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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 137 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 11 avril 2024

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     Bienvenue à la 137e séance du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 18 mars 2024 et à la motion adoptée le lundi 11 décembre 2023, le Comité se réunit pour débattre du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l'énoncé économique de l'automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'article 15.1 du Règlement. Des députés sont présents en personne et d'autres participent à distance à l'aide de l'application Zoom.
     J'aimerais faire quelques observations à l'intention des membres du Comité et des témoins.
     Bien que cette salle soit équipée d'un système audio très performant, il peut y avoir une rétroaction acoustique involontaire qui peut être extrêmement dommageable pour les interprètes et causer de graves lésions. La cause la plus fréquente de cette rétroaction acoustique est une oreillette placée trop près d'un microphone. Nous demandons donc à tous les participants de faire preuve d'une grande prudence lorsqu'ils manipulent leur oreillette, surtout lorsque leur microphone ou celui de leur voisin est allumé, afin de prévenir les incidents et de protéger la santé auditive des interprètes. Je demande aux participants de s'assurer de parler dans le microphone dans lequel leur casque d'écoute est branché et d'éviter de manipuler leur oreillette pour plutôt la placer sur la table loin du microphone lorsqu'elle n'est pas utilisée
     Pour rappel, toutes les observations doivent être adressées par l'intermédiaire de la présidence. Pour les personnes présentes dans la salle, si vous souhaitez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les personnes sur Zoom, veuillez utiliser la fonction « lever la main ». Le greffier et moi-même gérerons de notre mieux l'ordre des interventions. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
     Tous les tests de son requis ont été effectués avec les témoins comparaissant par vidéoconférence, et tout le monde est prêt à commencer.
     Nous accueillons aujourd'hui, pour commencer nos groupes de l'après-midi, Laurent Carbonneau, directeur des politiques et de la recherche, et Nicholas Schiavo, directeur des affaires fédérales, du Conseil canadien des innovateurs.
     De la Daily Bread Food Bank, nous accueillons Neil Hetherington, président-directeur général.
     De l'Association des professeures et professeurs de l'Université Laurentienne, nous avons Fabrice Colin, président, et Linda St-Pierre, directrice exécutive et déléguée en chef.
     De l'Union des municipalités du Québec, nous avons Martin Damphousse, président et maire de Varennes, et Samuel Roy, conseiller stratégique aux politiques. Ils se joignent à nous par vidéoconférence.
     Bienvenue à tous.
     Sur ce, nous allons commencer par les déclarations liminaires d'une durée maximale de cinq minutes.
     Nous commencerons par le Conseil canadien des innovateurs.
     Allez-y, monsieur Schiavo.
     Bonjour au président, aux vice-présidents et aux députés du Comité permanent des finances. Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter aujourd'hui un exposé sur le projet de loi C-59 et sur les efforts déployés pour mettre en oeuvre le budget 2023 et l'énoncé économique de l'automne correspondant.
     Je m'appelle Nick Schiavo et je suis directeur des affaires fédérales pour le Conseil canadien des innovateurs, ou CCI. Je suis accompagné de mon collègue Laurent Carbonneau, directeur des politiques et de la recherche.
     Le CCI est un conseil national qui représente 150 des entreprises canadiennes à la croissance la plus rapide. Nos entreprises membres ont leur siège social ici au Canada, emploient plus de 52 000 employés dans tout le pays et sont des chefs de file dans les secteurs de la santé, des technologies propres et financières, de la cybersécurité, de l'intelligence artificielle et plus encore.
     Il est indéniable que le Canada se trouve aujourd'hui dans une situation économique difficile. Depuis des années, nous entendons parler de cette situation précaire, souvent qualifiée de grand marasme canadien, de décennie perdue ou même, plus récemment, par la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, d'« urgence » en matière de productivité. Quel que soit le choix des mots, les avertissements sont clairs: le Canada est confronté à une augmentation du coût de la vie, à une stagnation de la croissance et à une baisse de la productivité. L'ensemble de ces facteurs a un impact négatif sur notre PIB par habitant et, par extension, sur la qualité de vie que les Canadiens attendent.
     Selon les prévisions actuelles, cette stagnation devrait faire du Canada l'économie la moins performante de l'OCDE entre 2030 et 2060. Si l'on ajoute à cela divers défis structurels auxquels notre pays est confronté, tels que le changement climatique, la guerre et la cyberguerre, les problèmes de santé et le manque de concurrence, le statu quo ne fonctionne tout simplement pas. Le Canada doit tracer une nouvelle voie vers une croissance et une prospérité soutenues, ancrées dans une économie de l'innovation forte.
     Si l'on considère en rétrospective le budget de 2023 et l'énoncé économique de l'automne et, surtout, si l'on dirige notre regard vers l'avant, sur le budget de 2024 et au-delà, il faut que le Canada élabore et mette en oeuvre une stratégie industrielle intelligente qui crée de la richesse, améliore la productivité et s'aligne sur nos autres priorités stratégiques. Au coeur de cette optique stratégique doivent se trouver des réformes menées par l'industrie des cadres de recherche et développement et des mécanismes d'approvisionnement du Canada à tous les ordres de gouvernement, parallèlement à d'autres leviers d'innovation importants, notamment un régime d'incitation à la propriété intellectuelle, aux brevets.
     Dans l'esprit du thème central du budget de 2023 du gouvernement, à savoir, bâtir une économie canadienne plus forte, plus durable et plus sûre pour tous, j'aimerais parler aujourd'hui de deux occasions de faire cela exactement.
     La première consiste à améliorer le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, afin de maximiser tous les avantages de la recherche et du développement réalisés dans notre pays, et la deuxième consiste à réformer les processus d'approvisionnement désuets du Canada, afin de stimuler la croissance économique et d'améliorer la prestation de services pour les Canadiens.
     Le Conseil canadien des innovateurs a passé des mois à collaborer avec les innovateurs canadiens et l'écosystème technologique afin d'élaborer des rapports de recherche détaillés visant à améliorer à la fois la recherche scientifique et le développement expérimental d'une part, et l'approvisionnement, d'autre part, au Canada. Parallèlement à cette déclaration liminaire, nous déposons ces rapports opportuns auprès du Comité.
     Le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental est le plus important levier politique en matière de science et d'innovation dans la trousse d'outils du gouvernement fédéral. Depuis plus de cinq ans, le Conseil demande au gouvernement de mettre à jour ce programme d'innovation essentiel, et nous sommes heureux de constater que la consultation se poursuit à l'heure actuelle. Avec un budget prévu de près de 4 milliards de dollars en 2024, il est dix fois plus important que tout autre outil de politique scientifique et d'innovation. Aujourd'hui plus que jamais, dans un contexte budgétaire contraint, le gouvernement devrait chercher à maximiser les avantages à long terme de la recherche scientifique et le développement expérimental pour l'économie nationale.
     Malheureusement, malgré la longue histoire de la recherche scientifique et le développement expérimental, qui remonte aux années 1940, et d'autres incitations à la recherche fiscales, les dépenses brutes en recherche et développement et en activités de recherche et développement par les entreprises sont faibles au Canada par rapport à d'autres économies avancées. En 2020, les activités de recherche et développement par les entreprises du Canada étaient à l'avant-dernier rang du G7, après celles de l'Italie, malgré le fait que le soutien fiscal à la recherche et au développement par les entreprises est plus généreux que dans tous les autres pays, à l'exception du Royaume-Uni et de la France. Les entreprises canadiennes utilisent également moins les actifs incorporels que les entreprises mondiales. À titre de comparaison, les actifs incorporels comme la propriété intellectuelle représentent 70 % de la valeur des entreprises cotées à la Bourse de Toronto et plus de 90 % de celles cotées au S&P 500.
     Le Canada devrait donc encourager aux stades précoces les investissements dans le développement et la protection de la propriété intellectuelle, afin que les entreprises conservent la capacité d'exporter sur de vastes marchés. C'est ce que l'on appelle la liberté d'exploitation, qui est essentielle pour les entreprises qui souhaitent croître, exporter, être compétitives à l'échelle mondiale et assurer une croissance économique forte pour l'économie canadienne.
     En outre, la recherche scientifique et le développement expérimental doivent être plus transparents. Les avantages nets du programme pour le Canada devraient être rendus publics en permanence afin que les Canadiens comprennent ce que la recherche scientifique et le développement expérimental font pour leur économie. Dans la mesure du possible, une plus grande partie des bénéfices devrait être versée directement aux entreprises qui réalisent des activités innovantes et une moindre part aux intermédiaires tels que les consultants en préparation de déclarations de revenus, pour simplifier l'administration.
     De même, la culture actuelle de l'approvisionnement gouvernemental, tant fédéral que provincial, ne sert pas l'économie canadienne et ne sert pas les propres objectifs du gouvernement. En fait, en 2021, les approvisionnements représentaient 14,6 % du PIB du Canada, ce qui se traduit par des milliards de dollars et une force considérable qui façonne notre économie. Les gouvernements canadiens ont particulièrement du mal à acheter des produits et services innovants et inédits, ce qui n'aide guère à résoudre les autres problèmes du Canada sur le plan de l'innovation.
(1540)
     Il n'existe pas de solution unique pour améliorer notre performance en matière d'approvisionnement technologique du gouvernement. Toutefois, celui-ci devrait commencer par s'attaquer aux grands problèmes — une aversion pour le risque excessive, des processus qui ne permettent pas l'innovation itérative, une capacité et une expertise faibles et un manque de passerelles entre l'approvisionnement et le marché — et utiliser une variété d'outils pour les résoudre en tandem.
     En fin de compte, les gouvernements du Canada doivent instaurer une culture dans laquelle une fonction publique responsabilisée peut trouver des solutions novatrices aux problèmes auxquels elle est confrontée, où les innovateurs sont convaincus que la vente de produits et de services novateurs au gouvernement vaut la peine qu'ils y consacrent du temps et contribuera à la croissance de leur entreprise, et où la fonction publique bénéficie en fin de compte d'un gouvernement plus agile et plus axé sur les solutions.
     Je vous remercie de votre attention. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Schiavo.
     Nous passons maintenant à M. Hetherington, de la Daily Bread Food Bank, pour cinq minutes.
     J'ai l'immense privilège d'être le PDG de la Daily Bread Food Bank. Nous sommes la principale banque alimentaire de Toronto et nous avons une vision claire: un jour, le droit à l'alimentation de chaque Canadien sera réalisé.
     Je suis heureux d'avoir l'occasion de partager avec vous ce que nous voyons sur le terrain et de vous expliquer pourquoi, en tant que décideurs politiques, vous devriez vous préoccuper sérieusement de l'insécurité alimentaire au Canada aujourd'hui et dans les mois à venir.
     Avant la pandémie, nous recevions environ 65 000 visites de clients par mois. C'était un problème. La pandémie a doublé ce chiffre pour atteindre un niveau de crise de 120 000 visites par mois. Ensuite, l'inflation s'est installée et, en février 2023, le nombre de visites était de 215 000. Enfin, en février dernier, nous avons été horrifiés de constater qu'il y avait eu 301 000 visites de clients dans la seule ville de Toronto. Je n'ai pas les mots pour décrire l'état dans lequel nous nous trouvons actuellement.
     Les chiffres nationaux sont également inquiétants, car ils montrent une croissance de 30 % d'une année à l'autre, et l'Ontario a connu une croissance de 40 % l'an dernier. Tandis qu'auparavant, à Toronto, 2 000 personnes faisaient appel à une banque alimentaire pour la première fois chaque mois, nous constatons aujourd'hui que ce sont 13 000 personnes qui s'adressent à une banque alimentaire pour la première fois chaque mois.
     Les raisons sous-jacentes sont complexes, mais je peux les résumer en une phrase: les gens ne disposent pas d'un revenu suffisant pour faire face aux coûts les plus élémentaires de la vie, et ce, à un moment où le taux de chômage reste faible. Cela devrait vous inquiéter. Par le passé, le recours aux banques alimentaires était toujours lié au chômage, mais ce n'est plus le cas. Par conséquent, je vieillis à grands pas en pensant à ce qui se passera si le chômage commence à augmenter.
     Pour ceux qui souhaitent réduire le nombre de chômeurs, voici trois mesures à prendre en considération.
     La première consiste à aider ceux qui reçoivent la prestation d'invalidité. Si vous ne retenez rien d'autre de mon témoignage d'aujourd'hui, pensez au défi de mon ami Bobby Giles. Bobby, comme un client de banque alimentaire sur cinq, tire son revenu de la prestation d'invalidité. Il reçoit environ 1 300 $ par mois pour survivre, soit 1 000 $ de moins que le seuil de pauvreté. La réalité de Bobby est commune non seulement en Ontario, mais partout au Canada. En effet, plus d'un million de Canadiens dépendent de la prestation d'invalidité et, en tant que nation, nous légiférons pour que chacun d'entre eux, comme Bobby, vive dans une pauvreté extrême.
     À la Daily Bread Food Bank, nous faisons partie d'une coalition de dizaines d'organisations de partout au pays qui ont dit que c'est assez. Il est temps de financer entièrement la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, avec l'appui de tous les partis, le mardi 16 avril.
     Disability Without Poverty a récemment publié un sondage Angus Reid qui révèle que 91 % des Canadiens, tous partis confondus, appuient cette prestation. Pourquoi la Prestation canadienne pour les personnes handicapées bénéficie-t-elle d'un soutien unanime? Parce qu'elle correspond à nos valeurs de Canadiens, parce que nous savons que nous ne pouvons plus reporter l'insécurité alimentaire sur des organisations caritatives, parce que nous savons que les prestations ciblées sont efficaces et parce que nous savons que ne pas s'attaquer à la pauvreté coûte plus cher. En effet, on estime qu'en Ontario la pauvreté coûte quelque 30 milliards de dollars par an.
     Le deuxième volet de la politique dont je veux parler est le logement abordable. Au nombre des clients des banques alimentaires, 70 % consacrent plus de la moitié de leur revenu au logement, ce qui les expose à un risque élevé de sans-abrisme. Presque un client de banque alimentaire sur cinq consacre 100 % de ses revenus au logement, ce qui ne lui laisse absolument rien pour la nourriture et les autres dépenses. L'énoncé économique de l'automne et les annonces récentes offrent des occasions d'investissement qui reconnaissent les défis en matière de logement auxquels nous sommes tous confrontés à l'échelle nationale et qui cherchent à y remédier. Nous applaudissons ces efforts.
     Le troisième et dernier volet de la politique consiste à soutenir les travailleurs canadiens qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. À la banque alimentaire, nous constatons une augmentation du nombre de personnes dont l'emploi est la principale source de revenus. En fait, l'utilisation des banques alimentaires par ce segment a doublé l'an dernier, passant de 15 % à 33 %. Au sein de ce groupe, on trouve des personnes qui occupent généralement des emplois précaires, temporaires ou contractuels, avec de faibles salaires et peu ou pas d'avantages sociaux. Le gouvernement a annoncé un processus de réforme de l'assurance emploi, mais nous n'en avons pas encore vu les résultats. En conséquence, des milliers de Canadiens continuent de ne pas être admissibles, car le programme ne reflète pas la réalité moderne du travail, qui inclut le travail ponctuel et le travail indépendant.
     En résumé, la résolution du problème de la pauvreté est complexe. Cependant, la bonne nouvelle est que nous savons ce qui fonctionnera. Des prestations ciblées comme l'Allocation canadienne pour enfants et le Supplément de revenu garanti ont eu un impact considérable et ont réduit la gravité de l'insécurité alimentaire. En tant que nation, nous avons le pouvoir d'éliminer la pauvreté et l'insécurité alimentaire chez les Canadiens handicapés grâce à la Prestation canadienne pour les personnes handicapées.
(1545)
     Je vous supplie de saisir cette occasion. Jusqu'à ce que l'utilisation des banques alimentaires commence à diminuer, nous serons là pour tous ceux qui en ont besoin. Je vous supplie également de réfléchir à ces trois champs d'action lorsque vous envisagerez la répartition financière et l'affectation des ressources qui vous attendent.
     Je vous remercie de votre attention.
    Merci, monsieur Hetherington.
     Nous passons maintenant à l'Association des professeures et professeurs de l'Université Laurentienne. Nous avons M. Colin et Mme St-Pierre.
     Je crois que vous allez partager votre temps de parole.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous suis reconnaissant de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui. Je suis en compagnie de ma collègue Linda St‑Pierre, et nous représentons l'Association des professeures et professeurs de l'Université Laurentienne, ou APPUL.
    L'Université Laurentienne est située à Sudbury, en Ontario. Le syndicat de l'APPUL représente plus de 500 membres du personnel universitaire. Demain, cela fera exactement trois ans que, un lundi noir d'avril 2021, près de 200 personnes se sont retrouvées sans emploi et 69 programmes ont été supprimés, dont près de 30 programmes en français. En février 2021, l'Université Laurentienne est devenue la première université financée par des fonds publics à se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Pour les étudiants, les travailleurs et la communauté, les conséquences ont été profondes et dévastatrices. Les coupes ont touché, entre autres, le programme d'études autochtones ainsi que le seul programme bilingue de formation de sages-femmes au pays. Le bouleversement a été ressenti dans tout le Nord de l'Ontario, qui dépend évidemment fortement de l'Université. Les communautés francophones et autochtones ont été touchées de manière disproportionnée.
    La vérificatrice générale de l'Ontario a jugé que ce recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies avait été inutile, inapproprié, coûteux et destructeur. Ce recours avait été stratégiquement planifié par l'administration, sur les conseils d'une firme d'avocats externe, afin de contourner les dispositions de la convention collective conclue avec le syndicat des professeurs. Une loi fédérale a ainsi été instrumentalisée afin de circonvenir des obligations en vertu de la législation sur les relations de travail.
    Si toute perte d'emploi est dévastatrice, le recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies a entraîné pour nos membres la perte de protections et d'avantages supplémentaires auxquels ils avaient droit. En effet, l'Université a utilisé les tribunaux à son avantage pour se protéger, et ce, aux dépens des étudiants, des travailleurs et de l'enseignement public. L'une de nos collègues a perdu son emploi alors qu'elle était enceinte de neuf mois. Pire, elle n'a pas eu droit au congé de maternité ainsi qu'aux avantages sociaux qui y étaient associés, et sur lesquels sa famille comptait. Plusieurs autres ont non seulement perdu leur emploi, mais également leurs indemnités de licenciement et les assurances médicales collectives. Nos étudiants se sont retrouvés dans l'incapacité de terminer leurs études et leurs projets de recherche de troisième cycle. De plus, leurs perspectives d'avenir ont été bouleversées.
(1550)

[Traduction]

    La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies est conçue comme un remède pour les entreprises commerciales, et pas pour nos universités publiques. Le bien public qu'offrent les universités est miné par une loi sur l'insolvabilité conçue pour les entreprises privées, qui fait passer l'intérêt des gros créanciers avant la mission de nos universités.
     Lorsque l'Université Laurentienne s'est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, cela signifiait que les décisions sur ce qui se passait dans une université publique soutenue par l'argent des contribuables étaient prises en fonction d'un bilan et non de ce qui était le mieux pour les étudiants ou pour l'éducation et la recherche publiques.
     Les établissements d'enseignement supérieur comportent des éléments commerciaux, mais ils ne sont pas régis uniquement ni même principalement par l'intérêt du marché. Ils répondent à toute une série de considérations socioéconomiques, telles que la diversité linguistique et culturelle, le développement régional et l'équité. À moins que les établissements publics d'enseignement postsecondaire ne soient soustraits à l'autorité de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, ils risquent d'être définis uniquement par des intérêts commerciaux, ce qui est à l'opposé de ce qu'ils devraient être.
     Dans le cas de l'Université Laurentienne, le recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies a également entraîné des coûts supplémentaires pour un établissement public. La procédure est inutilement onéreuse par rapport à l'option normale d'urgence financière, dans laquelle les universités travaillent en collaboration avec le gouvernement provincial et l'association des enseignants en cas de véritables difficultés financières.
     Le rapport de la vérificatrice générale souligne que l'administration de l'Université Laurentienne a dépensé des dizaines de millions de dollars en avocats et en consultants pour mener à bien la procédure de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Elle s'est adressée à des avocats et à des consultants au lieu d'utiliser les fonds de l'université — qui proviennent en grande partie de subventions gouvernementales et des frais de scolarité des étudiants — pour sauver les programmes d'enseignement et atténuer les dommages causés par sa situation financière.
     La section 7 du projet de loi C-59 modifie la définition des termes « personne morale » et « compagnie » dans la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, pour en exclure les établissements d'enseignement postsecondaire. Nous sommes heureux de constater que cette disposition a été incluse dans le projet de loi C-59. C'est une étape essentielle pour s'assurer que ce qui s'est passé à la Laurentienne ne se produit pas dans un autre établissement public. Elle crée un avenir plus sûr pour l'enseignement postsecondaire.
     J'exhorte le comité à appuyer cet article de la loi, particulièrement à la lumière des dures leçons tirées de l'Université Laurentienne.
     Marsi. Meegwetch. Merci.
    Je vous remercie.
     Nous allons maintenant entendre M. Damphousse, de l'Union des municipalités du Québec.

[Français]

    Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de nous donner l'occasion aujourd'hui de vous faire part de nos commentaires sur des dossiers d'importance, soit les infrastructures, le logement et le transport. Je suis accompagné de M. Samuel Roy, conseiller stratégique aux politiques à l'Union des municipalités du Québec, dont nos membres représentent plus de 85 % de la population et du territoire du Québec.
    Nous aimerions dans un premier temps aborder l'urgence d'agir pour garantir le versement des sommes prévues au Fonds pour le développement des collectivités du Canada. Ces sommes sont essentielles au financement des infrastructures municipales par le Programme de la taxe sur l'essence et de la contribution du Québec.
    Au Québec, nos infrastructures sont vieillissantes et nécessitent une attention urgente. Nous faisons face à un déficit de 45 milliards de dollars pour le maintien des actifs des infrastructures municipales liées à l'eau. Ce chiffre ne tient pas compte des coûts supplémentaires nécessaires pour prolonger les canalisations, augmenter la capacité de nos infrastructures ou encore les adapter aux changements climatiques. Actuellement, les infrastructures sont au maximum de leur capacité dans plusieurs milieux, ce qui ralentit ou interrompt complètement la construction de nouvelles unités de logement. Dans un contexte de crise du logement, on ne peut pas, collectivement, se permettre de suspendre les projets de réfection de nos infrastructures.
    Alors que la saison de construction débute, il est primordial de débloquer ces fonds sans tarder, sans se perdre dans des révisions profondes des programmes, et sans ajouter de nouvelles conditions. Nous attendons toujours un accord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec. Nous réitérons qu'il y a urgence d'agir.
     En ce qui concerne le logement, face à une baisse de 32 % des mises en chantier et à un taux d'inoccupation de seulement 1,3 % en 2023, il est crucial que le Québec bénéficie équitablement des investissements fédéraux. La flexibilité et l'agilité des programmes fédéraux, leur arrimage avec les programmes québécois ainsi que la rapidité d'une entente avec Québec pour le transfert des fonds sont des éléments clés qui permettront aux municipalités québécoises de jouer pleinement leur rôle dans la lutte contre la crise du logement. Par ailleurs, l'ajout de conditions en lien avec les types de logement et les règlements d'urbanisme n'est pas souhaitable. En effet, les municipalités sont, et demeurent, les mieux placées pour planifier l'aménagement de leur territoire en fonction des particularités propres à chaque milieu. Une même solution ne peut pas être adaptée à toutes les municipalités.
    Il est également crucial de prévoir un financement substantiel, prévisible et durable pour les logements destinés aux personnes en situation d'itinérance, dont le nombre a augmenté de 44 % au Québec entre 2018 et 2022. Le programme fédéral Vers un chez-soi, qui a permis de financer divers projets de lutte contre l'itinérance dans 16 régions du Québec, doit être maintenu et bonifié.
    Maintenant, j'aimerais dire quelques mots sur le transport. La vitalité et le développement économique de l'ensemble des régions dépendent d'une offre de transport collectif adéquate. Pour permettre l'épanouissement de nos collectivités, les municipalités du Québec souhaitent que le transport devienne une priorité nationale. Pour favoriser le développement de nos collectivités, les municipalités du Québec appellent le gouvernement fédéral à soutenir financièrement les municipalités afin qu'elles puissent maintenir leurs infrastructures et investir dans des services de transport en commun modernes et efficaces.
    Nous vous remercions de votre attention.
(1555)

[Traduction]

    Je vous remercie. Nous remercions tous les témoins pour leurs déclarations liminaires.
     Je signale aux députés et aux témoins que nous disposons d'un temps limité et que nous avons encore un certain nombre de groupes à entendre aujourd'hui, de sorte qu'il n'y aura qu'un seul tour de questions. Chaque parti aura un tour d'environ sept ou huit minutes pour poser des questions. Vous pouvez partager votre temps entre vous si vous le souhaitez.
     J'avais inscrit M. Perkins sur ma liste, mais je ne le vois pas ici, alors je donne la parole à M. Morantz.
     Monsieur Hetherington, je commencerai par vous.
     Le tableau que vous brossez de la situation est certainement très sombre, en particulier à Toronto. Je me souviens que vous et moi avons parlé devant ce comité l'année dernière, et la situation était alors très grave, mais celle-ci semble encore pire.
     Dans vos propositions de politique, vous n'avez pas abordé la question de l'économie elle-même. Nous avons entendu des témoignages à ce sujet aujourd'hui. Nous savons, par exemple, que la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, a déclaré la semaine dernière que le Canada se trouve dans une situation d'urgence en matière de productivité et que « l'heure a sonné ». Nous avons entendu des témoignages selon lesquels le PIB par habitant a atteint les niveaux de 2018. Selon l'OCDE, le Canada devrait connaître la pire croissance économique de l'OCDE jusqu'en 2060.
     Depuis 2015, le gouvernement fédéral a doublé la dette nationale, qui est passée d'environ 600 milliards de dollars à 1 200 milliards de dollars. Pour moi, cela équivaut à une faute professionnelle économique.
     Je me demande simplement si vous attribuez la responsabilité de ce problème — 300 000 personnes en février 2024 contre 65 000 juste avant la pandémie — à la mauvaise gestion économique du gouvernement libéral.
    Évidemment, en tant qu'organisation caritative, nous sommes apolitiques, je ne peux donc pas faire de commentaires à ce sujet. Je dirai qu'il devrait être alarmant que le chômage soit aussi bas qu'il l'est et que nous nous trouvions dans l'état où nous sommes. Je trouve cela inquiétant.
    En ce qui concerne le prochain budget, je pense que nous devons nous concentrer sur les personnes les plus vulnérables aux chocs aigus que le système a subis. Il y a les déclins que vous avez mentionnés dans la productivité et la part du PIB par habitant. Ce sont tous des facteurs importants, mais si nous cherchons à savoir qui est le plus vulnérable et qui est le plus confronté à ces chocs, je pense qu'il suffit de se tourner vers les personnes à revenu fixe. Pour cela, je pense que nous devons examiner le coût de la pauvreté. Ce coût est extraordinaire et si l'on veut le réduire, il faut s'y attaquer en amont. Cela inclut la Prestation canadienne pour les personnes handicapées.
(1600)
    Je comprends que vous vouliez être apolitique, mais vous avez fait des suggestions politiques, dont aucune ne visait l'amélioration de la performance économique du Canada. Je me demande simplement pourquoi vous ne feriez pas de suggestions politiques qui amélioreraient la productivité du Canada, parce qu'il me semble que c'est la chose la plus importante qui puisse arriver. On dit souvent que le meilleur programme social est l'emploi.
     Vous dites manifestement qu'il y a beaucoup de problèmes graves. Je remarque que dans l'entrevue que vous avez accordée en novembre dernier, vous avez parlé des nouveaux utilisateurs. L'année dernière, lorsque nous nous sommes parlé, je crois que vous avez dit que des familles à deux revenus ont recours aux services de la banque alimentaire. C'est le chiffre qui m'a vraiment étonné: un Torontois sur dix a recours aux services de la banque alimentaire. Ne diriez-vous pas qu'une politique de performance économique à l'égard du gouvernement et de ce budget s'impose?
    Je ne pense pas que ce soit l'un ou l'autre. Oui, bien sûr, nous avons besoin d'une économie forte, mais que nous faut-il pour y parvenir? Nous devons veiller à ce que le gouvernement utilise de manière appropriée, dans le cadre des politiques fiscales et monétaires, tous les leviers dont il dispose.
     Nous avons constaté des résultats positifs en ce qui concerne la baisse du prix des denrées alimentaires. L'impact inflationniste sur ces denrées a commencé à s'atténuer, ce qui est positif. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il faut faire en sorte que nous avons des emplois décents dans tout le pays et que le taux de chômage est faible. La question, qui a été abordée dans mon témoignage, est la suivante: ces emplois sont-ils suffisants pour que quelqu'un puisse s'épanouir dans la collectivité? À l'heure actuelle, la réponse est non.
     Comment mettre en place un système qui permet à une personne travaillant à temps plein d'acquérir l'essentiel pour vivre? Je pense qu'il faut, entre autres, faire en sorte que cette population dispose de logements décents et abordables et reçoive des prestations adéquates. Ce genre de politiques permet à une économie forte de prospérer.
    Ne pensez-vous pas que des politiques axées sur la performance économique donneraient les meilleurs résultats et réduiraient les chiffres que vous observez? Comme je l'ai dit, la dette nationale a littéralement doublé, sans que rien ne se passe.
     Vous avez parlé d'initiatives politiques assez importantes dans votre déclaration liminaire, mais pourquoi n'y a-t-il rien qui vise à accroître la productivité? Nous sommes dans une situation où notre productivité est en baisse. Les États-Unis sont en plein essor. Nous ne voyons pas ce qui se passe aux États-Unis se produire au Canada.
     Dans vos déclarations publiques, vous avez utilisé des mots comme « obscène » et « dépasse l'entendement ». Vous avez tout dit, sauf que « l'heure a sonné ». C'est peut-être l'occasion pour vous d'agir. Je partage moi aussi vos préoccupations.
    Permettez-moi de profiter de cette occasion pour être très clair. Ce n'est pas l'un ou l'autre. Nous avons besoin de conditions économiques fortes, avec des politiques fiscales et monétaires qui stimulent notre économie afin que tous ceux qui le peuvent puissent avoir un emploi qui leur permet de prospérer.
    Parallèlement, nous devons veiller à ce qu'il y ait des restrictions qui garantissent que tout le monde prospère dans le cadre de ce boom économique. Cela inclut les plus vulnérables. Plus précisément, je voudrais que ceux qui ne peuvent pas tirer leur revenu d'un emploi — ceux qui bénéficient actuellement de prestations d'invalidité — puissent accéder aux rentrées élémentaires dont ils ont besoin.
     Je tiens à être très clair: ce n'est pas l'un ou l'autre. Je suis d'accord avec vous. Je veux m'assurer que nous avons une économie saine, prospère et productive. En même temps, je veux m'assurer que personne n'est laissé de côté.
    C'est très juste.
     Monsieur Schiavo, j'ai une question semblable à vous poser.
     Au Canada, nous avons ce qui équivaut à une faute professionnelle économique. La dette nationale a doublé et notre ratio dette-PIB s'approche de 50 %. Il était d'environ 30 % avant la pandémie. Le directeur parlementaire du budget a publié un rapport indiquant que les quelque 200 milliards de dollars dépensés pendant la pandémie, y compris pour des choses comme l'application ArnaqueCAN, n'avaient rien à voir avec le problème.
     Je me demande quelles sont les propositions politiques concrètes que vous avez à faire à ce gouvernement pour améliorer notre productivité, car il me semble qu'une économie florissante contribuerait grandement à résoudre bon nombre de ces problèmes.
(1605)
    Ce sera la dernière question. Vous pouvez y répondre, puis nous passerons au député suivant.
    Bien sûr.
    Je comprends le sérieux de votre question et je conviens qu'avec le déclin de la productivité, il est temps de tirer la sonnette d'alarme.
     Je reconnais également votre objectif d'un accent sur les solutions. Pour nous, il est très important de disposer d'un cadre solide de recherche et de développement dans notre pays pour nos entreprises à croissance rapide, qui investissent non seulement dans la recherche, mais aussi, et surtout, dans la commercialisation et la manière dont elles transforment cette recherche en croissance économique pour les Canadiens.
     Je pense aussi, et vous y avez fait allusion, que la méthode d'approvisionnement, telle qu'elle est à l'heure actuelle, ne fonctionne ni pour les Canadiens ni pour les gouvernements. Nous n'avons pas l'élan économique que nous pourrions avoir, alors que d'autres économies avancées tirent parti de leurs systèmes d'approvisionnement. L'adoption d'une forme d'approvisionnement plus souple et plus moderne ferait des merveilles pour la productivité et l'économie dans son ensemble.
    Merci, monsieur Morantz.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Thompson.
    Merci. Je vais partager mon temps de parole.
     J'aimerais commencer par l'Association des professeures et professeurs de l'Université Laurentienne. Je ne sais pas lequel d'entre vous veut répondre, ou si vous voulez tous les deux intervenir.
     Il est certain que les changements apportés au projet de loi se font attendre depuis longtemps, et vous le savez pour avoir vécu des moments difficiles en 2021. La vérificatrice générale de l'Ontario a déclaré qu'il y avait de solides arguments pour dire que la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies est un recours inapproprié et peut-être dommageable pour les organisations publiques. Le projet de loi C-59 va dans le même sens.
     Comment estimez-vous que les dispositions du projet de loi protègent les institutions comme la vôtre à l'avenir et promeuvent d'autres moyens de faire face aux difficultés financières?

[Français]

    Il existe déjà des outils liés aux situations financières critiques, un plan d'urgence déjà en place dans pratiquement toutes les conventions collectives de partout au pays afin de gérer ces situations financières critiques de sorte que la mission de l'université, plutôt que les intérêts commerciaux, demeure la principale préoccupation, ce qui est primordial. Ça change beaucoup de choses dans la mesure où, par exemple, il faut considérer des coupes dans tous les autres secteurs avant d'en envisager dans le secteur universitaire. Si des coupes dans le secteur universitaire deviennent nécessaires, elles seront douloureuses et se traduiront par la fermeture de programmes ou de départements, certes, mais elles seront faites dans le respect des droits qui auront été négociés dans les conventions collectives.

[Traduction]

    Merci.
     Je vais poser une dernière question à M. Hetherington avant de passer la parole.
     Je vous remercie de votre déclaration liminaire. Je suis d'accord pour dire que le gouvernement est capable d'avoir une politique fiscale forte tout en veillant à ce qu'il y ait une politique sociale forte pour que personne ne soit laissé pour compte.
     Dans cette optique, pourriez-vous nous parler de l'importance du programme de repas dans les écoles et de son impact éventuel sur l'insécurité alimentaire des enfants?
    L'un de nos défis à la banque alimentaire se manifeste pendant les mois d'été, lorsqu'il y a plus de bouches à nourrir à la maison. Si vous envisagez un programme universel, comme celui qui a été annoncé récemment, il est tout à fait possible d'apporter des changements importants et permanents à l'insécurité alimentaire dans l'ensemble du pays.
    Merci.
    Mes questions vont s'adresser au Conseil canadien des innovateurs.
    Monsieur Schiavo et monsieur Carbonneau, j'ai travaillé pendant un certain temps sur ce sujet, et je veux donc aussi connaître toutes les solutions.
     Quelle est votre principale recommandation? Vous avez parlé de la nécessité de mieux soutenir la recherche et le développement. Quelle est la principale chose que nous pourrions faire pour encourager un partenariat avec l'argent de recherche que nous donnons aux innovateurs canadiens? Que recommanderiez-vous pour y parvenir?
(1610)
    Je peux commencer et, monsieur Carbonneau, vous pourrez ajouter quelque chose si vous le souhaitez.
     Le Canada obtient de bons résultats dans le domaine de la recherche. C'est dans le domaine du développement que nous échouons souvent. Dans notre rapport, je dirais que la recommandation la plus importante est d'élargir l'admissibilité à des éléments comme la propriété intellectuelle et le développement continu.
     Le thème de notre rapport — vous remarquerez qu'il est intitulé à dessein — est l'obtention de résultats. Ce que nous disons, c'est que si nous dépensons 4 milliards de dollars chaque année pour la plus grande politique d'innovation de notre pays, elle devrait être axée sur les résultats plutôt que sur les intrants. La reconnaissance des actifs incorporels au XXIe siècle fait partie intégrante de cette démarche. Cela dit, nous formulons une série de recommandations.
    Monsieur Carbonneau, je ne sais pas si vous voulez aller plus loin.
    Par souci de concision, je ferai remarquer que nous avons publié, de manière très opportune, notre réponse à la partie de la consultation relative à l'incitation à la propriété intellectuelle. Nous pensons qu'une mesure relative à l'innovation, une mesure qui est un peu plus étendue et inclut davantage de sortes de propriétés intellectuelles, est un très bon complément à notre crédit de taxe sur les intrants de recherche avec un aspect qui porte explicitement sur la commercialisation et qui fournit plus de soutien et d'incitation à l'exportation, ce qui est la chose essentielle à faire pour ces entreprises en expansion qui ont besoin d'agir sur les marchés mondiaux.
    J'ai dû m'informer sur la propriété intellectuelle et son importance. À mon avis, je ne pense pas que notre économie en général ou notre population en général comprend ou reconnaît l'importance des brevets et des marques de commerce. Je crois que si c'était le cas, on leur accorderait beaucoup plus d'importance.
     Nous n'avons pas de culture de la propriété intellectuelle, si bien que nos entreprises ne déposent pas de brevets ou de marques de commerce. Cela tient en partie à ce que vous avez dit: nous n'autorisons pas ces dépenses dans le cadre de nos mécanismes de financement.
     Que pouvons-nous faire de plus pour sensibiliser les gens à l'importance de breveter leurs idées et d'en faire des marques de commerce? Nous devons progresser dans la création de cette culture de la propriété intellectuelle.
    J'aimerais intervenir ici.
     Un organisme qui a connu le succès est le Collectif d'actifs en innovation, ou CAI. Il est le porte-parole de la propriété intellectuelle au Canada. Nous aimerions que son mandat soit élargi au-delà des technologies propres pour couvrir d'autres secteurs et nous devrions veiller à ce qu'il dispose des ressources nécessaires à cet effet.
     Je note également que le gouvernement a lancé des programmes comme ExplorerPI et ÉleverlaPI. Je pense qu'il y a une prise de conscience du fait que nous ne sommes pas exactement une nation de propriétés intellectuelles, mais nous faisons quelques pas dans la bonne direction.
     Comme vous le dites, on peut toujours faire plus.
    En ce qui concerne le collectif des brevets en technologie propre, je crois qu'il a été proposé de l'étendre. Avez-vous reçu des observations à ce sujet? Y a-t-il eu une réponse ou attendons-nous toujours?
    Je serai parfaitement honnête. Je ne suis pas au courant et il faudra que je retourne vérifier.
     J'aimerais bien vérifier et vous répondre là-dessus.
    En ce qui concerne votre point sur l'approvisionnement, cela me frustre vraiment et je pense que vous savez que nous avons eu des conversations sur l'approvisionnement. Il faudrait presque faire exploser le système. Je ne sais pas si vous avez une recommandation autre que celle de faire exploser tout le système d'approvisionnement.
     Pour votre gouverne, vous n'êtes pas la seule à le recommander. Peu importe à qui nous nous adressons. C'est un système obsolète et dépassé et, aujourd'hui, nous avons besoin d'un système solide pour les innovateurs canadiens, et il est insensé que nous n'en ayons pas un.
     Si vous aviez une recommandation sur ce que nous pourrions faire pour que notre système d'approvisionnement tel qu'il existe actuellement puisse soutenir les innovateurs canadiens, quelle serait-elle?
    Nous avons récemment publié un rapport contenant six recommandations. Je vais aborder celle qui, à mon avis, touche vraiment le problème central que nous avons repéré, qui est fondamentalement une question de culture, d'incitations institutionnelles et de processus en place.
     La principale conclusion que nous avons tirée de nos entretiens avec de nombreux innovateurs est que la manière dont le gouvernement gère les approvisionnements fixe à zéro le risque que nous fassions les choses autrement qu'à l'heure actuelle. Or, c'est faux. Dans le monde réel, les choses tournent mal. Nous en avons vu de nombreux exemples au cours des 15, 20 et 30 dernières années.
     Nous pensons que le changement de culture est l'aspect le plus important. Nous pensons qu'il existe un excellent modèle en Finlande. Elle dispose d'un réseau d'institutions au sein du gouvernement qui développe une expertise sur l'approvisionnement en matière d'innovation.
     Si je devais choisir un élément à retenir de ce rapport et un point de départ, ce serait celui-là.
    Je vous remercie.
(1615)
    Merci, madame Dzerowicz.
     Nous passons à M. Ste-Marie.

[Français]

     Monsieur le président, je vous remercie.
    Premièrement, je remercie M. le maire et tous les témoins de leur présence et de leurs témoignages. Il y a eu beaucoup de témoignages très poignants, aujourd'hui. Le temps est limité, mais nous prenons des notes et nous tenterons de bonifier le projet de loi C‑59.
    Mes questions s'adresseront aux représentants de l'Union des municipalités du Québec.
     Monsieur Damphousse, je vous salue encore une fois. Mon collègue Xavier Barsalou‑Duval vous salue aussi.
    Je vais d'abord parler du Programme de la taxe sur l’essence et de la contribution du Québec. Depuis mon élection en 2015, c'est la première fois que nous recevons autant de copies de résolutions de municipalités envoyées au gouvernement pour dire, comme vous le mentionniez, qu'il faut que les fonds soient débloqués et qu'il y ait une entente rapidement. Pouvez-vous nous expliquer de nouveau l'importance d'agir, et de le faire maintenant?
    Vous me permettrez d'aller encore plus loin, monsieur Ste‑Marie: de tous les programmes qui existent, que ce soit les programmes fédéraux, les programmes provinciaux ou les programmes jumelés comme celui-ci, c'est de loin le programme le plus apprécié du milieu municipal québécois. Je ne serais pas surpris d'apprendre que c'est le plus apprécié de tous les programmes à l'échelle du Canada, parce qu'il est efficace, il a fait ses preuves et, surtout, il est facilement applicable en fonction d'une question prioritaire: nos infrastructures souterraines, qui coûtent une fortune.
    Je suis maire depuis 15 ans, donc depuis un peu plus longtemps que vous êtes député, et c'est la première fois que nous dépendons autant de ces sommes. Nous sommes maintenant au printemps et les travaux doivent débuter sous peu. Avec les hivers que nous avons, ça doit se faire l'été, et difficilement plus tard que le début de l'automne. Nous sommes donc déjà en train de lancer des appels d'offres pour des projets, alors que nous ne savons même pas si nous allons avoir les sommes requises ou s'il y aura des conditions additionnelles, dont il semble être question. Il est minuit moins cinq et il devient de plus en plus dramatique de ne pas avoir ces sommes. C'est très inquiétant.
    Je fais donc appel à vos collègues du gouvernement fédéral, comme à vos collègues du Québec qui sont ici: de grâce, entendez-vous dans les meilleurs délais.
    C'est bien compris. Il est à souhaiter qu'il y ait des annonces positives lors de la présentation du budget, mardi prochain. Nous allons continuer d'interpeller la ministre à ce sujet.
    En lien avec ça, la nécessité des infrastructures, la période limitée pour effectuer les travaux, et le manque criant de logements, vous rappeliez que les mises en chantier au cours de la dernière année ont diminué de 32 %. Il y a donc une crise du logement. Le gouvernement, dans les annonces qu'il a faites avant de présenter son budget, a proposé plusieurs mesures. J'aimerais que vous nous expliquiez l'importance d'avoir accès rapidement aux fonds des programmes comme le Programme de la taxe sur l’essence et de la contribution du Québec une fois qu'ils sont adoptés et d'avoir des critères clairs.
    Nous allons toujours prioriser le Programme de la taxe sur l'essence et de la contribution du Québec. De nouvelles annonces ont été faites au cours des derniers jours, des dernières semaines et des derniers mois, dont cette fameuse somme de 900 millions de dollars réservée pour le logement au Québec. Malheureusement pour les municipalités du Québec, nous avons une particularité, que vous connaissez très bien, c'est-à-dire que nous dépendons de la conclusion préalable d'une entente entre Québec et le fédéral.
    De mémoire, cette somme de 900 millions de dollars pour le Québec faisait partie d'un investissement de 3 milliards de dollars. Cependant, le dossier a été retardé de 6 à 12 mois, parce que nous dépendions de la conclusion de cette entente. Encore une fois, nous avons sommé les deux ordres de gouvernement de s'entendre. Nous recevions des nouvelles du premier ministre du Canada, qui disait que c'était retardé à cause des municipalités, mais nous n'avions toujours pas accès à ces sommes.
    Nous avons quand même eu une bonne nouvelle, parce que le gouvernement provincial a décidé d'ajouter une somme de 900 millions de dollars. Cependant, cette lourdeur administrative liée aux ententes entre Québec et Ottawa ralentit notre processus. Si on y ajoute des mesures de reddition de comptes, c'est encore plus complexe. Nous en avons assez. De grâce, arrêtez d'en ajouter.
     Oui, en effet. Je rappelle que le montant de 900 millions de dollars, qui provient du fédéral, avait été voté il y a deux ans. Il y a une crise et il y a urgence d'agir, mais il y a toujours des retards.
    Comme vous l'avez dit, les municipalités sont les mieux placées pour déterminer les critères relatifs à la construction de logements. Si le soutien du fédéral est assorti de conditions ou d'exigences, j'imagine que ça signifiera davantage de retard, ce qui suscite de l'inquiétude de votre côté. Est-ce exact?
(1620)
    En effet, ça nous inquiète. L'idée d'imposer des conditions relatives à l'ajout d'infrastructures pour de nouveaux logements est intéressante. Cependant, quand on annonce que, au Québec seulement, le déficit lié aux infrastructures vieillissantes est de 45 milliards de dollars, il faudrait arrêter d'en ajouter et plutôt réparer ce qui existe.
    Un des problèmes est l'adaptation aux changements climatiques. Au Québec et au Canada, nous l'avons vécu à la vitesse grand V. Il y a toutes sortes de problématiques, et elles ne s'amenuiseront pas; au contraire, elles vont s'accélérer.
    Réparons donc rapidement nos infrastructures actuelles et transformons-les pour les rendre les plus résilientes possibles. Ça nous permettra d'ajouter des logements. Très souvent, ce sont les vieux secteurs qui seront transformés et densifiés. Les tuyaux sont là, mais ils ont besoin d'amour, et donc d'investissements.
    Je vous remercie.
    Vous avez parlé de l'importance de soutenir le transport en commun. Pouvez-vous nous donner plus d'explications à cet égard?
    Avant que Québec présente son budget, l'ensemble des 53 maires et mairesses qui composent le conseil d'administration de l'Union des municipalités de Québec avaient adopté une position ferme, demandant l'ajout de sommes additionnelles. Nous voulons tous réduire nos émissions de gaz à effet de serre, et nous savons que ça passe inévitablement par le transport collectif. Cependant, nous avons été grandement déçus, puisque aucune somme additionnelle n'a été ajoutée.
    Par contre, nous nous adressons également au fédéral, parce qu'il ne s'agit pas d'une responsabilité exclusive des provinces. En effet, il s'agit d'un défi national et nous souhaitons que ça devienne une priorité. Si on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut s'attaquer au transport. Le transport collectif peut donc donner un grand coup de main à cet égard.
    C'est très clair, merci beaucoup. En terminant, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Honnêtement, je crois que nous avons fait le tour des dossiers, et vos questions étaient très pertinentes. Je vous remercie.
    Nous nous engageons à porter vos recommandations auprès du gouvernement. Je vous remercie.
    Merci, messieurs Damphousse et Ste‑Marie.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. Davies. Vous serez notre dernier intervenant pour ce groupe.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins pour leurs excellents témoignages.
     Monsieur Hetherington, vous avez donné un nombre brut pour ce qui est de l'utilisation des banques alimentaires par les personnes handicapées. Pouvez-vous nous donner une idée approximative du pourcentage d'utilisateurs de banques alimentaires qui sont des personnes handicapées?
    Environ un cinquième à un quart des utilisateurs de banques alimentaires déclare avoir une invalidité.
    Quel est le pourcentage des enfants?
    Dans le cas des enfants, c'est un tiers.
    Je ne parle pas des enfants handicapés, mais des enfants en général. Quel est le pourcentage?
    Un tiers.
    Bien.
     Vous avez mentionné le soutien incroyablement élevé de l'opinion publique envers une Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Cette mesure a également reçu le soutien unanime de la Chambre.
     Avez-vous des conseils à donner sur le taux qui devrait être fixé? En fonction de quel montant le gouvernement fédéral devrait-il fixer le taux?
    Les défenseurs des personnes handicapées disent depuis longtemps que le taux devrait correspondre au seuil de pauvreté majoré de 15 à 30 %. Il est plus coûteux de s'en sortir lorsqu'on est handicapé, même à ce niveau très minimal du seuil de pauvreté.
     Il y a une façon simple de voir les choses. Dans l'ensemble du pays, les personnes touchent généralement environ 1 300 $ au titre de l'invalidité. Le seuil de pauvreté étant de 2 300 $, il y a donc une différence de 1 000 $ avant le seuil de pauvreté. Voici une règle empirique pour le million de personnes qui pourraient en bénéficier: chaque milliard de dollars investi équivaut à environ 100 $ pour une personne handicapée. Par conséquent, il faudrait un programme de 10 à 12 milliards de dollars pour faire passer quelqu'un de 1 300 à 2 300 $ comme plancher minimum pour une prestation d'invalidité entièrement financée par le Canada.
    Merci.
     Cela dépasse peut-être votre domaine de spécialité, mais il me semble que lorsque nous donnons plus d'argent aux personnes à faible revenu, elles le dépensent dans nos collectivités. Elles ne le placent pas dans un compte d'épargne à l'étranger. Elles ne l'épargnent pas. Elles le dépensent probablement et le réinjectent dans l'économie.
     Savez-vous si le fait que le gouvernement fédéral fournisse cet argent aux personnes de cette cohorte a des répercussions économiques et si un certain pourcentage de cet argent est effectivement réinjecté dans l'économie de manière productive?
(1625)
    Vous avez tout à fait raison de dire que lorsque les personnes qui sont à mille dollars en deçà du seuil de pauvreté reçoivent une prestation quelconque, elles vont réinvestir chaque dollar — chaque centime — dans l'économie locale. Je pense qu'il faut que cela se produise. En même temps, nous voulons nous assurer que chacune des politiques monétaires est maîtrisée afin qu'elle ne soit pas un moteur important de l'inflation — et elle ne le serait pas.
    Vous avez dit qu'un nombre surprenant d'utilisateurs de banques alimentaires sont des travailleurs pauvres. Je pense que vous avez dit précisément que ce sont des gens qui ne perçoivent souvent pas de prestations.
     Au cours de la présente législature, les néo-démocrates ont proposé de collaborer avec le gouvernement pour développer l'assurance dentaire et l'assurance médicaments afin d'offrir des avantages à ceux qui n'en ont pas. Je me demande simplement quel serait, selon vous, l'impact sur la cohorte avec laquelle vous travaillez quotidiennement de la suppression des dépenses liées aux soins dentaires et aux produits pharmaceutiques et de la libération de cet argent vers son emploi pour d'autres nécessités de la vie.
    Je le vois tous les jours. Je le vois lorsqu'une personne qui fait de son mieux en travaillant 40 ou 50 heures avec deux ou trois emplois à temps partiel doit visiter la banque alimentaire parce qu'elle doit faire un choix entre le loyer, la nourriture, les médicaments ou l'électricité.
     Ce sont des avantages importants, en particulier lorsqu'il s'agit d'avantages profonds et ciblés pour les soins dentaires et pharmaceutiques.
    J'ai eu le privilège de siéger au Parlement lorsque la crise de la pandémie de COVID s'est amorcée au début de 2020. J'étais à la Chambre lorsque tous les partis ont soutenu un programme d'aide de 107 milliards de dollars pour la COVID. Bien sûr, une partie de ce programme consistait à fournir 2 000 $ par mois de Prestation canadienne d'urgence, la PCU, aux personnes qui étaient incapables de travailler en raison de la pandémie, souvent sans faute de leur part.
     Qu'avez-vous remarqué au sujet de l'utilisation des banques alimentaires en 2020 et 2021 en raison de l'aide fédérale apportée à des personnes qui, autrement, auraient été contraintes de ne pas travailler?
    L'utilisation des banques alimentaires a effectivement augmenté pendant cette période, mais la PCU était un palliatif indispensable.
     Pour revenir un instant en arrière, vous avez mentionné le chiffre de 2 000 $. Je pense que tous les membres de ce groupe peuvent poser la question de l'éléphant dans la pièce: pourquoi avons-nous estimé que le chiffre de 2 000 $ était le bon, alors que chaque année, partout dans le pays, pandémie ou pas, on dit aux personnes handicapées de se débrouiller avec 1 300 $? Ça, c'est obscène.
     Encore une fois, j'implore ce groupe, les fonctionnaires du ministère des Finances et chacun d'entre vous qui voterez mardi de financer pleinement la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Elle est ciblée et nécessaire.
    Merci.
     Au Conseil canadien des innovateurs, quelles sont les recommandations du Conseil pour une stratégie industrielle intelligente qui contribuerait à garantir que la propriété intellectuelle résultant de l'innovation canadienne soit détenue par les Canadiens?
    Il y a beaucoup de sujets que nous pouvons aborder d'emblée. Nous avons parlé des crédits d'impôt et des marchés publics. À mon avis, il s'agit là des éléments de l'offre et de la demande d'une même équation qui nous permettent de nous assurer d'engendrer plus d'innovation dans l'économie.
     Du côté de l'offre — et traditionnellement nous sommes meilleurs dans ce domaine au Canada — on a beaucoup insisté sur les crédits d'impôt et le financement de la recherche. Nous avons formulé un lot de recommandations sur la manière d'augmenter l'efficacité des crédits à la recherche scientifique et au développement expérimental pour cibler les résultats souhaités au lieu de continuer à nous concentrer uniquement sur les intrants. Nous pensons que c'est une voie prometteuse.
    Du côté de la demande, nous avons déjà évoqué notre rapport sur les marchés publics. Je pense qu'il s'agit d'un levier vraiment sous-utilisé au Canada par rapport à beaucoup d'autres économies avancées. Bien sûr, les États-Unis ont mis en place depuis plusieurs dizaines d'années un programme de recherche sur l'innovation dans les petites entreprises qui a produit de nombreuses retombées très intéressantes, tant technologiques que financières. C'est une chose que l'UE expérimente de plus en plus. J'ai mentionné la Finlande tout à l'heure. Elle dispose d'une structure très progressiste de programmes qui s'imbriquent les uns dans les autres et favorisent l'acquisition de nombreuses compétences, tout en veillant à ce que les autorités municipales et régionales soient incluses, ce qui, historiquement, n'a pas occupé une grande place dans la politique d'innovation canadienne. Entre ces deux éléments, il y aurait un ensemble intéressant de leviers.
     En ce qui concerne la propriété intellectuelle, nous avons parlé un peu de l'éducation, et je pense que c'est vraiment crucial. Nous avons parlé du Collectif d'actifs en innovation, qui y contribue. Je tiens également à souligner le travail accompli par le Programme d'aide à la recherche industrielle, le PARI, du Conseil national de recherches qui est en fait l'un des programmes de politique industrielle les plus fructueux des 75 dernières années au Canada. La combinaison du savoir-faire des entreprises, du secteur public et des experts techniques en fait un lieu inégalé pour développer une véritable expertise et pour aider les entreprises à naviguer dans les tendances technologiques et commerciales.
(1630)
    Merci, monsieur Davies.
     Merci à nos témoins pour leurs excellents témoignages. Nous en sommes très reconnaissants.
     Cela conclut la discussion avec ce groupe, et nous allons maintenant passer à notre prochain groupe de témoins. Vous pouvez partir.
     Mesdames et messieurs, si j'ai bien compris, nous devrons voter un peu après 17 h 30. Je pense qu'il serait dommage de nous priver de ceux qui font partie de notre groupe de 17 h 30 à 18 h 30, et nous les avons donc contactés. Nous allons accueillir tous les témoins pour qu'ils puissent au moins nous faire leur déclaration liminaire. Je ne sais pas de combien de temps nous disposerons pour poser des questions, mais vous aurez l'occasion de le faire. Tous les témoins du groupe de 16 h 30 à 17 h 30 et du groupe de 17 h 30 à 18 h 30 se joindront à nous.
    Pouvons-nous demander le consentement unanime pour poursuivre jusqu'au moment des votes?
    Oui, nous pouvons poursuivre jusqu'aux votes, mais ce n'est qu'une fois que les cloches se mettent à sonner que nous pouvons demander le consentement unanime.
     Nous suspendons la séance pour l'instant pendant la transition.
(1630)

(1635)
    Nous reprenons nos travaux. Le temps file très vite et nous voulons nous assurer que tous nos témoins peuvent faire leur déclaration liminaire. Nous pourrons ensuite consacrer le plus de temps possible aux questions avant le début des votes.
     Chers collègues, nous accueillons David Robinson, directeur général de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université; Konstadin Kantzavelos, président de l'Association canadienne des spécialistes de textiles; et Joan DiFruscia, présidente de l'organisme Otonabee-South Monaghan Food Cupboard.
     Je ne sais pas s'ils sont déjà présents, mais nous accueillons aussi Rob Cunningham, analyste principal des politiques, et Kelly Masotti, vice-présidente de la défense de l'intérêt public de la Société canadienne du cancer; Peter German, de l'Institut de lutte de la corruption de Vancouver; et Véronique Laflamme, porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain. Nous attendons Jeff Pearson, président de la division du carbone chez Wolf Midstream. Nous espérons qu'il pourra se joindre à nous.
     Nous allons commencer avec le représentant de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, qui dispose de cinq minutes.
     Je suis très reconnaissant de l'invitation qui m'a été faite de comparaître au nom de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Nous représentons 72 000 professeurs, bibliothécaires et professionnels de plus de 120 établissements d'enseignement postsecondaire dans toutes les provinces du pays.
     Mes observations porteront principalement sur l'exclusion proposée dans le projet de loi C-59 des établissements d'enseignement postsecondaire publics de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
    L'Association souscrit sans réserve à ces modifications importantes. Les procédures d'insolvabilité et de faillite des entreprises sont inappropriées et inutiles pour les universités et les collèges financés par l'État et vont à l'encontre des valeurs et des principes fondamentaux de ces établissements, notamment la prise de décision collégiale et la liberté universitaire.
     Nous avons appris cette leçon à nos dépens. Comme nous l'avons entendu plus tôt, en février 2021, l'Université Laurentienne de Sudbury a été la toute première université financée par des fonds publics à demander et à obtenir la protection de la LACC. Comme la vérificatrice générale a fini par conclure dans son rapport sur cette affaire, le recours à la LACC était inutile, inapproprié, coûteux et constituait une décision destructrice de la part de l'administration de l'Université. Cette décision était inutile, car d'autres mécanismes permettaient de relever les défis financiers de l'établissement.
     Tout d'abord, l'Université n'a pas suivi le précédent qui est normal dans le secteur public dans son ensemble et a refusé l'aide financière offerte par le gouvernement provincial.
     Ensuite, elle a délibérément ignoré ses obligations contractuelles avec l'Association des professeures et professeurs de l'Université Laurentienne qui prévoient une procédure pour traiter les manques à gagner réels. On trouve dans les conventions collectives de presque toutes les associations de professeurs au Canada des dispositions négociées dites de nécessité financière qui précisent comment la communauté universitaire dans son ensemble peut gérer les crises financières, tout en protégeant les valeurs éducatives fondamentales. Au lieu de cela, l'administration de la l'Université Laurentienne a invoqué la LACC pour ignorer la convention collective et retenir des renseignements financiers et elle s'est tournée vers un processus coûteux, combatif et inutile.
     En demandant la protection de la LACC, l'administration a également trahi les valeurs fondamentales de l'université. Historiquement, les dispositions de nécessité financière ont été introduites dans des conventions collectives pour protéger les principes de la prise de décision collégiale et de la liberté universitaire. Les procédures de nécessité financière garantissent que les décisions relatives à la restructuration universitaire et à la fermeture de programmes ne passent pas par des diktats de l'administration, mais sont prises avec la participation active de la communauté universitaire, c'est-à-dire de ceux qui s'y connaissent en matière d'éducation.
     Le libellé des dispositions de nécessité financière protège également la valeur fondamentale de toutes les universités, soit la liberté universitaire. Il accorde au personnel universitaire le droit d'enseigner, de faire de la recherche et d'exprimer des opinions sans censure ni représailles de la part de l'établissement. Comme la Cour suprême du Canada l'a souligné, la liberté universitaire est nécessaire « à la recherche du savoir et au rayonnement des idées en toute liberté » et « essentielle[s] à la vitalité de notre démocratie ». La libellé des dispositions relatives à la nécessité financière garantit que les administrations n'utilisent pas une crise financière comme prétexte pour violer la liberté universitaire en ciblant les universitaires qu'elles jugent controversés, difficiles ou impopulaires.
     Enfin, le processus de la LACC a également été extrêmement et inutilement coûteux. L'Université Laurentienne a dépensé des dizaines de millions de dollars en avocats et consultants alors que près de 200 postes de professeurs et d'employés ont été perdus et que 69 programmes ont été annulés, dont beaucoup étaient des programmes en langue française et en langue autochtone qu'on ne trouvait nulle part ailleurs, y compris le seul programme bilingue autochtone de formation en pratique de sage-femme dans le Nord de l'Ontario.
     Par suite des événements survenus à l'Université Laurentienne, l'Association a commandé un rapport à l'avocat Simon Archer et à Virginia Torrie, une ancienne professeure de droit à l'Université du Manitoba. Voici leur conclusion:
Les objectifs des politiques des établissements publics, comme les universités, sont incompatibles avec la principale raison d’être de la législation relative à l’insolvabilité, qui est d’encourager la prise de risques commerciaux. [...] L’application de la LACC à ces établissements modifie les règles de base de leur fonctionnement. [...] elle sape la gouvernance, la prise de décisions interne et la transparence.
    Les auteurs concluent leur rapport en soulignant le besoin urgent de modifier la LACC et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité afin d'empêcher leur utilisation par les universités et collèges publics.
     Je vous demande donc instamment de soutenir ces modifications.
     Je vous remercie de votre attention.
(1640)
    Merci, monsieur Robinson.
     Nous allons maintenant entendre le président de l'Association canadienne des spécialistes de textiles, M. Kantzavelos.
    Honorable président, membres respectés du Comité permanent des finances, bonjour. Je m'appelle Konstadin Kantzavelos. J'exploite mon entreprise, TSC Wetclean, dans la ville de Mississauga depuis 1988.
     Je suis fier d'être membre et président de l'Association canadienne des spécialistes de textiles, dont je siège au conseil d'administration depuis 2013. C'est un honneur de représenter et de diriger une organisation ancrée dans notre industrie depuis 1949 et qui représente actuellement plus de 10 000 emplois dans tout le Canada.
    L'Association est l'organe directeur des professionnels du nettoyage à sec, du nettoyage à l'eau, de la blanchisserie et des métiers connexes qui se consacrent à la prestation de services et de solutions d'entretien de tissus et textiles d'un océan à l'autre en établissant des normes de saine gestion, de conduite éthique et de procédures d'exploitation adéquates. La séance d'aujourd'hui offre à l'Association l'occasion la plus importante de défendre ses intérêts. Permettez-moi de faire la lumière sur la contribution de notre industrie à l'économie canadienne et sur les défis auxquels nous avons été confrontés. Surtout, permettez-moi d'illustrer comment le gouvernement canadien et l'Association peuvent travailler de concert pour revitaliser et redynamiser les entreprises à travers le Canada.
     Aucun secteur n'a autant souffert que celui de l'entretien des textiles au cours de la COVID-19. Pendant plus de deux ans, nos revenus ont chuté de 90 % dans l'ensemble du pays. Plus de 50 % de nos établissements d'entretien de textiles ont fermé leurs portes dans tout le pays. Le télétravail a été le facteur clé de cette baisse. Pour de nombreux Canadiens, les costumes, les chemises, les cravates, les jupes et les robes sont les uniformes portés au travail, comme pour toutes les personnes ici présentes.
     Je suis ici aujourd'hui pour célébrer la contribution majeure des propriétaires de petites entreprises membres de l'Association canadienne des spécialistes de textiles à travers le Canada. Nous faisons partie d'une communauté de petites entreprises qui représente 98 % de toutes les entreprises au Canada — les petites entreprises. Les petites entreprises emploient plus de 10 millions de Canadiens et on leur doit 50 % du PIB du Canada.
     Selon Statistique Canada, une personne moyenne consacre environ 10 heures par semaine à du travail non rémunéré. Le principal travail dont il est question ici est la lessive. Selon un sondage Ipsos Reid réalisé pour le compte de GE Appliances, 30 % des Canadiens ne s'y mettent que lorsqu'ils n'ont plus de sous-vêtements propres, 25 % des Canadiens ont avoué avoir laissé leurs vêtements dans la laveuse ou la sécheuse pendant des jours avant de s'en occuper et 41 % ont déclaré qu'ils se contentaient de deviner les méthodes d'élimination des taches.
     Plus récemment, comme nous avons pu le lire dans le Financial Post en mars dernier, la première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Carolyn Rogers, s'est exprimée sur le déclin de la productivité canadienne. Selon elle, le Canada doit s'attaquer à la faiblesse de la productivité pour protéger l'économie contre les facteurs de l'inflation future.
     L'Organisation de coopération et de développement économiques a révélé que le Canada se classe au 29e rang des 38 pays de l'OCDE pour la productivité de la main-d'oeuvre. En termes simples, un travailleur canadien produit un dollar de biens et de services alors qu'un travailleur américain en produit 1,30 $. Cela représente un avantage de 30 %. 
     Ces statistiques sont importantes, car bien que la plupart des industries aient augmenté leurs prix pour les consommateurs, les membres de l'Association ont gardé leurs prix relativement stables en raison de nos investissements dans la technologie appropriée et la productivité avancée.
     En février 2021, au plus fort de la pandémie, les consommateurs suédois qui confiaient leur blanchisserie, leur nettoyage à sec et la retouche de leurs vêtements à des nettoyeurs professionnels ont bénéficié d'une déduction fiscale de 25 % du coût. L'association suédoise a présenté un plan visant à informer son gouvernement sur la manière dont cette mesure incitative pourrait fonctionner.
    L'Association n'est pas différente. Elle considère notre diversité comme une force et nos employés comme notre plus grand atout. Nous sommes une industrie circulaire verte. Nous nous concentrons sur le bon entretien des textiles, ce qui prolonge leur durée de vie et élimine l'incertitude pour le consommateur. Nos membres sont certifiés par l'Association, ce qui signifie qu'ils respectent les normes environnementales, économiques et sociales requises. Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que tous les membres de notre industrie contribuent continuellement à la préservation de notre environnement et de notre écosystème en adhérant à toutes les lignes directrices du gouvernement fédéral en matière de gestion des déchets.
     En instaurant un encouragement fiscal, le gouvernement canadien prouvera son engagement envers une économie plus verte. Comme nous vivons à une époque de virus et de maladies dangereuses, quel meilleur moyen de promouvoir la propreté dans tous les ménages canadiens que d'offrir un encouragement fiscal pour faire nettoyer ses tissus et ses vêtements par des professionnels?
     En tant que président de l'ACST, il est de mon devoir de vous informer de l'importance de ce que notre industrie représente dans nos communautés, c'est-à-dire la préservation de notre environnement et de notre économie. Nous proposons un crédit d'impôt de 25 % pour favoriser le recours aux services d'un professionnel de l'entretien des textiles dans tous les ménages canadiens. C'est là que le projet de loi C-59 peut nous aider. Tout comme en Suède, l'Association peut être une ressource pour le gouvernement du Canada en ouvrant la voie au maintien de la stabilité et de la croissance économique de l'industrie canadienne de l'entretien des tissus et des textiles.
     Nous vous demandons de faire le choix ciblé de travailler avec l'Association canadienne des spécialistes de textiles et de veiller à ce que notre proposition d'encouragement fiscal devienne une réalité et empêche la disparition de nos petites entreprises.
    Voici quelques suggestions concernant les conditions à remplir pour bénéficier de cet encouragement fiscal. Vous devez être âgé d'au moins 18 ans, vivre au Canada et payer des impôts sur au moins 90 % de votre revenu total. Le montant maximum des dépenses de nettoyage annuel pour bénéficier de l'encouragement fiscal est de 5 000 $ par ménage. Le fournisseur professionnel de services d'entretien de vêtements doit être enregistré auprès de l'Association canadienne des spécialistes de textiles, et il n'est pas nécessaire d'être propriétaire pour bénéficier de l'encouragement fiscal.
(1645)
    Quels services seraient couverts par cette déduction? Le nettoyage à sec, le nettoyage à l'eau, le blanchissage et le pliage de vêtements, la réparation et la retouche de vêtements, le nettoyage de tapis et de tissus d'ameublement.
     Je vous remercie de votre attention.
    Merci, monsieur Kantzavelos.
     Nous allons maintenant entendre Mme Joan DiFruscia, la présidente de l'organisme l'Otonabee-South Monaghan Food Cupboard.
(1650)
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des finances.
     Je suis honorée d'être ici pour vous parler de l'abordabilité du point de vue des personnes qui vivent dans la pauvreté, comme les familles qui reçoivent les services de l'Otonabee-South Monaghan Food Cupboard, également connu sous le nom d'OSM Food Cupboard.
     L'OSM Food Cupboard est une banque alimentaire rurale située à Keene, en Ontario, dans la circonscription de Northumberland—Peterborough South. L'OSM Food Cupboard a ouvert ses portes il y a plus de 10 ans dans le cadre d'un projet d'approche communautaire de l'Église unie de Keene. L'organisme vient en aide aux habitants du canton et de la Première Nation Hiawatha.
     Je vous invite à réfléchir à ceci: lorsque vous sortirez de cette réunion, je suppose que vous avez un endroit sûr où aller, où vous dormirez ce soir, la nuit suivante et ainsi de suite. Demain, vous ferez des choix pour le déjeuner, le dîner et le souper, mais qu'en est-il si vous vivez de l'insécurité alimentaire? Par exemple, avec le programme « L'Ontario au travail », le programme d'aide sociale de base en Ontario, vous touchez un peu plus de 700 $ par mois, soit le même montant qu'en 2018. Après avoir payé le loyer, si vous pouvez trouver un logement pour, disons, 700 $ — s'il vous plaît, ne riez pas de cette suggestion — et les services publics, l'essence, à votre ami qui vous conduit à un programme de formation, un téléphone cellulaire, pour recevoir des appels pour des emplois potentiels... Eh bien, vous n'avez plus d'argent depuis longtemps. Et qu'en est-il de la nourriture?
     Le fait est qu'il n'y a tout simplement pas assez d'argent pour couvrir même le coût des produits des premières nécessités. Avec tout ce stress, quel est l'état de santé physique et mental d'une personne?
     Entre novembre 2023 et février dernier, le nombre de familles avec enfants a doublé à la Banque alimentaire de l'OSM. Les enfants représentent maintenant le tiers des personnes auxquelles notre banque alimentaire vient en aide. Gardez à l'esprit que, qu'elles comptent un ou six membres, les familles ne s'adressent à notre banque alimentaire que lorsqu'elles en ont besoin, et elles choisissent les aliments dont elles ont besoin.
     Le personnel bénévole et les membres du comité sont dévoués et compatissants lorsqu'ils s'emploient à aider les familles. La banque alimentaire est une source fiable et constante de nourriture et elle offre aussi une oreille attentive. Une famille peut payer sa facture d'électricité en sachant qu'elle peut obtenir de l'aide pour ses besoins alimentaires. Au fil du temps, des relations privilégiées se sont tissées entre le personnel et les familles, ainsi qu'un respect mutuel. Sachez que les gens veulent améliorer leur vie. Le fait est que lorsqu'une personne vit dans une grande pauvreté, il est extrêmement difficile d'en sortir, comme d'un trou profond.
     Dans ce magnifique pays qu'est le Canada, quelles sont les solutions pour s'attaquer à la cause première de la pauvreté, à savoir le faible revenu? L'une des solutions consiste à garantir un revenu minimum vital.
     Une deuxième solution est que les gouvernements de tous ordres et de toutes allégeances collaborent dans le but commun de sortir les gens de la pauvreté. Des mécanismes doivent être mis en place pour empêcher les récupérations, comme lors de la mise en place de la prestation canadienne pour les personnes handicapées, afin d'améliorer la vie des personnes en situation de handicap.
     Une troisième solution est que les aides visant à couvrir les prestations pendant une période de transition entre l'aide sociale et même emploi précaire à temps partiel et au salaire minimum encourageraient les gens à quitter le filet de sécurité sociale.
     Quatrièmement, les logements abordables, comme Otonabee Court à Keene, permettent aux résidents de longue date de continuer à vivre dans la collectivité, en payant soit le loyer courant, soit un loyer basé sur le revenu.
     Sur le plan financier, les personnes vivant dans la pauvreté ont un coût pour l'ensemble de la société. Le réseau de la santé, déjà très sollicité, réagit du mieux qu'il peut, car les adultes vivant dans la pauvreté sont plus susceptibles d'avoir besoin de soins pour des maladies chroniques telles que les maladies cardiaques et le diabète, ainsi que pour des problèmes de santé mentale. Les systèmes judiciaire et éducatif ont également des coûts à supporter. L'absence de changement a un coût énorme, car elle empêche aussi les gens d'exploiter tout leur potentiel.
     Je travaille avec des banques alimentaires depuis plus de 40 ans. Le système est brisé. Les banques alimentaires n'aident pas les gens à s'en sortir. Récemment, l'insécurité alimentaire a considérablement augmenté, en partie à cause de l'inflation, mais le phénomène est mondial et n'est pas propre au Canada. Pour notre banque alimentaire, qui distribue de la nourriture une fois par mois, j'ai entendu ce commentaire: « Je vis deux semaines, puis je survis deux semaines, jusqu'au jour de la prochaine distribution de nourriture ». C'est inacceptable dans ce pays.
(1655)
     Mesdames et messieurs du Comité permanent des finances, vous avez la responsabilité de veiller à ce que les investissements du gouvernement comblent les besoins des Canadiens.
     Le projet de loi C-59 vise à mettre en oeuvre des éléments de l'énoncé économique de l'automne 2023, mais sous peu, vous aurez probablement aussi un rôle à jouer dans la mise en oeuvre d'éléments du budget de 2024.
     Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que nous sommes confrontés à une crise d'insécurité alimentaire à laquelle il faut s'attaquer de toute urgence. Dans le cadre de votre examen du projet de loi C-59 et éventuellement du budget de 2024, je vous exhorte à envisager d'accorder la priorité aux besoins des Canadiens à faibles revenus.
     Je tiens à remercier le député Lawrence de m'avoir offert l'occasion de m'exprimer aujourd'hui.
    Merci de votre attention.
    Merci, madame DiFruscia.
     Je suis heureux que nos prochains témoins aient pu s'adapter à nos contraintes. Ils étaient censés commencer à 17 h 30, mais comme nous savons ce qui va se passer, nous les accueillons un peu plus tôt.
     Des représentants de la Société canadienne du cancer sont parmi nous. Il s'agit de l'analyste principal des politiques, Rob Cunningham. Je crois que Kelly Masotti, la vice-présidente de la défense de l'intérêt public, se joint aussi à nous.
     Vous avez maintenant la chance de vous exprimer pendant cinq minutes.

[Français]

     Monsieur le président et chers membres du Comité, merci de m'avoir donné l'occasion de témoigner.

[Traduction]

     Je m'appelle Rob Cunningham. Je suis avocat et analyste principal des politiques pour la Société canadienne du cancer.
     Mon témoignage portera sur les dispositions du projet de loi C-59 qui prévoient des droits de recouvrement des coûts pour les entreprises de produits du tabac et de vapotage, aux articles 217 et 218, et sur les dispositions relatives à l'administration et à l'application de la taxe sur les produits de vapotage, aux articles 145 à 167.
     En ce qui concerne les droits de recouvrement des coûts, le projet de loi confère le pouvoir d'adopter des règlements exigeant que les compagnies de tabac et les entreprises de produits de vapotage remboursent au gouvernement fédéral le coût annuel de 66 millions de dollars de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. Nous soutenons fermement cette mesure et nous remercions le gouvernement de l'avoir proposée. En fait, nous remercions tous les partis pour leur vote unanime de 323 à zéro en deuxième lecture pour cette mesure.
     Les droits de recouvrement des coûts ont une longue histoire. En 2021, ce comité a recommandé la mise en oeuvre de droits dans son rapport prébudgétaire. Lors des élections fédérales de 2021, cette mesure figurait dans les programmes des libéraux, des conservateurs et des néo-démocrates. Lors des élections fédérales de 2019, elle figurait dans le programme des conservateurs et était réclamée par le NPD. Elle figurait dans la lettre de mandat du ministre de la Santé en 2021. Le député Don Davies, qui siège maintenant à ce comité, est un champion de longue date, ayant déposé des motions au cours de la législature actuelle et des précédentes.
     Les Canadiens ne devraient pas tous payer pour la stratégie du gouvernement visant à réduire le tabagisme, une stratégie qui vise aussi désormais le vapotage. C'est l'industrie du tabac qui devrait payer, selon les principes de la reddition de comptes et de la responsabilité financière. L'industrie du tabac est à l'origine de l'épidémie de tabagisme et de ses vastes ravages sanitaires et elle devrait être responsable du coût de la réduction du tabagisme.
     En outre, l'industrie du vapotage a fait des gains financiers considérables en raison des taux élevés de vapotage chez les jeunes, de nombreux anciens adolescents étant aujourd'hui plus âgés, dépendants et vapoteurs à l'âge adulte. Ils peuvent être dépendants de la nicotine pour la vie. Il convient de souligner que l'industrie du tabac est également un acteur majeur de l'industrie du vapotage.
     Aux États-Unis, des droits de recouvrement des coûts, administrés par la FDA, sont en place depuis 2009. Chaque année, la FDA récupère 712 millions de dollars américains, soit plus de 900 millions de dollars canadiens, auprès des fabricants de tabac selon leur part de marché afin de rembourser le budget qu'elle consacre à la lutte contre le tabagisme. Si les États-Unis peuvent imposer des droits de recouvrement des coûts, il est certain que le Canada le peut aussi.
     Ici au Canada, l'industrie du cannabis est soumise à des droits de recouvrement des coûts depuis 2018. Si nous pouvons le faire pour le cannabis, nous pouvons le faire pour le tabac et le vapotage.
     En moyenne, en neuf ans et demi, l'industrie du tabac a augmenté ses propres prix, hors taxes, de 30,40 $ par cartouche. Elle a augmenté ses propres prix de 180 % au cours d'une période où l'inflation cumulée n'était que de 28 %. En conséquence, elle engrange des revenus supplémentaires d'au moins 2 milliards de dollars par an. Peut-elle se permettre de verser 66 millions de dollars par an au gouvernement fédéral? Oui, elle le peut.
     En ce qui concerne les droits de recouvrement des coûts, nous avons proposé trois amendements visant à renforcer la mise en oeuvre. Ces amendements sont courts et simples et serviraient les objectifs du projet de loi et du gouvernement. Le greffier a reçu un projet de texte législatif et une justification des amendements recommandés.
    Premièrement, nous demandons instamment que le projet de loi exige que les entreprises paient à l'avance: si l'entreprise n'a pas payé les droits, elle ne peut pas vendre le produit. C'est ainsi que fonctionne la taxe d'accise sur le tabac. Le gouvernement ne devrait pas avoir à courir après les entreprises après coup.
     Deuxièmement, l'amende maximale en cas d'infraction aux dispositions relatives aux droits de recouvrement des coûts devrait être portée de 50 000 à 500 000 $, un maximum déjà fréquemment fixé dans d'autres dispositions législatives. Une amende de seulement 50 000 $ représenterait simplement pour une compagnie de tabac un prix à payer pour faire des affaires.
     Troisièmement, le projet de loi devrait préciser explicitement que la Loi sur les frais de service ne s'applique pas aux droits de recouvrement des coûts du tabac et du vapotage, tout comme la Loi sur le cannabis précise que la Loi sur les frais de service ne s'applique pas aux droits de recouvrement des coûts du cannabis. Il ne s'agit pas ici d'un service, et donc de droits pour ce service, comme l'approbation d'un brevet ou l'homologation d'un médicament d'ordonnance.
     En ce qui concerne les dispositions relatives à l'administration et à l'application de la taxe sur le vapotage, elles sont importantes pour en garantir le bon fonctionnement, y compris pour réduire le vapotage chez les jeunes.
     Enfin, je tiens à souligner la catégorie des cigarettes électroniques jetables. Elles sont très populaires auprès des jeunes et leurs ventes ont récemment décollé au Canada. Elles sont très bon marché et minent l'objectif de la taxe sur les produits de vapotage, qui est de réduire le vapotage chez les jeunes. Devant le Comité des finances du Sénat, même l'Imperial Tobacco a récemment demandé une augmentation de la taxe sur les cigarettes électroniques jetables.
     Je vous remercie de votre attention. Nous sommes impatients de répondre à vos questions.
(1700)
    Merci, monsieur Cunningham. Merci de défendre les intérêts de la Société canadienne du cancer sur la Colline.
     Nous allons maintenant entendre M. Jeff Pearson, de Wolf Midstream.
     Allez-y, je vous en prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président, de m'offrir l'occasion de m'exprimer aujourd'hui.
     Je m'appelle Jeff Pearson et je suis le président de la division carbone chez Wolf Midstream. J'ai une formation en ingénierie pétrolière et gazière, en commerce et en finance.
     À titre d'information, Wolf Midstream est une société privée basée à Calgary qui a été fondée en 2015. Nous nous concentrons sur le développement d'infrastructures énergétiques et nous avons dépensé environ 5 milliards de dollars en actifs énergétiques. Nous sommes soutenus par une grande caisse de retraite canadienne.
    Wolf Midstream compte trois divisions, dont une division des pipelines qui possède un vaste réseau d'oléoducs qui achemine le pétrole depuis les sites de production du Nord-Est de l'Alberta jusqu'au marché d'Edmonton. Nous avons également une division des liquides de gaz naturel qui a récemment construit une grande usine pour extraire ces liquides, comme l'éthane et le propane, du gaz naturel avant qu'il ne soit brûlé dans les sables bitumineux. Ces liquides sont ensuite transportés à Edmonton et séparés grâce à l'usine que nous avons construite pour être transformés en plastiques. Grâce à l'extraction des liquides de gaz naturel à forte teneur en carbone et à la combustion de méthane essentiellement pur, les émissions de CO2 sont réduites de plus de 250 000 tonnes par an.
     Notre troisième division est celle du carbone, que je dirige. Dans ce groupe, nous avons construit, et nous possédons et exploitons, une infrastructure de CO2 appelée Alberta Carbon Trunk Line (ACTL). Wolf a investi près de 500 millions de dollars pour construire cette infrastructure en 2019 et 2020, et le système est devenu opérationnel au début de 2020.
     L'ACTL est l'un des plus grands pipelines de CO2 au monde, et le plus grand axé sur le CO2 produit par l'homme, ou anthropique. Il a une capacité de près de 15 millions de tonnes par an, ce qui dépasse les réductions d'émissions proposées dans le cadre du captage, de l'utilisation et du stockage du carbone des sables bitumineux.
     Nous avons actuellement deux sources de CO2, soit l'usine d'engrais Nutrien Redwater et la raffinerie North West Sturgeon. Le CO2 de ces deux sites est un sous-produit de la production d'hydrogène. Ces sources totalisent environ un million et demi de tonnes par an. En mars, nous avons célébré le transport de notre cinq millionième tonne de CO2 qui aurait autrement été émis dans l'atmosphère, mais qui a plutôt été stocké en permanente dans les profondeurs souterraines.
     Le pipeline ACTL fonctionne actuellement à 10 % de sa capacité et est sous-utilisé. Au cours des cinq dernières années, Wolf s'est efforcé de capter le CO2 d'un plus grand nombre de sources et d'utiliser la capacité disponible pour transporter le CO2 jusqu'à son stockage permanent. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Air Products, qui construit la nouvelle usine d'hydrogène sans émissions à l'extérieur d'Edmonton. Nous avons également travaillé avec Dow Chemical, qui construit le projet pétrochimique Path2Zero dans le cadre d'un agrandissement du site qu'elle exploite déjà à Fort Saskatchewan. Grâce à l'ACTL, Wolf assurera à ces deux entreprises le transport du CO2 jusqu'à son lieu de stockage géologique permanent.
     Wolf développe également un projet de stockage en aquifère salin profond, également désigné du nom de « séquestration », à proximité du pipeline d'ACTL afin de pouvoir stocker en permanence le CO2 provenant de ces projets et d'autres. Les partenaires de ce projet comprennent cinq groupes de Premières Nations et Whitecap Resources qui dispose d'un savoir-faire technique important en matière d'activités souterraines du fait qu'elle possède et exploite le projet de stockage de CO2 à Weyburn en Saskatchewan. Nous visons l'achèvement et le démarrage de ce projet pour 2025, en même temps que le démarrage de l'usine d'Air Products.
     Pour les besoins de ces projets, Wolf a construit l'an dernier un prolongement de 38 kilomètres de notre pipeline de CO2 jusqu'à l'usine d'Air Products près d'Edmonton. Nous avons commencé la construction en août dernier, et elle a été en grande partie achevée en décembre 2023, à l'exception de quelques travaux de nettoyage finaux. Dans ce projet, Wolf a dépensé près de 100 millions de dollars pour ce pipeline. Une grande partie de cette dépense est admissible à des crédits d'impôt à l'investissement, dans le cadre des CII pour le captage, l'utilisation et le stockage du carbone.
     Je pense qu'aujourd'hui, Wolf est l'un des plus grands investisseurs de capitaux admissibles à des crédits d'impôt à l'investissement. Ces crédits sont un élément important et nécessaire de notre commerce avec les émetteurs, le soutien en capital fourni par ces crédits étant réinjecté dans notre structure commerciale afin de réduire le coût pour nos clients et, par conséquent, le coût de la décarbonisation. Grâce à nos dépenses de fonds admissibles au crédit d'impôt à l'investissement, nous sommes heureux d'anticiper que le projet de loi sur les crédits d'impôt à l'investissement sera officialisé dès que possible. Cela témoignera d'un réel progrès dans la réalisation de nos objectifs de soutien à la décarbonation et apportera une certitude supplémentaire aux émetteurs qui envisagent d'investir dans la capture, l'utilisation et le stockage du carbone.
     Je vous remercie de votre attention. Je suis impatient de répondre à vos questions.
(1705)
    Merci, monsieur Pearson.
     Nous entendrons maintenant M. Peter German, de l'Institut de lutte contre la corruption de Vancouver.
     Allez-y, s'il vous plaît.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous.
     Je souhaite aborder certaines modifications relatives au blanchiment d'argent contenues dans le projet de loiC-59.
     Auparavant, permettez-moi de me présenter et de me dire désolé de ne pas être présent parmi vous.
     Je participe à la lutte contre le blanchiment d'argent depuis que le Canada a adopté une loi sur les produits de la criminalité en 1989. Dans le cadre de ce travail, j'ai notamment été directeur général de la lutte contre les crimes financiers à la GRC, j'ai obtenu des diplômes d'études supérieures sur le sujet, j'ai enseigné dans des facultés de droit, j'ai témoigné en tant qu'expert, j'ai donné des conférences au Canada et à l'étranger, et j'ai travaillé comme consultant. Je suis l'auteur d'un ouvrage publié par Thomson Reuters, qui est sur le marché depuis 1998 et qui est le seul service traitant de la législation canadienne sur les produits de la criminalité.
     L'Institut de lutte de la corruption de Vancouver est une entité créée en partie en réponse à deux rapports rédigés pour le procureur général de l'époque, David Eby: Dirty Money et Dirty Money-Part 2.
     M. Jeffrey Simser, qui a comparu devant vous le 9 avril dernier, est un de mes collègues professionnels qui possède des états de service distingués dans la province de l'Ontario, où il a notamment été le premier directeur de la confiscation civile au Canada. Nous souscrivons aux commentaires qu'il a faits ici et nous ne les répéterons pas.
     En Colombie-Britannique, il n'y a pratiquement pas de poursuites en cours pour blanchiment d'argent. Les policiers et les procureurs citent une multitude de raisons pour expliquer ce phénomène. La plupart tournent autour du libellé du Code criminel et des décisions judiciaires. En conséquence, la plupart des biens confisqués dans cette province le sont au civil. La Colombie-Britannique dispose d'un régime de confiscation civile très efficace. C'est bien, mais cela ne fait que retirer aux acteurs criminels de l'argent et des biens qu'ils n'auraient pas dû avoir en premier lieu. Ces personnes ne sont pas sanctionnées, elles ne sont pas inculpées et ne vont pas en prison. Nous avons besoin d'un Code criminel solide pour lutter contre le blanchiment d'argent.
     Depuis de nombreuses années, la principale plainte des policiers et des procureurs est la difficulté de relier l'argent sale à son crime principal, ce qui est une exigence en matière d'infractions. Le projet de loiC-59 tente de surmonter cet obstacle dans le cas des blanchisseurs d'argent tiers. Ces personnes ne commettent pas forcément les infractions principales, comme le trafic de stupéfiants, mais elles se spécialisent dans le blanchiment d'argent. À l'échelle internationale, nous employons désormais l'expression « organisations mondiales de blanchiment d'argent » pour désigner les entités de blanchiment d'argent tierces qui offrent leurs services à forfait. Dans bien des cas, elles opèrent à partir des principaux centres financiers.
     Le Canada a été témoin d'une augmentation considérable du blanchiment d'argent. Nous sommes une cible facile pour les organisations de blanchiment, et ce pour plusieurs raisons.
     Je suis heureux de voir les modifications du Code criminel qui tentent de remédier au blanchiment d'argent par des tiers. Je me réjouis également de la suppression de l'exigence relative aux engagements qui figurait dans les dispositions du Code criminel relatives au « mandat spécial » et aux « ordonnances de blocage ».
     Ma seule déception est qu'il nous a fallu attendre depuis 1989 pour procéder à ces changements. C'est symptomatique d'un problème plus vaste. Nous apportons des retouches à nos lois; nous ne les saisissons pas à bras-le-corps pour les secouer et nous assurer qu'elles sont efficaces. Sans entrer dans les détails, je m'attends tout à fait à ce que d'autres amendements soient apportés aux modifications à l'étude aujourd'hui.
     Je souhaite également souscrire à l'inclusion des guichets automatiques génériques dans la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Cela fait probablement 20 ans que des gens, dont je suis, réclament cette modification. Elle n'a que trop tardé.
     Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous pouvons faire mieux. Les Canadiens ne veulent pas que leur pays devienne un havre pour les blanchisseurs d'argent. Cela nécessitera une volonté politique et bureaucratique et un engagement continu pour débarrasser le Canada de ce vice.
     Je vous remercie de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1710)
    Merci, monsieur German.
     Nous allons entendre notre dernier témoin avant de passer aux questions des députés. Il s'agit de la porte-parole du Front d'action populaire en réaménagement urbain.
     Madame Laflamme, la parole est à vous.

[Français]

     Bonjour, monsieur le président et membres du Comité.
    Le Front d'action populaire en réaménagement urbain, le FRAPRU, est un regroupement qui compte 141 organismes communautaires actifs dans les différentes régions du Québec, dont 30 comités de logement et associations de locataires qui sont au cœur de ces interventions. Depuis 45 ans, notre regroupement intervient principalement dans les enjeux liés au droit au logement et fait la promotion du logement social. Nous portons la voix des ménages locataires mal logés et des requérants et requérantes de logements sociaux du Québec.
    Comme vous le savez, une crise du logement fait rage partout au Canada et frappe durement le Québec. Cette crise du logement s'ajoute à deux autres crises, soit celle de l'itinérance, qui est alimentée, notamment, par les conséquences de la détérioration de la situation du logement, et de celle de centaines de milliers de ménages locataires, à faible ou modeste revenu, qui consacrent une part trop importante de leur revenu pour se loger. Les gouvernements leur ont porté trop peu d'attention pendant trop longtemps, malgré leurs engagements à mettre en œuvre progressivement le droit à un logement décent.
    Il y a 1,6 million de ménages locataires au Canada, dont plus de 373 600 sont au Québec. Ceux-ci consacraient, lors du dernier recensement, plus que la norme de 30 % de leur revenu pour se loger. C'est énorme, et c'est beaucoup trop dans un pays riche comme le nôtre. Le revenu médian des ménages locataires québécois dans cette situation est de seulement 23 800 $.
    Cette crise du logement est causée par une rareté généralisée de logements locatifs, mais aussi par l'inaccessibilité. La multiplication des expulsions, souvent illégales, pour le profit l'alimente aussi. Le parc de logements à prix abordable s'effrite rapidement. Le Québec a perdu 116 000 logements à moins de 750 $ entre les deux derniers recensements.
    L'insécurité résidentielle touche à présent de plus en plus de ménages locataires. Le revenu médian de l'ensemble des ménages locataires du Québec est de 48 400 $ par rapport à 55 000 $ dans l'ensemble du Canada. Ce revenu médian leur permet de moins en moins de se loger décemment sans couper dans les dépenses pour d'autres besoins essentiels comme la nourriture, les déplacements, les vêtements pour enfants et les fournitures scolaires. Le filet social n'est pas aux rendez-vous pour les locataires qui perdent leur logement, puisque les options de rechange aux logements privés trop chers ne sont pas disponibles en raison du manque de logements sociaux sous différentes formes. Les conséquences sont dramatiques, notamment pour les aînés, les enfants et les femmes fuyant la violence conjugale.
    Dans ce contexte, c'est nettement au logement social que le gouvernement fédéral doit accorder la priorité. Que ce soit sous la forme de logements publics, de coopératives ou d'organismes sans but lucratif d'habitation, le logement social offre un toit qui répond aux besoins diversifiés des locataires, et à un prix qui respecte leur capacité de payer. Il est également la solution pour des milliers de personnes en situation d'itinérance. Il s'agit de la formule la plus complète et permanente d'aide au logement. Or il manque cruellement de logements sociaux. Si le gouvernement fédéral n'avait pas cessé de financer leur développement à long terme, ce sont des dizaines de milliers de logements sociaux, répondant à ces besoins, que nous aurions partout au Canada, aujourd'hui.
    Pour se sortir de la double crise qui touche durement les locataires du Québec et de tout le Canada, construire des dizaines de milliers de logements, sans égard à leur prix et à leur tenure, ne suffira pas. Cela permettra peut-être de régler le problème de la pénurie, mais on aura aggravé en cours de route celui de l'inaccessibilité, qui est déjà intenable dans plusieurs villes du Québec et du Canada.
    Les logements privés neufs, construits récemment, n'offrent pas des loyers correspondant à la capacité de payer d'une partie importante des ménages locataires. Qui plus est, au Québec, les propriétaires peuvent augmenter le coût des loyers à leur guise au cours des cinq années suivant la construction du logement, ce qui contribue à pousser encore plus les prix vers le haut. C'est également le cas dans d'autres provinces. S'il convient d'augmenter l'offre de logements, il faut donc s'assurer de le faire en ciblant et en soutenant, au moyen des fonds publics, ceux qui répondront durablement aux besoins de nos concitoyens et de nos concitoyennes les plus mal pris. Pour cette raison, c'est au logement social qu'il faut donner la priorité.
    Alors que les investissements consacrés au logement social sont insuffisants et que la Stratégie nationale sur le logement y réserve une infime partie des milliards qui y sont affectés, les locataires à faible ou modeste revenu sont les principaux oubliés. Seule l'Initiative pour la création rapide de logements, qui couvrait l'entièreté des coûts de réalisation des projets, leur était consacrée, mais elle n'est pas récurrente et le dernier budget n'y a pas accordé de nouveau financement.
    Nous pensons qu'il faut cesser de soutenir, au moyen des fonds publics, des projets de développement de logements privés trop chers. L'immobilier est un secteur d'investissement rentable, les profits des promoteurs privés sont empochés par eux seuls, notamment lors de la vente des immeubles. Il n'y a aucune garantie que les fonds publics consacrés aux promoteurs privés soutiendront l'abordabilité des nouveaux logements ainsi construits.
(1715)
    Les fonds publics doivent donc servir à ce qui répond de façon durable aux besoins collectifs dans nos communautés, c'est-à-dire les logements sociaux hors marché privé, qu'ils soient offerts par des coopératives, des organismes sans but lucratif ou des organismes publics, comme les habitations à loyer modique.
    C'est pour cette raison que nous nous sommes opposés à l'élimination de la taxe sur les produits et services sur tous les nouveaux immeubles de logements locatifs. Cette mesure, évaluée à 4,6 milliards de dollars dans la mise à jour économique de novembre dernier, sera extrêmement coûteuse...
    Merci, madame Laflamme.
    ... alors que nous devrions utiliser ces milliards de dollars en fonds publics pour aider les locataires ayant les besoins les plus urgents.
    Merci, madame Laflamme.

[Traduction]

    Pendant les questions des députés, il sera possible d'en dire plus à ce sujet et d'approfondir la question.
    Chers collègues, je tiens à m'assurer que nous aurons le consentement unanime lorsque les cloches commenceront à sonner. Je le demanderai, car cela aura une incidence sur ma répartition du temps.
    Des députés: D'accord.
    Le président: Nous allons commencer par notre tour de table habituel, qui est de six minutes pour chaque parti. Cependant, M. Ste-Marie a demandé à commencer parce que l'un des témoins qu'il a invités, je crois qu'il s'agit de Mme Laflamme, doit partir plus tôt. Il sera donc le premier intervenant, hors séquence, et nous reprendrons ensuite l'ordre habituel.
     Nous cédons la parole à M. Ste-Marie pour les six premières minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous mes collègues d'avoir accepté que je prenne la parole le premier pour que je puisse poser des questions à Mme Laflamme, qui doit quitter la réunion sous peu pour des raisons familiales.
    Madame Laflamme, si vous voulez terminer votre allocution, vous pouvez le faire.
    J'allais dire que l'élimination de la taxe sur les produits et services, ou TPS, pour tous les nouveaux immeubles locatifs n'offre aucune garantie que les logements construits contribueront à régler la crise de l'abordabilité, ce qui est un problème majeur.
    Nous sommes cependant favorables à ce que les coopératives, les organismes sans but lucratif et les organismes publics qui fournissent des logements soient admissibles à une exonération ciblée de la TPS.
    Vous dites donc que les fonds publics devraient être investis prioritairement dans le logement social, et que les fonds donnés au secteur privé seraient plus judicieusement utilisés s'ils étaient réservés au logement social, comme les coopératives.
    Si j'ai bien compris votre point de vue, je le partage.
    Tout à fait, monsieur Ste‑Marie.
    J'en profite pour vous remercier de l'invitation à prendre la parole devant ce comité.
    Pour nous, les fonds publics déjà prévus doivent aller au logement sans but lucratif. Nous voyons, à la mi-parcours de la Stratégie nationale sur le logement, qui s'échelonne sur 10 ans, que 40 milliards de dollars ont déjà été affectés à différentes initiatives sur le logement. Si cet argent avait entièrement été consacré au logement social, on aurait, au Québec et au Canada, des milliers de logements sociaux de plus. On aurait quelque chose de quantifiable. On aurait déjà cheminé pour augmenter la part de logements sociaux dans l'ensemble du parc locatif.
    En investissant dans différentes initiatives qui favorisent d'abord des logements privés trop chers, on se retrouve, cinq ans après le lancement de la Stratégie nationale sur le logement, avec très peu de résultats. C'est la raison pour laquelle nous espérons que le prochain budget va réaffecter les sommes encore prévues dans le cadre de la stratégie à la construction de logements sociaux.
    Je vous remercie.
    J'ajouterai que le Comité permanent des finances a probablement déjà pris connaissance du rapport de l'an dernier de la Banque Scotia et, plus récemment, de celui de la Banque Royale du Canada.
    Les organismes de défense du droit au logement, comme le FRAPRU et plusieurs autres regroupements de partout au Canada, ne sont pas les seules organisations à demander au Canada d'augmenter considérablement la construction de logements sociaux afin d'envisager une sortie de crise.
    Maintenant, des banques, comme la Banque Royale du Canada, pas plus tard que la semaine dernière, et la Banque Scotia, l'an dernier, ont clairement indiqué que, pour pouvoir sortir de cette crise, il faut investir massivement dans le logement social et cibler les investissements publics à cet effet.
(1720)
    Ce que vous dites est vraiment important.
    Quand la Banque Royale du Canada et le FRAPRU sont porteurs du même discours, c'est sans doute que la crise est majeure.
    Dans votre allocution, vous avez dit qu'entre les deux derniers recensements, on pouvait observer une perte de 116 000 logements abordables. Cela rappelle l'importance d'investir dans le logement social.
    Qu'est-ce qui explique cette diminution du nombre de logements abordables?
     Cet effritement du parc de logements locatifs encore abordables s'explique par le changement dans la fourchette des prix. Quand on regarde la courbe, que je peux vous faire parvenir, monsieur Ste‑Marie, on voit que le nombre de logements à moins de 750 $ par mois diminue, alors que le nombre de logements à plus de 1 000 $ par mois augmente. Ce sont les données de Statistique Canada, et un exercice similaire a été fait pour l'ensemble du Canada. C'est extrêmement inquiétant.
    On voit que les logements dans les grandes villes sont maintenant presque inabordables. Il n'y a plus de logement accessible financièrement pour les ménages locataires à faible et à modeste revenu. Compte tenu de la situation actuelle au Québec, où la rareté des logements locatifs atteint maintenant l'ensemble des municipalités, y compris dans des régions qui étaient épargnées jusqu'ici, cette inabordabilité, qui a touché d'abord Montréal, Gatineau et Québec, touche maintenant des petites villes comme Alma, Chicoutimi, Shawinigan, Trois‑Rivières, Drummondville et Granby. Cela a des effets dévastateurs sur les ménages locataires, qui sont souvent plus pauvres qu'ailleurs.
    Je vous remercie.
    Je vous cède le temps qu'il me reste. Souhaitez-vous ajouter quelque chose en guise de conclusion?
    On a l'impression d'avoir beaucoup parlé de logement au cours des dernières semaines, dans le cadre des annonces prébudgétaires. Les attentes sont plus élevées à l'égard du prochain budget.
    Nous invitons les parlementaires à garder en tête l'engagement du Canada de mettre en œuvre progressivement le droit au logement et de cibler les investissements publics pour s'assurer que les ménages qui en ont le plus besoin ont accès aux mesures d'aide gouvernementale. Actuellement, en fait, ce sont les personnes qui en auraient le plus besoin qui sont les plus exclues des mesures déjà annoncées. Je devrais dire que ce ne sont pas à ces ménages que s'adressent d'abord les initiatives déjà annoncées.
    Alors, il faut faire plus vite et il faut faire mieux.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Ste‑Marie.

