Passer au contenu

FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 15 juin 2023

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bienvenue à la 72e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.
    La séance d'aujourd'hui se déroulera en mode hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 23 juin 2022. Les membres du Comité siègent en personne ou à distance, au moyen de l'application Zoom.
    J'ai quelques consignes à donner aux députés et aux témoins.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer, et mettez‑le en mode sourdine si vous n'avez pas la parole. Pour entendre les interprètes si vous utilisez Zoom, sélectionnez le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran. Si vous êtes dans la salle, utilisez le casque d'écoute à votre disposition et sélectionnez le canal voulu.
    Même si la salle est équipée d'un système audio puissant, il peut y avoir des retours sonores qui peuvent être extrêmement néfastes pour les interprètes et entraîner des lésions graves. Les retours sonores se produisent le plus souvent quand un casque d'écoute est placé trop près du microphone.
    Je vous rappelle que vous devez toujours vous adresser à la présidence. Les députés dans la salle doivent lever la main pour demander à intervenir, et ceux qui siègent à distance doivent utiliser la fonction de main levée dans Zoom. La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre des demandes d'intervention. Nous vous remercions à l'avance de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Conformément à la motion de régie interne adoptée par le Comité, j'ai été informé par notre formidable greffière que tous les témoins ont effectué un essai de connexion avant la réunion.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le mercredi 21 septembre 2022, nous poursuivons notre étude du régime de sanctions du Canada.
    C'est avec un immense plaisir que je vous présente nos deux premiers témoins. Mme Elisabeth Braw, agrégée supérieure de l'American Enterprise Institute, comparaîtra à titre personnel. Nous recevons également M. Vladzimir Astapenka, représentant adjoint, Affaires étrangères du United Transitional Cabinet of Belarus.
    Vous disposerez chacun de cinq minutes pour nous présenter votre déclaration liminaire, et les députés vous poseront ensuite leurs questions. Je mentionne de plus que je vais montrer une carte pour vous indiquer que vous arrivez au bout du temps alloué et que vous devez donc conclure. Cela ne s'appliquera pas seulement aux déclarations liminaires, mais également aux périodes de questions des députés.
    Madame Braw, nous allons débuter avec vous. Vous avez cinq minutes. À vous la parole.
    Je remercie le Comité de m'avoir réinvitée à prendre la parole sur le sujet du régime de sanctions.
    Ce qui m'apparaît de la plus haute importance pour l'exercice d'évaluation des incidences des sanctions collectives imposées par l'Occident que nous faisons actuellement, en 2023, c'est de reconnaître les profonds changements intervenus entre aujourd'hui et l'époque des dernières sanctions ou, devrais‑je dire, depuis la dernière génération de sanctions. Le monde était alors en pleine guerre froide et nous, les pays occidentaux, avons imposé des sanctions à des pays comme l'Afrique du Sud.
    Durant la guerre froide, les sanctions de l'Occident ont été efficaces en raison de sa formidable puissance économique. Comme nous le savons, les choses ont changé à la fin de la guerre froide, qui a été marquée par une croissance spectaculaire de la mondialisation du commerce.
    Cette croissance a été tellement déterminante qu'aujourd'hui, quand nous appliquons des sanctions dissuasives ou punitives, leur efficacité peut être compromise si un pays refuse de nous emboîter le pas, n'appuie pas cette ligne de conduite, ne s'en soucie pas ou décide de tirer profit des difficultés du pays sanctionné. À mon avis, c'est notre principal défi quand nous essayons d'établir un régime de sanctions. Bien entendu, rien ne nous empêche d'imposer des sanctions et de les élaborer avec le plus grand soin, mais il y aura toujours des pays qui nous attendront au tournant et qui en profiteront pour élargir leurs relations commerciales — si les sanctions sont de nature économique — avec le pays visé.
    C'est exactement ce qui se produit, à une échelle jamais vue, avec la Russie. Le premier exemple qui vient à l'esprit est celui de la Chine, qui continue d'intensifier ses relations commerciales avec la Russie, mais c'est loin d'être un cas isolé. L'Inde fait la même chose, et d'autres pays aussi. De toute évidence, nos sanctions sont par conséquent moins efficaces que si l'activité commerciale avec le pays sanctionné était complètement paralysée.
    Pour autant, les sanctions ne sont pas complètement inutiles. Cependant, nous devons garder à l'esprit que les sanctions économiques ne peuvent pas avoir la même efficacité que durant la guerre froide. Cela ne signifie pas qu'il sera impossible à court terme de retrouver la puissance économique que nous avions à l'époque, mais c'est quelque chose qu'il faut garder à l'esprit concernant toutes nos sanctions contre la Russie ou un autre pays délinquant aujourd'hui ou dans un proche avenir.
    L'autre aspect à considérer est la raison des sanctions. L'effet recherché est‑il dissuasif ou punitif? Dans le cas qui occupe le Comité, c'est‑à‑dire la Russie, l'Occident a bien entendu imposé des sanctions qui se veulent à la fois dissuasives et punitives.
    Avant l'invasion de l'Ukraine, nos sanctions contre la Russie étaient une mise en garde. Nous voulions lui faire comprendre que l'invasion de l'Ukraine entraînerait des sanctions beaucoup plus lourdes, et nous avons tenu parole. Nous avons infligé des sanctions plus lourdes et, de manière assez impressionnante, l'alliance occidentale s'est tenu les coudes serrés.
    Le Comité doit aussi considérer le fait que les sanctions représentent un moyen de dissuasion et de punition si évident que les dirigeants des pays délinquants en tiennent compte dans leur analyse des coûts et des avantages quand ils préparent l'opération que les pays occidentaux essaient d'empêcher. C'est clair qu'avant d'envahir l'Ukraine, la Russie et les dirigeants russes ont pris en compte le risque que les pays occidentaux ripostent avec des sanctions potentiellement dévastatrices dans leur analyse des coûts et des avantages, mais ils ont décidé d'aller de l'avant. C'est vraiment un défi de taille: la grande utilité des sanctions en fait un instrument extrêmement prévisible et dont l'effet dissuasif est beaucoup moins puissant.
(1110)
    Dans le même ordre d'idée, il faut absolument se rappeler que les dirigeants d'un pays qui a subi ou qui est sur le point de subir des sanctions ne se soucient pas forcément des torts causés à leur pays. J'ai pu constater au fil des années que l'égoïsme est endémique. Partout, des dirigeants font primer leurs intérêts sur ceux de leur pays. Si nous, en Occident, menaçons d'imposer des sanctions économiques à l'ensemble de la Russie, il est fort possible que Vladimir Poutine reste de marbre, et que le dirigeant d'un autre pays ne soit pas ébranlé par nos menaces de sanctions s'il n'en souffre pas vraiment ou s'il est prêt à en payer le prix.
(1115)
    Madame Braw, puis‑je vous demander de nous donner votre conclusion en 15 secondes?
    Ils sont prêts à subir les contrecoups. Toutefois, il sera sans doute plus efficace de concevoir des sanctions dissuasives qui les viseront personnellement si nous mettons en place un nouveau régime de sanctions.
    Merci, monsieur le président.
    Le temps alloué est pas mal dépassé, mais vous aurez l'occasion de nous donner des compléments d'information dans vos réponses aux questions des députés.
    Nous passons maintenant à M. Astapenka.
    Vous disposez aussi de cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire. Nous vous écoutons.
    Bonjour, monsieur le président, bonjour, distingués membres du Comité. C'est la première fois que je prends la parole devant votre éminent comité, et je dois dire que c'est un très grand honneur pour moi.
    Je représente le United Transitional Cabinet of Belarus, un organisme fondé en août 2022 par la leader nationale Svetlana Tikhanovskaïa pour défendre ce que nous considérons comme les intérêts nationaux véritables du Bélarus.
    Comme chacun sait, après les élections présidentielles frauduleuses d'août 2020, Loukachenko a perdu toute sa légitimité et toute possibilité légale de représenter notre pays et notre peuple sur la scène internationale. Après ces élections, les rues de Minsk ont été prises d'assaut par le peuple, qui a manifesté calmement, dois‑je ajouter. Les manifestations populaires ont duré à peu près une année, mais elles ont été brutalement réprimées par les copains du régime Loukachenko. Des milliers de personnes ont été arrêtées, torturées. Certaines ont disparu ou ont même été assassinées. Ces opérations, menées à l'automne 2020, ont soulevé des réactions modestes de la part de la communauté internationale, mais je trouve important de souligner que le Canada a été un des premiers pays à édicter des sanctions visant personnellement le régime de Loukachenko et les auteurs de violations graves et généralisées des droits de la personne.
    Malheureusement, ces sanctions n'ont pas freiné le dictateur puisqu'il a ensuite été mêlé à un acte de piratage aérien contre un avion à réaction civil irlandais qui effectuait un vol entre Athènes et Vilnius. Ces événements survenus en mai 2021 sont bien connus. L'avion a été forcé d'atterrir à Minsk et des personnalités clés de l'opposition ont été arrêtées. Une autre série de sanctions a suivi, notamment de la part du Canada. Je souligne également que, à l'instar de la première série, ces sanctions ont été coordonnées avec celles de l'Union européenne et des États-Unis, un moyen beaucoup plus efficace de sévir contre le régime de Loukachenko. Malgré tout, elles ont eu très peu d'effet sur le comportement du régime, qui continue de réprimer les manifestations à la grandeur du Bélarus.
    En réponse aux sanctions européennes, Loukachenko a instrumentalisé la crise migratoire aux frontières entre le Bélarus et la Pologne, la Lithuanie et la Lettonie, qui font partie de l'Union européenne. Cette crise n'est pas terminée. Tous les jours, nous entendons dire que 50, 100 ou 150 migrants illégaux essaient de franchir la frontière entre le Bélarus et la Pologne ou un autre pays voisin. Cette situation a entraîné un autre train de sanctions du Canada et de l'Union européenne.
    Puis arriva février 2022, moment fatidique de l'invasion de l'Ukraine par Poutine et la Russie. Le principal assaut est venu du territoire du Bélarus. Comme vous le savez, Loukachenko était de connivence avec Poutine pour déclarer cette guerre offensive et il a pris tous les moyens à sa disposition pour faciliter l'avancée des troupes et fournir des services logistiques et de réparation, ainsi que du soutien et une infrastructure techniques.
    Naturellement, les pays occidentaux ont réagi à cette agression avec une autre série de sanctions. Le Bélarus était aussi en cause, mais force est d'admettre que ces sanctions manquaient de coordination puisque la plupart s'appliquaient à la Russie, mais pas au Bélarus. Loukachenko a de nouveau profité de la situation en faisant en sorte que des produits qui n'étaient plus fournis à la Russie lui soient acheminés par l'intermédiaire du Bélarus.
(1120)
    Je suis d'accord avec la témoin précédente quand elle affirme que des pays voisins vont essayer de tirer parti de toutes les failles des régimes de sanctions mal coordonnés. À l'échelle mondiale, nous sommes convaincus que la coordination est la clé d'un régime de sanctions intelligentes. Sans cette coordination, nous favorisons le contournement de ces sanctions et l'émergence de stratagèmes clandestins ou semi-clandestins d'approvisionnement de biens.
    C'est ce qui se produit actuellement dans l'espace postsoviétique. Les volumes d'exportations et d'importations entre la Russie et le Bélarus et des pays comme l'Arménie ou le Kirghizistan atteignent des sommets.
    Monsieur Astapenka, puis‑je vous demander de conclure en 15 ou 20 secondes? Merci.
    J'ai terminé. Je répondrai volontiers à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Astapenka.
    Je donne maintenant la parole à M. Epp, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être avec nous ce matin, ou cet après-midi selon l'endroit où vous vous trouvez.
    Je vais m'adresser à Mme Braw en premier.
    Vous avez affirmé que l'efficacité des sanctions dépend du degré de coopération dans l'ensemble des pays occidentaux, ou que c'était le cas auparavant. Pouvez-vous nous parler de l'ampleur ou de la fréquence des fuites d'actifs par suite des sanctions canadiennes? Ma question suivante porte sur le lien, s'il existe, entre l'ampleur de ces fuites et la taille de l'économie du pays qui impose les sanctions.
    J'espère que j'ai bien compris votre question. Vous me demandez si les sanctions canadiennes contre la Russie ont une incidence sur les fuites de capitaux. C'est bien ça?
    Oui, c'est exact.
    La question secondaire, ou de suivi, concerne l'ampleur des fuites des pays qui imposent les sanctions… Est‑ce qu'il y a un lien avec la taille de l'économie de ces pays et, bien évidemment, le volume des échanges commerciaux avec le pays sanctionné?
    Le grand avantage de nos démocraties libérales est la sécurité de notre environnement commercial, régi par la primauté du droit. C'est ce qui explique la relative rareté du type de fuites que vous évoquez. Il y en a eu assez peu simplement parce que nos pays offrent un environnement très attrayant pour l'exploitation d'une entreprise.
    Le grand problème pour nos pays occidentaux vient de ce que nos efforts sont essentiellement inutiles parce que d'autres pays achètent à peu près tout ce que le pays sanctionné essaie de vendre ou lui vendent ce dont il a besoin. C'est la principale conséquence imprévue et le grand dilemme de la mondialisation. Tous les pays ne respectent pas le même code de valeurs que nous, les pays occidentaux, même si nous nous attendions à ce qu'ils respectent ces valeurs puisque nous les avons aidés à développer leur économie de marché. C'est par arrogance que nous avons présumé qu'ils adopteraient le système de valeurs qui régit nos relations internationales. Peu importe. Cela ne s'est pas produit et, comme ils sont maintenant des acteurs de premier plan, ils peuvent amortir les dommages ou les préjudices que nous essayons de leur faire subir.
    À mon avis, il n'y a pas vraiment lieu de nous préoccuper des fuites de capitaux de nos pays, mais nous devons bien réfléchir aux effets de nos sanctions sur le pays qu'elles visent. Il faut aussi se méfier de la réaction de certains pays devant le fait que la Russie ne s'en est pas trop mal tirée parce que l'aide reçue d'autres pays a atténué les effets des sanctions sans précédent de l'Occident. Ces pays ne se laisseront pas dissuader d'agir contre la volonté des pays occidentaux — qui pensent parler au nom de toute la communauté internationale — même s'ils brandissent la menace de sanctions.
(1125)
    Vous avez aussi mentionné que Poutine et d'autres dirigeants de pays visés par des sanctions font une analyse des coûts et des avantages avant de mettre leurs projets à exécution pour les raisons que vous avez données, et que cela rend nos sanctions moins efficaces.
     Même si je présume que la réponse sera non, je vais quand même poser cette question pour les fins du compte rendu. Est‑ce que le Canada et l'ensemble des pays occidentaux font le même genre d'analyse des coûts et des avantages? Est‑ce qu'ils effectuent ce genre d'analyse concernant les représailles auxquelles les exposent leurs sanctions? La ministre Joly a indiqué que ce risque a été pris en compte dans l'analyse réalisée avant l'expulsion d'un diplomate chinois pour d'autres motifs. Selon votre expérience, est‑ce que c'est quelque chose qui commence à être considéré dans le cadre des analyses que nous effectuons avant d'imposer des sanctions?
    L'analyse des coûts et des avantages sera effectuée plutôt par le pays qui trame quelque chose qui manifestement ne fera pas l'affaire des autres pays. Quand des pays occidentaux imposent des sanctions, ils tiennent aussi compte de l'analyse des coûts et des avantages, ou ils font leur propre analyse.
    Comme je ne travaille pas pour le gouvernement canadien, je ne sais pas exactement ce qu'il fait. Cela dit, je pense qu'il a dû réaliser des analyses des coûts et des avantages pour ce qui concerne l'expulsion du diplomate, mais pas seulement. Il en a certainement fait aussi par rapport aux sanctions en général et à toutes les mesures prises pour exprimer son désaccord envers les agissements du gouvernement chinois parce que, à l'inverse de la plupart des gouvernements, celui de la Chine n'hésite pas à exercer des représailles non pas contre le gouvernement qui l'a irrité, mais contre des entreprises. Selon moi, c'est important de réaliser que nos sanctions peuvent avoir ce genre de conséquences.
    Si nous étions…
    J'aimerais poser une dernière question.
    Malheureusement, votre temps est écoulé depuis un bon moment.
    Nous passons maintenant à M. Sarai.
    Vous avez cinq minutes, monsieur Sarai.
    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à Mme Braw.
    Quelle a été la réaction de la Russie aux sanctions canadiennes? Comment a‑t‑elle réagi? Avez-vous remarqué quelque chose de particulier?
    La Russie a réagi officiellement aux sanctions collectives de l'Occident, dans lesquelles le Canada tient un rôle clé, en haussant les épaules et en faisant savoir que peu importe le but poursuivi, elle irait de l'avant avec son plan. Très franchement, c'est un vrai cauchemar pour les diplomates. En Occident, comme nous l'avons dit, nous recourons dans un premier temps à des sanctions pour dissuader d'autres pays de commettre les actes hostiles que nous réprouvons. La punition vient après.
    Que faire si un pays s'en moque, ou plutôt si ses dirigeants s'en moquent, comme le fait la Russie actuellement? Non seulement elle poursuit sa guerre contre l'Ukraine sur son territoire, mais elle en profite en plus pour élargir ses relations avec des pays qui sont prêts à saper l'effet de nos sanctions. En gros, le message envoyé aux pays occidentaux est que malgré tous nos efforts, nous n'arriverons jamais à infliger des dommages insurmontables et que, de toute façon, les relations avec d'autres pays seront élargies. Qui plus est, ce sont nos entreprises qui risquent d'en subir les conséquences. Je pense, entre autres, au litige en cours entre une société russe et une société canadienne au sujet de l'avion saisi après l'invasion.
    C'est vraiment un cauchemar pour les diplomates. Je n'ai pas de réponse… Je sais seulement que de nos jours, les régimes peuvent se permettre d'être très arrogants devant les sanctions imposées par l'Occident.
    Vous avez parlé des avions et de leur saisie. Vous avez peut-être lu que le gouvernement canadien veut se défaire d'un avion russe. Comment est‑ce perçu? La Russie a indiqué que c'était un point de rupture, ou plutôt une atteinte à notre relation. Quelle pourrait être sa réaction selon vous?
(1130)
    C'est une conjoncture dangereuse. Je me souviens très bien qu'au moment de l'invasion, en février de l'année dernière, je me suis demandé si les sociétés occidentales qui ont des activités en Russie seraient punies. Il n'a pas fallu longtemps à la Russie pour saisir tous les avions appartenant à des intérêts occidentaux qui étaient loués à la Russie et qui s'y trouvaient à ce moment. C'est une prérogative que peut s'arroger un pays peu soucieux des règles, des accords et des protocoles internationaux.
    Comme vous l'avez mentionné, le Canada a saisi un avion russe dans le cadre de ses sanctions et pour des motifs légitimes. Toutefois, le Canada est un pays qui respecte les règles, les règlements et la lettre de la loi. S'il saisit un avion, il le fera pour des motifs légitimes, mais la Russie n'obéit pas aux mêmes règles.
    Si j'étais une société canadienne, j'aurais peur de devenir la cible de la colère et des représailles de la Russie, qui pourrait imiter la Chine et riposter aux actions des gouvernements occidentaux en s'en prenant aléatoirement à des sociétés occidentales.
    Merci.
    La question suivante s'adresse à M. Astapenka.
    Pouvez-vous nous indiquer où se trouvent les chaînons manquants dans les régimes mondiaux de sanctions? Des pays voisins se sont acoquinés avec la Russie pour contourner… Ils élargissent leurs relations et leurs échanges commerciaux avec elle. Que faudra‑t‑il faire de plus? Devons-nous axer nos efforts sur les pays neutres comme l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, ou plutôt intensifier les pressions sur les États qui ont des échanges commerciaux actifs avec la Russie?
    Nous ne vous entendons pas, monsieur Astapenka. Pouvez-vous vérifier si vous êtes en mode sourdine?
    Je suis désolé. J'ai manqué la première partie de la question en raison de difficultés techniques avec ma connexion. Je crois que vous m'avez demandé où les efforts doivent être dirigés, vers quels pays, pour contrer les stratagèmes de contournement des sanctions.
    Est‑ce que j'ai bien compris?
    Oui, tout à fait.
    Existe‑t‑il des lacunes, ou est‑ce qu'il manque quelque chose dans les sanctions internationales?
    Oui, les lacunes sont nombreuses, évidemment.
    Je dois préciser que le régime Loukachenko survit à ce niveau de sanctions depuis le début du siècle. Ces gens ont leur propre savoir-faire, pour ainsi dire. Ils savent beaucoup mieux que nous comment éviter les sanctions, y compris pour les opérations spéciales menées concernant les produits russes. Il a suffi de changer les codes de différents produits pétroliers provenant de Russie pour éviter de verser l'argent au budget russe et de le garder pour eux.
    Ils savent monter des stratagèmes et ils sont prêts à le faire à peu près n'importe où, bien qu'ils commencent normalement par les voisins, avec qui ils partagent la langue, comme le russe… Aux premiers rangs, il y a les pays de l'ancienne Union soviétique et les sociétés de ces pays, mais à l'échelle mondiale et avec la mondialisation du commerce, on peut imaginer qu'ils ont des sociétés spécialisées…
    Je suis désolé, mais le temps est passablement dépassé, monsieur Astapenka. Vous pourrez poursuivre sur ce thème en répondant à une question connexe.
    Oui, d'accord.
    De telles opérations sont certainement menées partout dans le monde.
    Merci pour vos éclairages.
    Nous passons maintenant à M. Champoux.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je veux à mon tour remercier les témoins, Mme Braw et M. Astapenka, d'être des nôtres aujourd'hui. J'espère qu'ils peuvent entendre convenablement l'interprétation en anglais. Mes questions seront en français, évidemment.
    Madame Braw, vous avez expliqué par le passé que, pour saisir des avoirs, plutôt que de les geler, il fallait qu'un lien avec la criminalité ait été établi. Vous avez laissé entendre que le fait de saisir des actifs russes sans qu'il y ait une preuve de criminalité aurait pour effet, comme précisé un peu plus tôt, de priver des entreprises occidentales et des particuliers à l'étranger de la protection juridique que les gouvernements occidentaux se sont laborieusement employés à faire adopter par les autres gouvernements au cours des dernières années.
     La question est de savoir comment structurer les autorités chargées de la saisie et de la confiscation d'avoirs de façon à pouvoir répondre à ces préoccupations.
(1135)

[Traduction]

    C'est une question centrale, qui porte sur ce que nous pouvons faire pour soutenir la reconstruction de l'Ukraine et assurer en même temps son bon fonctionnement.
    Pour ce qui a trait à l'État russe et au gel d'actifs privés par l'Occident, je dirais que c'est une mesure facile à prendre. Elle fait partie du programme de sanctions. Pour geler des actifs, aucun lien avec la criminalité n'est requis, mais pour les saisir, les autorités doivent réunir une preuve raisonnable d'activité criminelle. C'est le grand défi.
    Si nous, les pays occidentaux qui avons actuellement la possibilité de geler des actifs russes, déclarons que nous avons ces actifs et que nous allons les saisir pour reconstruire l'Ukraine, nous allons exposer nos sociétés qui ont des activités ailleurs dans le monde à un immense péril. Les autres pays risquent de nous dire que si nous ne respectons pas la primauté du droit, alors eux non plus ne la respecteront pas, et que si nous faisons quelque chose qui leur déplaît, ils vont geler les actifs de nos sociétés et les saisir sur‑le‑champ. Nous nous retrouverions alors dans un cul‑de‑sac. La mondialisation de l'économie repose sur la primauté du droit. Même si d'autres pays ne sont pas très scrupuleux pour ce qui concerne la primauté du droit, nous ne pouvons pas nous y soustraire. C'est notre plus grand avantage, et c'est un des grands avantages qui rendent nos pays attrayants pour l'exploitation d'une entreprise.
    La criminalité étant un aspect tellement répandu du comportement russe, notamment dans les domaines des finances et du commerce, les autorités occidentales ont beau jeu de multiplier les enquêtes sur les activités menées en Russie afin de saisir des actifs russes gelés. La Guardia di Finanza italienne fait un travail remarquable en ce sens. Je pense que d'autres pays pourraient s'en inspirer.
    Nous ne pourrons pas saisir des sommes énormes en menant des enquêtes criminelles, mais nous pourrons saisir plus d'actifs que nous l'avons fait jusqu'ici tout en respectant la primauté du droit.

[Français]

     Merci.
    Monsieur Astapenka, tout à l'heure, vous avez parlé de l'absence de coordination qui peut, de votre point de vue, effectivement poser problème. Vous êtes, je pense, assez bien placé pour observer les conséquences actuelles des sanctions du Canada, mais aussi des autres pays, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Avez-vous l'impression que le manque de coordination entre les différentes nations, et peut-être quelques autres maladresses dues à ce dernier, font que les sanctions sont peu efficaces, voire pas du tout dans certains cas?

[Traduction]

    Tout à fait. Comme vous l'avez dit, les décisions concernant la Russie et le Bélarus ne vont pas toujours dans le même sens. Des pays ont pris des mesures supplémentaires contre la Russie, alors que d'autres en ont pris une ou deux de plus contre le Bélarus. De manière générale, le régime manque de coordination.
    Vous savez peut-être que la Russie et le Bélarus ont créé une zone économique commune, ou une union douanière, et que les produits circulent donc librement entre les deux pays. Il n'y a pas de contrôles douaniers entre le Bélarus et la Russie. Si on interdit la livraison d'un produit à la Russie, mais pas au Bélarus, on laisse un trou béant… Tout produit qui entre au Bélarus peut se retrouver en Russie.
    C'est ce que nous surveillons. C'est cela que nous observons actuellement. Il faut absolument resserrer la coordination entre ceux qui imposent des sanctions.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Astapenka.

[Traduction]

    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme McPherson.
    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     J'aimerais remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui. Nous tentons de recueillir de très importants renseignements.
     Ma première question s'adresse à M. Astapenka.
     Vous venez de parler du régime des sanctions avec mon collègue et des différences entre les sanctions imposées au Bélarus et à la Russie. Vous avez mentionné que la Russie et le Bélarus sont liés, mais que le régime de sanctions n'est pas coordonné. Pourriez-vous nous décrire ce que serait le résultat de l'élimination de ces échappatoires? Quelles sont les échappatoires? Qui devrait figurer sur cette liste? Quelles formes devraient prendre les sanctions contre le gouvernement bélarussien pour empêcher plus efficacement les produits d'entrer en Russie?
(1140)
    C'est une question technique à laquelle je pourrai difficilement répondre de façon très détaillée.
     En général, il s'agit de produits à double usage. Après le début de cette guerre, l'Union européenne et les États-Unis ont interdit que de nombreux produits à double usage soient fournis à la Russie, mais ces décisions ne s'appliquaient pas au Bélarus. Selon les renseignements que nous détenons, des micropuces, certains appareils électroniques, des appareils radio ou des pièces de rechange pour produire de l'équipement militaire ont été livrés au Bélarus pour ensuite se retrouver en Russie. C'est l'aspect le plus préoccupant.
     À titre d'information — c'est du domaine public —, l'Union européenne a déjà préparé une autre série de sanctions spécialement axée sur cette pratique de partage. Malheureusement, ces sanctions sont à l'étude depuis janvier, mais aucune décision n'a encore été prise.
    J'espère que tous les pays s'entendront sur ce que devraient être ces sanctions afin de les rendre plus efficaces. Je crois que ce que nos témoins nous ont clairement dit, comme vous l'avez fait, c'est que les sanctions fonctionnent beaucoup mieux lorsqu'elles sont globales et collectives.
     Madame Braw, je vous remercie beaucoup d'avoir partagé votre expertise avec nous. L'information que vous avez présentée m'a certainement permis d'apprendre beaucoup de choses sur ces sanctions, notamment que les pays analysent les coûts et les avantages et jugent qu'il est plus intéressant de continuer, car les conséquences ne sont pas suffisamment importantes.
     Comment pourrions-nous rendre les sanctions les plus efficaces? Quels pays pourraient nous offrir des exemples de ce qu'il faut faire pour qu'elles aient les coûts les plus élevés possible? Faut‑il examiner la guerre en zone grise ou d'autres choses dont vous pourriez peut-être nous parler?
    L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement russe n'a pas jugé que les sanctions occidentales étaient particulièrement coûteuses, c'est qu'elles étaient prévisibles. Les Russes pouvaient assez facilement prévoir quelles sanctions seraient imposées par l'Occident en réponse à l'invasion.
     Je crois que l'un des éléments clés d'une dissuasion efficace est l'effet de surprise. Thomas Schelling a reçu le prix Nobel d'économie pour ses recherches sur la théorie de la dissuasion. Je ne prétends pas être le premier à parler de l'effet de surprise, mais c'est un élément clé.
    En Occident, nous aimons faire les choses de manière ordonnée, et évidemment, lorsque plusieurs pays doivent s'entendre sur quelque chose, on ne peut pas être particulièrement impulsif ou innovateur. Par contre, si la partie à sanctionner n'a aucune idée et est incapable de prévoir ce que seront les sanctions ou les personnes visées, l'appréhension qui en découle a elle-même un effet dissuasif. Cela inclut non seulement des sanctions économiques, mais aussi des sanctions personnelles.
     Il devrait être question de sanctions personnelles contre les décideurs eux-mêmes, mais aussi contre leurs familles. C'est quelque chose que nous, Occidentaux, avons été réticents à faire parce que nous ne voulons pas punir les enfants pour les décisions prises par leurs pères, mais je crois que c'est ce que nous devons envisager, non seulement alors que la guerre que nous tentions d'empêcher est déjà bien engagée, mais aussi parce que c'est un moyen de dissuasion.
     Par exemple, que serait‑il arrivé si nous avions immédiatement sanctionné la maîtresse de Poutine et ses deux enfants, avant la guerre, alors que nous voulions dissuader la Russie d'envahir? Que serait‑il arrivé si nous avions sanctionné les enfants de divers hauts fonctionnaires russes qui vivent au Royaume-Uni, au Canada ou aux États-Unis et y mènent une belle vie? Certes, ce n'était pas leur faute si la Russie se préparait à envahir l'Ukraine, mais ils profitaient de notre hospitalité. Je crois que tous les parents savent que l'amour d'un parent pour ses enfants est plus fort que son amour pour lui-même, en fait tout le monde le sait. Si la Russie ou d'autres décideurs craignent que leurs enfants perdent leur droit de vivre, de travailler et de profiter de la vie en Occident s'ils font quelque chose qui sera condamné par l'Occident, je crois qu'il s'agirait d'une utilisation efficace des sanctions.
     Ce ne sont pas tous les enfants...
(1145)
    Je crains que vous n'ayez plus de temps, madame Braw. Nous devons passer au prochain intervenant et à ses questions.
     La parole est maintenant à M. Genuis.
    Vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier nos deux témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je crois qu'il est très utile d'approfondir ce qui se passe au Bélarus.
     Je tiens en particulier à vous remercier, monsieur Astapenka, de votre témoignage ainsi que pour votre travail et vos sacrifices. J'ai lu un peu sur votre parcours et j'ai constaté que vous avez également été personnellement ciblé. Je tiens à saluer votre courage et à vous dire que j'ai eu l'occasion de rencontrer, ici à Ottawa, Mme Tsikhanouskaya. J'admire énormément son incroyable leadership et son courage.
     Aujourd'hui, nous nous concentrons sur les sanctions, mais j'aimerais vous donner l'occasion d'expliquer un peu ce que vous pensez que le Canada peut faire pour soutenir positivement le peuple bélarussien et l'opposition bélarussienne. En plus d'imposer des sanctions sévères et cohérentes au régime actuel, comment pouvons-nous aider votre mouvement de lutte pour la liberté et la justice?
    Je vous remercie de vos bons mots et de votre question.
     Je vais essayer de répondre brièvement. Nous avons différentes stratégies et, comme je l'ai déjà dit, les sanctions déjà imposées n'ont pas fait bouger Loukachenko. Il semble maintenant qu'il va rester en place aussi longtemps qu'il le pourra, car c'est ce qui semble important pour lui.
     Sur le plan politique, je vais rapidement répondre à votre question. Puisque Loukachenko n'a aucune légitimité, il devrait y avoir quelqu'un qui peut légitimement représenter le peuple du Bélarus. Pour le moment, nous croyons que cette personne est Mme Tsikhanouskaya. Elle s'est présentée aux élections et nous pensons qu'elle les a remportées, et elle a fondé l'United Transitional Cabinet of Belarus.
     C'est un enjeu important et la communauté internationale doit réfléchir à sa façon de traiter avec ce cabinet, de le reconnaître et de valider son existence. Nous sommes vraiment ouverts à toute collaboration que nous pourrions avoir avec différents pays. Si le Canada assume un rôle de leader à cet égard, nous collaborerons avec plaisir.
    Essentiellement, vous souhaitez que d'autres pays reconnaissent que la personne qui a remporté l'élection est la présidente légitime et tout ce qui en découlerait logiquement.
    Comme vous le savez peut-être, pour l'instant, la situation actuelle est que les élections n'ont pas été reconnues comme étant légales, contraignantes et obligatoires. Ces élections n'ont aucun résultat officiel reconnu. Il est donc question de la reconnaissance de Mme Tsikhanouskaya.
    Exactement. Je suis d'accord avec vous pour ce qui est de la personne qui a clairement reçu l'appui de la population et qui a obtenu le plus de votes.
     Si vous avez un instant, pourriez-vous nous parler des récentes sanctions adoptées par le Royaume-Uni et nous expliquer comment le Canada pourrait renforcer ses sanctions pour s'aligner sur le renforcement des sanctions au Royaume-Uni?
    Brièvement, c'est exactement ce à quoi nous nous attendions puisque ce renforcement vise à harmoniser et à coordonner le régime avec les sanctions imposées à la Russie. Nous nous attendons à ce que l'Union européenne emboîte le pas et que le Canada et les États-Unis appuient cette approche.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Bendayan.
     Vous avez trois minutes madame Bendayan.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous nos témoins d'être ici.
     De toute évidence, la situation politique au Bélarus préoccupe notre gouvernement et les Canadiens. En plus des problèmes que nous avons constatés lors des dernières élections, il y a aussi le fait que Poutine considère le Bélarus comme une zone frontalière ou peut-être même comme une zone tampon contre l'OTAN. Poutine n'a jamais caché que la Russie avait l'intention d'intégrer davantage le Bélarus dans sa sphère d'influence et peut-être même d'intégrer complètement le Bélarus à la Russie.
     J'aimerais savoir si vous pourriez nous en dire un peu plus sur le rôle que le Canada et d'autres alliés de l'OTAN pourraient jouer pour promouvoir davantage la démocratie au Bélarus puisque le peuple bélarussien réclame des élections libres et équitables.
(1150)
    Merci beaucoup.
     Il ne s'agit pas de la politique de sanctions; il y a eu une grève, mais je suis vraiment heureux d'avoir la possibilité d'en parler.
     Nous croyons que Loukachenko a transformé le pays en camp de concentration. Dans un des rapports préparés par des organisations de défense des droits de la personne, on parlait d'une « prison en plein air ». Il est vraiment difficile pour les gens qui vivent actuellement au Bélarus de faire valoir un point de vue différent ou quelque chose que Loukachenko n'aime pas. Ajouter à cela le fait que Poutine est entré au Bélarus avec des troupes, des chars d'assaut, des roquettes et des avions pour lancer son offensive contre l'Ukraine. Nous croyons que dans ces circonstances, le Bélarus pourrait, et devrait peut-être, être considéré comme un territoire occupé dans lequel le peuple ne peut vraiment pas décider de son destin.
     Bien sûr, je dois mentionner — et j'aurais dû le faire plus tôt — il y a eu récemment un déploiement d'armes nucléaires tactiques. Loukachenko prétend qu'il en est responsable, mais c'est fait par Poutine. Ils ont assuré que les armes nucléaires seraient livrées le 8 juillet. À tout le moins, cette décision représente un facteur très dangereux pour la sécurité régionale et elle compromet évidemment le traité de non-prolifération ainsi que toutes les obligations dans ce domaine.
     Nous pensons qu'une telle situation pourrait entraîner une réaction très concrète et forte de la part de l'Occident, et qu'il faudra peut-être planifier des sanctions particulières si elle se concrétise.
    S'il reste du temps, j'aimerais céder la parole à mon collègue, M. Zuberi.
    Non, il ne reste que sept secondes. Il est le troisième intervenant.
     Nous passons maintenant à M. Champoux, pour trois minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame Braw, vous avez fait remarquer devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international que l'application de la loi de Magnitski a été fortement axée sur la Russie et, dans certains cas, sur la Chine, alors qu'il n'y a presque pas eu de cas d'imposition de sanctions en vertu de cette loi à des représentants d'États de l'Asie du Sud-Est, par exemple.
     Vous avez plaidé en faveur de l'application de la loi de Magnitski à tous les pays où des représentants de l'État violent les droits de leurs propres citoyens. À ce jour, est-ce que des considérations politiques, géopolitiques ou commerciales ont influencé l'application de ce type de sanctions par le Canada? Avez-vous des exemples ou des explications à nous donner à ce sujet?

[Traduction]

    Oui, je me souviens de cette réunion. Je suis ravie que vous ayez parlé des sanctions Magnitski.
     Encore une fois, si nous considérons les endroits où les sanctions Magnitski ont été appliquées jusqu'à maintenant, comme nous en avons discuté lors de la réunion précédente, nous constatons que ce sont essentiellement les pays ennemis de l'Occident. C'est très bien. Les pays occidentaux ont le droit d'imposer les sanctions Magnitski comme bon leur semble.
     Ma préoccupation est que si la perception est que les sanctions — particulièrement, les sanctions Magnitski — sont principalement imposées à des pays ennemis de l'Occident, ces sanctions, qui sont vraiment très importantes, seront discréditées et elles perdront ainsi une partie de leur efficacité. Elles seront perçues comme un outil au service des puissances occidentales, et non comme un moyen de promouvoir la démocratie et la primauté du droit dans des pays où la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit sont violés. Je crois que c'est là où nous en sommes aujourd'hui.
     C'est, je réalise...
    Madame Braw, je suis vraiment désolé. J'ai bien peur que le temps soit écoulé.
     Nous devons passer à notre prochain intervenant.
     Madame McPherson, vous avez une minute et demie.
    Merci beaucoup.
     Madame Braw, nous vous interrompons sans cesse, et j'ai donc l'impression que nous devons vous laisser terminer certaines de vos réponses.
     Si vous pouviez aussi parler d'un autre point, car la dernière fois que je vous ai posé des questions, vous avez dit que c'est la nature imprévisible des sanctions qui les rend plus efficaces. Évidemment, en tant que membre de l'opposition, mon travail est de demander des comptes au gouvernement, et c'est pourquoi nous voulons comprendre les raisons pour lesquelles le gouvernement impose des sanctions.
     Il faut qu'il y ait de l'imprévisibilité pour que les sanctions soient efficaces, mais il faut aussi une certaine transparence, peut-être après coup, pour que nous puissions comprendre pourquoi ces décisions sont prises. Comment pouvons-nous équilibrer ces aspects?
(1155)
    C'est une excellente question parce qu'elle porte aussi sur le moment où les sanctions sont imposées. Pour être imprévisibles, les sanctions doivent se produire assez rapidement pour surprendre l'autre partie.
     Je me suis demandée — je n'ai vu cela nulle part — s'il serait possible de créer un organisme consultatif regroupant des représentants du gouvernement et des parlementaires de tous les partis. Ces personnes formeraient l'instance qui approuverait des sanctions qui pourraient ensuite être imposées rapidement.
     Je ne crois pas qu'un tel organisme devrait avoir un droit de veto à l'égard des sanctions, mais il devrait être impliqué de manière à ce qu'il n'y ait aucune surprise lorsque des sanctions sont imposées, en particulier si cela se fait très rapidement. C'est un aspect important, surtout si les sanctions visent des personnes qui n'ont pas participé aux actions agressives que nous essayons de dissuader ou de punir, notamment les enfants des hauts dirigeants. Cependant, si un tel organisme consultatif existait, un organe consultatif auquel participeraient le gouvernement et le Parlement, je crois que cela permettrait d'assurer une certaine surveillance et d'apporter une légitimité à ces décisions.
    On pourrait aussi penser qu'après avoir été inscrit sur la liste...
    Madame McPherson, votre temps est écoulé. Merci.
    Monsieur Epp, vous avez trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais poursuivre sur le même sujet.
     Un peu plus tôt, vous avez souligné l'importance de la primauté du droit dans l'application des sanctions, notamment en ce qui concerne le gel ou la saisie de biens. Vous avez parlé de la possibilité d'imposer des sanctions aux enfants de personnes déjà visées en raison de leur participation directe. Dans ce cas, y a‑t‑il un risque que la primauté du droit soit interprétée comme dépassant sa portée?
    C'est un excellent point, et c'est pourquoi je pense que les sanctions contre les enfants des hauts dirigeants, en particulier les enfants qui ne sont pas eux-mêmes impliqués dans les actes d'agression, devraient être limitées aux interdictions de visa et de voyage. Il ne faut pas oublier que les visas ne sont pas accordés à tous. Je sais par expérience... Je crois que tous les membres du Comité ont, à un moment ou à un autre de leur vie, demandé un visa et qu'ils ont dû attendre impatiemment pour savoir si ce visa leur serait accordé, peu importe le pays. Personne n'a le droit absolu d'obtenir un visa pour un pays ou un autre, et c'est pourquoi je suis d'avis qu'il s'agit d'un outil parfait pour les pays qui veulent imposer des sanctions à d'autres pays. Ils peuvent décider de ne pas accorder de visas, car ils n'ont pas l'obligation de le faire.
     La Suisse nous a offert un bon exemple en 2009 lorsque Hannibal Kadhafi, l'un des fils du colonel Kadhafi, a agressé plusieurs employés d'un luxueux hôtel. La Suisse a arrêté Hannibal Kadhafi, et le colonel Kadhafi a répondu en s'emparant de deux hommes d'affaires suisses qui se trouvaient en Libye, s'engageant ainsi dans une diplomatie des otages. Comment la Suisse a‑t‑elle réagi? Rapidement, elle a suspendu tous les visas libyens à destination de la Suisse, et cette mesure a eu un effet incroyable. Peu de temps après, les deux hommes d'affaires ont été libérés. Je crois que c'est un excellent exemple de ce qui peut être fait.
    Madame Braw, nous avons quelques difficultés techniques.
     Je suis désolé. Je pense que nous allons devoir conclure ce premier tour.
     Je m'excuse auprès de M. Zuberi et de M. Epp d'avoir perdu une minute.
     Madame Braw et monsieur Astapenka, je vous remercie de nous avoir accordé votre temps et d'avoir partagé vos connaissances et votre expertise. Vos témoignages se sont révélés très utiles, et nous vous en sommes très reconnaissants. En particulier, monsieur Astapenka, soyez assuré que notre gouvernement et les Canadiens en général vous sont très reconnaissants de vos efforts, et que vous pouvez toujours compter sur notre bonne volonté.
     Merci.
     Nous allons maintenant suspendre la séance pour environ cinq minutes.
(1155)

(1210)
    Bon retour à tous.
     Nous reprenons maintenant nos travaux et nous commençons notre deuxième heure.
    Monsieur le président, je veux invoquer le Règlement avant que nous commencions.
    Oui, monsieur Genuis.
    Monsieur le président, j'ai raté la fin de la dernière réunion. Je remarque que le procès-verbal du Comité mentionne qu'une conférence de presse sur l'une des études aura lieu lundi à 16 heures. Pour ce que cela vaut, je me demande s'il est vraiment logique de déposer un rapport cette semaine et de tenir une conférence de presse la semaine prochaine. Si c'est inscrit dans le procès-verbal, c'est inscrit dans le procès-verbal, mais je dirais simplement que s'il doit y avoir une conférence de presse, il faut respecter ce qui a été convenu. Si on s'en écarte, on fera quelque chose qui n'a pas été convenu.
    Je tiens à vous dire, monsieur Genuis, que vous avez tout à fait raison. Nous avions convenu que ce serait lundi. Les députés préféraient le mardi, mais puisque vous insistez pour que ce soit lundi, elle aura lieu à 16 heures lundi.
    Oui. De plus, je ne sais pas si d'autres membres y ont pensé — encore une fois, je n'étais pas ici —, mais je ne comprends pas la logique de déposer un rapport cette semaine et de tenir une conférence de presse la semaine prochaine.
    Le président: C'est ce que nous avons déjà convenu.
     M. Garnett Genuis: Je suppose que tout le monde aura déjà donné son avis de toute façon.
    Oui, monsieur Hoback.
    Monsieur le président, nous avons procédé assez rapidement à la toute fin de la réunion de lundi. Ce que j'ai compris, c'est que nous parlions d'un « communiqué de presse », ce qui est une pratique courante du Comité.
    Non, c'était une partie. Il a ensuite été question de la conférence de presse.
    Je n'avais pas compris qu'il y aurait une conférence de presse. J'ai supposé qu'il n'y aurait qu'un communiqué de presse, ce qui est habituel dans le fonctionnement d'un comité. Je suppose que c'est la raison pour laquelle j'ai voté comme je l'ai fait. Je ne pensais pas qu'il y aurait un problème puisque j'avais l'impression que nous parlions d'un communiqué de presse. Maintenant qu'il s'agit d'une conférence de presse, cela entraîne quelques difficultés concernant la Chambre et la séance de la Chambre. Tout change tellement rapidement à l'heure actuelle. Comment pouvons-nous faire cela, surtout la semaine prochaine, sachant que cette semaine sera très chargée?
     Je ne suis pas certain que c'est une bonne idée de faire cette conférence de presse. Il vaudrait peut-être mieux ne publier qu'un communiqué de presse. Vous allez le présenter aujourd'hui, je crois, et publier un communiqué de presse aujourd'hui ou demain.
    Ce n'est pas ce que j'ai compris.
     Madame McPherson, vouliez-vous ajouter quelque chose?
    Je n'ai pas levé la main, mais je suis tout à fait à l'aise avec l'idée de tenir une conférence de presse. Je crois qu'il est important que nous ayons cette possibilité. Franchement, nous ne pouvons pas vraiment cesser de faire notre travail en tant que parlementaires en raison des remous qu'il y a parfois à la Chambre. Je crois que nous devons en être conscients et trouver comment travailler malgré tout.
    Oui, monsieur Oliphant.
    J'invoque le Règlement. Avons-nous terminé avec ce point?
    Je crois que oui.
    C'est un sujet plus réjouissant.
     J'ai l'habitude de recevoir à mon bureau des stagiaires de diverses missions à Ottawa pour une journée afin qu'ils puissent observer ce que nous faisons en tant que parlementaires. J'aimerais vous présenter Ines Serghini, de l'ambassade du Maroc, qui m'accompagne aujourd'hui et qui regarde comment nous travaillons. Nous avons d'excellentes relations bilatérales avec le Maroc, et nous devrions nous comporter de manière exemplaire, tout comme elle le fait.
    Bienvenue. Nous sommes très heureux de vous accueillir.
     Monsieur Oliphant, permettez-moi de vous remercier également pour votre mentorat.
    Nous allons maintenant revenir à...
    Monsieur le président?
    Le président: Oui, monsieur Hoback.
     M. Randy Hoback: Pour revenir sur la conférence de presse de lundi. Allez-vous nous remettre au préalable le texte de ce qui sera dit à la conférence de presse, ou une liste des intervenants?
    Il y aura un communiqué de presse, qui sera rédigé par la greffière.
    D'accord, mais pour ce qui est de la conférence de presse, que se passera‑t‑il exactement?
    Je ne crois pas qu'il y a un programme précis.
    M. Randy Hoback: Quelles sont les exigences auxquelles tous les députés peuvent s'attendre?
    Le président: Je peux vous assurer, monsieur Hoback, qu'il n'y a pas de texte rédigé à l'avance, mais il ne peut y avoir que 10 personnes dans la salle. Je propose donc que chaque parti nomme un représentant ou peut-être au plus deux. Cette salle ne peut pas accueillir plus de 10 personnes.
(1215)
    D'accord. Dans ce cas, avez-vous une liste des personnes qui vont prendre la parole, l'ordre des interventions et des renseignements de ce genre?
    Ce sera une personne par parti.
    D'accord. Avez-vous l'ordre des interventions?
    Vous pouvez proposer la personne que vous souhaitez voir prendre la parole.
    D'accord, alors allons-nous parler pendant une minute, deux minutes, cinq minutes ou 20 minutes?
    Cela dépend du nombre de questions qui seront posées.
    D'accord, alors s'il y a un point de presse, qui répondra aux questions?
    Chaque parti aura cinq minutes et il y aura ensuite une période de questions de 30 minutes pour les médias.
    Si la dernière conférence de presse est un précédent, il y aura un débat vigoureux et chaotique. C'est pourquoi ces choses semblent être moins populaires, mais c'est ainsi.
    Je me demande qui va l'animer.
    Cette décision ne nous appartient pas; nous nous en remettons à la Tribune de la presse.
     Nous commençons maintenant la deuxième heure de notre étude sur le régime de sanctions.
     Je m'excuse auprès de nos deux témoins, qui sont avec nous par Zoom. Nous sommes très heureux d'accueillir le professeur M. Michael Nesbitt, de l'Université de Calgary, ainsi que Mme Amanda Strayer, avocate superviseure chez Human Rights First.
     Je vous remercie beaucoup de vous joindre à nous aujourd'hui. Vous aurez cinq minutes chacun pour faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
     Je vous invite à bien regarder l'écran. Lorsque le temps dont vous disposez pour faire votre déclaration préliminaire ou répondre aux questions des membres du Comité sera presque écoulé, je vais vous faire un signe qui vous informera qu'il vous reste 10 secondes pour conclure. Veuillez donc surveiller attentivement votre écran.
     Cela dit, monsieur Nesbitt, vous serez le premier à prendre la parole. Vous avez cinq minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Vous avez la parole.
     Merci à tout le monde. C'est un grand plaisir d'être ici. C'est toujours un honneur de se présenter devant un comité permanent de la Chambre des communes.
     Je remercie également tous ceux qui travaillent dans l'ombre pour que cela se produise. Je sais qu'il y a beaucoup de travail pour Zoom et pour que toutes ces réunions aient lieu. Je suis sûr que tout le monde en est énormément reconnaissant.
     Je commencerai par dire que je suis universitaire dans le domaine du droit pénal et de la sécurité nationale, où j'étudie également les sanctions autonomes, mais j'ai eu l'occasion de travailler sur le terrain en tant qu'ancien diplomate d'Affaires mondiales Canada sur le plan juridique et j'ai travaillé aux sanctions contre l'Iran et la Syrie. Compte tenu de mes antécédents, l'essentiel de mes observations d'aujourd'hui portera sur les régimes de sanctions pertinents d'un point de vue pratique, juridique et en particulier, celui de l'application du droit pénal.
     Sur ce, permettez-moi de vous raconter brièvement l'histoire de l'application de sanctions autonomes au Canada. Au Canada, les grands acteurs privés, bons et responsables, tels que les grandes institutions financières, sont principalement, voire presque exclusivement, responsables de l'application de nos sanctions autonomes, le corollaire étant qu'il y a peu de transparence quant à la manière dont cela se passe. Du côté du gouvernement, l'application et la punition sont presque totalement absentes.
     Comment le sais‑je? Comment le savons-nous? Nous savons publiquement que nous n'avons jamais inculpé une personne au titre de la loi de Magnitski pour violation des sanctions. Depuis plus de 30 ans que la LMES, la Loi sur les mesures économiques spéciales, a été introduite pour la première fois, nous avons, d'après mes calculs, inculpé une personne et une entreprise pour des violations. L'accusation portée contre la personne s'est effondrée presque avant même d'avoir commencé. L'accusation portée contre l'entreprise a abouti à une entente sur plaidoyer, ce qui, à mon avis, témoigne d'un manque de compréhension du régime dans son ensemble.
    En vertu de la Loi sur les Nations unies, les règlements relatifs à la Libye et à M. Kadhafi font aujourd'hui les manchettes du Globe and Mail, bien sûr. De même, à ma connaissance, nous n'avons engagé qu'une seule poursuite au cours de plusieurs décennies de régimes propres à divers pays.
    Notez que nous avons eu des dizaines de milliers de sanctions au titre de la LMES, de la loi de Magnitski et des divers régimes relevant de la Loi sur les Nations unies. Il y a des centaines de millions ou plus d'actifs gelés. Les agences américaines critiquent le manque d'application de la loi, et des organisations internationales respectées critiquent également l'incapacité du Canada à endiguer les activités de blanchiment d'argent et de violation des sanctions.
     J'ajouterai que de temps à autre, environ tous les six mois, nous voyons un Canadien arrêté aux États-Unis pour avoir contourné les sanctions, et les détails de cette arrestation semblent souvent indiquer que le Canada, lui aussi, aurait très bien pu appliquer les sanctions au titre de nos lois. À l'heure actuelle, les États-Unis semblent sévir plus que nous en punissant les violations de sanction sur leur territoire.
     Cette absence d'application contrevient à la primauté du droit. Elle envoie un message à ceux qui voudraient enfreindre les sanctions, à savoir que nous sommes prêts à faire des affaires à peu de frais, et elle envoie un message aux alliés comme les États-Unis, à savoir que nous ne sommes pas un partenaire sérieux dans ce dossier.
     Pour commencer, je vais vous donner trois recommandations très pratiques sur la manière de commencer à remédier à notre problème d'application.
     Premièrement, nous avons besoin d'une révision complète du régime législatif relatif aux sanctions autonomes, en mettant l'accent sur le droit national et l'application nationale. Dans le passé, ce dossier a été dirigé par Affaires mondiales dans une optique de droit international. Je ne nie pas que le droit international peut jouer un rôle, bien que modeste, de nos jours, en particulier en ce qui concerne l'application, mais il s'agit avant tout d'un problème d'application des lois canadiennes, d'un problème de droit pénal ou civil national, je dirais, et il devrait être et sera réglé par les tribunaux nationaux appliquant les lois du pays.
     Pour ne citer qu'un exemple de changement juridique possible, à mon avis, il n'existe aucune raison juridique, nationale ou internationale, qui nous empêcherait de modifier la LMES et la loi de Magnitski, et peut-être la Loi sur les Nations unies, afin de donner le pouvoir de dresser une liste des transbordeurs connus et autres. Pour être tout à fait clair, notre régime nous permet déjà d'arrêter les transbordeurs. Ce ne serait donc pas un changement sur le plan de l'application, mais simplement un changement quant aux personnes que nous inscrivons sur la liste. Si nous n'avons pas le courage de nous attaquer aux transbordeurs connus des pays ciblés, c'est une décision politique et ça doit l'être, mais celle‑ci doit être prise en toute connaissance de cause.
     Deuxièmement, nous avons besoin d'un régime de sanctions civiles prévoyant des amendes nettement plus élevées pour coïncider avec les dispositions de gel et de saisie que nous avons vues récemment. Dans le cadre d'un régime pénal strict, tel qu'il existe, nous nous heurterons à ce que nous appelons dans le domaine de la sécurité nationale le « dilemme du renseignement à la preuve », si ce n'est pas déjà le cas, et je dirais que c'est probablement la raison de l'échec de notre dernier cas de sanctions.
(1220)
     L'application des lois pénales aux entreprises — comme nous l'avons vu lors de notre seule action de répression contre une entreprise dans l'histoire de ces dossiers — se fait déjà au moyen d'amendes, mais des amendes modestes. Un régime civil permettrait d'infliger des amendes plus élevées, ce qui aurait un effet plus dissuasif et présenterait l'avantage d'éviter certains des aspects gênants de notre régime pénal sur le plan de la divulgation et la norme élevée de preuve dans les procès criminels.
     Enfin, je pense que nous devons réfléchir différemment à la manière dont le dossier du régime des sanctions autonomes est géré au sein du gouvernement. À l'heure actuelle, nos examens des sanctions autonomes semblent limités par l'hypothèse selon laquelle Affaires mondiales Canada devrait continuer à être le seul organe responsable du dossier et, en général, l'argent suit. Il est temps de remettre en question cette hypothèse. L'ASFC a besoin d'argent et de la possibilité de rénover son travail sur les sanctions. Il en va de même pour la GRC. Le SCRS et le CANAFE devraient avoir davantage de pouvoirs en matière de participation et de partage de renseignements. Il en va peut-être de même pour le Centre canadien pour la cybersécurité et le Conseil du Trésor.
     De même, on oublie souvent que c'est le Service des poursuites pénales du Canada qui, en fin de compte, poursuivra ces infractions, et pourtant, pour parler franchement, il n'a pas d'expertise interne. Nous n'avons vu aucun engagement en matière de ressources financières ou humaines...
    Monsieur Nesbitt, je crains que vous ne dépassiez considérablement le temps imparti.
    M. Michael Nesbitt: Je m'excuse.
     Le président: Si vous pouviez inclure toutes ces observations dans vos réponses aux questions qui suivront sous peu, je vous en serais très reconnaissant.
     Madame Strayer, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. La parole est à vous.
    Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui sur les sanctions Magnitski.
     Human Rights First est un organisme de pression indépendant à but non lucratif qui se consacre à la promotion et à la protection des droits de la personne et qui exhorte les États-Unis à jouer un rôle de premier plan dans cet effort, à la fois chez eux et dans le monde entier.
     Au cours des six dernières années, Human Rights First a mis en place une coalition mondiale de 300 groupes de la société civile pour défendre l'utilisation de sanctions ciblées en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption, à la fois aux États-Unis et dans d'autres pays dotés de programmes de sanctions de type Magnitski. Nous sommes fiers que le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, qui a témoigné la semaine dernière devant cet organe, dirige les travaux de la coalition au Canada, ainsi que des partenaires au Royaume-Uni et dans l'Union européenne.
     Depuis les premières sanctions américaines Magnitski à l'échelle mondiale en 2017, la société civile fait partie intégrante de leur efficacité. D'après nos estimations, un tiers de toutes les sanctions Magnitski américaines ont été fondées sur des recommandations de la société civile.
     Aujourd'hui, j'aimerais souligner trois façons dont la société civile apporte des contributions essentielles aux gouvernements qui mettent en œuvre des sanctions ciblées en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption, sur lesquelles Human Rights First encouragerait le gouvernement du Canada à prendre appui.
     Premièrement, les groupes de la société civile sont une source clé de renseignements dont les gouvernements ont besoin pour imposer des sanctions. La société civile dispose de preuves d'abus sans égales et d'une vision des responsabilités, fondée sur des années de recherche, de surveillance, d'entretiens avec les victimes et de documentation sur le terrain. Ce sont là des sources dont, souvent, les responsables gouvernementaux ne disposent pas.
     Nous avons travaillé avec des groupes de la société civile pour présenter plus de 160 dossiers bien documentés au gouvernement américain, recommandant des sanctions Magnitski contre certains auteurs. Cette filière se retrouve dans environ un tiers des cas Magnitski mondiaux, y compris ceux que le gouvernement américain cite comme faisant partie des sanctions les plus importantes. Cela témoigne de la qualité des preuves et des analyses fournies par la société civile et du fait que les sanctions prises au titre des droits de la personne et de la lutte contre la corruption sont plus crédibles lorsqu'elles reflètent les priorités de groupes indépendants de défense des droits de la personne et de lutte contre la corruption.
     Comme de plus en plus de pays ont adopté les sanctions Magnitski, nous avons encouragé d'autres gouvernements à adopter une approche semblable pour faire participer la société civile. À titre d'exemple, nous avons aidé à coordonner la présentation de recommandations de sanctions détaillées pour la détention arbitraire du chef de l'opposition russe Vladimir Kara-Murza dans de multiples pays. Nous sommes heureux que le Canada ait été le premier à annoncer des sanctions dans le cas de Vladimir en novembre, suivi par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Union européenne. Toutes ces décisions ont été prises à la suite de plaintes déposées par la société civile. Nous encourageons le gouvernement canadien à prendre appui sur cet engagement positif avec la société civile.
     Deuxièmement, la société civile joue un rôle essentiel dans la compréhension de l'impact des sanctions et de leur application. À la suite des sanctions américaines contre le Bataillon d'action rapide du Bangladesh pour des violations des droits de la personne en 2021, des groupes de la société civile ont suivi l'arrêt brutal des exécutions extrajudiciaires par l'unité, ainsi que la reprise de ces violations après un certain temps. Ils ont mis en lumière la manière dont les sanctions ont mis fin aux efforts déployés par le gouvernement pour étouffer les voix et ont suscité des appels sans précédent à la reddition de comptes. Ils ont documenté les menaces proférées par les forces de l'ordre contre des familles de victimes pour qu'elles reviennent sur leurs paroles concernant la disparition de leurs proches, ainsi que la surveillance et le harcèlement accrus des groupes de défense des droits de la personne. Ces renseignements sont essentiels pour les gouvernements qui surveillent l'application des sanctions, envisagent des mesures supplémentaires et répondent aux appels à la levée des sanctions.
     Enfin, les groupes de la société civile identifient les lacunes dans la mise en œuvre des programmes de sanctions et exhortent les gouvernements à faire un usage plus équitable de ces outils. En novembre, nous avons publié un rapport conjoint avec nos partenaires, intitulé « Multilateral Magnitsky Sanctions at Five Years », qui analyse la manière dont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l'Union européenne ont utilisé leurs sanctions Magnitski. Nous avons constaté des lacunes importantes dans les quatre compétences. Il s'agit notamment de lacunes importantes dans la manière dont le Canada utilise les sanctions contre les violations des droits de la personne et la corruption dans le cadre de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, la JVCFOA, et de la LMES, comme le fait de manquer des occasions de multilatéraliser et de renforcer l'impact des sanctions, d'imposer rarement des sanctions contre la corruption, d'exclure des partenaires proches et des alliés des sanctions même lorsqu'elles sont méritées, et de ne pas rendre compte aux victimes marginalisées des violations des droits de la personne.
     Sur ce dernier point, nous avons constaté qu'en cinq ans, le Canada n'avait jamais imposé de sanctions Magnitski pour des violations des droits de la personne contre des personnes LGBTQ+ ou autochtones. Dans ses annonces publiques, seuls 7 % de ses cas Magnitski mentionnent des victimes féminines et 1 % seulement des enfants. Si ces sanctions sont des outils de responsabilisation, nous avons constaté qu'elles ne tiennent pas compte de la plupart des victimes dans le monde.
     Les fonctionnaires canadiens ont réfléchi à ces conclusions et nous comprenons que le ministère des Affaires mondiales prévoit d'en tenir compte à l'avenir. Nous avons hâte de pouvoir prendre appui sur cet engagement, de partager les perspectives de ceux qui luttent contre les violations des droits de la personne et la corruption dans leur pays et dans le monde entier, et de renforcer l'utilisation des sanctions Magnitski pour obliger les auteurs de violations à rendre compte de leurs actes.
     Au nom de Human Rights First, je vous remercie et je me réjouis de répondre à vos questions aujourd'hui.
(1225)
    Merci beaucoup, madame Strayer.
     Nous nous tournons maintenant vers les membres du Comité pour leurs questions.
     Si j'ai bien compris, M. Genuis est le premier à prendre la parole.
     Vous avez cinq minutes, monsieur Genuis.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à remercier les témoins de leurs exposés.
     En fait, l'essentiel de ce tour de table sera pris par M. Hoback. Je voudrais simplement profiter de l'occasion pour inscrire brièvement au procès-verbal un avis de motion verbal, comme suit:
Que, dans le cadre de son étude sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Comité consacre trois réunions à la collaboration de la Russie avec d’autres États voyous tels que l’Iran, la Corée du Nord et le Myanmar, en mettant particulièrement l’accent sur le partage de technologie des armes et les efforts déployés pour contourner les sanctions occidentales.
     Sur ce, je passe la parole à M. Hoback.
    Merci, monsieur Genuis.
    Monsieur Hoback, allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins d'être ici cet après-midi. Malheureusement, je pense que nous pourrions rester ici pendant une heure à parler de ce que vous venez d'évoquer au cours des 10 dernières minutes.
     Madame Strayer, je commencerai par vous. Lorsque vous travaillez avec ces 300 sociétés civiles et que vous identifiez quelqu'un qui devrait être sanctionné, comment trouvez-vous la réaction du Canada par rapport à celle des États-Unis ou d'autres pays qui ont mis en place une sorte de sanctions semblable?
(1230)
    Merci beaucoup pour votre question.
     En règle générale, notre travail s'est concentré sur les États-Unis au cours des cinq dernières années. Ce n'est que plus récemment que nous avons pu l'étendre au Royaume-Uni, à l'Union européenne et au Canada. Je dirai cependant, en ce qui concerne la réactivité du gouvernement américain que nous avons pu suivre jusqu'à présent, que nous sommes très fiers et très encouragés par le fait qu'un tiers des sanctions que nous voyons venir du programme Magnitski mondial des États-Unis semblent avoir un fondement dans des recommandations que nous savons venir de la société civile.
     Les chiffres sont un peu plus difficiles à suivre du côté de l'Union européenne, du Royaume-Uni et du Canada. Nous savons que les différents gouvernements échangent beaucoup de renseignements. C'est un point sur lequel nous travaillons avec les groupes de la société civile pour essayer d'améliorer les choses et de faire en sorte que les renseignements qui sont soumis au gouvernement américain pour examen — par exemple, pour des sanctions — soient également soumis au gouvernement canadien en temps voulu, ainsi qu'au Royaume-Uni et à l'Union européenne.
    Je suis désolé. Je ne veux pas vous couper la parole, mais je n'ai que cinq minutes.
     Lorsque vous traitez avec les États-Unis, la procédure est-elle très simple? Lorsque vous traitez avec le Canada, la procédure est-elle tout aussi simple? Comment vous mettez-vous en rapport et déclarez qu'une telle personne devrait être sanctionnée? Comment les différents pays se comparent-ils à cet égard?
    Je pense que c'est un peu différent dans chaque pays. Nous travaillons en étroite collaboration avec des organisations partenaires au Canada. Nous travaillons avec le Centre Raoul Wallenberg, qui a des liens directs avec les responsables et les équipes chargés des sanctions...
    Mais comment avisez-vous qui de droit? J'essaie de comprendre comment vous vous branchez sur le gouvernement. Comment prenez-vous ces renseignements et les communiquez-vous au gouvernement? Comment dites-vous, par exemple, « Cette personne doit être sanctionnée »? Comment trouvez-vous ce processus? Pourrait‑il être amélioré? À quoi ressemble-t‑il?
    Je peux parler du côté américain. De notre point de vue, aux États-Unis, nous avons été en mesure de repérer les bureaux du Département du trésor — le Bureau du contrôle des avoirs étrangers — et les bureaux du Département d'État, qui participent aux décisions de sanction. Au fil des ans, nous avons établi une relation étroite et de confiance avec ces bureaux. Ils comprennent que la documentation et les dossiers de preuves détaillés fournis par la société civile peuvent être extrêmement utiles pour leur travail. Nous avons mis en place des portails sécurisés de partage de renseignements avec le Département du trésor afin de pouvoir leur fournir ces dossiers en toute sécurité pour examen.
    Ils ont pris des dispositions pour vous. C'est une bonne nouvelle.
     Monsieur Nesbitt, dans le cadre de votre travail, comment avez-vous trouvé la capacité du Canada à recueillir les renseignements de la société civile ou d'autres personnes — appelons-les des dénonciateurs, faute de mieux — qui veulent signaler quelqu'un qui devrait figurer sur une liste de sanctions ou quelqu'un qui enfreint les sanctions? Si je vois quelqu'un dans la communauté des affaires qui, je le sais, enfreint volontairement les sanctions, quelle est la procédure à suivre pour que la lumière soit faite sur cette personne et que des mesures soient prises?
    Je peux répondre très rapidement à cette question: Le Canada est une boîte noire, je n'en ai donc aucune idée.
     [Difficultés techniques] à l'Ukraine, une entreprise canadienne, ou s'ils expédient des crayons ou d'autres choses, à qui dois‑je faire rapport?
    Là encore, je n'en ai aucune idée. En théorie, Affaires mondiales Canada dispose d'une division des sanctions qui gère ce dossier. En pratique, nous avons constaté sur un certain nombre de fronts que le ministère peut être extrêmement lent à réagir, s'il réagit. On ne sait pas s'il est ouvert aux contacts. L'engagement public est pratiquement inexistant, et ce, depuis 30 ans, à la fois sur ce dossier et pour ce qui est de l'explication de nos sanctions, de leur fonctionnement et de leur application aux institutions non financières en particulier, les institutions plus petites qui pourraient vouloir faire du commerce international. Elles peuvent se heurter à des sanctions, mais n'ont pas les ressources nécessaires pour engager les plus grands cabinets d'avocats du pays afin d'essayer de déterminer leur situation et d'interagir avec le ministère des Affaires étrangères pour savoir si elles ont la capacité de faire ce qu'elles espèrent faire.
     Nous ne savons tout simplement pas.
    Comment le ministère des Affaires étrangères procède-t‑il alors à la saisie des avoirs? Comment décide-t‑il que les biens de telle personne doivent être saisis et que les biens de telle autre ne doivent pas l'être? Si je suis une société canadienne qui fait affaire avec cette société et que tout à coup j'apprends que ses biens ont été saisis, comment puis‑je faire affaire avec elle? Comment suis‑je censé faire affaire sans enfreindre les sanctions? Où puis‑je obtenir ces conseils?
    Pourrions-nous avoir réponse très brève, s'il vous plaît? Nous avons dépassé le temps imparti.
    Le ministère des Affaires étrangères ne s'occupe de rien de tout cela. Tout cela sera fait par d'autres, et c'est pourquoi je dis qu'il faut commencer à faire en sorte que d'autres — un peu comme aux États-Unis avec le Bureau du contrôle des avoirs étrangers au Département du trésor — ayant le sens des affaires pour suivre les conseils d'administration, les directeurs ainsi que la destination de l'argent, travaillent directement avec les forces de l'ordre pour mettre en oeuvre cette saisie.
     À l'heure actuelle, lorsque vous parlez de « saisie », il s'agit en fait d'une banque qui, sur la base de sa propre liste interne, décide pour l'essentiel de ne pas laisser l'argent circuler d'une façon ou d'une autre. Nous n'avons pas beaucoup de visibilité à ce sujet.
    Je vous remercie.
     Nous passons maintenant à M. Oliphant.
     Vous avez cinq minutes, monsieur.
(1235)
    Merci, monsieur le président.
     J'essaie juste de revenir un peu en arrière sur le témoignage de M. Nesbitt.
     Tout d'abord, vous avez dit que des « dizaines de milliers » de personnes ont été sanctionnées. D'où tenez-vous ce nombre? Actuellement, nous avons environ 3 000 personnes sanctionnées et plus de la moitié d'entre elles, soit 1 700, concernent la Russie et le Belarus. Nous avons toujours été dans les centaines. Je me demande simplement où vous avez trouvé le nombre de « dizaines de milliers ».
    Je vous prie de m'excuser, je ne m'en souviens pas.
     Andrea Charron a beaucoup travaillé sur ce sujet au fil des ans, je vous renvoie donc à elle, si vous le souhaitez. Si vous ne lui avez pas déjà parlé, elle est...
    Je veux juste m'assurer que nous ne mentionnons pas dans les témoignages « des dizaines de milliers », alors que ce nombre est tout à fait inexact. Ayant suivi les sanctions...
    C'est tout à fait inexact aujourd'hui. Il s'agit de 30 ans de sanctions et de régimes de sanctions différents qui se sont succédé. Si l'on additionne toutes ces sanctions au fil des ans, on obtient un chiffre bien supérieur aux 3 000 qui existent, comme vous le dites.
     Je ne suis pas sûr que les 3 000 dont vous parlez incluent les 9 à 12 règlements de la loi sur les Nations unies, ainsi que toutes les sanctions Magnitski et LMES.
     Il s'agit de centaines. Même lorsque nous avons imposé des sanctions sévères au Zimbabwe, ce nombre se situait entre 100 et 200. Je demanderai à nos analystes d'obtenir de l'aide sur ce nombre, car il me semble élevé.
     Je voudrais également savoir où se trouve la preuve que les institutions financières ne font pas leur travail. Vous avez dit que c'est le fait qu'il n'y a pas de poursuites, que c'est donc la preuve qu'elles ne font pas leur travail. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet? Si elles ne font pas leur travail, nous voulons le savoir parce que ce sont des institutions à charte qui ont des responsabilités légales. Si elles enfreignent la loi et ne la respectent pas, j'aimerais le savoir.
     Pourriez-vous me donner des preuves à ce sujet?
    Je suis vraiment désolé si je n'ai pas été clair. Je crois que ce que j'ai dit, c'est qu'ils sont les seuls à appliquer les sanctions de manière significative. Si cela n'était pas clair, je m'en excuse sincèrement.
    Nous devons être très prudents avant de porter atteinte à la réputation de ces institutions, qui peuvent agir ou non. Si elles n'agissent pas, nous voulons le savoir, et je pense que c'est important. J'ai besoin d'une preuve qu'elles ne font rien, plutôt que de jeter l'opprobre.
    Encore une fois, je ne dis absolument pas cela.
    D'accord.
     Lorsque M. Hoback vous a interrogé sur le rôle d'Affaires mondiales dans l'application de la loi, vous avez dit que c'était une « boîte noire ».
     Les témoignages que nous avons entendus ici montrent très clairement qu'Affaires mondiales ne s'occupe pas de l'application de la loi. Ce n'est pas sa responsabilité législative. C'est la responsabilité législative des organismes qui relèvent de Sécurité publique, à savoir l'ASFC et la GRC, ainsi que les organismes de réglementation des institutions financières.
     Savez-vous qui exactement s'occupe de l'application de la loi? Vous avez en quelque sorte dit qu'Affaires mondiales ne s'en occupait pas, comme si le ministère faisait mal son travail, mais ce n'est pas à lui de faire quoi que ce soit sur le plan de l'application.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
     Il me semble que le député met dans la bouche de notre témoin des mots qu'il n'a pas prononcés. En fait, j'ai très bien compris de son témoignage — peut-être que M. Oliphant ne l'a pas compris — qu'Affaires mondiales n'était pas responsable de l'application de la loi. Il l'a dit très clairement dans son témoignage.
     Cela ressemble un peu à du harcèlement, monsieur Oliphant.
    Je comprends votre point de vue.
     Je voulais que ce soit très clair, parce que ce n'était pas clair pour moi. Il y avait deux choses. Lorsque l'on a parlé d'une « boîte noire », c'était comme si la boîte noire était en quelque sorte un mystère de ce qu'Affaires mondiales ne fait pas. Il doit être très clair que ce ministère n'est pas responsable de l'application de la loi. C'est tout. Je voulais que ce soit très clair.
    Si l'on me donne l'occasion de répondre, ce dont je pense avoir le droit dans cette situation, je dirai simplement que j'ai été très clair dans mes déclarations sur le fait que l'ASFC, la GRC et le SPPC, qui s'occupent de l'application des lois, ont également besoin d'une aide financière et d'une plus grande implication dans ce domaine parce que ce sont eux qui s'occupent de l'application des lois.
     Encore une fois, si cela n'était pas clair, je m'en excuse.
     Mon intention était de dire très clairement que je sais — et tous ceux qui étudient cette question le savent — que l'ASFC et la GRC s'occupent de la partie initiale, et que le SPPC, le Service des poursuites pénales du Canada, s'occupe de la partie finale.
    Je crois qu'il a également été dit qu'aucune sanction n'avait été prise en vertu de la loi de Magnitski, alors qu'une sanction Magnitski a été prise au Canada en ce qui concerne le Myanmar. Je voulais m'assurer que cela figurait au compte rendu.
(1240)
    J'ai dit qu'il n'y avait pas eu d'application à ma connaissance. Si vous avez connaissance d'une poursuite au criminel, j'aimerais bien l'entendre.
    Nous avons eu une sanction Magnitski. Je voulais m'assurer qu'il est consigné au compte rendu que nous avons agi en vertu de la loi de Magnitski.
    Encore une fois, nous avons appliqué des sanctions dans le cadre de Magnitski. Ce dont je parlais, c'était de l'application.
     Je ne l'ai pas vu, mais je serais heureux que l'on me reprenne à ce sujet, si nous avons eu une poursuite pénale.
    Merci, monsieur Nesbitt.
     Nous passons maintenant à M. Champoux.
     Vous avez cinq minutes, monsieur.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    C'est maintenant à mon tour de remercier les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Monsieur Nesbitt, je vais continuer avec vous sur le même sujet. Durant l'heure qui a précédé votre arrivée au Comité, nous discutions de l'efficacité des sanctions, notamment en ce qui concerne la relation entre la Russie et le Bélarus. Le témoin qui nous en a parlé évoquait le manque de coordination qui rend dans certains cas les sanctions à peu près inefficaces.
    En écoutant votre témoignage et les questions de mes collègues, je me souviens aussi des réponses de certains fonctionnaires venus témoigner au Comité sur la question de l'application et de la mise en place des différentes mesures de sanction. Il semblait y avoir un flou quant à qui faisait quoi dans tout cela.
    Cela m'amène à me poser une question, que je vais vous poser aussi, parce que j'imagine que vous aurez peut-être une réponse: si les sanctions du Canada sont mal appliquées à l'étranger, là où elles doivent l'être, et qu'elles sont mal gérées ou mal comprises au Canada, est-ce qu'on n'est pas en train de donner un coup d'épée dans l'eau, comme on dit?

[Traduction]

    Je laisse au gouvernement le soin de répondre à cette question.
     Le but de mon témoignage est simplement de dire que l'autre aspect de la mise en place de sanctions, de l'importance de reconnaître les actes répréhensibles à l'étranger, de ne pas y contribuer et de ne pas laisser les Canadiens ou ceux qui agissent à partir de notre territoire y contribuer, est de veiller à ce que nous en exécutions l'application. C'est important sur le plan de la primauté du droit et celui du message envoyé à nos partenaires.
     Je ne pense pas que cela signifie qu'elles sont inutiles. C'est une opinion personnelle. Je pense que l'autre moitié de l'équation pour le Canada est qu'il est grand temps que nous commencions à prendre cela au sérieux et que nous examinions vraiment comment la question complexe de l'application peut être mise en oeuvre ici.

[Français]

    Merci, monsieur Nesbitt.
    Madame Strayer, quand le Comité a fait son examen législatif il y a quelques années, soit en 2016-2017, on disait que les sanctions pouvaient servir à contraindre un pays cible à changer de comportement, à limiter sa capacité d'agir, ou à exprimer notre désaccord à l'égard d'une violation d'une norme internationale par ce pays. Selon vous, le régime de sanctions du Canada atteint-il au moins un de ces trois objectifs, que ce soit la coercition, l'entrave ou l'expression de notre désapprobation?

[Traduction]

    C'est un aspect que nous étudions beaucoup en ce moment, celui du meilleur moyen d'évaluer l'impact des sanctions. Il est évident qu'il s'agit d'une évaluation propre à chaque cas et qu'il peut être un peu difficile de généraliser.
     Nous constatons que les gouvernements utilisent les sanctions pour toute sorte de motifs, comme vous l'avez mentionné. Parfois, il s'agit d'essayer de dissuader le comportement d'acteurs à l'étranger. Parfois, c'est pour signaler ou déclarer avec force la solidarité avec les victimes ou pour bâtir un consensus international au sujet de la condamnation particulière d'un ensemble précis de violations, ou des tentatives de perturber des réseaux de corruption, par exemple.
     Je pense qu'il serait très utile que les gouvernements continuent à se concentrer sur l'amélioration de la multilatéralisation de leurs sanctions en vertu des régimes Magnitski qu'ils ont institués. À l'heure actuelle, il n'y a pas grand chevauchement entre les États‑Unis, le Canada, le Royaume‑Uni et l'Union européenne en ce qui concerne l'application de ces sanctions. Cela crée des lacunes que les auteurs de ces violations peuvent exploiter.
     Par exemple, j'ai mentionné plus tôt dans mon témoignage le Bataillon d'action rapide du Bangladesh, que les États‑Unis ont sanctionné en 2021. Ces sanctions n'ont pas été reprises par le Canada, le Royaume‑Uni ou l'Union européenne. Nous avons par la suite trouvé des renseignements indiquant que des membres de cette unité s'étaient rendus au Royaume‑Uni et dans l'Union européenne pour acquérir une formation et divers services au moyen desquels faire respecter la loi au Bangladesh et, vraisemblablement, renforcer leur rôle dans la répression au Bangladesh. C'est un domaine où, si les partenaires des États‑Unis — le Canada, le Royaume‑Uni et l'Union européenne — avaient pris des mesures pour sanctionner les membres du Bataillon d'action rapide de la même manière que les États‑Unis, ils n'auraient pas pu se rendre au Royaume‑Uni, dans l'Union européenne ou même au Canada pour continuer à obtenir les services et le soutien dont ils avaient besoin pour devenir une unité répressive plus efficace au Bangladesh.
(1245)

[Français]

     Merci beaucoup à tous les deux.
    Je pense que mon temps de parole est écoulé, monsieur le président.
    Merci, monsieur Champoux.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à Mme McPherson.
     Vous disposez de cinq minutes, madame.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie nos témoins d'être ici aujourd'hui et de nous avoir communiqué ces renseignements. C'est très intéressant pour moi.
     Monsieur Nesbitt, je vais commencer par vous. Vous avez parlé un peu de certaines recherches effectuées par d'autres sur le nombre de sanctions. Je sais que mon collègue M. Oliphant a posé des questions à ce sujet. Vous avez dit qu'il y avait de la documentation et que l'une de vos collègues faisait des recherches.
     Pourriez-vous, si possible, déposer ces documents ou les communiquer au Comité afin que nous disposions de ces renseignements? Je ne veux pas vous imposer quoi que ce soit.
    Je ferai de mon mieux.
     Je tiens à ce que ce soit clair: j'ai fait de mon mieux pour additionner toutes les personnes sur une période de 30 ans, et non à un moment donné. Si je me trompe, je m'en excuse. Je ne manquerai pas d'y jeter un coup d'oeil, mais je vous recommande également son travail.
    Je vous remercie. Ce serait formidable.
     Le témoignage que vous nous avez donné aujourd'hui fait écho à certaines des choses que j'ai ressenties en ce qui concerne notre régime de sanctions. Il s'agit en grande partie du manque de transparence. Vous avez parlé du régime de sanctions dans son ensemble comme d'une « boîte noire »; il est très difficile d'obtenir des renseignements à son sujet. J'ai posé des questions au Feuilleton, j'ai posé des questions à la Chambre et je n'ai pas réussi à obtenir le moindre renseignement, que ce soit en tant que députée ou en tant que membre de l'opposition; je comprends donc ce que vous dites.
     Je vous comprends également en ce qui concerne l'application de la loi. Nous inscrivons de nombreuses personnes sur notre liste. C'est un élément important de notre politique étrangère. S'il n'y a pas d'application, croyez-vous que ceux qui sont sanctionnés dans le monde par le gouvernement canadien sont au courant et sont très conscients de l'absence d'application de notre régime de sanctions?
    Honnêtement, je n'ai pas étudié la question, je ne peux donc pas le dire.
     Je peux dire que nous avons probablement été suffisamment critiqués à ce stade. Il est probablement assez évident que nous n'avons pas grand-chose, du moins en ce qui concerne l'application par des poursuites pénales, et que rien ne se passe.
     Pour répondre à cette question, l'une des choses qui m'inquiètent est qu'une grande partie de l'« application », comme j'y ai fait allusion plus tôt, est effectuée par les grandes banques, mais aussi par des institutions plus petites qui ont moins de capacité à le faire. Cela a pour effet de nous décharger sur le dos du secteur privé d'une grande part du fardeau, y compris le coût de l'exécution. C'est compréhensible, mais il faut que le gouvernement s'engage à assurer le même degré d'application que celui que nous exigeons du secteur privé, que nous avons la chance d'avoir au Canada, car ce sont de bons acteurs.
    Je pense que l'une des choses que nous avons entendues de notre dernier groupe de témoins est la notion des coûts-avantages, et que ceux qui sont sanctionnés soupèsent ces coûts-avantages. De toute évidence, s'ils voient que le Canada n'applique pas ses sanctions, l'évaluation des coûts-avantages doit être différente. Telle est la réalité.
     Vous avez également parlé un peu de la manière dont nous pourrions procéder et de la manière dont d'autres pays font mieux en la matière. Lorsque nous avons reçu des représentants de la GRC et de l'ASFC au Comité, il est apparu clairement que les ressources allouées ici sont nettement inférieures à celles d'autres régions. Pouvez-vous nous parler un peu de l'affectation des ressources, par exemple aux États‑Unis avec le Bureau du contrôle des avoirs étrangers?
    Mon Dieu, par où commencer?
    Il y a le Bureau du contrôle des avoirs étrangers au sein du Département du trésor, qui a vraiment l'expertise en ce qui concerne les affaires, le suivi de l'argent et le suivi de la structure de l'entreprise, et pour aider le Département d'État et d'autres à dresser ces listes, ainsi que pour faire en sorte que lorsque nous dressons ces listes, une procédure en bonne et due forme justifie l'ajout des personnes afin que ces listes puissent être appliquées. C'est l'objectif de ces listes. En tout cas, d'après mon expérience, il s'agit de personnes ayant une réelle expérience dans ce domaine — comptabilité, sens des affaires, etc.
    L'un des problèmes pour Affaires mondiales Canada — et c'est l'un de ces problèmes qui nécessitent une attention particulière et des ressources humaines — est que le ministère est constitué, en grande partie, de diplomates qui n'ont pas nécessairement été formés pour cela. Je suis sûr qu'Affaires mondiales essaie de mettre en place de la formation. Nous parlons également d'une organisation dans laquelle les gens entrent et sortent tous les deux ans. L'idéal est de partir en mission quelque part. Il est alors plus difficile d'acquérir et de maintenir le genre d'expertise requis que dans une organisation permanente telle que le Bureau du contrôle des avoirs étrangers. Nous n'avons pas vraiment d'équivalent au Canada pour créer un lien entre les personnes à la GRC — qui voudront être au courant de la structure de l'entreprise, de l'argent et de la façon dont cela se passe pour son application — et les personnes chez Affaires mondiales, qui connaissent les noms sur la liste, les pays étrangers et ce genre de choses.
    Je pense que c'est le mieux que je peux vous dire à cet égard.
(1250)
     Cela fait écho à l'idée qu'il faut que ce soit une question nationale, et non une question mondiale...
    Je suis désolé, madame McPherson.
    Merci.
    C'est excellent.
     Merci, madame McPherson.
    Nous revenons maintenant à M. Hoback.
     Vous avez trois minutes, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur Nesbitt, je reviens à vous. Vous avez parlé du Bureau du contrôle des avoirs étrangers et de son fonctionnement aux États‑Unis. Nous n'avons rien de tel au Canada, mais l'économie américaine est beaucoup plus importante. Avons-nous suffisamment de cas pour justifier la création d'un ministère autonome qui hébergerait l'expertise que requiert ce genre de travail?
    C'est une bonne question, sur laquelle je n'ai pas vraiment d'idée.
     La réponse évidente, je suppose, de mon point de vue, est que si nous voulons prendre les sanctions au sérieux, nous devrons trouver un moyen de le faire.
    C'est un bon point.
    L'inverse est de dire que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour prendre les sanctions au sérieux.
     Je pourrais peut-être proposer quelque chose. Et cela ne se limite pas forcément aux sanctions. Il y a beaucoup de fraude, de blanchiment d'argent et d'autres domaines associés qu'un tel organisme pourrait traiter. On peut penser à une institution qui pourrait effectuer un travail sur toute la ligne à cet égard, de sorte que non seulement l'argent serait consacré à l'amélioration de l'application des sanctions, mais il y aurait aussi un développement de cette expertise, ce qui aiderait également à la lutte contre la fraude financière complexe et d'autres domaines. Je sais que le gouvernement a pris certaines initiatives à cet égard. Ce pourrait être une option.
    Cet aspect ne reçoit probablement pas, lui non plus, l'attention qu'il mérite au Canada.
     Avez-vous vu d'autres pays qui ont une très bonne organisation en ce qui concerne le traitement de...? Nous avons parlé de l'OFAC. Y a‑t‑il un meilleur système au Royaume‑Uni? Y a‑t‑il d'autres systèmes que vous considéreriez et au sujet desquels vous diriez: « Ah, c'est vraiment quelque chose qui pourrait fonctionner pour le Canada et que nous devrions envisager »?
    Les deux plus évidents, pour nous, sont le Royaume‑Uni et les États‑Unis.
     À mon avis, parce que les États‑Unis font cela mieux que quiconque dans le monde sur le plan application, et aussi parce qu'ils sont notre partenaire le plus proche et celui avec lequel nous alignons le plus étroitement notre régime de sanctions; il est donc logique de se tourner vers eux.
     Je ne suis pas un expert dans les détails, mais je proposerais le Royaume‑Uni parce qu'il a réorganisé ses processus. Au Royaume‑Uni , ils ont constaté tous les mêmes problèmes il y a un peu plus de 10 ans et ils ont réorganisé leurs processus en ce qui concerne les personnes qui font ce travail et la façon dont même le processus d'ajout à la liste est aidé par les agences de renseignement et les contributions des secteurs public et privé. Le Canada n'a pas encore procédé à ce genre de réorganisation. Il serait peut-être bon d'examiner ce qu'ils ont fait, les raisons pour lesquelles ils l'ont fait et les leçons que le Canada pourrait en tirer.
    En ce qui concerne les transbordeurs, parlez-vous de les nommer et de les dénoncer? Voyez-vous un autre moyen de faire respecter la loi, ou est‑ce trop difficile de la faire respecter avec une amende ou des conséquences?
    Le problème actuel est que... Si quelqu'un ne peut pas expédier de marchandises en Iran, que fait‑il? Il ne les envoie pas en Iran, mais dans un autre pays, puis en Iran. Le seul moyen d'empêcher cela est de savoir à l'avance que cette personne expédiera des marchandises en Iran, et de pouvoir le prouver devant un tribunal pénal, si nous voulons appliquer les sanctions pénales. Cela peut s'avérer très difficile.
     Maintenant, si nous savons qu'ils font du transbordement, nous pouvons toujours les capturer en vertu de notre loi actuelle, parce que la loi s'en prend à la personne au Canada qui tente de le faire. Ce dont je parle, c'est de cela: Si nous savons que la même société iranienne vient essentiellement de créer une société d'expédition en vertu des lois de la tierce partie X, et que nous savons que c'est ce qu'elle fait, nous pouvons simplement la nommer et dire: « Les sociétés canadiennes ne peuvent pas expédier à cette société également, ni placer des commandes auprès d'elle. »
(1255)
    Nous créons les conséquences du fait qu'ils participent à cette activité criminelle connue — parce que c'est une activité criminelle, n'est‑ce pas?
    En effet.
    Lorsque nous examinons le...
    Monsieur Hoback, je crains que vous n'ayez dépassé votre temps de parole.
     Nous passons maintenant à M. Zuberi.
     Vous avez trois minutes, monsieur Zuberi.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
     Je commencerai par Mme Strayer. J'ai lu votre biographie — vos deux biographies, en fait — et j'ai aimé ce que vous avez dit au sujet de la société civile. J'ai travaillé dans des espaces de la société civile, professionnellement et en tant que bénévole, pendant plusieurs années.
     Vous avez dit que pour que les sanctions Magnitski aient un bon impact, il est important que les acteurs de la société civile proposent des noms. Voulez-vous parler un peu plus de cela? J'ai lu la même recommandation dans les rapports du Centre Raoul Wallenberg qui ont présenté une analyse comparative des quatre régions différentes qui utilisent les sanctions Magnitski. Le Centre Raoul Wallenberg a fait la même remarque.
     Pouvez-vous en parler davantage, s'il vous plaît?
    Bien sûr, merci beaucoup.
     Nous travaillons non seulement avec des organisations basées aux États‑Unis, mais aussi avec des ONG et des organisations de la société civile basées à l'étranger et localement, dont le seul objectif est de documenter et de suivre les violations des droits de la personne et les réseaux de corruption dans leur pays. Ce sont elles qui sont directement touchées par ces violations.
     Nous avons constaté que pour ce genre d'outils de sanction à l'échelle mondiale sur le plan des droits de la personne et de la lutte contre la corruption, l'utilisation des recommandations de la société civile est essentielle pour qu'ils soient les plus efficaces et les plus crédibles. Je pense que certains des intervenants de la séance précédente ont souligné ce problème de crédibilité des sanctions.
     Je précise simplement que dans l'étude que vous avez mentionnée, celle que nous avons réalisée avec le Centre Raoul Wallenberg, nous avons constaté au cours des cinq dernières années qu'en ce qui concerne les sanctions en matière de droits de la personne et de lutte contre la corruption prises dans le cadre de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, il y avait un manque incroyable de diversité géographique dans ces sanctions du côté du Canada. Environ 90 % des sanctions du Canada se sont concentrées sur quatre pays seulement: La Russie, la Biélorussie, le Nicaragua et le Venezuela.
     Nous avons manqué des occasions de reconnaître les violations des droits de la personne et la corruption qui affligent des collectivités et des pays partout dans le monde, et la capacité du gouvernement canadien et de ses partenaires à faire davantage pour s'y opposer.
    Tout à fait.
     Je voulais savoir si vous connaissiez le rapport. Le connaissez-vous?
    Oui.
    Ce que j'ai trouvé vraiment intéressant, c'est une phrase du rapport qui dit que, comme vous venez de le souligner, ce ne sont pas seulement les mauvais acteurs ou les pinatas du monde que nous aimons frapper fréquemment qui devraient être sanctionnés, mais aussi parfois même les pays avec lesquels nous sommes en partenariat, nos alliés. Le rapport contient une phrase en ce sens. Voulez-vous nous en dire plus sur ce point?
    Bien sûr. Je pense que c'est un autre domaine dans lequel le Canada pourrait faire plus.
     Presque toutes les sanctions du Canada ont visé des pays qui ne sont pas des alliés ou des partenaires du Canada et qui sont considérés comme répressifs ou non libres, selon les normes de la Freedom House dans ce rapport. Je pense que c'est une occasion manquée, car nous avons souvent constaté que certaines des sanctions qui ont le plus d'impact du côté américain sont en fait celles qui visent des pays avec lesquels les États‑Unis ont des relations assez fortes et des pays où il existe au moins un certain degré de primauté du droit. Il y a une certaine démocratie qui fonctionne, et ils peuvent avoir un plus grand intérêt à prendre des mesures pour que les auteurs de violations répondent de leurs actes, plutôt que de simplement écarter les sanctions d'un revers de main.
     Le Bangladesh, comme je l'ai mentionné précédemment, est un exemple où les sanctions ont eu un impact immédiat. Le Bangladesh étant un partenaire proche des États‑Unis et de nombreux...
    Madame Strayer, je suis désolé, mais je vais devoir vous interrompre. Nous avons dépassé le temps imparti pour ce créneau.
     Nous passons maintenant à M. Champoux.
     Vous avez une minute et demie, monsieur.

[Français]

     Ce sera bref.
    Madame Strayer, je vais continuer avec vous. Le 17 mai dernier, la GRC a publié une mise à jour de la déclaration des avoirs gelés en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, qui traite de la Russie, de l'Iran et d'Haïti.
     En ce qui concerne Haïti, on y précise qu'il n'y a aucun renseignement au sujet d'avoirs bloqués. De quelle façon peut-on interpréter cela, puisque cela fait pourtant des mois que des entités y sont ciblées par des sanctions? Comment peut-on expliquer cela? S'agit-il d'une mauvaise capacité à mettre en œuvre les sanctions, comme on l'a mentionné un peu plus tôt?
(1300)

[Traduction]

    Puis‑je demander un éclaircissement sur la question?

[Français]

    Dans le cas d'Haïti, bien qu'il a été demandé que des sanctions soient imposées, on n'en rapporte aucune. Je voulais avoir votre opinion à ce sujet. Cela démontre-t-il que les sanctions ne sont pas faciles à appliquer? Est-ce qu'on a de la difficulté à appliquer les sanctions qui sont demandées?

[Traduction]

    Je pense que l'application des sanctions est absolument essentielle à leur efficacité. Je ne connais pas les détails de l'exemple d'Haïti que vous avez cité, mais en matière d'application du côté américain, nous voyons généralement que cela inclut l'application des interdictions de visa. Ces mesures sont généralement très strictes et les exceptions très limitées. La possibilité de geler les avoirs et de bloquer les opérations financières, comme le professeur Nesbitt l'a mentionné plus tôt, dépend en grande partie de la diligence des institutions financières qui doivent s'assurer qu'aucune opération n'est en cours.
     Lorsque nous avons connaissance de cas où l'application de la loi pourrait être plus rigoureuse ou de lacunes dans l'application de la loi dont la société civile a connaissance, nous en faisons part au Bureau du contrôle des avoirs étrangers ainsi qu'au Département d'État pour qu'ils y donnent suite.
     Encore une fois, je pense que la société civile pourrait être un véritable partenaire dans certaines de ces situations.
    Merci, madame Strayer.
     Pour la dernière minute et demie, nous passons à Mme McPherson.
    Merci, monsieur le président.
     Une minute et demie, ce n'est pas beaucoup.
     Madame Strayer, vous avez parlé du fait que le Canada n'a jamais imposé de sanctions pour des violations commises contre des victimes autochtones ou des membres de la communauté LGBTQ2+, et rarement pour des violations commises contre des femmes. J'aimerais que vous éclaircissiez ce point et que vous en parliez, si possible.
    Dans notre étude, nous avons examiné toutes les sanctions qui ont été faites dans le cadre de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, axées sur les droits de la personne et la corruption depuis 2017. Notre évaluation s'appuie sur les déclarations publiques d'Affaires mondiales Canada lorsqu'il annonce des sanctions. Ces données sont fondées sur l'analyse des déclarations du gouvernement du Canada concernant les raisons pour lesquelles il impose les sanctions et le genre de conduite qui le préoccupe. Le fait qu'il y ait très peu de reconnaissance de certains groupes marginalisés, comme vous l'avez mentionné, indique que les gouvernements doivent faire plus d'efforts pour reconnaître l'impact de ces violations sur ces communautés, et faire plus d'efforts concertés pour s'assurer que ces violations ne sont pas négligées et qu'elles sont prises tout aussi sérieusement que les violations dont d'autres groupes sont la cible.
    Merci beaucoup.
     C'est tout, merci.
    Merci, madame McPherson.
     Comme il est maintenant 13 heures, je vais remercier nos deux témoins pour le temps qu'ils nous ont consacré, leur expertise et leurs idées. Cela nous a été très utile et nous vous sommes tous très reconnaissants d'avoir été avec nous aujourd'hui. Je vous remercie.
     Avant de lever la séance, il y a plusieurs choses à dire. Comme les membres le savent, un communiqué de presse est arrivé hier dans leurs boîtes de réception pour le rapport sur la santé et les droits reproductifs. Tout le monde est‑il d'accord pour l'adopter?
     Je tiens à ce que tout le monde sache que je n'ai rien à voir avec cela. Ce sont les analystes et la greffière qui s'en sont chargés.
     Monsieur Genuis, allez‑y.
    Je structurerais le communiqué de presse autrement, de quelques manières différentes, bien qu'il soit difficile d'en parler en public parce que cela pourrait révéler certains aspects du contenu du rapport. Il y a une recommandation que nous avions formulée et que nous aimerions voir mentionnée dans le communiqué de presse.
     Est‑il raisonnable de donner à chaque partie la possibilité d'ajouter un paragraphe?
    Je pense qu'il y aurait beaucoup de divisions entre nous si nous le faisions. C'est pourquoi la motion, comme vous le savez, monsieur Genuis, stipule que le président, la greffière et l'analyste peuvent le faire. C'est pour qu'aucun d'entre nous ne pèse dans la balance.
     Je voulais également rassurer tout le monde en disant que je n'avais rien à voir avec cela, parce que je pensais, en toute équité, que je ne devais pas m'en mêler et que je devais laisser cela à la greffière et à l'analyste.
(1305)
    Monsieur le président, je suis d'accord avec vous pour dire que le procès-verbal de la dernière réunion précise que vous avez été habilité à le faire.
     Vous nous avez demandé si nous approuvions le communiqué de presse, et ma réponse est non, mais je comprends que vous avez le pouvoir de le publier en fonction de l'accord.
    D'accord.
     Tout le monde est d'accord, alors?
     Oui, monsieur Champoux, allez‑y.

[Français]

    Monsieur le président, le Bloc québécois a proposé une modification. Puisque presque tous les partis ont été impliqués, je voulais m'assurer que cela a été pris en considération.

[Traduction]

    Je pense, encore une fois, que par souci d'équité, si nous ouvrons le débat à une suggestion, nous devrons également l'ouvrir aux suggestions de tous les autres, et il serait donc juste que nous n'entrions pas dans les détails, comme vous le demandez ici, et que nous gardions les choses en l'état. Si nous ouvrons cette boîte de Pandore, nous n'aboutirons sur rien de bon.
     (La motion est adoptée avec dissidence.)
     Le président: Merci à tous.
     Je vous donne rendez-vous mardi. Nous avons deux heures sur le régime des sanctions, puis nous devons également donner des instructions de rédaction aux analystes.
     La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU