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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 126 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 29 mai 2024

[Enregistrement électronique]

(1635)

[Français]

     Je déclare la séance ouverte.
    Bon après-midi, tout le monde. Je vous souhaite la bienvenue à la 126e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride. Conformément au Règlement et à l'ordre de renvoi du lundi 24 avril 2023, le Comité reprend l'étude du projet de loi C‑27, Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique. Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude article par article du projet de loi.
    Avant de commencer, j'aimerais rappeler à tous ceux et celles qui participent à la réunion en personne qu'il est important de garder leur oreillette éloignée de leur microphone quand celui-ci est allumé, et de se familiariser avec les directives qui sont écrites sur les cartes qui se trouvent sur la table. Il en va de la santé et de la sécurité de tous les participants, mais surtout des interprètes. Je vous prie donc d'agir en conséquence, et je vous remercie à l'avance de votre coopération.
    Aujourd'hui, mercredi, nous recevons de nouveau M. Samir Chhabra, directeur général, ainsi que Mme Runa Angus, directrice principale, tous deux du Secteur des stratégies et politiques d'innovation du ministère de l'Industrie.
    Monsieur Chhabra et madame Angus, je vous remercie de participer de nouveau à la réunion du Comité pour l'étude article par article du projet de loi C‑27.
    Avant de céder la parole à M. Williams, qui avait la parole alors que nous débattions de l'amendement CPC‑9 et du sous-amendement de M. Perkins, je vais donner la parole à M. Garon, puisque ce dernier m'a demandé quelques minutes pour parler de la motion dont il a donné avis lundi.
    Monsieur Garon, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que la plupart d'entre nous ont été mis au courant de l'affaire GLENTEL: deux géants du cellulaire ont, dans le cadre d'une coentreprise, obtenu le monopole dans les épiceries Loblaws. Dans ce contexte, je pense qu'il serait important que le Comité se penche sur la question de la concurrence et des modèles d'affaires qui peuvent nuire à cette dernière.
    Je sais que le Comité a beaucoup travaillé sur la question des épiceries, et je pense qu'il faut faire la même chose pour ce qui est du marché de la téléphonie cellulaire. Vous avez tous et toutes reçu la motion dont j'ai donné avis le lundi 27 mai. Je n'ai pas l'intention d'en débattre aujourd'hui, mais je tiens à la déposer et à la lire. En voici le texte:
En ce qui concerne la fin anticipée du contrat d'approvisionnement unissant les points de vente d'appareils et de service sans fil « The Mobile Shop » de l'enseigne Loblaw, et la filiale de Québecor Freedom Mobile, et à la lumière du modèle d'affaires de Glentel ;

Que, conformément à l'article 108(2), le Comité convoque les témoins suivants pour qu'ils s'expriment sur des enjeux liés à des allégations de manœuvre anticoncurrentiel:
Mirko Bibic, PDG de Bell ;

Darren Entwistle, PDG de Telus ;

Tony Staffieri, PDG de Rogers Communications Inc. ;

Galen Weston, PDG de Loblaw ;

Pierre Karl Péladeau, PDG de Québecor Media Inc. ;

Matthew Boswel, Commissaire à la concurrence, Bureau de la concurrence Canada ;
Et que le Comité alloue deux rencontres pour entendre ces témoins.
    Merci beaucoup, monsieur Garon. Je précise que la motion n'avait pas été déposée, en effet. Vous en aviez seulement donné avis.
    Monsieur Turnbull, vous avez maintenant la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé de ne pas être en personne avec vous tous aujourd'hui, et de devoir assister à la réunion à distance.
    Je voulais seulement dire que, dans l'ensemble, j'appuie la motion de M. Garon. Le sujet est important, alors peut-être que nous pouvons l'étudier. Nous avons certainement dit tout ce temps que nous continuerions de travailler sur le projet de loi C‑27 et de lui accorder la priorité. J'espère que nous pouvons nous entendre là‑dessus. Je sais que ce n'est pas le sujet du débat d'aujourd'hui, mais je voulais seulement qu'il sache que nous sommes en faveur d'entreprendre une étude sur ce sujet, mais que nous préférerions le faire après le projet de loi C‑27, si possible.
    Merci.

[Français]