[Traduction]

    C'est maintenant le tour de M. Lawrence.
    Merci beaucoup.
     Je vais m'adresser d'abord à la représentante de l'Otonabee-South Monaghan Food Cupboard.
     Tout d'abord, madame DiFruscia, merci d'être venue.
     Je vais situer un peu le contexte pour les membres du Comité. Joan DiFruscia est venue à notre bureau et a plaidé pour les personnes qui vivent dans une extrême pauvreté et pour les banques alimentaires. Elle a soumis un mémoire tel que ceux des meilleurs lobbyistes de cette ville souffriraient de la comparaison. Il est incroyablement professionnel. Je pense que les représentants dans une démocratie devraient être précisément cela, des représentants du peuple, et c'est une grande fierté pour moi que Joan DiFruscia, de notre magnifique circonscription de Northumberland—Peterborough South, vienne nous voir au Comité des finances.
     Tout d'abord, madame DiFruscia, je crois que tout ce que vous faites est bénévole. Est-ce exact?
    Oui, c'est le cas. Notre personnel et les membres de notre comité sont entièrement bénévoles. Personne n'est rémunéré.
    C'est incroyable.
     J'arrive tout juste du comité du patrimoine. Le PDG de Bell touche 13 millions de dollars, et Catherine Tait de la société CBC-Radio-Canada touche des millions de dollars, et nous avons des bénévoles formidables comme vous.
    Madame DiFruscia, l'une des choses que vous m'avez dites à votre arrivée était vraiment surprenante. Il s'agit de l'augmentation spectaculaire du recours à la banque alimentaire, l'Otonabee-South Monaghan Food Cupboard, que vous avez constatée entre novembre et février. Je sais que vous en avez parlé un peu dans votre introduction, mais pourriez-vous nous en reparler?
    D'accord. Entre novembre de l'année dernière et février de cette année, nous avions au départ 19 enfants et ce nombre est passé à 37. Cela peut sembler peu pour de grandes villes, mais pour notre municipalité rurale, c'est considérable. Nous avons reçu le plus grand nombre de familles que jamais, soit 40 en février, alors qu'avant la COVID, nous en avions 15 ou 16. C'est un grand changement.
(1725)
    Oui, et en particulier, je sais que vous l'avez mentionné dans votre introduction et j'ai les chiffres sous les yeux, le nombre d'enfants a presque doublé pendant cette période également. Est-ce exact?
    Oui, c'est exact.
    Merci encore, madame DiFruscia, de comparaître devant le Comité des finances. Je pense qu'il est formidable d'entendre des gens comme vous, qui sont vraiment le tissu de notre communauté.
     L'une des choses dont nous avons brièvement parlé, je le sais, c'est la façon de remédier à ce problème. Vous et moi avons peut-être des idées différentes à ce sujet, néanmoins, j'aime donner la parole même à ceux qui ne sont pas d'accord avec moi sur certains points. Peut-être pourriez-vous nous parler un peu de vos idées.
    Une idée serait le revenu minimum de subsistance. Il s'agirait essentiellement d'un seuil minimum de revenu pour les citoyens canadiens. Ou encore, les gouvernements pourraient collaborer à des initiatives telles que la prestation canadienne pour les personnes handicapées. Les personnes handicapées ne seront pas plus avancées si, comme c'est actuellement possible, l'Ontario décide de récupérer les prestations de son programme de soutien aux personnes handicapées sous prétexte qu'elles sont intégralement couvertes au niveau fédéral. Ce pourrait également être le cas d'autres programmes existants. Il pourrait même arriver que les prestations de différents programmes fédéraux soient récupérées à mesure qu'un autre programme est mis en place.
     Globalement, nous devons nous efforcer d'améliorer la vie des gens, sans qu'ils aient à s'inquiéter de pouvoir payer leur loyer ou boucler leur fin de mois. Nous devons réaliser que l'inaction a un coût.
     Le logement abordable pourrait figurer parmi les autres mesures de soutien. La mixité entre individus de revenus différents est une bonne chose. Comme je l'ai dit, dans notre cas, le fait de maintenir ces personnes dans la communauté où elles ont passé tant d'années contribue pour beaucoup à leur assurer une vie plus agréable, sans qu'elles aient à se demander « Et qui est mon voisin? » ou à déménager à 50 ou 100 kilomètres de distance pour pouvoir se loger. C'est vraiment extraordinaire de les compter dans notre communauté.
    Merci beaucoup, madame DiFruscia.
     Je vais conclure. Nous avons beaucoup parlé de productivité, et du fait que le PIB par habitant au Canada a connu une baisse pendant six trimestres consécutifs — on me dit que c'est presque sept maintenant. La productivité et les investissements ont diminué. Les huit dernières années ont été très difficiles pour la population. Si je parle de productivité, ce n'est pas pour parler de chiffres ou d'équations sophistiquées; c'est pour les familles auxquelles madame DiFruscia vient en aide.
     Nous devons faire mieux. Un changement s'impose. Nous avons besoin de solutions fondées sur le bon sens qui offrent à ces familles les possibilités qu'elles méritent, de manière que les personnes qui gagnent 30 000 $ ne soient pas confrontées à des taux effectifs marginaux d'imposition qui grugent 50 % de leur revenu. C'est immoral, c'est mal et nous devons faire mieux.
     Je vous remercie monsieur le président, mon temps est écoulé.
    Nous passerons maintenant à monsieur Baker.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui, et particulièrement ceux qui ont dû se plier au changement d'horaire à court préavis. Nous vous en sommes reconnaissants. Évidemment, la conséquence est que nous disposons toujours du même temps pour poser des questions, mais à davantage de personnes. Cela nous complique un peu la tâche. Je ne pourrai pas interroger chacun d'entre vous, mais je vous remercie pour votre témoignage, pour votre temps et pour votre participation aux différentes causes que vous défensez.
     Je m'adresserai principalement à M. Kantzavelos.
     J'aimerais parler de ma communauté d'Etobicoke—Centre. Dans ma communauté, comme partout ailleurs au pays, il y a de nombreuses entreprises de nettoyage à sec. Au fil des ans, j'ai habité en différents endroits de ma circonscription, où j'ai fait affaire avec Gibson's Cleaners, Montgomery Alterations and Dry Cleaning, La Rose Cleaners et d'autres encore. Ce que j'ai appris de mes contacts avec ces personnes, en particulier pendant la pandémie, c'est à quel point la pandémie a fait mal à leurs commerces, comme à de nombreuses entreprises de différents secteurs économiques. Comme vous pouvez imaginer, ce n'était pas tout le monde qui faisait nettoyer ses vêtements à sec durant la pandémie.
     Pourriez-vous nous dire brièvement comment les soutiens fédéraux ont aidé ces entreprises pendant cette période?
(1730)
    C'est une très bonne question, monsieur Baker.
     Croyez-le ou non, au plus fort de la pandémie, l'industrie du nettoyage à sec était considérée comme un service essentiel, ce qui s'est presque apparenté, faute de meilleure analogie, à un baiser de la mort. Nous étions autorisés à rester ouverts, mais il était très difficile de profiter de plusieurs de ces programmes initialement mis en place. Finalement, quand tout s'est stabilisé, après de plusieurs mois, de nombreuses entreprises ont commencé à pu commencer à bénéficier quelque peu de certains de ces programmes d'aide. Cela n'a malheureusement pas été notre cas, en raison de notre désignation comme service essentiel.
     Les nettoyeurs que vous avez mentionnés, qui comptent parmi les plus grandes entreprise de nettoyage de la région du Grand Toronto, on vu du jour au lendemain leur chiffre d'affaires s'effondrer littéralement à zéro, comme de nombreux membres de l'Association canadienne des spécialistes de textiles. La clientèle a été absente pendant de nombreux mois. Il fallait payer les loyers et les services publics; c'était une période très difficile.
     J'espère avoir répondu à votre question.
    Je vous remercie de votre réponse, et de votre franchise.
     Je sais que chaque entreprise est un peu différente. Je vous interroge spécifiquement sur vous et votre expérience. Je crois comprendre que vous avez une entreprise très verte et écologique. C'est bien le cas?
    C'est exact, monsieur. Au départ, nous avions des équipements de nettoyage à sec traditionnels, dont le principal ingrédient était le perchloroéthylène, ou « perc » comme on dit souvent. Il y a une quinzaine d'années, mon frère Petro, qui est aussi mon associé, et moi-même avons décidé de faire quelque chose...
    Je vous interromprai très brièvement. Je viens d'arrêter le chronomètre.
     J'entends la sonnerie. Ai-je le consentement unanime pour continuer?
     Des députés: D'accord.
     Le président: Parfait, vous pouvez continuer.
    Merci.
     Nous avons pris l'initiative d'introduire au Canada une toute nouvelle technologie appelée aquanettoyage. Croyez-le ou non, toute notre activité se fait avec de l'eau et du savon. Évidemment, il y a plusieurs autres opérations, mais toutes se font dans le respect de l'environnement. Nous utilisons exclusivement des détergents et des ingrédients sans phosphates et biodégradables.
     Nous avons été une des premières entreprises à prendre cette initiative, dont nous sommes très fiers. Depuis, nous en portons le flambeau pour montrer à d'autres établissements comment opérer ce virage.
     Cela dit, tous les nettoyeurs à sec membres de l'Association canadienne des spécialistes de textiles respectent toute la réglementation pertinente sur l'environnement. Certains règlements sont très stricts. Chaque nettoyeur membre respecte toutes les lois et fait absolument tout dans les règles de l'art.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute et demie.
    Vous avez également beaucoup investi pour améliorer la productivité de votre entreprise. C'est bien le cas?
    C'est exact.
    Je m'intéresse à votre entreprise, comme je m'intéresse à ce que vous avez fait et à ce que font d'autres entreprises comme la vôtre.
    Essentiellement, ce que je peux dire à tout le monde ici, pour bien me faire comprendre, c'est que souvent, les gens — peut-être même certains d'entre vous — vont nettoyer leurs chemises à la maison, puis les amèneront au nettoyeur en lui disant « Elles ont déjà été nettoyées, je vous voudrais juste qu'elles soient repassées ». Dans notre processus, chaque chemise est pressée à l'état humide, et la raison, c'est qu'elle est traitée par une machine qui peut presser 50 à 75 chemises à l'heure. Comparativement à notre processus, il vous faudrait une éternité pour repasser une à une vos chemises.
     Ce sont là de lourds investissements. Les équipements dans lesquels nous investissons sont très coûteux, mais ils nous aident beaucoup à traiter davantage de vêtements et à maximiser nos flux de revenus. Chaque jour, nous travaillons contre la montre. Nous devons maximiser le nombre d'unités que nous traitons.
     C'est pourquoi j'ai souligné l'importance de la productivité. Nous avons vraiment été interpellés par les propos de la sous-gouverneure publiés dans le Financial Post, parce que nous ne nous y reconnaissons pas. Nous sommes productifs. C'est une des principales raisons pour lesquelles il y a relativement peu de différence entre les prix qu'affichaient les nettoyeurs il y a quelques années et ceux qu'ils pratiquent aujourd'hui, contrairement à ce qu'on voit dans d'autres secteurs. La productivité est essentielle dans notre domaine, et elle l'a toujours été.
(1735)
    Je vous remercie.
    Merci à vous également, monsieur Baker.
     Nous passerons maintenant à M. Davies, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je remercie tous les témoins de leurs excellents exposés.
     Monsieur Cunningham, je commencerai par vous, si vous voulez bien.
     Quel montant approximatif le gouvernement fédéral pourrait-il obtenir d'un frais de recouvrement des coûts imposé aux fabricants de produits du tabac et de produits de vapotage, pour aider à compenser sa stratégie de lutte contre le tabagisme?
    Cela devrait lui rapporter 66 millions de dollars par an, soit la totalité du coût de la stratégie. Le gouvernement peut procéder par étapes et commencer avec une partie de cette mesure.
    Vous avez dit que l'industrie du cannabis fait l'objet d'un frais de recouvrement des coûts. Ce frais est en place depuis 2018, pour recouvrer les coûts des initiatives du gouvernement fédéral visant le cannabis.
     Pourquoi cette approche n'est-elle appliquée que maintenant au tabac?
    Clairement, son instauration est réclamée depuis longtemps. Quand le frais a été appliqué au cannabis, cela a vraiment fait ressortir la possibilité, ici au Parlement, de l'appliquer également au tabac, et maintenant aux produits de vapotage.
    Je note également que le gouvernement cherche à recouvrer les coûts pour les produits de santé naturels, ce qui est un peu ironique car les produits de santé naturels servent principalement à améliorer la santé des Canadiens, alors que le gouvernement hésite à recouvrer les coûts pour les produits du tabac, qui nuisent à la santé publique. C'est un autre exemple.
     Considérant que le recouvrement des coûts pour les produits du tabac bénéficie depuis longtemps du soutien de tous les partis, pouvez-vous expliquer pourquoi cela n'a pas été fait jusqu'à présent?
    Je n'ai pas vraiment de bonne réponse. Clairement, nous le réclamons depuis longtemps. C'est une question de bon sens. Cela garnit le trésor public. L'industrie du tabac doit être redevable.
     Nous sommes très heureux que cette mesure aille maintenant de l'avant. L'étape suivante, quand le projet de loi aura été adopté, sera de mettre en place une réglementation. Nous demandons instamment que cela soit fait correctement et dans les plus brefs délais.
    J'allais spéculer sur le lobbying effectué par l'industrie du tabac. Est-ce que cela a joué un rôle, à votre avis?
    L'industrie du tabac s'est prononcée contre ces dispositions du projet de loi, notamment lors de sa comparution devant le comité sénatorial, ainsi que dans le mémoire écrit qu'elle a soumis au comité sénatorial et dans celui qu'elle nous a présenté.
    Madame DiFruscia, rapidement, en quelle année le Food Cupboard a-t-il été inauguré?
    Il a ouvert en novembre 2013.
    Pourquoi a-t-il ouvert en 2013? Est-ce que vous aviez détecté à ce moment une insécurité alimentaire inquiétante dans votre communauté?
    Nous étions d'avis qu'il y avait de l'insécurité alimentaire, mais l'autre chose, c'est que lorsque je me suis rendue au centre de distribution alimentaire de la région de Peterborough — qui était en fait situé à Peterborough même —, on m'a montré une carte indiquant qu'il y avait des centres d'aide alimentaire dans tout le comté de Peterborough, sauf dans le township d'Otonabee-South Monaghan.
    Merci.
     Monsieur German, le projet de loi C-59 autoriserait le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, à communiquer des renseignements désignés au ministère de l'Environnement et au ministère des Pêches et des Océans, à certaines conditions. D'après vous, quelle sera l'incidence de cette disposition sur les enquêtes et les poursuites concernant le blanchiment d'argent, le financement d'activités terroristes ou le contournement de sanctions?
    Je vous remercie de votre question, monsieur Davies. C'est un plaisir de vous voir en ligne. Merci pour tout ce que vous faites pour notre communauté à Vancouver.
     Il est très important d'utiliser les données du CANAFE. Le CANAFE dispose d'une grande abondance d'informations. Nous avons écrit sur les problèmes de blanchiment d'argent dans l'industrie de la pêche. C'est difficile à croire, mais cela se produit dans l'achat de permis, etc. C'est devenu une très grande activité commerciale, et en plus il y a bien sûr les crimes contre l'environnement. Chaque fois qu'il y a une activité criminelle liée à l'environnement ou à la pêche, il faut pouvoir s'occuper du blanchiment d'argent qui se produit en coulisses.
     J'ajouterai qu'à l'heure actuelle, les informations du CANAFE ne sont pas diffusées à nos bureaux de confiscations civiles, disséminés dans le pays. Je ne saurais vous dire pourquoi. Ils mènent l'essentiel des enquêtes sur le blanchiment d'argent.
(1740)
    Monsieur German, pensez-vous que cette information devrait être communiquée à d'autres ministères provinciaux ou fédéraux, à part les deux que je viens de mentionner?
    Je suis convaincu que tout ministère qui s'occupe d'activités criminelles devrait recevoir des informations du CANAFE.
     Je pense que vous en avez parlé, mais j'aimerais aborder rapidement le fait que le projet de loi C-59 obligerait les entités qui fournissent des services d'acquéreur à l'égard de guichets automatiques privés s'inscrivent à titre d'entreprises de services monétaires. À votre avis, quel sera l'impact de cette obligation? Quels sont les critères auxquels devraient satisfaire les entités fournissant des services d'acquéreur pour des guichets automatiques privés afin de pouvoir s'inscrire comme entreprises de services monétaires?
    L'important, c'est l'inscription. Une fois l'entreprise inscrite, le CANAFE entamera les processus d'audit et de conformité et s'assurera qu'une formation est suivie, etc. Si l'entreprise n'est pas inscrite, personne ne s'en soucie, franchement.
     Dans votre ville, Vancouver, nous avons en fait examiné ces entreprises. La ville de Vancouver l'a fait. Il est très difficile de s'occuper du blanchiment d'argent par des règlements municipaux, etc. Il faut une réglementation fédérale.
    Aujourd'hui, le projet de loiC-59 permettrait également à un tribunal de « déduire l'existence de la connaissance, de la croyance ou de l'insouciance requise à l'égard de l'infraction de recyclage des produits de la criminalité », et ce, « s'il est convaincu, compte tenu des circonstances de l'infraction, que la manière dont l'accusé a effectué l'opération à l'égard des biens ou de leurs produits est nettement inhabituelle ou que l'opération est incompatible avec les activités légitimes typiques du domaine dans lequel elles sont exercées ».
     Comment un tribunal peut-il appliquer efficacement la disposition relative à la déduction pour déterminer « l'existence de la connaissance, de la croyance ou de l'insouciance » dans le cas des infractions de blanchiment d'argent?
    En fait, tout est là, tout dépend de l'interprétation qui sera donnée par les tribunaux. Une de mes préoccupations est que lorsqu'on utilise un mot comme « nettement », les tribunaux vont demander ce que signifie « nettement ». Il faudra alors faire appel à des témoins experts, etc. Cela pourrait être difficile. C'est pourquoi j'avais suggéré qu'on revienne proposer à votre comité des amendements aux amendements. En fait, il s'agit de s'occuper de ces parties tierces du processus de blanchiment: les individus qui, sans être directement impliqués dans le trafic de drogue, s'occupent d'en blanchir les profits.
     Comment différencier les entités criminelles qui font ce travail des autres entreprises de services monétaires et autres qui font un travail légitime? C'est là tout le problème.
    Pensez-vous, monsieur German, que le critère est trop subjectif?
    Nous arrivons à la toute fin. Je souhaite procéder à un rapide deuxième tour; chaque parti aura donc trois minutes, puis nous devrons passer aux votes.
     Nous entendrons maintenant M. Epp.
    Merci monsieur le président, et merci à tous les témoins présents aujourd'hui.
     Chaque fois qu'une petite entreprise se présente devant nous, que je commence par elle. Monsieur Kantzavelos, quand j'entends le sigle CFA, je pense à la Fédération canadienne de l'agriculture parce que je viens d'un milieu agricole. J'ai appris un nouvel signe aujourd'hui. J'ai peu recouru aux services de nettoyage à sec dans mon rôle d'agriculteur, mais au fil des ans j'ai entretenu une relation avec mon nettoyeur local. J'ai chaud quand je sors de son commerce. C'est un environnement chaud.
     En cette période où vous vous relevez de la pandémie, j'aimerais vous demander comme se porte votre structure de coûts. Cette chaleur ne se produit pas tout seul. Comment l'inflation a-t-elle touché votre entreprise, vos factures de services publics, vos coûts de détention, etc.
    Je suis très impressionné que vous me posiez cette question spécifique, et j'y répondrai comme suit.
     Même si la chaleur nous complique la vie, elle nous aide énormément à sécher les vêtements, et je vais vous dire pourquoi. Nos opérations sont très efficaces sur cet aspect, c'est un bon exemple. Nous avons tous, dans nos installations, de grands séchoirs commerciaux. Ils fonctionnent à l'air ambiant. Beaucoup sont alimentés au gaz naturel ou à la vapeur provenant d'une chaudière.
     Si l'environnement atmosphérique est déjà à la température requise par votre chaudière, alors vous n'avez pas à utiliser de gaz naturel ou la vapeur de votre chaudière. Ce sont là quelques-uns des points dont je discute. C'est très difficile de dire en cinq minutes... La productivité est un bien grand mot, mais...
    Vos coûts sont-ils les mêmes qu'avant la pandémie, ou ont-ils augmenté?
    Nos coûts sont les mêmes. Ils sont les mêmes pour les services publics, croyez-le ou non, à cause de ce genre de choses. Nous avons dû...
    Vous avez donc modifié votre mode de fonctionnement.
    Croyez-le ou non, ces changements faisaient déjà partie de notre quotidien. Là où les coûts ont augmenté, c'est évidemment pour les articles comme les cintres et le matériel avec lequel nous enveloppons les vêtements lorsqu'ils sont ramassés.
     Pour ce qui est des services publics, la principale dépense à l'heure actuelle, pour les commerces qui offrent le ramassage et la livraison, c'est évidemment l'essence. Cependant, les opérations comme telles sont extrêmement stables, et c'est pourquoi nous avons pu maîtriser nos prix.
(1745)
    Merci beaucoup. La taxe carbone les affecterait.
     Je tiens toutefois à céder mes dernières secondes à M. Perkins.
    Vous avez 30 secondes.
    J'ai une rapide question pour M. German. Dans le sud de la Nouvelle-Écosse, nous avons un gros problème de blanchiment d'argent par le crime organisé dans la pêche du homard et de l'anguille. Le crime organisé paie les pêcheurs en argent liquide, en argent sale, puis refile ensuite le produit à des acheteurs externes.
     Comment le CANAFE pourrait-il aider à contrer d'une quelque façon ce problème, alors que toutes les transactions se font en argent liquide et en produits?
    Veuillez répondre très brièvement, monsieur German.
    L'argent liquide finit par aboutir d'une manière ou d'une autre dans le flux normal du système financier, et c'est là où les banques interviennent, et ainsi de suite. Je m'arrêterai là.
    Merci.
     Je donne maintenant la parole à M. Weiler.
     Je tiens à remercier tous les témoins présents aujourd'hui. J'aurais aimé avoir plus de temps pour interroger tout le monde.
     J'adresserai mes questions à M. German, et nous pourrons peut-être discuter plus longuement quand nous aborderons l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
     Je vous remercie de vos commentaires sur les changements relatifs au blanchiment d'argent par des tiers, à l'obligation d'engagement et aux guichets automatiques à étiquette blanche, qui sont désormais inclus dans la loi sur les produits de la criminalité.
     Vous avez dit « Nous peaufinons notre loi; nous ne la tordons pas pour en assurer l'efficacité ». Si vous voulez bien, je vais mordre à l'appât. Quand vous dites cela, en quoi consisterait le fait de « la tordre pour en assurer l'efficacité »?
    Merci beaucoup, monsieur Weiler. Si je ne m'abuse, c'est sur votre invitation que je suis ici et je vous en suis reconnaissant. Je suis également au courant du travail accompli par un certain professeur Weiler dans ce domaine, alors merci pour tout ce que vous faites.
     Je pense vraiment, et je le préconise depuis un certain temps, que le Canada a besoin d'une stratégie nationale, une stratégie qui doit être à la fois fédérale et provinciale. Il ne faut pas que certaines provinces pratiquent la confiscation civile, et d'autres non. À l'heure actuelle, deux provinces n'ont pas de loi sur la confiscation civile. Par ailleurs, en matière pénale, le blanchiment d'argent peut faire l'objet de poursuites en Ontario, mais pas en Colombie-Britannique. Pour commencer, il faut donc une approche globale.
     Ensuite, quels sont les problèmes? Comme je dis, modifions fondamentalement la législation. Les États-Unis sont en mesure de procéder assez efficacement à la confiscation des biens liés au blanchiment d'argent, et ce sont des affaires fort complexes. Notre système de justice pénale comporte toutefois de nombreuses contraintes qui compliquent beaucoup le travail d'enquête des policiers et les poursuites. Ces contraintes sont en bonne partie symptomatiques des systèmes plus larges, comme le processus de divulgation, les délais et la difficulté d'obtenir des ordonnances de production et des mandats de perquisition. Il y a donc toute une série de choses que nous devrions vraiment examiner pour pouvoir traiter correctement le problème.
     De toute évidence, certains aspects de la législation sur les produits de la criminalité suscitent des plaintes depuis longtemps. Quelque chose d'aussi simple que... Si vous consultez la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, vous constaterez que les transactions en espèces de plus de 10 000 $ doivent être déclarées par certaines entreprises, mais pas toutes. Par exemple, l'industrie automobile est exemptée. Par ici, nous avons vu des voitures achetées en liquide pour 250 000 $, avec de l'argent sale. Lorsqu'il arrive à la banque, c'est de l'argent propre, parce qu'il a transité par le concessionnaire automobile. Nous avons donc un système qui fonctionne au petit bonheur. Il nous faut le secouer et s'attaquer sérieusement au problème.
     Je travaille dans d'autres parties du monde. Dans les pays en développement, on constate qu'ils ont tous une législation, mais quand on creuse un peu on voit qu'elle n'est nullement appliquée. Rien ne se passe. Pourtant, pour un observateur extérieur, tout semble beau. D'une certaine manière, c'est la où nous sommes actuellement. Tout semble beau, mais quand on creuse, rien ne se passe.
    Votre temps est écoulé, monsieur Weiler.
    Merci.
    Merci, monsieur German.
     Nous passons maintenant à monsieur Ste-Marie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre mes questions avec M. German.
    J'ai été vraiment soufflé par votre présentation et toutes vos réponses aux excellentes questions de mes collègues.
    Je vais revenir au projet de loi C‑59 et vous poser une question en deux volets.
    D'abord, quels seraient les amendements à apporter au projet de loi pour le bonifier? Si vous ne les avez pas tous maintenant, nous vous serions reconnaissants de nous les faire parvenir par écrit.
    Ensuite, en s'inspirant de ce qui se fait ailleurs, comme dans l'Union européenne et aux États‑Unis, qu'est-ce que le Canada et les différents ordres de gouvernement devraient mettre en place pour mieux lutter contre le blanchiment d'argent?
(1750)
    Merci, monsieur le député.

[Traduction]

    C'est une bonne question.
     Je serai heureux de vous communiquer plus de renseignements par écrit.
     Je pense qu'à ce stade, il importe simplement de transmettre ce qu'on a, mais je ne pense pas que ce soit parfait. Comme l'a suggéré M. Davies... Si on se contente d'examiner la formulation et les aspects techniques, je me demande si la loi aura vraiment l'impact que nous souhaitons, ou si elle va s'enliser comme beaucoup d'autres mesures du même genre.

[Français]

    Merci.
    De façon plus générale, qu'est-ce qui pourrait être mis en place en s'inspirant de ce qui se fait ailleurs, comme dans l'Union européenne?

[Traduction]

    Je souligne à nouveau la nécessité d'une stratégie nationale. J'y inclurais la corruption — le blanchiment d'argent, la corruption, la criminalité financière, si vous voulez, mais certainement l'aspect blanchiment d'argent. Nous avons plaidé en ce sens, et en faveur d'une concertation provinciale-fédérale. Ce n'est pas le problème d'un parti ou d'un gouvernement en particulier, c'est un problème global. Nous devons tous nous y attaquer.

[Français]

    C'est très clair. Je vous remercie beaucoup et je vous souhaite beaucoup de succès dans votre important travail.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ste-Marie.
     Nous passerons maintenant à M. Davies, qui sera notre dernier intervenant.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur German, je vais revenir sur le critère de manière « nettement inhabituelle », car je commence à m'inquiéter de plus en plus. Cet aspect de la loi est d'une grande importance, mais je me demande si nous ne sommes pas en train de préparer le terrain à des litiges interminables au sujet d'une formulation imprécise. Le critère consiste à savoir si la manière est « nettement inhabituelle » ou si l'opération est « incompatible avec les activités légitimes ». Le passage « incompatible avec les activités légitimes » me semble assez clair, mais l'expression « nettement inhabituelle » commence à me préoccuper.
     Au cours des prochaines semaines, nous aurons l'occasion d'apporter des amendements à ce projet de loi. Recommanderiez-vous que nous cherchions une formulation plus précise ou, comme vous l'avez dit, devrions-nous l'adopter tel quel et, je dirais, voir ce que les tribunaux décideront?
    S'il est possible de l'amender, je pense certainement qu'on pourrait faire quelque chose. Dans sa forme actuelle, c'est une loi timide. Le mot « nettement » me préoccupe. Hier soir, je lisais certaines lois américaines concernant le blanchiment d'argent par des tiers, et les tribunaux n'ont pas été aussi sévères ou restrictifs que ce que signifie « nettement ».
     Je pense que nous pourrions envisager certains amendements. Je me ferai un plaisir de communiquer quelques suggestions au comité.
    Toute suggestion sera la bienvenue. Je siège au Parlement depuis 16 ans, et je ne suis pas certain que nous soyons les meilleurs arbitres de ce qu'est une manière « nettement inhabituelle ».
     Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
    Oui.
    Ma dernière question s'adresse à M. Cunningham.
     La Société canadienne du cancer a également recommandé l'adoption des articles 145 à 167, qui raffermiraient l'administration et l'application de la taxe fédérale sur les produits de vapotage et fixeraient à 18 ans l'âge minimum pour importer des produits de vapotage.
    Pouvez-vous expliquer brièvement pourquoi la Société soutient ces mesures?
    À l'heure actuelle, alors que l'achat de produits de vapotage est assujetti à un seuil minimum provincial de 18 ou 19 ans, ou encore 21 ans dans l'Île-du-Prince-Édouard, il n'y a pas de minimum pour leur importation, et c'est une lacune qui a des conséquences. Pour prévenir le vapotage chez les jeunes, il faut que la taxe sur le vapotage soit administrée efficacement.
     Je dirai simplement qu'il y a 18 mois, Imperial Tobacco, de même que d'autres compagnies, ont mis sur le marché des cigarettes électroniques jetables. Au départ, leur volume était de 500 bouffées. On a assisté à une véritable course aux armements pour le volume de bouffées de nicotine. Imperial Tobacco a ensuite lancé des cigarettes électroniques de 1 500 bouffées, puis de 5 000 et de 8 000, et le prix par bouffée est passé de 2,2 ¢ à 1,3 ¢, 0,6 ¢ et 0,37 ¢. Certaines entreprises proposent même des cigarettes électroniques de 10 000 et 12 000 bouffées, à raison de 0,3 ¢ la bouffée. Cela en réduit le coût hebdomadaire ou mensuel. Le prix de détail de ces produits se situe aujourd'hui à 14 % de ce qu'il était il y a 18 mois; c'est pourquoi cette taxe est vraiment importante.
    Merci.
    Merci, monsieur Davies.
     Nous tenons à remercier nos témoins de leurs convaincants témoignages, de leur plaidoyer et du travail qu'ils accomplissent dans nos communautés d'un océan à l'autre. Nous vous remercions sincèrement d'être venus ici discuter du projet de loi C-59.
     Merci encore, et bonne journée.
     La séance est levée.
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