il un risque que l'entrée en vigueur soit reportée après les élections?
C'est difficile pour moi de répondre à cette question parce que, comme je l'ai dit, l'appareil gouvernemental et tout ce qui concerne la création de fonctions d'agent du Parlement ne relèvent pas de ma compétence.
En revanche, je peux affirmer qu'il sera beaucoup plus facile d'intégrer cette fonction au ministère de la Sécurité publique.
Je vais me tourner vers les gens du SCRS. Je suis assez réceptif à certains des arguments avancés au sujet de la divulgation de noms et de la nécessité de l'ouverture et de la transparence. Cependant, il est arrivé que les médias divulguent le nom de certaines personnes sans donner de contexte. Je pense entre autres à l'affaire Arar, qui remonte probablement à une vingtaine d'années.
Quelles sont les incidences lorsque des noms sont propagés sans contexte?
Je précise tout d'abord que l'exemple donné par la députée est très différent de ce dont il est question aujourd'hui. Ce dont il est question, c'est de la communication d'informations classifiées sans contexte et sans possibilité de les protéger. Très souvent, ces informations émanent de sources très délicates. La capacité de protéger le Canada est directement liée à la capacité de recueillir des renseignements.
La communication d'informations peut porter atteinte à la réputation de personnes qui n'ont aucun moyen de se défendre. Elle peut aussi compromettre la capacité des organismes, y compris le SCRS, de continuer à bien faire leur travail et, par conséquent, menacer la sécurité nationale du Canada.
Je crois que la communication non autorisée d'informations peut avoir des conséquences très néfastes.
Quand je regarde le projet de loi C‑70, les trois mots qui me viennent en tête sont très positifs: « confiance », « transparence » et « exemplarité ». Si on cherche à comparer ce projet de loi à la situation dont mes collègues discutent ce matin, c'est-à-dire le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR, on trouve un paradoxe, celui qu'il y a entre le nécessaire secret et la nécessaire transparence.
Madame Drouin, comment conciliez-vous les deux éléments de ce paradoxe?
Nous avons commencé à travailler très fort à cette fin. Les employés du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, et ceux du Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, vont rencontrer de plus en plus les différents intervenants et vont rendre publics des documents pour accroître la sensibilisation des Canadiens, afin de s'assurer qu'ils comprennent les différents mécanismes utilisés par les acteurs étrangers. Par conséquent, la transparence repose beaucoup sur la connaissance des stratagèmes qui sont utilisés et sur la façon de s'équiper pour y faire face. Faire preuve de transparence ne veut pas nécessairement dire qu'il faut divulguer l'ensemble des détails, comme des noms, des incidents particuliers; il s'agit plutôt d'expliquer aux Canadiens quels sont les risques, quelle est la menace, quels sont les stratagèmes et les processus.
Je crois que la transparence est un outil pour fédérer la confiance, et la confiance est le but que l'on recherche. N'est-ce pas? D'accord.
Si le projet de loi C‑70 était en vigueur aujourd'hui, dans l'état actuel des choses, quelque chose pourrait-il être fait différemment en réponse au rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement?
Plusieurs petits éléments apporteraient des changements importants.
D'abord, il y a la capacité du SCRS de discuter avec les différents ordres de gouvernement et les universités. Le fait de pouvoir donner plus d'informations à ces différents intervenants va amener une meilleure défense de l'ensemble de nos institutions canadiennes.
Ensuite, les différentes infractions criminelles qu'ajoute le projet de loi C‑70 pourraient capter le genre d'informations qu'on peut lire dans le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Cela apporte plus de précisions, ce qui va faciliter le travail des corps policiers et de la poursuite en matière criminelle.
De l'ingérence étrangère, il y en a toujours eu. Malheureusement, il y en aura toujours. L'objectif visé est d'être capable de la détecter.
Par ailleurs, on sait très bien qu'au fur et à mesure que nous raffinons nos processus législatifs, les acteurs étrangers, quant à eux, raffinent leur méthodologie. C'est donc pour cela que le travail que vous accomplissez en lien avec le projet de loi C‑70 est absolument formidable et nécessaire.
C'est un premier pas, mais nous devrons toujours continuer ce travail ensemble pour garder notre corpus législatif moderne et efficace.
Ma prochaine question s'adresse tant à vous qu'à M. Vigneault.
J'ai participé aux travaux du comité où on analysait le rapport sur le laboratoire de Winnipeg. Le Service canadien du renseignement de sécurité avait été sollicité pour faire des vérifications d'antécédents dans ce dossier. Si on prenait cette situation telle qu'elle existait à l'époque, avec des scientifiques dans le laboratoire, le projet de loi C‑70 permettrait-il de faire les choses différemment de ce qui a été fait à l'époque?
En ce qui concerne l'échange d'informations et la capacité de communiquer davantage avec les universités du Canada, par exemple, les dispositions du projet de loi C‑70 permettraient vraiment d'aller plus loin pour nous aider à prévenir des situations comme celle-là. C'est la même chose dans le cas des échanges avec nos grands scientifiques.
Je crois que, avant même votre intervention, on pouvait quand même observer une certaine délinquance par rapport aux processus internes au sein de ce laboratoire.
Ce qu'il est important de dire aussi, qui constitue un paradoxe très difficile pour nos scientifiques, c'est que la science est basée sur une collaboration mondiale. La culture des scientifiques en est une de collaboration. Il ne faut pas nuire à cette collaboration, mais elle doit se faire de façon éclairée.
Je pense que la culture de collaboration va devoir cohabiter avec la culture de l'ingérence étrangère.
Monsieur Bilodeau, comme vous le savez, j'adore vous poser des questions.
J'ai entendu votre plaidoyer plus tôt au sujet de l'indépendance du commissaire. Nous en avions parlé l'autre jour et vous avez répété l'explication selon laquelle les choses étaient plus simples ainsi, parce que l'infrastructure était déjà en place.
Or on est indépendant ou on ne l'est pas. C'est aussi simple que cela. Je comprends l'indépendance d'action, mais l'obligation de rendre compte au ministère de la Sécurité publique renforce l'importance de la confiance, de la transparence et de l'exemplarité, trois valeurs dont j'ai parlé plus tôt. De plus, il me semble que, dans l'intérêt du gouvernement, cette indépendance devrait être réelle et perçue, plutôt qu'être une forme d'indépendance.
Monsieur le président, je vous remercie de votre question.
J'ajouterais que ce modèle existe déjà au gouvernement fédéral. Je pense, par exemple, au commissaire du Bureau de la concurrence, qui agit de façon indépendante dans l'application de la loi. La loi prévoit également des consultations avec les parlementaires, que ce soit à la Chambre des communes ou encore au Sénat. Enfin, ultimement, une fois nommé par le gouverneur en conseil, le ou la commissaire peut se voir démis de ses fonctions seulement pour une raison valable. Il existe donc quand même une certaine obligation de rendre compte.
Par contre, nous comprenons que le projet de loi C‑70 pourra être modifié par des amendements. Nous pourrons en discuter et les analyser, et ce sera à vous de décider. Toutefois, nous croyons que celui-ci prévoit beaucoup d'indépendance dans le travail clé du commissaire. Cette indépendance se manifeste aussi en ce qui concerne ses rapports au Parlement, qui ne sont pas envoyés au ministre pour approbation; ils lui sont plutôt envoyés pour qu'il les dépose à la Chambre.
Monsieur Vigneault, j'ai pris note de ce que vous avez dit plus tôt. Vous vous retrouvez dans une position qui est loin d'être facile, et je crois que toutes les démocraties dans le monde font face aux mêmes difficultés. Même si elles ont un système de gouvernement différent, le pouvoir législatif doit toujours intervenir pour assurer un certain degré de transparence et de responsabilité de la part des organismes de renseignement.
Aux États-Unis, le Congrès représente un ordre de gouvernement distinct, mais égal. La partisanerie atteint des sommets là-bas, mais les démocrates et les républicains se partagent les sièges au Congrès et au Sénat, qui jouissent de pleins pouvoirs de surveillance des activités de la CIA, du FBI et des autres organismes du genre. C'est difficile.
Dans mon caucus, le chef est autorisé à participer à ces séances, tout comme M. Davies, qui est membre du CPSNR. Comme de raison, il leur est interdit de nous divulguer les informations précises qui ont été transmises lors de ces séances mais, pour notre caucus, il est rassurant de savoir qu'ils les connaissent. Cela leur a permis de nous dire que le problème est grave, que les services de renseignement en ont été saisis et qu'ils le considèrent comme un enjeu très important.
Comme vous travaillez aux services de renseignement, j'aimerais savoir dans quelle mesure vous jugez important que des membres de la Chambre et du Sénat soient au courant de ces enjeux même s'ils ne peuvent pas en parler. Il se passe quelque chose de très grave et il faut vraiment aller au-delà des joutes partisanes à la Chambre. Même si nous ne pouvons pas en parler publiquement, dans quelle mesure est-il important, selon vous, que des représentants de tous les partis à la Chambre soient au courant?
Cette question est l'une des plus fondamentales dans ce débat. Le monde est de plus en plus complexe. À cause du contexte de la menace, le Canada est un endroit moins sûr et moins prospère qu'avant. Nous avons besoin de toutes sortes d'outils et de différentes manières de voir pour faire face aux menaces à notre sécurité nationale.
Dans une démocratie, il est essentiel que les représentants élus à la Chambre et les membres du Sénat aient accès, de manière organisée, aux éléments d'information pertinents pour se tenir au courant et demander des comptes au gouvernement et aux organismes par l'intermédiaire de structures comme le CPSNR. Mes collègues et moi-même avons comparu à de multiples reprises devant le CPSNR pour donner de l'information très secrète et des détails, et aussi pour répondre à des questions et aux préoccupations à ce sujet. C'est à mon sens un exercice essentiel au sein d'une démocratie.
Le passage du rapport du CPSNR qui porte sur le défi lié au renseignement et à la preuve m'apparaît particulièrement important. Ce dont il est question, c'est de la capacité d'utiliser les renseignements recueillis par le SCRS, le CST et d'autres partenaires, ou qui nous a été transmis par des partenaires étrangers dans le cadre d'une instance judiciaire visant à demander des comptes à divers intervenants. C'est extrêmement complexe. Le projet de loi C-70 apporte quelques améliorations et le gouvernement a admis qu'il fallait en faire davantage, mais s'il est impossible d'exiger des comptes et d'obtenir un effet dissuasif par la voie judiciaire, il faut s'en remettre aux autres mécanismes qui ont été évoqués. Un de ceux-là est l'accès des dirigeants à ces renseignements et leur capacité de prendre des décisions. Ce n'est pas un processus judiciaire. Personne ne va être mis en accusation par une cour de justice. Ce qui va arriver, c'est que quelqu'un qui divulgue une information classifiée ne pourra pas se présenter aux élections ou faire partie d'un caucus.
Il faut absolument trouver de meilleures façons d'utiliser le renseignement dans les processus judiciaires, mais aussi dans le cadre d'autres processus décisionnels. Pour les acteurs étrangers, il est important de savoir si leurs agissements ici vont entraîner de lourdes conséquences. Sinon, il sera tentant pour eux d'étendre ces activités. Vous avez posé une question vraiment importante.
C'est une excellente transition vers ma prochaine question, qui s'adressera à la GRC.
Monsieur Flynn, nous avons discuté du thème du renseignement par rapport à la preuve mais, de façon plus générale et du point de vue de la GRC, pouvez-vous nous en dire davantage sur les difficultés que vous rencontrez quand vous recevez des renseignements? Quelles difficultés se posent pour ce qui est du traitement de ces renseignements par la GRC? Vous devez établir s'ils vont être recevables en preuve devant une cour de justice et s'il va en découler une cause défendable. Pouvez-vous nous parler de ces difficultés?
Une bonne partie de ce dont nous avons discuté et de ce que le directeur vient de dire est notre pain quotidien. Nous travaillons en très étroite collaboration avec le SCRS. Il est très fréquent que nous ayons à notre disposition des renseignements que nous ne pouvons pas utiliser dans le cadre de procédures judiciaires, pour porter des accusations ou même pour faire avancer une enquête en raison des mises en garde et des restrictions imposées. Cela nous permet de nous tenir au courant de l'environnement dans lequel nous opérons. C'est aussi utile pour voir les possibilités que nous pouvons exploiter pour recueillir de l'information qui sera utilisable dans nos procédures judiciaires. Plus important encore, cela nous renseigne sur la situation et nous aide à prendre des mesures qui ne sont pas centrées uniquement sur les poursuites. Nous pouvons rester pris dans une voie ou un processus de poursuite, mais c'est important de revenir à notre mandat. Notre mandat est de préserver la sécurité publique. Et il existe toutes sortes de moyens pour nous de protéger la sécurité publique sans nécessairement engager de poursuites.
Un bon nombre des amendements que vous étudiez et qui sont proposés pour ce projet de loi visent à élargir nos pouvoirs. Ils éliminent certaines des difficultés que nous avons eues dans le passé à engager des poursuites contre des individus qui ont eu certains comportements. Je crois qu'une partie de votre travail va avoir pour résultat de changer la définition de ce qui est acceptable et de ce qui est illégal par rapport à celle que nous avons appliquée jusqu'ici. C'est un changement qui sera très positif pour nous.
Un seul mécanisme existe actuellement. Il s'applique aux membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qui obtiennent une autorisation de sécurité de niveau très secret. Les chefs des partis d'opposition peuvent aussi recevoir cette autorisation.
Essentiellement, nous avons deux processus. Le premier est très nouveau. Le niveau le plus élevé est très secret et, selon la nature de la situation, d'autres composantes peuvent être ajoutées.
Dans l'édition du 23 mai du Globe and Mail, on peut lire que le premier ministre et le Cabinet n'ont pas fourni certains documents à la juge Hogue, la commissaire chargée d'enquêter sur l'ingérence étrangère. Selon cet article, le Bureau du Conseil privé, soit le ministère du premier ministre — c'est vous —, aurait déclaré au Globe and Mail que près de 10 % des documents du Cabinet qui ont été fournis aux fins de l'enquête ont été caviardés. Un nombre non déclaré de documents secrets du Cabinet ont été retenus.
Combien de documents le ministère du premier ministre, le Bureau du Conseil privé, a-t-il omis de remettre à la juge Hogue?
Ce que je peux vous confirmer, c'est qu'aucun incident et aucun renseignement n'a été dissimulé à la commissaire. Nous avons transmis, ce qui constitue une mesure extraordinaire, des mémoires au Cabinet dans le cadre de l'enquête publique…
En tout respect, il est mentionné dans le rapport qu'un certain nombre de documents du Cabinet n'ont pas été transmis. Je vous ai demandé un chiffre. Si vous ne pouvez pas me donner un chiffre précis, pouvez-vous au moins me donner une approximation?
Nous avons déjà dit — nous essayons actuellement de préciser cette information — que 8 % des documents que nous avons remis à la Commission comportent des passages caviardés…
De toute évidence, nous n'avons pas transmis à la Commission ce qui n'est pas pertinent pour elle. Il est impossible pour moi de savoir combien de documents nous ne lui avons pas transmis.
Ce qui est pertinent, c'est que la juge Hogue a demandé ces documents et que le ministère du premier ministre n'a pas accédé à sa demande. Que voulez-vous dire par « qui n'est pas pertinent » pour la juge Hogue?
Nous n'avons retenu aucun document dont la Commission a besoin pour faire son travail. La commissaire a entre les mains toute l'information pertinente dont elle a besoin pour faire son travail, et…
… qui le premier ministre… Qui est responsable… On a fermé les yeux sur l'ingérence étrangère et une enquête a dû être lancée. Qui doit décider de ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas aux fins de l'enquête de la juge Hogue, de ce qui est de son ressort?
Le critère de la pertinence est évalué par rapport à son mandat. Elle a reçu toute l'information pertinente dont elle avait besoin pour faire son travail.
Si vous me le permettez, je pense que la note de bas de page à laquelle vous faites référence dans le rapport provisoire de la Commission pose la question de savoir si les renseignements confidentiels du Cabinet que nous lui avons transmis peuvent être rendus publics.
Madame Drouin, si le premier ministre n'avait rien à cacher, il remettrait tous les documents que la juge Hogue lui a demandés. Son refus de le faire est en soi très éloquent, et je pense que les Canadiens peuvent tirer les conclusions qui s'imposent.
Je crois que le secret du Cabinet joue un rôle central dans le travail démocratique des parlementaires. Il est absolument primordial pour assurer le bon fonctionnement du processus décisionnel. Cela n'a rien à voir avec la politique. Ce secret est au coeur de notre système parlementaire de Westminster parce qu'il permet aux ministres de donner leur opinion librement et de maintenir la solidarité ministérielle.
Je tiens à répéter, pour m'assurer que vous le compreniez tous, que la juge Hogue a reçu toute l'information nécessaire et que la communication de documents se poursuit à la troisième étape de notre travail.
Madame Drouin, j'aimerais vous donner la possibilité de répondre à la question étant donné que, comme nous avons pu le constater, les conservateurs semblent s'intéresser davantage à leur message qu'à notre édification.
M. Villemure rigole. Je crois qu'il préférerait que je lui prépare un sandwich et que je laisse travailler les hommes qui sont dans la salle, comme il me l'a dit, mais peu importe… Ce qui compte, c'est que je continue de faire ce travail. J'ai fait partie du CPSNR et je m'intéresse aux questions d'ingérence étrangère…
Monsieur le président, Mme O'Connell ne peut pas faire des accusations aussi outrancières et infondées à l'endroit de mon collègue du Bloc dans cette enceinte. Elle ne peut pas l'accuser de façon aussi odieuse d'être sexiste à cause d'une expression faciale en réaction à une discussion. C'est contraire à l'étiquette parlementaire et…
C'est quelque chose que j'ai déjà souligné, mais je vais le répéter. M. Genuis et plusieurs autres ont une fâcheuse tendance à se pencher vers le micro. Nous avons des interprètes. Généralement, avec des voix comme celles de M. Genuis et la mienne, le volume n'est pas un problème. Le microphone peut capter les sons à une bonne distance. Ce n'est pas nécessaire de se pencher en avant et de crier.
Serait-il possible pour M. Genuis de respecter les interprètes et de ne pas trop se pencher en avant? C'est une très mauvaise habitude.
Merci. C'est un autre rappel au Règlement, mais c'est bien noté. Je crois que nous avons tous tendance à nous pencher en avant, mais c'est vrai que nous devons respecter les interprètes et protéger leur ouïe.
J'espère, monsieur le président, que cette parenthèse ne va pas empiéter sur mon temps de parole.
M. Villemure peut me traiter d'impolie, mais je crois qu'il serait assez embarrassé… M. Genuis ne l'aurait peut-être pas défendu avec la même vigueur s'il avait entendu certains des propos qu'il a tenus à mon égard pendant la pause. Quoi qu'il en soit, je vais revenir aux travaux du Comité.
Madame Drouin, vous avez mentionné un point qui doit être souligné et bien compris. Vous avez dit quelque chose en répondant aux questions de M. Cooper au sujet de l'enquête de Mme Hogue et de sa demande de documents supplémentaires. Vous avez parlé d'une note de bas de page liée à cette demande. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce propos? Je vous pose la question parce que je suis très intéressée par ce à quoi vous avez fait référence.
Dans le rapport, il est indiqué dans une note de bas de page que les discussions se poursuivent concernant les documents confidentiels du Cabinet. Selon ce que j'en comprends, la note ne porte pas sur la question de savoir si d'autres documents sont nécessaires, mais plutôt sur la manière dont elle peut utiliser publiquement les documents confidentiels du Cabinet qu'elle a reçus.
Je pose la question suivante à M. Vigneaut et à Mme Drouin. Je les laisse décider qui est le mieux placé pour y répondre.
Quand M. Caputo vous a posé ses questions tout à l'heure, il a laissé entendre qu'après avoir reçu une autorisation de sécurité pour un domaine en particulier — comme l'ingérence étrangère —, une personne ne peut plus intervenir dans ces dossiers ensuite. M. Motz et moi-même avons une autorisation de sécurité et nous avons collaboré à l'examen de l'ingérence étrangère du CPSNR en 2019. Pourtant, nous sommes ici, nous posons des questions importantes et nous soulevons des enjeux de premier plan sans pour autant manquer aux exigences d'endoctrinement que nous sommes engagés à respecter pendant toute notre vie, pas seulement durant notre mandat au CPSNR.
Je trouve très intéressant d'entendre M. Caputo essayer de justifier, si je puis dire, pourquoi son chef ne recevrait pas d'autorisation de sécurité — qui l'empêcherait de poser des questions embarrassantes —, alors que la disposition du projet de loi qui l'empêcherait de divulguer de l'information délicate est justement celle qu'il a tenté, il y a à peine une heure, d'inciter le ministre LeBlanc à enfreindre.
Existe-t-il une loi ou un projet de loi qui s'applique à un ministre ou au Cabinet et qui s'appliquerait différemment à moi, à M. Motz, au chef du NPD ou au chef de l'opposition une fois que nous avons reçu une autorisation de sécurité?
La loi s'applique à tout le monde de la même façon, y compris aux élus qui possèdent une autorisation de sécurité qui leur donne accès à certaines informations et les fonctionnaires qui sont liés par la loi.
M. Caputo a également avancé, en faisant référence à la Loi sur la protection de l'information — il ne l'a pas précisé, mais c'est ce que je présume —, que le ministre devrait pouvoir divulguer des renseignements secrets pour des raisons d'intérêt public. M. Motz a certainement signé les mêmes documents d'endoctrinement que moi, et il s'est sûrement engagé à respecter les mêmes exigences juridiques après avoir reçu une autorisation de sécurité nous donnant accès à des renseignements de nature délicate. Je n'ai jamais vu dans ces documents de mise en garde comme quoi le ministre peut décider unilatéralement de divulguer une information de nature délicate ou déclassifier — comme on peut le voir aux États-Unis — une information s'il le juge approprié.
Est-ce que quelque chose m'échappe? Existe-t-il une loi magique qui permettrait au ministre de décider de son propre chef ce qui peut être rendu public ou non? Cette insinuation de M. Caputo n'est pas banale.
Le projet de loi C-70 comporte une nouvelle disposition qui précise qu'un renseignement personnel peut être communiqué pour des « raisons d'intérêt public » qui « justifient nettement une éventuelle violation de la vie privée ». Il s'agit d'un corollaire à la disposition plus large qui vise à autoriser la communication d'information afin de renforcer la résilience aux menaces à la sécurité du Canada. Elle n'existe pas encore, mais c'est dans le projet de loi.
Madame Drouin, je vais faire une analogie, d'accord? Quand on va sur un site Web, on nous propose souvent de cliquer sur quelque chose pour accepter les témoins. J'ai l'habitude d'accepter ceux qui sont strictement nécessaires. L'autre jour, j'ai discuté avec le commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Je lui ai demandé pour qui cette acceptation était nécessaire. Il m'a dit qu'elle l'était pour la personne qui propose une sorte de contrat, celle qui a mis cette disposition. Comme mon collègue, un peu plus tôt, je m'interroge sur les documents qui sont remis à la Commission sur l'ingérence étrangère parce qu'ils sont jugés pertinents et nécessaires. La question est la même que dans le cas des témoins sur un site Web, on se demande par qui ces documents sont jugés nécessaires.
Je suis curieux de vous entendre à cet égard parce que, tant pour le secret du Cabinet, dont je comprends l'utilité, que pour la classification des documents, quelque chose m'inquiète. Dans le cas du Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg, on a vu qu'il y avait une surclassification évidente de quelques centaines de pages, tout de même. La surclassification m'inquiète, dans l'appareil gouvernemental en général, et quel que soit le gouvernement.
Croyez-vous que des rapports comme ceux soumis au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR, peuvent faire l'objet d'une surclassification?
Dans le cas du CPSNR et de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, soit l'OSSNR, il y a vraiment un processus qui s'est perfectionné depuis qu'ils produisent des rapports. D'abord, on fait une classification des rapports produits. Ensuite, il y a un processus d'échange qui se fait principalement avec les équipes du SCRS pour déterminer, par un exercice d'équilibre des forces, ce qui peut être rendu public, comment cela peut être rendu public ou, encore, si on peut faire un sommaire. Il y a donc vraiment un processus qui est sain, en un sens, parce que le SCRS peut vouloir protéger un document, mais l'une des deux instances peut penser qu'il serait dans l'intérêt public d'en divulguer davantage. Cela nous mène donc à un équilibre qui peut évoluer selon le contexte...
Ce n'est pas nécessairement un problème. Parfois, on peut avoir le réflexe de classer secret quelque chose qui ne l'est pas nécessairement. Ce sont des choses que nous abordons régulièrement. Justement, la cote « secret » est un bon exemple.
Pour revenir à votre exemple du laboratoire de Winnipeg, je pense que c'est aussi important de souligner qu'il est parfois plus facile de rendre publiques certaines informations lorsque le risque s'est atténué. Ce facteur a eu une grande importance lors de la nouvelle divulgation dans le dossier du laboratoire de Winnipeg.
Monsieur Bilodeau, j'ai beaucoup aimé vos réponses aux nombreuses questions sur la définition d'un « arrangement ». Le Comité a reçu une lettre des universités de recherche du Canada. Je vais vous en lire un extrait:
Il faut clarifier la définition d'arrangement dans le projet de loi et préciser si elle englobera les partenariats de recherche, les accords de financement ou d'autres activités internationales de recherche menées de concert avec des universités subventionnées par l'État, des instituts de recherche ou des organismes étrangers de financement de la recherche susceptibles d'être considérés comme des commettants étrangers aux yeux de la loi. L'obligation d'enregistrement pourrait avoir comme conséquence imprévue de nuire aux partenariats de recherche internationaux et de compromettre gravement les relations avec les pairs internationaux. Le Canada courrait ainsi le risque de rater des possibilités de coopération à des travaux de recherche de pointe et de ne plus avoir accès à l'expertise mondiale de premier plan de pays comparables au nôtre.
Puis-je vous demander, monsieur, de commenter cette préoccupation dont les universités ont fait part au Comité?
Je n'ai pas eu l'occasion de lire la lettre, mais je peux quand même faire quelques commentaires.
Tout d'abord, le projet de loi sur la transparence et la responsabilité en matière d'influence étrangère n'interdit pas ces activités. Il exige seulement de la transparence à l'égard de certaines activités. Cela dit, chaque entente ou situation sera examinée au vu des exigences d'enregistrement. Les arrangements visés sont ceux qui ont été pris avec un commettant étranger en vue de faire l'une des trois activités mentionnées dans le projet de loi à l'égard d'un processus gouvernemental ou politique. Il faut que l'une des trois activités mentionnées soit envisagée pour que l'obligation d'enregistrement s'applique.
Une partie du mandat du commissaire sera de préciser ce que cela signifie. Par exemple, si une université noue un partenariat avec une université étrangère subventionnée par l'État en vue de réaliser des recherches sur un sujet qui n'a rien à voir avec un processus gouvernemental ou politique, alors un des critères ne sera pas rempli et l'obligation d'enregistrement ne s'appliquera pas.
L'important est de se rappeler qu'il y a trois exigences à remplir. Le but n'est pas de brimer l'expression ou quoi que ce soit du genre. Le but est de favoriser la transparence relativement aux éléments précis énoncés dans le projet de loi.
Comme vous l'avez souligné, des nuances pourront être apportées dans la réglementation et le commissaire disposera d'un certain pouvoir d'apporter des nuances. Est-ce exact?
Le moment est venu de conclure avec ce groupe de témoins.
Merci à vous tous d'être venus. Quelques-uns sont ici depuis deux heures, et je vous en remercie. Merci d'avoir accepté notre invitation à si court préavis et d'avoir répondu aussi généreusement à nos questions. Ce sera très utile pour notre étude.
Nous allons suspendre nos travaux pour permettre aux témoins suivants de prendre place.
Je vais présenter notre dernier groupe de témoins dans le cadre de notre étude du projet de loi C-70. Tout d'abord, nous accueillons des représentants du Bureau du commissaire au renseignement, l'hon. Simon Noël, commissaire au renseignement, ainsi que M. Justin Dubois, directeur exécutif et avocat général. M. Ahmad Al Qadi et Mme Nusaiba Al Azem, qui nous joint par vidéoconférence, sont ici au nom du Conseil national des musulmans canadiens. Enfin, M. Marcus Kolga, chercheur principal au Macdonald Laurier Institute, témoignera à titre personnel, également par vidéoconférence.
Bienvenue à tous.
J'invite M. Noël à nous présenter un exposé de cinq minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité afin de discuter avec vous du projet de loi C‑70.
Je suis accompagné aujourd'hui de Me Justin Dubois, directeur exécutif et avocat général de mon bureau.
Le rôle de commissaire au renseignement a été créé en 2019. J'occupe ce rôle depuis octobre 2022. En une phrase, mon mandat est d'approuver ou non certaines activités liées à la sécurité nationale et au renseignement prévues par le Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST, et le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS.
[Traduction]
Plus précisément, le Service et le CST peuvent parfois se livrer à des activités susceptibles d’enfreindre les lois du Canada ou de porter atteinte à la vie privée des Canadiens. Ces activités sont autorisées par le ministre. Le commissaire au renseignement, que j’appellerai le CR, examine les motifs du ministre pour déterminer s’ils répondent au critère de la décision raisonnable reconnu par les tribunaux canadiens. S’ils sont raisonnables, le CR approuve l’autorisation et l’agence peut poursuivre les activités prévues. Mes décisions écrites sont contraignantes et des versions caviardées sont publiées sur notre site Web.
Un certain nombre d’autorisations ministérielles soumises à l’examen du CR concernent l’utilisation d’ensembles de données. Le rôle principal du CR en ce qui concerne le régime des ensembles de données est de veiller à ce que le SCRS exerce son pouvoir de recueillir des informations non liées à la menace sur les Canadiens et les personnes au Canada d’une manière équilibrée, et à ce que le ministre tienne dûment compte des intérêts en matière de protection de la vie privée. Un contrôle indépendant est, à mes yeux, essentiel.
Le projet de loi C-70 propose certaines modifications à ce régime d’ensembles de données. La plupart des modifications visent à faciliter l’utilisation du régime des ensembles de données par le SCRS. Dans l’ensemble, je suis d’avis que les amendements proposés ne changeraient pas la nature de mon rôle de surveillance indépendante.
(1030)
[Français]
Cela étant dit, je tiens à souligner quelques amendements proposés qui auraient néanmoins une incidence sur le travail du commissaire.
Premièrement, le projet de loi C‑70 autoriserait le SCRS à collecter et à conserver des ensembles de données aux fins de l'article 15 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Cet article permet au SCRS de mener des enquêtes en vue de fournir des évaluations de sécurité au gouvernement du Canada. En outre, cela élargirait la portée des ensembles de données touchant les Canadiens qu'il peut collecter. L'ajout pourrait soulever de nouvelles préoccupations que je devrais considérer lors de mon examen quasi judiciaire.
Deuxièmement, ce projet de loi permettrait au SCRS de divulguer l'ensemble de données étrangères dont la rétention aurait été autorisée. Les conditions concernant la divulgation de l'ensemble auraient besoin d'être précisées. On peut envisager que cet élément serait considéré par le commissaire au moment d'examiner le caractère raisonnable des conclusions ministérielles.
Troisièmement, ce projet de loi comporte des modifications liées à la période de validation des autorisations ministérielles.
[Traduction]
Je souligne ces changements parce que je pense qu’ils sont les plus importants et pour aider à expliquer comment le régime des ensembles de données est mis en oeuvre. Le rôle de surveillance du CR est limité aux ensembles de données relevant de la partie 1, c’est-à-dire la collecte de renseignements personnels qui ne sont pas directement et immédiatement liés à une menace pour la sécurité du Canada.
Le projet de loi C-70 stipule clairement que le SCRS n’aura recours au régime des ensembles de données que si ces derniers ne peuvent être recueillis au titre d’une autre autorisation légale. Je suis ici en tant que commissaire au renseignement, mais j’apporte avec moi l’expérience de 21 ans — mon âge me trahit — à titre de juge désigné de la Cour fédérale, ainsi que celle d’un avocat impliqué dans les questions et les commissions de sécurité nationale. La première à laquelle j'ai été associé est la Commission McDonald, qui s'est penchée sur la crise du Front de libération du Québec en 1979. J'ai aussi travaillé à la réforme qui a donné naissance au SCRS tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Je voudrais ajouter quelque chose avant de conclure. Quand j'étais juge, j'ai travaillé au régime applicable aux ensembles de données, canadiens et étrangers — que vous avez sous les yeux aujourd'hui —, et j'ai contribué à préciser le rôle des avocats spéciaux et leur intervention dans les instances introduites au titre de l'article 38 de la Loi de sur la preuve au Canada.
Je termine ici. Je me réjouis de répondre aux questions, en espérant pouvoir vous être utile.
Bonjour. Je m'appelle Ahmad Al Qadi. Je suis accompagné de Nusaiba Al Azem, directrice des Affaires juridiques du Conseil national des musulmans canadiens. Nous sommes ici pour présenter des observations sur le projet de loi C-70.
Commençons par souligner que nombre d'objectifs du projet de loi sont louables. En fait, il y a plus de quatre ans, nous avons témoigné devant le comité des affaires étrangères au sujet de la nécessité pour le Canada de prendre des mesures énergiques contre les agents étrangers de n'importe quel pays, car il était évident que des agents de l'État chinois cherchaient à intimider des Canadiens d'origine ouïghoure. Nous sommes profondément préoccupés par les nombreux signalements d'ingérence d'États étrangers, y compris indien, chinois et autres, qui usent couramment de répression contre des communautés minoritaires.
Nous sommes tout à fait d'accord avec ce que beaucoup d'autres ont déclaré devant vous au Comité: le Canada doit prendre des mesures pour lutter contre l'ingérence étrangère. C'est pourquoi nous soutenons clairement certaines parties de ce projet de loi, comme la demande d'un registre sur la transparence des agents étrangers.
Cela dit, malgré tous les bons éléments du projet de loi, nous devons d'abord souligner aussi clairement que possible que l'adopter à la hâte dans son intégralité poserait des problèmes. Quand nous modifions rapidement nos lois relatives à la sécurité nationale qui ont des répercussions fondamentales sur les lois relatives à la protection de la vie privée, quand nous renforçons les pouvoirs d'organismes tels que le SCRS, dont de nombreux juges ont reconnu le comportement problématique, et quand les chercheurs ou les acteurs de la société civile n'ont pas le temps d'examiner le projet de loi, il est fort probable qu'il en résulte des conséquences indésirables, avec tout le respect que je vous dois. Même aujourd'hui, alors que nous présentons notre première réaction au projet de loi, nous doutons d'être en mesure de fournir des réponses complètes à toutes les questions posées, car nous n'avons eu qu'hier une séance d'information technique présentée par des représentants du gouvernement.
Aller trop vite peut avoir des conséquences négatives pour tout le monde. Dans le passé, nos organismes de sécurité nationale ont ciblé à tort des conservateurs sociaux chrétiens, des écologistes, des communautés sikhes, des communautés autochtones, des musulmans, des progressistes, et j'en passe. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut plus de temps pour réaliser avec des chercheurs et des spécialistes une étude approfondie qui ne soit pas bouclée en une semaine. Notre première et plus importante recommandation au Comité est donc de diviser le projet de loi, d'adopter la partie 4, que la plupart considèrent comme solide et assez peu controversée, et d'étudier beaucoup plus minutieusement le reste des propositions importantes formulées dans le texte.
M. Al Qadi a en effet raison de dire qu'un certain nombre de dispositions nécessitent un examen plus approfondi. Par exemple, dans la partie 2, une modification est proposée à l'article 20 de la Loi sur la protection de l'information, la LPI, pour ajouter la notion d'intimidation:
Commet une infraction quiconque, sur l’ordre d’une entité étrangère ou d’un groupe terroriste, en collaboration avec lui ou pour son profit, incite ou tente d’inciter une personne par menaces, accusations ou violence, à accomplir ou à faire accomplir quelque chose.
Cependant, comme il a déjà été mentionné devant le Comité aujourd'hui, le terme « intimidation » n'est pas défini dans la LPI, ce qui est très problématique. Utilisons-nous la définition du délit civil, nous appuyons-nous sur les utilisations parallèles de la notion d'intimidation dans le Code criminel ou sur une tout autre définition? Le gouvernement actuel ou de futurs gouvernements pourraient se servir de cette ambiguïté pour cibler différents types de protestations que certains accusent d'être financées par l'étranger, qu'il s'agisse de manifestants du convoi, de manifestants du mouvement Black Lives Matter ou d'autres encore. Nous recommandons de supprimer totalement cet article ou de définir clairement dans la loi le terme « intimidation », afin de garantir une exclusion des libertés civiles semblable aux exclusions proposées au paragraphe 60(2) et l'article 61 du projet de loi C-70.
Par ailleurs, la partie 1 du projet de loi élargit considérablement les pouvoirs du SCRS. Cet élargissement, tel qu'il est proposé, pour aider le SCRS à s'adapter à l'évolution de la technologie au-delà du Canada, est un changement important qui mérite d'être étudié. Les modifications relatives aux procédures de surveillance et de mandat méritent également d'être étudiées de manière approfondie.
Nous sommes également préoccupés par l'élargissement des dispositions relatives à l'interdiction de territoire de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, des dispositions relatives au sabotage et de bien d'autres. La nouvelle disposition de la LIPR, par exemple, laisse entendre que le ministre peut prononcer l'interdiction de territoire d'une personne s'il estime qu'elle nuit aux « relations internationales » du Canada. Quelles seront les conséquences pour les dissidents de dictatures avec lesquelles le Canada entretient des relations diplomatiques?
Ce projet de loi a de nombreuses répercussions complexes. La diligence requise n'est pas exercée lorsqu'il apparaît que tous les partis, mus par de bonnes intentions, selon nous, se précipitent malheureusement pour apporter des changements importants à notre infrastructure de sécurité nationale, sans que des contrôles adéquats soient effectués dans le cadre d'une étude plus longue, rigoureuse et éclairée.
Sous réserve d'éventuelles questions, ce sont là nos observations. Je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je suis journaliste et activiste de la société civile. Depuis près de 15 ans, je fais des recherches sur les opérations d'information et d'influence étrangères visant le Canada et ses alliés que je dénonce ensuite. Je milite aussi pour les droits de la personne. Dans le cadre de mon travail de journaliste, j'ai le privilège de soutenir des défenseurs extraordinairement courageux de la démocratie et des droits de la personne, dont certains ont témoigné devant le Comité en début de semaine, et de collaborer avec eux. D'autres ont fait l'objet de mesures d'intimidation ou de détention pour avoir dénoncé les régimes totalitaires de Beijing, de Moscou et de Téhéran. Certains ont été empoisonnés et d'autres, brutalement assassinés pour leur activisme et leur défense des droits.
En raison du soutien que j'apporte par mon travail à nombre de ces courageux militants et à nos causes communes, je suis directement témoin des effets effrayants de la répression transnationale exercée par des régimes autoritaires étrangers et j'en fais aussi les frais. Il s'agit notamment de menaces de mort, de harcèlement et d'articles diffamatoires à mon endroit publiés régulièrement par des médias contrôlés par le Kremlin. Des influenceurs et des agents du Kremlin au Canada cherchent à me discréditer et à me réduire au silence par des campagnes d'intimidation psychologique et de rumeurs.
Mon expérience personnelle est moins grave que celle des témoins que vous avez entendus en début de semaine, comme les membres courageux des communautés ouïghoure, tibétaine et hong-kongaise, mais les objectifs de ces opérations d'influence sont universels: brider la liberté d'expression des critiques des régimes dans la sphère politique et médiatique canadienne et, en fin de compte, mettre notre démocratie en péril.
Ces opérations visent à faire douter de la crédibilité de leurs victimes. Les tactiques utilisées peuvent inclure des articles malveillants en ligne ou des campagnes de lettres toxiques contenant de fausses accusations sur la cible, envoyées aux médias, aux autorités et même aux employeurs de la victime. Dans mon cas, ces campagnes ont été menées par des Canadiens travaillant avec des entreprises russes, des organismes de promotion du commerce et des groupes de réflexion contrôlés par le Kremlin.
Il est épuisant, psychologiquement, d'être pris pour cible et d'avoir à se défendre contre de telles opérations d'influence étrangère, et c'est voulu. Les victimes se sentent isolées et sans défense. L'inquiétude pour la sécurité des membres de la famille crée un stress psychologique supplémentaire, qui est encore aggravé quand ces campagnes comprennent des menaces de violence physique. Il peut en résulter un traumatisme psychologique important et d'autres problèmes. Finalement, la cible se sent tellement dépassée qu'elle abandonne et se tait, limitant ainsi sa capacité de s'exprimer librement.
L'absence d'un système de soutien cohérent pour les communautés vulnérables ne fait qu'aggraver le problème. En 2019, quand ma famille et moi-même avons été la cible de menaces de mort envoyées depuis une adresse IP basée à Moscou et diffusées sur les médias sociaux, aucun organisme d'application de la loi n'était équipé pour traiter de manière globale la question de la répression transnationale. Quand j'ai appelé mon service de police local, il m'a dit de contacter la GRC. Quand j'ai contacté la GRC, elle m'a dit de contacter le SCRS. Le SCRS est, bien entendu, une impasse.
Quand le projet de loi C-70 entrera en vigueur, tous les parlementaires doivent soutenir l'élaboration de politiques qui apportent un réel soutien aux communautés vulnérables et aux courageux militants et journalistes qui deviennent victimes de la répression transnationale. Pour les Canadiens exposés à la répression transnationale, le projet de loi C-70 est une lueur d'espoir bienvenue dans leur cause commune de défense de notre démocratie contre les régimes autoritaires qui cherchent à lui nuire.
La transparence et la responsabilité exigées par le registre sur la transparence en matière d'influence étrangère permettront d'identifier les Canadiens malhonnêtes qui, séduits par des occasions lucratives, se mettent au service de régimes autoritaires étrangers. Cela permettra aux autorités, aux médias et aux communautés vulnérables de savoir qui sont ces personnes et ce qu'elles représentent publiquement. Correctement appliquée, cette nouvelle loi aidera à les empêcher de manipuler notre environnement politique et informationnel.
J'estime cependant qu'une définition de la répression transnationale physique et numérique renforcerait le projet de loi. Les activités qui visent les communautés vulnérables de la diaspora et les défenseurs des droits de la personne et de la démocratie doivent figurer dans la loi et dans le registre sur la transparence en matière d'influence étrangère.
Nos adversaires étrangers ne lésinent pas sur les moyens pour saper notre démocratie. Jusqu'à présent, ils manipulent nos espaces d'information, influencent la politique et intimident nos courageux défenseurs de la démocratie en première ligne, tout cela presque impunément. S'il est correctement mis en oeuvre et appliqué, le projet de loi C-70 mettra fin à l'impunité et constituera un nouveau rempart pour la défense de notre démocratie.
Nous avons, aujourd'hui encore, un excellent groupe de témoins. Je commencerai par le Conseil national des musulmans canadiens. J'espère pouvoir passer à d'autres témoins, mais je sais comment le temps file vite.
Je suis tout à fait d'accord avec certains des points que vous avez soulevés concernant le calendrier. Pour tout vous dire, nous insistons, de notre côté, pour que ce projet de loi soit adopté rapidement, mais il aurait dû être proposé bien plus tôt. Selon moi, il y a des années que nous aurions dû être saisis d'un projet de loi sur l'ingérence étrangère. Nous aurions eu plus de temps.
Il y a urgence, car nous devons protéger les prochaines élections. Nous devons veiller à ce que certaines des dispositions, dont la mise en oeuvre prend du temps, soient en place avant les prochaines élections, afin de ne pas avoir les mêmes problèmes.
Une étude est en cours ici et il y en a une autre au Sénat. Il me semble que le Sénat fait déjà une étude préalable. C'est donc aussi une occasion pour vous et pour d'autres groupes d'y participer et de faire des suggestions.
Je suis heureux que vous ayez mentionné la section 3, les modifications à la LIPR, car il me semble qu'elles n'ont encore fait l'objet d'aucune discussion. À ma connaissance, nous n'avons pas reçu de responsables de l'immigration au Comité. J'espère pour les personnes qui ont des questions qu'ils seront présents pendant l'examen article par article.
Que comprenez-vous à l'insertion d'une disposition autorisant l'interdiction de territoire pour des motifs de « relations internationales »? Il est logique, évidemment, d'invoquer la sécurité nationale et la défense nationale, mais il me semble que presque tous les réfugiés dissidents admis au Canada ont une incidence sur nos relations internationales avec le pays qu'ils fuient. La disposition semble assez générale. Qu'en pensez-vous?
Sur une note plus personnelle, je tiens à dire que c'est un honneur de témoigner aux côtés de l'ancien juge Noël, dont j'ai lu et relu de nombreuses fois les décisions à la faculté de droit.
En ce qui concerne la LIPR, notre principale préoccupation est évidemment l'élément que vous mentionnez, à savoir que le ministre soit habilité à considérer que quelque chose porte atteinte aux relations internationales du Canada, précisément parce que cette disposition, comme vous le disiez, est sans doute trop générale. Qu'est-ce que cela signifie?
Le terme « relations internationales » est également ajouté, conformément au projet de loi, au Code criminel, mais là encore, il n'est pas défini. Cela signifie-t-il que les dissidents des dictatures avec lesquelles le Canada entretient des relations diplomatiques pourraient être concernés? Encore une fois, notre principale préoccupation n'est pas l'application potentielle des règles en principe, mais plutôt l'absence de définition dans certaines dispositions qui pourrait causer un préjudice injustifié. Nous devons insister sur le fait que le projet de loi a des répercussions sur de nombreux aspects, et nous sommes préoccupés par toute forme de précipitation pour ce qui est de comprendre...
Je suis désolé de vous interrompre. J'ai une autre question, également pour vous.
Elle concerne la discrimination politique. Selon moi, nous devrions vouloir un pays où les gens sont libres d'exprimer leurs opinions politiques sans crainte d'intimidation ou d'autres types de conséquences, comme des conséquences liées à l'emploi ou à leurs relations commerciales. C'est pourquoi j'ai proposé un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-257, qui ajoute « la croyance ou l'activité politique » aux motifs de distinction illicites dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le rôle que l'ingérence étrangère peut également jouer dans la discrimination politique m'inquiète, de même que la façon dont cette ingérence peut se manifester pas nécessairement sous forme de menaces directes de violence, par exemple, mais sous forme de pressions exercées sur les institutions pour qu'elles n'engagent pas certaines personnes, pour qu'elles en renvoient d'autres ou pour qu'elles limitent la participation de personnes susceptibles d'exprimer des opinions politiques qui ne sont pas conformes aux intérêts d'un État étranger.
C'est une question dont j'ai discuté sur quelques fronts avec les représentants du Conseil national des musulmans canadiens. Que pensez-vous de la discrimination politique et comment pouvons-nous, selon vous, lutter contre ce phénomène par des mesures législatives ou autrement?
Pour ce qui est de la discrimination politique, la question concerne un peu la partie 4 et est la raison pour laquelle nous sommes favorables à la transparence d'un registre qui permette de répertorier toutes les personnes, tous les agents, qui pourraient porter atteinte à la démocratie ou à la souveraineté du Canada, qu'il s'agisse d'un allié ou pas. Elle concerne aussi le fait qu'il est important de ne pas adopter précipitamment d'autres éléments qui risquent d'être utilisés, par exemple, pour nuire à des groupes de défense des droits civils et à des personnes qui protestent, sous quelque forme que ce soit. Ils devraient avoir la possibilité d'exprimer leur divergence politique.
Monsieur Kolga, si le gouvernement est préoccupé par l'ingérence étrangère, pourquoi n'a-t-il pas expulsé de diplomates russes? Quel est votre avis sur l'expulsion de diplomates russes et sur leurs activités éventuelles pendant leur séjour au Canada?
Nous ne savons pas exactement ce que peuvent manigancer les diplomates russes, mais probablement rien de bon. Nous savons que la Russie utilise ses diplomates pour mener des opérations de renseignement et d'influence. Nous le savons par les articles de journalistes canadiens qui expliquent comment ces diplomates essaient de vendre de fausses informations à des journalistes canadiens et autres.
Je suis tout à fait pour réduire le nombre de diplomates russes au Canada. À l'heure actuelle, il y en a jusqu'à 80. Je ne vois pas ce que 80 diplomates russes feraient d'autre au Canada que participer à une ingérence étrangère potentielle.
Je remercie les témoins de leur présence au Comité.
Mes questions sont pour le commissaire au renseignement.
Monsieur, c'est un honneur de vous recevoir au Comité. Vous l'avez fait dans vos observations préliminaires, mais pouvez-vous, s'il vous plaît, expliquer la relation entre votre Bureau et le SCRS?
Le SCRS est habilité à collecter des ensembles de données. Le commissaire au renseignement intervient donc quand le ministre ou le directeur l'y autorise.
Je vais vous donner un aperçu de la compétence. Les sources humaines qui agissent dans tout le Canada au nom du SCRS peuvent mener certaines activités et pas d'autres. Elles peuvent commettre des actes illégaux dans le cadre de leur enquête. Je participe à l'examen de la catégorie d'actes et d'omissions qui sont autorisés pour ces sources humaines sur le terrain.
Ma relation avec le SCRS remonte à 1984. J'ai participé au processus de plainte auprès du prédécesseur de l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, l'OSSNR, et j'ai suivi le travail du SCRS au fil des ans. En tant que juge, j'ai traité des centaines d'attestations de demande de mandat qui étaient délivrées. Aujourd'hui, je fais un examen de surveillance du SCRS. Si vous voulez que je vous dise comment je la qualifie, je dirai que j'ai avec le SCRS une relation sérieuse et professionnelle. Nous avons des rapports, parfois, nous ne sommes pas d'accord et parfois nous le sommes, et je le dis publiquement, comme mes décisions en attestent.
Je n'ai pas l'intention de revenir sur l'affaire Vavilov dans les cinq minutes qui me sont imparties, mais pensez-vous que cette norme du caractère raisonnable, en vertu de laquelle on fait preuve de retenue à l'égard des organismes publics, place la barre assez haut pour les renseignements sensibles que traite le SCRS?
Mon interprétation de l'arrêt Vavilov sur le caractère raisonnable est la suivante.
Les décisions doivent être judicieuses, factuelles et fondées sur les faits de l'espèce. Elles doivent également tenir compte de la protection de la vie privée des Canadiens, de notre vie privée. J'insiste sur ce point et je m'implique. Il y a, selon moi, une limite à la retenue. Si je vois quelque chose d'anormal, comme dans une décision que j'ai rendue... J'ai totalement refusé ce que demandait le SCRS. Il est revenu quelques mois plus tard, après avoir examiné la situation, et il a présenté un dossier complètement différent avec lequel j'étais d'accord.
En substance, pour être clair — votre question est fort utile —, ce que je dis, c'est qu'en droit, le caractère raisonnable dans la manière dont nous l'appliquons prend en considération la retenue, mais pas au point d'être un serviteur du décideur.
Eh bien, ma compétence est limitée. J'examine la décision du ministre qui autorise le SCRS à accomplir certains actes. Il est vrai que si je ne suis pas d'accord, le SCRS ne peut pas accomplir ces actes. Cela tient à ma compétence. Si j'arrive à la conclusion que la demande telle qu'elle m'a été présentée n'est pas raisonnable, soit le SCRS demande une révision judiciaire, ce qu'il n'a pas fait pour les 14 ou 15 dernières décisions, soit il revient après avoir corrigé sa demande.
Monsieur Noël, vous êtes titulaire d'un poste de commissaire au renseignement que je connais plus ou moins, et j'aimerais savoir une chose.
Nous nous interrogeons, ici, sur le mode de nomination de l'éventuel commissaire à la transparence en matière d'influence étrangère. Le projet de loi précise que la personne qui occupera ce poste devra être indépendante, mais au même moment, elle relèvera du ministère de la Sécurité publique, pour des raisons organisationnelles.
Par le passé, j'ai été avocat et juge indépendant. Maintenant, mon travail est un travail quasi judiciaire, et la Loi sur le commissaire au renseignement l'exprime précisément. À ce titre, je me considère comme étant indépendant.
Je vais vous expliquer ce que j'ai fait, monsieur Villemure.
La Loi sur le commissaire au renseignement prévoit que je peux avoir des breffages. Je ne peux pas connaître toute la technologie qui s'applique dans ce monde. D'un autre côté, je ne veux pas m'asservir à ce que les autres peuvent bien me dire de faire.
Dès mon entrée en fonctions, en octobre 2022, j'ai rencontré M. Vigneault, et je lui ai dit que, s'il voulait me donner des séances d'information, il devait choisir les sujets et que, si un jour j'avais une décision à rendre et que je n'avais pas l'information nécessaire pour rendre une décision éclairée, ce serait bien dommage, mais je la déclarerais déraisonnable. J'ai donc transféré ce fardeau sur les épaules du SCRS.
Je me considère comme étant très indépendant. La Loi me donne un pouvoir incroyable. Je peux dire au SCRS d'arrêter de faire une chose, parce que nous n'arrivons pas aux mêmes conclusions. Je peux dire la même chose au Centre de la sécurité des communications Canada, le CST. À ce titre, je suis conscient de l'importance des décisions. Toutefois, si je réalise que les décisions que j'ai à prendre peuvent avoir des conséquences sur votre vie privée, ou sur la mienne, je n'hésiterai pas. Je n'ai pas hésité à le faire, non plus, jusqu'à présent.
Dans le libellé du projet de loi, croyez-vous que le poste de commissaire proposé est suffisamment indépendant? Comme vous venez de le dire, il y a une indépendance d'action, n'est-ce pas? Toutefois, il y a quand même une responsabilité ministérielle avec une certaine reddition de comptes. Est-ce suffisant?
Je vais être honnête avec vous, je n'ai pas lu le libellé exact auquel vous référez. Toutefois, je peux vous dire qu'en ce qui me concerne, je ne fais rapport à personne, sauf à moi-même. Le Conseil privé est l'organisme qui chapeaute cela, mais je peux vous dire que je ne ferais pas cela. Mes décisions sont prises par moi-même.
J'ai l'impression qu'une personne dans ma position agirait de la même façon. Je regarde la façon dont agit le commissaire à la protection de la vie privée, M. Dufresne. Il est indépendant. Si on indique dans les paramètres qu'un poste sera indépendant ou un peu plus indépendant, je ne suis pas sûr... C'est la réalité sur le terrain qui compte.
Je réitère ce que je vous ai dit au début, je n'ai pas regardé exactement le libellé, sauf pour connaître très bien la position dans laquelle je suis.
Je vous remercie. C'était en toute candeur que je vous posais la question, mais je comprends qu'on est indépendant ou on ne l'est pas. C'est une fonction où la demi-mesure n'existe pas.
J'aimerais soulever une réflexion sur le concept du secret: il y a la nécessité du secret dans certains contextes, la nécessité de la transparence dans d'autres contextes; dans les deux cas, le but est de préserver la confiance.
J'exerce dans ce monde depuis 1979. Personnellement, j'ai pris l'habitude, pour ce que cela vaut, d'ériger un mur qui me permet de parler aux gens. Cela fonctionne. Beaucoup de gens sont curieux et me demandent ce que je fais. J'ai été juge, et je traite tous les mandats que j'ai eus de la même façon..
À votre question précise sur la façon de marier ces deux aspects, je dirais que, dès le début, en octobre 2022, maître Dubois, qui se trouve à ma gauche, et moi, nous sommes dit que nous allions publier nos décisions et les rendre le moins caviardées possible.
Cela a été notre test, et cela l'est encore. Nous avons continuellement des discussions. Nous essayons d'éviter les résumés. Nous voulons vraiment avoir le libellé exact de la décision. Je pense que ce sont des luttes incessantes, et nous devons le faire.
Cela dit, je suis tenu au secret. Je suis de l'école selon laquelle le secret doit être protégé. Ce ne sont pas des cachettes pour faire des cachettes. Des vies sont en jeu. Certaines techniques d'opération méritent d'être protégées parce qu'on ne peut pas aller à la guerre — nous sommes en guerre actuellement, car les cyberattaques et autres attaques de ce genre constituent une nouvelle forme de guerre — avec des tire-pois. Il faut protéger notre information pour nous assurer que nos deux agences ont les moyens de riposter aux autres pays qui, eux, n'ont pas les limites que nous avons au Canada.
Le seul élément sur lequel j'insiste toujours, c'est qu'il faut qu'il y ait des organismes, comme le Bureau du commissaire au renseignement, un organisme de surveillance, et comme l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, OSSNR, l'agence civile qui, étudie les faits après coup et publie des rapports, et comme le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, CPSNR.
En passant, j'ai lu leur rapport, c'est-à-dire celui du voyage en Inde, auquel participait Mme la députée. Je suis impressionné par leur travail.
C'est un fardeau énorme qu'on met sur nos épaules. Je pense cependant qu'on est capable de faire ce travail, monsieur Villemure. Je vous le dis bien honnêtement, car je vis là-dedans depuis 1979.
Quant au climat de cachettes qu'on semble vouloir dépeindre, il est en train de disparaître, et de plus en plus d'informations sont disponibles. Le récent rapport du comité des parlementaires en est l'exemple par excellence.
Nous passons maintenant à M. MacGregor, mais j'informe tout d'abord le Comité que M. Kolga doit nous quitter à moins le quart. Si vous avez des questions pour lui, n'attendez pas pour les lui poser.
Monsieur MacGregor, vous disposez de six minutes. Vous avez la parole.
Commissaire Noël, mes premières questions sont pour vous.
La première partie du projet de loi C-70 apporte des modifications très importantes à la Loi sur le SCRS, notamment des améliorations considérables au régime applicable à ses ensembles de données. Nous modifions la loi, en quelque sorte, pour la faire passer de l'ère de l'analogue à l'ère du numérique. Cependant, j'ai lu le rapport de l'OSSNR sur l'utilisation par le SCRS du régime applicable aux ensembles de données, et il est truffé de commentaires comme celui-ci: « [l]e régime des ensembles de données établi par le SCRS n’était pas conforme au cadre législatif en vigueur », « [l]e SCRS ne s’était pas conformé aux dispositions de la Loi sur le SCRS s’appliquant aux ensembles de données », il détenait des informations non conformes et « [l]e SCRS n’a pas été en mesure d’opérationnaliser adéquatement le régime des ensembles de données ». Le rapport est accablant. Aujourd'hui, on me demande, en tant que législateur, de rectifier le régime applicable aux ensembles de données et d'accorder plus de pouvoirs au SCRS, alors qu'il ne respecte pas ses obligations légales actuelles.
De votre point de vue de commissaire, que pouvez-vous me dire, à moi, législateur, qui me rassurerait que, dans quelques années, je ne lirai pas un autre rapport de l'OSSNR montrant que le SCRS a dépassé les limites légales que l'on me demande de lui imposer à présent?
J'ai affaire à des ensembles de données qui ne sont pas liés à des menaces. Tout ce que le SCRS souhaite obtenir en matière de données canadiennes ou étrangères sera transmis, d'une manière ou d'une autre, au Bureau du commissaire. C'est mon rôle. Le SCRS collecte des ensembles de données relevant de sa compétence en vertu des articles 12, 12.1, 15 — ce qu'il veut maintenant — et 16, dans la mesure où ces données ont un lien avec les menaces sur lesquelles il enquête. Cela dit, s'il veut collecter des données, il doit respecter le seuil établi à l'article 12, monsieur MacGregor, ce qui est absolument essentiel.
L'OSSNR a produit un rapport. Je pense qu'il remonte à 2019. Si vous le regardez, il s'agit d'un rapport antérieur. C'était le début. J'ai vu récemment des politiques sur son fonctionnement. On ne m'a pas demandé — ce n'est pas de mon ressort — de m'en occuper, mais elles me semblent sérieuses. Pour apaiser les inquiétudes que j'ai eues en lisant ce rapport, j'attends avec impatience, tout comme vous, un nouveau rapport de l'OSSNR qui mettra à jour un rapport antérieur et nous dira comment cela fonctionnera exactement.
Mes prochaines questions sont pour le Conseil national des musulmans canadiens.
Je comprends les préoccupations que vous avez exposées à propos de ce projet de loi. Du point de vue du Comité, la semaine est très occupée, car nous nous plongeons dans le projet de loi C-70.
Je prends note de votre préoccupation concernant la définition du terme « intimidation » dans les modifications proposées à la Loi sur le SCRS. J'ai eu l'occasion de poser une question au ministre de la Justice à ce sujet. Je ne pense pas avoir obtenu une réponse claire à mes préoccupations, bien qu'il ait dit — et je paraphrase — que cette notion ne s'appliquerait qu'en présence d'un élément d'ingérence étrangère, et pas à des manifestations légitimes et appropriées. Il doit s'agir de quelque chose qui tente d'influencer le Canada et de porter atteinte aux intérêts canadiens. Je soulignerai aussi que dans la Loi sur le SCRS actuelle, en vertu de l'article 24, le consentement du procureur général est nécessaire pour poursuivre toute infraction à ladite loi.
Quelle définition de l'intimidation le Conseil national des musulmans canadiens souhaite-t-il voir figurer dans ce projet de loi?
Tout d'abord, nous tenons à saluer tous les efforts déployés par le Comité au cours de la semaine écoulée pour faire en sorte que le Canada se dote de la loi solide et équitable en matière d'ingérence étrangère dont il a besoin et qu'il mérite.
En ce qui concerne la définition de l'intimidation, notre principale préoccupation n'est pas qu'elle soit mal définie, mais qu'elle ne soit pas définie du tout. Quant à ce que nous considérerions comme une définition suffisante, je ne peux sincèrement pas en parler pour l'instant. Nous devrons nous-mêmes procéder à un examen plus approfondi du projet de loi. Cependant, notre principale crainte, comme l'a mentionné Mme Al Azem, est que, si le projet de loi était adopté demain, un gouvernement actuel pourrait décider qu'il n'est pas d'accord avec des manifestations et pénaliser les manifestants sous prétexte qu'ils aident une entité étrangère. L'absence de définition expose à une utilisation à double tranchant. Un gouvernement pourrait pénaliser les manifestants du convoi ou, comme l'a dit Mme Al Azem, les manifestants du mouvement Black Lives Matter.
Nous sommes heureux de formuler des recommandations quant à la définition de l'intimidation, car lors de notre séance d'information technique, nous n'avons pas obtenu de réponse claire. Il n'y avait pas de définition précise de l'intimidation. Nous nous ferons un plaisir de vous transmettre nos recommandations par la suite.
Je tiens à souligner rapidement que la majeure partie du projet de loi entrera en vigueur dans les 60 jours suivant la sanction royale, ce qui est un délai assez serré. Seule la partie 4 est ouverte à une date fixée par le gouverneur en conseil. Je pense que cela fait écho à votre proposition de séparer la partie 4 des autres parties du projet de loi.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. J'aimerais que les trois groupes de témoins répondent à la plupart de mes questions.
Premièrement, la nouvelle loi conférera au SCRS des pouvoirs supplémentaires qui lui permettront de communiquer des renseignements. Vous avez, commissaire Noël et MM. Al Qadi et Kolga, un autre point de vue.
Commissaire, pensez-vous que les pouvoirs de communication de renseignements qui sont élargis fonctionneront? Rempliront-ils leur rôle?
Pour votre communauté et d'après ce que vous voyez, monsieur Kolga, ces propositions visant à accroître le pouvoir de communication protégeront-elles plus les communautés de ce pays qui ont besoin de ce type de protection?
Le régime applicable aux ensembles de données existe depuis 2019. Il est opérationnel. Ce que l'on fait maintenant, c'est apporter des améliorations à la loi.
Je vous donnerai un exemple. Une autorisation est valide une année. Il est demandé deux années. Très bien. Je prédis que, dans l'intervalle, il y aura des amendements. En ce qui concerne les ensembles de données étrangères, on passe de cinq à dix ans. Ce sont des améliorations.
Je ne me suis peut-être pas bien expliqué. Ce que je veux dire, c'est que le SCRS aura de nouveaux pouvoirs de communiquer des renseignements à des personnes qui vont être victimes d'une ingérence étrangère. La question est de savoir si cela va assez loin. La mesure protégera-t-elle les communautés de ce pays qui sont menacées par l'ingérence étrangère?
D'après le projet de loi, j'interviendrai. J'examinerai tout ce que le SCRS a l'intention de faire en matière de transfert de renseignements. Est-ce que ce sera utile? Je ne sais pas. Tant que nous ne verrons pas ce qui se passe sur le terrain et la mise à jour comme telle, il est difficile de prévoir.
Est-ce une bonne chose que le SCRS puisse transférer des renseignements? Ayant un aperçu de ce monde, je peux vous dire que, dans le Groupe des cinq, il est très important d'échanger des renseignements..
Nous estimons qu'il est essentiel de communiquer des renseignements aux communautés ciblées. Il est important de faire en sorte qu'elles soient en mesure de se protéger. Je ne connais pas très bien le cas tragique de Hardeep Singh Nijjar, mais j'imagine que si nos organismes de renseignement de sécurité avaient communiqué plus de renseignements, il aurait pu être protégé.
À première vue, je dirais que oui, nous pensons que les communautés seraient plus en sécurité, mais le diable se cache dans les détails. C'est ce que l'on dit. Il faudrait examiner minutieusement comment cela se fera et voir à qui d'autre les renseignements seront communiqués. Il faudra aussi veiller à ce qu'il y ait des garanties constantes que des renseignements personnels ne soient pas dévoilés.
Je serai honnête. Les relations de la communauté musulmane avec le SCRS ne sont pas optimales. À cause des problèmes rencontrés dans le passé, qui ont été rendus très publics par le rapport de l'OSSNR publié il y a quelques années, il nous faut rétablir un climat de confiance.
En tant que militant des droits de la personne et étant actif au sein de communautés qui sont la cible d'une répression transnationale, je pense qu'il est essentiel que le SCRS puisse avoir une conversation bilatérale afin de communiquer des renseignements pour préserver notre sécurité et protéger notre démocratie.
Après avoir brièvement examiné le projet de loi, j'estime qu'il est évident que des garanties sont mises en place. La sécurité des renseignements et la protection de la vie privée sont prises en compte. C'est, à mes yeux, une des parties les plus importantes du projet de loi. Personnellement, en tant que militant des droits de la personne, j'en suis très heureux et la communauté avec laquelle je travaille aussi.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui.
Ma première question est pour M. Noël.
Nous avons vu dans le passé que les lois sur la sécurité nationale, surtout lorsqu'elles sont adoptées rapidement, peuvent avoir des conséquences indésirables, notamment pour les membres de communautés minoritaires. Ces mêmes communautés, qui sont le plus souvent la cible d'acteurs étatiques ou de la répression étrangère, se sentent souvent injustement visées par les organismes de renseignement et de sécurité.
Pouvez-vous nous dire ce que font les organismes de renseignement pour gagner la confiance de ces communautés, en particulier à un moment où ils demandent des pouvoirs élargis dans le projet de loi C-70?
Je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider sur ce point, car je n'ai jamais fait partie de leur organisation interne. Le plus près que j'en ai été, c'est lorsque j'étais conseiller en matière de plaintes du prédécesseur de l'OSSNR. J'ai alors vu un grand nombre de plaintes formulées par les communautés, car lorsqu'ils ciblaient une communauté, ils frappaient aux portes... Mais cela remonte à 1984 et 1990. Je pense que la situation s'est nettement améliorée depuis.
Il reste encore beaucoup à faire. Selon moi, établir, peut-être par ce projet de loi, qu'il leur sera possible de sortir de leurs petits quartiers cachés et de commencer à parler aux gens, aidera énormément. Je pense, par ailleurs, qu'employer plus de personnes issues de différents groupes aidera aussi beaucoup. Toutefois, il s'agit assurément pour le SCRS d'une évolution à perfectionner. C'est très important.
Le gouvernement a publié un énoncé relatif à la Charte qui mentionne plusieurs droits et libertés constitutionnels potentiellement visés par le projet de loi C-70, dont la liberté d'expression, le droit de réunion pacifique et le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives. Pensez-vous que ce projet de loi protège suffisamment les droits des Canadiens garantis par la Charte? Y a-t-il des ajustements que vous recommanderiez?
Vous avez également mis l'accent sur certaines préoccupations en matière de libertés civiles que votre organisation soulève à propos du texte. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Comme je l'ai mentionné, nous pensons, tout d'abord, qu'il s'agit d'un projet de loi important dont l'étude est essentielle. Nous sommes favorables à son adoption. Cependant, à notre avis, une étude beaucoup plus approfondie et plus longue est nécessaire pour s'assurer qu'il n'est pas porté atteinte aux droits garantis par la Charte.
Je le répète, l'absence de définition de termes comme « intimidation », par exemple, risque d'entraîner des problèmes et de causer des torts injustifiés que nous ne pouvons peut-être pas prévoir aujourd'hui en raison de la vitesse à laquelle ce projet de loi est examiné. Des gouvernements futurs pourraient porter atteinte au droit démocratique des citoyens de manifester pacifiquement, sous prétexte qu'ils soutiennent des entités étrangères, qu'ils en tirent profit ou qu'ils y sont associés, simplement parce qu'ils ne les aiment pas.
Étant donné qu'il est important de protéger l'intégrité des prochaines élections pour tous les Canadiens, est-ce que vous appuieriez ce projet de loi si seule la partie 4 était adoptée?
Cela nous ramène à la question posée par M. Genuis. Je le répète, son application est bien trop générale et, plus précisément, la mention des « relations internationales » dans le Code criminel interpelle. Quelles en seront les conséquences, comme il a été mentionné précédemment, pour les dissidents fuyant des dictatures, d'autant que les relations internationales évoluent? Un État aujourd'hui ami peut se révéler hostile demain et vice versa, et pour les dissidents dans un cas ou dans l'autre, la position du Canada pourrait changer. Soyons très attentifs à cela lorsque nous examinons le libellé des parties 1, 2 et 3. Comme l'a souligné M. Al Qadi, la partie 4 suffit pour l'instant à assurer la transparence en ce qui concerne l'ingérence étrangère.
Monsieur Noël, vous me pardonnerez, mais, comme je n'ai que deux minutes et demie, il va falloir que nous soyons brefs.
Étant toujours curieux, j'ai compris que l'indépendance, la vôtre, était bien réelle. Elle est comprise. Je pense que tant l'indépendance que la perception de l'indépendance sont des caractéristiques essentielles pour un commissaire.
J'aimerais vous poser une question qui ne concerne pas directement le projet de loi, mais qui soulève souvent des questions quand nous parlons de renseignement et de secret.
Au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, auquel je siège, nous nous heurtons souvent au secret auquel est astreint le Cabinet. Même si je comprends l'utilisation du secret du Cabinet et que j'en admets la nécessité, nous avons remarqué, dans quelques mandats et rapports, une tendance à surclassifier. Cela m'inquiète un peu. Je comprends la nécessité du secret, mais, en même temps, il y a toujours ce paradoxe que nous avons évoqué plus tôt.
Auriez-vous des recommandations à faire quant à notre façon d'aborder la notion de secret du Cabinet afin que nous puissions assurer un juste équilibre?
Il est difficile pour moi de répondre à cela. Comment peut-on faire confiance au décideur qui doit décider si, oui ou non, il pourrait y avoir une certaine ouverture? Je ne peux qu'utiliser mon exemple. Vous allez voir qu'il va répondre, en partie, à vos préoccupations.
Lorsque des ministres, des directeurs présentent des demandes, ils se rallient souvent à une ou des décisions du Cabinet. Aucune disposition de la loi ne me permet de procéder à un examen quant à ces décisions. Je trouve que cela est incompatible avec le concept. Comment peut-on me demander de vérifier s'il me manque des éléments dans ces conditions?
Cela dit, j'ai entrepris des discussions avec les deux agences pour leur dire d'être logiques avec elles-mêmes. Si elles veulent avoir des décisions qui se tiennent debout, il faut qu'elles me donnent accès à ces documents. Entretemps, elles ont pris l'habitude de me préparer des sommaires.
Je reviens à la décision rendue par le juge Thurlow en 1978. Si on prononçait le mot « Cabinet », c'était fini, bloqué. Je vois que, de plus en plus, il y a une évolution, mais que la Cour suprême a récemment raffermi sa position dans un dossier de l'Ontario. C'est un travail constant. C'est la seule façon de pouvoir le faire.
J'ai l'impression que la culture était davantage une culture de l'obscurité qu'une culture de la transparence. Cela fait toujours partie des choses dont nous nous soucions, comme députés.
J'aimerais continuer avec le Conseil national des musulmans canadiens
Au sujet, notamment, des modifications proposées à la Loi sur le SCRS, le terme « répression transnationale » revient souvent. J'ai été frappé par le témoignage de membres des communautés tibétaine et ouïghoure, qui ont toutes deux une relation très compliquée avec la République populaire de Chine. Ils ont énuméré les mesures d'intimidation et toutes les tactiques employées contre les membres de leurs communautés à cause de ce qui se passe dans leur pays d'origine.
Tous les éléments qu'ils souhaitent voir inclus dans une définition de la « répression transnationale » pourraient déjà l'être dans les modifications à la Loi sur le SCRS. Cependant, voyez-vous notre dilemme? Nous avons différentes communautés qui nous attendent différentes choses de nous. Je comprends que vous soyez préoccupés par l'absence de définition d'« intimidation ». Donc, si vous voulez ajouter quelque chose, je vous en prie.
Il y a un fil conducteur dans la façon dont ce projet de loi traite de l'ingérence étrangère, mais la partie qui semble se démarquer est celle des modifications au Code criminel qui mettent à jour la définition de « sabotage ». J'ai interrogé le ministre de la Justice à ce sujet et il m'a répondu que cette disposition du Code criminel remonte aux années 1950, d'où la nécessité de la mettre à jour. Des articles du Code criminel permettent de militer, de manifester ou d'exprimer une dissidence de façon appropriée.
Avez-vous quelque chose à ajouter, notamment en ce qui concerne cet article, sur les amendements que nous devrions envisager?
En ce qui concerne le Code criminel, je laisserai notre directrice juridique répondre.
Nous avons énormément de respect pour les militants des droits des Ouïghours et le Comité Canada-Tibet pour les positions qu'ils ont adoptées. J'ai assisté aux audiences où ils ont parlé de la répression transnationale, et je comprends votre dilemme en ce qui concerne les nombreuses définitions proposées pour les amendements à ce projet de loi. Cependant, je vous encourage, pour ma part, à les inclure. Ce sont des personnes qui voient de près la réalité de l'ingérence étrangère.
Je tiens à préciser d'emblée, respectueusement, que nous parlons des mêmes communautés. Les besoins ne divergent pas. Les communautés auxquelles vous faites référence sont les mêmes que celles qui sont exposées à nombre des situations involontaires qui ont une incidence sur les libertés civiles dont nous avons parlé. Il s'agit d'une seule et même chose.
Pour en revenir à notre position, nous soutenons, au fond, le projet de loi. Il faut simplement veiller à ce qu'il soit libellé de manière à protéger les citoyens de ce pays pour qu'ils puissent exercer leurs droits démocratiques et à assurer leur sécurité. Cela veut dire les militants ouïghours accusés à tort, par exemple, de liens avec le terrorisme. Cela ne devrait pas les empêcher de manifester devant le consulat chinois, ce qui, dans le passé, a été considéré comme un comportement intimidant. Vous dites que c'est un dilemme, mais ce n'en est pas vraiment un. Il s'agit de veiller à bien faire les choses dès la première fois, de manière à garantir la sécurité de la communauté.
Quant à la séance d'information que nous avons eue, la définition générale de l'intimidation échoue largement à protéger les communautés que vous mentionnez.
Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. Je les remercie aussi de s'être rendus disponibles dans de si brefs délais. Leurs témoignages nous aideront à avancer dans notre étude. Vous pouvez maintenant vous retirer, si vous le souhaitez.
Je rappelle au Comité que les amendements au projet de loi C-70 doivent être soumis au greffier demain avant 16 h heure normale de l'Est. Les membres doivent savoir que, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 30 mai, le délai de 16 h pour soumettre les amendements est ferme. Autrement dit, le Comité n'examinera aucun amendement soumis au greffier après l'heure limite et aucun amendement proposé pendant l'examen article.
Le greffier m'a informé au sujet de la série d'amendements et de la date à laquelle elle sera distribuée. S'il y a moins de 20 amendements, nous les recevrons probablement avant 18 heures vendredi. S'il y en a plus, nous ne savons pas encore quand nous les aurons.
Je rappelle également au Comité que nous nous réunissons de nouveau lundi à 15 h 30 et que nous siégerons jusqu'à ce que nous ayons terminé. Cela dépendra des amendements.
Je tiens à remercier tout le personnel du Comité qui nous a épaulés tout du long. Je remercie tout particulièrement de leur endurance les analystes qui sont restés heure après heure, et je remercie le greffier de sa persévérance. Il y a une semaine, nous lui avons communiqué une très longue liste.