     Merci, monsieur Turnbull.
    Monsieur Masse, vous avez maintenant la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier M. Garon de sa motion.
    Avec M. Jagmeet Singh, j'ai écrit au commissaire de la concurrence, et on nous a répondu que le Bureau de la concurrence a reçu la requête et examine la situation. Bien sûr, le Bureau n'agit pas en fonction des orientations politiques, mais il reconnaît qu'il a reçu la requête et qu'il est au courant de la situation. Nous voulions le confirmer.
    Nous pouvons transmettre la réponse que je viens de recevoir hier du commissaire de la concurrence.
    Merci.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Masse.
    (Article 2)
    Le président: Nous revenons maintenant à l'article 2 du projet de loi C‑27, et à l'amendement CPC‑9.
    Monsieur Williams, vous avez la parole pour débattre du sous-amendement de M. Perkins.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Encore une fois, bienvenue à tout le monde qui souhaite garder un œil sur le projet de loi C‑27.
    Pour ceux et celles qui nous écoutent à la maison, nous travaillons toujours sur l'amendement concernant le droit privé d'action. Nous examinons cet amendement dans le but de rétablir au moins une ligne du droit privé d'action. Je voulais seulement soulever quelques points, que j'avais déjà essayé de soulever à la fin de la dernière réunion, lorsque nous expliquions pourquoi nous croyons que les pouvoirs devraient être accordés au commissaire à la protection de la vie privée et ce que suppose le droit d'action privé, concrètement, c'est‑à‑dire le fait de retirer le tribunal et de donner ce pouvoir au commissaire.
    Je crois que cela va accroître l'obligation redditionnelle pour les organisations. Un droit d'action privé créerait un mécanisme juridique direct pour les gens qui demandent un recours parce que leur droit à la vie privée a été violé. Cela aurait pour effet d'accroître l'obligation redditionnelle des organisations, ce qui est très important, quand on envisage de donner ce pouvoir au commissaire à la protection de la vie privée, et aussi de donner aux gens la possibilité de s'adresser d'abord au commissaire à la protection de la vie privée, puis ensuite d'intenter leur propre litige contre les organisations qui violent leur droit à la vie privée.
    Nous avons discuté des ressources allouées au commissaire à la protection de la vie privée et du fait qu'il risque d'être surchargé. Nous sommes tous au courant de la situation actuelle de la commissaire à l'information, qui a demandé des fonds supplémentaires, qui a accumulé un arriéré, mais qui n'a pas eu droit à ces fonds du gouvernement. Le droit d'action privé permettrait aux gens d'entamer des démarches judiciaires lorsqu'il y a atteinte à la vie privée, ce qui réduirait la charge de travail du commissaire à la protection de la vie privée, même s'il devrait tout de même avoir plus de financement, en fonction de sa charge de travail.
    Il y a aussi un effet dissuasif: le risque de poursuites au civil pourrait avoir un effet dissuasif sur les organisations qui font preuve de laxisme en matière de protection de données. Cette possibilité, bien évidemment par l'intermédiaire du commissaire à la protection de la vie privée, aurait un effet dissuasif.
    Pour ce qui est de donner cette possibilité aux gens, nous avons dit qu'il fallait s'assurer que la protection de la vie privée soit un droit fondamental. Quand vous donnez ce pouvoir aux gens, vous les habilitez à agir et à exercer leurs droits en matière de vie privée, et je pense que c'est une composante très importante du projet de loi. Peut-être que les plaintes pourraient être réglées plus rapidement qu'avec les processus administratifs relevant seulement ou uniquement du Commissariat à la protection de la vie privée ou du tribunal.
    Nous croyons que les gens seront ainsi mieux sensibilisés à la protection de la vie privée. À mesure que les gens décident d'engager des poursuites, plus le public sera sensibilisé à l'égard de ses droits à la vie privée et de l'importance de la protection des données et plus de gens vont prendre leurs droits entre leurs mains.
    Cela pourrait réduire les violations systémiques. Le risque que plusieurs personnes entament un recours en justice pourrait encourager les organisations à mettre en œuvre des pratiques plus robustes de protection de la vie privée, ce qui réduirait la probabilité de violation systémique de la vie privée ainsi que le fardeau global pour le commissaire à la protection de la vie privée.
    Je pourrais continuer longtemps, mais, par-dessus tout, je pense que c'est un rôle complémentaire. Le droit privé d'action sert de mécanisme complémentaire à la surveillance effectuée par le commissaire à la protection de la vie privée: il garantit une approche plus complète et polyvalente en matière de protection de la vie privée.
    Après avoir examiné tout cela, je pense que nous pouvons tous convenir qu'il faut que cela aille d'abord au commissaire à la protection de la vie privée, que le commissaire à la protection de la vie privée doit être la première étape, mais que le droit privé d'action est très important, pour que le commissaire à la protection de la vie privée ait ce pouvoir et qu'il puisse gérer et imposer des sanctions; aussi, il y a toujours l'option des cours. Peut-être que nous découvrirons, ensuite, que le tribunal n'est pas nécessaire.
    Je vais m'arrêter ici, monsieur le président.
(1640)
    Merci, monsieur Williams.
    Y a‑t‑il d'autres intervenants? Monsieur Vis, étiez-vous sur la liste?
    La parole va à M. Vis, puis ce sera à M. Masse.
    Dans son témoignage, M. Geist a demandé si ce genre de tribunal serait respecté. Il a dit que le public était très sceptique, après l'entente entre Rogers et Shaw.
    Juste pour que ce soit clair, étant donné que l'amendement à l'étude présentement finira par se répercuter sur d'autres parties du projet de loi, disons que le tribunal entend une affaire et que cette affaire est ensuite portée devant la cour, la cour devra‑t‑elle tenir une nouvelle audience sur l'affaire en question?
    Conformément au libellé actuel de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la décision du tribunal serait considérée comme ferme et définitive et ne pourrait pas être portée en appel devant une cour. La décision pourrait seulement faire l'objet d'un contrôle judiciaire, ce qui est assujetti, comme nous en avons discuté à la dernière réunion, à une norme très différente; la décision pourrait seulement faire l'objet d'un contrôle si, essentiellement, le tribunal avait outrepassé son mandat.
    Dans son témoignage, Diane McLeod a dit que cela allait complexifier les compétences provinciales, relativement aux enquêtes conjointes avec la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Alberta spécifiquement.
    Que répond le ministère au témoignage de Mme McLeod, car je suis sûr que vous êtes au courant de ce qu'elle a dit, et j'estime qu'elle a soulevé un point tout à fait valide.
    Merci encore une fois de la question. Comme nous en avons discuté au cours des deux ou trois dernières réunions, l'existence d'un tribunal n'aurait aucune incidence sur les fonctions d'enquête du Commissariat à la protection de la vie privée. Le tribunal remplirait deux fonctions principales, dont nous avons discuté il y a peu de temps. Premièrement, il rendrait des décisions quant aux sanctions administratives pécuniaires qui auraient été recommandées par le Commissariat à la protection de la vie privée, et deuxièmement, il serait chargé d'entendre les appels relatifs à ces décisions.
    Cela n'aurait cependant aucune incidence, à notre avis, sur la capacité du commissaire à la protection de la vie privée de participer à des enquêtes conjointes, de mettre au point avec les provinces des approches pour les enquêtes et d'échanger des données et des conclusions. D'ailleurs, à de nombreux endroits dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, ou LPVPC, nous nous sommes donné du mal pour veiller à ce qu'il y ait des occasions d'échange de données et d'information, en lien avec les activités du commissaire à la protection de la vie privée, entre les autres agents de réglementation, par exemple le commissaire de la concurrence.
(1645)
    Puisque Mme McLeod représente le commissariat à la protection de la vie privée de l'Alberta, le ministère est‑il prêt à au moins reconnaître que, présentement, les commissions provinciales n'ont pas la même vision que le ministère de l'Industrie en ce qui concerne les enquêtes conjointes, malgré vos promesses? Ai‑je raison?
    Je vais demander à ma collègue, Mme Angus, de fournir un peu plus de détails à ce sujet.
    J'aimerais clarifier le témoignage de Mme Diane McLeod. Elle a effectivement dit: « L'équipe de règlement informel des cas est indépendante de l'équipe d'arbitrage. Quand un dossier est transmis à l'arbitrage, les arbitres tiennent une audience de novo ». Je tiens toutefois à préciser que, en Alberta, la fonction d'arbitrage est séparée de la fonction d'enquête, et cette distinction n'existe tout simplement pas dans le libellé actuel de la LPVPC, et ce n'est pas non plus proposé dans l'amendement.
    Mme McLeod a aussi dit: « Nous craignons aussi que la constitution d'un tribunal chargé d'entendre les appels interjetés contre certaines ordonnances du commissaire ait une incidence sur notre capacité de mener des enquêtes conjointes. »
    Votre ministère reconnaît‑il que, dans le contexte actuel, la commissaire à la protection de la vie privée de l'Alberta nourrit toujours des préoccupations quant au pouvoir du commissaire à la protection de la vie privée, conjointement avec le tribunal, si le projet de loi est adopté, de mener des enquêtes conjointes, et qu'Industrie Canada et les organes provinciaux respectifs doivent travailler ensemble pour élaborer une approche qui convient à tout le monde, si on veut qu'il soit possible de mener des enquêtes dans l'avenir?
    Ce que nous avons entendu — et nous n'avons pas entendu un autre son de cloche de la commissaire à la protection de la vie privée de l'Alberta —, c'est que son interprétation, présentement, ne correspond pas à la vôtre.
    Merci de la question. Je suis certainement prêt à reconnaître qu'il y a une multitude d'opinions et de points de vue possibles à ce sujet. Cependant, je pense qu'après avoir fait une lecture éclairée du projet de loi à l'étude, il serait très clair qu'il n'y a aucune incidence sur les partenariats ou les enquêtes conjointes.
    Le rôle prévu du tribunal est circonscrit à des activités très restreintes; concrètement, il est conçu pour veiller à l'équité procédurale et à l'objectivité du système, ce qui, comme le Comité le comprend très certainement — est une garantie constitutionnelle. Comme Mme Angus vient de le souligner, même dans le système albertain, la fonction d'enquête est distincte de la fonction d'Arbitrage. C'est donc pour cette raison qu'il est crucial de veiller, lorsque le commissaire à la protection de la vie privée, qui remplissait un rôle d'ombudsman, deviendra un agent de réglementation puissant, avec du mordant — faute d'un meilleur terme —, il doit y avoir un élément dans le système qui assure l'équité procédurale et l'impartialité.
    Dans le cas contraire, le risque est extrêmement probable que ces décisions soient annulées pour des motifs constitutionnels ou à la suite d'une contestation constitutionnelle ou en raison d'un manque d'impartialité de la part du Commissariat à la protection de la vie privée. C'est pour cette raison que l'instauration d'un tribunal constitue un mécanisme important pour renforcer et accroître les capacités du CPVP. Si nous imaginons un scénario où il n'y a aucun tribunal, il serait très probable que toutes les conclusions du Commissariat ou toute mesure prise par le Commissariat, y compris l'imposition d'une sanction administrative pécuniaire, par exemple, seraient annulées pour des motifs constitutionnels, et nous serions de retour à la case départ où l'agent de réglementation serait impuissant, n'aurait aucun mordant, et je pense que nous convenons tous que c'est la situation actuelle que nous essayons de régler.
    Merci. Je vais m'informer davantage auprès de la commissaire à la protection de la vie privée de l'Alberta. Je veux en savoir davantage quant à sa position sur le sujet, mais j'accepte vos commentaires de bonne foi.
    Pourrais‑je ajouter une dernière chose, si vous êtes d'accord?
    Oui, merci.
    Je voulais seulement souligner un article précis dans la loi, au cas où ce serait utile relativement à votre question. C'est le paragraphe proposé 119(2), qui permet au Commissariat de conclure les ententes avec les provinces.
    Merci beaucoup.
    Mme Scassa, de l'Université d'Ottawa, a témoigné en octobre au sujet de l'indépendance des membres nommés au tribunal. Je crois comprendre que six personnes seront nommées au tribunal. Est‑ce exact, ou est‑ce cinq?
    Merci beaucoup.
    Le tribunal, tel que proposé actuellement, compterait entre trois et six membres au total. Au moins trois de ces membres devront avoir de l'expérience dans le domaine du droit à l'information et à la protection des renseignements personnels.
    Les membres seraient nommés par le gouverneur en conseil, qui fixerait également leurs salaires. Le mandat maximum serait de cinq ans. Les membres pourraient être nommés à nouveau pour un mandat ou plus, d'un maximum de trois ans chacun. Les membres pourraient être nommés à temps plein ou à temps partiel.
    Le président ou la présidente superviserait la répartition et l'attribution des affaires dont le tribunal est saisi aux membres, et l'affaire pourrait aussi être entendue par les comités composés de ces membres, si on juge que cela est approprié.
(1650)
     Trois personnes devraient être considérées comme des experts en matière de protection de la vie privée, mais est-ce que les — disons peut-être trois — autres membres du tribunal feront l'objet d'une nomination par le gouverneur en conseil, ou seraient-ils nommés directement par le ministre de l'Industrie?
    Merci de la question. Tous les membres seraient nommés par le gouverneur en conseil.
    Je ne faisais que préciser qu'au moins trois membres devraient avoir de l'expérience dans les domaines du droit relatif à l'accès à l'information et à la protection de la vie privée.
    Je vais souligner aux fins du compte rendu que M. Therrien a effectivement dit que ce tribunal « entraînerait des retards », c'était plutôt un commentaire — serait « double emploi » et que cela ne s'était jamais vu par le passé à l'échelle internationale.
    Vous pouvez peut-être contester les commentaires de M. Therrien au sujet du cadre que le ministère tente d'établir dans ce projet de loi et nous dire s'il y a effectivement quelque chose de similaire à l'échelle internationale que nous, députés, pourrions examiner davantage en traitant ce dossier.
    Merci beaucoup, encore une fois, de la question.
    Je vais commencer, et peut-être demander à Mme Angus d'ajouter ses commentaires aussi.
    Je crois qu'au cours des dernières réunions, nous avons mentionné un certain nombre de pays. En fait, j'aimerais brièvement revenir sur ce que nous disions et commencer par souligner que cela dépend vraiment de la question précise que nous posons. Si nous voulons savoir si d'autres pays font une distinction entre le processus d'enquête et le processus judiciaire, la réponse est oui presque partout.
    Que vous preniez le Royaume-Uni ou l'Irlande, des exemples que nous avons donnés la dernière fois, ou l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou Singapour, presque tous les pays ont un système ou un mécanisme en place pour séparer le processus d'enquête du processus décisionnel d'autres termes, cela évite un scénario où le même bureau est à la fois juge, jury et bourreau.
    En Irlande, comme nous l'avons dit précédemment, l'organisme de réglementation de la vie privée ne peut pas imposer directement des sanctions. C'est le rôle d'un tribunal ou d'un organisme public. L'Irlande est en fait le pays qui impose les sanctions les plus importantes en application du RGPD, le Règlement général sur la protection des données de l'Union européenne. En Nouvelle-Zélande, il est possible d'imposer des dépens et des dommages-intérêts, mais il faut passer devant un tribunal des droits de la personne. Singapour sépare aussi ces deux choses. Je pourrais poursuivre encore longtemps. La France aussi a un système à deux paliers.
    C'est très habituel, pas seulement au Canada, mais aussi à l'étranger de séparer d'une façon ou d'une autre une entité qui effectue une enquête et établit des faits d'une entité qui prend la décision finale quant à une sanction, par exemple.
    Serait‑il juste de dire que les deux entités que vous venez de décrire qui ont des tâches distinctes et que l'on retrouve dans beaucoup d'autres pays forment un seul organisme, même s'il s'agit de deux entités distinctes, tandis que nous créons essentiellement deux institutions séparées? Est‑ce une bonne description?
    Dans certains scénarios, les deux entités forment le même organisme, mais on utilise des modèles de tribunaux d'experts au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Singapour, donc diverses approches sont appliquées. Encore une fois, comme nous l'avons mentionné au cours de la dernière réunion, il peut y avoir des motifs constitutionnels à cela. Tenter de seulement cibler un critère pour faire une comparaison peut être un peu délicat parce que cela ne tient pas nécessairement compte de toute la portée de la compréhension des motifs constitutionnels sur lesquels est fondé ce cadre. Par conséquent, nous avons tendance à envisager cela comme un tout et à tenter de comprendre comment cela fonctionne tout ensemble.
    Pour répondre directement à votre question aussi directement que possible, cela dépend du pays. Bon nombre d'entre eux ont séparé les deux entités. Certains d'entre eux ont regroupé en un même organisme deux entités distinctes, ou ils ont mis en place des mesures de protection au sein des organisations qui séparent le processus d'enquête du processus décisionnel.
    Présentement, il n'y a pas cette distinction dans les fonctions du commissaire à la protection de la vie privée. Selon notre analyse, il serait très difficile d'établir cela au sein du bureau du commissaire à la protection de la vie privée, tel qu'il est présentement, entre autres parce qu'il est aussi responsable de la Loi sur la protection des renseignements personnels. En d'autres termes, le commissaire à la protection de la vie privée est responsable non seulement de la LPRPDE ou de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, dans l'avenir, mais aussi de l'administration de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Superviser tout cela tout en séparant les fonctions du Commissariat à la protection de la vie privée suppose davantage de difficultés.
    Merci.
    Je vais seulement revenir sur la question des nominations. Je trouve ça tout de même inquiétant — même si ce sont des nominations faites par le gouverneur en conseil, et nous savons comment fonctionne ce genre de nomination dans notre pays — que nous n'aurions besoin que de trois experts en matière de protection de la vie privée. Cela veut dire que jusqu'à la moitié des membres du tribunal pourraient ne pas être des experts. Théoriquement, cela pourrait être monsieur ou madame tout le monde sur la rue, ou quelqu'un qui connaît bien la personne au pouvoir à un certain moment.
    Croyez-vous, ou le ministère comprend‑il que le processus de nomination par le gouverneur en conseil pourrait faire en sorte que des gens nommés n'ayant rien à faire dans un tribunal pourraient être responsables d'imposer des sanctions importantes à des sociétés mondiales?
(1655)
    Il est important de souligner que le processus de nomination par le gouverneur en conseil est rigoureux. Des mesures de protection sont en place quant à l'approche qui est appliquée et l'on reconnaît que d'autres compétences et expériences pourraient en fait aider un tribunal à prendre ses décisions. Des personnes qui ont beaucoup d'expérience dans d'autres domaines du droit ou dans les domaines de la technologie, de l'ingénierie ou du génie logiciel pourraient être utiles.
    Ce serait dans un monde idéal, et c'est là le problème. Au Parlement, nous savons comment fonctionnent les nominations par le gouverneur en conseil. Ce n'est malheureusement pas aussi rigoureux que vous le dites, mais merci.
    Finalement, si le projet de loi est adopté au cours du prochain exercice, il n'y aura pas de changement majeur au budget du commissaire à la protection de la vie privée. Comment pensez-vous que celui‑ci pourra assumer toutes les nouvelles fonctions indiquées dans ce projet de loi, sans augmentation budgétaire? L'organisme de réglementation ne serait pas aussi puissant que vous l'avez dit sans soutien financier. Pourquoi le ministère ne recommande-t-il pas d'augmenter le financement du Commissariat à la protection de la vie privée en prévision de ce projet de loi?
    Je vais souligner que Technologies de développement durable Canada, qui est soumis à un ordre d'arrêt des travaux de la part du ministre, a reçu des milliards de dollars même s'il n'est pas en activité présentement.
    Merci beaucoup de la question. Elle est très importante en ce qui concerne les ressources du Commissariat à la protection de la vie privée. En fait, le ministère et le gouvernement avaient effectivement prévu ce besoin et ils ont pris des mesures rapidement. Dans le budget de 2023, les ressources accessibles au commissaire à la protection de la vie privée ont été augmentées de façon importante. Je n'ai pas les chiffres en face de moi, mais je crois qu'il était question de plus de 20 millions de dollars sur cinq ans, et cette mesure avait certainement été prise en prévision de travail qui s'en venait.
    Quel est le budget du Commissariat à la protection de la vie privée?
    Excusez-moi, mais je n'ai pas ce chiffre sous la main, Je peux certainement vous le fournir pour que l'on en discute.
    Pouvons-nous présumer qu'il se situe entre 25 et 29 millions de dollars?
    Une voix: C'est 26 millions de dollars.
    M. Brad Vis: Est‑ce une augmentation de 26 à 30 millions de dollars en cinq ans, ou augmente‑t‑il de 26 millions de dollars à 30 millions de dollars, puis à 34 millions de dollars au cours de l'année suivante?
    Je serais ravi de communiquer au Comité une réponse par écrit qui indique exactement comment sont versés les fonds destinés à ce poste.
    Je vais vous souligner que, lorsqu'il a comparu devant notre comité, le commissaire à la protection de la vie privée a demandé que l'on double son budget, donc il ne serait pas d'accord avec le ministère, qui dit qu'il a, en fait, reçu les ressources qu'il avait demandées.
    Merci. C'est tout pour maintenant, monsieur le président.

[Français]

     Merci beaucoup, messieurs.
    Monsieur Masse, vous avez maintenant la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je comprends ce qui est dit au sujet du tribunal, mais je ne crois vraiment pas que la terre s'ouvrira et nous avalera tous si nous ne créons pas de tribunal.
    Des députés: Ha, ha!
    M. Brian Masse: J'en ai parlé avec le ministre dès le début du projet de loi. Je comprends qu'il y a une logique à appliquer au moment de créer ce tribunal. Après tout, ce n'est pas quelque chose qu'il ne vaut pas la peine d'envisager.
    Avons-nous même une estimation budgétaire pour la dotation du tribunal?
    Par souci de clarté, le tribunal sera soutenu par le Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs, lequel appuie déjà une dizaine d'autres tribunaux. Ce n'est pas une question de créer un tribunal à partir de rien. Il sera évidemment soutenu par un organisme qui existe déjà et qui offre déjà des services à un certain nombre de tribunaux administratifs.
    Disons que cela englobe un groupe de tribunaux différents. J'imagine que je ne connais pas beaucoup cela. Je suis un néo-démocrate, et notre nomination ne vient pas du gouverneur en conseil. C'est seulement la réalité de la façon dont nous fonctionnons.
    Je crois cependant que ce que je comprends maintenant est important parce que j'ai écouté très attentivement et je veux être ouvert d'esprit pour que d'autres membres du Comité comprennent où nous allons avec cela. J'ai toujours été ouvert à l'idée d'envisager le tribunal, et on ne m'a pas présenté un dossier qui m'a convaincu. Je sais que ce tribunal présente des avantages. Je n'en doute pas, mais je crois tout de même... Je pense que, s'il manque des ressources, celles‑ci devraient être attribuées au commissaire à la protection de la vie privée, parce que je préfère concevoir un modèle dans lequel le commissaire à la protection de la vie privée est la première personne concernée à cet égard et, ensuite, il faut passer par un processus judiciaire.
    J'ai même entendu précédemment dans des témoignages qui nous ont été présentés que, peu importe ce qui arrivera, nous pouvons toujours aboutir devant les tribunaux — peu importe ce qui arrive. Personnellement, ce que j'essaie de comprendre c'est... Les gens peuvent entamer des poursuites, donc je ne conviens pas que... mais de toute façon, je vais laisser mon ami expliquer cela plus tard.
    Peu importe où nous en sommes, ce que je recherche, c'est un modèle et c'est pourquoi j'appuierai l'amendement visant à laisser tomber le tribunal qui est mentionné dans ce projet de loi et à en créer un où le commissaire à la protection de la vie privée sera le premier à pouvoir prendre des mesures, à enquêter et ainsi de suite. Puis, s'il y a une affaire malgré tout, une affaire que quelqu'un veut présenter devant les tribunaux, c'est possible de le faire. Je ne crois pas que présentement, le tribunal est une bonne décision en ce qui concerne ce projet de loi.
    Je veux juste que ce soit clair pour les députés, parce que je vais présenter un sous-amendement pour modifier cette partie du projet de loi que nous étudions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
(1700)
    Merci, monsieur Masse.
    C'est maintenant au tour de M. Turnbull, puis ce sera au tour de M. Van Bynen et de M. Badawey.
    Monsieur Turnbull, allez‑y.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins dévoués d'être ici encore une fois pour un autre excellent débat. Merci de tous vos témoignages, qui, selon moi, animent nos débats et nous donnent certainement un bon point de vue sur les divers sujets qui nous occupent.
    Je sais que, techniquement, nous débattons présentement du sous-amendement présenté par M. Perkins qui concerne un amendement qu'avait d'abord présenté par M. Williams. Je pense que l'amendement de M. Williams visait à retirer toute mention du tribunal du projet de loi, et je crois que le sous-amendement de M. Perkins visait presque à rétablir dans le projet de loi le droit d'action privé. Cependant, dans ce cas, je pense que l'on parle d'en retirer une partie, ce qui n'était peut-être pas intentionnel, si je ne me trompe pas.
    Monsieur le président, pourriez-vous seulement faire le point sur là où nous en sommes, parce que je ne veux pas me perdre. Il semble que la majeure partie de notre débat concerne l'amendement original et pas nécessairement le sous-amendement. J'aimerais que l'on continue de se concentrer sur un enjeu à la fois, même si je comprends que le débat plus large concerne le tribunal en général.
    Pourriez-vous seulement préciser cela pour moi, monsieur le président?
    Oui, monsieur Turnbull, vous avez tout à fait raison: nous en sommes là.
    Je crois que la dernière fois, nous avons parlé du fait que cela créait une bifurcation, que ce que proposait M. Perkins donnait essentiellement deux options aux gens.
    On pourrait soit passer par le CPVP qui, je crois, avait été envisagé au départ comme étant l'entité principale chargée de l'interprétation de cette loi, puis cela offrirait une autre option qui permettrait essentiellement à quelqu'un d'accéder au système judiciaire. J'entends l'argument selon lequel, oui, certaines affaires pourraient tout de même aboutir devant les tribunaux. Je comprends cela, mais je pense que d'avoir le CPVP et le tribunal permettrait peut-être de faciliter le processus et de faire en sorte qu'il y ait moins d'affaires devant les tribunaux.
    En fait, ce que j'essaie de dire, c'est que je pense qu'il y a des points importants qui ont été soulevés pour montrer que la justice naturelle est très importante en ce qui concerne la façon dont ce projet de loi a été rédigé. Je pense que cet ensemble de principes semble être au cœur du débat que nous avons à ces deux égards. La question est soulevée dans le cadre du sous-amendement, mais aussi de l'amendement.
    J'aimerais peut-être donner un peu plus de temps à M. Chhabra pour qu'il puisse parler plus en détail de... Encore une fois, ce que je comprends de la justice naturelle, c'est qu'elle est censée maintenir la confiance du public envers le système judiciaire, et qu'il s'agit d'un ensemble de principes qui sont censés éliminer le plus possible les préjugés et donner le droit à une audience équitable. Cependant, il aimerait peut-être souligner autre chose à ce sujet.
    Pouvez-vous parler de cela? La question s'adresse à vous deux, si jamais vous voulez dire quelque chose qui pourrait être utile à ce sujet, madame Angus.
    Merci.
(1705)
    Je vais peut-être commencer, et Mme Angus pourra ajouter des choses si elle le désire.
    Je crois que le point que vous avez soulevé est très important, et c'est quelque chose que nous avons tenté d'expliquer au Comité au cours des dernières réunions.
    Toute institution de cette nature, qu'elle soit au Canada ou dans des pays démocratiques comparables à l'étranger, comporterait forcément des mesures de protection procédurale; elle serait impartiale et garantirait que, surtout au Canada, les exigences constitutionnelles relatives à une audience équitable et impartiale soient respectées. Dans le cas de l'amendement CPC‑9, qui vise à éliminer complètement le tribunal, vous vous retrouvez avec un scénario dans lequel le Commissariat à la protection de la vie privée ordonnerait d'abord par ordre de priorité les enquêtes, les affaires sur lesquelles il faut enquêter, puis effectuerait l'enquête, prendrait les décisions en fonction de cette enquête et, dans ce cas, imposerait des sanctions monétaires administratives importantes comme il est prévu au titre de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs.
    Selon nous, cette approche pourrait exposer les conclusions et les décisions du CPVP à des contestations constitutionnelles devant un tribunal. Comme nous l'avons souligné précédemment, une poursuite judiciaire coûte plus cher, prend plus de temps et serait une procédure de novo où l'on ne ferait pas preuve de déférence à l'égard des conclusions du commissaire.
    De plus, le risque que la contestation constitutionnelle entraîne le rejet de l'affaire est assez important. Si c'était le cas, vous seriez essentiellement de retour à la case départ, où nous en sommes aujourd'hui, où vous avez des organismes réglementaires impuissants qui ne peuvent pas gouverner efficacement et orienter quelque peu les activités des entreprises sur le marché.
    J'aimerais juste ajouter quelque chose, et c'est ce que les tribunaux eux-mêmes ont dit au sujet des tribunaux administratifs. Mon collègue a expliqué que le processus visant à se présenter devant les tribunaux peut être onéreux et long, et je veux seulement dire que la Cour suprême du Canada l'a aussi reconnu. Dans l'arrêt Vavilov, qui est en quelque sorte le précédent fondamental lorsqu'il est question de droit administratif, la Cour suprême a elle-même dit que:
les mécanismes administratifs de règlement des différends qu'ils appliquent sont généralement « conçus de manière à être moins lourds, moins coûteux, moins formels et moins longs » que leur pendant judiciaire, mais « tout aussi efficaces et crédibles ».
    C'est la Cour suprême elle-même qui a reconnu que les tribunaux administratifs permettent d'accéder à la justice beaucoup plus rapidement et que le processus était beaucoup moins coûteux que si l'on devait s'adresser à elle, donc je pense que c'est un point important à souligner.
    Encore une fois, c'est ce qu'a dit la Cour suprême du Canada. Vous penseriez que ses propos auraient un certain poids dans notre débat si la Cour suprême du Canada elle-même reconnaît la valeur des mécanismes liés aux différends administratifs comme le tribunal et que cela améliore en fait... Est‑ce que le tribunal ne fait vraiment qu'améliorer l'accès à la justice dans une certaine mesure? Est‑ce que je m'avance trop ou est‑ce que je présume des choses? Est‑ce que c'est un peu ce que nous disons? Que cela améliore l'application régulière de la loi, que cela aide à éliminer ou à maintenir l'impartialité ou à éliminer la partialité...?
    Pouvez-vous peut-être nous parler de cela? Si je comprends bien, votre argument concerne cet aspect. Cela fait partie du désaccord et du débat que nous avons. Certaines personnes disent que ce tribunal ajoutera de la bureaucratie et retardera les choses, et je pense que c'est le contraire de ce que nous dit votre témoignage d'experts, soit que ce ne sera pas le cas. Ce sera moins compliqué, moins coûteux et nous pourrons obtenir un règlement plus rapidement.
    Pouvez-vous nous dire si cela améliore l'application régulière de la loi et élimine la partialité?
(1710)
    Il y a quelques éléments dans votre question qu'il vaut la peine d'expliquer.
    Je pense que tout d'abord, il faut comprendre que l'on ferait appel au tribunal ou qu'il participerait seulement dans des affaires où une personne impliquée dans la procédure a interjeté appel, et que ce tribunal est conçu pour offrir cette équité procédurale et ce mécanisme de recours de façon plus efficace que si l'on se retrouvait devant les tribunaux. Il fait les deux. Il offre l'équité procédurale et le fait d'une façon qui est plus accessible, moins coûteuse et certainement plus rapide.
    Lorsque vous reconnaissez surtout que le tribunal pourrait prendre des décisions finales qui pourraient ne faire l'objet que d'un contrôle judiciaire, plutôt que d'un appel, et si vous comparez cela à une affaire fictive qui se rend devant les tribunaux, vous réalisez que les tribunaux, la Cour d'appel et la Cour suprême seraient toutes des entités qui pourraient tenir une audience en appel, et l'affaire, comme nous le savons, prendrait des années à se régler.
    C'est pourquoi, au fur et à mesure de la procédure, nous nous sommes efforcés de souligner que, en fait, créer le tribunal donne plus de pouvoir, d'autorité et de latitude au CPVP, ainsi que plus de crédibilité, en plus de réduire de toute évidence, ou du moins d'atténuer le risque que la conclusion du commissaire à la protection de la vie privée soit annulée en raison d'un manque d'impartialité dans le processus.
    Cela ne concerne pas une quelconque forme d'accusation de partialité de la part d'un agent ou d'un titulaire d'une fonction, quel qu'il soit. C'est vraiment une question de respecter la Constitution et de comprendre qu'il faut s'assurer d'être impartial, que l'impartialité doit être inscrite dans la structure et que la procédure et le processus doivent être fondés sur cette impartialité si on veut les mettre à l'épreuve devant les tribunaux et qu'ils soient viables dans cet environnement.
    Le commissaire d'aujourd'hui, comme nous l'avons souligné précédemment, joue un rôle d'ombudsman, de formateur, de défenseur des droits et de mobilisateur. Ce sont tous les éléments importants qui lui confèrent ses compétences et qui lui permettent de faire son travail et de remplir son rôle.
    Il est important de reconnaître que c'est tout un défi de tenter de transformer cela en quelque chose qui est beaucoup plus accusatoire. Comme nous l'avons souligné plus tôt, cela pourrait représenter tout un défi si l'on tentait de modifier la structure du bureau et de mettre en place des mesures de protection au sein de l'organisation vu que le commissaire à la protection de la vie privée est aussi responsable de faire appliquer la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cela pourrait aussi compliquer sa tâche d'échanger avec les entreprises et les Canadiens dans le but de les défendre, de les appuyer et de faire office d'ombudsman, comme il doit le faire.
