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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 119e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement.
Au cours de la première heure, conformément à la motion adoptée le lundi 18 mars 2024, le Comité commencera son étude portant sur le développement et le déploiement de la technologie ELYSIS aux installations de Rio Tinto et d'Alcoa.
J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins que nous recevons aujourd'hui et les remercier d'être ici. Je m'excuse du retard et je m'excuse d'avance de l'interruption que nous aurons en raison d'un vote qui doit avoir lieu à la Chambre un peu plus tard.
Nous accueillons deux représentants de Rio Tinto: Jérôme Pécresse, qui est chef de la direction Aluminium, et Nigel Steward, qui est scientifique en chef et qui se joint à nous par vidéoconférence.
Comme vous le savez, vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration d'ouverture.
Monsieur Pécresse, la parole est à vous.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je vous remercie de nous avoir donné la chance de venir ici aujourd'hui pour discuter de l'engagement de Rio Tinto envers le Canada, et plus précisément en ce qui concerne le développement d'ELYSIS. ELYSIS est une technologie révolutionnaire qui se développe fièrement dans la région du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, au Québec.
Permettez-moi d'abord de me présenter. Je m'appelle Jérôme Pécresse. Il y a six mois, en octobre, j'ai été nommé chef de la direction Aluminium chez Rio Tinto à Montréal. Avant de me joindre à Rio Tinto, j'ai travaillé pendant 20 ans, d'abord dans le secteur minier et ensuite dans le secteur des énergies renouvelables.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, bien que je sois heureux d'être ici pour répondre à vos questions, je voudrais juste mentionner rapidement que la formulation de la motion qui nous réunit n'est pas totalement correcte. Je crois que Rio Tinto n'a jamais publiquement annoncé que le budget total pour ELYSIS était de 240 millions de dollars. Nous n'avons jamais dit non plus qu'il y avait eu des dépassements de coûts par rapport au budget initial. Précisément, depuis 2018, Rio Tinto et les partenaires de la coentreprise ont annoncé publiquement une première phase de financement de 228 millions de dollars, dont 160 millions de dollars provenaient, à parts égales, des contributions des gouvernements du Québec et du Canada. Je vais y revenir.
Rio Tinto est un chef de file mondial qui produit des minéraux et des métaux dont le monde a besoin. Nos produits comprennent le minerai de fer, le cuivre, l'aluminium ainsi que des minéraux critiques.
Nous avons bien sûr des objectifs de croissance des affaires et de création de valeur pour nos actionnaires et toutes les parties prenantes, et nous sommes engagés publiquement envers la carboneutralité d'ici 2050. Nos clients, nos investisseurs et l'ensemble de nos employés travaillent vers l'accomplissement de cet objectif de carboneutralité. Une grande partie de la technologie nécessaire pour atteindre cette cible n'existait pas hier, et c'est le cas d'ELYSIS.
Entreprise mondiale, Rio Tinto est également la plus grande entreprise minière et métallurgique en activité au Canada. Parmi toutes nos activités dans le monde, celles du Canada arrivent au deuxième rang en importance. Nous sommes fiers d'investir ici à long terme, de faire croître nos affaires et de collaborer avec les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Nos activités d'ici génèrent des emplois bien rémunérés pour plus de 13 800 employés au Canada, dont près de 8 000 au Québec. De ce nombre, environ 4 400 sont au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean.
Le Canada est particulièrement bien placé pour poursuivre la production de l'aluminium primaire à faible teneur en carbone. L'accès à l'énergie hydroélectrique autoproduite est pour nous un avantage concurrentiel clé, et la transition énergétique nécessitera de plus en plus d'aluminium.
Ici même, au Canada, nous avons eu plusieurs de nos meilleures avancées technologiques. J'en mentionnerai juste deux, à commencer par la technologie AP60.
En juin dernier, nous avons annoncé le premier investissement majeur en près de 10 ans dans le secteur de l'aluminium dans l'hémisphère occidental. Il s'agit d'un investissement de 1,4 milliard de dollars pour développer davantage notre technologie AP60 au Saguenay, dont un investissement de plus de 1,2 milliard de dollars par Rio Tinto.
À faible émission de carbone, la technologie AP60 est actuellement parmi les technologies les plus efficaces au monde pour la production d'aluminium à l'échelle industrielle. Combinée à l'utilisation de l'hydroélectricité, elle génère un septième des gaz à effet de serre par tonne d'aluminium comparativement à la norme de l'industrie.
Nous finissons actuellement le travail de préparation du site. En 2026, nous aurons pleinement mis en service l'aluminerie AP60 pour augmenter la capacité de production d'environ 160 000 tonnes métriques d'aluminium primaire par année.
La technologie AP60 est essentielle pendant que nous travaillons sur le développement d'ELYSIS. ELYSIS est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. C'est une technologie de pointe, et il n'est pas exagéré de dire qu'elle peut révolutionner le monde de l'aluminium. De la recherche-développement de cette magnitude exige un investissement majeur ainsi qu'un travail d'équipe de la part de toutes les parties intéressées. Le financement des gouvernements représentait initialement 70 % des fonds d'ELYSIS. Depuis, ce ratio a été inversé, et c'est maintenant la contribution des partenaires de la coentreprise qui représente 70 % du montant total.
En 2021, les partenaires ont affirmé qu'ELYSIS visait à rendre possible l'installation de la technologie à partir de 2024. Nous sommes maintenant en 2024 et, comme je l'ai mentionné à un public d'affaires à Montréal lundi, j'espère être en mesure d'annoncer publiquement nos plans au cours des prochaines semaines.
Nous progressons bien sur ELYSIS. Cependant, comme pour toute nouveauté, il faut du temps pour bien faire les choses. Le développement d'une technologie aussi visionnaire comporte aussi des risques. Je suis sûr qu'on va y revenir. Nous sommes prêts à y faire face, parce que nous croyons en cette technologie et en ses avantages. Cependant, la gestion des risques pour un projet de cette envergure exige l'adoption de la bonne approche, étape par étape.
En conclusion, c'est dans l'intérêt de Rio Tinto de mettre au point ELYSIS et d'assurer la production à grande échelle. Ce sera bénéfique à tous nos travailleurs et à toutes nos travailleuses au Canada.
J'applaudis la clairvoyance du Canada, qui nous soutient depuis le début et investit dans un développement révolutionnaire qui pourrait bien figurer sur la liste des grandes inventions du siècle. Nous avons l'intention de mettre en œuvre cette technologie ici, au Canada. Depuis 2018 seulement, Rio Tinto a investi 5,5 milliards de dollars, dont seulement 7 % proviennent du financement gouvernemental. Nous n'investirions pas ces sommes si nous n'étions pas sérieux, si l'aluminium n'était pas un élément central de la stratégie de Rio Tinto et si nous n'étions pas convaincus des possibilités qu'offre cette technologie.
Je serai ravi de répondre à vos questions. Je vous rappelle que je suis accompagné de mon collègue M. Nigel Steward, qui est scientifique en chef chez Rio Tinto et qui participe à la réunion de façon virtuelle.
Je vous remercie.
Je suis impatient de poursuivre cette discussion avec vous.
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Merci, monsieur Martel. Je suis heureux que vous souligniez cet aspect.
Il est important de reconnaître que 60 % de notre production mondiale d'aluminium se fait au Canada. C'est en partie à Kitimat, en Colombie‑Britannique, mais notre production canadienne se fait essentiellement au Saguenay. Le Saguenay représente le cœur de la production d'aluminium de Rio Tinto dans le monde, et il le restera.
