Passer au contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 26 septembre 2022

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bienvenue à la réunion no 27 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022 et les membres seront présent en personne ou avec l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité.
    Comme d'habitude, des services d'interprétation sont disponibles pour cette réunion en cliquant sur l'icône globe au bas de votre écran. De plus, lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
    Je profite de l'occasion pour rappeler à tous les participants et observateurs qu'il n'est pas permis de faire des captures d'écran ou de prendre des photos de votre écran.
    Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 29 avril 2022, le Comité entreprend l'examen du projet de loi S‑211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes.
    En ce qui concerne la rédaction des amendements, j'aimerais rappeler aux députés qu'ils doivent communiquer dès que possible avec Alexandra Schorah, la conseillère législative, s'ils souhaitent apporter des modifications à la version préliminaire.
    J'ai maintenant l'honneur d'accueillir les parrains de ce projet de loi.
    Comme vous le savez tous, il s'agit de l'honorable John McKay, député de Scarborough-Guildwood, et de l'honorable Julie Miville-Dechêne.
    Bienvenue à notre comité.
    Vous avez maintenant cinq minutes chacun. Nous allons commencer par l'honorable John McKay.
    Merci, monsieur le président.
    Nous essaierons de répartir notre temps de parole le plus équitablement possible entre la chambre haute et la chambre basse.
    Chers collègues, la sénatrice et moi‑même sommes heureux d'être ici, entourés de députés qui se consacrent à l'avancement et à la protection de l'humanité. Je n'ai aucun doute que ce comité, sur l'avis du Sénat et le vote unanime de la Chambre, jugera bon de transmettre ce projet de loi à la gouverneure générale.
    Je suis heureux de comparaître ici avec mon amie, la sénatrice Miville-Dechêne, qui a collaboré à l'élaboration de ce projet de loi au Sénat ces deux dernières années. Au cours de cette période, nous avons mené de nombreuses consultations auprès des parties prenantes et nous avons amené le projet de loi à cette étape.
    Je tiens également à remercier le Comité pour le travail qu'il a accompli pour produire le rapport intitulé Appel à l'action: éliminer toutes les formes de travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement. Je suis ici depuis un certain nombre d'années, comme d'autres personnes, et je note qu'il est gratifiant pour n'importe lequel d'entre nous qu'un rapport de comité soit dépoussiéré et utilisé, et intégré à la législation.
    Je tiens également à souligner que les partis libéral et conservateur se sont tous deux engagés à adopter une loi sur la chaîne d'approvisionnement. En toute franchise, chers collègues, nous avons du retard à rattraper par rapport à d'autres pays qui ont déjà pris des mesures, et la sénatrice Miville-Dechêne parlera de leur expérience.
    Les accords commerciaux comportent souvent des dispositions relatives à la transparence. L'ancienne haute-commissaire britannique et la haute-commissaire actuelle m'ont toutes deux parlé de ce projet de loi et le considèrent comme une obligation réciproque dans les discussions entre le Canada et le Royaume‑Uni liées au commerce.
    En d'autres termes, chers collègues, il existe un élan important et vous, en tant que comité, êtes sur le point de passer à l'avant-dernière étape de ce projet. Je propose de passer rapidement en revue le projet de loi, mais permettez‑moi d'en exposer les justifications.
    La première est morale, la seconde est économique.
    Au XXIe siècle, il devrait être clair que nous ne pouvons pas fonder notre prospérité sur le travail forcé et le travail des enfants. C'était immoral au XVIIIe siècle, et ça l'est encore au XXIe siècle. Que vos valeurs soient fondées sur les Écritures saintes ou des documents relatifs aux droits de la personne, la conclusion est la même: le travail forcé est contraire à la dignité humaine.
    La deuxième raison, qui est moins évidente, est économique. Lorsque nous achetons un bien produit par un esclave, nous n'achetons pas un bien produit par un travailleur. Nous n'appauvrissons pas seulement les autres, nous nous appauvrissons nous-mêmes.
    En outre, nous nous mettons en péril sur le plan économique. La COVID a assurément exposé nos vulnérabilités face à des chaînes d'approvisionnement trop longues qui s'étendent jusqu'à des juridictions opaques.
    Après la COVID, la délocalisation de proximité, le rappatriement de production et la délocalisation vers des pays amis ont été des moyens de réduire nos vulnérabilités commerciales, et ce projet de loi fait écho à cette initiative.
    Depuis des années, les écoles de commerce enseignent une gestion de la chaîne d'approvisionnement « juste à temps » ou « juste au cas où ». Ce projet de loi propose de modifier la gestion de la chaîne d'approvisionnement pour en faire une gestion « juste une minute ». Essentiellement, les personnes qui gèrent les délais et les risques au sein des chaînes d'approvisionnement seront les premières à demander: « Attendez une seconde, juste une minute. Qui a fabriqué ce produit? »
    Mon amie, la sénatrice Miville-Dechêne, et moi‑même travaillons à ce projet depuis maintenant plusieurs années, mais nous collaborons également avec de l'une de mes filles, Rachel, dont le travail, depuis un an et demi, consiste à préparer son entreprise à la mise en œuvre de ce projet de loi.
    Les obligations de Rachel ne sont pas uniques. Je suis certain que des dizaines d'autres entreprises savent que ce projet de loi est sur le point de recevoir la sanction royale.
    L'entreprise pour laquelle elle travaille compte environ 4 000 fournisseurs, qui fournissent 80 % des marchandises de la société. Nous avons longuement parlé des difficultés auxquelles se heurte une entreprise, même lorsqu'elle cherche à se conformer et qu'elle souhaite vraiment le faire.
    Fait ironique, elle est moins préoccupée par ses fournisseurs américains, principalement en raison de la loi Dodd-Frank et des solides initiatives frontalières américaines. Nous avons des obligations réciproques dans le cadre de l'ACEUM et de l'accord entre le Canada et l'Union européenne, et nous en aurons bientôt dans le cadre de l'accord entre le Canada et le Royaume-Uni. Tous nos principaux partenaires commerciaux s'attendent à ce qu'un projet de loi comme celui‑ci soit adopté et ce rapidement.
(1540)
    La proposition est simple. Vous ne pouvez pas acheter un autre être humain. Vous ne devriez pas acheter un produit fabriqué par un être humain enchaîné.
    La société ne peut s'épanouir que dans un environnement où les gens peuvent développer leurs talents et se définir en toute liberté. C'est la demande simple de ce projet de loi, et c'est ce que nous vous demandons.
    Il est temps pour moi de m'arrêter et de céder la parole à mon amie, la sénatrice Miville‑Dechêne, qui exposera les dispositions du projet de loi, les améliorations et le statut de la législation internationale.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur McKay.
    Madame la sénatrice, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invitée à témoigner devant ce comité.
    Je suis heureuse, bien sûr, de pouvoir communiquer au Comité les résultats de deux ans et demi de travail au Sénat sur le projet de loi S‑211 ainsi que les leçons apprises.