    Utiliser le tribunal comme mécanisme pour entendre des appels et prendre des décisions finales au sujet des sanctions administratives pécuniaires permet au commissaire de continuer de jouer les rôles importants qui lui incombent aujourd'hui. Cela ajoute aussi beaucoup de pouvoirs d'exécution, comme nous l'avons dit plus tôt, y compris les pouvoirs de rendre des ordonnances, ce qui est très important.
    Il est aussi essentiel de faire remarquer que les amendements du gouvernement qui ont été déposés devant notre comité permettraient aussi au commissaire de conclure des accords de conformité, ce qui ferait en sorte qu'il ne serait même pas nécessaire de se présenter devant le tribunal. Si les parties étaient à ce point disposées à conclure cet accord de conformité, le commissaire pourrait s'occuper non seulement des amendes, mais aussi des dommages-intérêts, ce qui, dans les faits, ferait en sorte que quelqu'un n'aurait pas à se prévaloir du droit privé d'action ou à entamer une poursuite distincte au civil, parce que, en fait, tout pourrait se faire grâce à l'accord de conformité lui-même.
    Nous avons envisagé attentivement différentes façons pour créer un système qui est robuste, efficace, efficient et qui respecte les normes requises pour que les décisions soient maintenues par un tribunal.
    Voulez-vous ajouter quelque chose?
    J'ajouterais à ce qu'a dit mon collègue que le CPVP, en plus de pouvoir rendre des ordonnances, peut prendre part à d'autres mécanismes de résolution de différends, y compris la médiation et la conciliation. C'est une autre option qu'il peut utiliser qui élimine le besoin des parties de se rendre devant un tribunal. Le CPVP a une foule de pouvoirs à sa disposition pour régler les différends avant même de devoir se rendre à l'étape de l'enquête. En fait, c'est ce qu'il fait. En effet, le CPVP règle environ 70 % des plaintes grâce à d'autres mécanismes de résolution de différends.
(1715)
    Merci de cette précision. Cela a été très utile. J'ai même compris une ou deux choses qui étaient loin d'être claires pour moi avant la réunion, donc merci de votre témoignage.
    Ce qui me préoccupe ici, c'est le commentaire que vous avez fait au sujet de ce qui est proposé dans le sous-amendement. Si l'amendement devait être adopté et que l'on éliminait complètement le tribunal, cela expose essentiellement toutes les décisions du CPVP à des contestations constitutionnelles. Je pense que cela pourrait vraiment miner la confiance du public envers les décisions et les conclusions du CPVP.
    Est‑ce que ce n'est pas ce qui arriverait au fil du temps, si cela devenait quelque chose d'assez habituel? Selon moi, il serait très difficile de maintenir un CPVP avec les pouvoirs qui sont envisagés dans ce projet de loi. N'est‑ce pas le cas?
    Merci beaucoup de la question.
    Je pense que les répercussions peuvent en fait aller plus loin que cela. S'il y a une contestation en vertu de la Charte ou de la Constitution, le système d'exécution de la loi — tel qu'il est envisagé dans l'amendement CPC‑9 — ne respecte pas les principes de justice naturelle et ne garantit pas la perception d'une audience libre et indépendante. Le tribunal peut rendre certaines facettes de l'exécution de la loi inapplicables. Cela pourrait vouloir dire que beaucoup de nouveaux pouvoirs qui ont été accordés au CPVP grâce à la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs pourraient être sans effet, ce qui nous ramène donc essentiellement à la situation actuelle, soit à un CPVP qui joue un rôle d'ombudsman, mais qui n'a pas beaucoup de pouvoirs d'exécution de la loi. Il devient un organisme réglementaire impuissant, comme l'a dit mon collègue.
    Le commentaire le plus important que nous avons entendu de la part des parties intéressées depuis 2018, depuis que nous tenons des consultations à cet égard, c'est: ce dont nous avons besoin, c'est un CPVP qui a plus de pouvoirs d'exécution de la loi. C'est ce que nous avons fait grâce à la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs. Bien entendu, s'il y a plus de pouvoirs, il doit y avoir un mécanisme de supervision accessible assorti d'une garantie constitutionnelle de respecter les principes de justice naturelle.
    La version actuelle de la loi tente de composer avec toutes ces différentes considérations d'une façon qui soit accessible, flexible et qui améliore la situation de tous les Canadiens.
    Merci de votre commentaire. Cela a du sens selon moi.
    Il semble qu'éliminer le tribunal rend le processus d'appel plus coûteux, plus long et peut-être moins efficace, mais en plus, il expose aussi les décisions à des contestations constitutionnelles, ce qui pourrait rendre le CPVP impuissant. Cela semble être des conséquences involontaires assez importantes qui découlent du simple fait de dire: « Eh bien, nous n'aimons pas le tribunal, il semble trop bureaucratique ou quelque chose du genre. » C'est très difficile parce que, présentement, je pense que votre témoignage a fourni d'excellentes preuves détaillées du fait que ce tribunal est vraiment nécessaire. Cependant, je n'ai pas l'impression que mes collègues de l'autre côté sont vraiment convaincus par les très bons arguments détaillés.
    Ce qui a été soulevé dans d'autres aspects ou d'autres parties de cette conversation, ce sont les enquêtes mixtes conjointes ou les collaborations intergouvernementales, disons, entre le CPVP fédéral et les provinces ou les territoires. M. Chhabra a mentionné le paragraphe 119(2) qui a été proposé, je pense, au sujet des accords avec les provinces et les territoires.
    Pourriez-vous parler de cela un peu plus et nous confirmer que certaines parties du projet de loi permettent et envisagent la possibilité de recourir à des efforts conjoints et qu'elles encouragent même peut-être cela quand c'est nécessaire?
(1720)
    Le paragraphe 119(2) qui est proposé permet au CPVP de conclure des accords ou des ententes avec les provinces pour faire un certain nombre de choses. Ils peuvent collaborer à des recherches et à l'orientation, mais fait plus important encore, ils peuvent coordonner leurs activités en vue de prévoir des mécanismes pour instruire les plaintes dans lesquelles ils ont un intérêt mutuel. C'est la partie qui autorise les enquêtes conjointes et qui leur permet de collaborer aux enquêtes de manière importante.
    Soit dit en passant, ils le font déjà. C'est donc le prolongement de ce que le Commissariat est déjà en mesure de faire, et cela ne changerait pas en vertu de la LPVPC.
    Merci, c'est très utile. Je pense que cela pourrait rassurer les gens qui sont peut-être sceptiques quant à la capacité du Commissariat de collaborer efficacement à des enquêtes conjointes ou à d'autres activités qui relèvent de sa compétence.
    L'autre chose qui me frappe, c'est qu'il est difficile de comparer la durée d'un processus d'appel dans le système judiciaire avec le coût beaucoup plus élevé qu'il peut supposer et ceux d'un processus devant un tribunal administratif. Je ne me rappelle pas combien de fois M. Williams a dit dans sa déclaration liminaire initiale justice différée, justice refusée. Je pensais tout le temps — et je pense encore, en ce moment même — au fait que nous entendons très clairement que le tribunal ne va pas retarder la justice. Ce qui retardera la justice, c'est l'absence de tribunal, car le tribunal va accélérer le processus et réduire les délais.
    Mais comment le savons-nous? C'est ce que j'aimerais savoir. Avons-nous des données probantes et des documents à ce sujet qui pourraient être présentés au Comité?
    Je sais qu'il serait difficile de faire une comparaison parce qu'on n'utiliserait pas les deux options. Toutefois, il y aurait peut-être une façon de le montrer aux gens qui sont sceptiques à ce sujet et de les rassurer, car nous avons entendu de nombreux arguments selon lesquels les députés d'en face pensent que cela retardera la justice, que ce sera synonyme de davantage de bureaucratie et que cela va ajouter une couche inutile.
    Je pense qu'il serait très utile d'avoir des données probantes et supplémentaires à ce sujet. Pouvez-vous fournir quelque chose pour étayer davantage le fait que le tribunal améliorera l'efficacité, accélérera le processus et le rendra moins coûteux?
    Bien sûr. Je répondrai volontiers. Merci de la question.
    Nous comprenons qu'à l'heure actuelle, il faut en moyenne deux ans pour qu'une affaire parvienne au tout premier tribunal, soit la Cour fédérale. Comme de nombreux membres du Comité le savent sans doute, cela peut prendre de nombreuses années avant d'accomplir les démarches de suivi auprès de la Cour d'appel fédérale et ensuite de s'adresser à la Cour suprême.
    Je vais prendre un moment pour faire une petite comparaison avec le Tribunal de la concurrence, car la question a été soulevée devant le Comité ces derniers jours: on a demandé de comparer la rapidité ou l'efficacité d'un tribunal par rapport à un autre.
    Encore une fois, même s'il s'agissait de tribunaux administratifs dans les deux cas, le commissaire à la concurrence et le Bureau de la concurrence ont des approches et des pouvoirs très différents de ceux envisagés ici en vertu de la LPVPC. Le Bureau de la concurrence n'a pas le pouvoir de rendre des ordonnances ou d'imposer des sanctions administratives pécuniaires, tandis que le CPVP, en vertu de la LPVPC, aurait le pouvoir de rendre des ordonnances sans recourir au tribunal et le pouvoir de recommander des sanctions administratives pécuniaires.
    Le Tribunal de la concurrence rend des décisions en « première instance » et impose ces ordonnances sous forme de SAP. En revanche, le tribunal de la protection des renseignements personnels et des données entendrait les appels interjetés contre les conclusions et les ordonnances et décisions de conformité du Commissariat. C'est une approche très différente. Le Tribunal de la concurrence ne fait preuve d'aucune déférence envers le Bureau de la concurrence, alors que le tribunal, dans le cas présent, doit appliquer une norme de déférence.
    Bien que certains membres du Comité aient soulevé des préoccupations quant à l'efficacité ou aux approches par rapport à d'autres tribunaux existants, je voulais simplement souligner que cette structure a une approche très différente.
    Mme Angus va ajouter quelque chose à ce sujet.
(1725)
    Je voulais simplement ajouter peut-être un peu plus de contexte.
     Le Tribunal de la sécurité sociale est soutenu par le Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs, qui, nous l'avons envisagé, soutiendrait également le tribunal prévu dans le projet de loi C‑27. Encore une fois, par rapport au délai de deux ans auquel le Commissariat fait face actuellement, le Tribunal de la sécurité sociale a instruit des affaires en 2021 et 2022, par exemple, en 43 jours.
    Il existe une différence très importante entre le temps qu'il faut à un tribunal spécialisé pour instruire une affaire et celui qu'il faut aux tribunaux. Comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est quelque chose que les tribunaux eux-mêmes ont reconnu.
    Si je comprends bien, tous les tribunaux ne sont pas créés égaux dans le sens où ils sont différents et que certains d'entre eux peuvent agir plus rapidement que d'autres. Quelles garanties pouvons-nous avoir que le tribunal envisagé dans ce projet de loi particulier serait plus rapide que le processus d'appel de deux ans devant la Cour fédérale? Évidemment, si les affaires allaient au‑delà de ce délai, ce qui ne serait pas nécessairement le cas, cela prendrait encore de nombreuses années. Existe‑t‑il une estimation des délais?
    J'imagine que c'est probablement difficile à dire, à ce stade, car ce tribunal n'existe pas. Il faudrait le laisser fonctionner pendant un certain temps pour avoir probablement une idée du temps qu'il faudrait afin que les choses soient soumises au tribunal. Avons-nous un moyen de savoir si le tribunal envisagé prendrait beaucoup moins de temps que deux ans en moyenne pour traiter une affaire?
    Je pense que Mme Angus a probablement fourni la meilleure façon d'estimer le fonctionnement du tribunal: il s'agit d'examiner la rapidité avec laquelle d'autres tribunaux sont capables de traiter des affaires. Il faut envisager un groupe déterminé de ressources possédant une expertise sur ces questions, qui peuvent être affectées rapidement à des affaires. Bien sûr, cela dépend du nombre d'affaires portées devant le tribunal et de la mesure dans laquelle le commissaire à la protection de la vie privée peut agir, compte tenu des nouveaux pouvoirs accordés. Il est très difficile d'estimer quelle serait la charge de travail globale.
    L'approche adoptée ici vise à garantir des gains d'efficience de deux manières au moins. La première consiste à disposer d'un groupe d'experts déterminés qui acquerront leur expertise au fil du temps dans le traitement de ces affaires afin de pouvoir les régler beaucoup plus rapidement et efficacement. L'autre consiste à éviter des niveaux d'appel ultérieurs, ce qui est une différence très importante. Étant donné que leurs décisions ne peuvent faire l'objet que d'un contrôle judiciaire, cela élimine potentiellement de nombreuses années d'un processus de suivi. Ainsi, je pense que cette approche est beaucoup plus robuste, mais efficace.
    Merci. Je comprends.
    Cela ressemble davantage au Tribunal de la sécurité sociale dont vous parliez. Il est certain que ces procédures de suivi dans le système judiciaire s'étendraient sur une période très longue. Je comprends cela, car le seul recours après que le tribunal entendra un appel serait un contrôle judiciaire, ce qui est très différent de l'autre option, comme nous en parlions, par l'entremise du système judiciaire. C'est intéressant.
