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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 27 avril 2022

[Enregistrement électronique]

(1615)

[Français]

     Je déclare la séance ouverte.
    Je reconnais que cette réunion a lieu sur le territoire traditionnel non cédé des peuples algonquins anishinabes.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 17e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.

[Traduction]

    Est‑ce que toutes les personnes sont entrées dans la salle dans l'intervalle, madame la greffière?
    Il nous manque encore trois députés, madame la présidente.
    Conformément à la motion adoptée par le Comité le lundi 31 janvier 2022, le Comité se réunit pour mener son étude sur les emblèmes de haine. La séance d'aujourd'hui se déroule selon une formule hybride. Certains d'entre vous participent virtuellement et d'autres sont sur place. J'aimerais rappeler aux personnes présentes dans la salle que le 10 mars 2022, le Bureau de régie interne a demandé que toutes les personnes qui assistent à une séance en personne portent un masque, à l'exception des députés qui se trouvent à leur place pendant les délibérations. Je pense que même dans ce cas, il serait important de porter un masque.
    J'aimerais formuler quelques commentaires pour la gouverne des témoins. Mesdames et messieurs les députés, veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si nous avons des problèmes d'interprétation ou autres, faites‑le-nous savoir immédiatement afin que nous puissions régler le problème et poursuivre la séance. Bien entendu, vous ne devez en aucun cas prendre des photos de cette séance.
    Pour les personnes qui utilisent Zoom, vous pouvez choisir entre l'anglais et le français au bas de votre écran. Vous y trouverez une icône pour l'interprétation. Rappelez-vous simplement que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Pour les députés présents dans la salle, vous connaissez le principe: si vous souhaitez prendre la parole, levez la main. Pour les députés qui participent sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main » sur votre écran. La greffière et moi-même essaierons de gérer vos demandes et d'établir l'ordre de priorité des interventions en fonction du moment où vous avez levé la main.
    Conformément à notre motion de régie interne, j'informe le Comité que tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la séance.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Les témoins sont, du Canadian Anti-Hate Network, Bernie Farber, président; du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, Richard Marceau, vice-président; et du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence, Roselyne Mavungu, directrice générale.
    Nous avons également, de l'organisme Les amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l'Holocauste, Michael Levitt, président-directeur général, qui est accompagné d'une collègue.
    De la Hindu Federation, nous avons M. Roopnauth Sharma, président; du Sarah and Chaim Neuberger Holocaust Education Centre, Daniel Panneton, gestionnaire de projet; et de la Urban Rez Solutions Social Enterprise, Roderick Brereton et Farley Flex.
    Chaque témoin a cinq minutes pour parler. Je vous donnerai un préavis de 30 secondes pour que vous puissiez conclure. Si vous ne parvenez pas à terminer tout ce que vous avez à dire, n'oubliez pas qu'il y aura une séance de questions-réponses au cours de laquelle vous pourrez terminer ce que vous vouliez dire.
    Nous allons commencer avec M. Farber, qui aura cinq minutes. Allez‑y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous les membres du Comité de m'avoir invité à participer à cette séance.
    J'essaierai de ne pas abuser de votre temps, si ce n'est pour commencer en vous disant que je m'adresse à vous à deux titres: en tant que président du Canadian Anti-Hate Network et à titre beaucoup plus personnel, en tant qu'enfant de survivant de l'Holocauste. Mon père était le seul survivant de sa ville polonaise, le seul survivant juif sur 750 juifs, ce qui signifie que sa femme, ses deux enfants, ses sept frères et sœurs et tous les juifs de Bothki, en Pologne, ont été assassinés au cours du génocide nazi.
    La croix gammée, la croix de fer tordue, est ce que nous avons fini par considérer comme l'un des symboles les plus funestes de l'histoire moderne. Nous abordons aujourd'hui la nécessité de comprendre l'importance de ces symboles. Je le fais en tant qu'enfant du royaume de la mort. Je n'avais aucune famille paternelle, et ce symbole particulier est un symbole qui a conduit au mal, au meurtre et au génocide.
    Ce type de symboles, qu'il s'agisse de la croix gammée nazie ou de l'emblème du KKK, comme la croix de la goutte de sang ou le drapeau confédéré, sont des symboles haineux indéniables qui indiquent le soutien du génocide et de l'esclavage ou minimisent grossièrement leur violence.
    Le Canada dispose déjà de lois contre la promotion du génocide — l'article 318 du Code criminel — qui interdisent et rendent illégaux les commentaires haineux, ainsi que la promotion délibérée de la haine, en vertu de l'article 319.
    Nous pensons que les symboles haineux contreviennent déjà à ces lois en raison de ce qu'ils représentent et communiquent, mais les forces de l'ordre ont besoin que ce point leur soit indiqué de façon explicite, alors faisons‑le.
    Toute loi que nous créerons, ou que vous créerez ici, devra être très explicite et stricte sur les points suivants. Seuls les symboles ciblant des groupes identifiables devront pouvoir être interdits, afin d'éviter que la loi ne soit « webinisée » et utilisée contre les personnes et les groupes qui militent contre une démocratie et une société inclusives et équitables. Les groupes identifiables ont été définis dans le Code criminel. Il s'agit de groupes identifiables par leur race, leurs croyances, leur couleur, leur nationalité ou leur orientation sexuelle.
    Il convient de prévoir des exceptions pour un usage éducatif de bonne foi, ainsi que pour l'opposition aux symboles interdits. Par exemple, nous ne devons pas interdire des livres comme Maus, qui est une excellente source pour comprendre l'Holocauste, ou des croix gammées barrées signifiant « pas de croix gammées ». Nous devons également être prudents à cet égard.
    Il s'agira d'une loi très réfléchie.
    Je veux que nous pensions d'abord aux victimes, aux personnes qui ont survécu aux grands génocides, aux grands meurtres de masse et à l'esclavage. Pensez à ce que ressentent ces personnes lorsqu'elles voient les symboles qui les ont ciblés en premier lieu.
    Le temps est venu. La haine a réellement englouti une grande partie du monde. Nous l'avons vu ici au Canada. Nous sommes passés de paroles haineuses à des symboles haineux, puis à des agressions et à des meurtres réels. Il est temps pour nous de prendre position. Il est temps pour les législateurs de prendre position et il est temps pour nous de dire aux autorités policières que ces symboles sont des symboles haineux et qu'elles doivent agir en conséquence.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et je serai heureux de répondre aux questions à la fin de cette séance.
(1620)
    Merci, monsieur Farber. Vous avez pris une minute de moins que le temps qui vous était imparti, ce qui est excellent. Merci.
    Je vais maintenant donner la parole à notre prochain témoin, Richard Marceau, qui nous vient du Centre consultatif des relations juives et israéliennes.

[Français]

    Pouvez-vous ajouter la minute restante de M. Farber à mon temps de parole?

[Traduction]

    Non, vous n'avez qu'un nombre limité de minutes. Désolée.

[Français]

    J'aurai essayé.

[Traduction]

    Vous connaissez les règles. Vous avez déjà siégé à ce type de comité.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je vous remercie de votre invitation.
    Je ne vous apprendrai rien en vous disant que les crimes haineux, la radicalisation et l'extrémisme sont en hausse au Canada. En tant que juifs, nous sommes particulièrement concernés par ce phénomène.

[Traduction]

    Nous, les Juifs, sommes particulièrement vulnérables à cette montée de la haine.
    Les chiffres de Statistique Canada pour 2020 montrent que bien que les Juifs ne représentent que 1 % de la population canadienne, ils sont la cible de 62 % des crimes haineux signalés par la police visant les minorités religieuses... 62 %.

[Français]

     Comme l'a affirmé Irwin Cotler, l'envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme, la haine des juifs est à son plus haut niveau depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

[Traduction]

    Nous sommes très conscients des menaces qui pèsent sur notre sécurité. Avec la montée de la haine à notre encontre, la vue d'une personne brandissant ouvertement le drapeau nazi... le symbole nazi, sur les marches du Château Laurier pendant le convoi des camionneurs a suscité de profonds sentiments d'horreur et de peur au sein de notre communauté.

[Français]

    Je vais l'exprimer clairement: quand je vois une personne brandir la croix gammée, ce que je comprends, c'est que cette personne veut ma mort et celle de mes enfants, de ma famille et de ma communauté.

[Traduction]

    C'est très clair.
    Malheureusement, ce n'est pas le seul symbole de haine qui a été affiché ouvertement pendant la manifestation des camionneurs, et le convoi des camionneurs n'est pas le seul cas dans lequel des symboles de haine ont été affichés ouvertement sur la Colline du Parlement.
    Il est temps d'agir. Il est temps d'agir rapidement, et il est temps d'agir intelligemment. Par « intelligemment », je veux dire, par exemple, que la croix gammée dont nous parlons, le symbole qui en est venu à symboliser, comme l'a dit Bernie Farber, la haine envers les Juifs était aussi, et est aussi, un symbole sacré et saint pour les Hindous, les Bouddhistes et les Jaïns.

[Français]

    Toute décision d'interdire ce symbole doit aussi protéger l'utilisation légitime de ce symbole, qui est sacré pour un nombre croissant de nos concitoyens. À ce sujet, j'ai écrit, avec un témoin qui comparaîtra bientôt, un article qui a été publié dans un journal canadien-anglais.

[Traduction]

    Certaines personnes affirment que le fait de brandir des symboles nazis est déjà interdit par la loi sur les discours haineux, et je suis d'accord avec Bernie Farber sur ce point. Il existe des arguments en faveur de cette position. Toutefois, il serait bon de préciser ce point.
(1625)

[Français]

    Nous devons agir rapidement tout en comprenant ce qui amène quelqu'un à brandir de tels symboles haineux, car la simple interdiction de ces symboles équivaudrait simplement à mettre un pansement sur une plaie ouverte.
    Les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux doivent travailler ensemble et efficacement pour lutter contre la haine et la radicalisation. On doit comprendre ce qui se trouve derrière cela.

[Traduction]

    Une personne ne se réveille pas un matin en se disant: « Je vais traverser le centre-ville d'Ottawa en brandissant un drapeau confédéré et un nœud coulant ou un drapeau nazi » et dire que c'est une bonne chose. Ce genre d'action est le résultat d'un endoctrinement. Nous devons également comprendre cet aspect et y travailler.

[Français]

    J'aimerais soulever un autre point important. La haine est de la haine, peu importe sa source.

[Traduction]

    Ici, je déplore quelque peu la formulation du mandat de cette étude.
    L'accent a été mis en grande partie sur les symboles de haine des groupes suprématistes blancs, à juste titre, mais il existe d'autres groupes qui sont également très haineux. Par exemple, le Hamas et le Hezbollah, des groupes qui sont interdits au Canada, ont été impliqués dans des attaques contre des Juifs, non seulement en Israël, mais partout dans le monde. Ces deux groupes sont répertoriés comme des organisations terroristes. Je les mentionne parce que leurs drapeaux ont été vus dans les rues de Montréal, devant Queen's Park et devant ce Parlement même.

[Français]

    Quand je vois ces symboles, ces drapeaux, j'ai la même réaction que quand je vois un drapeau nazi: la personne qui les brandit veut ma mort et celle de mes enfants, de ma famille et de ma communauté.
    Alors, il faut dire oui à l'interdiction des symboles haineux. Il s'agit d'un outil à ajouter à une boîte à outils, qui doit être plus complète.
    J'espère avoir l'occasion de continuer cette discussion pendant la période de questions.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Marceau.
    Je voudrais maintenant passer à notre prochain témoin, Roselyne Mavungu, directrice générale du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.
    Veuillez commencer. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je voudrais d'abord reconnaître l'esprit de fraternité qui a présidé à la signature, en 1701, de la Grande Paix de Montréal, traité de paix fondateur de rapports pacifiques durables entre la France, ses alliés autochtones et la confédération haudenosaunee. L'esprit de fraternité à l'origine de ce traité est un modèle pour le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence.
    Comme l'ont dit les témoins précédents, le nombre de crimes haineux a augmenté. On voit dans les chiffres et les rapports de Statistique Canada que les crimes, dans leur ensemble, ont diminué de 10 %. Par contre, les crimes haineux, eux, ont augmenté de 37 %. De plus, le nombre de crimes haineux déclarés par la police à l'endroit de certaines communautés racisées est également en hausse considérable quand on considère les communautés noires, les communautés d'Asie de l'Est et du Sud-Est, ainsi que les communautés autochtones et sud-asiatiques. Ces chiffres officiels sont sans doute prudents, car nous savons que certaines communautés font peu confiance aux services de police et sont donc réticentes à signaler des actes haineux.
    Le Centre de prévention de la radicalisation a mené, en décembre dernier, une étude qui soulignait la prépondérance des actes haineux en ligne, qui sont les plus communs.
    On le voit aussi en matière de symboles. À Ottawa, dernièrement, des drapeaux confédérés et nazis ont été vus lors des manifestations des camionneurs. Seulement 24 heures après la Journée internationale de commémoration de l'Holocauste et lors de la Journée nationale de commémoration de l'attentat de la mosquée de Québec et d’action contre l’islamophobie, des drapeaux nazis flottaient en public sur la Colline du Parlement.
    À Mont-Royal, au Québec, d'énormes croix gammées ont été tracées dans la neige et sur une patinoire de hockey, il n'y a pas très longtemps. On a vu encore beaucoup d'autres signes, expressions et symboles de haine en certains lieux publics.
     Dans une démarche avec des partenaires, le Centre de prévention de la radicalisation a réfléchi à une des solutions pour s'attaquer à ce problème de haine et a créé le « Petit guide illustré de la haine au Québec ». Cet outil interactif pédagogique permet de recenser les différents signes, symboles et expressions de la haine dans un contexte québécois. Cet outil, mis à la disposition de tous, permet de sensibiliser la population et de faire de la prévention et de l'éducation sur cet enjeu.
    Un outil de ce type permet de faire de la prévention de trois façons.
    En premier lieu, de façon plus ciblée, il permet d'appuyer les collectivités et les milieux dans leur lutte contre les actes à caractère haineux.
    En second lieu, il offre des outils aux intervenants de première ligne, soit les éducatrices, les travailleurs de rue, les policiers et les travailleurs communautaires. Ces outils leur permettent d'identifier les symboles et d'en comprendre la signification et leur danger potentiel, afin qu'ils puissent les distinguer et agir comme actrices ou acteurs de prévention dans leurs collectivités respectives.
    Finalement, sur le plan individuel, toute personne consultant ce guide peut se mobiliser et passer à l'action devant le phénomène de la haine grâce à notre formulaire de suggestions. En effet, si une personne ne trouve pas dans le guide une expression, un signe, ou un symbole de la haine qu'elle a croisé, elle peut nous contacter pour suggérer d'en faire l'ajout.
    En conclusion, pour ce qui est des pistes de solution...
(1630)

[Traduction]

    Vous avez une minute, madame Mavungu.

[Français]

    Les symboles haineux ont des significations multiples et changeantes. Je pense, par exemple, aux runes nordiques. Il s'agissait de symboles anodins, qui ont été récupérés par les mouvements nazis et sont devenus des symboles haineux. On comprend donc que, selon le contexte, les signes et symboles peuvent avoir différentes significations et être à caractère haineux ou pas.
    Ce qui est important, c'est de sensibiliser les divers acteurs, soit les policiers, les enseignants, les politiciens et les entreprises, à l'effet causé par leur utilisation. Quand ceux-ci utilisent des symboles perçus comme haineux par d'autres communautés, c'est là qu'un problème peut apparaître. Ainsi, étant donné les significations multiples et changeantes des symboles haineux, une interdiction pure et simple d'utilisation de ces signes et symboles est difficilement applicable.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Mavungu.
    Nous passons maintenant au témoin suivant, qui représente Les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour les études sur l'Holocauste.
    Monsieur Levitt ou madame Kirzner-Roberts, vous devez vous partager les cinq minutes. Je voulais juste que vous le sachiez.
    Merci.
    Je suis la directrice de la politique au Centre Simon Wiesenthal. Je suis très heureuse de m'entretenir avec vous aujourd'hui. Merci beaucoup de nous avoir invités à participer.
    Je vais aujourd'hui concentrer mes remarques en grande partie sur le symbole de la croix gammée. Oui, ce n'est que l'un des nombreux symboles haineux dangereux auxquels notre société est confrontée, mais c'est aussi un symbole qui reflète certaines des idées les plus funestes et les plus dangereuses que les êtres humains soient capables de produire.
    Aujourd'hui, ici au Canada, nous sommes trop souvent confrontés à ce symbole haineux. Pratiquement tous les jours, des écoles nous signalent que des croix gammées ont été peintes sur des murs et sur des livres de bibliothèque. Nous voyons ce symbole peint sur des synagogues et d'autres lieux juifs. Nous le voyons sur des panneaux et des drapeaux lors de manifestations et de rassemblements. Le plus souvent, peut-être, nous le voyons dans les médias sociaux.
    La croix gammée est un symbole utilisé pour intimider et terroriser. Son sens est clair et net. Pour les membres de notre communauté qui ont survécu à l'Holocauste, la croix gammée est un vif souvenir de ce que représente le fait d'être dépouillé de son humanité et de devenir un esclave et un numéro. C'est un rappel de ce que signifie le fait de n'avoir pas pu dire au revoir à ses proches. Pour les membres de la grande génération canadienne qui a combattu si courageusement pour vaincre Hitler, la croix gammée est un rappel des années de sacrifice et d'horreur qu'ils ont vécues, pendant lesquelles ils ne savaient pas s'ils reviendraient un jour chez eux. Pour les familles des 45 000 Canadiens qui ont perdu la vie dans ce combat, elle est le symbole d'une perte inimaginable.
    Je suis d'accord avec mes collègues de notre communauté, M. Farber et M. Marceau, pour dire qu'il est déjà illégal au Canada de promouvoir la haine et de prôner le génocide, conformément aux articles 318 et 319 du Code criminel, mais nous continuons de voir la croix gammée fièrement affichée à l'extérieur des clubs néonazis. Nous voyons qu'elle est utilisée comme une vile déclaration politique pour diaboliser des dirigeants politiques, y compris des membres du Parlement. En mai dernier, lors de l'escalade du conflit entre Israël et le groupe terroriste Hamas, elle a été utilisée lors de rassemblements anti-israéliens pour dégrader la nation juive et son peuple.
    Nos lois sur la haine pourraient-elles être rédigées plus clairement, afin que les forces de l'ordre disposent d'une directive plus explicite quant à l'inclusion des symboles haineux dans le concept du discours haineux illégal? Oui, tout à fait, mais la solution doit aller plus loin. Les crimes haineux augmentent de façon spectaculaire dans notre pays d'une année à l'autre. La communauté juive reste l'un des groupes minoritaires les plus susceptibles d'en être victime.
    Parallèlement, nous constatons que les crimes haineux continuent de se démarquer des autres types de crimes, car ils sont les moins susceptibles d'être élucidés, et les moins susceptibles d'aboutir à l'identification d'un auteur, à des accusations et à une condamnation. Il s'agit ni plus ni moins d'un déni de justice, non seulement pour les victimes directes des crimes haineux, mais aussi pour l'ensemble de notre société et pour nos valeurs en tant que Canadiens.
    Le fait de préciser nos lois sur la haine afin d'y inclure explicitement les symboles haineux pourrait faire partie de la solution à l'augmentation des crimes haineux. La solution exige également de nouvelles ressources pour les unités de lutte contre la haine dans l'ensemble de nos services d'application de la loi. Elle exige la mise en place de nouvelles possibilités de formation de pointe pour nos policiers, afin qu'ils puissent monter des dossiers plus solides et plus convaincants contre les auteurs de crimes haineux.
    Il s'agit d'ailleurs de l'un des champs de programmation que nous, Les Amis du Centre Simon Wiesenthal, développons et proposons chaque année à un nombre croissant de policiers.
    La résolution du problème de l'augmentation des crimes haineux repose avant tout sur la volonté politique de nos dirigeants, notamment des législateurs présents aujourd'hui, de faire en sorte que les auteurs de crimes haineux rendent des comptes.
(1635)
    Vous avez une minute.
    Je suis très reconnaissante à toutes les personnes qui ont manifesté leur volonté d'effectuer ce travail.
    Toute l'équipe des Amis de Simon Wiesenthal et moi-même nous réjouissons à l'idée de poursuivre la discussion avec vous.
    Merci beaucoup, madame Kirzner-Roberts.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Sharma, de la Hindu Federation, qui aura cinq minutes.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
    Je vais être honnête: je ne crois pas qu'au cours de l'histoire, quiconque ait su présenter une solution pour éradiquer la haine qui soit acceptée de tous. Je sais pertinemment que la haine ne peut être éliminée par les mots, par les balles ou par les bombes. Il faut plutôt une bonne éducation et de la sagesse. Étant donné le monde dans lequel nous vivons, nous avons besoin de volonté politique, de sagesse, de lois à respecter et — de façon plus importante — nous avons besoin d'éduquer la société en général.
    Je suis ici aujourd'hui parce que nous, les hindous, appuyons toutes les lois qui établiront clairement que les personnes qui causeront du tort à l'humanité et qui feront la promotion de la haine sous quelque forme que ce soit seront assujetties à la loi du pays. Il faut déployer tous les efforts possibles pour perfectionner la loi afin d'aborder ces enjeux, même si on les dissimule ou on tente de les dissimuler sous divers emblèmes.
    Je crois que le terme « croix gammée » a été mal utilisé depuis le début de la réunion d'aujourd'hui, ce qui me préoccupe. Il faut éduquer la population du pays afin qu'elle comprenne que ce terme fait référence à la terminologie sanskrite. Il n'appartient pas à l'Allemagne. Hitler utilisait le terme hakenkreuz pour faire référence au nazisme, et nous aimerions qu'il soit utilisé lorsqu'on fait référence à cet emblème. Lorsque vous parlez de la croix gammée pour faire référence au symbole nazi, c'est une insulte à la communauté hindoue, qui donne lieu à l'hindouphobie, ce qui nous affecte terriblement.
    Nous appuyons les nouvelles lois, mais nous voulons que vous soyez très prudents. Nous croyons que la façon de les mettre en œuvre est très importante.
    J'aimerais faire référence à une autre situation, en tout respect. Lorsque la loi sur le mariage entre personnes du même sexe a été présentée, les députés du Parlement se sont entendus sur son contenu et sa mise en œuvre. Les célébrants comme moi ont constaté que, malheureusement, les certificats de mariage ne faisaient plus référence à l'époux et à l'épouse, mais bien aux demandeurs. Nous avons mis en œuvre une loi pour conférer des avantages à certaines personnes, mais nous avons éliminé une valeur que d'autres considéraient comme très importante, c'est‑à‑dire la référence aux époux.
    Je tiens donc à dire aux membres du Comité et aux décideurs de faire attention à cela lorsqu'ils prendront des décisions au sujet de cette mesure législative.
    J'aimerais maintenant lire une déclaration. J'espère qu'il me reste suffisamment de temps.
    Alors que les députés du Parlement étudient le projet de loi C‑229 de M. Julian, la Loi modifiant le Code criminel (interdiction des symboles de haine), ils doivent faire très attention à l'utilisation du terme « croix gammée ». Nous ne pouvons laisser un emblème de la bonté être éliminée alors que nous prenons des mesures pour lutter contre la haine.
    Nous appuyons le projet de loi, mais il devrait être modifié afin de veiller à protéger l'utilisation appropriée de la croix gammée à des fins religieuses par les hindous, les bouddhistes, les jaïns et les zoroastriens, et à ce qu'elle soit célébrée et demeure complètement légale au Canada. Il faut modifier le projet de loi pour expliquer que la hakenkreuz des nazis est une arme pour promouvoir la haine et non une question de libre expression. Dans tous les événements politiques, il est tout à fait possible — et nécessaire — de lutter contre la haine envers les juifs tout en protégeant les droits des hindous, des bouddhistes, des jaïns et des zoroastriens du Canada, et en respectant leurs symboles sacrés de bienfaisance. Nous devons célébrer notre liberté religieuse et notre unité, et confronter le nazisme ou toute forme de haine projetée par certains groupes.
    Aujourd'hui, les statistiques nous montrent que les crimes haineux sont en hausse, tandis que les crimes violents et les autres formes de crimes sont à la baisse, ce qui explique la situation à laquelle la société fait face. Étant donné les changements démographiques et l'ouverture du Canada aux immigrants, nous, les décideurs, les politiciens et la population, devons être conscients de l'incidence des termes que nous utilisons et des bannières sous lesquelles nous nous affichons sur les nouveaux arrivants ou les nouveaux résidants du pays, et nous devons protéger tout le monde équitablement, en tout temps.
    Merci.
(1640)
    Merci beaucoup, monsieur Sharma.
    Nous allons maintenant entendre le représentant du Sarah and Chaim Neuberger Holocaust Education Centre, Daniel Panneton.
    Monsieur Panneton, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je salue les autres témoins qui comparaissent devant vous aujourd'hui.
    Lors des manifestations du « convoi de la liberté », de nombreuses personnes ont été consternées de voir des symboles haineux clairs comme la croix gammée nazie et le drapeau confédéré dans les rues d'Ottawa. Toutefois, ce ne sont pas là les seuls symboles de haine observés par les experts.
    La haine contemporaine ne s'exprime pas toujours de manière aussi claire que par la croix gammée ou le drapeau confédéré, et les groupes qui affichaient des symboles haineux obscurs, ambigus et contextuels ont réussi à passer presque inaperçus. La propagande déployée par de nombreux groupes et mouvements haineux contemporains repose sur plusieurs stratégies visant à éviter la modération et la censure publique. Ils ont notamment recours à l'ironie, à l'humour, aux fausses apparences, à la dénaturation, à des choix esthétiques et à des pseudo-bourses d'études.
    À de nombreux égards, les mèmes Internet représentent les dépliants politiques du XXIe siècle. Ils sont faciles à produire et à partager, et sont un important outil de communication.
    Dans les médias sociaux, les marchands de haine inventent de nouveaux mèmes, symboles et slogans pour exprimer subtilement leurs croyances. Ils s'approprient notamment des symboles anodins et leur confèrent une signification haineuse. Bon nombre de ces symboles, comme le « OK » de la main ou le personnage Pepe the Frog, permettent à l'auteur de nier toute responsabilité et ainsi de ridiculiser la personne qui l'accuse.
    Ce processus a été démontré dans le cadre de la controverse entourant un mème en particulier utilisé lors des événements du convoi. En février, la députée Ya'ara Saks a parlé à la Chambre des communes des mèmes avec les mots « Honk Honk » qui circulaient sur les pages des médias sociaux des personnes qui appuyaient le convoi, et a fait valoir qu'ils remplaçaient les mots « Heil Hitler ». Sa déclaration a donné lieu à un déluge de moqueries et de harcèlement. On a attaqué la députée Saks en lui disant qu'elle avait fait des accusations non fondées et qu'elle qualifiait les défenseurs du convoi de sympathisants nazis.
    La grande majorité des participants aux manifestations n'étaient pas des sympathisants du nazisme ou du fascisme, mais des dirigeants et des membres de groupes haineux étaient présents aux manifestations et tentaient de tirer profit de la situation. Dans certains contextes, les mots « Honk Honk » veulent bel et bien dire « Heil Hitler », mais dès le départ, le symbole se voulait un piège.
    En février 2019, les utilisateurs du site Web notoire 4chan ont commencé à publier des variations de l'image de Pepe the Frog portant une perruque arc‑en‑ciel, un nez rouge et un nœud papillon. On a donné le nom de « Honkler » à l'image, qui visait à exprimer une forme de nihilisme face à une société absurde et mourante. Ce mois‑là, un utilisateur a fait valoir que le « Honk Honk » allait être le prochain symbole utilisé par tout le monde, et les utilisateurs ont rapidement fait le lien entre l'acronyme et les mots « Heil Hitler ». Ils ont exprimé leur souhait de voir les médias grand public et la Ligue anti-diffamation mordre à l'hameçon et décrire l'image à titre de symbole haineux.
    Les mèmes émanant du convoi de la liberté n'ont pas de lien avec les mèmes antisémites du site 4chan. Toutefois, les mèmes se fondent sur des images existantes, et ceux du convoi de la liberté ont rapidement été contaminés par le vocabulaire et le contenu des exemples explicitement antisémites qui avaient été créés auparavant.
    Depuis les événements du convoi, bon nombre de supporters et de participants sont aujourd'hui encore plus aliénés et radicalisés. On craint que les participants et les supporters se retrouvent maintenant dans des espaces de plus en plus radicalisés, tant en ligne que hors ligne, où ils pourraient découvrir du matériel haineux comme les images du « Honk Honk » qui célèbrent l'Holocauste. Étant donné les similitudes entre les mèmes du convoi et le contenu présenté dans des espaces extrêmes, ces personnes pourraient être plus réceptives aux idées haineuses que si on leur présentait des images avec lesquelles elles ne sont pas familières.
    Ce n'est là qu'un exemple de ce qui s'est passé dans le cadre du convoi, puisqu'il a déclenché une explosion de mèmes, tant dans les médias grand public que dans les espaces extrêmes. De plus, le convoi n'est pas la seule place où de tels symboles sont apparus et ont été développés. Les mèmes et les symboles qui misent sur l'ambiguïté et le démenti plausible sont utilisés par plusieurs autres communautés et groupes politiques.
    Je tiens à préciser que je ne milite pas pour la criminalisation de symboles comme le mème « Honk Honk », qui violerait largement la liberté d'expression et serait très difficile à appliquer, étant donné la nature en constante évolution des communications en ligne et du démenti plausible.
    Plusieurs organisations font un excellent travail pour lutter contre la haine contemporaine par l'entremise de la recherche et de l'éducation, et bon nombre d'entre elles sont représentées ici aujourd'hui, mais lorsqu'on les compare aux réseaux et aux ressources présents en Europe et aux États-Unis, on constate que les infrastructures du Canada sont déficientes. La dispersion des infrastructures en matière d'éducation, de recherche et de sensibilisation laisse le champ libre aux groupes et mouvements haineux afin d'opérer sans se faire remarquer.
(1645)
    Il vous reste une minute.
    Merci.
    Les investissements faits par le gouvernement du Canada pour lutter contre la haine sont essentiels en vue d'élaborer les outils qui transmettront aux Canadiens les connaissances numériques et relatives à la haine dont ils ont besoin pour décoder la nature fluide et souvent surréelle du discours politique d'aujourd'hui.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir écouté.
    Merci beaucoup, monsieur Panneton.
    Nous passons maintenant à nos derniers témoins, les représentants d'Urban Rez Solutions Social Enterprise. Nous allons entendre le directeur exécutif, Roderick Brereton, de même que Farley Flex. Je tiens à préciser que vous devez vous partager les cinq minutes qui vous sont accordées.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je m'appelle Roderick Brereton. Je suis accompagné aujourd'hui de mon partenaire d'affaires, Farley Flex.
    Habituellement, on associe la haine à des symboles comme la croix gammée, le drapeau confédéré et le mot en « N » écrit sur des casiers. Bien qu'il s'agisse là de symboles bien établis et repoussants qui représentent la haine, il existe aujourd'hui d'autres symboles contemporains qui ne sont plus affichés de manière aussi flagrante qu'avant, mais se retrouvent sur diverses plateformes, notamment sur Zoom.
    Ironiquement, nous nous retrouvons sur cette plateforme hautement sécuritaire aujourd'hui, mais souvent, lorsque les organisations noires tiennent des réunions par Zoom, elles sont bombardées par des suprémacistes blancs capables de manipuler la technologie et d'inonder nos fenêtres de clavardage d'images d'oppression et de racisme extrêmes. Nous tenons à souligner que la haine et ses symboles ont évolué, tout comme le reste de la société.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Flex, pour la reprendre ensuite.
    Monsieur Flex, veuillez activer votre micro. Merci.
    Je croyais qu'il était allumé. Je suis désolé.
    Je tiens à remercier la présidente et les membres du Comité de nous donner l'occasion de témoigner devant eux aujourd'hui.
    Pour ajouter aux propos de M. Brereton, j'aimerais vous donner l'exemple des nœuds coulants qui ont été trouvés sur les sites de construction de la région du Grand Toronto l'année dernière, ou du « blackface » qui semble refaire surface de temps à autre aux nouvelles. Ces exemples font référence à la pratique choquante des lynchages et au racisme, et sont le reflet d'un passé horrible et incontestable.
    C'est un passé que le Canada n'a pas encore pleinement assumé, puisque l'esclavage tel qu'on le connait a bel et bien existé de ce côté‑ci de la frontière. De nombreuses personnes sont toujours dans le déni à ce sujet et le racisme est toujours présent dans notre système de justice et le secteur de l'éducation. On pense aux symboles de haine, mais il faut aussi songer aux symboles qui devraient représenter quelque chose de positif, comme les voitures de police, mais qui, pour bon nombre d'Afro-Canadiens, représentent l'expérience qu'ont vécue leurs ancêtres lorsque des membres du KKK apparaissaient en uniforme.
    Les symboles haineux sont aussi souvent une question d'interprétation en fonction des expériences négatives qui y sont associées, qu'elles soient directes, indirectes ou transmises.
    En Amérique du Nord, nous sommes dans ce que j'appelle la « période de l'après George Floyd » qui, nous l'espérons, nous permettra d'améliorer les relations entre les races. Le Canada a l'occasion d'être un chef de file mondial dans ce domaine, mais il faudra un effort collectif pour atteindre cet objectif, et mettre en places des stratégies, des programmes et des résultats mesurables.
    Notre travail se veut dérangeant et tient compte de tout ce que je viens de mentionner.
    La raison pour laquelle nous reconnaissons la croix gammée à titre de symbole de la haine pour nos frères et sœurs juifs, c'est que nous l'associons aux expériences liées au symbole en soi. Le « blackface », le nœud coulant et bon nombre d'autres symboles sont à juste titre désignés à titre de symboles et d'images haineux, mais qu'en est‑il des symboles de la police? Si nous demandions aux survivants du mouvement des droits civils ce que signifient pour eux ces symboles, est‑ce qu'ils y verraient des similitudes avec ce qu'ont vécu nos frères et sœurs juifs?
    Merci.
(1650)
    J'aimerais ajouter une chose: au quotidien, nous voyons dans les parties de hockey des bananes lancées sur la glace ou des photos de singes sur les panneaux. Dans les toilettes, on voit parfois des représentations des membres du Ku Klux Klan.
    Comme l'a fait valoir M. Flex, c'est une question de perception, pour les gens qui ont été opprimés ou assujettis à la haine. Pour certains, la sainte Croix est un symbole positif, mais pour bon nombre de nos frères et sœurs autochtones et africains, cette croix représente le colonialisme et des années de traitements cruels et injustifiés.
    Il vous reste 35 secondes.
    Comme l'a dit M. Flex en concluant, il est essentiel, pour que nous puissions surmonter cette situation et être bien informés, d'enseigner à nos jeunes diverses choses, dont comment reconnaître la haine avec empathie, mais aussi selon le point de vue historique des Canadiens.
    Merci.
    Je vous remercie, chers témoins. Vous avez utilisé votre temps de façon très efficace.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions, lors de laquelle des députés de tous les partis de la Chambre vous poseront des questions.
    Nous allons commencer par la première série de six minutes et c'est M. Nater des conservateurs qui lancera le bal.
    Vous disposez de six minutes, monsieur Nater.
    Merci, madame la présidente.
    À nouveau, j'aimerais remercier nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir fait part de leurs commentaires et de leurs réflexions. J'estime que vous portez un message exceptionnellement important pour tous les membres du Comité, et je vous en suis reconnaissant.
    Je vais commencer par les témoins qui comparaissent virtuellement et je poursuivrai ensuite avec ceux qui sont dans la salle. Je vais commencer par M. Flex et M. Brereton.
    Vous avez tous deux soulevé d'excellents points. Cela dit, j'aimerais en savoir un peu plus sur votre organisation et sur ce que vous faites personnellement dans le milieu communautaire et dans le cadre de votre travail. Vous avez donné des exemples, tels que l'interprétation et la compréhension des symboles. Pourriez-vous nous parler davantage de ce que vous faites pour aider la communauté?
    Allez‑y, je vous prie, monsieur Brereton, et j'interviendrai ensuite.
    D'accord.
    Je dirais que notre organisation, Urban Rez Solutions Social Enterprise, est fière de fournir une éducation sociale là où les systèmes scolaires traditionnels ne l'ont pas fait, qu'il s'agisse du racisme anti-Noirs ou d'antisémitisme ou de la possibilité pour les groupes sous-représentés de s'exprimer, et de donner à la communauté les moyens d'être vus ou entendus. Notre travail est axé sur l'autonomisation; l'idée est de donner une voix aux gens afin qu'ils se retrouvent à la table et non pas seulement sur le menu.
    Nous travaillons souvent dans des communautés ou dans des situations aux défis multiples, ne serait‑ce qu'en raison de l'oppression et des prophéties auto-accomplies qui accompagnent souvent la haine et l'oppression et qui ont une incidence sur la façon dont les gens se perçoivent. Nous tentons d'inverser une partie de ce récit, mais aussi de donner le sentiment d'un nouveau conditionnement social ou l'occasion de réécrire ce récit qui, bien souvent, a été écrit par quelqu'un d'autre qui n'avait pas nos intérêts à cœur.
    J'aimerais simplement parler d'un autre aspect de notre travail brièvement. Lorsque nous relevons une lacune, nous tentons de la combler. Nous travaillons non seulement auprès de ceux qui sont socialement, économiquement et racialement marginalisés, mais aussi avec la société — la caste dominante et les privilégiés — pour veiller à ce que les membres de cette dernière comprennent le contexte historique et les façons dont les gens entreprennent des démarches. Ainsi, ils peuvent ensuite dire: « Cela veut dire quoi, être un allié? Que puis‑je faire pour la communauté? Comment puis‑je lui offrir mon soutien? »
    Nous connaissons le vieil adage: « Il y a des gens qui sont de votre espèce qui ne sont pas de votre couleur, et il y a des gens de votre couleur qui ne sont pas de votre espèce. » Nous accueillons tous ceux qui veulent s'instruire les bras ouverts. Nous n'acceptons pas les consultations d'une heure et demie sur la diversité, l'équité et l'inclusion. Nous encourageons les organisations à tirer profit pleinement de ce que nous avons à offrir, ce qui implique généralement jusqu'à un an de formation, des suivis, la mise en place de sous-comités, etc., pour veiller à ce que les pratiques soient normalisées dans les institutions et dans les organisations.
(1655)
    Génial. Je vous remercie grandement de vos réponses.
    J'aimerais maintenant poser quelques questions aux témoins dans la salle.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Marceau, puis je poserai la même question à Mme Kirzner-Roberts.
    Vous avez tous deux parlé de la prévalence de l'antisémitisme au Canada, bref de la haine contre le peuple juif. Monsieur Marceau, vous avez un peu et surtout parlé de la société et de la culture qui permettent que cela se produise. J'aimerais parler brièvement du mouvement BDS que nous voyons malheureusement souvent sur nos campus universitaires. Devrions-nous, à titre de parlementaires au niveau fédéral, prendre des mesures plus sévères à l'égard du mouvement BDS, et que devrions-nous faire pour le contrer, surtout sur les campus universitaires, mais aussi de façon plus générale? Avez-vous des réflexions à ce sujet?
    Je vous remercie, monsieur Nater.
    Le mouvement BDS a un objectif très clair: délégitimiser et démoniser le seul État juif sur la planète. Il s'agit d'une attaque non pas contre les politiques israéliennes, mais contre le droit du peuple juif à l'autodétermination. Voilà pourquoi nous estimons qu'il s'agit d'un mouvement antisémite.
    Je vais aller plus loin. Vous avez pu constater, au cours des six à huit dernières semaines, que l'action diplomatique s'est intensifiée au Moyen-Orient. Le président israélien s'est rendu en Turquie. Il y a aussi eu un sommet en Égypte, au cours duquel le premier ministre israélien, ainsi que le président de l'Égypte et le prince héritier des Émirats arabes unis se sont rencontrés. Sans oublier le sommet du Néguev, lors duquel les ministres des Affaires étrangères de quatre pays arabes ont rencontré leur homologue israélien.
    Les répercussions du mouvement BDS sur Israël sont insignifiantes et minuscules. L'impact réel se ressent ici au Canada, où le mouvement BDS et le mouvement anti-israélien...
    Il vous reste une minute.
    ... intimident et menacent les Juifs. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un enjeu majeur sur les campus.
    Le but de tels mouvements est de créer des milieux non sécuritaires pour les Juifs au Canada où on ne leur permettrait pas de faire les choses à leur façon. On a vu, par exemple, — et je vais conclure là‑dessus, madame la présidente —des événements banals être pris pour cible par des activistes du mouvement BDS, tels qu'une simple fête pour célébrer Hanoukka. Voilà le genre de comportement que ce mouvement et le mouvement anti-israélien cautionnent, et exacerbent, même.
    Je vous remercie de votre question.
    Merci.
    Il vous reste encore 15 secondes, monsieur Nater, si vous souhaitez les utiliser.
    Vous disposez de quelques secondes, monsieur Levitt et madame Kirzner-Roberts.
    Oui, je pense que M. Marceau a correctement relevé qu'il s'agit d'un mouvement antisémite, mais je pense aussi à un outil dans notre trousse à outils qui a été adopté par le Parlement du Canada dans le cadre de sa stratégie contre le racisme ainsi que par les provinces, soit la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste. Cette définition est un outil qui sert à relever des sentiments antisémites, que ce soit sur des campus ou au sein d'administrations municipales. Une fois que cela est fait, nous pouvons réfléchir à des stratégies pour nous attaquer au problème.
    C'est un enjeu sur lequel notre envoyé spécial pour la lutte contre l'antisémitisme, Irwin Cotler, travaille certainement partout au pays. Cet outil a été instauré sur des campus aux États-Unis, en Europe et au Royaume-Uni, et nous continuons à préconiser son utilisation. L'adoption de la définition de l'antisémitisme de l'AIMH constitue un élément clé pour la lutte contre l'antisémitisme représenté par des mouvements tels que le mouvement BDS.
    Merci, monsieur Levitt.
    Nous allons maintenant passer aux libéraux. Vous disposez de six minutes, monsieur Housefather.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Vous avez livré des discours captivants.
    Je crois qu'il est important de souligner une chose par rapport aux groupes qui sont représentés aujourd'hui: la communauté juive est présente au Canada depuis plus de 260 ans et la communauté noire depuis des centaines d'années. Toutes ces communautés ont contribué fièrement au Canada et personne ne mérite d'être confronté à la haine dans son propre pays. Personne.
    Je pourrais dire bien des choses, et l'une d'entre elles est que le Canada a un très faible taux d'antisémitisme en général. Si vous examinez les études de Pew, vous verrez que par rapport à d'autres pays, le taux d'antisémitisme global au Canada est bas. En fait, un sondage d'Angus Reid a révélé la semaine dernière que la communauté juive était la mieux perçue parmi les communautés religieuses au Canada. Cela dit, en tant que Canadien de confession juive, j'ai été choqué de voir des croix gammées nazies apparaître chaque jour sur mes affiches pendant la dernière campagne électorale. Je n'avais jamais vu cela de ma vie dans ce pays.
    En mai dernier, lors du conflit entre Israël et le Hamas, des électeurs m'ont demandé pour la première fois si leurs enfants pouvaient jouer de façon sécuritaire dans les parcs en portant la kippa. Des survivants de l'Holocauste sont venus me voir et m'ont demandé: « Devrais‑je retirer la mezouzah de ma porte afin que personne ne sache que je suis juif? » Chaque groupe devrait pouvoir s'afficher de façon visible et fière au Canada. Nous ne devrions pas avoir honte de nos religions; nous devrions avoir le droit de les pratiquer.
    J'aimerais maintenant en venir à mes questions, car il est très important de comprendre ce qu'est la haine et de veiller à ce que nous ne dépassions pas les bornes en matière de liberté d'expression.
    Monsieur Panneton, ce que vous avez dit sur les centaines de symboles qui évoluent constamment était très intéressant. Il existe certains symboles fondamentaux, tels que le drapeau confédéré ou la croix gammée nazie — et je serai prudent en utilisant ce terme.
    J'aimerais entendre nos témoins à ce sujet. Croyez-vous, en vous basant sur les articles 318 et 319 du Code criminel, que l'utilisation de tels symboles serait déjà couverte, ou que la mention explicite de symboles tels que le drapeau confédéré ou la croix gammée nazie serait assujettie aux exceptions religieuses et aux autres exceptions qui doivent être faites? Serait‑ce un ajout utile au Code criminel, tel que l'a proposé mon ami, M. Julian, dans son projet de loi? Peut-être pouvez-vous tous vous succéder pour répondre à la question.
    Allez‑y, monsieur Marceau.
(1700)
    Est‑ce présentement couvert? Je le crois bien. Serait‑ce utile d'apporter des précisions? Je le crois aussi.
    En voilà une réponse excellente et très rapide.
    J'aimerais revenir à certains points qui viennent d'être soulevés. Je crois qu'une telle proposition serait efficace. Cela dit, étant donné la nature changeante de la culture à l'heure actuelle, la croix gammée va réapparaître et être utilisée sous d'autres formes même si nous la bannissons. Il est donc important de criminaliser l'utilisation d'un tel symbole, oui, mais nous devons aussi rester à l'affût.
    Oui, je crois que la chose est déjà illégale, car c'est une façon de promouvoir la haine ou d'encourager un génocide.
    Cela dit, je travaille en première ligne avec les forces de l'ordre tous les jours sur des crimes haineux individuels, et je peux vous dire que la police est très réticente à considérer cela comme un crime haineux. Si elle n'aperçoit que le symbole, elle est très réticente à faire enquête ou à déposer des accusations. Les policiers ne savent pas si de telles accusations tiendront devant les tribunaux. Je crois donc que serait un progrès de rendre la loi plus explicite afin qu'il y ait moins d'ambiguïté du point de vue des forces de l'ordre.
    Merci.
    J'aimerais dire que j'ai été également très touché lorsque M. Farber a dit être le descendant d'un survivant de l'Holocauste et n'avoir aucune famille du côté paternel. Cela me rappelle que cette semaine — ce soir, en fait — marque le début du Yom Hashoah, période durant laquelle nous nous souvenons des six millions de juifs qui ont été victimes de l'Holocauste, assassinés par les nazis. Il est tout à fait opportun que nous ayons cette discussion au Parlement canadien le jour même de l'anniversaire de cette date. Cette semaine également, l'audit de B'nai Brith a révélé que même si les juifs ne représentent qu'environ 1,25 % de la population canadienne, ils sont victimes de 61 % des crimes motivés par la haine religieuse au pays. C'est à la fois étrange et très troublant.
    Monsieur Panneton, j'aimerais vous poser une question sur les médias sociaux. Sur ces plateformes, nous constatons que peu importe le moment ou l'endroit, que ce soit le moment juste avant l'insurrection de l'an dernier, QAnon, George Soros, ou quoi que ce soit d'autre, les juifs sont toujours au centre du récit. Nous le constatons présentement avec les Russes et la campagne de désinformation sur l'Ukraine.
    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, historiquement, tous ces groupes, pour une raison ou une autre, semblent vouloir s'en prendre au peuple juif dans le cadre de leurs campagnes de désinformation?
    Pour résumer — il s'agit d'une question fort complexe —, je citerai le document historique des Protocoles des Sages de Sion.
    Il vous reste une minute.
    Cela découle d'une contrefaçon russe. En fait, les gens y ont réagi, car il fournissait un récit très commode pour expliquer une grande partie de la croissance des souffrances de la modernité. Ces théories du complot et le cadre général promus dans les protocoles continuent d'exister, que l'on en soit conscient ou pas.
    Vous avez fait allusion à George Soros et à QAnon. Les gens ne réalisent peut-être pas que lorsqu'ils utilisent le mot « mondialiste », ils font en fait référence à un vieux récit antisémite, mais c'est bien ce qu'ils disent.
(1705)
    Merci beaucoup.
    Pour conclure, je dirai simplement que j'approuve ce que vous avez dit sur l'AIMH, monsieur Levitt. Pourriez-vous nous dire quelles organisations au Canada devraient adopter la définition de l'AIMH— outre le gouvernement fédéral, le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement du Québec qui l'ont tous déjà fait?
    Il vous reste 21 secondes, monsieur Levitt.
    C'est plus que les 15 secondes que j'ai eues plus tôt, alors je me trouve chanceux.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Michael Levitt: Nous avons déjà abordé l'enjeu des campus. Je crois que ces derniers sont des nids à antisémitisme. Certains étudiants juifs doivent devenir des guerriers du campus, défendre leur droit de porter la kippa ou organiser une table de discussion soutenant Israël, etc. C'est hors de contrôle.
    Nous connaissons la définition de l'AIMH. Elle a été adoptée dans des universités aux États-Unis et au Royaume-Uni. À nouveau, il s'agit d'un outil et c'est quelque chose qui peut nous aider à avoir plus de clarté. Nous avons un certain nombre de cas chez Les amis du Centre Simon Wiesenthal de parents et d'étudiants qui viennent nous voir et qui nous disent avoir vécu de la discrimination, de l'antisémitisme et du racisme sur des campus. L'administration de leur établissement leur répond qu'elle n'est pas tout à fait certaine qu'il s'agisse d'antisémitisme.
    Il existe une définition. Il y a une façon de régler le problème. Cette définition doit être adoptée de façon nettement plus élargie au pays.
    Je vous remercie, monsieur Levitt.
    Nous allons maintenant passer au Bloc québécois.

[Français]

     Monsieur Champoux, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais utiliser mes six minutes comme M. Levitt utilise les 15 secondes et les 22 secondes.
    Je dois dire que je trouve la discussion d'aujourd'hui extrêmement intéressante. Comme le disait M. Housefather il y a quelques minutes, le moment ne pourrait être mieux choisi.
    Je dois aussi reconnaître aussi avoir un peu de difficulté à me positionner, à me faire une opinion précise sur cette question. D'un côté, je suis extrêmement choqué quand je vois apparaître des symboles de haine. D'ailleurs, j'aimerais faire un parallèle avec ce que M. Housefather a mentionné tout à l'heure. Pendant la campagne électorale, à l'automne dernier, j'ai vu apparaître sur son fil Twitter des photos de symboles absolument odieux inscrits sur ses panneaux électoraux. J'ai même réagi à cela, et nous avons échangé à ce sujet. Comme tout le monde, j'ai été scandalisé par ces actes.
    D'un autre côté, il y a cette frontière ténue entourant ce qu'on appelle la sacro-sainte liberté d'expression. C'est à cet égard que je ressens un peu d'ambivalence quant à la position à adopter. Cela confirme la pertinence de la discussion que nous tenons aujourd'hui.
    Étant de nature plutôt optimiste, j'ai toujours l'impression, avec candeur, que l'éducation et le dialogue peuvent nous permettre d'arriver à nos fins. Il y a évidemment des cas où c'est absolument impossible, et nous le savons.
    Monsieur Marceau, comme nous avons déjà eu l'occasion de discuter ensemble, je crois que vous connaissez ma sensibilité à ce sujet. Comment trace-t-on une ligne entre ce qui est un symbole haineux et ce qui ne l'est pas?
     Je tiens d'abord à vous remercier de votre question, monsieur Champoux.
    Je suis un féroce partisan de la liberté d'expression. C'est le point de départ des positions que je défends. Pour avoir une démocratie saine, l'un des éléments les plus importants est la liberté d'expression. Je crois que, dans la culture juridique publique québécoise et canadienne, nous en sommes grosso modo arrivés à une position très raisonnable. La liberté d'expression existe et doit être protégée. Elle figure d'ailleurs dans la Charte québécoise et dans la Charte canadienne. Cependant, des limites peuvent aussi lui être imposées, des limites qui soient raisonnables dans le cadre d’une société libre et démocratique.
    Ce principe de base doit guider toute discussion sur la liberté d'expression. Nous ne sommes pas aux États‑Unis, où la liberté d'expression est pratiquement sans limites. En fait, elle n'est pas véritablement sans limites, mais le concept américain est très différent de la culture juridique québécoise et canadienne. C'est également vrai en Europe, où on retrouve des pays aussi démocratiques que le nôtre. Eux aussi concèdent qu'il peut y avoir des limites aux droits et aux libertés qui sont protégés.
    Certains éléments et certains symboles sont très manifestement haineux. Comme l'a mentionné Mme Kirzner‑Roberts tout à l'heure, le symbole le plus frappant est la croix gammée nazie. Dans tous les cas, brandir ce symbole est un geste haineux, sauf si on le fait à des fins éducatives ou artistiques, par exemple dans une pièce de théâtre ou dans un film. Cependant, lorsqu'on brandit la croix gammée, le symbole des SS, le drapeau du Hezbollah ou celui du Hamas, il n'y a pas d'ambiguïté possible. Ce n'est pas gris, c'est noir.
    Dans la discussion qu'on doit avoir, il y a des symboles pour lesquels la situation est plus complexe, notamment parce qu'ils changent et que les modes passent, comme M. Panneton en a parlé. Il y a toutefois certains symboles dont la signification ne peut pas être plus claire.
(1710)
    Nous sommes vraiment au cœur d'une discussion. Je suis tout à fait d'accord sur ce que vous dites. J'ai juste l'impression que, à un moment donné, des groupes vont peut-être se présenter pour dire qu'un certain symbole les affecte particulièrement et qu'il devrait être interdit. J'ai l'impression que nous allons nous retrouver avec des débats à n'en plus finir sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.
    Une autre préoccupation m'habite, par ailleurs. On voit ces temps-ci, par la polarisation des débats, que des groupes ont tendance à être un peu plus perméables à certaines idées. On voit aussi des amalgames se former.
    J'ai eu tantôt une discussion avec un collègue concernant la venue prochaine d'un radical — M. Sky, pour ne pas le nommer — qui est réputé pour ses propos antisémites, pour sa promotion de l'antisémitisme et pour sa négation de l'Holocauste, entre autres. Il viendra dans le cadre d'une manifestation contre les mesures sanitaires. Toutefois, les gens qu'il va rencontrer et auxquels il va parler sont probablement à risque d'être un peu influencés par les idées autres que celles qu'il véhicule sur les mesures sanitaires.
    N'avez-vous pas alors l'impression que certains de ces polémistes pourraient se présenter en victimes de la liberté d'expression en faisant peut-être même exprès de brandir les symboles qu'on veut interdire?

[Traduction]

    Vous disposez d'une minute.

[Français]

    Par cette interdiction, n'avez-vous pas l'impression qu'on risque de mettre de l'huile sur le feu, alors qu'on cherche à faire exactement le contraire?
    Si le fait de ne rien faire fonctionnait, nous le saurions. Ce n'est cependant pas le cas.
    À notre avis, il y a eu assez de laisser-faire de ce côté au Canada. C'est d'ailleurs un des éléments ayant mené à une hausse de la haine au Canada. Il n'y a pas que cet élément, mais il est bien présent.
    Nous disons que des choses peuvent être faites. L'interdiction des symboles haineux en est une.

[Traduction]

    Vous avez 12 secondes, monsieur Marceau.

[Français]

    Madame la présidente, je vais conclure rapidement.
    J'ai une liste complète de recommandations, incluant une stratégie contre la haine en ligne, une meilleure formation des procureurs de la Couronne et des juges, la création d'unités de lutte contre les crimes haineux partout au pays et une meilleure éducation.
    Nous pourrions continuer à en parler pendant des heures, monsieur Champoux.
     Oui, nous pourrions le faire.
    J'espère que nous aurons l'occasion de le faire.
    Malheureusement, il ne me reste pas les 15 secondes de M. Levitt, mais je vous remercie.
    Ce sera pour la prochaine fois.

[Traduction]

    Vous avez eu un peu plus de temps aussi.
    La parole est maintenant à Peter Julian du NPD.
    Monsieur Julian, allez‑y. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente, et je remercie tous nos témoins.
    Vos témoignages figurent parmi les plus importants que nous ayons entendus durant la présente législature, et nous vous sommes très reconnaissants de comparaître devant nous aujourd'hui.
    Je suis le parrain du projet de loi C‑229, Loi sur l'interdiction des symboles de haine. Il y a eu des discussions concernant la légalité d'afficher la croix gammée, le drapeau nazi, le drapeau confédéré ou des symboles du KKK.
    La montée de la haine à laquelle nous assistons est à l'origine du projet de loi, de même que le fait qu'à un pâté de maisons de mon bureau de circonscription, un magasin vendait ouvertement des articles nazis, notamment des drapeaux et des emblèmes nazis. Lorsque la ville de New Westminster a voulu voir comment elle pouvait fermer ce magasin qui vendait et affichait ouvertement ces symboles odieux de haine génocidaire, elle a appris qu'il n'existe aucune loi interdisant ce genre d'activité.
    Ailleurs au Canada, notamment à Summerland, en Colombie-Britannique, le maire a dû se rendre dans un magasin qui vendait des articles nazis, qui symbolisent la haine génocidaire. Il a acheté tous les articles en stock, puis il les a brûlés, mais le propriétaire du magasin s'en est procuré d'autres.
    Selon moi, il est évident qu'il y a un vide juridique à combler. Ces symboles odieux sont affichés ouvertement, même sur la Colline du Parlement, à quelques pas du Hall d'honneur, qui sert à commémorer les 40 000 Canadiens qui ont donné leur vie en luttant contre le nazisme, y compris mon oncle Patrick.
    Je crois qu'il faut agir.
    Ma question s'adresse à M. Farber, à M. Marceau, à Mme Kirzner-Roberts, à M. Sharma et à M. Brereton. Croyez-vous que le temps est venu pour le Canada d'agir et d'emboîter le pas à d'autres pays qui ont interdit ces symboles de haine génocidaire, de racisme violent et de suprématie blanche, afin que nous puissions affirmer très clairement que ces symboles sont illégaux dans notre pays, comme ils le sont dans d'autres pays?
    Je vais demander à M. Farber de répondre en premier.
(1715)
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais être très clair: il est absolument nécessaire d'édicter des lois pour interdire ces symboles.
    Un député du Bloc québécois a posé une question en ce qui concerne la définition de la haine. Ce terme a déjà été défini par la Cour suprême du Canada. Lors de la dernière audience de l'affaire Whatcott, durant laquelle nos lois contre la haine ont été respectées, les juges ont énoncé sept caractéristiques de la haine. Je crois que le Canada a fait de son mieux pour définir la haine, et j'encourage la greffière du Comité à distribuer aux députés la décision de la Cour suprême, afin qu'ils puissent bien comprendre ce qu'est la haine.
    Ce n'est pas sorcier. La croix gammée rappelle aux personnes qui ont souffert sous le régime nazi les pertes de vie et la douleur subies. C'est clair et net. Nous devons faire les choses correctement, mais comme tout le monde ici l'a dit — M. Marceau, M. Levitt et d'autres — il s'agit d'un autre outil qui s'ajoute à notre arsenal. C'est ainsi que nous progressons. J'exhorte les membres du Comité à réfléchir à cela très sérieusement.
    Monsieur Marceau, avez-vous des commentaires à formuler?
    Monsieur Julian, votre question visait à savoir si le temps est venu pour le Canada…
    Je suis désolée de vous interrompre, monsieur Marceau. Je vais vous laisser le temps de répondre.
    Je veux simplement dire que la sonnerie retentit, ce qui signifie que nous devons aller voter. J'aimerais obtenir le consentement unanime pour mettre fin au temps imparti à M. Julian, afin que les témoins puissent nous quitter et que nous puissions aller voter.
    Allez‑y, monsieur Marceau.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Julian, vous avez demandé si le temps est venu pour le Canada d'interdire les symboles de haine. Ma réponse est clairement oui.
    Allez‑y, madame Kirzner-Roberts.
    Voulez-vous savoir s'il est temps d'interdire les symboles de haine ou s'il est temps d'interdire les reliques du nazisme et de l'Holocauste?
    Mon projet de loi vise les emblèmes nazis, le drapeau et les emblèmes des confédérés et les emblèmes du KKK. Est‑il temps d'adopter une telle mesure législative?
    À l'instar de mes collègues, je crois qu'il est temps et je pense qu'une telle loi est un moyen très utile de progresser. Selon nous, c'est un outil supplémentaire.
    Ma réponse est oui.
    Puis‑je demander à M. Levitt s'il a quelque chose à ajouter en 15 secondes?
    Je vais vous donner la minute que j'ai prise pour demander le consentement unanime.
    Ma collègue, Mme Kirzner-Roberts, a parlé dans sa déclaration liminaire de ce qui arrive à nos enfants dans les écoles. Soudainement, ces symboles font leur apparition dans les salles de classe. À Toronto, il y a eu des saluts nazis, des saluts d'Hitler. Internet est à blâmer en majeure partie, comme l'a souligné notre collègue du Neuberger Centre. Ces situations sont omniprésentes. Si cette mesure législative peut nous aider à diminuer la haine en ligne et dans notre société, alors, je réponds oui à votre question.
    Merci.
    Monsieur Sharma, avez-vous des commentaires à formuler?
    Merci, madame la présidente et monsieur Julian.
    Interdire les symboles de haine ne réglera pas le problème. Nous devons viser les groupes qui font la promotion de la haine. Nous devons également viser les moyens qui leur permettent de promouvoir la haine.
    Nous devons élaborer des lois qui interdiront ou limiteront la haine dans tous les types de médias. Nous avons le pouvoir de le faire. Chaque organisme qui est créé doit être constitué en personne morale. Il doit faire l'objet d'un examen en profondeur pour déterminer quels sont ses objectifs, et si on constate qu'il fait la promotion de la haine, nous pouvons appliquer la loi en vigueur.
    Je pense que nous reconnaissons le problème, mais nous ne nous y attaquons pas de la bonne façon, et des personnes innocentes en souffrent. Nous devons viser ces organismes qui font la promotion de la haine et appliquer la loi pour les mettre au pas et les contrôler sur‑le‑champ.
(1720)
    Merci.
    En interdisant les symboles ou en mettant un terme à la vente de ces symboles, nous n'atteindrons pas notre objectif. La porte d'à côté est ouverte. C'est comme essayer d'interdire la marijuana. Nous l'avons rendue légale, après avoir tenté pendant si longtemps de l'interdire. Nous devons stopper la consommation excessive de marijuana et nous devons stopper ceux qui font la promotion de la haine. C'est ce que nous devons faire maintenant.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur Sharma. J'aimerais que nous terminions, car nous devons aller voter.
    Je vais laisser le dernier mot à M. Brereton.
    Je réponds oui à la question de savoir si le temps est venu pour le Canada d'interdire les symboles de haine.
    La peur alimente la haine, et le temps est venu d'éduquer les gens, d'expliquer d'où provient la peur et de montrer au monde entier que le Canada peut prendre des mesures pour non seulement interdire la haine, mais aussi pour éduquer les gens.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je tiens à remercier les témoins d'avoir attendu aussi longtemps le début de la réunion. Vous avez fait preuve d'une grande patience. Je vous remercie pour vos excellents exposés et vos réponses claires et concises.
    Nous allons devoir aller voter maintenant. Je vous remercie encore une fois pour votre présence.
    La séance est levée.
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