    Comme vous l'a dit mon collègue John McKay, nous avons consulté beaucoup d'intervenants, que ce soit des gens du monde des affaires, des organismes de défense des droits de la personne ou des acteurs clés à l'étranger. Comme vous le savez, nous avons présenté à trois reprises un projet de loi sur ce sujet, ce qui nous a permis d'apporter, dans celui-ci, des améliorations considérables.
    Commençons par l'élément le plus important: le gouvernement canadien sera lui aussi soumis à l'obligation de faire rapport. Cela comprend donc les ministères ainsi qu'une centaine d'institutions fédérales. L'État canadien doit avoir des pratiques exemplaires. On l'a vu l'an dernier quand le gouvernement a conclu des contrats se chiffrant à 220 millions de dollars avec une entreprise malaisienne soupçonnée d'avoir recours à du travail forcé pour fabriquer des gants médicaux.
    Nous avons également défini de façon plus claire ce qui constitue le travail des enfants visé par la Loi. Nous ne voulions pas cibler seulement les pires formes de travail des enfants, mais aligner le projet de loi sur la définition de l'Organisation internationale du travail, qui inclut notamment le travail qui empêche les enfants de fréquenter l'école.
    Les rapports sur le travail forcé devront être approuvés par le conseil d'administration de l'entreprise, au même titre que les rapports financiers. Ce changement suit la tendance contemporaine, qui est d'exiger le même degré de rigueur pour les divulgations financières et non financières des entreprises. Par ailleurs, les compagnies relevant de la compétence du fédéral devront rendre compte, dans leur rapport annuel, de leurs efforts en matière de lutte contre l'esclavage moderne. Il s'agit d'une première.
    Nous avons aussi renforcé et harmonisé les éléments des rapports, notamment en demandant que les processus de diligence raisonnable et les plans de remédiation en fassent partie.
    Comme vous le savez, le projet de loi S‑211 propose une approche de transparence, comme les lois britannique et australienne, mais il a plus de mordant. En effet, il impose des pénalités pouvant aller jusqu'à 250 000 $, notamment si les rapports contiennent des renseignements faux ou trompeurs.
    Pendant l'étude au Sénat, certains ont demandé pourquoi nous n'étions pas allés plus loin pour combattre plus radicalement le travail forcé. Ces parties prenantes voulaient une loi qui obligerait les entreprises à faire une revue diligente de leurs activités et qui les rendrait responsables de toute violation des droits de la personne dans leurs chaînes d'approvisionnement. Pour ma part, je n'ai pas d'objection de principe à l'égard de cette approche. Peu importe qu'il s'agisse d'une loi de transparence ou d'une loi de diligence raisonnable, les objectifs sont les mêmes: limiter et, si possible, éradiquer le travail forcé et le travail des enfants. Les différences se trouvent plutôt sur le plan du pragmatisme politique.
     En deux ans, je n'ai pas senti qu'il existait un consensus suffisant, au Sénat et parmi les parties prenantes, pour faire adopter une loi beaucoup plus sévère au Canada. J'ai donc privilégié une approche étapiste, un compromis législatif qui nous permettrait enfin d'aller de l'avant, compte tenu du retard inexcusable du Canada en la matière. Le projet de loi S‑211 est un premier pas important, mais personne ne croit qu'il réglera à lui seul le problème de l'esclavage moderne, qui est produit par un ensemble de causes, dont la pauvreté, l'inégalité et l'insécurité.
     Il est vrai que des pays comme la France et l'Allemagne ont choisi un modèle de loi plus punitif, qui donne un recours contre les entreprises qui n'ont pas fait preuve de diligence raisonnable. Il faut toutefois savoir qu'en France, par exemple, seules sont visées les très grandes entreprises, soit celles comptant plus de 5 000 employés. On ne parle donc au total que de 265 compagnies. En comparaison, le projet de loi S‑211 toucherait environ 3 000 grandes entreprises et une partie des 20 000 compagnies de taille moyenne au pays.
     Bref, le choix est clair: on peut être très sévère et viser seulement un nombre très limité d'entreprises, ou on peut tenter de changer graduellement les mentalités des compagnies où les risques qu'il y ait du travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement sont plus grands, en l'occurrence les entreprises de taille moyenne.
    Comme dans toute situation complexe, c'est un choix imparfait, mais qui permet de commencer quelque part et de cesser d'être des complices silencieux de ces violations iniques des droits de la personne. Je parle ici des enfants qui travaillent dans les mines, les champs et les plantations plutôt que d'aller à l'école, ou encore des femmes et des hommes qui sont esclaves pour fabriquer nos vêtements, nos machines et notre nourriture à bas prix.
    Vous avez donc maintenant, en tant que députés, la possibilité d'améliorer encore ce projet de loi. Étant donné l'importance que le Canada accorde dans ses discours à la défense des droits de la personne, il est plus que temps d'agir pour que nos lois reflètent enfin nos paroles.
(1545)
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la sénatrice.
    J'invite maintenant mes collègues à poser leurs questions.
    Monsieur Genuis, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur témoignage et du travail qu'ils accomplissent dans ce dossier.
    Le Parti conservateur a été fier d'appuyer ce projet de loi et de travailler avec vous, monsieur McKay, pour en accélérer l'adoption à la Chambre en deuxième lecture. Nous attendons avec impatience l'étude de ce projet, son perfectionnement et la mise en place de cet outil important.
    Je veux commencer par poser une question concernant spécifiquement le travail forcé des Ouïghours. Nous avons aujourd'hui sur la Colline le Conseil national des musulmans canadiens et de nombreuses personnes qui sont ici précisément pour sensibiliser les personnes à la question du travail forcé à l'appui de ce projet de loi, mais aussi d'autres mesures, comme le projet de loi S‑204.
    Je pense que les amendements de ce projet de loi sont très importants, mais je crois que nous avons également besoin d'une interdiction complète ou au moins d'un renversement de la charge de la preuve visant des régions particulières dans lesquelles nous savons qu'il existe un taux très élevé de travail forcé qui, dans le cas de la région ouïghoure, est explicitement coordonné par l'État. Pensez-vous que l'ajout d'un amendement prévoyant l'interdiction de toute importation en provenance de régions particulières désignées entrerait dans le cadre de ce projet de loi?
    Je vais tenter de répondre, puis je donnerai la parole à ma collègue.
    Cela entre‑t‑il dans le cadre du projet de loi? Je n'en suis pas sûr. J'aimerais y réfléchir avant de donner une réponse définitive quant à savoir si un tel amendement entrerait dans la portée du projet de loi. Mais je pense que cela renvoie à une question plus large, soit l'approche très agressive des autorités américaines dans l'interception des marchandises en provenance de cette région du monde. Bien que nous ayons une loi similaire, nous ne semblons pas être aussi agressifs. Je ne sais pas si le problème vient de la loi ou de son application.
(1550)
    Ou des deux.
    Lorsque les Américains interceptent 1 400 conteneurs et que nous n'en interceptons qu'un seul, il y a un problème.

[Français]

    Je ne suis pas sûre, moi non plus, que cette idée soit comprise dans la portée du projet de loi.
    Je vous rappelle aussi que nous avons déjà une loi qui empêche l'entrée au Canada de produits issus du travail forcé, qui découle évidemment de l'accord de libre-échange. Comme l'a dit mon collègue M. McKay, cette loi n'est pas vraiment appliquée: non seulement on n'a arrêté qu'un bateau, mais on l'a relâché, car on a décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre.
    Évidemment, à la Chambre, vous êtes libres de faire ce que vous voulez, mais le but de ce projet de loi, c'est-à-dire viser également les entreprises canadiennes afin qu'elles fassent tout ce qu'elles peuvent pour éliminer le travail forcé de leurs chaînes d'approvisionnement, est légitime.
    Comme vous le savez, le travail forcé existe non seulement en Chine pour les Ouïghours, mais également dans plusieurs régions du monde. Ce qui se passe en Chine est terrible, mais ce n'est pas unique. Je pense particulièrement au travail forcé.

[Traduction]

    Merci.
    Je suis évidemment d'accord pour dire que le travail forcé est un problème dans de nombreuses régions du monde. Je pense que nous devons disposer de plusieurs outils. Personnellement, je pense que l'application de la loi au Canada pose de gros problèmes, mais les États‑Unis disposent également d'un outil législatif — la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours, qui a été adoptée avec un fort soutien bipartisan aux États‑Unis — que nous n'avons pas ici.
    En ce qui concerne le texte précis du projet de loi, j'ai entendu beaucoup de commentaires et de suggestions d'amendements. Je vais aborder l'un des domaines visés par un amendement potentiel afin de recueillir vos commentaires. Il semble y avoir une certaine ambiguïté pour les personnes qui lisent le projet de loi sur ce qui constitue une « entité », plus particulièrement quant au fait que les seuils financiers soient fixés pour les actifs canadiens ou les actifs détenus dans le monde. Une entreprise est‑elle concernée ou non par ce projet de loi en fonction de ses actifs canadiens ou en fonction de ses actifs mondiaux?
    J'ai également une question connexe. Pour ce qui est des entités qui ne dépassent pas le seuil, l'une des propositions que j'ai entendues est que le gouvernement publie une liste d'entreprises sources problématiques. Les petites entreprises qui n'ont pas les ressources nécessaires et ne sont pas tenues d'effectuer le niveau de recherche sur la chaîne d'approvisionnement décrit dans le projet de loi pourraient néanmoins faire ce qu'elles peuvent en consultant la liste d'entités publiques du gouvernement.
    Cette mesure me semble être une bonne idée. Pourriez-vous formuler des commentaires sur a) le seuil et b) un éventuel amendement qui obligerait le gouvernement à publier une liste des sociétés sources problématiques connues, ce qui permettrait à toutes les entreprises de les éviter.
    Je vais répondre à la première partie de la question, et Mme Miville‑Dechêne pourra répondre à la seconde.
    Je suis en train d'examiner la définition du terme « entité », qui indique qu'il s'agit d'un « établissement au Canada, y exerce ses activités ou y possède des actifs et qui, selon ses états financiers consolidés, remplit au moins deux » des trois critères — 20 millions de dollars d'actifs, 40 millions de dollars de revenus ou 250 employés.
    Donc, s'il s'agit des états financiers consolidés, mon interprétation serait la suivante: une entreprise dont les activités au Canada équivalent à moins de 40 millions de dollars, dont les actifs sont inférieurs à 20 millions de dollars ou qui compte moins de 250 employés, mais dont les états financiers consolidés sont présentés au Canada à des fins fiscales ou autres, serait visée par cette définition.

[Français]

    En ce qui concerne la question des listes, oui, c'est une bonne idée pour les petites entreprises. Cela dit, dans toutes les discussions que j'ai eues avec des moyennes ou grandes entreprises, celles-ci ont plaidé pour que le gouvernement les aide à appliquer les dispositions du projet de loi S‑211 en leur fournissant des outils. Cela a été dit très clairement au Sénat par la Chambre de commerce du Canada.
    À ce chapitre, je dois vous dire que les États‑Unis ont une très grande longueur d'avance: ils publient des listes de lieux, d'entreprises et de produits, par exemple les tomates ou le coton, qui sont susceptibles d'être liés au travail forcé. De plus, ils mettent à jour ces listes. En effet, c'est une chose de les publier, mais il faut les mettre à jour.
    Nous devrions en faire tout autant. Cela doit-il s'inscrire dans le projet de loi ou dans la réglementation? Une chose est claire, c'est que le gouvernement ne peut pas seulement demander aux entreprises, dont certaines sont plus petites que d'autres, de faire tout cela sans guide.
(1555)

[Traduction]

    Je voudrais simplement souligner que si les États-Unis ont présenté une liste, nous pourrions probablement... Il nous est beaucoup plus facile de dresser notre liste en fonction...
    Monsieur Genuis, je crains que vous ayez largement dépassé les six minutes.
    Nous allons maintenant passer à M. Sarai.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier mon collègue, le député McKay, ainsi que la sénatrice Miville‑Dechêne pour leur long et inlassable plaidoyer en faveur de cet important travail.
    Avant la pause estivale, nous avons entendu le ministre O'Regan dire à la Chambre que le gouvernement appuierait ce projet de loi, qu'il travaillerait avec tous les parlementaires sur tout amendement qui servirait à le renforcer, et qu'il présenterait d'autres mesures législatives. J'ai été heureux de l'entendre.
    Monsieur McKay, le travail forcé est une question complexe qui englobe de nombreuses juridictions, frontières et chaînes d'approvisionnement. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette complexité et sur le travail que vous avez réalisé tous les deux sur cette question?
    Vous avez raison de souligner la complexité de cette question. La longueur de la chaîne d'approvisionnement est parfois assez importante. Elle passe, comme je l'ai dit plus tôt, par des juridictions opaques. Alors...
    Je suppose que c'est l'une des raisons pour lesquelles je veux m'en tenir à ces grandes entreprises, car je pense que les petites entreprises auront beaucoup de mal à retrouver l'origine de leurs produits. Par ailleurs, il est paradoxal de constater que si une petite entreprise vend un produit à une grande entreprise, cette dernière, en essayant de se conformer à la législation, va demander à la petite entreprise si elle a fait ce qu'elle voulait ou ce que prévoit le règlement. L'effet paradoxal serait que les petites entreprises qui vendent aux grandes entreprises seraient prises dans la législation.
    On limiterait ainsi la complexité de la législation, car les petites entreprises pourraient avoir des liens beaucoup plus étroits avec la création réelle du produit. Cela pourrait également contribuer à pallier l'opacité des juridictions dont les produits sont inévitablement issus.

[Français]

    Je me permettrais d'ajouter que, plus on est loin dans la chaîne d'approvisionnement, plus il risque d'y avoir du travail forcé. Le travail forcé se concentre souvent là où l'on fait de l'agriculture et là où se trouve le produit de base, donc c'est d'autant plus difficile à trouver pour les entreprises qui sont loin.
    Je crois cependant qu'il ne faut pas perdre de vue une chose: il s'agit d'un projet de loi visant la transparence, et nous n'avons pas la prétention de penser qu'il pourra s'appliquer instantanément à toutes les entreprises et apporter des remèdes dès la première année. C'est un projet de loi qui oblige les entreprises à commencer un processus. Celles-ci n'ont pas d'obligation de résultat maintenant, mais elles ont une obligation de moyens, c'est-à-dire qu'elles doivent fournir des efforts, mais, surtout, elles doivent rendre compte de ces efforts. En faisant cela, nous prenons en compte qu'il est souvent très difficile de chercher dans ces chaînes d'approvisionnement.