    Je pense que vous laissiez entendre — et je voudrais juste que vous poursuiviez un peu plus sur ce point — que les nouveaux pouvoirs du Commissariat, qui incluent la capacité d'imposer les sanctions pécuniaires proposées dans le projet de loi, sont vraiment importants, car ils incluent le pouvoir de conclure des accords de conformité, entre autres. Des pouvoirs importants seront conférés au Commissariat, comme le prévoit le projet de loi. C'est peut-être une raison de plus pour créer un tribunal, compte tenu des principes de justice naturelle selon lesquels le fait de confier cette fonction d'enquête et judiciaire ou quasi judiciaire à un seul titulaire d'une charge ou à une seule personne, le commissaire, serait peut-être perçu comme une trop grande concentration de pouvoir, sans freins ni contrepoids à ce pouvoir.
    C'est ce que je comprends de vos propos. Je l'exprime dans mes propres mots, mais voudriez-vous peut-être simplement préciser si c'est réellement ce que vous vouliez dire ou si j'interprète mal? Je pense que c'est ce que je vous ai entendu dire, soit que les nouveaux pouvoirs conférés au Commissariat, qui vont au‑delà de ceux dont disposent peut-être d'autres commissaires— avec l'importance des sanctions, et ainsi de suite — justifient que le système inclue des freins et des contrepoids pour veiller à préserver la justice naturelle.
(1730)
    Merci. Je pense que cela résume très précisément le témoignage que nous avons présenté.
    C'est tout pour moi.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Turnbull.
    C'est maintenant au tour de M. Van Bynen.
    Merci, monsieur le président.
    Je ne suis pas avocat, j'ai donc probablement besoin de clarifier certaines choses. C'est probablement une bonne chose. J'ai eu quelques expériences avec les tribunaux, particulièrement au cours de mes 12 années en tant que maire. En fait, je suis d'avis que ces tribunaux ont pour but d'accélérer les choses. Ils nous permettent d'acquérir une expertise, comme on l'a entendu à maintes reprises. Je les ai vus travailler efficacement, en particulier dans la province de l'Ontario. Je suis préoccupé par les règles du jeu inégales auxquelles nous faisons face en l'absence d'un tribunal.
    Dans le cas d'une question soumise au commissaire à la protection de la vie privée, combien cela coûterait‑il? À mon avis, une atteinte à la vie privée concernera probablement les géants des grandes plateformes plutôt qu'un simple particulier. D'emblée, je constate que les règles du jeu sont inégales pour ce qui est des ressources et de l'argent. Selon vous, quelles sont les premières étapes? Ce que j'ai vu avec le conseil municipal, c'est que, si les résidants avaient un problème, ils pouvaient se présenter au conseil municipal sans avoir à engager un avocat et ils pouvaient être entendus. D'abord, le conseiller entendait ce qu'ils avaient à dire, puis le conseil municipal entendait quels étaient leurs problèmes.
    Commençons par la première étape. Si quelqu'un a un problème avec Meta, que fait‑il et combien cela va‑t‑il lui coûter environ?
    Merci beaucoup de la question.
    Si quelqu'un a un problème avec Meta, la première chose qu'il peut faire est d'envoyer une plainte au Commissariat à la protection de la vie privée. Cela ne coûte rien. Vous pouvez le faire en ligne.
    Le commissaire à la protection de la vie privée peut examiner cette plainte et rechercher un règlement au moyen de mécanismes alternatifs de règlement des différends, comme la conciliation ou la médiation. Soyons clairs: ce sont des mécanismes très souples qui permettent aux parties de s'entendre sur un règlement pouvant inclure des dommages-intérêts, par exemple. La plainte peut être réglée sur place. En fait, le Commissariat règle 70 % des plaintes qu'il reçoit à un stade très précoce du processus.
    Si cela n'est pas possible, le commissaire à la protection de la vie privée peut entreprendre une enquête et il dispose de pouvoirs très étendus à cet égard. Il peut demander des documents et parler à des témoins — il possède tous les pouvoirs d'enquête dont il a besoin pour régler la plainte.
    Il peut alors aller de l'avant, car nous avons donné au commissaire à la protection de la vie privée des pouvoirs supplémentaires dans la LPVPC. S'il veut aller de l'avant, il peut alors ouvrir une enquête. L'enquête permet au Commissariat de fournir une sorte de garantie procédurale aux parties. Il devra écouter toutes les parties concernées, mais il pourrait mener ces audiences à huis clos. Ce n'est pas comme une cour. Ce n'est pas comme un tribunal. Puis, au terme de l'enquête, il tire une conclusion selon laquelle il y a eu ou non contravention à la loi. En plus de cette conclusion, il pourrait émettre une ordonnance de conformité demandant à Meta, dans ce cas‑ci — ou à toute autre entreprise — de faire ou de ne pas faire quelque chose, dans le but de trouver une solution. Ce n'est que si cette entreprise décide de ne pas...
    En fait, avant d'en arriver là, il y a aussi une autre possibilité pour le Commissariat, soit celle de conclure un accord de conformité. Il s'agit d'un accord volontaire. L'entreprise devrait accepter de conclure cet accord. Des amendements gouvernementaux permettent que la contrepartie financière fasse également partie de cet accord. Cela pourrait remplacer les SAP, mais pourrait également couvrir les dommages-intérêts. C'est une autre piste de solution.
    Toutefois, si cette solution échoue et que l'entreprise ne veut pas se plier à l'ordonnance de conformité ou apporter des changements en fonction des conclusions du Commissariat, elle peut faire appel de ces conclusions auprès d'un tribunal. C'est vraiment un appel. Le Commissariat, en premier lieu, a le pouvoir de demander à l'entreprise de faire ou de ne pas faire quelque chose. Ce n'est que si l'entreprise ne souscrit pas à ce qui lui est demandé qu'elle dispose d'un mécanisme pour contester ces conclusions. C'est le rôle que joue le tribunal. Le Commissariat peut également recommander des SAP dans ce cas, selon les conclusions. C'est le tribunal qui fixera ces sanctions administratives pécuniaires. Généralement, dans la plupart des cas, cela s'arrête là, car la décision d'un tribunal est définitive. Le tribunal a tous les pouvoirs d'une cour supérieure.
    Ce n'est que s'il y a des allégations portant que le tribunal n'a pas agi dans le cadre de son mandat que vous pourrez demander un contrôle judiciaire auprès d'un tribunal, ce qui, dans la plupart des cas, n'arrivera pas, puisque le tribunal bénéficiera du soutien, comme je l'ai déjà dit, du Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs. Il s'agit d'une organisation qui aide les tribunaux à réaliser leur mandat et qui veille à l'application de certaines des garanties d'indépendance et de procédure dont nous avons parlé. C'est vraiment un système fermé.
(1735)
    En fait, les contrôles judiciaires ne seront nécessaires que dans des cas très exceptionnels, par exemple lorsqu'une entreprise estime que le tribunal a dépassé les attributions que la loi lui conférait.
    Prenons un groupe de gens, ceux de Cambridge Analytica, par exemple, des personnes qui n'ont pas suffisamment de ressources et qui n'ont pas les ressources financières nécessaires pour contester les actions d'un groupe plus important. Dans ce processus, qu'aurait à payer la personne qui s'estime lésée?
(1740)
    Ni le commissaire à la vie privée, ni le tribunal n'ont établi de règle de procédure officielle, alors ce sera plus facile et plus accessible. À moins de vouloir engager un avocat, vous n'aurez rien à payer pendant le processus.
    Une partie de la discussion, aujourd'hui, consiste à dire: « il ne faut pas prévoir un tel tribunal. » Quand le commissaire à la vie privée mène une enquête et qu'il détermine une amende ou des frais et que Meta n'est pas d'accord, que se passera‑t‑il si nous n'avons pas de tribunal?
    Merci de poser la question.
    Je crois que vous soulevez un point intéressant, et c'est d'ailleurs un aspect que nous avons étudié, quand nous faisions nos propres analyses. Selon notre évaluation, dans un tel scénario, l'affaire serait d'abord déférée à la Cour fédérale, ensuite à la Cour d'appel et, peut-être, ensuite à la Cour suprême; tout dépendant des faits de l'affaire.
     Chaque instance examinerait l'affaire de novo, ce qui ralentit le processus. Ce que cela veut dire, c'est qu'une personne qui s'estime lésée ou qui croit qu'il y a eu infraction à la loi pourrait devoir attendre des années avant de voir l'affaire réglée.
    Vous ne cessez d'utiliser l'expression de novo. Il y a trois instances. C'est bien cela? Vous avez dit que chaque affaire sera traitée comme une affaire de novo. Pourriez-vous m'expliquer ce que cela veut dire?
    Une affaire renvoyée par le commissaire à la vie privée à la Cour fédérale est examinée de novo, comme c'est le cas présentement.
    Ce que nous voulons dire par de novo, c'est que, puisque, à l'heure actuelle, le commissaire à la vie privée n'a aucun pouvoir décisionnel — le projet de loi C‑27 envisage de lui donner un tel pouvoir —, la cour n'a pas à faire preuve de déférence à l'égard du commissaire à la vie privée et à ses conclusions. Cela se passe comme dans toutes les autres affaires, quand une entreprise ou un particulier est poursuivi en justice.
    Aucune déférence n'est prévue. Mais cela pourrait changer selon les changements proposés dans le projet de loi C‑27, puisque le tribunal devrait faire preuve de déférence à l'égard du commissaire pour toutes les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit. Voilà ce que veut dire l'expression de novo. Concrètement, la cour substitue sa propre analyse à celle du commissaire à la vie privée.
    Vous avez utilisé le mot « déférence ». Qu'est‑ce qu'il veut dire?
    Par « déférence », on entend la norme de contrôle. La déférence se rapporte à la mesure dans laquelle vous vous appuyez sur les conclusions du commissaire.
    Selon ce que propose le paragraphe 103(2) de la LPVPC, quand il s'agit de questions de fait et de questions mixtes de fait et de droit, le tribunal doit tenir compte de ce que le commissaire a dit à ces sujets, sauf s'il a une raison impérieuse de ne pas le faire. Dans la plupart des cas, cela veut dire que, si le commissaire énonce une conclusion de fait qui est définitive, cette conclusion sera très difficile à annuler, contrairement à ce qui se passe dans une procédure devant un tribunal.
    J'aimerais dire une autre chose au sujet de la déférence, je crois que c'est important. Dans le cas où le commissaire à la vie privée participe à une audience de novo devant un tribunal, le temps, les ressources et les efforts requis de sa part, pour contester une seule affaire, sont vraiment formidables.
    Nous pensons que, avec le temps, tout cela va priver le commissaire des ressources dont il a besoin pour mener de nouvelles enquêtes, accomplir de nouvelles tâches, remplir ses fonctions de défense des droits et des intérêts, parce qu'il devra consacrer ces ressources à des procédures judiciaires. Certaines affaires s'étendent sur plusieurs années, selon le nombre d'instances.
    Et cela va non seulement ralentir l'accès à la justice pour les premiers plaignants, en plus de ralentir tout le système en engorgeant les tribunaux, mais cela va aussi accaparer énormément le temps du commissaire. Cela veut dire qu'il y aura moins de ressources à consacrer aux enquêtes et à l'étude des enjeux qui se présentent sur le marché.
    Je comprends mieux le processus, maintenant, grâce à vos explications.
     Toutefois, la question de l'équité me préoccupe. Nous avons parlé de la déférence et des audiences de novo. Dans un nouvel examen ou une audience de novo, quand vous vous présentez devant les tribunaux, est‑ce que cela veut dire que tous les enjeux, principes et faits peuvent être contestés et qu'il faut les revoir du début à la fin? Est‑ce que monsieur Untel, le plaignant, est désavantagé, puisqu'il doit reprendre du début tout cet examen, toute l'étude de l'infraction en question?
(1745)
    C'est exactement cela.
    D'accord; donc, l'équité n'est pas au rendez-vous puisque, en matière de ressources, les parties ne sont pas sur un pied d'égalité, dans le cas où une personne ordinaire constate qu'un des grands joueurs a commis une infraction.
    Merci. Je n'ai plus de questions, monsieur le président.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Van Bynen.
    Monsieur Badawey, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je suis nouveau au sein du Comité, mais j'ai dû apprendre rapidement, ces deux ou trois derniers jours, étant donné toute la documentation que l'on a dû consulter. Cela dit, si je comprends bien, on s'attarde maintenant à la comparaison entre le tribunal et les cours.
    Corrigez-moi si je me trompe, mais voici ma question. Si j'ai bien compris, la décision du tribunal sera, dans les faits, définitive. Aucun appel devant une cour ne sera possible.
    Cela dit, pendant le processus, il est possible de recourir à certains mécanismes visant à faire en sorte que les appelants puissent se faire entendre et présenter ce qu'ils essaient de faire. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il existe des mécanismes, par exemple la médiation, avant que le processus ne se déroule devant le tribunal ou devant une cour. Une cour procède davantage comme un arbitre; il n'y a pas de mécanisme de médiation. Cela se résume à une décision à prendre, et ça finit là.
    Ensuite, on nous a dit qu'un processus devant la cour coûte plus cher à un appelant. On nous a dit que cela prend plus de temps. Cela peut prendre beaucoup plus de temps. Cela peut prendre des années. On nous a dit que l'expérience des questions à trancher est plus visible dans un tribunal que dans une cour. On nous a dit que l'équité procédurale était elle aussi plus évidente dans un tribunal que dans une cour.
    Voici ma question. Dans un tribunal ou dans une cour de justice, les choses peuvent-elles traîner en longueur encore plus, si le défendeur étire la procédure devant une cour de justice? L'affaire peut-elle traîner en longueur, surtout si l'on parle d'intelligence artificielle, les choses peuvent-elles traîner pendant des années, voire des décennies, si l'une des parties le désire?
    Comme ma collègue Mme Angus l'a dit plus tôt, les règles de procédure sont très différentes dans un tribunal par rapport à une cour de justice. Cela veut dire qu'il est moins facile de jouer avec la procédure. Cela veut dire aussi que le tribunal se concentre davantage sur la question à trancher et qu'il s'intéresse uniquement à l'appel de la décision du commissaire, en faisant preuve de déférence à l'égard du commissaire et du Commissariat à la protection de la vie privée. Cela veut dire que le tribunal s'intéresse à des questions bien précises, et qu'il n'est pas contraint par la procédure autant qu'une cour peut l'être; cela veut dire que la procédure est moins facilement manipulée.
    J'entends mal.
    Vous avez raison, monsieur Badawey.
    Chers collègues, j'entends beaucoup de bavardage dans la pièce. Veuillez baisser le volume.
    Poursuivez, monsieur Chhabra.
    Comme je le disais, étant donné les différences dans les règles de procédure et les différences au chapitre de la déférence, les procédures du tribunal devraient être beaucoup plus efficaces et rapides, sans compter le fait que la décision rendue est définitive, et qu'aucun appel n'est possible.
    Par conséquent, le processus est à de nombreux égards plus efficient et rapide, et la conclusion arrive en temps opportun.
    Merci.
    J'aimerais faire comprendre que les activités du gouvernement sont plus efficientes et, bien sûr — c'est particulièrement important — plus conviviales pour les clients, quand l'appelant est en appel. Encore une fois, il y a d'un côté le tribunal, et de l'autre, les cours.
    Je passe maintenant à un autre sujet, celui du commissaire à la protection de la vie privée. Nous avons entendu dire que le commissaire à la vie privée, dans une certaine mesure, joue en quelque sorte le rôle d'un ombudsman et d'un défenseur des droits. Je crois que, ce qui est le plus important, quand il joue le rôle de défenseur, c'est qu'il ait accès à tous les mécanismes à sa disposition, et qu'il doit savoir les utiliser selon ce qu'il a à défendre. Encore une fois, l'intérêt supérieur de l'appelant... J'entends bien que le tribunal dispose de plus d'avantages que les cours, surtout — et j'y reviendrai — qu'il a la capacité, quand il procède, de recourir à la médiation et, par conséquent, d'arriver à une décision unanime, encore une fois, en toute équité.
    Certains de mes collègues du Comité ont cité les opinions des commissaires à la vie privée au sujet de ce tribunal, y compris le commissaire à la vie privée de l'Alberta. Dans votre témoignage précédent, vous avez dit qu'il y avait d'importantes différences entre les pouvoirs et responsabilités du Commissariat à la protection de la vie privée du gouvernement fédéral, selon la LPVPC, et les pouvoirs et responsabilités des commissaires provinciaux.
    Pourriez-vous faire la lumière sur ces différences et nous dire pourquoi il est si important d'avoir un tribunal? J'aimerais vraiment mettre en relief l'équité dont jouit l'appelant devant un tribunal et devant une cour de justice.
(1750)
    Merci de la question. Encore une fois, vous touchez là un point important.
    Prenons deux exemples, l'Alberta et la Colombie‑Britannique; leur commissaire n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions administratives pécuniaires. Au Québec, il a ce pouvoir, mais il s'agit d'un modèle interne, qui fonctionne comme un tribunal au sein de la Commission d'accès à l'information. Ce sont d'importantes différences, quand on parle de ces processus. Même si, dans certains cas, un tribunal n'est pas nécessaire, si le Parlement souhaite mettre en place un organisme de réglementation solide, jouissant de pouvoirs d'exécution solides, c'est ce qui justifie le besoin d'une équité procédurale et de l'impartialité du processus, indissociable de la procédure. Cela revient en fait au choix de l'objectif stratégique que le Parlement cherche à réaliser. S'il veut créer un organisme de réglementation solide doté de pouvoirs d'application — un organisme qui peut imposer des sanctions administratives pécuniaires et des pénalités monétaires allant jusqu'à 10 millions de dollars, comme le propose le projet de loi —, il doit y intégrer en même temps l'aspect de l'équité procédurale.
    En Alberta et en Colombie‑Britannique, les commissaires n'ont pas non plus la possibilité de conclure des accords de conformité, alors que, selon la LPVPC, le commissaire disposerait d'une gamme d'outils et pourrait régler l'affaire en recourant à la médiation, à l'arbitrage ou à la négociation directement avec le plaignant et l'entreprise visée, de manière à élaborer de solides accords de conformité, incluant des changements de comportement, des changements des procédés, ou encore des pénalités — il pourrait aussi prévoir des dommages-intérêts pour les victimes de l'infraction à la loi. C'est un ensemble d'outils très puissants, que nous voulons donner au commissaire. Mais cela suppose également que les mécanismes de recours sont clairs et que l'impartialité et la diligence raisonnable sont respectées tout au long de la procédure.
    C'est un bon point, l'impartialité et la diligence.
    Cela dit — je vais encore y revenir —, on oppose ici la médiation et l'arbitrage. À mon avis, c'est la différence entre un tribunal et une cour de justice. Il me semble que mes collègues du Comité n'ont pas très bien compris qu'un tribunal saura acquérir de l'expertise. C'est un excellent point de comparaison, encore une fois entre un tribunal et une cour de justice, cette question de l'expertise.
    Pourriez-vous nous dire pourquoi un tribunal, qui sera formé d'experts, raccourcira la courbe d'apprentissage des compétences nécessaires pour étudier les cas d'atteinte à la vie privée, au Canada? C'est une chose. Deuxième chose: pourriez-vous nous en dire plus sur les lacunes en matière d'expertise, si, dans les faits, l'affaire est portée directement devant une cour de justice et nous parler aussi, bien sûr, des répercussions de ce manque d'expertise?
    Selon nous, l'expertise du tribunal sera importante, concrètement, à deux égards. Premièrement, comme nous l'avons déjà souligné, il faudra qu'au moins trois des membres du tribunal aient déjà une expertise et une expérience pertinentes dans le domaine du droit à la vie privée et du droit à l'information.
    Deuxièmement, et c'est vraiment le point essentiel, si l'on constitue un tribunal d'experts qui entendra toutes les affaires relatives à la LPVPC, ses membres acquerront rapidement l'expertise, la compréhension et l'efficacité nécessaires pour reconnaître des faits particuliers, des tendances courantes ou les enjeux qui se présentent dans différents domaines. De cette façon, ils seront beaucoup mieux à même d'évaluer les conclusions et les recommandations du commissaire, et d'y réagir, beaucoup plus qu'une cour ordinaire, laquelle n'est pas formée d'experts, spécialisés dans le droit à la vie privée et à l'information, et qui n'aurait pas nécessairement à traiter de nombreuses affaires dans ce domaine. Une cour de justice ne peut donc pas acquérir avec le temps l'expertise nécessaire, se familiariser avec les questions à trancher.
    Cela devient particulièrement important dans un domaine comme la protection de la vie privée et l'accès à l'information où, la majeure partie du temps, l'on traite de questions hautement techniques, lesquelles évoluent rapidement à mesure que la technologie change et que l'utilisation des données change. Encore une fois, cela met en relief l'importance d'avoir une expertise et un intérêt particuliers pour la question.
(1755)
    Je m'appuie surtout, comme vous l'avez dit plus tôt, sur les objectifs stratégiques. La première chose qui vient à l'esprit, c'est l'équité. Cela dit, la gamme d'outils, les pouvoirs d'application et les solides pouvoirs qu'aurait un tribunal, ce qui lui permet de mener la procédure dans le respect de l'équité et en visant les résultats recherchés, représentent pour l'appelant moins de frais et moins de temps, et cela empêche l'autre partie de faire traîner les choses parce que c'est dans son intérêt, comme nous le voyons souvent dans une cour de justice.
    J'aimerais encore une fois revenir à ce que j'ai dit plus tôt au sujet de la défense des droits et, surtout, du fait qu'il faut savoir définir ses objectifs en fonction des droits que vous cherchez à défendre. En ce qui concerne les accords de conformité à négocier, j'espère que, la plupart du temps, cela se fera grâce à la médiation et qu'il ne faudra pas toujours suivre la procédure complète. Cela me plaît.
    J'ai été maire pendant 14 ans, et j'ai l'expérience de la vie municipale; j'ai souvent vu des tribunaux en action, lorsqu'il était question de la Loi sur l'aménagement du territoire, ou encore de la Loi sur le drainage, et j'ai l'expérience des cours de révision et des tribunaux, et aussi des commissions provinciales de la location immobilière et de leurs processus de règlement. La liste est longue. Encore une fois, je reviens au mot « équité ». Comment l'équité a‑t‑elle influé sur le choix des mécanismes et des objectifs, si l'on veut défendre l'équité?
    Prenons par exemple les mécanismes alternatifs de règlement des différends qui s'offrent, et, en pensant à une cour de justice, nous voyons encore une fois qu'ils assurent vraiment un processus équitable pour l'appelant. Dieu sait que, dans certains cas, étant donné la partie à laquelle l'appelant fait face, il aura besoin de cette équité, parce que — ne nous leurrons pas —, c'est souvent une affaire à la David contre Goliath. Nous le voyons déjà dans certaines des affaires en cours, surtout en ce qui concerne notre sujet d'aujourd'hui.
    Par conséquent, à la lumière de ce commentaire, je crois que nous serons tous d'accord pour dire qu'il est nécessaire d'avoir un système de contrôle des décisions du commissaire à la vie privée. Toutefois, certains ici peuvent se demander pourquoi il faut que cela soit un tribunal plutôt qu'une cour; je vais donc y revenir.
    Je crois que l'intention, c'était d'aider les Canadiens et les petites entreprises, pour qu'elles n'aient pas à s'engager dans un processus judiciaire qui coûte beaucoup en ressources, en argent et en temps, tout ce dont j'ai déjà parlé. N'est‑ce pas? Sur ce point, quelqu'un a‑t‑il d'autres idées ou réflexions dont il voudrait nous faire part?
    Je crois qu'il est important de parler un peu plus de cette question. Le raisonnement, ici, entre autres, est qu'il faut comprendre qu'un tribunal d'experts qui se consacre à ce genre d'affaires offre beaucoup d'avantages quant à l'administration de la justice, et qu'il peut faire en sorte que la loi est efficacement et uniformément appliquée. Il fait aussi en sorte que le commissaire et le Commissariat à la protection de la vie privée sont des acteurs principaux à la fois pour la recherche des faits et pour l'enquête. Le rôle du Commissariat à la protection de la vie privée est plus solide du fait qu'il existe un tribunal d'experts qui peut entendre les appels.
    Si un tribunal doit faire preuve de déférence à l'égard du commissaire à la vie privée, cela donne à ce dernier de très solides atouts, même si l'affaire au bout du compte n'est pas renvoyée au tribunal. Ce que je veux dire par là, c'est que la présence du tribunal encourage les parties à collaborer avec le commissaire pour régler une affaire, parce qu'elles savent que, si elles veulent renvoyer l'affaire à un tribunal, elles le feront sachant qu'elles n'ont pas autant d'atouts, parce que le tribunal doit faire preuve de déférence à l'égard du commissaire.
    Cela ne se passe pas de la même manière devant une cour, et cela fait 20 ans que nous le constatons. Un certain nombre d'affaires ont été portées devant une cour, et le commissaire à la vie privée a perdu 70 % des causes dont il était le principal appelant. Dans 70 % des cas, les conclusions ou les recommandations du commissaire à la vie privée relatives aux sanctions administratives pécuniaires ont été annulées.
(1800)
    Encore une fois, je crois que toutes mes questions porteront sur une chose: l'équité. C'est le plus important, à mon avis: l'équité. Moins de frais, moins de temps, la possibilité d'une médiation... Lorsque l'on compare cela avec une cour de justice, qui coûte plus cher, qui exige plus de temps et, dans une certaine mesure, selon de qui est Goliath, énormément de temps, et même des décennies, est‑ce que nous réalisons vraiment notre objectif? Arrivons-nous vraiment à l'issue à laquelle nous arriverions autrement, au bout de la procédure?
    Finalement, cette entité saura‑t‑elle s'occuper des autres questions qui peuvent se présenter, dans ce secteur, dans ce domaine, si vous voyez ce que je veux dire? Car je crois que c'est une question. Alors, est‑ce que la décision rendue par un tribunal sera intégrée à la jurisprudence et sera utile dans d'autres affaires où il serait possible que les questions soient tranchées plus rapidement ou soumises à la médiation, les questions soumises au commissaire à la vie privée ou encore à un tribunal ou encore à une cour de justice?
    Merci de la question. C'est une bonne question.
    On pourrait constituer un recueil des décisions qui éclairerait le Commissariat à la vie privée, et l'aiderait à interpréter et à appliquer la LPVPC. Pour le fonctionnement interne de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, chacune des décisions du tribunal aurait pour effet d'établir un précédent qui étofferait la LPVPC. Cela n'aurait aucune incidence sur le système de justice en général, cela concernerait uniquement le fonctionnement de la LPVPC, et c'est, à mon avis, l'objectif.
    Le but recherché, ici, c'est le respect de la vie privée. On voit bien ce qui se passe, aujourd'hui, et on voit bien les répercussions sur les gens, aujourd'hui. Mes questions vont également porter sur les gens. Je m'intéresse aux répercussions sur les gens, et il est question ici d'équité dans la façon dont nous envisageons les répercussions sur les gens. Si c'est le but que nous visons tous — et j'imagine que c'est le cas, en notre qualité de députés, peu importe le parti —, le but est de nous assurer que tous les litiges se règlent rapidement et équitablement.
    À votre avis, puisque vous en savez tellement plus que nous à ce sujet, quelle est la différence principale entre un tribunal et une cour de justice quand il est question d'atteindre les buts visés?
    J'ai tous les témoignages ici, si vous voulez les voir.
    Des voix: Ha, ha!
    Nous avons fourni un témoignage très clair, ici, lors des nombreuses réunions précédentes, mais je vais me faire un plaisir de récapituler.
    À notre avis, la mise sur pied d'un tribunal se traduira par des gains en efficience importants. Il est absolument et fondamentalement important, si l'on veut respecter la Constitution, d'intégrer au système l'équité procédurale et la diligence. Un tribunal nous donne le moyen le plus efficient et le plus efficace de le faire. Nous avons longuement réfléchi à la façon de nous assurer qu'il ne s'agira pas là d'une étape de contrôle supplémentaire, par exemple en nous assurant que le tribunal fera preuve de déférence à l'égard du commissaire, de ses conclusions et de ses décisions, et en nous assurant qu'il s'agira d'un contrôle définitif, sans possibilité d'appel.
    Nous avons pris tout le soin nécessaire, pendant l'élaboration de ce tribunal, pour veiller à ce que les objectifs de l'équité procédurale, de l'efficience, de l'efficacité et de l'accès à la justice soient bien centrés, et, en même temps, de nous assurer que le rôle du commissaire à la vie privée reste primordial et qu'il ne prête pas le flanc aux grandes corporations qui peuvent traîner les procédures en longueur en épuisant les ressources du commissaire à la vie privée et en lui faisant perdre du temps qu'il pourrait consacrer plus utilement à la défense du droit à la vie privée des consommateurs et des Canadiens sur les marchés.
(1805)
    Merci. Je comprends.
    Je n'avais qu'à l'entendre une seule fois. Merci de l'avoir répété pour que certains des membres ici présents puissent l'entendre de nouveau. Espérons que cela fera une différence, parce que, encore une fois, j'aimerais revenir à ce que j'ai dit plus tôt.
    C'est le but que nous poursuivons, ici. Cela nous ramène à la question de l'équité, à l'équité à l'égard des gens qui, dans une certaine mesure, dans une large mesure, sont vraiment blessés par la situation où ils se retrouvent, surtout les jeunes, lorsqu'ils se retrouvent dans des situations qui, autrement, seraient déférées à un tribunal ou à une cour de justice.
    J'ai une dernière question. Nous avons parlé des tribunaux, et nous avons parlé d'administrations à l'étranger. Je sais qu'il en a déjà été question — vous en avez parlé —, mais, encore une fois, je veux le répéter, et je ne m'excuserai pas, parce que certaines personnes ici doivent l'entendre peut-être une fois de plus.
    Nous avons parlé des tribunaux, et nous avons parlé d'administrations de l'étranger qui n'ont pas — je m'excuse. Il y a dans ces autres administrations des tribunaux de la vie privée. Nous avons fait beaucoup de comparaisons avec le Bureau de la concurrence, mais il y a peut-être d'autres exemples, dans d'autres gouvernements, n'est‑ce pas? Comment ces modèles pourraient-ils nous aider à élaborer ce tribunal‑ci, et quels avantages ont les tribunaux sous réglementation fédérale, selon ce que l'on en sait?
    Nous avons présenté plusieurs exemples de ce qui se fait à l'étranger, mais aussi des exemples nationaux et fédéraux, où il y a un tribunal.
    Je vais commencer par les tribunaux nationaux. La Commission d'accès à l'information, l'organisme de réglementation de la vie privée du Québec, est un tribunal administratif. Il fonctionne avec une très grande efficience, et il peut obtenir les résultats que vous avez exposés.
    Dans le système fédéral, il y a de nombreux exemples de tribunaux. Il y a le CRTC, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications, responsable de l'administration de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications. Le Canada a aussi une loi antipourriel. Ce ne sont pas là des enjeux futiles. Il s'agit de tribunaux administratifs des plus respectés.
    J'ai parlé plus tôt des services d'appui aux tribunaux administratifs. Ces services soutiennent 12 tribunaux fédéraux, entre autres le Tribunal de la concurrence et le Tribunal de la sécurité sociale. Nous savons que ces services réduisent le délai d'accès à la justice et accélèrent l'issue des procédures. À l'heure actuelle, le Commissariat à la protection de la vie privée doit attendre deux ans avant de se présenter en cour. Dans le cas du Tribunal de la sécurité sociale, on parle de moins de 100 jours.
    Les avantages sont importants, et l'on arrive plus rapidement et à moindres frais aux résultats, puisque les tribunaux, en général, n'ont pas à suivre des règles aussi formelles que les cours. Les parties n'ont pas à retenir les services d'un conseil juridique. Plus l'environnement est formel et procédurier, plus les services d'un conseil juridique sont nécessaires; un tribunal permet donc aux parties d'avoir accès plus rapidement et à moindres frais à la justice.
    Je souligne encore une fois ces mots: l'équité, les gens. Les gens qui veulent accéder à la justice et qui cherchent l'équité ne peuvent pas tous se payer un procès devant une cour, surtout s'ils affrontent Goliath, et surtout s'ils doivent pour cela affronter Goliath pendant des décennies devant une cour. Nous parlons ici de centaines de milliers de dollars, voire de millions de dollars, et les gens n'ont tout simplement pas cette somme. Donc, il n'y a pas d'équité, pour ces gens‑là.
    Cela coûte plus cher parce que cela prend plus de temps; dans le cadre d'un tribunal, qui assure l'équité, cela coûte moins cher parce que cela prend moins de temps. Ai‑je raison?
(1810)
    Je dirais que vous avez raison. Mais un tribunal offre un avantage supplémentaire, et nous en avons parlé quelques fois. Il reprenait le rôle du commissaire à la vie privée. Il lui donne plus de pouvoir et plus de poids.
    Comme je l'ai déjà souligné, quand une entreprise sait qu'elle peut recommencer la procédure du début, devant une cour, en attaquant l'approche du commissaire ou l'impartialité de sa procédure, cela crée certainement un défi, tandis que le tribunal devra faire preuve de déférence à l'égard des conclusions du commissaire. Cela donne beaucoup plus de pouvoir au commissaire.
    Monsieur le président, je vais conclure. Encore une fois, comme je suis nouveau au sein du Comité et que j'ai eu beaucoup à assimiler au cours des quelques derniers jours, je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier les membres du Comité, honnêtement, et je tiens aussi à remercier tous les témoins.
    Ce que je retiens de tout cela, étant donné ce que j'ai entendu et ce que j'ai vu, tient à deux choses: l'équité pour les gens. Je crois qu'un tribunal nous permettra de réaliser l'objectif que nous visons et qu'il répondra aux attentes des gens que nous représentons.
    Merci.
    Merci, monsieur Badawey.
    La parole va à M. Perkins.
    Merci, monsieur le président.
    Vous dites que le CRTC est une entité comparable, mais c'est selon moi une erreur, parce qu'il n'existe pas d'entité qui rend une décision au sujet de laquelle on peut interjeter appel au CRTC. Il s'agit d'une commission à objet unique, qui rend des décisions. Cela ressemble davantage à ce que nous proposons qu'à ce que les fonctionnaires proposent, mais c'est intéressant… Je ne suis pas surpris que les fonctionnaires qui ont rédigé le projet de loi défendent ce projet de loi.
    Je le dis à l'intention des deux nouveaux membres du Comité qui, peut-être n'ont pas participé aux 21 réunions que nous avons eues avec des témoins et aux 10 réunions… Nous venons de consacrer six réunions à deux articles seulement, et les libéraux ont fait des discours vides au sujet de ces deux articles.
     Je me fie sur cette question aux actuel et précédent commissaires à la vie privée. Je vais vous aider, parce que vous n'avez pas entendu les témoignages, et je vais vous en lire des extraits. Il était question d'un projet de loi essentiellement identique à celui‑ci, touchant la protection de la vie privée et la création d'un tribunal, à la dernière législature, le projet de loi C‑11. Le commissaire à la protection de la vie privée de l'époque, dans sa présentation, disait ceci:
À notre avis, la conception du système décisionnel proposé dans la LPVPC va dans le sens contraire de celui souhaité. En ajoutant un tribunal d'appel administratif et en réservant à ce palier le pouvoir d'imposer des sanctions pécuniaires, la LPVPC encourage les organisations à emprunter les voies d'appel plutôt que de chercher un terrain d'entente avec le CPVP lorsque ce dernier s'apprête à rendre une décision défavorable. Les concepteurs du projet de loi veulent que les dossiers se règlent de façon informelle, mais ils soutirent au Commissariat un outil de persuasion important…
    Cela concernait un précédent projet de loi. Pour vous rafraîchir la mémoire, voici ce qu'a dit le commissaire à la vie privée dans son témoignage sur ce projet de loi, à la réunion numéro 90, le 19 octobre 2023:
Troisièmement, il reste l'ajout proposé d'un nouveau tribunal, qui deviendrait un quatrième palier de contrôle dans le processus de traitement des plaintes. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire au Comité, cette solution rendrait la procédure plus longue…
    Contrairement à M. Badawey, qui pense qu'un tribunal accélérera les choses, le commissaire à la vie privée croit qu'il les fera traîner en longueur, au contraire, ce qui coûtera d'ailleurs plus cher. Si vous avez le souci de l'équité et que vous avez le souci des gens, si vous voulez que ce soit moins cher et plus rapide, je me fierais au témoignage du commissaire à la vie privée en ce qui concerne l'équité et les gens. Il affirme que le processus va en fait durer plus longtemps et coûter plus cher.
    Mais, pour ne pas être en reste, je vais vous citer encore une fois un extrait de la réunion numéro 91, où l'ancien commissaire à la vie privée disait ceci:
Le but de ces dispositions devrait être d'offrir des recours rapides et efficaces aux citoyens. Dans aucun autre pays que je connais, il n'existe de tribunal semblable à celui qui est proposé dans le projet de loi. Dans tous les autres pays qui protègent la vie privée, le décideur initial, y compris l'entité qui a le pouvoir de rendre des ordonnances et d'imposer des amendes, est l'autorité de protection des données qui est l'équivalent du Commissariat à la protection de la vie privée.
J'entends des préoccupations au sujet de la difficulté pour le Commissariat d'assumer divers rôles.
    Il y a un problème, ici, puisque le gouvernement continue à soutenir la proposition selon laquelle, d'une façon ou d'une autre, un tribunal de la protection de la vie privée accélérera les choses, alors que les experts, en fait, disent le contraire. Je me fierais aux commissaires à la protection de la vie privée.
    J'ajouterais que, dans le cas du Tribunal de la concurrence, qui est probablement l'entité la plus comparable à notre tribunal, il y a aussi un Bureau de la concurrence, qui mène les enquêtes, et un Tribunal de la concurrence, qui n'est pas assujetti aux règles de la preuve et qui n'ouvre la porte aux appels que dans deux cas peu importants. Il s'agit presque, presque seulement, d'un processus décisionnel définitif. Il remplace dans les faits une procédure très coûteuse et très longue, et n'a en réalité jamais refusé quoi que ce soit qui a été fait dans le cadre d'une fusion.
    J'essaie seulement d'aider les nouveaux membres à comprendre que, alors qu'ils croient qu'un tribunal accélérera les choses, le témoignage livré par les commissaires à la vie privée, les commissaires provinciaux et fédéraux, au cours des 21 réunions que nous avons tenues avec des témoins, disent le contraire. C'est tout ce que j'avais à dire.
(1815)
    Ce n'est donc pas une question; c'est un commentaire. Merci, monsieur Perkins.
    C'est maintenant au tour de M. Arya.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question pour M. Chhabra.
    Vous avez souligné à juste titre que l'existence d'un tribunal, la possibilité de recourir à une procédure devant un tribunal, encourage les parties à chercher à s'entendre à l'amiable à l'échelon du commissaire. C'est très important, surtout compte tenu du contexte.
    Mais avant de poursuivre, vous avez parlé d'un changement du comportement. À quoi faisiez-vous allusion?
    Merci de poser la question. C'est très important.
    Le tribunal doit faire preuve de déférence. Par conséquent, la proposition selon laquelle, d'une manière ou d'une autre, les entreprises seraient encouragées à faire appel au tribunal plutôt qu'à se présenter devant une cour — si l'on parle d'une cour ordinaire plutôt que d'un tribunal — ne résiste pas à l'examen. La proposition selon laquelle une entreprise serait plus susceptible de s'adresser à un tribunal, alors qu'elle sait que ce tribunal devra faire preuve de déférence à l'égard des conclusions de fait du commissaire, ne tient tout simplement pas la route.
    Surtout quand on sait que, dans 70 % des cas, quand les décisions du commissaire à la vie privée sont contestées devant une cour, le commissaire à la vie privée a perdu… C'est une caractéristique que je ne crois pas que l'on retrouve dans les autres pays. La plupart des pays du G7 n'ont pas ce type de tribunal. Étant donné l'évolution de la situation, je crois que le Canada doit jouer un rôle de meneur.
    Me donnez-vous raison sur cette comparaison avec les autres pays du G7?
    Comme nous l'avons dit tout au long de nos témoignages, ces derniers jours, un certain nombre d'autres pays du G7 ont des tribunaux ou des entités semblables à un tribunal qui contribuent à distinguer les fonctions d'enquête et les fonctions d'arbitrage. Je peux mentionner l'Australie, la Nouvelle-Zélande, Singapour et le Royaume-Uni, qui sont semblables à peu de choses près. L'Irlande est également assez comparable.
    La notion de séparer les enquêtes et l'arbitrage est le principe fondamental des démocraties qui fonctionnent.
    Les États-Unis ont une commission fédérale du commerce. C'est une bureaucratie énorme. Ils n'ont pas de tribunal, mais ils ont un processus très complexe leur permettant de régler ces affaires.
    C'est bien cela?
    La commission fédérale du commerce n'a rien à voir avec la protection de la vie privée ou la protection des données. C'est une commission, de par sa structure, ce qui veut dire qu'il n'y a pas qu'une seule personne qui rend les décisions. Les considérations relatives à l'équité procédurale sont indissociables du fait qu'il s'agit d'une commission, c'est-à-dire un groupe de personnes qui rend les décisions.
    Vous avez parlé d'expertise et du fait que les membres qui seront nommés au tribunal auront non seulement une bonne expérience antérieure et une bonne expertise dans ce domaine, mais qu'ils continueront également à peaufiner leurs connaissances. Ils deviendront beaucoup plus spécialisés.
    Je me souviens des débats au sujet du projet de loi auxquels j'ai participé au Parlement. Une question a été posée, et j'ai expliqué que les technologies changeaient tellement que nous ne pouvons même plus définir ce qu'est une donnée. Quels sont les paramètres des données? Nous ne pouvons même pas définir l'intelligence artificielle. Quand il s'agit de la vie privée, quand on sait tout cela, il sera très difficile pour une cour de trancher. Les cours doivent s'en tenir à la loi. Le décideur — par exemple, le juge — ne peut pas arriver à ce niveau d'expertise ou acquérir les connaissances supplémentaires nécessaires étant donné l'évolution de la situation et l'évolution des technologies.
    Selon vous, lorsque le tribunal sera mis sur pied, quelle charge de travail aura‑t‑il, les deux premières années?
(1820)
    Merci de poser la question.
    Comme nous l'avons souligné plus tôt, il n'est pas très facile de donner une estimation ou même une estimation générale, franchement, de la charge de travail d'un tel tribunal. Il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Le commissaire aura de nouveaux pouvoirs importants, mais il aura aussi toutes sortes d'occasions de traiter une affaire en particulier, à l'aide de la médiation ou à l'aide d'un accord de conformité. Si, par exemple, le commissaire est saisi d'une affaire et qu'il juge qu'il est suffisant d'émettre des ordonnances, l'affaire ne se rendra pas nécessairement jusqu'au tribunal. Il est difficile d'estimer précisément la charge de travail.
    Nous pouvons regarder en arrière et dire, de mémoire, que quelque 46 dossiers ont été déférés à une cour de justice, entre 2003 et 2024, au motif d'une des conclusions du commissaire à la vie privée, mais les circonstances n'étaient pas les mêmes, puisque le commissaire n'avait pas alors la capacité d'imposer ou de recommander des sanctions administratives pécuniaires ou d'émettre des ordonnances. Nous parlons ici d'une approche tout à fait nouvelle, où le commissaire a d'importants pouvoirs d'exécution de la loi. Il est difficile de dire ce que cela représentera pour la charge de travail du tribunal, mais nous affirmons en toute confiance au Comité qu'il serait plus efficace d'avoir un tribunal, puisque cela accélérera le travail et qu'il sera fait par des experts.
    De manière générale, pensez-vous que la charge de travail augmentera, en ce qui concerne le nombre de dossiers qui étaient auparavant déférés à une cour?
    Étant donné les nouveaux pouvoirs dont jouira le commissaire et l'ubiquité croissante des enjeux importants relatifs aux données et à la vie privée, au Canada — y compris l'augmentation du recours aux outils d'intelligence artificielle —, je crois qu'il est raisonnable de présumer que la charge de travail augmentera. Il se peut très bien aussi que l'on demande plus souvent, soit à la cour, soit au tribunal, d'être partie à la décision.
    Comme vous l'avez dit, il est possible que la charge de travail augmente.
    Cela va donc rendre le travail du commissaire à la vie privée plus efficient. Sans ce tribunal, tous les dossiers seraient déférés aux cours. Étant donné le temps que cela prend pour régler un dossier, les ressources nécessaires devront être assez importantes.
    Encore une fois, merci de poser la question.
    Je crois qu'il est très important de le souligner, puisque certains témoins précédents ont dit que, à leur avis, le tribunal ajouterait à la procédure et aux délais. Je ne suis pas certain de savoir si tous les témoins ont eu l'occasion de prendre pleinement connaissance du fonctionnement du projet de loi proposé en ce qui concerne deux aspects en particulier: d'abord, que le tribunal serait tenu de faire preuve de déférence à l'égard des conclusions du commissaire, et deuxièmement, que les décisions ne pourront pas être portées en appel. Ces deux aspects, ensemble, sont un obstacle à l'abus de procédure, à l'allongement indu des procédures et au recours à plusieurs paliers d'appel. Comme je l'ai dit plus tôt, cela replace le commissaire à la vie privée au centre de tout.
    Je ne vois pas dans quelles circonstances une entreprise disposant d'un accès suffisant à des conseils juridiques déciderait de s'adresser à un tribunal, lequel doit faire preuve de déférence à l'égard du commissaire, plutôt que d'utiliser cette autre approche, qui consiste apparemment à se présenter devant une cour et à recommencer la procédure de novo. Un avocat digne de ce nom conseillerait à cette entreprise de courir le risque et de reprendre la procédure du début, devant une cour, dans l'espoir de convaincre cette cour de voir les choses autrement; il pourrait aussi lui dire: « Il y a un tribunal qui doit faire preuve de déférence à l'égard des conclusions du commissaire? Oh là là! Vous avez beaucoup moins de chances dans ce cas‑là. »
    Au sujet de la notion qui a été évoquée à quelques reprises par des membres du Comité, selon laquelle un tribunal ralentirait la procédure et les entreprises seraient plus susceptibles de se présenter devant un tribunal plutôt que de collaborer avec le commissaire à la vie privée, je dirais que cela témoigne d'un important manque de compréhension du fonctionnement du projet de loi.
    Je suis d'accord avec vous sur ce point.
    Avez-vous envisagé d'autres scénarios pour savoir combien des dossiers actuellement traités par un tribunal se rendraient devant une cour?
(1825)
    Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons examiné les dossiers qui se sont rendus devant la cour au cours des 20 dernières années, je dirais. Je crois que quelque 46 décisions du commissaire ont été déférées à une cour. Dans un petit nombre de ces dossiers, le commissaire était le principal appelant. Et dans ces dossiers, il a perdu 70 % de ses causes devant une cour. Cela démontre très clairement à mon avis la raison pour laquelle une entreprise voudrait en déférer à une cour. Elle a de très bonnes chances de gagner sa cause.
     Encore une fois, il y a une nette différence entre se présenter devant une cour et reprendre une procédure du début — l'histoire nous ayant montré que les cours ont tendance à prendre le parti des entreprises —, et s'adresser à un tribunal qui doit faire preuve de déférence à l'égard du commissaire. Cela change du tout au tout la donne.
    Pouvez-vous nous donner un exemple d'une affaire qui a été portée devant la cour et qui a traîné en longueur avant d'être réglée?
    Je peux vous parler d'un dossier très récent. Il y a deux ou trois ans, en fait, le Commissariat à la vie privée a rendu une décision concernant le scandale Meta et Cambridge Analytica. Le commissaire a publié son rapport sur ses conclusions il y a deux ou trois ans. Meta n'était pas d'accord avec ces conclusions et a poursuivi le Commissariat devant la cour. Le Commissariat a perdu en Cour fédérale. En fait, la Cour fédérale avait pris le parti de Meta en disant que le Commissariat à la protection de la vie privée ne s'était pas acquitté de son fardeau au chapitre des enquêtes et qu'il n'avait pas présenté ses preuves.
     Je vais maintenant faire un lien avec ce que ma collègue a dit. Encore une fois, puisqu'il n'est pas nécessaire de faire preuve de déférence à l'égard du commissaire à la vie privée, il s'agit d'une procédure de novo. Ce ne sera pas la même chose pour le tribunal, qui devra accepter les conclusions de fait du commissaire, sauf en cas d'erreur flagrante.
    Le commissaire à la vie privée a porté la décision en appel l'été dernier. Nous attendons toujours une décision de la Cour d'appel fédérale. Je crois que l'on peut présumer que cette décision sera portée en appel devant la Cour suprême, également, étant donné les parties en cause. Cela ne sera réglé une fois pour toutes que dans des années.
    Je le répète, cela ne pourra pas se passer ainsi dans le nouveau système, puisque les décisions du tribunal seront définitives et ne peuvent faire l'objet que d'un contrôle judiciaire, qui suppose une norme de contrôle beaucoup plus stricte et qui est beaucoup plus difficile à justifier. Les parties le sauraient, et, encore une fois, pour me faire l'écho des commentaires de ma collègue, elles seraient peut-être davantage susceptibles d'utiliser un mécanisme alternatif de règlement des différends ou de s'en remettre à un accord de conformité.
    De toute évidence, vous avez raison. Dans cette affaire, Meta et Cambridge Analytica ont tous les moyens nécessaires pour porter l'affaire devant la Cour suprême, alors, cela prendra du temps.
    Mais si le même dossier avait été déféré au tribunal, pensez-vous que le règlement aurait été plus facile que s'il avait suivi la procédure actuelle?
    En fait, c'est bien ainsi qu'a été conçu le système proposé dans le projet de loi C‑27, la LPVPC. Il s'agit concrètement de donner au commissaire beaucoup plus d'atouts, dans une procédure d'appel, du fait que le tribunal doit respecter les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit du commissaire.
    Les règles du jeu n'ont donc plus rien à voir avec les règles d'une cour. En ce sens, tout a été fait pour que le processus soit plus rapide, et aussi pour donner au commissaire des atouts beaucoup plus importants que si le dossier était traité devant une cour. Aussi, bien sûr, il y a le fait que la décision du tribunal lui-même ne peut être portée en appel devant une autre instance, et cela constitue un obstacle très important aux longs délais ou à l'étirement indu de la procédure.
    J'ai lu ou écouté quelque chose récemment au sujet des empires que le monde a connus. Dans l'histoire récente, il y a l'Empire britannique. On peut presque aussi parler de l'empire américain. Cependant, les empires futurs seront dominés et contrôlés par les entreprises de technologie, qui ont pour atouts les ressources humaines et financières. Pour traiter avec elles, il faut de nouveaux outils. Nous avons bien vu, avec l'exemple de Meta, ce que cela donne.
    Quand il s'agit de traiter avec ce type d'entreprise, les tribunaux — qui comptent parmi leurs membres des experts — jouent un rôle très important.
    Monsieur le président, combien de temps me reste‑t‑il?
(1830)
    Monsieur Arya, vous n'avez plus de temps.
    Nous voilà rendus à la fin de la réunion, mais, avant de suspendre, je voulais simplement remercier Mme Angus et M. Chhabra d'être venus ici encore une fois.
     Vous avez été ici tout au long du mois de mai, et, techniquement, c'était notre dernière réunion, pour quelque temps, sur le projet de loi C‑27. Nous en sommes à la motion CPC‑9.
    J'espère que nous saurons profiter de l'été pour réfléchir à ce que nous voulons obtenir avec ce projet de loi. Merci beaucoup de votre professionnalisme, et merci de votre temps.

[Français]

    Je remercie M. Mark Schaan aussi, qui n'est pas là aujourd'hui.
    La séance est levée.
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