Pour répondre précisément à votre question, je dirai qu'ELYSIS est une coentreprise qui emploie aujourd'hui 100 chercheurs, qui travaillent tous au Québec, dans une proportion d'environ trois quarts au Saguenay et d'un quart à Montréal. Il y a un financement de l'activité de recherche dans nos laboratoires, ceux du Québec et ceux de nos partenaires ailleurs dans le monde. Ces activités représentent des dépenses pour l'équipement, pour les tests et pour toutes les autres choses qui se font au Saguenay. Ces dépenses se font dans une très grande majorité au Saguenay, comme c'est d'ailleurs le cas pour tous nos investissements dans la région. C'est l'entreprise STAS qui a fourni l'équipement nécessaire aux prototypes d'ELYSIS, et nous avons l'intention que ça continue à être le cas.
Je répète que 100 % des employés d'ELYSIS sont au Saguenay et que la très vaste majorité des dépenses d'ELYSIS en matière d'équipement de laboratoire, de prototypes et de tests sont également faites dans la région.
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Je crois qu'il y aura des avantages à court terme ainsi qu'à long terme.
À court terme, c'est-à-dire dans les années à venir, nous allons continuer à créer de l'emploi. En effet, tous les trimestres, nous embauchons des chercheurs du Canada et du Québec pour travailler dans nos centres de recherche au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et à Montréal.
Par ailleurs, la technologie d'ELYSIS consiste à décarboner l'électrolyse de l'aluminium en utilisant des anodes qui ne sont pas en carbone et qui n'émettent pas de CO2. Cela nous permet d'attirer vers ce métier des chercheurs et des gens à haut potentiel qui ne s'intéressaient pas tellement à l'industrie de l'aluminium d'hier. Nous allons continuer à mettre ces efforts et à investir dans une unité pilote.
Pour moi, ELYSIS, c'est construire le Saguenay de demain. Si le site de production au Saguenay existe aujourd'hui, c'est parce qu'il y a 100 ans, mes lointains prédécesseurs visionnaires ont construit des centrales hydroélectriques. C'est ce qui a assuré un avantage compétitif durable à la production de l'aluminium au Québec pendant des décennies. Aujourd'hui, nous nous rendons compte que, si nous voulons continuer dans ce métier, il faut que la production d'aluminium émette de moins en moins de carbone. Pour le reste de la production au Saguenay, les émissions de carbone proviennent du processus d'électrolyse. Si nous arrivons à produire de l'aluminium à échelle comparable à l'aide d'autres processus brevetés, nous allons recréer cet avantage compétitif durable et prendre une avance sur toute l'industrie. De plus, comme je l'ai dit, nous allons inventer le Saguenay de demain.
ELYSIS se développe au Saguenay et ELYSIS se fera au Saguenay. Cela permettra de créer un autre niveau d'avantages compétitifs pour l'industrie de l'aluminium au Québec. Nos clients, ou plutôt les clients de nos clients, par exemple ceux qui construisent des automobiles ou des avions ou qui produisent des emballages, veulent de l'aluminium à très faible empreinte carbone. Pendant 20 ans, nous leur avons dit que nous produisions de l'aluminium en utilisant l'hydroélectricité et cela leur convenait, mais maintenant cela ne leur suffit plus. Maintenant, ils veulent un processus d'électrolyse qui ne dégage pas de carbone. C'est ce que nous essayons de créer, tous ensemble, au moyen d'ELYSIS.
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Je pense qu'on peut interpréter cette annonce de deux façons.
Premièrement, il s'agit de montrer que les gouvernements soutiennent leur industrie de l'aluminium. Le gouvernement canadien le fait depuis longtemps, de même que le gouvernement québécois. Le gouvernement américain se met aussi à le faire au moyen du très puissant outil qu'est l'Inflation Reduction Act. Le fait que cette importante industrie créatrice d'emplois soit soutenue par le gouvernement n'est donc pas une anomalie canadienne; le gouvernement américain le fait aussi.
La deuxième chose à souligner fait écho à ce que je disais précédemment. Quand Century Aluminium dit qu'elle fera de l'aluminium vert, c'est une façon d'énoncer les choses assez simplement. En fait, c'est qu'au lieu d'utiliser de l'électricité produite à partir de charbon, comme c'est le cas aujourd'hui, Century Aluminium utilisera maintenant de l'énergie renouvelable, et elle obtiendra du soutien pour ce faire. Or, au Saguenay, on utilise déjà depuis 100 ans une énergie renouvelable, en l'occurrence l'hydroélectricité.
Comme je le disais précédemment, au moyen d'ELYSIS, nous allons essayer de recréer un avantage et d'aller plus loin. D'après ce que j'en sais, Century Aluminium n'utilisera pas un processus d'électrolyse comme celui d'ELYSIS. Elle utilisera des électrodes en carbone. Autrement dit, elle utilisera une méthode de production comme celle que nous utilisons aujourd'hui au Saguenay. Elle essaie de nous rattraper. Nous devons donc continuer à avancer, et c'est ce qu'ELYSIS nous permettra de faire.
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Notre plan — et, plus globalement, le plan de Rio Tinto en tant que groupe — est de réduire les émissions de CO
2 de 50 % d'ici 2030 et de s'approcher de zéro d'ici 2050, ce qui est beaucoup plus ambitieux que la moyenne dans l'industrie minière.
Les émissions liées à la production d'aluminium de Rio Tinto représentent 70 % du total des émissions de l'entreprise. Nous voulons réduire les émissions de CO2, tout d'abord, pour atteindre les cibles de notre groupe en matière de CO2, en deuxième lieu, pour créer un avantage concurrentiel à long terme et, enfin, je dirais, pour créer une industrie de l'aluminium beaucoup plus saine.
J'ai déjà travaillé dans le domaine de l'énergie renouvelable, comme je vous l'ai dit, et il est clair maintenant que lorsqu'on examine la transition énergétique, au moment de faire passer le monde à l'énergie renouvelable, il y a des goulots d'étranglement qui doivent être éliminés, mais il se passe des choses. Ce à quoi il faut s'attaquer, c'est la façon de faire de chaque secteur: l'acier, l'aluminium et le transport. L'écologisation de la production d'aluminium fait aussi partie de cette équation.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Pécresse, vous êtes sûrement au courant du fait qu'en 2007, l'acquisition d'Alcan par Rio Tinto était assortie de conditions. D'ailleurs, ces conditions sont connues de tout le monde. L'une d'elles était d'investir 3 milliards de dollars au Québec et en Colombie‑Britannique, dont environ 2,1 milliards de dollars dans une aluminerie chez nous, au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, qui équivaudrait à 240 cuves pour une production de 450 000 tonnes. Il fallait aussi maintenir le même niveau d'activité du siège social à Montréal, poursuivre le même niveau d'activité de développement régional et maintenir les activités de recherche-développement.
Selon ce que je peux voir, à ce jour, 34 cuves ont été installées et un projet est en cours pour en augmenter le nombre à 96. On est donc très loin des 240 cuves. De plus, on a un retard d'une dizaine d'années. En ce qui concerne les fonctions stratégiques du siège social, plusieurs personnes vont juger qu'elles ont été externalisées. Quant à la recherche-développement, elle a été considérablement réduite. On dit qu'il y avait aux alentours de 200 scientifiques associés à Rio Tinto, alors qu'aujourd'hui on en compte à peine 100.
J'ai une question assez simple pour vous: jugez-vous que Rio Tinto a respecté les engagements de 2007?
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Vous parlez d'une partie précise de l'équipement. Je veux être clair, monsieur Simard. En ce qui concerne la technologie AP60, j'ai examiné la question encore récemment et je peux vous affirmer que nous travaillons dans une très grande majorité avec des fournisseurs du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean et des fournisseurs québécois. Quand nous aurons fini d'installer les cuves AP60, la part du montant de 1,4 milliard de dollars attribuée à des dépenses effectuées au Québec sera largement supérieure à 50 %.
Quand nous faisons de tels investissements, nous avons aussi des contraintes économiques et budgétaires. De plus, le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean n'est pas capable de fournir l'entièreté de l'équipement dont nous avons besoin.
En ce qui concerne la situation dont vous avez parlé et qui ne représente qu'une petite partie du projet, nous avons effectivement eu des soucis économiques pour ce qui est de tenir les budgets. Il ne faut pas oublier que nous avons un devoir de création de valeur vis-à-vis des actionnaires. Cela a pu nous conduire, pour tel ou tel équipement, à regarder au-delà du Saguenay—Lac‑Saint‑Jean.
Je vous répète que, à la fin du projet, le pourcentage de l'équipement dont l'approvisionnement se sera effectué au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean sera très largement au-dessus des 50 %.
Depuis que je suis arrivé, soit depuis six mois, bon nombre de fournisseurs québécois viennent me voir pour me connaître, d'une part, mais aussi pour me dire, d'autre part, qu'ils sont satisfaits de travailler avec nous au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean. Ils me disent qu'ils veulent travailler plus avec nous et conserver les excellentes relations que nous avons. Je dirais que cela fait partie des surprises positives que j'ai eues. Vous pouvez le demander à STAS, à EPIQ Machinerie, au Groupe Alfred Boivin, à Charl‑Pol ou à toutes les autres sociétés avec lesquelles nous travaillons. Je crois que nous sommes parfaitement intégrés dans le tissu économique local.
En 2018, les gouvernements provincial et fédéral font un premier investissement dans ELYSIS, à raison de 60 millions de dollars chacun. Une somme de 20 millions de dollars sera ajoutée en 2021. Initialement, on annonce que la technologie sera commercialisée en 2023 ou 2024.
En 2022, en réponse à des actionnaires, M. Vella dit que la modernisation des installations au moyen de la technologie ELYSIS sera impossible avant 2030.
Dans le rapport annuel de 2023, on dit également que la technologie ne sera pas prête à être utilisée avant 2030.
Avez-vous actuellement un échéancier qui est clair pour le déploiement de la technologie ELYSIS?
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Je ne sais pas ce que vous appelez un échéancier, monsieur Simard.
Je le répète, avec ELYSIS, pour la première fois dans le monde depuis 100 ans, on réinvente la façon dont on produit de l'aluminium. Ce n'est pas un procédé facile. Si ce l'était, quelqu'un aurait déjà trouvé comment le faire.
Quant à savoir où en sera rendu le projet d'ELYSIS en 2030 ou 2031, je n'en ai aucune idée. Si je vous répondais autrement, je vous mentirais. C'est une technologie que nous allons industrialiser étape par étape. Nous nous lancerons dans la construction d'usines de taille industrielle quand nous serons convaincus que ça peut marcher à cette échelle. Au-delà de vous dire que je crois en cette technologie, la bonne nouvelle est que nous avons réussi à produire à une échelle notable de l'aluminium sans émissions de carbone grâce à la technologie ELYSIS. C'est donc un projet qui est sorti du laboratoire.
Maintenant, entre la sortie du laboratoire et l'industrialisation, il faut que nous arrivions à répéter le procédé à l'échelle des cuves réelles. Vous ne l'avez pas dit, mais, comme vous le savez, nous avons déjà annoncé que, après avoir produit de l'aluminium avec ELYSIS dans des cuves de 150 ampères, nous allions passer à des cuves de 450 ampères. Pour ce qui est de l'échéancier, au sujet duquel vous me posiez la question, nous avons dit que nous le ferions en 2024 au Saguenay—Lac‑Saint‑Jean, et nous y travaillons. Nous travaillons aussi sur d'autres étapes d'ELYSIS et, comme je l'ai dit, j'espère pouvoir les annoncer bientôt.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Pécresse. Merci d’être parmi nous.
Premièrement, je dois vous dire que, pour notre part, nous trouvons un peu bizarres les questions du Bloc québécois et la position qu'il adopte. Je suis accompagné de mon collègue de Chicoutimi—Le Fjord, Richard Martel, qui est un fier Saguenéen et qui est aussi très fier d’avoir Rio Tinto dans sa région. Les questions posées aujourd'hui devraient avoir pour objectif de comprendre le cheminement du projet ELYSIS, qui est extraordinaire. Ce serait une première mondiale que d'arriver un jour à produire de l'aluminium carboneutre. Nous sommes très fiers de ce projet. Nous savons que ça peut être compliqué du côté de la recherche-développement, comme vous l’avez expliqué tantôt.
Cela dit, je reviens vers le sujet principal de la motion. J'aimerais comprendre un peu mieux votre modèle d'affaires et la contribution du gouvernement fédéral.
Par exemple, vous avez dit que certains chiffres contenus dans la motion proposée par le Bloc québécois n'étaient pas précis. Alors, pouvez-vous m'expliquer plus précisément votre modèle d'affaires et la contribution du gouvernement fédéral?
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Oui, et nous nous concentrons sur les étapes suivantes. Comme vous l'avez dit, nous pouvons produire de petites quantités. Sans entrer dans des détails de nature très sensible, je dirais que, ce que nous allons maintenant essayer de faire, c'est produire des quantités qui ne seront pas encore à l'échelle industrielle, mais qui seront plus substantielles, et ce, d'une façon qui puisse être répétée. C'est ce qui est devant nous.
Ce que j'aimerais vraiment que le Comité comprenne, c'est qu'on ne peut pas précipiter l'industrialisation de technologies de ce genre. Dans ma vie, j'ai déjà travaillé sur des projets d'éoliennes en mer où on est passé de turbines de 3 mégawatts à des turbines de 15 mégawatts en quatre ans. Je vous le dis, la meilleure façon de faire planter une telle technologie, c'est d'aller trop vite et de griller des étapes. À un moment donné, on se rend compte qu'on industrialise la technologie sans avoir tout compris, et on se retrouve avec des investissements de 500 millions de dollars qui n'ont servi à rien et qu'il faut déchirer. C'est ce que nous essayons d'éviter.
Alors, nous n'allons pas passer de petites quantités à 100 000 tonnes du jour au lendemain. Nous allons essayer de produire des quantités plus notables, et ce, d'une façon qui puisse être répétée et totalement maîtrisée. Voilà l'objectif de 2024. Il s'agit de lancer des projets qui nous permettront de faire ça. Quand nous aurons réussi, en 2025, nous nous poserons et nous nous tournerons vers l'étape suivante. C'est l'approche que nous adoptons.
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Merci, monsieur le président.
Les conservateurs votent en faveur d'une motion et ensuite ils se plaignent que la motion a été adoptée. Je vous souhaite la bienvenue dans notre monde, monsieur Pécresse.
Monsieur Pécresse, je vous remercie tout d'abord de votre présence.
En avril 2007, on nous avait promis Alma II. Des conventions collectives ont même été négociées en fonction des investissements dans Alma II, mais ça ne s'est jamais concrétisé.
Dernièrement, il y a même eu une pelletée de terre pour le centre de coulée de billettes à Alma, mais le projet est ensuite tombé à l'eau et est retourné sur la planche à dessin.
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Merci, monsieur le président.
À Windsor, nous avions une usine appelée Nemak, qui appartenait à une entreprise mexicaine. Elle a reçu des millions de dollars de Navdeep Bains et de la province de l'Ontario également. Puis, l'entreprise a dû réduire les salaires des employés pour soutenir l'investissement dans la modernisation de la fabrication automobile, avec de nouveaux modèles. La Corvette en faisait partie, et il y avait quelques autres aspects touchant certaines composantes. Cela s'est fait grâce à la recherche et au développement. Par la suite, l'entreprise, Nemak, a décidé de transférer la recherche, le développement et la production au Mexique. Les travailleurs ont été congédiés. Ils ont dû s'adresser aux tribunaux et, très récemment, ils ont obtenu un règlement.
La raison pour laquelle je vous raconte cela, c'est pour vous demander s'il y a des clauses dans les subventions que vous avez reçues des gouvernements fédéral et provincial qui vous interdisent de transférer cette technologie et cette innovation à un autre pays pour la fabrication.
Cela a suscité beaucoup d'inquiétudes à Windsor, surtout du fait que la relocalisation de ces emplois a été subventionnée. Je me demande simplement s'il y a des dispositions semblables, parce que le cabinet du ministre m'a promis tout récemment que ce type d'entente était un modèle pour changer les choses, mais il se peut que votre entente ne comprenne pas de telles dispositions, parce qu'il se pourrait qu'elle soit antérieure au changement. C'est ce qu'on m'a dit.
Monsieur Pécresse, quand M. Simard vous a posé des questions, j'avais l'impression qu'il voulait vous faire dire que le Saguenay—Lac‑Saint‑Jean aurait non seulement le beurre et l'argent du beurre, mais aussi la vache, la ferme et tout le reste. C'est probablement justifié, puisque au Québec, en tant que députés, nous voulons faire grandir nos régions et faire en sorte qu'elles profitent le plus possible des retombées.
Mon collègue a parlé de la production d'électricité. Si j'ai bien compris, vous êtes propriétaire des actifs qui vous permettent de produire votre propre électricité pour la production de l'aluminium vert.
La production d'aluminium au moyen de la technologie ELYSIS vous demandera-t-elle plus d'électricité? Mon collègue semblait faire un lien entre la quantité d'électricité nécessaire et le nombre d'emplois.
Y a-t-il véritablement un lien à faire entre ces deux éléments?
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En ce qui concerne le premier élément, vous avez raison, monsieur Généreux, car 90 % de l'électricité que nous utilisons actuellement au Saguenay pour la production d'aluminium provient de notre propre centrale hydroélectrique.
Projetons-nous dans dix ans, en tenant compte des incertitudes que cela comporte. Quand nous considérons nos ambitions en ce qui a trait à la croissance de la production d'aluminium et à ses limites, y compris celui produit au moyen de la technologie ELYSIS, et quand nous considérons notre volonté de décarboner d'autres éléments de la chaîne de valeur, notamment la raffinerie d'alumine située à Vaudreuil, il faut convenir que nous allons devoir électrifier des choses qui ne le sont pas aujourd'hui. Il est très probable que nous aurons besoin de plus d'électricité au Saguenay―Lac-Saint-Jean que ce que nos centrales hydroélectriques d'aujourd'hui peuvent produire.
Nous allons donc commencer par moderniser les centrales hydroélectriques. Cela me donne l'occasion de mentionner que notre programme d'investissement à venir va inclure des montants très importants pour la remise à niveau des centrales hydroélectriques du Saguenay―Lac‑Saint-Jean. C'est un autre signe de notre engagement dans la région.
De plus, il faudra que nous examinions — et c'est un sujet que nous avons commencé à aborder au Québec — la façon dont nous pourrions répondre à ces besoins, notamment en faisant peut-être appel à de nouvelles sources d'énergie renouvelable.
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Chers collègues, nous reprenons la séance. Cette partie de la réunion devrait se poursuivre jusqu'à 20 heures.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 24 avril 2023, le Comité reprend l'étude article par article du projet de loi .
À nouveau, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal, Secteur des stratégies et politiques d'innovation; à M. Samir Chhabra, directeur général, Direction générale de la politique d'encadrement du marché; et à Mme Runa Angus, directrice principale, Secteur des stratégies et politiques d'innovation.
Merci de vous joindre à nous en ce mercredi soir.
[Traduction]
Si je ne m'abuse, M. Turnbull avait un sous-amendement à l'amendement NDP‑2.
Monsieur Turnbull, je vous cède la parole. Je vous en prie.
(Article 2)
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Je parlerai maintenant de l'amendement que nous proposons.
Je ne sais pas si les linguistes ont considéré ou pas la définition du verbe « de-identify », en anglais, et du verbe « dépersonnaliser », en français. Si nous étions les seuls à proposer un amendement à ce sujet, je me dirais que c'est peut-être parce que nous sommes trop pointilleux ou exigeants, mais un autre parti demande la même chose. Il faut donc essayer d'avoir une définition équivalente dans les deux langues pour cette notion.
Voici comment les définitions en question sont actuellement rédigées.
[Traduction]
dépersonnaliser (consiste à) modifier des renseignements personnels afin de réduire le risque, sans pour autant l'éliminer, qu'un individu puisse être identifié directement.
[Français]
Dans la version française, le verbe « dépersonnaliser » signifie ce qui suit:
Modifier des renseignements personnels afin de réduire le risque, sans pour autant l'éliminer, qu'un individu puisse être identifié directement.
Selon notre interprétation, lorsque l'on fait allusion, dans la version anglaise, à « someone who cannot be identified », ce n'est pas la même chose que de dire « réduire le risque ».
Je ne sais pas comment vous comprenez cela ni comment les linguistes le comprennent.
Cela m'amène à poser aussi une autre question. Vous venez témoigner de façon régulière devant le Comité pour participer à l'étude article par article de ce projet de loi. On mentionne souvent les gens du ministère de la Justice, puisque vous avez travaillé en collaboration avec eux. Toutefois, aucun linguiste n'a été invité à venir témoigner devant le Comité pour nous faire part de son expertise en ce qui concerne la rédaction de ces définitions.
Le projet de loi compte plusieurs pages. Peut-il y avoir des risques que, ailleurs dans le projet de loi, ces mots puissent être interprétés de manière différente en anglais et en français? La question se pose, selon moi.
Je pose la question de façon vraiment innocente: est-ce normal que les gens qui ont travaillé sur le projet de loi soient issus uniquement du ministère de l'Industrie et qu'il n'y en ait pas eu du ministère de la Justice?
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Merci, monsieur le président.
Je ne pense pas que celui‑ci soit un test.
Partout dans le projet de loi, on trouve l'expression « autorité légitime ». Nous en sommes aux premières étapes de l'étude du projet de loi, et nous avons constaté que ce qui nous préoccupait, c'est que nulle part dans la section des définitions du projet de loi on ne définit ce qu'on entend par « autorité légitime ». Si cette expression n'est pas définie, je crains qu'elle crée une certaine ambiguïté.
Par exemple, à l'article 44 proposé du projet de loi , on permet à une organisation de communiquer « les renseignements personnels d'un individu » à l'institution gouvernementale qui les a demandés « aux fins du contrôle d'application du droit fédéral, provincial… ». Le libellé de l'article 44 proposé est tiré de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, ou LPRPDE, si j'ai bien compris, et il pose problème, étant donné qu'il décrit peu de mesures de protection de la vie privée ayant été offertes à des particuliers dans le passé dans le cadre de décisions de la Cour suprême, comme l'arrêt R. c. Spencer de 2014. Je suis certain que tous les membres du Comité savent de quoi je parle — je sais que certains témoins le savent —, mais je vais simplement en faire un résumé.
L'arrêt R. c. Spencer de 2014, selon Wikipédia, est une décision historique de la Cour suprême du Canada sur la protection des renseignements personnels. La Cour a conclu à l'unanimité que les utilisateurs d'Internet avaient droit à une attente raisonnable en matière de vie privée en ce qui a trait aux renseignements sur les abonnés détenus par les fournisseurs de services Internet. Par conséquent, les tentatives par les services policiers d'accéder à ces données pourraient être assujetties à l'article 8 de la Charte des droits et libertés. La question en litige était de savoir si les forces policières pouvaient demander, sans autorisation judiciaire préalable, des renseignements au sujet des abonnés associés à une adresse IP à un fournisseur de services Internet, qui pouvait alors les fournir sur une base volontaire. La Cour suprême a statué que la demande de renseignements sur les abonnés Internet contrevenait à la protection inscrite dans la Charte contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
À mon avis — à notre avis en fait —, les organismes d'application de la loi, à quelques exceptions près, devraient généralement être tenus de produire une ordonnance du tribunal lorsqu'ils demandent des renseignements personnels, comme un compte bancaire, des messages personnels, des renseignements sur la santé et autres renseignements de ce genre.
L'ambiguïté concernant le sens d'« autorité légitime » qui existait dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques en ce qui concerne la communication de renseignements personnels aux organismes d'application de la loi est toujours présente dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la LPVPC, et les entreprises continueront vraisemblablement de communiquer des renseignements personnels sans consentement aux services policiers et à d'autres organismes d'application de la loi même si elles n'ont pas d'ordonnance de la cour.
Compte tenu de ce problème, le commissaire à la protection de la vie privée a recommandé que la définition d'« autorité légitime », aux fins de dispositions comme l'article 44 proposé dans le projet de loi, soit modifiée afin de préciser que les personnes devraient toujours avoir une attente raisonnable en matière de vie privée.
Dans son mémoire sur le projet de loi présenté en mai 2021, le commissaire à la protection de la vie privée a écrit:
En plus d'être transparent, il faut également être clair quant à l'incidence de l'arrêt R. c. Spencer sur les situations où l'État peut accéder sans mandat à des renseignements personnels. Lorsque le projet de loi S‑4 était à l'étude devant le Parlement, le CPVP a recommandé ce qui suit:
… un cadre juridique, basé sur l'arrêt Spencer, est nécessaire à des fins de clarté et d'orientation afin d'aider les organisations à respecter la LPRPDE et pour s'assurer que les autorités gouvernementales respectent l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Un tel cadre fournirait à la population canadienne plus de transparence au sujet de la communication de renseignements personnels par le secteur privé aux organisations gouvernementales.
Le commissaire à la protection de la vie privée a ajouté:
L'ambiguïté qui existait dans la LPRPDE concernant la signification d'« autorité légitime » est toujours présente dans la LPVPC, comme le démontre le fait que les entreprises continuent de communiquer des renseignements personnels sans consentement aux services policiers et à d'autres organismes d'application de la loi même si elles n'ont pas d'ordonnance de la cour.
Par conséquent, nous réitérons [...] et l'actualisons pour le projet de loi C‑11...
À l'époque, on y précisait ce qui suit:
... une disposition devrait être ajoutée afin de définir ce qu'est une autorité légitime aux fins de l'article 44 et de préciser que les communications discrétionnaires à des organismes d'application de la loi à la suite d'une demande ne devraient être autorisées que lorsqu'il y a des circonstances exceptionnelles au titre d'une mesure législative raisonnable autre que l'article 44 de la LPVPC ou uniquement dans certaines circonstances prescrites où les renseignements personnels ne donnent pas lieu à une attente raisonnable en matière de vie privée.
Recommandation 19: Ajouter une définition précisant la signification d'« autorité légitime » aux fins de l'article 44.
Cela n'a pas été fait. Dans le mémoire qu'il a présenté pour ce projet de loi, le 26 avril 2023, le commissaire à la protection de la vie privée a de nouveau proposé la recommandation 19, « Ajouter une définition précisant la signification d'« autorité légitime » aux fins de l'article 44 » dans ce projet de loi.
Cet amendement fait suite aux recommandations que le commissaire à la protection de la vie privée a formulées à maintes reprises pour « préciser que les communications discrétionnaires à des organismes d'application de la loi [...] ne devraient être autorisées que lorsqu'il y a des circonstances exceptionnelles au titre d'une mesure législative raisonnable autre que l'article 44 de la LPVPC ou uniquement dans certaines circonstances prescrites où les renseignements personnels ne donnent pas lieu à une attente raisonnable en matière de vie privée. »
Voilà pour l'introduction. Je n'ai pas lu l'amendement, qui est assez court, mais je sais que les témoins l'ont lu.
Êtes-vous d'accord avec le commissaire à la protection de la vie privée pour dire que cette définition doit être ajoutée au projet de loi, que nous devons préciser dans la section des définitions la signification de l'expression « autorité légitime », fréquemment utilisée dans ce projet de loi?
[Traduction]
À ce sujet, je dirais que le commissaire à la protection de la vie privée a demandé que le critère de l'arrêt Spencer soit intégré à la loi.
Lorsque je regarde le paragraphe que vous avez cité à ce sujet, je vois trois critères, soit celui des « circonstances exceptionnelles », celui d'une « mesure législative raisonnable » et celui des « circonstances prescrites », qui sont les trois critères de l'arrêt Spencer. Ce que je tiens à préciser, c'est qu'il s'agit de trois critères distincts, de sorte qu'il faut choisir l'un ou l'autre. Il peut s'agir de circonstances exceptionnelles, d'une mesure législative raisonnable ou de circonstances prescrites. En fait, il n'est pas question, au paragraphe 71 de l'arrêt R. c. Spencer, de « circonstances prescrites », mais plutôt du « pouvoir conféré par la common law » aux policiers.
Ce sont les trois critères énoncés dans l'affaire R. c. Spencer. Dans la mesure où cette expression doit être définie, c'est cette définition qui est actuellement utilisée par les organismes d'application de la loi et les organisations lorsqu'ils communiquent des renseignements en vertu de la LPRPDE.
:
Là où je veux en venir, c'est qu'il y a clairement une lacune dans la loi, et vous essayez d'y remédier en utilisant l'expression « autorité légitime » tout au long de cette version de la nouvelle Loi sur la protection des renseignements personnels qui est proposée dans la LPVPC. Nous avons constaté qu'en raison de la faiblesse du libellé de la LPRPDE, qui est repris ici, des entreprises et des organisations fournissent souvent des renseignements aux organismes d'application de la loi ou aux organismes qui vont à la pêche aux renseignements, au mépris de la vie privée de la personne visée.
Lorsque des organismes gouvernementaux ou des autorités juridiques demandent à des entreprises ou à des organisations d'avoir accès à des renseignements, il est clair que ces dernières, parfois sans consulter tous leurs avocats internes et externes, donnent accès à des données et à des renseignements personnels qui portent atteinte à la vie privée d'une personne.
La Cour suprême a récemment rendu une décision sur la question des adresses IP. Puisque cette décision est survenue dans les derniers mois, il est donc clair que le libellé actuel de la LPRPDE, qui est reproduit dans le projet de loi, ne permet pas de protéger la vie privée d'une personne contre l'intervention excessive d'un organisme d'application de la loi ou d'un gouvernement qui cherche à obtenir des renseignements, même si ces derniers estiment leur démarche légitime dans certaines circonstances. Dans le cadre de l'application de la loi, on peut justifier la plupart des intrusions dans la vie privée. Il est certain que le fait que cette lacune accélère le processus et les exempte de l'obligation d'obtenir un mandat ou un pouvoir judiciaire pour le faire facilite beaucoup la vie de ces autorités, mais cela ne facilite en rien la protection de la vie privée d'une personne.