[Traduction]

    Y a‑t‑il une volonté... ou un passage dans ce projet qui aidera à travailler avec d'autres parties prenantes, qu'il s'agisse de nos partenaires de libre-échange comme les États-Unis ou l'Union européenne, ou des pays parties au PTPGP en Asie du Sud-Est et autres, pour faciliter ce processus? De toute évidence, un fournisseur ou un importateur ici au Canada pourrait ne pas être en mesure de procéder à des vérifications, mais s'il existe des règles et des règlements dans la région d'où provient la source, ils pourront s'y fier, car ils auront de meilleures façons de les évaluer.
    Collaborons-nous avec nos amis européens ou américains ou peut-être d'autres parties prenantes en Asie du Sud-Est en vue de mieux appliquer la loi?
(1600)
    Je pense que c'est nous — le Canada — qui sommes la faille dans la structure de l'édifice. En effet, cela fait déjà plusieurs années que la Grande-Bretagne dispose d'une législation de ce type. Les Américains se montrent assez énergiques. Les Australiens ont adopté une loi importante qui est utile. Ce sont eux qui nous aideront et non pas l'inverse.
    Je pense cependant qu'avec le temps, en particulier si ce projet est adopté et si les problèmes d'application aux frontières commencent à s'intensifier, nous allons rattraper notre retard. Pour l'instant, comme la sénatrice l'a dit à juste titre, nous sommes à la traîne.
    Voici ce que j'essaie de déterminer. Si l'Australie ou le Royaume-Uni approuve une entreprise source et son produit, je me demande si un importateur canadien peut se fier à cette décision et dire qu'ils ont effectué une vérification: Cette source est fiable. L'Union européenne a approuvé cette source, les États-Unis ou l'Australie l'ont approuvée. Nous pouvons alors utiliser cette même vérification pour importer ces produits ici.
    Pourrions-nous collaborer avec eux pour effectuer ces vérifications?
    Il est tout à fait possible que la fiabilité donne lieu à de nombreux échanges. Actuellement, certaines entreprises peuvent apparemment vous fournir une évaluation du risque, pour ainsi dire, relatif à l'esclavage dans une chaîne d'approvisionnement donnée. Je pense que cela va se produire.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Bergeron.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à saluer mes collègues M. McKay et Mme Miville‑Dechêne et à souligner leur travail. Je pense qu'il était plus que temps que nous légiférions en la matière.
    Nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction la mesure mise en place par le gouvernement fédéral visant à interdire l'entrée sur son territoire de tout produit fabriqué par le travail forcé des Ouïghours en République populaire de Chine. Le problème, c'est que la capacité de vérification était assez limitée, dans la mesure. Il faut espérer qu'avec le projet de loi S‑211 et, éventuellement, l'autre projet de loi qui avait été demandé par le Conseil national des musulmans canadiens, on pourra resserrer les contrôles à la frontière de façon véritablement efficace.
    J'ai une petite question: qu'est-ce qui permet d'éviter que des entreprises décident tout simplement de délocaliser leurs activités afin d'échapper à cette loi?
    Je vous remercie de la question, monsieur Bergeron.
    Rien n'empêche les compagnies de se délocaliser, mais, en ce moment, il y a déjà un mouvement dans plusieurs pays pour adopter des lois visant à empêcher que des enfants se retrouvent à faire du travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement. Ces compagnies n'ont pas forcément intérêt à se délocaliser aux États‑Unis, étant donné que la mise en vigueur de pareilles lois y est plus forte. Je crois que c'est un mouvement mondial.
    Je veux ajouter que c'est aussi une question de réputation, un aspect que nous n'avons pas évoqué dans nos présentations d'ouverture. Un projet de transparence compte beaucoup sur le fait que les compagnies ne veulent pas se retrouver avec des rapports nuls, qui ne disent rien et qui, de ce fait, démontrent bien qu'elles ne font aucun effort. Il y a maintenant des investisseurs et des consommateurs qui regardent ces choses. Dans les sondages, la plupart des consommateurs disent ne pas vouloir de produits fabriqués par des enfants.
    Comme il y a déjà un ensemble de réformes et de mouvements de société en ce moment, je ne crois pas qu'un tel projet de transparence entraînera une délocalisation des entreprises.

[Traduction]

    À titre complémentaire, monsieur Bergeron, je pense qu'il s'agit du projet de loi S‑204, parrainé par le sénateur Leo Housakos. Je pense que M. Genuis y a fait référence.
    Pour en revenir à votre question, ils veulent quitter le pays. Dans quel pays vont-ils déménager? C'est la question évidente. J'imagine que la Russie et la Chine seront prêtes à les accueillir, mais mis à part ces nations, le bassin est limité.
(1605)

[Français]

    Je vois que vous avez très bien fait vos devoirs et vérifié ce qu'il en était des lois en vigueur dans d'autres pays. Par exemple, en Allemagne, on impose également des vérifications lorsqu'il s'agit de mesures ou d'opérations qui auraient pour effet de dégrader l'environnement. On impose également des vérifications concernant l'inégalité de traitement dans l'emploi fondée sur l'origine ethnique, le sexe, le handicap, l'orientation sexuelle, l'âge et d'autres motifs de cette nature.
    Était-ce quelque chose que vous aviez envisagé pour ce projet de loi?
    Je veux d'abord vous dire qu'en Allemagne, la loi sur la diligence raisonnable à l'égard des chaînes d'approvisionnement est très progressive. Elle s'applique initialement aux entreprises de plus de 3 000 employés. Dans le cas du projet de loi S‑211, nous visons les entreprises comptant au moins 250 employés. Alors, oui, on peut faire des comparaisons, toutefois cela s'applique à un très petit groupe d'entreprises.
    Au fond, votre question cherche à savoir si nous aurions pu inclure dans le projet de loi l'ensemble des droits de la personne plutôt que les seules questions du travail forcé et du travail des enfants. Sans doute, mais n'oubliez pas qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui se doit, pour toutes sortes de raisons, d'être ciblé, d'avoir un but très précis et de ne pas vouloir embrasser trop large. On parle de petits pas importants. C'est John McKay qui, en 2018, a présenté ce projet de loi une première fois, avant moi. Malheureusement, vous n'avez pas pu en débattre. Il avait alors jugé que le projet de loi se devait d'être ciblé, pour qu'il puisse être bien expliqué et bien compris des entreprises, et je suis assez d'accord avec lui sur ce fait.
    Est-ce qu'il y a un complément de réponse de la part de notre collègue?

[Traduction]

    Je répondrais qu'il s'agit d'une série de compromis. Si vous voulez renforcer la panoplie des droits de la personne, vous allez devoir augmenter la taille des entreprises, parce que les obligations qui en découlent sont assez importantes et ne relèvent pas de la compétence de beaucoup d'autres entreprises que nous avons ciblées.
    Nous avons baissé le seuil des entreprises et élargi le filet pour englober les entreprises qui se livrent à ces pratiques. Nous avons ainsi pu faire — si vous voulez — un premier pas en matière de législation sur la chaîne d'approvisionnement. Si d'autres acteurs souhaitent effectivement imposer d'autres obligations à ces entreprises, ils peuvent également suivre le processus parlementaire, comme nous l'avons fait.

[Français]

    Je comprends très bien et je pense que vos réponses...

[Traduction]

    Monsieur Bergeron, je crains que votre temps soit écoulé.

[Français]

    C'est trop dommage. Je vais y revenir.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Nous allons maintenant passer au dernier créneau de six minutes, qui revient à Mme McPherson.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens également à remercier la sénatrice Miville‑Dechêne et M. McKay pour le travail qu'ils ont accompli sur ce dossier.
    Il s'agit d'un travail très important. Il est vital que nous le fassions correctement. Je dois dire que j'ai de profondes inquiétudes au sujet de cette législation. Une partie de mes préoccupations vient du fait qu'elle donne l'impression que nous remplissons toutes les conditions, alors que cette législation ne remplit peut-être que la première.
    Je m'inquiète de l'absence de prochaines étapes. On nous demande de croire qu'elles viendront plus tard.
    J'ai passé la majeure partie de ma carrière à travailler sur la situation du Bureau de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises. Nous savons qu'on nous donne parfois une première étape qui n'est pas suffisante et qui ne débouche pas sur d'autres étapes. L'ombudsman ne peut alors pas faire son travail.
    J'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord, bien que ce projet de loi crée une obligation de rapport pour certaines entreprises, il ne couvre pas de manière adéquate la prévention et la réparation des dommages. Il n'exige pas des entreprises qu'elles modifient leur comportement et leurs pratiques, hormis la production d'un rapport. Les seules sanctions prévues dans ce projet de loi touchent les entreprises qui ne font pas de rapport ou qui font des déclarations trompeuses ou fausses, mais pas les entreprises qui ont effectivement recours au travail forcé.
    Pouvez-vous nous dire pourquoi?
(1610)

[Français]

    Ce n'est pas en criant lapin qu'on peut éliminer le travail forcé de notre chaîne d'approvisionnement. L'idée est donc de donner un peu de temps aux entreprises pour vraiment comprendre ce qui se passe dans leur chaîne d'approvisionnement et pour y remédier.
    Vous dites que cela n'a pas de portée. Au contraire, le fait que les compagnies doivent faire rapport publiquement de ce qu'elles font ou de ce qu'elles ne font pas devient un outil public de critique. Cela s'inscrit dans un moment où, comme vous le savez, la société est quand même beaucoup plus exigeante dans ce qu'elle demande des compagnies. Ces dernières ne sont pas seulement là pour faire des profits, elles doivent aussi avoir des responsabilités.
    Vous avez raison de dire que ce n'est pas une obligation de résultat qu'on demande aux entreprises. On leur demande tout de même de faire un exercice. Comme les rapports seront publics, ils pourront être comparés. C'est ce qui se fait en Angleterre et en Australie. Se voir imposer une pénalité, ce n'est pas rien.

[Traduction]

    Sénatrice, permettez-moi d'ajouter que, si le projet de loi est adopté, les entreprises auront sept obligations qui n'existent pas à l'heure actuelle. Elles devront faire rapport sur la structure et les activités de leur chaîne d'approvisionnement, sur leurs politiques et leurs processus de diligence raisonnable, sur le risque de recours au travail forcé dans leur chaîne d'approvisionnement et sur les mesures prises pour y remédier.
    Monsieur McKay, je vais devoir vous interrompre, car je vais manquer de temps. Je ne veux pas être impolie, mais j'ai d'autres questions à vous poser.
    L'hon. John McKay: Voilà qui est nouveau.
    Mme Heather McPherson: Je comprends ce que vous dites, à savoir que nous devons procéder lentement dans l'intérêt des entreprises, mais vous avez également dit que nous sommes très en retard par rapport à ce que font d'autres pays. On nous dit, d'une part, qu'il faut ralentir la cadence et, d'autre part, que nous sommes très en retard. Ce n'est vraiment pas ainsi que nous rattraperons notre retard.
    Par ailleurs, comme l'a souligné M. Bergeron, les entreprises qui ne veulent pas agir de façon responsable risquent d'aller se cacher ailleurs. Le Canada n'est‑il pas en train de devenir un de ces pays où de telles entreprises pourront se cacher si elles ne veulent pas agir de façon responsable?
    Qu'avez-vous entendu jusqu'ici de la part du gouvernement sur les amendements possibles?
    Nous avons eu des discussions, mais je n'ai rien vu sur papier. Je ne sais pas; je ne peux pas fournir une réponse directe à votre question.
    Vous n'avez rien entendu sur la possibilité d'apporter des amendements ou sur tout autre détail connexe.
    Le ministre m'a assuré personnellement — et il l'a aussi dit publiquement — que le gouvernement appuie fermement le projet de loi et qu'il souhaite l'améliorer. Je ne sais pas ce qu'on entend par « améliorer ». J'ai demandé à voir les amendements, mais on ne me les a pas encore présentés.
    C'est, bien entendu, peu commode pour les parlementaires, car, comme vous pouvez l'imaginer, ceux qui ne font pas partie de votre gouvernement ont des doutes lorsqu'ils entendent des phrases comme « ça s'en vient ».
     C'est choquant. Je suis choqué.
    Je sais. Je l'imagine bien.
    J'ai présenté le projet de loi C‑263, qui porte sur les fonctions de l'ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises. Nous y avons prévu certaines mesures afin de renforcer ce poste. Seriez-vous ouvert à l'idée d'amender le projet de loi à l'étude en y ajoutant certaines des modifications prévues dans le projet de loi C‑263? L'avez-vous lu? Je suppose que c'est la question centrale.
     Il m'est difficile de répondre à cette question. Vous et moi avons travaillé ensemble dans le dossier précis du bureau de l'ombudsman.
    Je ne suis pas d'avis que c'est inefficace. Je pense que l'ombudsman s'acquitte fort bien de ses tâches.
    C'est un bureau qui a coûté très cher et qui a relevé peu de problèmes.
    En tout cas, si le projet de loi est adopté, je pense que nous devancerons l'Australie et le Royaume-Uni. Je doute que nous dépassions un jour les États-Unis. La France et l'Allemagne, pour leur part, vivent sur des planètes différentes. Elles ont décidé de mettre le paquet, pour ainsi dire, et cela signifie qu'il y a beaucoup de choses qui ne sont pas acceptées.
    Ne serait‑ce pas merveilleux si le Canada avait ce genre d'ambition?
    Eh bien, une telle approche a ses limites.
(1615)
    Merci beaucoup, madame McPherson.
    Nous n'aurons droit, semble‑t‑il, qu'à un deuxième tour. Chaque intervenant disposera de cinq minutes. C'est M. Chong qui va commencer.
    Merci, monsieur le président.
    J'appuie le projet de loi que vous avez présenté au Sénat et à la Chambre, mais ce que je tiens à dire aujourd'hui — et j'aimerais entendre votre avis à ce sujet —, c'est que nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons, et le gouvernement peut publier tous les règlements qu'il souhaite, mais si ces lois et règlements ne sont pas appliqués, alors ce n'est rien de plus que de l'encre sur du papier.
    Comme vous le savez, le Canada a signé l'Accord Canada-États-Unis-Mexique il y a plusieurs années, et l'article 23.6 de cet accord exige que le Canada interdise les importations de produits issus du travail forcé ou de l'esclavage. Voici ce que dit l'accord:
En conséquence, chacune des Parties interdit l’importation sur son territoire de produits provenant d’autres sources et issus, en entier ou en partie, du travail forcé ou obligatoire, y compris du travail forcé ou obligatoire des enfants.
    Le Parlement a ensuite adopté des modifications à la Loi sur le tarif des douanes afin de la rendre conforme à l'article 23.6 de l'ACEUM. Par la suite, le gouvernement a publié des règlements sur les tarifs douaniers, qui sont entrés en vigueur en juillet 2020, il y a plus de deux ans.
     Comme vous le savez également, le Canada est tenu, aux termes de la Convention sur le génocide, de prévenir le génocide, et l'article I de la convention précise ce qui suit:
Les Parties contractantes confirment que le génocide, qu'il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir.
     Au début de l'année dernière, le Parlement a adopté une résolution reconnaissant le génocide commis actuellement contre le peuple ouïghour. Ainsi, malgré le fait que le Parlement a modifié la Loi sur le tarif des douanes il y a plus de deux ans, ce qui a mené à la promulgation de règlements visant à interdire l'importation de produits issus du travail forcé et de l'esclavage, et malgré le fait que le Parlement a reconnu le génocide perpétré contre les Ouïghours qui sont forcés de produire du coton et des tomates, les importations de ces produits continuent d'affluer au Canada.
    L'année dernière, comme vous le savez, l'Agence des services frontaliers du Canada n'a bloqué qu'une seule cargaison, de façon temporaire, parmi les centaines de millions, voire les milliards, de dollars de produits qui affluent dans notre pays et qui, je n'en doute pas, sont fabriqués au moyen du travail forcé ou de l'esclavage.
    En fait, au sud de la frontière, les Américains, comme vous l'avez souligné dans votre témoignage, ont intercepté 1 400 cargaisons de conteneurs de marchandises issues du travail forcé ou de l'esclavage. Le gouvernement américain estime que ce n'est pas suffisant, et il s'emploie vraiment à intensifier l'application de la loi. Il prévoit créer plus de 300 nouveaux postes à la frontière afin de continuer à interdire l'entrée d'un plus grand nombre de produits sur son territoire. Les Américains mettent en place de nouveaux systèmes informatiques et de nouveaux programmes de formation, en plus de mener des activités de sensibilisation auprès des importateurs pour éviter que cela ne se produise.
    J'en reviens à mon point de départ. Nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons. Le gouvernement peut promulguer tous les règlements qu'il veut, mais ce n'est que de l'encre sur du papier s'il n'y a pas d'application.
    Si votre projet de loi est adopté par la Chambre des communes et devient une loi, que doit faire le gouvernement pour s'assurer que cette loi et les autres lois et règlements déjà en vigueur sont bel et bien appliqués?
    Je ne peux pas me prononcer sur l'application ou l'absence d'application des dispositions législatives actuelles, mais vous ne m'entendrez pas contester ce que les faits semblent nous dire. Si le projet de loi est adopté, les diverses entreprises auront une année pour satisfaire à l'exigence de produire un rapport sur leur chaîne d'approvisionnement et de le fournir au gouvernement. Nous commencerons à dresser un profil complet des entreprises qui se conforment à la loi et de celles qui négligent ou refusent de s'y conformer.
    Ce serait la première étape, pour ainsi dire. Qui prendra les devants et se conformera à cette mesure législative, une fois qu'elle sera promulguée? Voilà donc la première étape.
    À la deuxième étape, je m'attendrais à ce que le gouvernement se montre un peu plus ferme et utilise les pouvoirs qui lui sont conférés pour entrer dans des locaux, examiner des documents, saisir des ordinateurs et lancer des mandats. Ce serait là une application plus rigoureuse, du moins je l'espère.
    À la troisième étape, le projet de loi fait intervenir l'obligation personnelle des PDG, ce qui n'est pas « rien ». Bon nombre d'entre eux sont des gens qui ont beaucoup de succès. Ils ne veulent pas voir leur nom dans le journal, sur Internet ou ailleurs, pour avoir omis de se conformer à ce genre de loi. Il y aura donc une pression sociale considérable, indépendamment des initiatives du gouvernement.
     J'ose espérer que le gouvernement prendra des mesures assez musclées. Mon ami Rob Oliphant, qui sait tout, veillera bien sûr à ce que ce soit le cas.
(1620)
    Merci, monsieur McKay.
    La parole est maintenant à M. Zuberi. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je partagerai mon temps de parole avec Elizabeth May, du Parti vert.
     Merci d'être des nôtres aujourd'hui et de nous avoir présenté le projet de loi. C'est un sujet d'actualité tellement important.
    Comme nous le savons tous, il y a eu une activité de sensibilisation aujourd'hui sur la Colline. Beaucoup d'entre nous ont été sollicités sur cette question, entre autres. Cependant, dans le dossier des Ouïghours, que nous connaissons bien, heureusement... Nous avons reconnu à l'unanimité qu'un génocide est actuellement perpétré contre ce peuple.
    En ce qui concerne le projet de loi dont nous sommes saisis, c'est tant mieux s'il ratisse large et englobe le monde entier, c'est‑à‑dire la communauté internationale, car nous savons que le travail forcé ne se produit pas seulement dans une région ou une autre.
    En ce qui a trait à l'obligation de faire rapport, pouvez-vous nous dire comment nous pouvons faire confiance au mécanisme de reddition de comptes et aux rapports qui sont produits? Les vérifications font-elles partie intégrante de ce mécanisme? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
     Il y a l'article 15, « Pouvoirs de la personne désignée », qui donne à l'entité — en l'occurrence, nous proposons le ministre de la Sécurité publique — le pouvoir d'examiner toute chose se trouvant dans l'établissement, de faire usage des moyens de communication se trouvant dans le lieu, de faire usage de tout système informatique se trouvant dans le lieu, d'établir tout document et d'obtenir un mandat pour entrer dans une maison d'habitation, etc. Ce sont des mesures plutôt robustes.
    Vous avez dit que les États-Unis ont une bonne longueur d'avance et que c'est un modèle auquel nous devons aspirer. Comment pouvons-nous nous rapprocher de ce modèle, à votre avis?

[Français]

     Ce qui est intéressant, c'est que les États‑Unis interdisent depuis 1930 les marchandises issues du travail forcé. Ils sont donc très en avance sur nous. Cela dit, ce n'est que depuis quelques années qu'ils appliquent cette interdiction de façon plus systématique.
    Bien sûr, on peut comprendre qu'il y a aussi l'aspect politique. La question des Ouïghours est très importante. Comme vous l'avez dit, une loi contre le travail forcé des Ouïghours est en vigueur aux États‑Unis. C'est l'une des raisons pour lesquelles on est beaucoup plus sévère à la frontière.
    Il y a l'expérience, mais aussi le fardeau de la preuve. Aux États‑Unis, si l'on a des soupçons au sujet de certaines marchandises, on peut obliger leur importateur à prouver qu'elles ne découlent pas du travail forcé avant d'autoriser leur distribution. Il y a des lois et des seuils qui sont très différents de ceux en vigueur au Canada, où les lois sur la vie privée font qu'on ne peut même pas dire quel bateau a été arraisonné et qui est l'importateur. Le seuil de preuve nécessaire est beaucoup plus haut, et c'est le gouvernement qui doit faire enquête.
(1625)
     Merci.

[Traduction]

     Je cède la parole à Mme May.
     Merci beaucoup. Je m'excuse vraiment, monsieur Zuberi. C'est un des sujets qui vous tiennent à cœur, mais je vous suis reconnaissante de m'avoir cédé le reste de votre temps de parole.
     Je souscris aux observations faites tout à l'heure par Garnett Genuis et Michael Chong, et j'espère vraiment que nous pourrons intégrer une partie du projet de loi S‑204 dans celui‑ci afin de cibler, sur le plan géographique, le Turkestan oriental et la situation des Ouïghours. D'ailleurs, nous savons que la plupart des tablettes de chocolat que nos enfants mangent au Canada proviennent d'une industrie qui exploite le travail des enfants. Nous savons qu'une grande partie des fruits de mer qui entrent dans notre pays découlent du travail forcé, et ce, dans les conditions les plus brutales et les plus inhumaines, à tel point que les assassinats en mer sont devenus monnaie courante. C'est très difficile à réglementer.
    Je me demande si vous seriez ouvert à des amendements qui inverseraient la charge de la preuve pour dire aux entités que nous voulons avoir l'assurance que les produits qu'elles achètent — par exemple, pour la production de cacao ou de fruits de mer — ne proviennent que de sources certifiées, éthiques et équitables tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
     Il faudrait que j'examine comment fonctionne une inversion du fardeau de la preuve pour les obligations qui sont actuellement prévues, mais je ne m'y oppose pas.
    J'attire également l'attention de tous sur le fait que le projet de loi a déjà été adopté par le Sénat. Il a déjà été étudié à la Chambre. Nous sommes ici, à deux doigts de la sanction royale. En fait, un amendement de fond comme celui‑là renverrait le projet de loi au Sénat. Je rappelle que je ne m'y oppose pas, mais je veux seulement savoir comment cela fonctionnerait. Je ne voudrais pas le renvoyer au Sénat à moins d'avoir l'assurance absolue que nous ne nous relancerons pas constamment la balle.
    Je suppose donc que la même réponse s'appliquerait aux questions régionales. Faudrait‑il renvoyer également ce dossier au Sénat?
    Je le répète, il s'agirait d'un amendement de fond. Là encore, il faut avoir quelque chose sous les yeux pour savoir comment cela s'inscrit dans le projet de loi.
    Je dirai donc rapidement que je me rallie aux propos de Mme McPherson: c'est difficile quand on fait un pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas suffisant.
    L'hon. John McKay: Oui.
    Je suis désolé, madame May, vous avez largement dépassé le temps alloué.
    Eh bien, je suis tout de même surpris d'apprendre que vous souscrivez aux propos de M. Genuis.
    Des voix: Oh, oh!
     Merci, madame May.
    Nous revenons maintenant à M. Bergeron, qui dispose de deux minutes et demie.

[Français]

    Monsieur le président, nous avons actuellement droit à un débat fort intéressant, et il m'apparaît important de faire une petite mise au point. Il ne faut pas se le cacher: si le gouvernement n'a pas emboîté le pas aux autres partis à la Chambre des communes sur la question de la reconnaissance du génocide des Ouïghours, c'est pour des motifs politiques et commerciaux. Malheureusement, il y aura toujours de ce genre de considérations.
    La question du génocide des Ouïghours a pourtant été bien documentée par le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Malgré cela, le gouvernement se borne encore à dire que quelque chose de préoccupant se passe en République populaire de Chine.
    Or, sans qu'il y ait eu la moindre étude de la part du Sous-comité des droits internationaux de la personne ou de quelque comité que ce soit, la Chambre des communes a reconnu le génocide des Tamouls par une simple motion, et les membres du Cabinet se sont associés à cette reconnaissance. Y avait-il dans cet autre cas moins de considérations de nature politique, économique ou commerciale? Je vous laisse en juger, monsieur le président.
    Ce qu'il est important de dire à ce stade-ci, c'est qu'il faut commencer quelque part. Il vaut mieux avoir un projet de loi imparfait et incomplet que de ne pas avoir de projet de loi du tout. Je partage l'inquiétude de M. McKay: nous pouvons effectivement essayer d'en arriver à un projet de loi parfait, qui va répondre à toutes les attentes et à toutes les préoccupations et qui va tenir compte de tous les détails, mais, ce faisant, ce projet de loi risque de ne pas être adopté.
    Je souscris donc à ce que nous ont dit le parrain et la marraine de ce projet de loi sur la nécessité de poser des premiers jalons qui nous permettront, je l'espère, d'aller un jour plus loin. Il faut commencer quelque part, c'est sûr. Par conséquent, s'il y a des gens à la table, y compris le parrain et la marraine du projet de loi, qui sont prêts à considérer des amendements, assurons-nous que ces derniers ne risquent pas d'empêcher l'adoption du projet de loi.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
(1630)

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, monsieur Bergeron. Vous aviez deux minutes et demie.
    Merci bien.

[Français]

     C'est dommage. Or, je croyais important de faire cette mise au point.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    La parole est de nouveau à Mme McPherson pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais simplement revenir sur ce qu'a dit mon collègue, M. Bergeron. Oui, bien sûr, il est important de faire un premier pas. Le hic, c'est que le gouvernement actuel a toujours bien du mal à faire le deuxième pas. Donc, pour ma part, je ne compte pas trop là‑dessus.
     J'ai une question pour la sénatrice, si je peux me permettre.
    Pourriez-vous nous parler un peu de ce que vous avez entendu lors des séances du comité sénatorial? Quelles sont les lacunes éventuelles qui ont été relevées? A‑t‑on fait des efforts pour corriger le projet de loi au Sénat, à l'autre endroit, sénatrice?

[Français]

    Nous avons eu pas mal de soutien, mais je dois dire que nous voyions à quel point le débat était polarisé. La Chambre de commerce nous disait qu'elle était d'accord sur les objectifs du projet de loi, tout en nous demandant d'en changer une dizaine d'articles afin de les rendre moins contraignants.
    À titre d'exemple, la notion de mécanismes de contrôle était impossible. Pour changer cela, la sénatrice Amina Gerba a présenté un amendement qui, à mon avis, est relativement important sur le plan symbolique. La sénatrice Gerba, d'origine camerounaise, a elle-même travaillé alors qu'elle était enfant dans son pays d'origine. Parmi les éléments dont les compagnies doivent traiter dans leur rapport, le projet de loi mentionne la remédiation. Au cours de la réunion, on a souvent eu la préoccupation suivante: si la mesure législative fonctionne bien et que les compagnies se débarrassent des employés, le plus souvent des enfants, qu'adviendra-t-il de leur famille? En effet, ces enfants sont souvent les seuls gagne-pains de la famille.
    L'ajout de l'élément de remédiation revient à dire qu'il va y avoir des conséquences et qu'il faut essayer d'inciter les entreprises à faire quelque chose à l'extérieur de la compagnie. C'est déjà quelque chose qui se fait. Par exemple, la compagnie Lululemon, qui fait beaucoup d'efforts, parle de remédiation dans ses rapports.

[Traduction]

    En toute équité, cependant, combien d'entreprises ne le font pas? Après tout, c'est le problème qui se pose lorsque nous laissons aux entreprises le soin d'agir comme il se doit. Nous ne pouvons pas toujours en avoir la certitude. Puis‑je vous demander...
    Madame McPherson, je regrette, mais le temps est écoulé.
    Monsieur Aboultaif, il vous reste trois minutes.
    Je tiens à vous remercier d'avoir présenté ce projet de loi, que je trouve très important.
    En 1999, une PDG américaine a refusé le mandat de diriger une usine en Asie justement à cause de ces conditions ou pour les mêmes raisons que celles que vous abordez ici au sujet du travail des enfants. J'ai parcouru le projet de loi, et il y a deux choses que j'aimerais vous demander.
    Premièrement, je ne vois rien dans le projet de loi à propos d'un mécanisme qui permettrait réellement de remédier à cette situation et d'empêcher l'exploitation et le travail des enfants dans les pays d'où proviennent les produits que nous achetons. Je crois que cela peut se faire dans le cadre des normes ISO 9000 sur la qualité et la sécurité. Voilà une façon de nous assurer que chaque entreprise respecte toutes les conditions relatives au travail des enfants.
    Deuxièmement, il y a la question du seuil. J'aimerais que vous nous expliquiez également pourquoi ce seuil a été choisi. Il ne semble pas couvrir grand-chose, ce qui permet de nombreuses échappatoires dans le système, dans la chaîne d'approvisionnement. Nous nous retrouverons donc dans la même situation que ce que nous essayons de combattre.

[Français]

     Je vous remercie.

[Traduction]

    Je vais répondre à la deuxième partie de votre question, celle qui concerne le seuil.
     Vous demandez pourquoi nous avons choisi 40 millions de dollars?
    M. Ziad Aboultaif: C'est bien cela.
    L'hon. Julie Miville-Dechêne: Eh bien, ce n'est pas un choix facile.
     Vous devez savoir qu'en Grande-Bretagne, le seuil est d'environ 64 millions de dollars, et qu'en Australie, il est d'environ 100 millions de dollars. L'Australie ne vise que les grandes entreprises. Nous choisissons les grandes et les moyennes entreprises. C'était le raisonnement, parce que les experts disent qu'il y a plus de travail forcé dans les entreprises de taille moyenne. Nous ne voulions pas fixer un seuil plus élevé.
    Pourquoi ne pas aller plus bas? Parce que si nous ciblons trop de petites entreprises... Il n'est pas si facile que ça de rédiger un rapport. Comment voulez-vous qu'elles aient suffisamment de savoir-faire, de temps et d'argent pour y arriver? Nous avons cherché un équilibre.
(1635)
    Nous présentons cela comme s'il s'agissait d'un audit. Les déclarations devront être signées par le directeur de la société concernée, et elles devront être approuvées par le conseil d'administration. Les déclarations devront être significatives et vérifiables, et elles vous placeront dans la même catégorie que si vous faisiez une fausse déclaration dans le cadre d'un audit.
    Pour en revenir à l'application de l'ensemble du projet de loi, je pense que le plus gros problème, c'est que le projet de loi énonce beaucoup de conditions et demande beaucoup de bonnes planifications, mais — je pense que M. Chong a dit la même chose — où est la partie qui parle de l'application et pourquoi n'y en a‑t‑il pas? Pourquoi le projet de loi est‑il dépourvu d'un mécanisme d'application?
    Il y en a un. Vous devez tout d'abord déposer un rapport. Si vous ne le faites pas, en théorie, le ministre de la Sécurité publique vous tombera dessus à bras raccourcis. Les pouvoirs du ministre de la Sécurité publique, qui sont énoncés à l'article 15, comprennent le pouvoir de pénétrer dans votre domicile, d'examiner vos documents, d'examiner votre système informatique, de lancer un mandat et, éventuellement, d'imposer une amende de 250 000 $.
    D'autres ont dit que 250 000 $, ce n'est presque rien, que c'est une erreur d'arrondissement. Nous sommes d'accord. Pour certaines entreprises — comme Walmart —, c'est ce que c'est, alors que pour d'autres, c'est une somme d'argent non négligeable, et la symbolique de cette somme est assez considérable.
    Merci, monsieur McKay.
    La dernière question revient à M. Oliphant.
     Vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président. C'était du grand cru McKay à répétition, et je ne fais que commencer à connaître la sénatrice. C'est peut-être le millésime Madame la sénatrice.
    Voulez-vous dire que je m'améliore avec l'âge?
    Vous vous améliorez avec l'âge. Vous apprenez.
    Je tiens à vous féliciter pour ce projet de loi, car vous n'avez pas laissé la perfection vous empêcher de faire quelque chose de bien. Je pense que l'on constate, du moins pour moi en tant que membre de ce comité, que chaque projet de loi n'est pas parfait. Et je pense que cela doit faire partie d'un continuum de mesures législatives.
    Je voudrais revenir sur la portée du projet de loi. Je veux simplement me faire l'écho de la préoccupation que vous avez exprimée, à savoir que certains amendements pourraient sortir de la portée du projet de loi et être jugés comme tels, ce qui entraînerait le renvoi de ce dernier. En deuxième lecture, nous avons compris la portée du projet de loi et il a été approuvé. Je ne suis pas contre le fait de passer à des considérations géographiques et je ne suis pas contre le fait de faire autre chose, mais je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'agir.
     Je voulais simplement vous donner l'occasion, si vous le souhaitez, de dire autre chose sur les types d'amendements que vous pourriez considérer comme utiles et qui pourraient renforcer... encore une fois, nous ne devons pas laisser la perfection nous empêcher de faire quelque chose de vraiment important et de vraiment bon.
    Merci, monsieur Oliphant.
    Il est difficile de réagir, disons, aux initiatives de M. Chong ou de M. Genuis ou même à celle de Mme McPherson à moins de les voir sur papier et de voir comment elles s'inscrivent dans le projet de loi. Lorsqu'on peut lire de quoi il retourne, il est possible d'établir si la proposition entre oui ou non dans le champ d'application du projet de loi.
    Si elle entre dans le champ d'application du projet de loi, vaut‑il la peine que nous la soumettions à un match de ping-pong, comme cela sera inévitablement le cas? Si les propositions changent beaucoup les choses, le projet de loi retournera inévitablement au Sénat. Je fais absolument confiance à nos collègues du Sénat, mais ils ont leurs propres programmes et leur propre façon de procéder.
(1640)
    Et ils sont indépendants.
    Et ils sont très indépendants, j'ai remarqué, oui. Parfois, le gouvernement n'arrive même pas à leur faire faire ce qu'il veut qu'ils fassent. Ce sont donc des considérations bien concrètes.
    La troisième chose que je dirais, c'est que le projet de loi S‑204 sera présenté à ce comité à un moment donné, je pense, et que ce dernier sera en mesure d'examiner si c'est un projet de loi approprié à adopter, en supposant qu'il sorte du Sénat.
    Une chose sur laquelle j'insisterais peut-être un peu auprès de notre gouvernement, c'est qu'il faudrait accompagner cette loi d'un financement non seulement pour l'application de la loi, mais aussi pour sensibiliser le public. Je pense qu'une grande partie de tout ce qui concerne le changement des habitudes de consommation nécessite une certaine sensibilisation, et je ne pense pas que nous puissions tout mettre sur le dos des seules entreprises. Je pense que le public canadien a également besoin de savoir ce qu'il en est. Je trouverais donc un moyen pour le Comité de recommander quelque chose de ce genre au gouvernement.
    Oui, c'est une idée intéressante.
    Je vous remercie.
    Pour l'instant, permettez-moi de remercier la sénatrice et le député McKay de s'être présentés devant nous. Je suis convaincu que nous avons tous beaucoup profité de vos explications. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir choisi de comparaître devant nous, d'autant plus que le préavis était très court.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour passer à huis clos afin d'examiner les travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU