Bonjour à tous. Bienvenue à la réunion no 116 du Comité permanent du Patrimoine canadien de la Chambre des communes. J'aimerais souligner que nous nous réunissons sur le territoire ancestral non cédé du peuple algonquin anishinabe.
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride — je pense que nous le savons — conformément au Règlement. Cet après-midi, les députés peuvent participer en personne ou avec l'application Zoom.
J'aimerais profiter de l'occasion pour rappeler à tous les participants de la réunion qu'il est interdit de prendre des saisies d'écran ou des photos de votre écran. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes.
Avant de passer à l'étude du projet de loi et de donner la parole à M. Ron McKinnon, nous devons régler — si vous le permettez— la question du budget pour cette étude, d'une somme de 19 200 $. Je crois qu'il a été distribué juste avant la réunion, vers 14 heures. Est‑ce que le Comité souhaite en discuter, ou souhaite‑t‑il adopter le budget? Y a‑t‑il des commentaires?
Tout le monde est d'accord. Bien.
(La motion est adoptée.)
J'aimerais vraiment que nous utilisions Zoom plus souvent, parce que Vancouver, Calgary, Edmonton, Montréal et Toronto nous coûtent cher. Nous avons cette capacité, ici. Ce n'est pas une mauvaise chose, les aéroports et faire venir les gens ici, mais nous avons cette capacité d'utiliser Zoom ici, à la Chambre des communes, et cela pourrait nous faire économiser beaucoup d'argent.
Nous procéderons ainsi. Ce sera adopté, alors passons aux choses suivantes.
Au cours de la première heure, de 15 h 30 à 16 h 30, nous accueillons Ron McKinnon, député de Coquitlam—Port Coquitlam.
Vous pouvez commencer votre déclaration préliminaire sur le projet de loi . Vous avez cinq minutes, monsieur. Je sais que vous êtes avec nous par Zoom aujourd'hui, alors bienvenue au comité du patrimoine canadien.
Vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président.
C'est un plaisir pour moi de témoigner devant votre comité aujourd'hui au sujet de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi , la loi sur le Programme de contestation judiciaire.
Ce projet de loi tire son origine du travail que nous avons accompli au Comité permanent de la justice et des droits de la personne lors de la 42e législature. Ce comité a publié un rapport intitulé Accès en matière de justice, et l'une de ses recommandations clés était d'inscrire le Programme de contestation judiciaire dans la loi.
Le Canada est une démocratie ouverte et inclusive en grande partie parce que les droits des personnes y sont respectés. Cependant, nous avons appris lors des réunions du Comité qu'il est souvent trop facile de tenir bon nombre de ces droits et libertés, dont nous jouissons en tant que Canadiens, pour acquis.
[Français]
Le Programme de contestation judiciaire protège et renforce nos droits constitutionnels. Il finance les personnes et les organisations qui souhaitent porter devant les tribunaux des affaires d'importance nationale. Plus précisément, le Programme fournit des fonds pour protéger nos droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne.
Créé à l'origine dans les années 1970, le Programme de contestation judiciaire a joué un rôle déterminant en aidant les Canadiens à clarifier et à faire valoir leurs droits, plus particulièrement les langues officielles et les droits à l'égalité. Le Programme a été supprimé en 2006, et, en 2017, notre gouvernement l'a rétabli. Nous avons élargi le Programme pour y inclure des droits qui ne l'étaient pas à l'origine. Il s'agit notamment d'articles spécifiques de la Charte canadienne des droits et libertés qui concernent les libertés fondamentales, y compris les droits démocratiques, la liberté d'expression et le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.
[Traduction]
Le programme a été utilisé de nombreuses fois au cours des années pour protéger les droits et libertés des Canadiens et Canadiennes. Il a fourni des fonds aux Canadiens handicapés pour veiller à ce qu'ils soient traités équitablement; il a aidé à préciser le droit des personnes LGBTQ+ d'épouser la personne qu'elles aiment; et il a renforcé les droits des minorités de langues officielles de protéger leurs droits et de préserver leur culture.
Le Programme de contestation judiciaire a aussi apporté du soutien dans certaines affaires importantes, comme l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, où la Cour suprême du Canada a tranché qu'un barreau ne pouvait pas empêcher un résident permanent qualifié de pratiquer le droit au Canada pour la seule raison qu'il n'est pas un citoyen canadien. Cet arrêt est d'autant plus pertinent aujourd'hui, puisque nous essayons de recruter des médecins et du personnel infirmier à l'étranger.
[Français]
Le Programme de contestation judiciaire a renforcé les droits des minorités de langue française en Colombie‑Britannique. Il a notamment contribué à protéger le droit des enfants francophones de recevoir un enseignement en français de qualité égale à l'enseignement en anglais.
Dans sa décision rendue en juin 2020, la Cour suprême du Canada a réaffirmé l'importance de l'éducation dans la langue officielle de son choix. La Cour a également reconnu le rôle central de l'article 23 de la Charte dans la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
[Traduction]
Je sais que certains se demandent peut-être...
Pardon?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur McKinnon, merci énormément d'être ici et d'avoir accepté de témoigner devant nous à propos de votre projet de loi. Je suis impatiente d'en discuter, dans un petit instant. Cependant, avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais présenter un avis de motion au Comité.
J'inviterais maintenant la greffière à la distribuer, afin que tout le monde l'ait par écrit. Bien sûr, gardez à l'esprit que je donne présentement avis de la motion.
Je vais lire le texte de la motion pour laquelle je donne avis: « Étant donné que, selon un article du National Post publié le 17 avril, un comité de professeurs de l'Université York a présenté une liste de recommandations antisémites qui comprennent l'étiquetage du soutien à Israël comme étant du « racisme anti-palestinien »; la classification de toute personne qui soutient Israël comme étant « anti-palestinienne, islamophobe et anti-arabe » ; l'octroi de la liberté académique et de la liberté d'expression aux étudiants pro-palestiniens, tout en révoquant ces mêmes droits aux étudiants juifs et à toute personne qui soutient Israël; et l'identification du sionisme comme étant « un projet colonial de colonisation et une idéologie ethno-religieuse » qui devrait être isolée et détruite, et que le gouvernement du Canada s'est engagé à mettre en œuvre la stratégie canadienne de lutte contre le racisme, et la ministre du Patrimoine canadien est chargée de « favoriser et promouvoir l'identité et les valeurs canadiennes, le développement culturel et le patrimoine », et le rapport sur l'antisémitisme dans les universités canadiennes de 2024 souligne les « graves problèmes que rencontrent nos universités en matière d'antisémitisme, d'antisionisme et de haine anti-juive », le Comité condamne sans équivoque la conduite antisémite de ce comité de la faculté de l'Université York et en fait rapport à la Chambre. »
Monsieur le président, j'ai donné avis de la motion, parce que je crois à sa grande importance. J'ose croire que toutes les personnes assises autour de la table conviennent que l'antisémitisme est quelque chose de mal et que ce genre de conduite répugnante doit être condamnée avec véhémence.
Comme nous partageons tous ce trait commun, je demande le consentement unanime pour considérer que la motion est proposée et adoptée.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais seulement rappeler à mon collègue que ces 6 minutes sont miennes, et que je peux les utiliser comme bon me semble.
J'ai proposé une motion très importante aujourd'hui, et je ne comprends pas pourquoi les libéraux ne donnent pas leur consentement unanime quand nous avons des preuves montrant que des discours et des conduites antisémites ont eu lieu dans des campus universitaires dans tout le pays. Le gouvernement libéral a appuyé la stratégie canadienne de lutte contre le racisme et s'est engagé à l'appliquer; il incombe donc à la ministre du Patrimoine canadien de respecter son mandat, qui est de favoriser et promouvoir l'identité et les valeurs canadiennes, le développement culturel et le patrimoine. J'espère sincèrement que l'antisémitisme ne s'inscrit pas dans cette définition.
Nous avions l'occasion, ici aujourd'hui, de tous ensemble nous entendre sur quelque chose qui suscite vraiment la collaboration. Nous devrions tous être d'accord pour dire que c'est mal de perpétuer la haine contre la communauté juive au Canada, et je suis confuse et même peinée, honnêtement, par le fait que je n'ai pas reçu votre consentement unanime pour proposer cette motion aujourd'hui.
Je parle pour moi-même, mais en plus, je me préoccupe pour la communauté juive, et je suis préoccupée de la façon dont le gouvernement au pouvoir actuellement traite cette communauté. Je vais m'arrêter ici pour l'instant.
:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je remercie M. McKinnon de sa présentation.
Monsieur McKinnon, je vous remercie aussi du leadership dont vous avez fait preuve en présentant le projet de loi . Cela témoigne de votre engagement en faveur des droits de la personne. Comme vous le savez, cette semaine marque le 42e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés.
[Traduction]
C'est une discussion d'actualité. Monsieur McKinnon, je vous remercie d'être des nôtres aujourd'hui.
Peut-être pourriez-vous commencer par nous parler brièvement des parties prenantes avec qui vous avez travaillé lors de la rédaction de ce projet de loi, et en nous racontant certaines des histoires dont ils vous ont fait part pour mettre en lumière l'importance de ce programme.
:
Je n'ai entendu absolument aucune opinion dissidente sur ce projet de loi. Les communautés francophones des alentours, là où je vis, sont très fortes et dynamiques, elles reconnaissent hors de tout doute la valeur du programme bilingue officiel et la capacité de petits groupes comme eux d'agir pour préserver leurs droits, si nécessaire.
Dans ma collectivité, et même près d'où je vis, il y a une école pour élèves francophones, qui viennent surtout de familles francophones. Nous plaçons nos propres enfants dans les programmes d'immersion en français dès la première année, et ils en sortent parfaitement bilingues. Moi-même, j'ai de la difficulté avec cette langue — je peux la lire, aussi, un peu, mais pas sans écorcher les oreilles des francophones —, mais eux sont parfaitement bilingues. C'est quelque chose que j'ai pu observer dans tout le pays, grâce au bilinguisme officiel.
À Red Deer, où j'ai grandi, on n'entendait pour ainsi dire jamais parler français, mais aujourd'hui, peu importe où je me trouve en Alberta, comme à Calgary, ou même en Colombie-Britannique, si je marche dans la rue ou que je vais au restaurant, j'entends de temps en temps des bribes de français. Cela montre que la langue est vivante et florissante dans tout le pays, et je pense que c'est en grande partie grâce au programme de bilinguisme officiel, lequel est maintenu par des mesures comme le Programme de contestation judiciaire.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur McKinnon, d'être avec nous pour nous parler de votre projet de loi .
Je trouve toujours intéressant d'entendre des gens parler de la vitalité et de la vigueur du bilinguisme partout au Canada en ne citant que des exemples qui ne touchent que leur famille ou leurs amis. Je pense que la Suède est un merveilleux exemple de pays où le français est en plein essor. Je connais deux Suédois qui se débrouillent bien en français. À mon avis, c'est à peu près le même genre d'exemples.
Vous parlez de la Colombie‑Britannique, où vous entendez de plus en plus parler français. Je suis allé à maintes reprises là-bas, à Vancouver, et j'avais du mal à y trouver des accents francophones, mais vous avez raison, il y en a peut-être de plus en plus. Il y a des restaurateurs, des gens d'affaires, entre autres, qui s'en vont là-bas et qui vont effectivement faire vivre un peu le fait français, qui disparaît de plus en plus. Pourtant, même dans les rues de Montréal, on entend de plus en plus de témoignages de gens qui ont de la difficulté à se faire servir en français. Mes collègues députés de l'île de Montréal seraient de bien mauvaise foi de nier ce fait.
Dans le cadre de la préparation de votre projet de loi , pour lequel vous semblez manifester un grand intérêt, ce qui est tout à votre honneur, avez-vous consulté des groupes du Québec pour connaître leurs attentes et leurs appréhensions relativement à ce programme?
Je ne sais pas si ces données existent. Je pense que vous pouvez consulter le travail fait par les divers comités consultatifs, mais je n'ai pas vérifié personnellement.
Je devrais souligner que ce projet de loi ne crée pas le Programme de contestation judiciaire. Il n'élargit pas sa portée ni ne la réduit. Essentiellement, tout le but du projet de loi est qu'il soit plus difficile de se débarrasser du programme. Si un futur gouvernement décide qu'il ne veut pas que les gens puissent nous poursuivre en justice, alors il va devoir modifier la loi pour annuler ce changement. À mon avis, si on élargissait la nature du Programme de contestation judiciaire, si on l'élargissait ou si on le modifiait officiellement, cela causerait probablement plus de dépenses, ce qu'il n'est pas possible de faire dans un projet de loi d'initiative parlementaire, sans recommandation royale.
Aussi, d'après mon expérience ici, je sais que si vous essayez de faire trop de choses dans un projet de loi d'initiative parlementaire, vos chances de réussir sont minces. La meilleure chose à faire, c'est d'y aller à petits pas, pour avancer et ne pas trébucher.
Merci beaucoup, monsieur McKinnon, de nous présenter votre projet de loi d'initiative parlementaire aujourd'hui.
Le Programme de contestation judiciaire est important pour les minorités linguistiques, pour les femmes ainsi que pour les Autochtones. Son objectif est de fournir un soutien financier aux Canadiens qui présentent aux tribunaux des causes types de portée nationale visant à clarifier et à confirmer certains droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et certains droits de la personne.
Durant son histoire d'une trentaine d'années, de 1978 à 2006, le programme a permis de financer plus de 500 causes et interventions, qui ont mené à certaines décisions historiques comme celles protégeant l'orientation sexuelle contre la discrimination, celles excluant la défense du consentement tacite dans les affaires d'agressions sexuelles et celles confirmant la protection constitutionnelle des droits des Métis et des Indiens non inscrits.
Ce programme est aussi constamment menacé, que ce soit par les libéraux, par manque de fonds, ou par les conservateurs, qui ont à deux reprises coupé entièrement le Programme de contestation judiciaire: une fois à l'époque de Mulroney, qui l'avait d'abord élargi, mais qui a ensuite décidé de retirer le soutien financier, puis encore une fois à l'époque de Harper, en 2006. Manifestement, les conservateurs aiment qu'il y ait peu de fonds et peu de ressources pour les contestations.
Divers comités, la société civile et d'autres ont recommandé que le gouvernement enchâsse le Programme de contestation judiciaire dans la loi afin d'accroître sa durabilité et de faire en sorte que le Parlement doive approuver toute tentative de l'annuler.
Monsieur McKinnon, vous inquiétez-vous de voir un futur gouvernement conservateur annuler un Programme de contestation judiciaire, sans cette loi?
Depuis que le Programme de contestation judiciaire a été rétabli en 2017, 107 affaires liées aux langues officielles ont été financées dans le cadre du Programme. Je suis la porte-parole en matière de langues officielles pour le NPD, et j'ai aussi joué un rôle important dans l'adoption du projet de loi , le projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles, lequel consacrait le financement pour les volets des droits en matière de langues officielles et des droits de la personne du Programme de contestation judiciaire, alors je comprends l'importance de ce travail.
Le gouvernement fédéral ne fait pas toujours les choses parfaitement, toutefois, et même avec les modifications apportées à la Loi sur les langues officielles, nous savons qu'il y aura d'autres contestations. Le volet des langues officielles du Programme de contestation judiciaire utilise actuellement le quart de son budget. Êtes-vous satisfait de cela? Quelle devrait être la proportion, selon vous? Devrait‑on l'augmenter, et si oui, de combien? Qu'en pensez-vous?
:
Je n'ai pas de chiffres précis à vous donner. Si ce volet utilise un quart de la capacité, je me demande si c'est parce qu'on ne leur propose pas aux responsables des causes qu'ils jugent intéressantes, ou s'ils réservent des fonds pour des affaires à long terme, qui pourraient bien se rendre jusqu'à la Cour suprême. Je ne sais pas, mais je pense certainement que c'est important.
Il nous incombe, au gouvernement, et il incombe au Parlement de veiller à ce que ce genre de programmes, et ce programme en particulier, soient bien financés et que les comités consultatifs aient des mandats adéquats pour le faire.
J'aimerais que la portée du Programme de contestation judiciaire soit élargie, au‑delà de ce qu'elle est actuellement. Cela dépasse certainement la portée d'un projet de loi d'initiative parlementaire, parce qu'il faudrait une recommandation royale. Avoir les yeux plus grands que le ventre est souvent une erreur qu'on commet, dans les projets de loi d'initiative parlementaire, alors tout ce que je veux faire, c'est rendre cela permanent, pour qu'il soit difficile — pas impossible, mais certainement très difficile — pour un futur gouvernement, peu importe la couleur, de s'en débarrasser.
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Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue au Comité, monsieur McKinnon. Je suis privilégié d'être ici aujourd'hui.
Monsieur McKinnon, je vous remercie d'avoir présenté ce projet de loi. Vous avez précisé qu'un projet de loi émanant d'un député ne pouvait pas contenir de disposition prévoyant l'engagement de fonds publics; cela fait partie de la procédure et des règlements de la Chambre des communes.
Monsieur McKinnon, vous avez mentionné que votre projet de loi ne concernait qu'une petite partie de... Je suis en désaccord avec vous: votre projet de loi est très important. Rendre permanent le Programme de contestation judiciaire est très important. Comme vous l'avez mentionné, les gouvernements conservateurs ont aboli deux fois ce programme. Le rendre permanent est donc très important, et je vous remercie beaucoup du travail que vous avez fait au moyen de ce projet de loi.
Je vous remercie également la contribution que vous avez apportée avec d'autres collègues et moi-même au projet de loi , qui a permis de moderniser la Loi sur les langues officielles. Vous avez appuyé ce projet de loi en compagnie de 300 autres députés de la Chambre des communes. Tous les partis politiques ont voté en faveur de ce projet de loi, qui n'était pas très ambitieux. Je vous remercie du travail que vous avez fait.
Comme vous le savez, si l'Hôpital Montfort, en Ontario, existe encore aujourd'hui, c'est grâce au Programme de contestation judiciaire. Le gouvernement conservateur de l'Ontario avait coupé les fonds de ce programme et voulait l'abolir. Ce programme a permis de conserver l'Hôpital Montfort, qui offre des services aux francophones en Ontario. Je vous remercie de votre projet de loi.
Voici ma première question. Évidemment, on parle de la situation des langues officielles partout au Canada, et c'est important, mais vous avez aussi parlé des personnes ayant des besoins particuliers. Pouvez-vous nous parler davantage du fait que ce projet de loi va également protéger les droits de personnes ayant des besoins particuliers? Vous êtes aussi un grand défenseur des droits de la personne.
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C'est une très longue question.
Fondamentalement, peu importe la situation de vie d'une personne — qu'il s'agisse d'un handicap, d'une question de genre ou peu importe — quand une personne croit qu'une mesure ou une décision gouvernementale nuit à sa capacité de réussir, que cela a un impact sur ses droits reconnus par la Charte, il doit y avoir une façon pour cette personne de présenter ses préoccupations à l'organe judiciaire approprié ou à une organisation qui peut rendre une décision par rapport à ses préoccupations, qui peut décider si ses arguments sont valables, et qui peut proposer des mesures à prendre, dans le contexte de l'organisation en question. C'est quelque chose d'essentiel.
Comme je l'ai dit, si on ne peut rien contester en vertu de la Charte, alors la Charte n'a pas raison d'être. C'est un aspect incroyablement important de notre système judiciaire et de tout notre système juridique. La Charte est fondamentale, et c'est essentiellement sur elle que nous devons nous appuyer pour rappeler les gouvernements successifs à l'ordre, afin de protéger nos droits.
Certains députés de l'opposition n'aiment peut-être pas qu'il arrive que le gouvernement au pouvoir se trompe. Il doit y avoir une façon de contester toute action du gouvernement, si vous croyez que cela va à l'encontre de vos intérêts. Peut-être que vous vous trompez, mais vous ne pourrez jamais le savoir si vous n'avez pas le pouvoir de contester.
Cela sert énormément l'intérêt public, parce que la décision qui est prise dans ce contexte sera appliquée d'un bout à l'autre du pays, alors il est vraiment dans l'intérêt public de soutenir une façon d'examiner et d'exécuter ces décisions.
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Ma question est pourtant assez importante, monsieur McKinnon.
Nous n'avons rien contre le Programme de contestation judiciaire, mais quand on parle de ce programme, on ne semble pas faire une distinction, et c'est justement la reconnaissance des valeurs qui sont propres au Québec.
Ce programme est souvent utilisé pour contester des lois qui ont été votées de manière démocratique et tout à fait légitime par l'Assemblée nationale du Québec. C'est là que je mets un petit bémol. Ce n'est pas une raison pour que nous nous opposions au programme, mais nous demandons de la transparence.
Plus tôt, je vous ai demandé si vous trouveriez normal qu'on accorde des fonds publics à des organismes qui ont des moyens financiers importants et qui ont les reins bien assez solides pour entamer de leurs propres moyens une contestation judiciaire.
Croyez-vous que ces organismes devraient pouvoir bénéficier du programme?
:
Je ne pense pas qu'un projet de loi d'initiative parlementaire peut aller jusqu'à garantir un financement adéquat. Sans une recommandation royale, nous ne pouvons rien faire qui augmenterait le financement.
Ce projet de loi ne serait pas possible si le Programme de contestation judiciaire n'existait pas et ne fonctionnait pas déjà. Le programme existe déjà, mais le choix de rendre son financement permanent, au lieu de ponctuel, comme c'est le cas actuellement, nécessiterait une recommandation royale.
Je serais très heureux si on augmentait son financement pour que ses pouvoirs soient élargis, tout à fait, mais je pense qu'il faudrait faire cela par un autre mécanisme.
Je serais heureux de soutenir des recommandations à la ministre des Finances pour que le programme soit financé davantage et pour que les organismes appropriés améliorent la loi, selon ce qui est approprié pour eux.
:
Merci de vos commentaires.
Monsieur McKinnon, vous avez élaboré un projet de loi qui inscrit le Programme de contestation judiciaire dans la loi, mais une chose qui ne m'échappe pas, c'est le nombre de fois que le gouvernement fédéral a affronté les Premières Nations devant les tribunaux, des Premières Nations qui défendent leurs droits. On dirait que le changement, pour les Premières Nations, quand il vient du gouvernement fédéral, ne vient qu'après que la cour l'a ordonné.
Les libéraux ont combattu des survivants des pensionnats autochtones, des enfants qui avaient été pris dans leur foyer et forcés à entrer dans des pensionnats, où ils ont été maltraités de manière irréparable. Ils ont combattu des enfants des Premières Nations qui n'ont pas reçu l'argent qu'ils méritaient pour leur éducation. Ils se sont battus contre des Premières Nations, dont la nation crie Tataskweyak ici dans ma circonscription, parce qu'elles n'avaient pas accès à de l'eau potable.
Dans le contexte de votre défense des droits, seriez-vous d'accord pour dire que le gouvernement fédéral ne devrait pas dépenser des millions de dollars, comme il le fait présentement, dans sa bataille juridique contre les Premières Nations qui ne font que défendre leurs droits fondamentaux?
:
Tout d'abord, j'aimerais souligner que M. Housefather était le président du comité de la justice qui a participé au rapport que nous avons rédigé. J'ai travaillé avec M. Housefather pendant quatre ans au sein de ce comité. Je suis heureux de vous revoir.
Comme je l'ai mentionné, nous avons vu M. Mulroney et M. Harper l'annuler. Je pense que c'est parfois un cas de priorités mal placées. Si les gens se demandent: « Pourquoi devrions-nous payer pour que des gens nous poursuivent? », c'est un problème. Si nous voyons cela et que nous nous demandons: « Pourquoi devrions-nous payer pour soutenir, faire avancer et solidifier la démocratie? », ce n'est pas un problème.
Il s'agit de faire en sorte que ce soit moins perçu comme quelque chose d'irréfléchi: « Pourquoi devrions-nous payer pour que des gens nous poursuivent? Annulons le programme. » Faites en sorte que ce soit perçu comme quelque chose de plus délibéré. Le dossier doit être présenté et débattu à la Chambre. Ce ne sera pas un changement irréfléchi; c'est une chose qui sera beaucoup plus délibérée et difficile à changer.
Comme l'a mentionné M. Housefather, je pense que c'est un aspect fondamentalement important de notre démocratie. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour le renforcer et le maintenir, et, lorsque c'est possible, l'étendre.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Merci de m'avoir invité pour fournir de l'information au sujet du Programme de contestation judiciaire.
Tout d'abord, je reconnais que nous sommes rassemblés sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
En tant que sous-ministre adjoint responsable de la politique stratégique, de la planification et des affaires ministérielles, je supervise le Programme de contestation judiciaire depuis plus de cinq ans.
L'Université d'Ottawa a été choisie en tant qu'organisme indépendant pour mettre en œuvre, administrer et promouvoir le Programme de contestation judiciaire en 2017. Il s'agit d'une entité autonome, indépendante du gouvernement, et elle a été choisie grâce à un processus ouvert et transparent. L'université soutient deux conseils d'experts qui sont responsables de prendre les décisions concernant le financement du programme — des conseils d'experts sur les droits liés à la langue officielle et les droits de la personne — et chaque conseil d'experts compte sept membres très qualifiés choisis au moyen d'un processus de sélection géré par le ministère du Patrimoine canadien à des fins de nominations possibles par des ministres.
Le Programme de contestation judiciaire a d'abord été mis en œuvre en 1978 pour permettre aux gens qui habitaient le Canada de présenter des causes, indépendamment de leurs moyens, lorsqu'ils croyaient que leurs droits fondamentaux avaient été violés. Il appuyait aussi les gens et les organisations qui contestaient des lois et des politiques qui semblaient miner les droits et libertés fondamentaux au Canada. Depuis sa conception initiale, il y a 46 ans, le Programme de contestation judiciaire, qui a connu plusieurs versions, a financé et appuyé des causes judiciaires majeures qui ont façonné et orienté de façon importante l'évolution de la jurisprudence relative aux langues officielles et aux droits de la personne au Canada.
Historiquement, le Programme de contestation judiciaire a été et continue d'être administré par une tierce partie autonome du gouvernement pour éviter toute forme de conflits d'intérêts réels ou perçus de la part du gouvernement du Canada. Le programme a été essentiel pour garantir à tous les Canadiens et toutes les Canadiennes l'accès à la justice et à l'égalité.
De plus, le programme a contribué à protéger les droits de la personne de tous les gens au Canada, à soutenir les communautés vulnérables et marginalisées et à aider les minorités à défendre leurs droits, tout en faisant la promotion continue de la justice et de l'égalité.
[Français]
Le Programme de contestation judiciaire a également joué un rôle déterminant en matière de soutien aux communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada. En finançant la contestation de lois et de politiques susceptibles d’éroder des lois linguistiques, le Programme contribue à préserver la vitalité de ces communautés ainsi qu'à maintenir la dualité et la diversité linguistique au Canada.
Je veux souligner que le Programme de contestation judiciaire ne peut pas financer la contestation de lois, de politiques ou de pratiques provinciales ou territoriales en matière de droit de la personne. Toutefois, comme c'est le cas depuis sa création, le volet langues officielles du Programme peut financer des causes prenant à partie les gouvernements provinciaux et territoriaux, car un certain nombre de droits linguistiques constitutionnels s'appliquent spécifiquement aux provinces et aux territoires.
Depuis sa relance en 2017, le Programme a financé 115 causes visant les droits relatifs aux langues officielles et 160 causes visant les droits de la personne. Pour la seule année 2022‑2023, les experts ont accordé un financement à 74 causes, dont 33 pour les droits relatifs aux langues officielles et 41 pour les droits de la personne. Il s'agit notamment de causes liées aux droits linguistiques des communautés minoritaires de langue officielle, aux droits des Autochtones, aux droits de la communauté LGBTQ+, aux droits des personnes handicapées et aux libertés civiles.
Chaque année, les données sont rendues publiques par l'Université d'Ottawa, après la publication des rapports annuels sur le site Web du Programme.
En finançant et en soutenant ces causes, le Programme remplit son mandat de promotion de l'égalité, de la justice et des droits de la personne au Canada. Le financement total du Programme a augmenté dans le cadre du budget de 2023. Ainsi, le doublement du financement sur cinq ans annoncé dans le budget fédéral de 2023 permet au Programme de disposer de 24,5 millions de dollars supplémentaires jusqu'en 2028. Un tiers du financement annuel est alloué à la clarification des droits linguistiques, et le financement supplémentaire permettra au Programme de soutenir des demandes additionnelles.
En conclusion, depuis sa création, le Programme a produit des résultats probants, conformément à son mandat et à ses objectifs. De plus, des mécanismes efficaces sont en place pour en assurer l'intégrité et le bon fonctionnement, y compris l'exécution indépendante.
Je vous remercie de votre attention, monsieur le président. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions sur le Programme.
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Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
J'aimerais clarifier quelques éléments.
L'adoption du projet de loi va donner un message clair aux prochains gouvernements sur l'importance et la nécessité de non seulement maintenir le Programme de contestation judiciaire de façon permanente, mais aussi de prévoir des fonds supplémentaires dans les budgets futurs du gouvernement fédéral. C'est une bonne chose d'adopter ce projet de loi auquel nous travaillons aujourd'hui, car il va aider les personnes vivant en situation minoritaire partout au pays.
Ma question s'adresse aux deux témoins. Nous avons parlé plus tôt des experts et de ce que cela implique. Lors de l'étude du projet de loi , l'an dernier, les membres du Comité qui sont ici aujourd'hui ont parlé de l'importance du Programme de contestation judiciaire et du fait que les décisions financières étaient prises par un comité d'experts et non par des politiciens. Cet aspect est très important.
Pouvez-vous décrire au Comité la façon dont fonctionne ce comité d'experts, la façon dont ses membres sont sélectionnés et comment il fait son travail de façon indépendante?
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Monsieur le président, je remercie le député de sa question.
Les membres du comité d'experts sont sélectionnés selon un processus ouvert et transparent. Justement, ce matin, nous avons affiché sur notre site Web un processus ouvert et transparent pour trouver des candidats voulant faire partie du Comité d'experts chargé des droits en matière de langues officielles. En vertu du processus mis en place depuis le début, un comité de sélection examine les candidatures. C'est moi qui préside ce comité. Je suis accompagné d'un représentant du ministère de la Justice et d'un représentant de l'extérieur, venant du secteur privé. Nous identifions les candidats qui satisfont aux critères que nous recherchons.
Par la suite, au besoin, nous faisons des entrevues avec ces personnes pour nous assurer qu'elles respectent les critères et pour évaluer leur connaissance du domaine, dans ce cas-ci, les langues officielles. Nous créons alors un bassin de candidats potentiels. Lorsqu'il y a des postes à combler au sein du Comité d'experts, nous envoyons une liste de candidats au ministre. Dès que le ministre rend sa décision au sujet d'un nouveau membre du Comité d'experts, nous en avisons l'Université d'Ottawa qui est responsable du programme. De mon côté, je communique avec la personne en question pour l'informer de la décision du ministre et pour savoir si elle accepte le poste.
Par la suite, nous informons l'Université d'Ottawa qu'il y a un nouveau membre au sein du Comité d'experts. Il y a alors un échange avec cette personne pour s'assurer qu'elle est très consciente de la façon dont le Comité d'experts fonctionne et des paramètres du Programme. En répondant à la question précédente, j'ai parlé des critères des causes d'importance nationale, des causes types, etc. Les membres du Comité d'experts se rencontrent normalement quatre fois par année pour examiner les demandes de financement qui sont faites dans le cadre du Programme et rendre leurs décisions.
C'est ce que je voulais savoir. Nous savons combien d'argent est prévu pour les langues officielles. Je me rends compte que l'autre catégorie concerne les droits de la personne, mais nous savons également que les droits autochtones sont en soi différents, il y a donc une différenciation... La portée limitée du projet de loi a été soulevée comme étant un problème par les défenseurs des droits juridiques comme Cindy Blackstock; il faudrait donc reconnaître le rôle important qu'a joué le Programme de contestation juridique pour les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Cette ventilation serait très utile pour notre comité et, certainement, pour les parlementaires.
Le ministère du Patrimoine canadien finance entièrement le Programme de contestation judiciaire au moyen d'ententes de contribution. Son financement est divisé en deux volets: les droits de la personne et les droits en matière de langues officielles. Vous avez mentionné les fonds qui ont été annoncés dans le budget de 2023, mais nous savons que, chaque année, un certain nombre de candidats admissibles ne sont pas financés, non pas parce qu'ils ne se qualifiaient pas au programme, mais parce que le programme est sous-financé, ce qui nous préoccupe certainement.
Comment cela fonctionne-t-il ? Vous avez parlé des critères. Cela fonctionne-t-il selon le principe du premier arrivé, premier servi? Comment décidez-vous quels candidats admissibles seront rejetés?
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Monsieur le président, je comprends l'intention derrière la motion que M. Noormohamed dépose aujourd'hui et je ne suis pas en désaccord sur le principe.
Cela dit, nous sommes au jour 1 de ce qui est proposé dans la motion. C'est donc dire que nous achevons la première réunion que M. Noormohamed propose de tenir concernant l'étude de ce projet de loi. Si nous avions eu cette proposition et cette discussion plus tôt, la réunion d'aujourd'hui aurait peut-être été planifiée différemment. Je m'explique.
Le Bloc québécois accorde de l'importance à l'étude du projet de loi et nous comptons convoquer très peu de témoins. Nous n'avons invité que deux témoins, que nous considérons comme extrêmement pertinents. Nous souhaitons avoir la chance d'entendre et de faire entendre au Comité ces deux témoins. Or il m'est présentement impossible de confirmer que l'un ou l'autre des témoins ou que les deux témoins invités par le Bloc québécois seront disponibles à la seule date qu'il reste pour entendre des témoins, soit le 30 avril.
Je pense que ce n'est pas nous permettre de bien faire notre travail que de précipiter les choses de cette façon. Encore une fois, je ne suis pas du tout en désaccord sur l'idée. Nous devons effectivement travailler rapidement. Nous avons beaucoup de choses sur nos bureaux d'ici la fin des travaux parlementaires. Je pense toutefois que cela n'a aucun sens de nous laisser une seule réunion de plus pour recevoir des témoins avant de passer à l'étude article par article. C'est ne pas respecter le travail parlementaire que nous devons à faire.
Je propose donc un amendement dans le même esprit que la motion de M. Noormohamed, mais un amendement qui donnera à tout le moins un peu de temps au Comité pour faire son travail de manière adéquate dans ce contexte.
Je vous lis l'amendement proposé:
Que, nonobstant la motion adoptée par le Comité le jeudi 1er février 2024, en ce qui concerne l’examen du projet de loi C‑316, le Comité prévoie un minimum de trois réunions avec des témoins les 18 et 30 avril et le 2 mai respectivement, que la date limite pour les amendements soit au plus tôt le 30 avril 2024 et que le Comité commence l’étude article par article au plus tôt le 7 mai 2024.
J'ai ici la version écrite en anglais et en français que je peux offrir tout de suite à notre greffière afin qu'elle en fasse la retranscription et qu'elle puisse la remettre aux membres du Comité.
Merci.
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Monsieur le président, nous devons normalement terminer à 17 h 30.
Devons-nous prendre des dispositions pour continuer après 17 h 30? Mon collègue doit partir et j'ai, moi aussi, quelque chose dans 10 minutes. Au pire, nous pourrions continuer lors de la prochaine réunion. Ce sera long, de toute façon.
Je suis déçu que mon collègue ait proposé sa motion, parce que j'avais encore deux ou trois questions à poser aux témoins. On sera peut-être obligé de les faire revenir. J'aurais aimé poser des questions aux témoins. Si on veut faire du bon travail, il faut pouvoir poser toutes les questions qu'on a à poser.
Cela dit, il faudra peut-être une ou deux réunions de plus. On en reparlera à la prochaine réunion.
Je propose une motion pour ajourner la réunion.
Monsieur le président, je pense que c'est raisonnable. Je sais que mes collègues libéraux et néo-démocrates se sont prononcés en faveur de la motion initiale tout à l'heure, mais je pense qu'il faut respecter aussi le travail que nous avons à faire dans le cadre de tout projet de loi.
Je comprends qu'on veuille précipiter les choses, qu'on veuille se dépêcher, mais il s'agit d'un projet de loi important pour le Bloc québécois, pour les Québécois, pour les Canadiens et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il faut respecter le travail que nous avons à faire, et il faut aussi nous respecter. Nous devons faire notre travail comme il faut.
J'ai des témoins importants à faire entendre au comité, et je veux m'assurer qu'ils peuvent être entendus. Je veux, comme le disait Mme Thomas, avoir le temps de préparer les amendements en fonction des témoignages qu'on aura entendus. Il faut se donner le temps de faire le travail comme il faut.
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Y a‑t‑il d'autres commentaires au sujet du sous-amendement?
Puisqu'il n'y en a aucun, nous passerons au vote concernant le sous-amendement présenté par Mme Thomas.
Pourriez-vous continuer, madame la greffière?
Il ne faut pas oublier, mesdames et messieurs, que l'échéance est à 17 h 40.
(Le sous-amendement est rejeté par 6 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
Le président: Le sous-amendement est rejeté.
Il est maintenant 17 h 40.
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Avec respect, monsieur le président, je n'ai pas à être brève. Je dois cependant rester pertinente, ce que je fais, car je suis en train de dire que je ne peux pas soutenir l'amendement qui est actuellement présenté parce qu'il nous a été demandé de proposer nos amendements avant d'avoir entendu tous les témoins, et cela est inapproprié.
Il est insensé de demander aux membres présents à la table de proposer leurs amendements et les changements qu'ils proposent d'apporter à ce projet de loi avant d'avoir entendu tous les témoins. Nous devrions avoir la possibilité d'entendre tous ceux qui souhaitent s'exprimer au sujet de ce projet de loi et communiquer leurs diverses préoccupations afin de comprendre ce qu'ils voient dans ce projet de loi... les avantages et les inconvénients, les points forts et les points faibles, ce qui devrait être maintenu et ce qui devrait être modifié.
Si le Comité ne souhaite pas entendre tous les témoins au sujet de ce projet de loi avant de devoir proposer des amendements, c'est simplement inapproprié. En fait, ce que le Comité est en train de dire, c'est que les opinions des personnes qui viennent ici après la présentation des amendements sont nulles et non avenues parce que nous avons déjà fait ou proposé les changements que nous voulions faire. C'est inapproprié. C'est tout simplement inapproprié du point de vue procédural.
Bon sang, nous sommes au Parlement du Canada. C'est l'endroit où nous créons les lois. C'est l'endroit où nous mettons en place des éléments de la législation et des projets de loi qui régiront les habitants du Canada. Si nous ne le faisons pas de la façon la plus adéquate possible, nous devrions avoir honte. Demander à ce que nos amendements soient proposés avant que nous ayons entendu tous les témoins est complètement inapproprié. C'est incroyablement irresponsable de la part des personnes présentes à cette table.
Je félicite le député du Bloc d'avoir vu cela et d'avoir voté en faveur du sous-amendement qui a été discuté précédemment. Ces 24 heures supplémentaires semblaient pertinentes, mais voilà: nous discutons à nouveau d'un meilleur amendement qui propose trois réunions pour entendre les témoins. J'apprécie cela, car nous entendrons plus de voix et je crois que le député du Bloc a raison de dire que c'est très important, mais encore une fois, cet amendement exige que les amendements proposés au projet de loi soient présentés avant que nous n'ayons entendu tous ceux qui souhaitent témoigner.
Bon après-midi. Nous poursuivons la réunion numéro 116 du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes qui a été suspendue le jeudi 18 avril.
Tout d'abord, il faut éviter les incidents acoustiques.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tous les députés et aux autres participants à la réunion présents dans la salle les mesures préventives importantes.
Pour prévenir les incidents acoustiques perturbateurs — et potentiellement dangereux — susceptibles de causer des blessures, nous rappelons à tous les participants de garder leurs oreillettes éloignées de tous les microphones à tout moment. Tel qu'indiqué dans le communiqué du à tous les députés le lundi 29 avril, les mesures suivantes ont été prises pour aider à prévenir les incidents acoustiques.
Tout d'abord, toutes les oreillettes ont été remplacées par un modèle qui réduit considérablement la probabilité d'un incident acoustique. Les nouvelles oreillettes sont noires alors que les anciennes étaient grises. Veuillez utiliser uniquement les oreillettes noires approuvées.
Par défaut, toutes les oreillettes inutilisées au début d'une réunion seront débranchées.
Lorsque votre oreillette n'est pas utilisée, veuillez la placer face vers le bas, au milieu de l'autocollant sur la table, tel qu'indiqué. Veuillez consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents de rétroaction acoustique.
La disposition de la salle, comme vous l'avez remarqué, est passablement différente. La distance entre les microphones a été augmentée afin de réduire le risque de retour acoustique.
Ces mesures sont en place afin que nous puissions exercer nos activités sans interruption et pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants. De nouveau, merci à tous pour votre coopération.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, et j'aimerais transmettre certaines consignes aux députés pour garantir le bon déroulement.
Comme d'habitude, attendez que je vous nomme avant de prendre la parole.
Nous revenons sur le débat concernant la motion présentée par M. Noormohamed et commençons par l'amendement proposé par M. Champoux. Cependant, comme certains d'entre vous le savent... Je vais simplement lire ce qui suit:
« Que, nonobstant la motion adoptée par le Comité le 1er février 2024, ce qui concerne l'examen du projet de loi , le comité prévoit » — et il s'agit d'un changement — « un minimum de trois réunions avec des témoins les 18 et 30 avril » — qui est aujourd'hui — « et 2 mai » — qui est jeudi — « respectivement, que la date limite pour les amendements soit au plus tôt le 30 avril 2024 » — qui est aujourd'hui — « et que le comité commence l'étude article par article au plus tôt le 7 mai 2024. »
Bien sûr, je pense que, le 7 mai, Mme Tait de la CBC sera présente. C'est dans une semaine.
Si, comme nous l'avons dit, l'amendement est irrecevable, je pense que, M. Noormohamed, vous avez fait ces changements.
Y a‑t‑il une discussion à ce sujet?
D'accord, nous allons poursuivre. J'allais actuellement déclarer la motion irrecevable en raison des dates que vous avez d'abord proposées, plus particulièrement le 18 avril et les suivantes.
Je pense que des changements sont nécessaires. Nous avons trois réunions, et la troisième et dernière réunion se tiendrait ce jeudi.
Sommes-nous tous d'accord avec ces changements?
Allez‑y, madame Thomas.
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Je suis venu ici aujourd'hui... Personne ne le savait, mais d'après mon interprétation, la motion était irrecevable à cause des dates. Alors nous devrions reprendre nos travaux à partir de là.
Nous accueillons aujourd'hui un certain nombre de témoins qui pourraient faire un exposé. J'allais demander à la greffière et aux analystes... Nous allons interrompre la séance pendant une minute ou deux pour effectuer les vérifications audio, puis nous passerons aux cinq exposés devant le Comité.
Oui, j'allais la déclarer irrecevable.
D'accord? Sommes-nous tous d'accord avec cela?
Des députés: D'accord.
Le président: Si vous me le permettez, j'aimerais alors suspendre la séance pendant deux minutes au maximum. Nous avons cinq personnes en ligne et nous devons entendre ce qu'elles ont à dire sur le projet de loi .
Nous avons fait quelques vérifications de son, mais je pense que nous voulons simplement nous assurer que nos invités sont avec nous.
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Nous reprenons la réunion.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 22 novembre 2023, le Comité reprend l'étude du projet de loi .
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous en avons quatre par vidéoconférence, et nous en avons un dans la salle avec nous cet après-midi.
Nous recevons M. Ian Brodie, professeur à l'Université de Calgary; M. Guillaume Rousseau, professeur de droit; et M. Geoff Sigalet, professeur agrégé.
Dans la salle, nous avons Mme Marika Giles Samson, directrice du Programme de contestation judiciaire du Canada.
Merci d'être ici.
Nous recevrons également par vidéoconférence Mme Humera Jabir, du West Coast Legal Education and Action Fund, à Vancouver.
Comme vous le savez tous, vous disposez d'un maximum de cinq minutes pour votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux séries de questions.
Le premier est M. Brodie.
Je vous invite à faire une déclaration liminaire. Comme je l'ai mentionné, vous disposez d'un maximum de cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux membres du Comité de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.
Je crois que, malgré mes efforts au cours des 25 dernières années, je suis l'auteur du principal ouvrage publié faisant autorité sur l'histoire du Programme de contestation judiciaire.
Comme les membres du Comité le savent, le Programme de contestation judiciaire a eu une histoire mouvementée. Il a été établi en 1978 dans le but de financer des litiges contre les lois linguistiques du Québec, en particulier la loi 101, et par extension les lois linguistiques d'autres provinces. En 1985, son mandat a été élargi pour couvrir ce que nous appellerions aujourd'hui les « litiges en matière de justice sociale ». Il a ensuite été fermé en 1992 dans le cadre des décisions budgétaires de cette année‑là. Le Programme a été recréé quelques années plus tard. En 2006, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il était de nouveau aboli, même si en réalité le Programme n'a jamais été fermé. Depuis lors, il s'est poursuivi dans le cadre de divers parrainages et sous différentes formes d'organisations.
De 1985 jusqu'aux années 2000 environ, lorsque les litiges d'intérêt public en étaient à leurs balbutiements au Canada, le Programme de contestation judiciaire a certainement contribué à stimuler cette forme d'organisation politique au pays. Aujourd'hui, cependant, le Programme de contestation judiciaire finance probablement une part relativement petite des litiges d'intérêt public au Canada. La plupart des affaires judiciaires portant sur les droits de la personne, et certainement toutes les affaires qui tentent de limiter l'action du gouvernement, sont financées par des fonds privés ou au moyen de programmes provinciaux d'aide juridique, sans l'aide du Programme de contestation judiciaire.
Dans mon mémoire écrit, je recommande trois amendements au projet de loi.
Le premier consiste à empêcher le Programme de contestation judiciaire financé par le gouvernement fédéral de financer des affaires judiciaires contre des mesures provinciales. C'est un problème depuis la création du Programme en 1978. Si le gouvernement fédéral décide qu'il doit contester la législation provinciale ou des programmes provinciaux, il peut le faire directement et de manière transparente par voie de litiges ou au moyen d'autres techniques.
Un deuxième amendement empêcherait le Programme de financer des affaires portant sur deux articles ou plus de la Charte des droits qui entrent en conflit les uns avec les autres. À mon avis, il n'y a aucune raison pour que le gouvernement fédéral finance des litiges qui pourraient, par exemple, limiter la liberté d'expression ou la liberté de religion au nom de la défense des droits à l'égalité ou vice versa.
Troisièmement, pour éviter le cycle de création et d'abolition, je recommande d'élargir le conseil d'administration du Programme de façon à inclure des candidats de tous les partis représentés à la Chambre des communes. Je pense que cela garantirait que le Programme ne financerait que les affaires qui échappent véritablement à un désaccord pour des raisons partisanes.
Après réflexion, depuis la préparation de mon mémoire, j'insisterais sur une quatrième considération, même si elle ne figure pas dans le mémoire écrit. Le rapport annuel public du Programme, envisagé au paragraphe 5.1(1) proposé dans le projet de loi à l'étude, devrait inclure une liste de toutes les causes qui reçoivent un financement et le montant du financement consacré à chacune de ces causes.
Auparavant, le Programme permettait au public de savoir quelles affaires il finançait et celles qu'il ne finançait pas, mais le Programme de contestation judiciaire sert désormais à transformer l'argent de nos impôts en argent occulte non retraçable, et cela doit cesser. Le Programme devrait rendre compte de ses décisions de financement au public en temps réel. Si cela n'est pas possible, il devrait rendre compte de ces décisions dans son rapport annuel.
Monsieur le président, c'est tout ce que j'ai à dire.
Je vous remercie de m'avoir invité à vous parler de certains de mes travaux de recherche en droit linguistique et, évidemment, de mon analyse du projet de loi .
Je rappelle souvent qu'en matière de droit linguistique, il existe deux grands modèles ou principes de base: le principe de la personnalité et celui de la territorialité. Je vais brièvement faire le tour de cette question pour aborder ensuite le projet de loi.
Le principe de la personnalité est simple. Il permet aux individus, en matière d'usage officiel, le libre choix entre plusieurs langues. On parle ici de bilinguisme ou de multilinguisme officiel. À l'inverse, le principe de la territorialité est celui en vertu duquel une seule langue s'impose, une seule langue officielle, à savoir celle de la majorité.
Or une revue de la littérature scientifique démontre clairement que le modèle de la territorialité est vraiment le seul à pouvoir favoriser l'épanouissement d'une langue vulnérable, minoritaire. Le meilleur exemple est le cas canadien, qui est fondé sur la personnalité linguistique. Le pourcentage de francophones est passé de 27,5 % à environ 22 % entre 1971 et 2021. En Suisse, par contre, le pourcentage de francophones est passé de 18,4 % à 22,9 % entre 1970 et 2017.
Voici pourquoi je vous parle de cela. Au cours des années 1960 et 1970, lorsqu'il y a eu un déclin du français au Québec, la Charte de la langue française et son approche territoriale ont fait en sorte qu'une seule langue officielle a été adoptée. Le français a ainsi progressé à la fin des années 1970 et pendant les années 1980. Ensuite, cependant, plusieurs jugements ont eu comme effet de limiter la portée de la Charte de la langue française, aussi connue sous le nom de « loi 101 », et de l'invalider en partie. Depuis, il y a eu un déclin de la langue française.
Pourquoi y a-t-il eu autant de jugements contre la Charte de la langue française? Comme le professeur Brodie le rappelait à l'instant, le Programme de contestation judiciaire a servi à financer des causes qui ont donné lieu à des jugements qui ont, pour leur part, invalidé des pans entiers de la Charte de la langue française. Cela a contribué, ultimement, au déclin de la langue française.
Je propose donc des amendements au projet de loi pour faire en sorte que ce programme ne serve plus à contester la Charte de la langue française et à faire régresser le français. Ce serait logique. Le livre blanc de 2021 intitulé « Français et anglais: Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada » proposait que le gouvernement fédéral appuie le français dans les autres provinces, comme il le fait depuis longtemps, et qu'il l'appuie également au Québec, plutôt que de lui nuire en finançant des contestations de la Charte de la langue française, par exemple. L'amendement irait dans ce sens.
On pourrait même aller plus loin pour réparer cette erreur historique. Avoir financé de la sorte les contestations de la loi 101 est, en fin de compte, une erreur historique. On pourrait donc aller plus loin en proposant que les recours favorables à la loi 101 soient financés, ce qui aiderait les citoyens qui souhaitent faire valoir leurs droits linguistiques prévus dans les articles 2 à 6.2 de la Charte de la langue française. Ce sont des droits linguistiques fondamentaux. Obtenir des fonds fédéraux pour aller de l'avant serait vraiment une bonne chose, surtout que, depuis 2022, avec la nouvelle Charte de la langue française, les droits linguistiques fondamentaux sont maintenant exécutoires.
On peut vraiment prendre des recours pour combler les lacunes de règles précises de la loi 101. Je donne toujours l'exemple suivant. Les consommateurs de biens disposent du droit d'être servis en français. Or, dans certains magasins de vêtements, au Québec, les écriteaux qui annoncent les vêtements, notamment pour enfants, sont en anglais. Il n'y a pas de vêtements annoncés en français. Le droit d'être servi en français, ce droit linguistique fondamental des consommateurs de biens, pourrait-il faire en sorte que les vêtements soient toujours annoncés en français? Nous ne le savons pas, mais il serait intéressant qu'un tel recours soit financé par le Programme de contestation judiciaire.
Le but de cet amendement serait qu'on ne puisse pas contester des lois provinciales et que certains groupes de citoyens puissent utiliser les fonds du programme pour faire valoir les droits linguistiques prévus par les lois provinciales, en particulier par la Charte de la langue française. La même logique devrait s'appliquer à la Loi sur la laïcité de l'État du Québec. Plutôt que de la contester et de refaire l'erreur historique entourant la loi 101, on pourrait se servir de ce fonds pour mettre en œuvre le droit à des services publics laïcs prévu par cette loi. Ce serait vraiment préférable. C'est le sens des amendements, sur le fond.
Par ailleurs, il y a des améliorations à apporter en matière de gouvernance. J'ai trouvé très intéressant ce qu'a proposé le professeur Brodie, notamment que différents partis politiques procèdent à des nominations au conseil qui gère l'octroi de financement.
Nous pensons également que s'il pouvait y avoir encore plus de Québécois...
:
Me voilà promu général alors que je suis lieutenant, un bébé professeur.
Je veux garder les choses simples. À mon avis, ce serait une erreur d'inscrire le Programme de contestation judiciaire, le PCJ, dans une loi, même au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire comme le projet de loi , car il n'est pas approprié que l'argent public soutienne le Programme.
Je donnerai trois raisons fondamentales à cet égard.
Premièrement, la manière dont le PCJ a été conçu et mis en œuvre a fait en sorte qu'il est soumis à une contestation partisane. Le préambule du projet de loi le reconnaît en partie en donnant l'historique de l'abolition du programme puis de son rétablissement, mais ce qu'il omet de préciser, c'est qu'il a été aboli par les conservateurs et rétabli par les libéraux. À mon avis, cette contestation partisane va à l'encontre de l'objectif déclaré du préambule selon lequel le programme devrait être administré de façon indépendante afin d'obliger le gouvernement à rendre des comptes.
Il est très difficile pour un programme qui est perçu, au moins par un grand parti politique, comme faisant la promotion du programme partisan d'un autre ensemble d'acteurs politiques, d'obliger effectivement le gouvernement à rendre des comptes à l'égard des gouvernements successifs. En vérité, dans l'ensemble, cela risque d'enliser les tribunaux canadiens dans des contestations partisanes, ce que nous voulons éviter. Nous voulons éviter de politiser davantage nos tribunaux.
[Français]
Deuxièmement, le Programme de contestation judiciaire a été créé pour contester les lois provinciales, et [difficultés techniques] effectivement les tribunaux dont les juges sont nommés par le gouvernement fédéral à invalider les lois provinciales. Cela risque de dégrader le fédéralisme canadien et constitue une menace particulière pour le gouvernement du Québec.
Il est noté que le Programme a financé au moins un des requérants dans la cause Hak contre la Procureure générale du Québec, qui conteste la loi 21 du Québec et probablement d'autres encore.
[Traduction]
Troisièmement, il s'agit de l'idée même que le Programme de contestation judiciaire, ou PCJ, entre en conflit avec le programme des énoncés concernant la Charte et que le gouvernement fédéral et le Parlement soient eux-mêmes responsables de protéger les droits enchâssés dans la Charte et doivent rendre des comptes à cet égard. Le PCJ confie en partie à des groupes d'intérêts spéciaux non élus la responsabilité de s'assurer que la législation est conforme aux droits. S'il y a des problèmes concernant les droits de la personne ou les droits linguistiques avec les projets de loi du Parlement, il incombe au Parlement de régler ces problèmes avant que les lois ne soient promulguées. Voilà en effet, à mon avis, ce que représente le programme des énoncés concernant la Charte: des déclarations sur la cohérence des projets de loi qui devraient être débattus et dont le Parlement devrait assumer la responsabilité.
À ces trois raisons pour s'opposer au PCJ et au projet de loi s'ajoute ce que les intervenants devant moi ont déjà mentionné: le manque de transparence entourant le PCJ.
Le PCJ revendique le secret professionnel et ne révèle pas le nom des intervenants et des plaignants qu'il soutient. Ce manque de transparence est un gros problème pour ceux qui veulent défendre le Programme et aimeraient le voir inscrit dans la loi. Si les partisans du PCJ veulent soutenir l'idée que le projet de loi devrait recevoir le soutien de partisans issus de partis différents, alors la première chose qu'ils devraient faire est de renoncer au secret professionnel et de publier une liste complète des interventions financées.
Depuis 2000, ils n'ont annoncé qu'une série limitée d'interventions et n'ont pas nommé les intervenants dans leurs rapports annuels, bien qu'il soit possible de déterminer certains d'entre eux en examinant le dossier et les personnes qui y sont intervenues. La liste qui est publiée est très sélective. Premièrement, toute cette conception du secret professionnel comme approche à l'égard de la transparence est contestable. Deuxièmement, tout cela peut faire l'objet d'une renonciation. Le PCJ peut renoncer à ce privilège, et il semble effectivement y avoir de bonnes raisons de le faire.
En vérité, le rapport sur l'accès à la justice publié en 2016 par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne recommandait que le PCJ renonce à ce privilège et publie dans les rapports annuels toutes les causes ayant reçu un soutien au titre du programme. C'est la recommandation 7 de ce rapport. Je signale que le rapport de ce comité est, pour reprendre les mots du parrain du projet de loi, l'un des ensembles de recommandations qui ont motivé la présentation du projet de loi. Si nous voulons prendre le projet de loi et ses raisons d'être au sérieux, on voudra prendre également au sérieux les autres recommandations qu'il contient.
À mon avis, quel que soit l'avenir politique du PCJ ou du projet de loi, il ne peut réellement y avoir de débats éclairés sur sa raison d'être s'il n'y a pas de transparence quant aux types de causes qu'il finance.
Sur ce, je vais terminer ici ma déclaration et attendre les questions. Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le Comité de m'avoir invitée.
Je tiens tout d'abord à reconnaître avec gratitude que la plus grande partie du travail du Programme de contestation judiciaire, comme celui de votre comité, se fait sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Étant donné que le Programme fonctionne dans les deux langues, je vais présenter mon exposé dans les deux langues officielles.
En guise d'introduction, je suis directrice du Programme de contestation judiciaire depuis 2020.
[Français]
Le Programme de contestation judiciaire, ou PCJ, a pour but de fournir un soutien financier dans les causes types d'importance nationale portant sur les droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne.
Ce faisant, le programme vise deux objectifs.
Le premier est d'aider un plus grand nombre de Canadiens et de Canadiennes à accéder aux tribunaux pour revendiquer leurs droits garantis par la Loi constitutionnelle de 1867, la Charte canadienne des droits et des libertés et la Loi sur les langues officielles.
Cet objectif répond au fait que les coûts financiers associés à la poursuite des causes constitutionnelles représentent un obstacle souvent insurmontable à l'accès à la justice.
Le deuxième objectif du programme est de contribuer à faire évoluer notre connaissance collective de la portée et de la signification des droits qu'il permet de faire valoir.
[Traduction]
En finançant des causes types d'importance nationale, nous visons à fournir aux tribunaux la possibilité de faire avancer l'état de droit et de contribuer à notre compréhension publique de la signification des droits garantis par la Charte au Canada.
Étant donné que la plupart des causes financées par le PCJ visent à contester des lois, des politiques ou des pratiques du gouvernement fédéral, le PCJ est exploité de façon indépendante. Comme vous le savez, il est actuellement administré par l'Université d'Ottawa, financé à même une entente de contribution avec la ministre du Patrimoine canadien.
Toutefois, il est important pour le Comité de comprendre que, même s'il reçoit un soutien administratif et un soutien des infrastructures de la part de l'université — et par cela, j'entends des choses comme les TI, la comptabilité, les salaires et les installations — le Programme fonctionne de façon indépendante, particulièrement en ce qui concerne la sélection des causes. L'Université d'Ottawa ne joue aucun rôle dans la sélection et n'a pas accès aux informations sur les causes financées par le PCJ.
Les demandes de financement sont traitées exclusivement par le personnel du PCJ. Les décisions au sujet des causes qui sont financées sont prises exclusivement par deux comités d'experts indépendants — le comité d'experts chargé des droits en matière de langues officielles et le comité d'experts chargé des droits de la personne — qui sont nommés dans le cadre d'un processus que M. Dendooven a précédemment décrit dans son témoignage.
[Français]
Les comités d'experts prennent leurs décisions conformément à leur cadre de référence. En rendant ces décisions, ils s'assurent de respecter les critères d'admissibilité du programme ainsi que ses objectifs.
Les cadres de référence, les critères d'admissibilité et les objectifs du PCJ sont publiés sur son site Web.
Afin d'aider les experts à accomplir leur travail de manière efficace, le personnel juridique du programme vérifie que les demandes sont complètes. Il prépare également des analyses initiales visant à soulever tout problème d'admissibilité et situe la cause présentée dans la jurisprudence actuelle.
[Traduction]
Tout ce qui touche les demandes de financement que nous recevons, y compris le travail de délibération des comités d'experts et la gestion continue des causes financées, est considéré comme très confidentiel. Cela vise à maintenir les droits établis de tout plaignant prospectif ou actuel à l'endroit du privilège relatif au litige.
Brièvement, le privilège relatif au litige s'applique à toute communication créée dans le but principal d'un litige lorsqu'un litige est envisagé, prévu ou en cours. Ce type de privilège vise à protéger les droits à la vie privée des plaignants de sorte que les parties puissent monter leur dossier et le poursuivre sans ingérence. Ce n'est pas la seule forme de privilège juridique qui s'applique au travail du PCJ, mais c'est celle qui englobe pratiquement tous les renseignements que nous détenons au sujet des demandes que nous recevons et des causes que nous finançons.
C'est grâce au privilège relatif au litige que les exigences en matière de déclaration du Programme sont structurées de la façon dont elles le sont actuellement. Le Programme ne rend pas compte de l'identité des bénéficiaires des fonds jusqu'à ce que l'affaire en question soit terminée et que tous les recours aient été épuisés.
Donc, nos exigences en matière de déclaration sont rédigées d'une manière qui garantit la transparence tout en respectant les droits garantis par le privilège relatif au litige des personnes qui interagissent avec le Programme. J'ajouterais brièvement que ce sont leurs droits au privilège, et non pas ceux du PCJ, et qu'il n'appartient pas au PCJ d'y renoncer.
Ce programme, toutefois, rend compte de ses activités. En décembre de chaque année, le Programme publie un rapport annuel sur notre site Web, dans lequel nous rendons compte du nombre de demandes reçues et financées, présentons des résumés anonymisés de certaines causes financées et fournissons des renseignements au sujet du rendement financier du Programme.
En plus des renseignements contenus dans le rapport annuel, le Programme présente des mises à jour financières et opérationnelles au ministère du Patrimoine canadien plusieurs fois par année, et il fournit une fois par année une liste à jour, mais anonymisée, de tous les dossiers gérés par le programme.
[Français]
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions dans la langue officielle de votre choix.
:
Merci beaucoup de recevoir ici aujourd'hui West Coast LEAF.
Je m'appelle Humera et j'utilise un pronom féminin. Je suis une avocate-conseil à l'interne qui travaille sur les terres d'origine des nations Musqueam, Squamish et Tsleil-Waututh.
West Coast LEAF soutient le projet de loi , qui fournirait au Programme de contestation judiciaire un cadre législatif. Nous sollicitons également deux amendements afin de renforcer davantage l'accès aux garanties inscrites dans le droit constitutionnel et dans la Loi sur les langues officielles.
Notre position par rapport au projet de loi découle de nos dizaines d'années d'expérience dans la promotion de la justice et de l'égalité pour les femmes et les personnes victimes de discrimination fondée sur le sexe. Notre organisation a été créée en 1985 pour veiller à ce que les droits garantis par la Charte, particulièrement le droit à l'égalité prévu à l'article 15, soient dotés d'une robuste protection. Nous avons comparu dans de nombreuses affaires devant des cours et des tribunaux pour défendre les droits à l'égalité et à la protection contre la discrimination.
Dans notre système de justice actuel, tous les litiges sont coûteux, et les litiges constitutionnels le sont encore plus. Aller en justice et interjeter appel peuvent être épuisants sur le plan financier et coûter des centaines de milliers de dollars. Élaborer et plaider des causes types qui cherchent à faire avancer le droit constitutionnel, surtout en ce qui concerne les enjeux systémiques, peuvent nécessiter plusieurs années de procédures judiciaires, probablement devant trois échelons du système judiciaire, et le soutien de dizaines d'avocats, d'employés et de témoins experts.
Sous sa forme actuelle, le programme plafonne le financement à 200 000 $ pour les procès, 50 000 $ pour les appels et 20 000 $ pour l'élaboration de causes types. Ce financement constitue une aide importante, même s'il ne couvre qu'en partie les coûts totaux des litiges. Sans cela, l'accès à la justice serait encore plus difficile.
Le Programme est également une source de fonds importante pour les parties à un litige d'intérêt public, dont un grand nombre sont des organisations à but non lucratif disposant de ressources très limitées. Dans l'affaire de 2022 opposant la Colombie-Britannique (Procureur général) et le Conseil des Canadiens avec déficiences, le CCD, la Cour suprême du Canada a reconnu le rôle crucial que les organisations d'intérêt public jouent pour soutenir l'accès à la justice en présentant des causes au nom des personnes et des collectivités qui font face à des obstacles sociaux, économiques ou psychologiques pour ce qui est de plaider des causes en leur nom.
Le Programme finance également des intervenants qui se joignent aux causes en tant que tierce partie afin de faire part de perspectives uniques aux tribunaux. Pendant des dizaines d'années, les intervenants ont apporté des contributions notables à l'élaboration du droit constitutionnel en s'assurant que les perspectives des personnes dont les droits et les intérêts sont touchés par une affaire sont pris en considération par les tribunaux et que les décisions juridiques sont guidées par des ramifications plus larges. West Coast LEAF a également reçu des fonds du Programme pour couvrir en partie les coûts des procédures judiciaires liées aux interventions.
Bien que nous soyons en principe favorables au projet de loi , nous recommandons également deux amendements afin de renforcer l'accès à la justice dans les affaires liées aux droits constitutionnels et linguistiques.
Premièrement, l'article 2 du projet de loi devrait être modifié pour inclure un libellé disant que le Programme soutiendra les revendications relevant de la compétence fédérale, provinciale et territoriale. À l'heure actuelle, le financement n'est disponible que pour les affaires liées à la compétence fédérale; cependant, les lois provinciales et territoriales touchent directement un grand nombre de Canadiens, et les domaines du droit qui relèvent de la compétence provinciale, comme le droit de la famille ou l'accès aux services sociaux, touchent souvent de manière disproportionnée les femmes, les personnes marginalisées en raison de leur genre et les personnes qui font face à d'autres obstacles croisés.
Le Programme doit également comprendre des causes qui font appel à la compétence provinciale ou territoriale s'il souhaite atteindre son objectif de soutenir des causes d'importance nationale, qui est le libellé utilisé dans le projet de loi. L'arrêt Andrews c. Law Society of B.C., la première décision de la Cour suprême du Canada concernant les droits à l'égalité prévus à l'article 15, concernait le droit provincial. De même, la cause du PCJ que j'ai mentionnée plus tôt dans mon exposé avait également une portée provinciale, mais obligeait la Cour suprême du Canada à se prononcer sur des questions juridiques concernant la qualité pour agir dans l'intérêt public. Ces affaires influencent profondément la jurisprudence constitutionnelle, mais elles ne répondent peut-être pas aux critères d'importance nationale du Programme, car elles n'ont pas fait intervenir directement la compétence fédérale.
Deuxièmement, on devrait modifier le projet de loi pour clarifier le terme « administré de façon indépendante » et pour préciser comment l'indépendance par rapport au gouvernement sera réalisée. La procédure judiciaire est un processus accusatoire, et les affaires portées contre le gouvernement seront nécessairement contraires aux intérêts du gouvernement. Le projet de loi doit empêcher la possibilité d'ingérence dans les décisions financières au moyen du retrait ou de la limite du financement.
Nous comprenons que de nombreux membres du Comité ont exprimé la volonté d'une plus grande transparence et responsabilisation et nous convenons que le processus des demandes de financement doit être transparent et responsable. Toutefois, nous tenons à préciser que cela ne doit pas se faire au détriment de l'indépendance et doit tenir compte des préoccupations concernant la préservation du privilège relatif au litige.
Pour conclure, en adoptant le projet de loi , le Comité enverrait un message de respect des droits constitutionnels et de la règle de droit. La Cour suprême du Canada a déclaré que si les gens ne peuvent pas contester devant les tribunaux les actions du gouvernement, les personnes ne peuvent pas tenir l'État responsable, et le gouvernement sera au‑dessus de la loi ou considéré comme tel. Elle a également statué qu'il ne peut y avoir de règle de droit sans accès à la justice.
En enchâssant le programme dans la législation, le Comité favoriserait un accès utile et uniforme aux tribunaux afin de faire contrepoids au gouvernement et de faire avancer les droits fondamentaux.
Je vous remercie.
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Oui, c'est très difficile, et ce, pour un certain nombre de raisons.
Tout d'abord, pour ceux d'entre nous qui sont des observateurs — et je suis un observateur depuis près de 30 ans maintenant — lorsque le Programme a cessé de renseigner le public quant à qui il finançait et qui il ne finançait pas en temps réel, il est devenu impossible d'effectuer une analyse en bonne et due forme de l'incidence du Programme de contestation judiciaire. Répondait‑il aux objectifs définis par le document de financement? Servait‑il l'intérêt public de façon générale?
Je dirais que c'est particulièrement difficile dans les causes où un article de la Charte des droits entre en conflit avec un autre article de la Charte. Si j'ai bien compris, le gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi sur les préjudices en ligne. Ce projet de loi — je ne veux pas entrer dans les détails, puisqu'il est encore débattu — se retrouvera inévitablement devant les tribunaux, avec des revendications de liberté d'expression et de droits à l'égalité. Il est très difficile pour les groupes qui prônent la liberté d'expression de défendre la cause s'ils ont en tête qu'il existe une possibilité que les arguments sur les droits à l'égalité qui sont proposés dans ces causes soient financés par le gouvernement fédéral alors que leurs arguments ne le sont pas.
Pour ceux d'entre nous qui sont des observateurs, c'est le type de problème de transparence qui, à mon avis, va au‑delà de la mise en œuvre de la Charte des droits et de la garantie des droits et libertés protégés par la Constitution.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être ici pour témoigner sur le Programme de contestation judiciaire.
Ma première question s'adresse à Mme Giles Samson.
Un témoin et des membres du Parti conservateur ont parlé de confidentialité et de manque de transparence. Plus tôt, Mme Jabir a mentionné des éléments importants quant à la confidentialité. Je pense qu'il y a là des difficultés importantes.
Pouvez-vous expliquer au Comité votre argument en lien avec le rapport annuel et nous parler de la suggestion qu'un comité parlementaire devrait choisir les experts pour éviter la partisanerie? Selon moi, ce serait une erreur colossale d'impliquer les parlementaires dans le choix des experts.
Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne la sélection des experts et comment la transparence est assurée?
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Je suis heureuse de répondre à des questions portant sur la transparence.
À mon avis, c'est une question d'équilibre équitable. Il y a trois éléments.
D'abord, il faut partager le plus d'informations possible sur la gestion du programme et il faut donner toute l'information que nous pouvons.
Ensuite, il faut établir un équilibre entre cette considération et les droits établis par la Cour suprême du Canada qui permettent aux bénéficiaires de porter leur cause dans une certaine confidentialité, ce qui préserve leur capacité de la mener à bien. À mon avis, ce droit ou ce privilège devrait s'appliquer tout autant aux gens ayant des besoins financiers. On ne demande pas aux autres comment ils financent le règlement de leur litige.
La troisième partie du triangle de la transparence, c'est l'indépendance du programme. Il faut pouvoir préserver l'intégrité et l'indépendance décisionnelle du PCG sans pression publique ou politique. C'est la raison pour laquelle le PCG a été administré par un tiers. L'indépendance du programme est raffermie quand les comités d'experts peuvent sélectionner les causes à financer uniquement sur la base des critères d'admissibilité.
À mon avis, remettre leurs décisions en question ne respecte ni leur expertise ni leur indépendance. Il faut dire que sept membres composent chacun des comités. Cela représente une diversité de points de vue.
J'en arrive à la question de M. Serré sur la façon dont nous choisissons les causes dites d'importance nationale, soit les causes types. C'est vraiment une question d'expertise. Il faut savoir où cela se situe dans la jurisprudence et de quelle façon cela peut clarifier ou faire avancer les droits. Je trouve que cela fonctionne très bien parce que ces décisions sont confiées à des experts.
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Merci, madame Giles Samson.
[Traduction]
Monsieur Brodie, vous avez été chef de cabinet de l'ancien premier ministre Harper. Vous connaissez ce programme. Vous avez dit plus tôt qu'il était indépendant, mais vous avez fait partie du gouvernement ici.
Je suis un francophone du Nord de l'Ontario. Vous savez que ce programme a aidé l'hôpital Montfort, l'hôpital francophone à Ottawa.
Le Programme a également été utilisé pour l'Université de l'Ontario français.
[Français]
Que dites-vous aux organisations ou aux personnes de langue officielle en situation minoritaire au pays qui ont besoin d'un tel soutien? Elles n'ont pas les fonds nécessaires. Les organisations ne disposent pas de fonds pour faire des contestations judiciaires jusqu'à la Cour suprême. Il leur faut un fonds pour s'assurer que les droits linguistiques sont respectés au pays.
Que dites-vous à ces organisations? Les conservateurs ont aboli ce programme, vous en avez été témoin. Si un nouveau gouvernement conservateur était élu prochainement, pensez-vous qu'il couperait ce programme une troisième fois?
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Merci, monsieur le président.
Je vous avoue que j'aurais aimé qu'on puisse profiter d'un peu plus de temps. Il y aura peut-être un autre tour de questions après celui-ci. Je pense que la proposition de Mme Thomas était extrêmement raisonnable. C'est aussi un sujet qui est intéressant.
Monsieur Rousseau, je suis vraiment content de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation. Je sais que vous avez un horaire extrêmement chargé, comme les autres témoins aussi, sans doute. J'apprécie particulièrement votre présence, car vous avez beaucoup travaillé dans des causes qui touchent les valeurs, et même les défis particuliers, au Québec, notamment sur les questions de la laïcité et de la protection de la langue française.
Je voudrais que vous me parliez un peu du lien entre le Programme de contestation judiciaire et ces valeurs qui sont chères au Québec et qui diffèrent à plusieurs égards des valeurs d'autres régions du Canada. Selon votre expérience, dressez-moi un peu un portrait de ces défis en lien avec le Programme de contestation judiciaire.
Je vous remercie de cette question.
On sait que le Programme a vraiment servi, à plusieurs reprises, à contester, et malheureusement, avec succès, la Charte de la langue française, qui est vraiment, comme vous le savez, une des lois les plus importantes du Québec en matière de défense de son caractère distinct. Ce programme a donc été créé pour cela, a servi à cela. C'est connu. C'est documenté. Non seulement cela a affaibli la loi 101, mais tout indique aussi que le recul subséquent du français est directement lié à cet affaiblissement de la Loi causé notamment par des jugements découlant de recours financés par ce fonds. Ce fonds est donc directement lié, à mon sens, à la fragilisation du français.
La même chose est en train d'arriver à la Loi sur la laïcité de l'État. Nous avons été informés que la Commission scolaire English Montreal, ou CSEM, a reçu de l'argent de ce programme, ce qui laisse entendre que le fonds sert à financer des groupes qui ont déjà beaucoup d'argent. La CSEM dispose de fonds de millions de dollars. Elle est très bien subventionnée.
Ce ne sont donc pas seulement de petits organismes à but non lucratif, ou OBNL, ou des individus moins fortunés qui bénéficient du programme. La CSEM, c'est très riche. N'y aurait-il donc pas lieu de limiter les cas où le programme peut fournir du financement seulement à des OBNL ou à des individus? C’est une autre question.
Ces deux cas, ceux de la laïcité et de la langue française, illustrent clairement que ce programme sert beaucoup à nuire aux intérêts du Québec et à son caractère distinct.
En effet, en tant qu'avocat souvent impliqué dans des dossiers où mes clients sont à la défense du caractère distinct du Québec, on remarque que les autres parties qui sont contre nous et contre le caractère distinct du Québec ont accès à ce programme, ce qui n'est pas le cas de mes clients.
Au-delà de l'apparence de partisanerie qu'ont soulevée avec raison mes collègues, il y a un problème, et les résultats concrets montrent bien un parti pris contre le Québec dans les causes financées par ce programme.
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Je trouve intéressant ce que vous dites.
Je fais un lien avec ce que M. Serré disait lors de son tour de questions, plus tôt, quand il parlait de l'utilité de ce programme, qui a permis, entre autres, de sauver l'hôpital Montfort, en Ontario, mais aussi de sauver l'Université de l'Ontario français. Ce n'est pas un mauvais programme. Il a une utilité. Cependant, la façon dont il est constitué le rend peut-être facilement utilisable, comme vous les dites, par les opposants aux lois de l'Assemblée nationale du Québec, notamment celles qui visent la protection de la langue française et de la laïcité.
Je ne pense pas que ce soit une idée facile à appliquer, mais, plus tôt, un des intervenants a proposé qu'il y ait des représentants des partis politiques au sein du Comité de sélection des membres des comités d’experts du PCJ.
Au début, j'aurais spontanément dit non, mais je me dis que cela permettrait d'avoir un genre de chien de garde à la source, en amont, c'est-à-dire quelqu'un qui pourrait dire que telle cause va carrément à l'encontre des valeurs du Québec, ou pour toute autre raison, et qu'on ne peut pas la soutenir.
Pensez-vous que cela pourrait être une solution? Sinon, comment pourrait-on soutenir ce programme, si on désire le soutenir, tout en protégeant aussi les valeurs défendues par le Québec?
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Je pense que ce n'est pas une mauvaise idée d'inclure des experts, entre autres ceux du monde universitaire, mais cela n'empêche pas le fait qu'il puisse aussi y avoir des parlementaires. Ce n'est vraiment pas une mauvaise idée qu'il y ait un processus parlementaire en amont de la nomination de ces experts. À l'Assemblée nationale du Québec, il y a souvent des nominations approuvées à la majorité qualifiée, c'est-à-dire les deux tiers des parlementaires, ce qui fait que c'est très souvent transpartisan. Un processus semblable pourrait être imaginé pour ce comité.
L'autre possibilité que j'ai soulevée est la suivante. Hypothétiquement, si le Québec avait un statut particulier et que ce programme ne pouvait pas servir à contester des lois québécoises, il faudrait en tenir compte dans le mode de nomination. Comme je le disais, idéalement, je voudrais que ce programme serve plutôt à la défense ou à l'interprétation large des lois québécoises qui confèrent des droits linguistiques, comme la loi 101, ou qui confèrent des droits fondamentaux, comme la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, ou la Loi sur la laïcité de l'État, qui confère le droit aux services publics laïcs. À partir de là, certains membres de ce comité, certains experts, pourraient être nommés par le gouvernement du Québec. Ce serait une autre façon de faire.
Finalement, ce qu'il faut, c'est de la transparence. C'est beau de parler de l'importance nationale, mais on ne sait pas exactement comment est interprété ce critère par les experts. Le fait d'avoir le meilleur mode de nomination n'empêche pas le besoin de transparence en aval.
Je tiens à remercier Mme Jabir de s'être jointe à nous aujourd'hui et d'avoir présenté son témoignage.
Pour commencer, je veux reconnaître que West Coast LEAF, qui a près de 40 ans, est né de la lutte pour l'égalité des genres dans notre pays. Bien sûr, nous savons que tout est très lié à la lutte pour l'article 28 dans la Charte des droits et libertés. Cette organisation est engagée dans cette bataille depuis longtemps et s'occupe de bon nombre des contestations judiciaires, portant sur l'article 15 ou 23, que le Programme de contestation judiciaire finance.
Je veux revenir à l'époque Harper, lorsque le Programme de contestation judiciaire a été aboli.
Bien sûr, nombre d'entre nous avons participé à la bataille pour renverser cette décision. Je me demande si vous pourriez nous dire un peu ce que cela a signifié pour les droits des femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les autres qui, pendant un certain nombre d'années, n'ont pas eu de recours dans le cadre du Programme de contestation judiciaire. Dans quelle mesure cette coupure a‑t‑elle fait reculer notre pays?
Je pense que ce qu'il est important pour le Comité de garder à l'esprit dans le cadre de ses délibérations, c'est que l'accès au système judiciaire, pour les personnes appartenant aux groupes en quête d'équité — les communautés autochtones, les personnes handicapées ou d'autres groupes marginalisés — n'est jamais un premier recours. Souvent, la procédure judiciaire est précédée de nombreuses années d'activités de défense des droits, y compris de défense des intérêts à la base et de l'établissement d'un dialogue avec des législateurs comme vous-mêmes, dans le but de mettre de l'avant les enjeux qui se posent dans ces communautés. À cause du coût des procédures judiciaires, ce n'est habituellement le premier recours d'aucun de ces groupes ou communautés. Les Canadiens moyens qui souhaitent présenter un dossier doivent faire une collecte de fonds et déployer des efforts importants pour essayer de bâtir une communauté autour des questions qui sont importantes et qui doivent être prises en considération.
J'aimerais que le Comité médite sur cette idée: les procédures judiciaires sont souvent un dernier recours pour essayer de protéger les droits constitutionnels et de susciter un changement. Pour les personnes qui doivent avoir accès au financement du PCJ afin de présenter des causes, il s'agit habituellement d'une décision réfléchie. Elles présentent des causes qui sont très justifiées et ont nécessité de multiples efforts pour amener des changements sur des questions d'importance aux yeux des groupes en quête d'équité et pour essayer de maintenir ces droits constitutionnels d'une manière qui n'a pas été possible jusqu'ici.
Je pense qu'il est très important que le Comité reconnaisse que l'accès à la justice est fondamental. Il doit être disponible et accessible à tous de manière véritable et uniforme. Ce que le PCJ offre est une petite partie du coût total de la présentation des causes.
Les litiges constitutionnels sont un domaine en constante évolution, dans lequel toutes les causes qui sont présentées ont la possibilité d'enrichir et de raffiner les lois, les droits et les privilèges de tous les groupes. Certes, nous nous concentrons principalement sur la façon d'enrichir le droit constitutionnel, en reconnaissant que les causes présentées et jugées par les tribunaux peuvent avoir des répercussions sur l'intérêt public, non seulement pour un groupe, mais aussi pour un grand nombre d'entre eux.
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Assurément, certaines des autres parties de la Charte qui ne sont pas incluses actuellement sont couvertes par l'aide juridique en matière pénale. Nous sommes à même de constater l'élargissement de la Charte concernant ces domaines.
Nous mettons l'accent sur les causes relevant de la compétence provinciale et territoriale parce que, comme je l'ai dit dans mes commentaires, même si des affaires comme la décision Andrews et celle du CCD ne concernent peut-être pas les lois, les politiques ou les pratiques fédérales, l'issue de ces causes a des répercussions d'un bout à l'autre du pays pour les parties à un litige d'intérêt public, l'élaboration du droit constitutionnel et l'interprétation et l'application du droit constitutionnel non seulement pour un groupe, mais également pour tous.
Il est très important que la question examinée tienne compte de l'évolution du droit constitutionnel, de ses répercussions sur de nombreux groupes et de l'évolution du droit. Ce sont des questions très difficiles et importantes. Une décision constitutionnelle peut se répercuter sur de nombreuses autres pour ce qui est des recours offerts et de la façon dont on aborde les questions systémiques.
Il est donc très important que la question des causes prises en considération tienne compte des ramifications plus larges, y compris de la progression de la jurisprudence constitutionnelle.