Si cette définition n'est pas ajoutée dans le projet de loi, certaines personnes, à leur connaissance ou à leur insu, verront encore leurs données être communiquées à ces organismes, devront ensuite se battre après coup devant la Cour suprême et faire l'impossible afin de faire reconnaître qu'une telle intrusion n'aurait jamais dû se produire.
Je ne suis pas avocat, comme je le dis souvent ici, mais cela me semble injuste, alors que nous avons l'occasion en ce moment, en concevant une nouvelle loi sur la protection des renseignements personnels, d'écouter le commissaire à la protection de la vie privée, qui étudie cette question depuis un certain temps, depuis au moins une décennie en fait, et demander au Parlement d'inclure une définition simple, qui peut être tirée directement du mémoire du commissaire à la protection de la vie privée.
De nouveau, comme M. Masse l'a dit la dernière fois, je fais confiance au commissaire à la protection de la vie privée en la matière et je ne suis toujours pas convaincu que l'inclusion de cette disposition diminuera la portée du projet de loi ou portera atteinte à la vie privée d'une personne. Je crois plutôt qu'elle aura l'effet contraire et qu'elle renforcera sa protection.
Nous devons nous demander si l'ajout de cette définition améliore la protection de la vie privée ou si elle y porte atteinte.
:
Je ne veux pas prendre trop de temps, mais je veux dire que nous avons exactement les mêmes interrogations.
Premièrement, c'est important d'avoir une définition qui fait autorité et qui est légitime. Nous n'en avons pas, et il nous en faut une.
Deuxièmement, nous nous sommes interrogés par rapport à la Loi sur les mesures d'urgence et aux enquêtes policières, notamment. À ce sujet, je pense qu'on a répondu à nos questions.
J'ai toutefois une autre question. Vous avez parlé du critère juridique énoncé dans l'arrêt Spencer. Je dois lire la nouvelle définition plus soigneusement, mais, à priori, elle me semble plus appropriée. En effet, elle reprend exactement le critère utilisé dans l'arrêt Spencer. Cela existe donc déjà dans la jurisprudence.
Quelle est alors la différence entre introduire ce critère tel quel dans la loi et ne pas y inclure de définition?
:
Monsieur le président, j'ai une brève observation à faire.
Il semble que ce que j'ai proposé... En fait, je ne l'ai pas proposé, parce que je n'ai pas pu le faire. Le sous-amendement que j'avais l'intention de proposer sera maintenant considéré comme un autre amendement, après que nous aurons disposé de l'amendement CPC‑3. Essentiellement, il y avait des parenthèses à l'alinéa b), mentionnant « conformément à une loi raisonnable (autre que l'article 44) », et cela pourrait être remplacé par « autre que les articles 33, 43 ou 44 ou le paragraphe 47(1) ». Essentiellement, cela éliminerait ces renvois en boucle dans le projet de loi et, pour plus de certitude, comme certains le disent, cela rendrait les choses un peu plus claires et tiendrait compte des suggestions de mes collègues conservateurs. Ce serait peut-être une façon de régler le problème.
Cela aurait‑il une incidence sur l'intention générale de ce que j'avais proposé au départ lorsque j'avais prévu de le proposer comme sous-amendement? Non. D'accord, très bien.
Pourquoi ne pas le faire? Je suis d'accord pour le faire si nous pouvons nous passer de l'amendement CPC-3, et c'est exactement ce que je vais proposer.
:
Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne donne aucune définition du terme « mineur », même s'il est mentionné à plusieurs reprises dans le texte du projet de loi. À mon avis, c'est problématique. En l'absence d'une définition, la définition d'un mineur aura le sens qui lui est attribué par les lois provinciales ou territoriales sur l'âge de la majorité. Par exemple, c'est 18 ans au Québec et 19 ans dans ma province, la Colombie-Britannique.
Comme certains témoins l'ont dit, les définitions différentes d'une administration à l'autre vont rendre la conformité de plus en plus difficile et peuvent placer les organisations dans l'obligation d'élaborer et de mettre en œuvre des pratiques différentes d'un endroit à l'autre pour protéger la vie privée, ce qui fait augmenter à la fois les coûts techniques engagés et le risque de ne pas respecter une myriade d'obligations d'une administration à l'autre.
Cet amendement vise à régler ces questions en définissant un mineur comme un individu de moins de 18 ans. L'âge de 18 ans a été choisi conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, au code britannique pour les enfants, et au code californien de conception adaptée à l'âge. Le choix de cette définition permettra également au Canada de s'aligner sur l'introduction du code pour enfants et des applications adaptées à l'âge dont il est question dans l'amendement CPC-17.
J'en ai parlé avec Elizabeth Denham, ma nouvelle britanno-colombienne favorite, qui a conçu le code pour enfants du Royaume-Uni. Ce qu'elle reprochait principalement à notre projet de code pour enfants, c'était de ne pas fixer l'âge à 18 ans, surtout compte tenu de l'obligation du Canada en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, comme je l'ai mentionné.
Je dirais aussi que nous avons entendu le témoignage de David Fraser. Il est chez McInnes Cooper. Il a comparu à notre réunion 91 du 24 octobre. Il a déclaré:
Ce qui me préoccupe un peu, c'est que le projet de loi actuel serait difficile à mettre en oeuvre pour les entreprises qui exercent leurs activités dans tout le Canada. La question de savoir si une personne est mineure ou non dépend actuellement de la loi provinciale, qui varie d'une province à l'autre. Cela varie d'une province à l'autre, et il serait difficile de mettre en oeuvre des programmes cohérents dans l'ensemble du pays. Je préconise d'inscrire dans la loi qu'un mineur est âgé de 18 ans ou moins.
Je souligne encore une fois que la nouvelle loi californienne sur la protection de la vie privée et la sécurité en ligne pour les enfants prévoit l'âge de 18 ans, et qu'elle s'inspire du code de conception adapté à l'âge du Royaume-Uni, qui est entré en vigueur le 2 septembre 2020. J'aimerais également souligner que, si nous pensons aux relations commerciales du Canada avec les États-Unis, il y a beaucoup de précédents dans les administrations américaines également.
J'en parle en partie à cause du témoignage de Scott Lamb. Je ne me souviens pas de la réunion exacte, mais j'ai eu une conversation de suivi avec M. Lamb au sujet de l'interprétation de la loi actuelle sur la protection des renseignements personnels au Canada et de son travail pour le compte de clients qui font des affaires au Canada et aux États-Unis. Il a dit que, du point de vue des entreprises concernées, elles s'en remettaient souvent aux définitions incluses ou aux pratiques des États et des territoires américains, et qu'elles appliquaient les mêmes normes au Canada. Bien sûr, cela va de pair avec le code de conception californien. Il faisait probablement affaire avec des entreprises en Californie.
La loi de la Floride entrera en vigueur le 1er juillet 2024. Elle s'applique non seulement aux entreprises de médias sociaux, mais aussi aux plateformes en ligne qui comprennent les jeux en ligne et les plateformes de jeux en ligne. Elle définit un mineur comme une personne de moins de 18 ans — pas seulement les enfants de moins de 13 ans — sur toutes les plateformes en ligne qui sont surtout utilisées par des mineurs.
L'Arkansas a adopté la Social Media Safety Act, qui fixe également l'âge à 18 ans et comporte des dispositions sur le consentement à cet âge. L'Utah a récemment adopté une loi qui interdit aux jeunes de moins de 18 ans d'utiliser les médias sociaux entre certaines heures. C'est un peu excessif, mais là aussi, l'âge est de 18 ans et il y a des dispositions de vérification de l'âge. En Louisiane, c'est aussi 18 ans. Le Texas interdit aux jeunes de moins de 18 ans de se rendre sur de nombreux sites de médias sociaux sans le consentement de leurs parents. Je ne fais que recenser quelques-uns des excellents exemples des États-Unis.
Au cours de la séance 98 du Comité de l'industrie, Michael Beauvais a soutenu qu'il fallait définir le terme « mineur »:
Premièrement, il serait nécessaire de préciser plusieurs définitions importantes [dans le projet de loi]. Il s'agit notamment de la définition de « mineur » et de celle de la capacité de déterminer quand un mineur est « capable » d'exercer des droits et des recours en vertu de la loi.
Michelle Gordon a dit, au cours de la même séance, qu'il faut définir le terme « mineur »:
Premièrement, ce projet de loi devrait définir les termes « mineur » et « sensible ». Sans ces définitions, les entreprises, qui tiennent déjà le haut du pavé dans le projet de loi, décideront elles-mêmes de ce qui est sensible et approprié pour les mineurs. La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la LPVPC, devrait suivre l'exemple d'autres grandes lois sur la protection des renseignements personnels.
Ensuite — et c'est ce qui explique mes propos de tout à l'heure —, le témoin a parlé de la California Consumer Privacy Act, de la COPPA des États-Unis, du RGPD de l'Union européenne et, en fait, de la loi 25 du Québec.
David Fraser a dit pendant la séance 91 qu'il faut définir le terme « mineur »:
Ce qui me préoccupe un peu, c'est que le projet de loi actuel serait difficile à mettre en œuvre pour les entreprises qui exercent leurs activités dans tout le Canada. La question de savoir si une personne est mineure ou non dépend actuellement de la loi provinciale, qui varie d'une province à l'autre, et il serait difficile de mettre en œuvre des programmes cohérents dans l'ensemble du pays.
À la séance 92, Michael Geist, qui, nous le savons tous, est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, a déclaré:
Je ferai remarquer que l'une des réelles préoccupations porte sur les définitions des mineurs qui sont différentes d'une province à l'autre, et d'autres choses de ce genre. Par conséquent, je pense qu'une chose à inclure dans la loi — et je sais que d'autres témoins l'ont soulignée — est la nécessité d'avoir une définition commune qui nous assurera qu'il existe une protection uniforme.
Le Bureau de la publicité interactive du Canada a présenté le 13 novembre un mémoire où on lit:
La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la LPVPC, ne définit pas explicitement le terme « mineur ». Son interprétation relève donc des lois provinciales et territoriales sur l'âge de la majorité. À cause de ce manque de clarté dans la loi fédérale, il risque de devenir de plus en plus difficile de se conformer à ses dispositions, et des organisations pourraient devoir concevoir et appliquer différentes pratiques en matière de protection des renseignements personnels, ce qui fera augmenter les coûts d'application et le risque de déroger à une myriade d'obligations dans les diverses administrations.
Nous recommandons de modifier le projet de loi pour y prévoir un seuil d'âge unique dans l'ensemble du Canada. Le projet de loi devrait définir précisément le terme « mineur » et peut-être s'harmoniser avec la Loi 25 du Québec...
Je signale à mes collègues du Québec qu'il a fait cette proposition.
... puisqu'elle est déjà en vigueur. Elle définit comme mineur quiconque a moins de 14 ans. Ce sera une approche moins compliquée qui assurera la sécurité des mineurs et permettra aux entreprises de réussir au lieu d'échouer.
Je vais revenir sur ce point dans une minute, car c'est vraiment important.
La Chambre de commerce du Canada a également dit:
Comme il n'est pas défini dans la LPVPC, le terme « mineur » prendra le sens qui lui est attribué dans les lois provinciales ou territoriales sur l'« âge de la majorité », qui prévoient qu'en l'absence de définition ou d'indication de quelque intention contraire, un « mineur » est une personne physique âgée de moins de 18 ans en Alberta, au Manitoba, en Ontario, à l'Île-du-Prince-Édouard au Québec et en Saskatchewan, et une personne physique de moins de 19 ans en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador, dans les Territoires du Nord-Ouest, en Nouvelle-Écosse, au Nunavut et au Yukon. À cause de la variabilité des définitions du terme, les entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs administrations devront, pour chacune, élaborer et appliquer des politiques, des pratiques et des méthodes différentes: (1) gestion du consentement; (2) expérience utilisateur/client; (3) conservation et signalement des violations; (4) mesures de sécurité. Elles seront peut-être aussi obligées d'établir un profil d'âge dans les administrations où le « mineur » est une personne de 18 ans. Ce sera un fardeau indu pour ces entreprises et il pourrait y avoir de la confusion chez les clients. Il est recommandé d'harmoniser la définition avec celle de la Loi 25 du Québec.
Je lis ce témoignage expressément à votre intention, monsieur Garon, car j'ai dû me demander en mon for intérieur si l'âge devait être de 14 ou de 18 ans. Si j'ai parlé de l'amendement CPC‑17, c'est que, bien que je note qu'un mineur est défini comme une personne de moins de 14 ans, comme je l'ai déjà lu deux fois ce soir, le parent et l'oncle que je suis ne croit pas que, chez les enfants de 15, 16 et 17 ans, la capacité de prendre des décisions soit toujours assez développée pour qu'ils puissent prendre des décisions rationnelles qui ont des conséquences pour leur bien-être.
Ce qui me rappelle une politique du district scolaire où mes enfants sont scolarisés. Comme parent, je constate que les enfants du district scolaire ont accès à toutes les plateformes de médias sociaux imaginables. Ils peuvent faire des achats sur des comptes Amazon à l'insu de leurs parents. Ils peuvent regarder ce qu'ils veulent sur Internet, mais s'il s'agit d'aller patiner avec des camarades de classe, alors il faut avoir la permission des parents.
Je vais m'arrêter là. J'ai hâte d'entendre le débat. Les témoignages montrent très clairement que nous devons discuter de la définition de ce qu'est un mineur, surtout pour les fins des entreprises. Je dirais la même chose pour d'autres modifications qui seront apportées au texte, dont j'espère qu'il protégera les enfants contre les méfaits en ligne.
Merci, monsieur le président.
:
Je vous épargnerai le reste de mon intervention, car je veux aller au hockey.
Il y a des raisons impérieuses, évidemment, pour fixer un âge.
Dès la première séance d'information du ministère sur le projet de loi, ce fut l'une de mes premières questions. À l'étape de la deuxième lecture, le ministre a consacré une grande partie de son discours à expliquer que l'objectif du projet de loi était de protéger les enfants et d'améliorer la protection de leur vie privée. À mon avis, c'est et c'était l'intention véritable du ministre, mais l'absence de définition m'a inquiété. À ce moment‑là, le ministère a répondu que si nous laissions le texte en l'état, les diverses définitions des lois provinciales s'appliqueraient. Pour l'incorrigible spécialiste du marketing que je suis, c'est inquiétant, car cela veut dire que je devrais consulter plus d'une dizaine de régimes pour connaître le seuil qui détermine le moment où mes données de nature tout à fait sensible sur une personne, comme c'est le cas actuellement en vertu de cette proposition, deviennent des éléments utilisables à diverses fins, c'est-à-dire à partir de 13, 14, 16 ou 18 ans.
M. Vis a proposé l'âge de 18 ans. Pour ma part, je suis d'avis que ce devrait probablement être 18 ans, mais je suis prêt à en discuter. Que pense le ministère de la possibilité que nous choisissions un âge qui s'appliquera à l'ensemble du pays? À partir de 18 ans, on peut voter et commencer à faire certaines choses et c'est l'âge où on obtient son diplôme d'études secondaires. On peut faire diverses choses, mais on ne peut ni boire ni fumer de la marijuana. On peut conduire à 16 ans, oui, mais on ne peut plus conduire tout seul à 16 ans comme avant. Au Québec, c'est possible. C'est que, au Québec, il n'y a que des lignes directrices sur la conduite, pas des lois.
La question est de savoir si 18 ans est le bon âge. Je crois que oui. Qu'en pense le gouvernement? Premièrement, faut‑il fixer un âge? Est‑on d'accord pour le faire maintenant? Deuxièmement, l'âge de 18 ans convient‑il?
[Traduction]
Le Manitobain que je suis a eu la malchance, après avoir atteint 18 ans, de déménager aussitôt en Ontario pour aller à l'université, où on se faisait une idée différente de la capacité de consommer de l'alcool. C'est pour moi un point très sensible.
Soyons sérieux. Aux fins d'une loi qui renforce la protection des données de nature sensible des mineurs — il faut faire preuve de prudence et appliquer des normes beaucoup plus exigeantes pour la protection et la prise en compte de cette information —, il est utile de définir clairement les obligations à cet égard. Il y a eu au départ des préoccupations et diverses idées au sujet des compétences fédérales et provinciales en cause. On estime qu'on peut établir les paramètres dans une loi fédérale. Il sera très utile pour l'interprétation et l'application de la loi d'avoir une définition du terme « mineur ».
Au cours de l'étude du projet de loi, nous nous demanderons si, avec ce seuil de capacité, certaines personnes pourraient être visées par une définition qui fixe le seuil à moins de 18 ans, mais être tout de même autorisées à exercer personnellement leurs droits en vertu de la loi. Comme nous l'avons défini plus tôt dans des amendements antérieurs à la rubrique des définitions, cela devient important, car certains jeunes de 16 et 17 ans, pas tous, ont les capacités voulues, mais il reste que 18 ans est un seuil commun à toute une série de normes sociales.
Voilà notre réponse.
Évidemment, on nous sort toutes sortes d'exemples sur la capacité de prendre des décisions. On nous parle des lois de l'Utah et du Texas, un État qui, incidemment, a aboli l'avortement, ce qui nie les droits des femmes. On cite des textes de loi sur l'âge du consentement dans certains États américains, où les jeunes gens peuvent, à 18 ans, aller se faire tirer dessus en Afghanistan, mais pas acheter une bière à leur retour.
À bien des égards, c'est une question de jugement de valeur. Je ne dis pas cela pour plaisanter. Nous cherchons présentement à établir qui doit être considéré comme un mineur dans le contexte de la divulgation de renseignements personnels. Par ailleurs, à titre informatif, je rappellerai au NPD et à mon ami M. Masse qu'ils ont déposé un projet de loi à la Chambre pour que les gens puissent voter dès l'âge de 16 ans.
Voici la question que nous devons nous poser: en dessous de quel âge l'autorité parentale doit-elle être pleine et entière dans un contexte de divulgation de renseignements personnels sur Internet, sur les réseaux sociaux, et ainsi de suite?
Il faut également tenir compte du fait que, plus loin dans le projet de loi, il y a des articles où on peut redéfinir l'âge minimal, et je sais que vous voulez proposer des amendements à cet égard. Je sais que vous avez eu une réflexion sur l'âge de la majorité qui doit être défini dans le projet de loi, qui devrait être 18 ans, selon vous, et que cela va se refléter dans les amendements subséquents.
Au Québec, le compromis a été de fixer l'âge minimal à 14 ans. Évidemment, c'est la loi québécoise, et vous comprendrez que nous portons les consensus de l'Assemblée nationale. Toutefois, nous croyons tout de même que c'était raisonnable, car on ne parle pas ici d'acheter de l'alcool ou de conduire une automobile. On parle de la divulgation de renseignements dans le contexte de réseaux sociaux et de l'utilisation de produits commerciaux. Ceux-ci présentent tout de même un risque, j'en conviens, mais ils sont presque nécessaires à la socialisation, aujourd'hui.
Cela me semble toujours tout à fait raisonnable de fixer l'âge à 14 ans et, sans vouloir dénigrer ce qui est présenté ici, je suis plutôt convaincu que 18 ans, c'est trop élevé. Voilà où j'en suis dans ma réflexion.
J'allais proposer un sous-amendement semblable à la définition de « mineur ». Je n'avais pas vraiment tout un traité à lire comme M. Vis...
Des voix: Oh, oh!
M. Ryan Turnbull: ... mais je voudrais expliquer pourquoi il serait bon d'établir l'âge de la minorité et de le définir dans le contexte du projet de loi. Je dirai simplement que, pour notre part, nous appuyons sans réserve l'amendement qu'il a proposé.
Quant aux points soulevés par M. Garon, nous avons l'intention de travailler à un critère de capacité et de l'insérer dans le projet de loi. Cette légère modification permettrait jusqu'à un certain point aux moins de 18 ans d'exercer leurs droits sur leurs renseignements personnels s'ils en ont la capacité.
Monsieur Garon, vous et moi avons discuté de la question avant de passer à l'étude article par article. Ce fut bref, je sais, mais je pense que cela pourrait mieux vous convenir si la définition du terme « mineur » fixait l'âge à 18 ans. Cela ne correspond pas parfaitement à votre point de vue, sans doute, mais il est sûr que nous mettons tous un peu d'eau dans notre vin. Je respecte votre point de vue, mais nous allons appuyer une définition qui fixe l'âge à 18 ans.
Merci.
:
J'ai deux choses à signaler qui me semblent importantes. La première, c'est qu'en vertu de cette définition du terme « mineur », les renseignements des mineurs en vertu de la loi, comme nous venons de l'établir, seront définis comme « de nature sensible », ce qui suppose une obligation de diligence et un niveau de protection relevé.
J'attire cependant l'attention des députés sur la page 6 du projet de loi, à la rubrique « Représentants autorisés ». Voici le passage pertinent, l'alinéa 4a) proposé:
4. Les droits et recours prévus sous le régime de la présente loi peuvent être exercés:
a) au nom du mineur qui n’a ni la capacité ni la volonté de les exercer personnellement, par le parent ou le tuteur;
Le critère de la capacité à exercer soi-même ces droits a été établi par d'autres tribunaux. Cela n'exclut pas la possibilité que des personnes de moins de 18 ans puissent exercer une certaine surveillance sur leurs propres renseignements personnels, mais donne à penser que, pour les personnes de moins de 18 ans, les renseignements devraient être considérés comme de nature sensible, les droits pouvant être exercés par un parent, un tuteur ou un mineur apte.
Voici un exemple. Prenons les jeunes de 14 à 18 ans. Un élève de neuvième année a publié des choses embarrassantes qu'il regrette. Il n'aurait pas le droit de les faire supprimer si l'âge est fixé à 14 ans, étant donné la nature de ce dont il s'agit. Les adolescents plus âgés peu capables de comprendre la nature de l'information privée et les conséquences de leurs actes à ce point de vue n'auraient pas les mêmes protections que les adolescents plus jeunes parce que l'information n'est pas vue comme de nature sensible et qu'il ne leur est pas nécessairement accordé les mêmes droits en vertu de la loi.
C'est vraiment là où nous voulons en venir en faisant passer l'âge de 14 à 18 ans. Cela n'exclut pas une plus grande autonomie pour les moins de 18 ans mais suppose que leurs renseignements sont de nature sensible et qu'il faut faire preuve de diligence.