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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 janvier 2023

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

     Mesdames et messieurs, chers collègues, je déclare maintenant la séance ouverte.
    Bienvenue à la 52e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, et à la motion adoptée par le comité le mercredi 26 janvier 2022, le Comité se réunit pour étudier l'acquisition proposée de Shaw par Rogers.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022.
    Les députés qui sont à distance peuvent se manifester au moyen de la fonction « main levée ». Pour ce qui est de ceux qui sont à Ottawa, c'est avec plaisir que je les revois en ce début d'année.
    Au cours de cette première heure de rencontre, nous recevons, du Bureau de la concurrence, Mme Jeanne Pratt, sous-commissaire principale, Direction générale des fusions et des pratiques monopolistiques, et M. Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence. Du ministère de l'Industrie, nous recevons M. Éric Dagenais, sous-ministre adjoint principal, Secteur du spectre et des télécommunications, et M. Mark Schaan, sous-ministre adjoint principal, Secteur des stratégies et politiques d'innovation.
    Je vous remercie tous les quatre d'être parmi nous en personne.
    Sans plus tarder, je cède la parole à Mme Jeanne Pratt, du Bureau de la concurrence, pour cinq minutes.
    Je m'appelle Jeanne Pratt, sous-commissaire principale, Direction générale des fusions et des pratiques monopolistiques. Mon collègue, Anthony Durocher, sous-commissaire à la Direction générale de la promotion de la concurrence, m'accompagne aujourd'hui.
    Le rôle et le mandat du commissaire de la concurrence sont clairs. Il assure et contrôle l'application de la Loi sur la concurrence pour le bien de tous les Canadiens.
    Protéger la concurrence est essentiel pour servir les intérêts des entreprises et des consommateurs canadiens ainsi que pour préserver notre performance économique dans son ensemble.
    Les dispositions de la Loi sur la concurrence relative aux fusions constituent la première ligne de défense contre l'accumulation du pouvoir du marché.

[Traduction]

    Dans le cas de Rogers et Shaw, le bureau a procédé à un examen exhaustif des éléments de preuve au cours de son enquête. Le bureau a notamment tenu plus d'une centaine de réunions avec des parties prenantes, a recueilli et examiné plus de 3 millions de documents, et a reçu 7 800 observations du public.
    Le 9 mai 2022, le commissaire a déposé une demande auprès du Tribunal de la concurrence, en vertu de l'article 92 de la Loi sur la concurrence, pour bloquer la fusion proposée. Cette action a été prise parce que nous sommes d'avis que la transaction nuirait vraisemblablement à des millions de consommateurs canadiens en Alberta et en Colombie-Britannique, en raison de prix plus élevés, de services de moindre qualité et de perte d'innovation.
    Au tribunal, nous avons fait valoir que Shaw représente une force concurrentielle grandissante au Canada. Au moment de l'annonce du projet d'acquisition, le potentiel de Shaw en tant que force perturbatrice inégalée semblait prometteur. Le Tribunal de la concurrence a convenu avec le commissaire que Shaw était sur le point de lancer des services sans fil 5G et d'étendre ses services sans fil à de nouvelles régions, ce qui aurait assuré un service à un plus grand nombre de Canadiens. Ces projets ont été mis en veilleuse à l'annonce du projet de fusion entre Rogers et Shaw en mars 2021.
    Le 12 août 2022, Rogers, Shaw, Vidéotron et Quebecor ont annoncé avoir conclu un accord pour la vente de Freedom Mobile. Nous estimons que la vente de Freedom à Vidéotron ne répond pas suffisamment aux effets anticoncurrentiels de la fusion. Vidéotron n'est pas en cause. En fait, même avec ce dessaisissement, Vidéotron ne disposerait pas des actifs nécessaires pour assurer une concurrence aussi efficace que Shaw. Plusieurs ententes à long terme obligeraient Vidéotron à dépendre de son concurrent, Rogers, plutôt que d'avoir la propriété et le contrôle d'actifs essentiels. La motivation et la capacité de Vidéotron à rivaliser de façon concurrentielle s'en trouveraient réduites et Rogers pourrait nuire à la compétitivité de la société Freedom.
    Le 29 décembre 2022, le Tribunal de la concurrence a rejeté notre demande. Hier, la Cour d'appel fédérale a rejeté notre appel. Nous demeurons convaincus de la justesse des conclusions de notre enquête et du bien-fondé de notre décision de contester la fusion. Nous avons présenté un dossier solide et rigoureux au tribunal après avoir mené une enquête exhaustive. Nous restons en désaccord avec les conclusions du tribunal et nous sommes profondément déçus. Néanmoins, nous acceptons la décision rendue hier par la Cour d'appel fédérale et nous ne nous adresserons pas à la Cour suprême du Canada pour interjeter appel.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Schaan ou à M. Dagenais.

[Traduction]

    Merci de m'avoir invité, ainsi que mon collègue, à la réunion d'aujourd'hui.
    Je dirige le secteur responsable du programme de gestion du spectre qui est administré par ISDE au nom du ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie. Mon collègue est responsable des politiques stratégiques d'ISDE, qui comprend de guider le ministre dans son rôle lié aux politiques en matière de télécommunications et de concurrence. Nos collègues du Bureau de la concurrence sont aussi présents aujourd'hui.
    Je comprends le vif intérêt de ce comité pour le transfert des licences entre Shaw et Rogers, et entre Shaw et Vidéotron. Bien que je puisse discuter du processus de transfert du spectre, je ne peux pas me prononcer sur l'examen en cours concernant la demande de transfert des licences du spectre de Shaw à Vidéotron. Le ministre est actuellement saisi de cette affaire.
    Comme je l'avais indiqué lors de ma comparution en avril 2021, l'accès au spectre est un élément essentiel pour le bon fonctionnement des services sans fil. De plus, le pouvoir de délivrer des licences d'utilisation du spectre, y compris l'examen et l'approbation du transfert, est au coeur de l'évaluation du ministre et de son rôle dans cette transaction proposée. Le ministre réglemente le spectre conformément aux pouvoirs conférés par la Loi sur la radiocommunication, en tenant dûment compte des objectifs énoncés dans la Loi sur les télécommunications. Par conséquent, il peut prendre en compte toutes les questions qu'il juge pertinentes afin d'assurer l'élaboration ordonnée et le fonctionnement efficace des communications sans fil.
    Étant donné l'importance de la connectivité mobile et les investissements considérables y étant associés, le ministre gère le spectre selon un ensemble de lignes directrices et de politiques établies.
(1105)

[Français]

     Par conséquent, les transferts du spectre mobile commercial sont guidés par le Cadre portant sur le transfert, la division et la subordination des licences de spectre mobile commercial.
    Ce cadre appuie l'objectif du gouvernement, qui consiste à maximiser les retombées économiques et sociales que la population canadienne retire de l'utilisation du spectre. Le cadre assure aussi l'efficacité et la compétitivité du marché des télécommunications, ainsi que la disponibilité et la qualité des services.
    Pour évaluer les répercussions du transfert de licences, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, analyse, entre autres facteurs, les changements de niveau de concentration du spectre qu'entraînerait ce transfert.
    En outre, ISDE examine la capacité de prestation des services du requérant et de ses concurrents présents et futurs. Nous pouvons également étudier d'autres facteurs, notamment les licences actuelles des requérants, la distribution générale du spectre, les services qui seront offerts, ainsi que les technologies accessibles, la disponibilité d'autres bandes de spectres aux caractéristiques semblables, les caractéristiques de la région — le spectre est réparti par régions, qu'elles soient urbaines, rurales ou par niveau de densité, etc. —, ainsi que tout autre facteur pertinent aux objectifs de politiques énumérées dans le Cadre et pouvant découler du transfert de licence.
    Comme il est indiqué dans le Cadre, tous les documents de la demande et les éléments de la proposition demeurent confidentiels. Cela dit, je confirme que la demande initiale de Shaw visant à transférer son spectre à Rogers a été refusée par le ministre. Cette information est sur notre site Internet, c'est public. L'une des raisons de ce refus est que la concentration du spectre qui en résulterait soulevait de sérieuses inquiétudes.
    Ainsi, le dossier présentement soumis au ministre porte sur une demande visant à transférer le spectre de Shaw à Vidéotron. En résumé, la demande initiale a été refusée et nous parlons maintenant d'une nouvelle demande.
    Comme l'a confirmé hier le ministre François‑Philippe Champagne, ISDE annoncera une décision sur ce transfert en temps opportun.
    Je vous remercie. Je suis disponible pour répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Chers collègues, je vous signale avant de commencer que nous allons procéder à deux séries de questions, ce qui nous fera dépasser un peu l'heure prévue de 11 h 40, mais je serai plus strict sur le temps que je le suis habituellement. Veuillez vous comporter en conséquence.
    Nous allons commencer avec les conservateurs pour six minutes.
    Nous allons entendre le député Perkins.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, chers témoins, d'être ici.
    Je voudrais commencer par dire que je crois que trois problèmes font que notre économie est la moins productive des pays occidentaux: une dette publique trop élevée, une croissance insuffisante, avec une faible production de biens que le monde désire, et une crise du coût de la vie qui gruge nos chèques de paie. Nos nombreuses industries de services anticoncurrentielles, avec seulement deux ou trois entreprises nationales par industrie, contribuent à cette crise du coût de la vie, forçant les Canadiens à payer trop cher pour ce dont ils ont besoin. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
    À l'heure actuelle, les Canadiens paient des prix de téléphonie cellulaire et d'Internet parmi les plus élevés au monde, principalement parce que la concurrence est beaucoup moins forte qu'il y a 10 ans.
    Monsieur Dagenais, croyez-vous que les Canadiens paient trop cher pour leurs services de téléphonie cellulaire?
    Il y a un problème. Des rapports ont montré que les prix des téléphones cellulaires ont tendance à être plus élevés au Canada que dans d'autres pays.
    Merci, monsieur Dagenais.
    Le tableau que j'ai ici, si vous le voyez, montre les prix réguliers de divers forfaits de services de téléphonie cellulaire disponibles sur Internet la semaine dernière pour Vidéotron et Freedom. Les prix de Vidéotron, indiqués en gris, sont plus élevés que ceux de Freedom, qui sont en or, dans la plupart des cas. Étant donné que les prix de Freedom sont déjà inférieurs à ceux de Vidéotron, la condition du ministre pour que Freedom égale les prix de Vidéotron ne réduira aucun prix...
(1110)

[Français]

     Pardon, monsieur le président. J'aimerais obtenir une précision.
    À la Chambre, on ne peut pas présenter des tableaux d'information de cette façon, mais peut-on le faire en comité?
    Merci, monsieur Lemire.
    Contrairement à la Chambre, les comités ont plus de latitude à ce sujet. Il serait possible, par exemple, de diffuser quelque chose sur les écrans. Personnellement, dans un esprit de bonne entente, je serais plutôt enclin à permettre cela.
    D'accord. Merci.

[Traduction]

    Je vais poser la question à nouveau.
    Étant donné que les prix de Freedom sont déjà moins élevés que ceux de Vidéotron, la condition du ministre que Vidéotron offre des prix identiques à ceux de Freedom ne change rien à l'éventail des prix, n'est‑ce pas?
    Cela fait partie de la transaction présentée au ministre, sur laquelle je ne peux pas vraiment me prononcer. Je m'en excuse.
    Quand Vidéotron a comparu devant le Tribunal de la concurrence, elle a pris des engagements sur la façon dont elle exploiterait l'entreprise à l'avenir. Lorsque toute entreprise comparaît devant le tribunal, elle prend des engagements concernant l'avenir.
    M. Dagenais ou peut-être Mme Pratt, les engagements pris devant le tribunal sont-ils contraignants pour cette entreprise?
    Je peux peut-être parler de la décision du tribunal. La décision du tribunal ne comportait pas d'ordonnance visant à faire respecter de tels engagements.
    Monsieur Dagenais, pendant la période proposée pour l'acquisition de Shaw par Rogers, vous avez fait l'objet de nombreuses pressions au sujet de l'accès privilégié que le gouvernement libéral a accordé à Rogers et à Quebecor. Allez-vous communiquer à ce comité vos notes et celles de tous les fonctionnaires qui ont assisté à ces plus de 60 réunions?
    Je ne pense pas avoir de notes de ces réunions. Il faudrait que je vérifie pour voir comment je suis censé les communiquer. Je pourrais peut-être le faire par l'entremise d'un AIPRP, ou il y a peut-être un mécanisme spécial pour les transmettre au Comité.
    Les comités peuvent demander des documents, et les témoins habituellement...
    D'accord. Je soumettrai une réponse au président.
    ... qu'ils se sentent libres de les déposer. Je vous demanderais de nous revenir avec une réponse. Je suis certain que les fonctionnaires ont pris des notes durant les plus de 60 réunions.
    Monsieur Dagenais, le CRTC mène une enquête sur les prix préférentiels que Rogers accorde à Vidéotron dans le cadre de l'affaire lancée par TekSavvy. Cette affaire porte sur la préférence indue en ce qui concerne les règlements du CRTC. Le ministre attendra-t‑il ce jugement avant d'annoncer sa décision publique?
    Le ministre a dit hier qu'il prendrait une décision en temps voulu. Je ne peux pas vraiment m'étendre sur ce sujet ou vous fournir des précisions supplémentaires concernant la déclaration du ministre d'hier soir.
    Le ministre de l'Industrie, si je comprends bien, a des pouvoirs illimités pour imposer des conditions, par l'entremise de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, concernant la délivrance, le transfert ou l'approbation de toute licence de spectre, d'où les conditions proposées par le ministre en octobre.
    Si la préoccupation concernant les coûts élevés que les Canadiens paient pour les téléphones cellulaires motive la politique du gouvernement dans son ensemble, pouvez-vous m'informer si, depuis 2015, le ministre de l'Industrie a déjà imposé à Bell, à Telus et à Rogers des conditions visant à réduire précisément les prix pour tout accès à leurs tours ou infrastructures dans le cadre de la délivrance ou du renouvellement de licences?
    Le ministre voudrait peut-être disposer de pouvoirs illimités, comme vous le dites, mais les pouvoirs prévus dans la Loi sur les télécommunications ne sont pas illimités. Ils sont très bien définis.
    ISDE, par l'entremise du ministre, a pris un certain nombre de mesures pour réduire les prix. La plus grande serait d'accroître la concurrence et de s'assurer qu'il y a de la concurrence. Au final, si l'on examine les propres conclusions du Bureau de la concurrence, lorsqu'un intervenant régional rivalise avec les trois exploitants et qu'il détient une assez bonne part du marché, les prix baissent de 35 à 40 %. La concurrence fait donc baisser les prix.
    Nous avons pris des mesures. Dans les enchères du spectre, nous avons des réserves ou des plafonds et nous avons imposé des mesures concurrentielles et des conditions de déploiement. Toutes ces mesures sont conçues pour garantir que les gens disposent du spectre dont ils ont besoin pour être compétitifs.
    Je comprends que cela arrive, mais la question portait sur les conditions. Le ministre choisit d'imposer des conditions à ce transfert de licence mais ne les a pas imposées lors des transferts précédents. C'est ce que je comprends. Je comprends que les prix ont augmenté.
(1115)
    Merci, monsieur Perkins. Je suis vraiment désolé, mais c'est tout le temps que vous aviez, soit six minutes.
    Nous allons maintenant entendre le député Fillmore pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de se joindre à nous aujourd'hui. Bonjour de Halifax. Je m'excuse de ne pas avoir pu être avec vous en personne.
    Monsieur Dagenais, merci d'être ici aujourd'hui. Je sais que vous êtes le sous-ministre adjoint responsable de la politique du spectre à ISDE. Commençons avec une question fondamentale, de base.
    Qu'est‑ce qu'un spectre de licences?
    Le spectre désigne les fréquences radio utilisées pour transmettre des signaux sans fil. C'est l'air qui nous entoure. Cela semble un peu magique, mais c'est ce que c'est. Essentiellement, qu'il s'agisse de satellites, de votre téléphone intelligent ou du WiFi à la maison, si c'est sans fil, cela utilise le spectre. À ISDE, nous essayons de gérer le trafic. Il y a beaucoup de données transmises sur ces ondes sans fil, et parfois la meilleure façon de gérer ce trafic pour éviter les interférences est d'avoir une licence et de donner une licence à quelqu'un.
    Nous avons une licence qui donne l'usage exclusif d'une bande de fréquences précise sur un marché précis. Cette personne peut ensuite utiliser cette bande de fréquences pour transmettre des données pendant un certain nombre d'années. C'est ce que nous appelons le spectre sous licence. L'industrie des télécommunications — l'industrie du sans-fil — utilise une grande partie de ce spectre sous licence.
    Merci.
    Nous entendons parler dans cette discussion du transfert du spectre sous licence. Quel est le lien entre le spectre sous licence et la discussion qui nous occupe aujourd'hui au sujet de Rogers et de Shaw?
    C'est exactement le rôle qu'assume le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie. Il examine la partie de la transaction qui concerne le transfert des licences d'utilisation du spectre.
    Shaw possède un certain nombre de licences de spectre qu'elle voulait initialement transférer à Rogers. Le ministre a refusé le transfert de ces licences. Encore une fois, l'explication et les raisons ont été publiées. Maintenant, le ministre est saisi d'une transaction révisée, dans le cadre de laquelle Shaw veut transférer son spectre sous licence à Vidéotron.
    Ce sont les quatre éléments que le ministre de l'ISI examine en ce moment.
    Sa décision porte sur le transfert du spectre sous licence. Je tiens à préciser pour les personnes qui nous écoutent que sa décision ne concerne pas l'approbation de la fusion. Ce n'est pas de son ressort.
    Est‑ce exact?
    C'est exact. Les questions de concurrence relèvent de nos collègues du Bureau de la concurrence et du commissaire à la concurrence.
    Merci.
    Si le Bureau de la concurrence veut ajouter quelque chose, je l'encourage à le faire.
    Je dirais que nous avons soulevé cette affaire. Nous avons mené une enquête exhaustive. Nous avons constaté que la fusion proposée entre Rogers et Shaw était susceptible de réduire considérablement la concurrence en Alberta et en Colombie-Britannique.
    Nous avons ensuite examiné le dessaisissement des actifs de Freedom. Nous l'avons évalué selon nos procédures et lignes directrices habituelles en ce qui concerne l'évaluation des recours en vertu de la Loi sur la concurrence. Nous avons conclu que le dessaisissement des actifs de Freedom ne permettait pas d'aborder l'ampleur et la portée de la diminution substantielle de la concurrence qui résulterait de la fusion. C'est pourquoi nous avons porté l'affaire devant le Tribunal.
    Nous avons perdu notre cause au Tribunal et à la Cour d'appel fédérale, si bien que notre processus est maintenant terminé en ce qui concerne cette fusion.
    Merci de ces remarques.
    Si je peux revenir à M. Dagenais et à la question du spectre sous licence, nous devons présumer qu'il existe des critères très précis. En fait, je pense que vous y avez fait allusion dans la façon dont vous jugez vos évaluations sur les transferts de spectre.
    Quel est le fondement de cette décision exactement? Quels critères le ministre examinera‑t‑il?
    Nous avons un cadre de transfert du spectre. C'est un document qui a été publié en 2013 ou 2014, à la suite de consultations publiques. Il énumère quels sont les objectifs du cadre de transfert ainsi que les critères.
    Il y a essentiellement huit facteurs précis qui peuvent être pertinents dans l'évaluation d'ISDE. Le premier est le nombre actuel de licences détenues par le demandeur et ses affiliés dans la zone autorisée.
    Le deuxième est la répartition globale des titulaires de licences et la bande de fréquences des licences et la bande de fréquences des services mobiles commerciaux dans cette zone.
    Le troisième est les services actuels ou futurs à fournir et les technologies disponibles.
    Le quatrième est la disponibilité d'un autre spectre ayant des propriétés similaires, car tous les spectres n'ont pas les mêmes propriétés.
    Le cinquième est l'utilité relative et la capacité de substitution du spectre sous licence.
    Le sixième est le degré auquel les demandeurs et leurs affiliés ont déployé des réseaux et la capacité de ces réseaux. Il s'agit de savoir si les personnes à qui le spectre est transféré ont la capacité de l'utiliser et de servir les Canadiens.
    Le septième est les caractéristiques de la région, notamment le statut urbain et rural, le niveau de population, car on n'a pas besoin d'autant de spectre si on ne dessert pas autant de personnes. La densité de la population est importante.
    Le huitième est tout autre facteur pertinent à l'objectif stratégique qui pourrait découler du transfert de licence ou du transfert éventuel.
    Ces facteurs s'inscrivent dans un cadre réglementaire qui s'inspire de la Loi sur la radiocommunication et la Loi sur les télécommunications.
(1120)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Dagenais.

[Traduction]

    Monsieur le président, reste‑t‑il du temps?
    Il reste 15 secondes, ce qui est insuffisant pour poser une autre question. Merci, monsieur Fillmore. Nous allons nous arrêter ici.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à M. Lemire pour six minutes.
    Monsieur le président, d'entrée de jeu, j'aimerais rectifier une chose. Selon ce qui a été diffusé dans les médias le 13 janvier par La Presse canadienne, tous les partis au sein du Comité permanent de l'industrie et de la technologie auraient accepté de convoquer cette réunion pour examiner la transaction. C'est faux.
    Vous en conviendrez, je m'y étais opposé. En effet, j'éprouvais un profond malaise à l'idée de tenir cette séance, aujourd'hui, en raison notamment d'éléments qui ont été soulignés par le Tribunal de la concurrence, en l'occurence le projet Fox. De plus, j'ai l'impression que notre comité est utilisé de façon à servir davantage les intérêts des lobbyistes que ceux du public, surtout quand je lis ceci:

[Traduction]

    « L'examen du procès du Bureau de la concurrence au nouveau comité façonne le discours. »

[Français]

    Nous sommes utilisés de façon stratégique par le lobby de Telus, visiblement en concordance avec Bell et d'autres partenaires, et j'éprouve un profond malaise à cet égard. J'ai nommé ces choses en sous-comité et je tenais à le dire publiquement aujourd'hui.
    Cela dit, je pense qu'il faut quand même aller de l'avant et apporter un élément constructif à la journée d'aujourd'hui. Il s'agit d'une transaction que nous, membres du Comité, avions étudiée sous sa première forme et dont nous avions conjointement rejeté la première entente. De plus, le Tribunal de la concurrence a rendu hier une décision qui confirmait notre position. Cela porte à croire que notre travail est pertinent.
    Dans ce contexte, la partie touchant le sans-fil est ce qui représentait une préoccupation. Le rachat par Québecor permettait donc d'amener cet autre acteur, en l'occurrence un quatrième dans le marché canadien. Je constate que les politiques publiques sur la concurrence ont permis, dans le cas de cette acquisition, un dénouement acceptable pour les entreprises Shaw, Rogers et Québecor Média. Je crois que nos recommandations ont été entendues et que l'accent a été mis sur l'accessibilité et l'abordabilité dès le départ. Cela a donné le ton à des réflexions et à des discussions qui ont eu lieu entre différentes entreprises au cours des derniers mois.
    Nous avons étudié l'entente entre Shaw et Rogers, et je pense que la présente entente, entre Shaw, Rogers et Québecor, est bien meilleure pour les consommateurs.
    Pour ceux qui ont suivi de près ce dossier et qui ont lu la décision d'hier du Tribunal de la concurrence, le paragraphe 1 est très révélateur. Un dicton bien connu au sein de la communauté du droit de la concurrence veut que, lorsque des concurrents formulent des plaintes à l'égard d'une fusion, c'est souvent un bon indice que la fusion favorisera la concurrence. Les documents qui ont été produits ont entre autres révélé les stratégies de Telus au moyen de son projet Fox.
    J'aimerais poser la question suivante à Mme Pratt, sous-commissaire au Bureau de la concurrence.
    Les parlementaires ont généralement appris l'existence du projet Fox par le truchement des médias le 14 novembre. Tous les titres des articles de journaux parlaient d'une tentative de la part de Telus de saper la vente de Freedom Mobile à Vidéotron.
    Vous, du Bureau de la concurrence, qui étiez présents aux audiences, que pensez-vous du projet Fox, des acteurs impliqués et de leur stratégie? Est-ce le genre de concurrence que vous êtes prêts à appuyer?
    Je vais vous répondre en anglais, si vous le voulez bien, parce que je dois utiliser des termes techniques.

[Traduction]

    Lorsque des concurrents viennent nous voir dans le cadre d'enquêtes, nous sommes sceptiques. Nous examinons les preuves. Nous examinons les documents sous-jacents. Nous examinons les incitatifs et la capacité de soutenir la concurrence. Nous avons un certain degré de scepticisme lorsque nous avons affaire à des concurrents titulaires sur le marché.
    Dans ce cas particulier, nous pensions que la transaction Rogers-Shaw avait entraîné une diminution substantielle de la concurrence, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire. Notre préoccupation ne concernait pas Vidéotron. Elle concernait les actifs dont Vidéotron disposera pour soutenir la concurrence par rapport à ce que Shaw avait pour soutenir la concurrence auparavant. En vertu de notre bulletin sur les mesures correctives, nous ne pensions tout simplement pas que ces actifs étaient suffisants pour remédier à la diminution substantielle de la concurrence causée par le retrait de Shaw.
(1125)

[Français]

    Pourquoi vous entêtez-vous à maintenir le cap sur l'entente initiale entre Shaw et Rogers plutôt que d'adhérer à l'idée du transfert des licences de spectres d'utilisation de Shaw vers Rogers relativement à l'acquisition proposée de Freedom Mobile par Vidéotron?
    Selon moi, votre rôle en est un d'arbitre, et il est essentiel. Cependant, cela nous donne l'impression que vous avez décidé de prendre la rondelle sur la patinoire et de la rapporter dans l'autre zone pour la donner aux membres du collectif du projet Fox.
    Par cette utilisation, je pense que vous avez débordé votre cadre et que vous avez adopté une stratégie qui consistait à allonger les délais.
    Pourquoi avez-vous ignoré l'acquisition de Freedom Mobile par Vidéotron dans les poursuites que vous avez faites?

[Traduction]

    C'est notre cadre. La façon dont nous l'examinons est conforme au cadre de la Loi sur la concurrence.
    Nous avons évalué la transaction Rogers-Shaw. Notre enquête a déterminé que la transaction elle-même allait diminuer sensiblement la concurrence. Nous avons déposé une demande auprès du tribunal en mai 2022. Il n'y avait pas de projet d'acquisition par Vidéotron au moment où nous avons lancé la requête. Ce dessaisissement et tous les accords ont été mis au jour en août, trois mois après que nous avons déposé leur demande. Nous l'avons évalué comme une mesure corrective. C'est ainsi que les parties nous l'ont proposé. Nous l'avons évalué comme une mesure corrective pour remédier aux effets anticoncurrentiels de la transaction Rogers-Shaw. C'est ce que nous avons fait.
    Au final, le tribunal n'était pas d'accord avec nous. Il a estimé que nous ne devions pas l'évaluer en tant que mesure corrective, qu'il s'agissait d'une nouvelle transaction à partir d'août 2022, si bien qu'il a fini par ne pas être d'accord avec nous.

[Français]

     On a donc perdu un peu de temps en raison des tribunaux.
    Mon temps est écoulé, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lemire.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier les témoins d'être parmi nous.
    Tout d'abord, j'aimerais offrir mes excuses à M. Lemire. C'était mon commentaire sur la Presse Canadienne, et j'ai oublié d'en dissocier le Bloc. Je lui offre mes excuses. Nous en avons discuté. Je tiens à ce que les choses soient claires. Comme nous l'avons constaté, il est parfaitement capable de parler pour lui-même.
    Pour en venir rapidement au sujet qui nous occupe, le Canada a décidé depuis 1993 de déréglementer son secteur des télécommunications à bien des égards. Les premiers ministres et les ministres de l'Industrie qui se sont succédé ont lancé un certain nombre d'initiatives différentes qui nous ont conduits à la situation actuelle. La liste des personnages est longue et très bipartisane.
    Mon premier commentaire s'adressera à M. Dagenais.
    J'aimerais que vous me disiez comment vous pensez que ce ministre va s'y prendre pour y arriver, étant donné la situation actuelle. Qu'est‑ce qui la rend différente présentement? Si l'on remonte à Mulroney, Chrétien, Martin, Trudeau, Harper, puis à toute une série de ministres de l'Industrie que j'ai rencontrés et avec lesquels j'ai travaillé au fil des ans, de Maxime Bernier à David Emerson — conservateur et libéral respectivement —, les politiques demeurent.
    Comment peut‑on rectifier cela? Quelle est la différence entre la situation actuelle et le chemin qui nous a menés jusqu'ici?
    La politique du gouvernement en matière de télécommunications est guidée par trois objectifs politiques fondamentaux, la concurrence étant le principe sous-jacent. Ces objectifs sont la qualité, la couverture et le prix. Plus particulièrement, on croit que les Canadiens devraient bénéficier de services suffisamment rapides pour soutenir les applications modernes émergentes, qui sont largement disponibles là où ils vivent et travaillent, et ce, à des prix raisonnables et abordables.
    Si, dans l'ensemble, il y a certainement encore du travail à faire du côté des prix, il convient de noter qu'en matière de réseaux de haute qualité, la performance du Canada demeure extraordinairement solide. Elle dépasse d'ailleurs celle de l'OCDE. En ce qui concerne la couverture, la couverture 4G est à peu près la même que la moyenne européenne, et la couverture 5G est supérieure à celle de l'Union européenne. Quant aux prix, ils sont plus élevés que dans les pays comparables. Tel que noté, le gouvernement a clairement dit qu'il y a encore du pain sur la planche.
    Il y a encore du pain sur la planche, soit, mais qu'est‑ce qui est différent cette fois‑ci? Parlons du spectre. Quelle proportion du spectre a été revendue dans notre industrie au profit de ceux qui avaient acheté le spectre original? Je pense qu'on a atteint une facture de 30 milliards de dollars pour le spectre, ou presque. Quelle proportion du spectre a été revendue?
    Nous pourrions même utiliser Vidéotron comme exemple. Quelle proportion de son spectre l'entreprise a‑t‑elle revendue? Quel type de profit l'entreprise a‑t‑elle réalisé en revendant le spectre, qui est un bien public?
(1130)
    Je n'ai pas ces chiffres, mais je pourrais les obtenir. C'est un montant relativement faible par rapport à la quantité de spectre qui a été mise aux enchères.
    Est‑il juste de dire, cependant, qu'on laisse des personnes et des entreprises acheter notre spectre lors d'une vente aux enchères, qui le revendent ensuite à profit?
    Lorsqu'on vend un spectre sous forme de spectre réservé, la vente est assortie de conditions selon lesquelles l'acheteur est tenu de ne pas revendre ce spectre pendant un certain nombre d'années. Nous faisons cela pour éviter l'arbitrage, mais aussi pour diverses autres raisons.
    Dans ces cas‑là, le spectre serait vendu après l'expiration des dispositions.
    Seriez-vous d'accord pour dire, cependant, que le fait de ne pas utiliser le spectre ou de le garder sur une tablette pendant une longue période affecte la concurrence?
    Nous nous sommes penchés sur la question de la non-utilisation du spectre. Les deux dernières ventes aux enchères et celle qui aura lieu cette année sont assorties des conditions de déploiement les plus strictes que nous ayons jamais fixées. Ceux qui ont récemment acheté du spectre et qui en achèteront le font pour le déployer, car il sera retiré autrement.
    On parle donc d'un simple retrait. Sont-ils réellement mis à l'amende ou pénalisés? Cela leur fait‑il perdre une partie de leurs ressources économiques? Si on n'utilise pas le spectre, cela affecte non seulement la concurrence, mais aussi l'économie canadienne et les autres entreprises qui ont besoin d'un accès à Internet haute vitesse et d'un bon service.
    Quelles sont les pénalités prévues? Si je ne m'abuse, ISDE peut prolonger la période de non-utilisation du spectre de son propre chef sans soumettre la chose au Parlement. Est‑ce exact?
    À titre de régulateur, nous travaillons de concert avec l'industrie réglementée afin qu'elle se conforme aux règles. C'est notre première approche. On veut que l'industrie réglementée se conforme aux règles, et c'est donc par là qu'on commence. On commence par cela avant de retirer le spectre. Nous avons déjà effectué des retraits, mais nous aimons travailler conjointement avec les industries réglementées.
    Il n'y a pas de pénalités, cela dit.
    Il pourrait y en avoir. Si vous avez déboursé des milliards de dollars pour un spectre et qu'on vous le retire, je dirais que c'est un peu une pénalité.
    Combien d'argent le gouvernement a‑t‑il gardé du spectre? Remboursez-vous l'argent à la vente aux enchères?
    Nous n'avons pas retiré le spectre qui a été mis aux enchères récemment. Les détenteurs respectent encore les jalons. Lorsqu'on met le spectre aux enchères, la vente est assortie de conditions de déploiement. Ces dernières sont assez strictes, mais elles sont appliquées après les jalons de 5, 10 et 20 ans. À l'heure actuelle, nous n'avons connaissance d'aucune vente aux enchères récente de spectre où le détenteur du spectre ne respecte pas ses conditions de déploiement.
    Il y a eu de nombreux cas où le spectre n'a pas été utilisé au maximum de son potentiel. Il n'y a aucun doute à cet égard. Quel est le montant des amendes que le gouvernement a imposées aux personnes et aux entreprises qui ont obtenu du spectre? Combien d'argent a été conservé de ce spectre qui n'a pas été utilisé? On sait que le spectre n'a pas été utilisé.
    La question n'est pas de savoir si on utilise le spectre à son plein potentiel, mais plutôt de savoir si les conditions de déploiement sont respectées ou non. Ce que je dis, c'est que les conditions de déploiement...
    À combien se sont élevées les amendes du gouvernement lorsque les conditions n'ont pas été respectées?
    Les conditions sont respectées.
    Dites-vous, monsieur, que les conditions du spectre actuelles sont pleinement respectées?
    En ce qui concerne les récentes ventes aux enchères que nous avons examinées — la vente aux enchères de 600 mégahertz et celle de 3 500 mégahertz —, les conditions de déploiement imposées aux personnes qui ont acheté le spectre sont présentement respectées.
    Qu'en est‑il des ventes aux enchères précédentes?
    Nous avons retiré du spectre d'anciens détenteurs. Nous avons retiré des licences.
    Lorsque vous retirez le spectre, quelle amende imposez-vous à ces organisations et à ces entreprises? Il s'agit de biens publics, alors si...
    Je comprends. Je vais devoir vous revenir là‑dessus, mais nous avons retiré du spectre.
    Merci beaucoup, monsieur Masse. C'est tout le temps dont vous disposiez.
    Monsieur Dagenais, n'hésitez pas à transmettre ces informations au Comité par l'entremise du greffier.

[Français]

     Je cède maintenant la parole aux conservateurs.
    Monsieur Williams, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    La concurrence aide les Canadiens en leur permettant d'avoir du choix, des prix plus bas et un meilleur service. Le dessaisissement de Freedom Mobile crée un précédent alarmant, à mon avis, car Rogers, qui détient la plus grande part du marché des télécommunications au Canada, a été autorisé à choisir librement son quatrième concurrent, Vidéotron, sans l'approbation du Bureau de la concurrence.
    Madame Pratt et monsieur Durocher, vous avez parlé des recours en matière de fusion qui sont en place pour approuver une telle chose. Je vais citer le paragraphe 57, qui va comme suit:
En plus d'approuver les mesures correctives proposées, le Bureau doit approuver l'acheteur des éléments d'actif dessaisis pour s'assurer que ceux‑ci seront exploités par un concurrent dynamique et que le dessaisissement n'entraîne pas un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence...
    Est‑ce que cela a été fait?
(1135)
    Normalement, nous menons notre enquête, et cela nous renseigne sur la portée des effets anticoncurrentiels sur lesquels nous devons nous pencher. Dans ce cas précis, nous avons procédé à une enquête exhaustive. Nous avons relevé l'ampleur et la portée de ces effets anticoncurrentiels, et nous en avons fait part aux parties concernées afin de faciliter un règlement. Nous leur disons quel est le problème et quelle est son ampleur par rapport à un règlement possible, et elles nous proposent une solution qui sera sujette à évaluation.
    Nous évaluons cette solution en fonction du bulletin sur les mesures correctives que vous venez de citer. Lors de l'évaluation, nous nous demandons quels sont les actifs, l'ensemble des mesures que le nouvel acheteur devra prendre pour faire face à la concurrence et si elles sont suffisantes pour lui permettre de faire face à la concurrence sur un pied d'égalité avec l'entreprise vendue. Dans ce cas précis, c'était ce qui nous préoccupait avec les mesures correctives proposées.
    Si on se fie au libellé de ce document, le Bureau doit approuver l'acheteur des éléments d'actif dessaisis. Avez-vous approuvé l'acheteur?
    Non. Nous n'avons pas approuvé les mesures correctives proposées, ce qui inclut l'acheteur.
    Pensez-vous que le Tribunal a su répondre adéquatement à vos préoccupations?
    Je crois que notre position est claire: les mesures auraient dû être évaluées en tant que recours selon notre cadre réglementaire.
    Les mesures correctives proposées nous préoccupaient à certains égards. Nous nous inquiétions entre autres du fait qu'il n'y avait pas suffisamment d'actifs dessaisis avec Freedom pour leur permettre de concurrencer Shaw sur un pied d'égalité. Ils n'avaient pas les actifs nécessaires, ce qui était essentiel.
    Nous nous inquiétions également des arrangements contractuels entrepris avec Rogers. Nous voulons généralement veiller à ce qu'un nouveau concurrent dispose des actifs et de l'indépendance d'un concurrent nécessaires pour ce qui est des fondements en matière d'approvisionnement.
    Vous n'avez pas donné votre accord. Y a‑t‑il eu une autre fusion de cette taille au Canada pour laquelle les parties concernées ont ignoré le processus de mesures correctives ou votre approbation?
    En tant qu'organisme d'application de la loi, notre travail consiste à enquêter. S'il décèle un problème insoluble, le commissaire doit faire appel au Tribunal de la concurrence. Voilà comment nous procédons. Notre travail consiste à enquêter et à déterminer s'il est possible de négocier un règlement, qui devient une ordonnance du Tribunal en vertu de l'article 105 de la Loi sur la concurrence.
    Les parties concernées ont tenté de négocier avec nous. Nous n'avons pas réussi à nous entendre en raison de nos préoccupations soulevées lors de notre évaluation effectuée conformément au bulletin des mesures correctives, alors nous avons déposé une demande devant le Tribunal de la concurrence. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec l'évaluation du Tribunal de la concurrence, mais en tant qu'organisme d'application de la loi, nous devons porter notre cause devant les tribunaux.
    Étiez-vous au courant que d'autres compétiteurs, d'autres acheteurs, cherchaient à acheter Freedom Mobile?
    Oui. À l'époque, avant notre demande — et cela figure à la fois dans notre avis de demande et dans les documents relatifs à l'injonction que nous avons déposés devant le Tribunal —, nous avons évalué quelques propositions de mesures correctives conformément à notre guide en la matière. À nouveau, ce qui nous préoccupait, avec ces propositions, c'était l'ensemble des actifs.
    Si vous aviez eu l'occasion d'octroyer plus de conseils pour parvenir à une solution, auriez-vous exploré d'autres compétiteurs comme option de recours, ou n'envisagez-vous que le compétiteur concerné?
    Nous évaluerons ce que nous donnent les parties concernées pour la négociation d'un règlement, mais une partie de cette évaluation... Si les actifs sont là et que nous pensons qu'il y a une activité opérationnelle viable qui passera le test SLC, nous entamons une évaluation de l'acheteur.
    Les problèmes de concurrence de l'acheteur font partie de nos critères. Nous n'approuverions pas l'achat d'un concurrent si nous pensions que cela allait également générer des effets anticoncurrentiels. Nous tenons compte de cela lorsque nous évaluons l'acheteur.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Lapointe pendant cinq minutes.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Mes questions s'adresseront aux représentants du Bureau de la concurrence.
    Vous avez été transparents, à la fois dans vos actions et dans vos paroles; selon vous, cette fusion nuira aux consommateurs. Vous avez dit avoir mené une enquête exhaustive pour en arriver à cette conclusion.
    À ce propos, j'aimerais que vous nous disiez aujourd'hui quelles seront les répercussions de cette fusion sur les collectivités rurales au Canada selon vous. Plus précisément, quelles seront les répercussions de cette fusion sur les collectivités rurales en matière de concurrence, de service, de choix et même d'accès équitable au service?
(1140)
    Nous ne nous sommes pas attardés à cet enjeu précis, parce que nous nous sommes plutôt penchés sur les répercussions générales sur tous les consommateurs. Nous nous préoccupions de l'ensemble des consommateurs.
    Cette affaire a été portée devant le Tribunal de la concurrence. Ce que je peux vous dire, c'est que nous nous sommes penchés sur les répercussions sur différents déciles et tranches de revenu. Cela faisait partie de notre évaluation des effets anticoncurrentiels de la transaction. Nous avons examiné les effets que cette fusion aurait sur le décile inférieur des contribuables, et c'est la preuve que nous avons présentée au Tribunal.
    Que démontrait la preuve?
    Je pense que de notre point de vue, elle indiquait qu'il y aurait un effet disproportionné sur les Canadiens à faible revenu. Nous avons examiné le transfert de richesse découlant de cette transaction; nous cherchions à savoir qui allait sortir perdant et gagnant. Pour ce faire, nous avons examiné les données de Statistique Canada et demandé à des experts d'évaluer cette question, et nous avons présenté ces preuves au Tribunal. Nous avons non seulement constaté qu'il y aurait des répercussions sur les consommateurs, mais aussi que le transfert de richesse affecterait de façon disproportionnée les Canadiens à faible revenu.
    Vous avez aussi dit avoir entendu plus de 7 000 témoins dans le cadre de votre enquête. Pouvez-vous nous dire si des thèmes communs sont ressortis du témoignage de ces témoins?
    Nous avons reçu 7 800 commentaires de la part des Canadiens. Nous les avons tous lus et évalués — pas nécessairement pour les opinions qu'ils contiennent, mais plutôt pour les faits qui y sont présentés — afin de connaître le point de vue des Canadiens sur l'incidence de cette transaction. C'est ce que nous voulions savoir.
    Nous avons examiné chacun de ces 7 800 commentaires afin d'en dégager les faits et les données probantes qui pourraient être utiles aux fins de notre étude.
    Avez-vous pu dégager des tendances ou cibler les préoccupations de ces 7 800 Canadiens?
    Il faudrait que je fasse des vérifications pour vous dire combien d'entre eux étaient pour ou contre la fusion. Toutefois, je peux vous dire que la majorité des consommateurs étaient préoccupés par cette proposition de transaction.
    Comme la décision finale au sujet de la fusion revient au ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie, pouvez-vous nous dire quel est le point le plus important à prendre en compte au sujet des consommateurs qui seraient les plus touchés ou les plus vulnérables en ce qui a trait à la fusion?
    Je peux vous en parler en fonction de notre cadre.
    En vertu de la Loi sur la concurrence, nous cherchons à savoir s'il y a atteinte au processus concurrentiel. Nous croyons que les consommateurs tirent profit du processus concurrentiel puisqu'ils bénéficient de prix plus bas, d'une plus grande innovation et d'une meilleure qualité. Nous ne nous centrons pas nécessairement sur le consommateur, mais plutôt sur l'incidence de la transaction sur le processus concurrentiel, qui donne lieu à des avantages pour le consommateur.
    Nous examinons la question selon un autre angle. Nous cherchons à savoir si la fusion accroîtra le pouvoir de la société acheteuse et donnera lieu à une augmentation des prix et à une diminution de la qualité ou de l'innovation.

[Français]

     Merci beaucoup, madame Lapointe. Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes trente secondes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Pratt, vous avez mentionné, tantôt, que d'autres offres pourraient permettre de faire l'acquisition de Shaw et Rogers. Je reviens encore au Projet Fox. Il est mentionné ceci:

[Traduction]

    « Annonce d'une entente de partage entre Telus et Globative sur le réseau et le spectre pour mousser l'offre d'achat de Freedom Mobile par Globative. »

[Français]

    Considérez-vous qu'une offre de Globalive, appuyée par le réseau de TELUS, aurait eu des actifs assez solides? En effet, c'est à cet égard que vous critiquiez la vente à Vidéotron.
(1145)
    Je ne pense pas que nous ayons évalué une telle entente.

[Traduction]

    Il s'agissait d'une évaluation des parties qui nous présentaient un ensemble d'actifs. Elles ont réalisé un processus de vente afin d'évaluer les soumissionnaires. Elles nous ont présenté les résultats de ce processus et nous avons évalué ce qui avait été négocié en vertu du bulletin d'information.

[Français]

    À mon avis, si un acteur est porté par un des trois grands acteurs actuels, cela ne favorisera pas la concurrence.
    Je suis aussi d'accord sur ce qu'a mentionné M. Schaan, à savoir que les fournisseurs de services de télécommunications peuvent faire mieux. Je crois que nous avons déjà étudié des pistes de solutions en comité et que nous pourrions refaire cet exercice de façon objective afin de déterminer comment on peut apporter des améliorations et changer les façons de faire pour accélérer la réduction des prix.
    Ma question s'adresse à M. Dagenais.
    Êtes-vous satisfait des politiques publiques actuellement mises en place en matière de concurrence, particulièrement en ce qui concerne les effets à long terme que pourrait avoir une telle entente? Vous avez imposé des conditions, comme celle d'avoir un exploitant à long terme qui s'engage sur plus de 10 ans et qui pourra offrir des services sans fil en Ontario et dans l'Ouest canadien à des prix comparables à ceux qu'on offre au Québec, qui sont d'environ 20 % inférieurs à ceux du reste du Canada. C'est une condition que Vidéotron a déclarée acceptable.
    Êtes-vous persuadé qu'un quatrième acteur peut enfin s'établir de façon fiable, viable et durable grâce aux politiques publiques que vous avez mises en place?
     Malheureusement, comme je l'ai dit auparavant, la question s'aventure dans la transaction entre Shaw et Vidéotron. Je ne peux donc pas me permettre de commentaire à ce sujet.
    Je sais que c'est peut-être frustrant, mais c'est une décision qui revient au ministre.
    De façon objective, croyez-vous que les politiques publiques que vous avez mises en place permettent la présence d'un quatrième acteur et que ce dernier peut s'établir de façon fiable, viable et durable?
    Je pense que nous avons mis en place un bon nombre de politiques publiques favorisant la concurrence, comme celles qui concernent les enchères.
    M. Schaan pourra compléter la réponse à propos des politiques, comme celles visant à encourager la concurrence, qui sont davantage de son ressort.
    Je pense que c'est important de noter les améliorations apportées aux politiques concernant les télécommunications au Canada et leur augmentation.
    Au cours des dernières années, le gouvernement a ajouté de nombreux aspects à ce programme.

[Traduction]

    Cela comprend non seulement le maintien des marchés réservés et de certaines des conditions strictes relatives à la rupture de stock associées à nos licences, mais certaines obligations importantes du CRTC. Nous avons travaillé à l'établissement du prix associé à une réduction de 25 %, ce qui a permis de réduire les prix jusqu'à maintenant, selon la ligne de base que nous avons établie. La nouvelle orientation de la politique du CRTC se veut complémentaire, puisqu'elle permet de veiller à ce que nous tenions compte de l'ensemble du cadre pour la concurrence afin d'atteindre ces objectifs.
    Nous croyons qu'il faut en faire plus, mais il s'agit d'un bon début. Je pense notamment à la politique sur la tarification du spectre et à la nouvelle orientation de la politique qui nous permettra d'atteindre ces résultats.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Masse, qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Voilà où nous en sommes. Bell a acheté MTS, Telus a acheté Public Mobile, Rogers a acheté Fido et Shaw a acheté Wind Mobile. Et maintenant, Distributel et Bell vont fusionner. Je ne sais pas si l'on peut parler de folie ici, puisqu'on fait la même chose encore et encore, mais on n'est certainement pas en train d'accroître la concurrence.
    Madame Pratt, ce qui me préoccupe avec la façon de procéder à la vente aux enchères du spectre, c'est que... Permettez-moi de vous donner un exemple: Québecor a eu recours à une clause d'exclusion pour acheter le spectre pour les régions rurales de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique pour ensuite attendre avant de le revendre et de faire un profit de 331 millions de dollars.
    Ma question est la suivante: est‑ce qu'une telle évolution des politiques relatives au spectre est une bonne ou une mauvaise chose pour les consommateurs et la concurrence? Je ne vois pas comment notre façon de faire pourrait accroître la concurrence. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Nous examinons et évaluons chaque transaction en fonction de notre cadre. Le spectre est l'un des actifs utilisés aux fins de la concurrence dans ces types de marchés, mais nous réalisons un examen holistique des dynamiques du marché et de l'incidence de certaines fusions, de même que des effets anticoncurrentiels qui pourraient en émaner.
    Le spectre est un élément pris en compte dans le cadre de nos examens. Je n'ai pas d'opinion à ce sujet.
(1150)
    D'accord, mais est‑ce qu'il a pour effet de réduire ou d'accroître la concurrence? Si nous permettons aux particuliers ou aux sociétés de réserver le spectre pour ensuite le revendre à grand profit et refiler la facture aux consommateurs, est‑ce que nous présentons un modèle de concurrence avantageux? Ne devrions-nous pas avoir des politiques plus strictes en ce qui a trait au spectre, pour qu'il soit vendu plus rapidement et que l'on tienne compte de son prix d'origine?
    Je demanderais à mon collègue, M. Durocher, de répondre à la question. Mon rôle consiste uniquement à examiner les transactions de fusion.
    Vous en faites un peu plus que cela.
    L'incidence de chaque acquisition de spectre et de la façon de l'utiliser est propre à chaque cas.
    De façon plus générale, en dehors de l'examen des fusions, le Bureau de la concurrence a aussi un mandat de défense des droits: nous travaillons avec les organismes de réglementation pour faire la promotion de certaines règles et certains règlements pour accroître la concurrence au sein de l'économie. Dans le secteur des télécommunications, le CRTC et nous sommes très présents et nous favorisons la mise en oeuvre de recommandations qui encouragent la concurrence, et nous avons l'intention de continuer en ce sens.
    D'accord.
    Très rapidement, est‑ce que les lois actuelles du Bureau de la concurrence sont adaptées au marché d'aujourd'hui et vous permettent de prendre les mesures nécessaires pour favoriser la concurrence au Canada, ou est‑ce qu'elles doivent être modernisées ou adaptées à celles de nos partenaires commerciaux?
    Merci, monsieur le président.
    Je crois que nous avons exprimé clairement — tout comme le commissaire — qu'il est important de revoir et de moderniser la Loi sur la concurrence. Il est très encourageant de voir que le processus a été enclenché. Les premières modifications ont été mises en œuvre en juin dernier, et le ministre a lancé une vaste consultation auprès des Canadiens afin de déterminer de quelle façon les lois du pays en matière de concurrence pouvaient être améliorées.
    Il s'agit là d'un processus très important. Le Bureau de la concurrence est déterminé à prendre part à ce processus et à communiquer les améliorations qu'il souhaiterait apporter à la Loi. Nous prévoyons de publier notre mémoire en temps et lieu sur le sujet, et sur notre cadre d'examen des fusions.

[Français]

    Monsieur Durocher, madame Pratt, monsieur Dagenais, monsieur Schaan, je vous remercie de votre présence pendant la première heure de la réunion à ce sujet.
    Sans plus tarder, je vais suspendre brièvement la séance, afin de laisser la chance à nos prochains témoins de s'installer.
    La séance est suspendue.
(1150)

(1200)
    Bonjour à nouveau, chers collègues.
    Nous allons maintenant entamer la deuxième heure de témoignages et de questions.
    Au cours de cette deuxième heure, nous accueillons, à titre personnel, Mme Jennifer Quaid, professeure agrégée et vice-doyenne à la recherche, Section de droit civil, de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Elle est présente, ici, à Ottawa.
    Nous accueillons également Mme Vass Bednar, directrice exécutive du programme de maîtrise en politique publique dans la société numérique à l'Université McMaster. Elle se joint à nous par vidéoconférence.
    Nous accueillons aussi M. Keldon Bester, cofondateur de Projet canadien anti-monopole, ainsi que M. Bryan Keating, vice-président exécutif de Compass Lexecon.
    Je remercie tous les témoins de leur participation.
    Sans plus tarder, je donne la parole à Mme Bednar, pour cinq minutes.

[Traduction]

    Mesdames et messieurs les membres du Comité permanent de l'industrie et de la technologie, chers collègues, mesdames et messieurs les membres du public à la maison, bonjour.
    Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Vass Bedbnar. Je suis la directrice exécutive du programme de maîtrise en politique publique dans la société numérique à l'Université McMaster. Je suis également associée pour le Forum des politiques publiques et agrégée supérieure au CIGI. Je rédige aussi le bulletin intitulé « Regs to Riches ». Bien que je ne sois pas avocate ou économiste, et que je sois heureuse de renvoyer les questions techniques ou juridiques à mes collègues qui ont une plus grande expertise en ce sens, je fais partie de ceux qui aident à dresser le portrait général de la concurrence pour les Canadiens.
    Je ne sais pas ce que je pourrais vous dire de plus au sujet de la fusion digne d'un téléroman entre Rogers et Shaw que vous ne savez pas déjà. Pour le commun des mortels, ce processus est devenu confus. Les commentaires dans les médias sociaux amalgament souvent la décision du tribunal et l'ambition du Bureau, mais ce n'est pas un problème insurmontable. Cela étant dit, il s'agit de la plus importante fusion de l'histoire des télécommunications canadiennes. Elle affecte des millions de Canadiens et les services essentiels qu'ils reçoivent.
    L'une de mes réflexions qui vaut la peine d'être partagée a trait aux milliers de Canadiens — ils sont 7 800, à ce qu'on nous dit — qui ont pris le temps de faire entendre leur voix dans le cadre de ce processus, bien qu'elle soit malencontreusement dirigée à l'endroit du tribunal. Je me demande si c'est parce qu'il n'y a pas eu de consultation officielle des Canadiens à titre de complément aux procédures stratégiques. On pourrait faire valoir que le ministre a le devoir public d'échanger de manière plus approfondie avec les Canadiens au sujet de la fusion et de sa dynamique, à chaque étape, surtout en ce qui a trait aux attentes et aux responsabilités pour la suite. Un tel échange n'a pas eu lieu. Par conséquent, les gens qui ont voulu discuter de la question n'ont pas eu le média approprié pour le faire.
    Vers qui doivent se tourner ces gens qui ont exprimé leur opinion et qui suivent les hauts et les bas de ce téléroman au sujet d'une fusion importante et excitante pour obtenir des comptes? À quels mécanismes peuvent-ils avoir recours pour tenir responsables Rogers et Shaw des revendications qu'elles ont faites, ou pour tenir Québecor responsable de remplir ses promesses ou de répondre aux attentes de la population à l'égard d'un fournisseur de services sans fil? Même les promesses gratuites faites par Vidéotron ne sont pas applicables, comme vous l'avez entendu plus tôt. De plus, Vidéotron n'a fait aucune promesse au sujet de la protection des emplois, de la connectivité dans les régions rurales ou dans les collectivités autochtones ou des investissements en R‑D. Qu'est‑ce que cela signifie pour l'Ouest du Canada?
    Nous avons une occasion à saisir au Canada: la population canadienne s'intéresse avec raison à l'amélioration de la concurrence au pays et veut comprendre nos antécédents en matière de regroupement d'entreprises. Les gens en ont assez de payer trop cher pour des services Internet et sans fil. Le sujet de la concurrence a été abordé dans de nombreuses chroniques à CBC Radio, dans une enquête de Marketplace, dans diverses lettres d'opinion du conseil de rédaction du Globe and Mail, dans une série radiophonique de Canadaland et dans d'innombrables mèmes Internet.
    Oui, les gens se préoccupent grandement des résultats de cette fusion proposée. Si les taux augmentent, quels seront leurs recours? On vous a peut-être déjà posé la question dans les lettres que vous avez reçues.
    À cette étape‑ci, j'encouragerais tous les partis à songer à des interventions stratégiques complémentaires dans le cadre des consultations actuelles sur l'avenir de la politique sur la concurrence au Canada. Il ne faut pas oublier que la question est très technique et abstraite pour la plupart des gens. Même les interventions simples peuvent avoir une grande incidence. Je pense notamment à la désignation des marques secondes, comme on le fait aux États-Unis, pour aider les gens à comprendre le contexte de la concurrence. Nous avons besoin d'un gradualisme radical en matière de concurrence au Canada et d'une approche pangouvernementale; nous n'avons pas besoin d'une mince marge de manœuvre dans un contexte politique délicat à titre de prix de consolation.
    Certains ont demandé une plus grande concurrence publique dans le domaine des télécommunications pour l'avenir. Nous avons peut-être aussi besoin de songer aux avantages d'un infonuage de propriété publique ou d'avoir une conversation au sujet de la présence ou du besoin d'un plus grand concurrent canadien dans le domaine des satellites en orbite basse, puisque Télésat est sur le point de faire faillite. De plus, le CRTC devrait peut-être étudier les questions où la concurrence et les télécommunications se recoupent. Pourquoi a‑t‑il uniquement compétence sur la radiodiffusion? L'application quotidienne des lois sur la concurrence devrait aussi être plus ouverte.
    Enfin, cette fusion représente une occasion historique pour le Canada de prendre la concurrence plus au sérieux et de mieux gérer ces processus. Je suis très heureuse d'être ici pour en discuter avec vous, même si j'ai l'impression de participer à une réflexion post-mortem.
    Et maintenant, quelles sont les prochaines étapes?
    Merci.
(1205)
    Merci beaucoup.
    Madame Quaid, vous avez la parole.

[Français]

    Honorables membres du Comité, je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui. Je m'appelle Jennifer Quaid, et je suis professeure agrégée et vice-doyenne à la recherche à la Section de droit civil de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
    Ce n'est pas la première fois que je comparais devant le Comité. C'est avec plaisir que j'aborderai à nouveau des questions liées au droit de la concurrence et à notre politique en matière de concurrence dans le contexte de ce qui est survenu dans l'évaluation de la transaction entre Shaw et Rogers.
    J'ai lu les décisions, que j'ai justement près de moi — c'est une habitude que j'ai prise en tant que juriste. Je n'entends pas vraiment discuter du contenu des décisions, à moins que vous ayez des questions précises, parce que le jugement a été rendu.
    Je crois qu'un des malaises actuels, c'est qu'il y a la perception du public et de bien des gens — le Bureau de la concurrence a aussi donné son avis —, et que nous ne sommes pas d'accord sur l'évaluation de la preuve qu'a faite le tribunal et des questions juridiques à la Cour d'appel fédérale. Cependant, en droit, une fois que le tribunal s'est prononcé, ce qu'il a trouvé devient la vérité. On peut être en désaccord sur la décision du tribunal, mais ce dernier explique de manière très claire et détaillée pourquoi et comment il est arrivé à ces conclusions. On peut être en désaccord, mais, personnellement, je m'intéresse beaucoup plus à l'avenir et à la façon dont nous devons réagir.
    Ce sont les éléments que je vais aborder aujourd'hui.

[Traduction]

    J'aimerais faire valoir trois points. Je vais tenter d'être le plus bref possible. Je sais que j'ai la réputation de parler très longuement. C'est à cause de la professeure en moi. J'aborde aussi d'autres sujets avec plaisir.
    Premièrement, j'aimerais parler du contexte de la fusion entre Rogers et Shaw, et de la réflexion que nous devrions avoir au sujet de l'examen des fusions au Canada.
    Ensuite, je crois que ce qui vient de se passer a été une prise de conscience au sujet de l'organe décisionnel dont nous avons besoin en matière de concurrence. On parle depuis longtemps du bon modèle et du bon tribunal... Sans rien enlever aux membres du tribunal, qui sont dévoués et qui font un travail important, je crois qu'il est temps de se demander si nous avons en place le bon organe décisionnel.
    Troisièmement, je crois qu'il faut se poser une question importante — surtout dans le contexte de la fusion entre Rogers et Shaw, mais dans d'autres contextes également — lorsque la concurrence interagit avec une sphère réglementée, et que nous devons assurer la cohérence entre ces diverses branches du gouvernement. Dans ce cas, d'autres personnes qui en savent beaucoup plus que moi au sujet des télécommunications... Je ne suis pas une experte du domaine des télécommunications, je tiens à le dire tout de suite, mais vous entendrez un expert en la matière cet après-midi: Ben Klass. On juge inquiétant que ces deux secteurs administratifs ne se parlent pas. Ils ne fonctionnent pas bien. Je crois que vous devriez vous en inquiéter également.
    Pour revenir à mon premier point, que signifie la fusion entre Rogers et Shaw pour l'examen des fusionnements? Je ne vais pas vous donner un cours de base sur ce genre d'examen, à moins que vous ne me le demandiez, mais il faut comprendre qu'au Canada, nous n'approuvons habituellement pas les fusions. Selon le processus en place, le Bureau est avisé des fusions d'une certaine importance par l'entremise d'un préavis. Certaines transactions sont inférieures à ce seuil.
    De nombreuses transactions sont signalées au Bureau. La plupart du temps, il fait valoir que ces transactions ne semblent pas problématiques et que les sociétés peuvent procéder. Il ne s'agit toutefois pas d'une approbation. Le Bureau dit simplement qu'il ne s'oppose pas à la transaction. Parfois, les choses se corsent un peu et il faut passer par un processus plus rigoureux. Le Bureau peut demander plus de renseignements. Il peut émettre ce qu'on appelle une demande de renseignements, dans le but de mieux comprendre la transaction. C'est souvent le signe de préoccupations plus grandes.
    Il est important d'en tenir compte lorsqu'on parle de ce qui s'est passé avec Rogers et Shaw, et d'une proposition de recours plus tard. Tout au long du processus de préavis, il est possible de parvenir à un règlement, et c'est ce qui se passe la plupart du temps. Ce règlement est évidemment convenu par les deux parties. Encore une fois, le Bureau fera valoir qu'il est satisfait des changements qui ont été apportés et des mesures qui seront prises — qu'il s'agisse d'un désinvestissement ou d'autres engagements — et qu'il ne s'opposera pas à la transaction. Toutefois, un petit nombre de cas — et ils sont très peu nombreux — feront l'objet d'une contestation devant le tribunal. Il est important de le réitérer parce que la presse le rapporte souvent de manière erronée.
(1210)
     Le Tribunal n'approuve pas les fusions. Le commissaire présente une demande au Tribunal pour faire état de ses préoccupations au sujet de la fusion et pour indiquer qu'une ordonnance du Tribunal est de mise pour y remédier. Il s'agit donc d'une demande d'ordonnance en vue de régler de graves inquiétudes relatives à la concurrence. Les préoccupations doivent être assez considérables pour déclencher le processus devant le Tribunal.
    Sans entrer dans les détails, ce qui compte — et, à mon avis, il est important de ne pas perdre de vue cet aspect pour comprendre pourquoi il y a eu toute cette agitation autour de la question de savoir si nous avons examiné la transaction initiale ou la transaction modifiée —, c'est que la proposition d'une mesure corrective dans le contexte de la procédure contestée n'est pas quelque chose qui s'est déjà produit; c'est donc une nouvelle question. Le Tribunal n'y a pas vu de problème et a déclaré qu'au bout du compte, la charge de la preuve n'avait pas vraiment d'importance. Le Tribunal estimait que la preuve existait déjà de toute manière. C'était néanmoins une modification de la façon normale de faire les choses. Je pense qu'à l'avenir, nous devons nous demander si c'est vraiment ainsi que nous voulons procéder.
    Je vais vous dire quelles sont mes préoccupations, et je serai heureuse d'en discuter plus en détail.
    Premièrement, nous sommes en train de créer un processus qui incite les parties à attendre que le processus soit plus avancé avant de proposer des mesures correctives. C'est important du point de vue de l'intérêt public, car le commissaire n'invente pas, du jour au lendemain, une demande aux termes de l'article 92. Cela prend des mois de préparation. En l'occurrence, les faits montrent qu'aucune entente avec Vidéotron n'avait été conclue avant juin. On a obtenu des documents à ce moment‑là, puis il a fallu attendre jusqu'en août avant de recevoir les documents complets.
    Je crois qu'il ne faut pas oublier un point, et vous devez le savoir si vous avez consulté la décision du Tribunal: le niveau de détail requis pour prouver un effet anticoncurrentiel exige une analyse économétrique approfondie et beaucoup de renseignements. Si vous avez seulement l'impression qu'il existe une entente, ce n'est pas suffisant pour que le commissaire prépare un dossier. Il faudra prouver des choses en s'appuyant sur des éléments de preuve détaillés. Il faut savoir quels sont les chiffres liés à la mesure corrective. On doit connaître les conditions de la transaction pour en évaluer les effets. Lorsque ces renseignements arrivent tard dans le processus, cela rend la tâche difficile.
    Je vais être claire à ce sujet. Sur le plan des faits, le Tribunal a dit qu'il n'y avait pas de préjudice dans cette affaire. Le commissaire n'a subi aucun préjudice. À mon avis, il ne faut pas trop s'attendre à ce que les organismes d'application de la loi agissent rapidement, mais je crois que c'est en partie la raison pour laquelle ils ne sont pas allés plus loin.
    Je dirai que la Cour d'appel fédérale reconnaît qu'il est possible que les mesures correctives proposées après le dépôt d'une contestation puissent être une source d'abus ou puissent poser problème, mais elle ne souhaite pas se pencher sur les conditions pour le moment parce qu'elle n'est pas vraiment saisie d'un cas concret. De l'avis de la cour, cela n'aurait rien changé en l'occurrence. On peut comprendre cela, mais je pense qu'à l'avenir, nous ne devrions pas nous contenter d'être passifs et de nous en tenir à la décision Rogers. Dans quelles conditions serions-nous prêts à dire que la modification d'une entente ne nous pose pas de problème et qu'il est peut-être acceptable d'examiner une mesure corrective au moment même de la fusion?
    J'ai quelques réserves, et je vais vous dire pourquoi. Conformément à notre droit des sociétés et à notre système économique, les entreprises n'ont pas à prendre en compte l'intérêt public. Elles ne sont pas obligées de le faire. Elles ont tout à fait le droit de tenir compte de leur propre intérêt de maximisation des profits, et elles sont absolument libres de le faire. Dans un tel contexte, nous devons nous montrer un peu prudents avant de dire que nous allons simplement permettre l'ajout de mesures correctives qui sont proposées unilatéralement et que nous allons les analyser après coup. Je vous laisse y réfléchir.
    Je vais aborder très brièvement mes deux autres arguments, qui portent sur le processus du Tribunal. Je ne me souviens plus si je l'ai déjà dit, mais je pense qu'il s'agit d'un processus lourd. Le Tribunal fonctionne à l'instar d'une cour de justice, sauf qu'il se veut une entité experte. Je vous invite à examiner les différents types d'expertise généralement utilisés par le Tribunal et à vous demander si, selon vous, cela correspond à l'intérêt public en matière de concurrence.
    Dans la plupart des cas, l'expertise se situe dans le domaine des affaires et de l'économie. La question est de savoir s'il existe d'autres points de vue pertinents pour les questions de concurrence qui surgissent et si nous devrions peut-être veiller à ce qu'ils soient mieux représentés au sein du Tribunal. Honnêtement, quand on a parlé d'accélérer le processus, alors que le Tribunal disposait déjà d'un processus accéléré... Je vais utiliser une métaphore. Imaginez un éléphant qui court. Le processus du Tribunal est lourd. Il y a des limites à ce qu'on peut faire pour accélérer un processus judiciaire. Examinons donc d'autres modèles qui sont plus rapides.
    Enfin — et il s'agit vraiment d'une très brève observation sur la cohérence de la réglementation —, je pense qu'au moment d'envisager la réforme de la concurrence, nous devrions examiner comment la concurrence est liée à d'autres domaines de réglementation. Dans le cas qui nous occupe — et, n'étant pas une experte en la matière, je m'en remets à ceux qui le sont —, il est clair qu'il existe certaines contradictions entre la réglementation des télécommunications et la réglementation de la concurrence, et je pense que cela devrait vous préoccuper.
(1215)
     Je vais m'arrêter ici. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Français]

     Je peux répondre en français aussi, selon votre préférence.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, madame Quaid, et bon retour parmi nous. Votre point de vue est toujours très intéressant. En fait, j'ai oublié l'heure. Je serai beaucoup moins indulgent avec mes collègues que je ne l'ai été avec vous, car c'était très intéressant.
    Nous allons maintenant entendre M. Bester. Vous avez cinq minutes.
    Je remercie infiniment le Comité de m'avoir invité à parler de ce sujet important.
     Je m'appelle Keldon Bester. Je suis cofondateur du Projet canadien anti-monopole et chercheur au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale. Dans le passé, j'ai travaillé comme conseiller spécial au Bureau de la concurrence et comme agrégé de recherches à l'Open Markets Institute, aux États-Unis.
    Je tiens à préciser d'emblée que Globalive Capital, qui a tout intérêt à bloquer cette transaction et que vous entendrez plus tard aujourd'hui, appuie financièrement le Projet canadien anti-monopole. Sachez toutefois que nous maintenons une stricte indépendance éditoriale dans nos positions en matière de politiques.
    Je voudrais commencer par revenir sur les conclusions formulées par votre comité en mars 2022. Ce sont des conclusions qui, selon moi, demeurent pertinentes aujourd'hui. Votre comité a établi, à juste titre, que la transaction Rogers-Shaw ne devrait pas avoir lieu, mais que si elle se concrétisait, le gouvernement devrait utiliser tous les outils dont il dispose pour obliger les parties à tenir les promesses qu'elles ont faites aux Canadiens. Votre comité a également souligné que la loi qui a rendu cette fusion possible — la Loi sur la concurrence — devrait être révisée immédiatement.
    Pour ce qui est de la situation actuelle et des prochaines étapes éventuelles, j'aimerais souligner trois points.
    Premièrement, bien qu'il soit tout à fait possible que Vidéotron reproduise sa performance concurrentielle au Québec et dans l'Est de l'Ontario, nous devrions placer la barre plus haut que les résultats de la concurrence actuellement présente au Québec. Le gouvernement devrait demander au CRTC de surveiller si Vidéotron fait le nécessaire pour devenir une concurrente perturbatrice, conformément à ses aspirations.
    Deuxièmement, si nous ne profitons pas de l'examen continu de la Loi sur la concurrence pour réformer les faibles lois canadiennes régissant les fusions, il se peut fort bien que nous nous retrouvions dans la même situation — voire dans une situation plus extrême — dans un proche avenir, car les sociétés continueront de se servir des fusions et des acquisitions pour réduire la concurrence et asseoir leur domination. Il y a lieu d'envisager deux modifications à cet égard: la présomption d'illégalité des fusions et des acquisitions effectuées par des sociétés qui dominent le marché, seules ou conjointement, et une préférence explicite pour les blocages catégoriques, comme l'a fait le commissaire, au lieu d'opter pour des mesures correctives risquées sur le plan structurel ou comportemental.
    Enfin, le cadre stratégique canadien des télécommunications ne peut pas demeurer stagnant alors que le marché subit ce genre de changement structurel. Le gouvernement devrait donner suite à l'orientation stratégique proposée pour le CRTC et lui demander de revoir son cadre pour appuyer la concurrence dans le secteur du sans-fil à la lumière de cette transaction, en plus d'envisager un modèle d'exploitant de réseau mobile virtuel, ou ERMV, à part entière.
    En raison de l'approche adoptée par les parties à la fusion et acceptée par le Tribunal de la concurrence, les Canadiens disposent de peu d'options pour obliger les parties à maintenir la concurrence sur le marché canadien du sans-fil. Tout ce qui reste maintenant, c'est l'approbation, par le ministre, du transfert des actifs du spectre et les conditions qu'il attache à ce transfert.
    Après la publication de la décision du tribunal à la fin décembre, le Projet canadien anti-monopole a écrit que le ministre avait la possibilité de renforcer les conditions qu'il avait énoncées dans sa déclaration d'octobre. Celles‑ci pourraient inclure des repères tarifaires plus dynamiques fondés sur ceux de pairs internationaux, un échéancier pour atteindre ces repères et les conséquences d'un manquement, dont l'instauration éventuelle d'un modèle ERMV.
    Les entrepreneurs qui bâtissent des entreprises prospères ont droit aux récompenses de leur dur labeur, mais ces récompenses ne devraient pas se faire au détriment de marchés concurrentiels pour les Canadiens. Le résultat final d'un système qui met autant l'accent sur les fusions est la monopolisation accrue des marchés qui sont essentiels pour les Canadiens, réduisant ainsi la concurrence alors que nous devrions l'accroître.
    Un des rôles d'une politique efficace en matière de concurrence est de limiter les options de sortie qui renforcent le pouvoir monopolistique des sociétés en place. La concentration ne fait qu'engendrer plus de concentration. Une loi sur la concurrence efficace, un organisme d'application doté de ressources suffisantes et la vigilance de représentants élus comme vous sont nécessaires pour empêcher ce glissement vers le monopole.
    Le Comité a fait un travail important en étudiant cette question et en la faisant connaître au grand public. J'espère que le Comité saisira ce qui pourrait être sa dernière occasion d'insister sur les mesures nécessaires pour protéger les intérêts des Canadiens.
    Je vous remercie de votre temps, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
(1220)
    Merci beaucoup, monsieur Bester.
    Nous allons maintenant entendre M. Keating, qui dispose de cinq minutes.
     Bonjour à tous. Je tiens à remercier le président et les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Bryan Keating. Je suis économiste chez Compass Lexecon, une société d'experts-conseils en matière d'économie mondiale.
    Par souci de transparence, sachez que nos services ont été retenus par Rogers tout au long du processus réglementaire, et les observations que je ferai aujourd'hui sont fondées sur l'analyse que nous avons effectuée dans le cadre de ce processus.
    J'aimerais discuter de la transaction du point de vue de l'économie.
    Pour éviter tout doute, lorsque je parle de la transaction, je fais allusion à ses deux composantes: le transfert des actifs filaires de Shaw à Rogers et le transfert des actifs sans fil de Freedom à Vidéotron. Je parle donc de la transaction qui est actuellement à l'étude, et non de la transaction initiale.
    Mes collègues et moi participons à l'évaluation de cette transaction sous diverses formes depuis maintenant près de deux ans. Dans le cadre de cet examen, nous avons étudié des milliers de pages de documents et plusieurs téraoctets de données. Nos conclusions sur l'effet concurrentiel de la transaction s'appuient sur cette analyse.
    Pour moi, il est clair que si vous défendez les consommateurs et la concurrence, vous serez forcément en faveur de cette transaction. Je vais vous expliquer pourquoi.
    Du point de vue d'un économiste, une fusion devient préoccupante lorsqu'elle réduit la concurrence, lorsqu'elle élimine un concurrent. Ce n'est pas le cas ici. Il n'y aura aucune réduction du nombre de concurrents dans une province donnée, qu'il s'agisse des services filaires ou des services sans fil.
    La transaction créera d'énormes avantages grâce aux économies d'échelle et aux économies de gamme. À vrai dire, les seules parties qui en souffriront sont les concurrents potentiels de Rogers et de Vidéotron, car ils devront se livrer une concurrence plus féroce. C'est bon pour les consommateurs et pour la concurrence.
    La conclusion selon laquelle la fusion ne nuira pas à la concurrence est partagée par deux organismes indépendants, comme nous l'avons déjà entendu aujourd'hui.
    En décembre, le Tribunal de la concurrence, après un mois d'audiences au cours desquelles il a entendu des dizaines de témoins et examiné des milliers de pages de documents, a conclu que la transaction ne réduirait pas considérablement la concurrence, mais qu'elle l'intensifierait plutôt. Hier encore, nous avons entendu la Cour d'appel fédérale, qui a confirmé la décision du tribunal et a déclaré que, du point de vue de la concurrence, il n'y avait pas de problème.
    J'aimerais vous expliquer un peu pourquoi nous sommes arrivés à cette conclusion.
    Dans le cas des services filaires, même le commissaire à la concurrence n'a pas contesté la transaction. Les réseaux filaires de Shaw et de Rogers ne se chevauchent pas du tout. En fait, en combinant le tout, Rogers bénéficiera des économies d'échelle attribuables à une plus grande zone de couverture. Nous voyons déjà les avantages de cette concurrence dans les réactions de Bell et de Telus à l'annonce de la transaction et au processus. Bell et Telus ont annoncé des milliards de dollars d'investissements dans leurs propres réseaux, en partie en réponse aux résultats prévus de ce processus de fusion.
    En ce qui concerne les services sans fil, c'est‑à‑dire la combinaison des services de Vidéotron et de Freedom, je pense qu'il est juste de dire que la transaction aidera à atteindre un objectif stratégique de longue date au Canada, soit celui de créer un quatrième concurrent national — ou, du moins, d'envergure nationale. Le réseau de Vidéotron couvrira près de 90 % de la population canadienne après cette transaction. Comme je l'ai dit, la création d'un quatrième concurrent solide favorisera la concurrence et permettra d'atteindre un objectif que l'on vise depuis longtemps au Canada.
    Comme pour les services filaires, il n'y aura aucune réduction du nombre de concurrents, et ce, dans aucune des provinces. On continuera d'avoir quatre concurrents dans chaque province. La transaction aura pour effet de réaffecter les actifs de Shaw: ainsi, les services filaires iront à Rogers et les services sans fil, à Vidéotron. Ces deux sociétés concurrentes sont bien placées pour utiliser ces actifs afin de renforcer la concurrence.
     J'aimerais dire quelques mots sur Vidéotron, car je pense qu'il y a eu beaucoup de questions et de discussions sur les différents candidats potentiels au dessaisissement.
    D'un point de vue économique, Vidéotron est bien placée pour soutenir la concurrence de façon énergique. Elle a tout intérêt à le faire. Je pense que, dans le contexte du Québec, Vidéotron s'est avérée une concurrente vigoureuse. Les prix au Québec sont plutôt modérés par rapport à ceux du reste du Canada. Vidéotron possède également d'importants éléments d'actif qu'elle met à profit. Le plus important, c'est qu'elle a récemment obtenu une licence pour un spectre de 3,5 gigahertz. La combinaison de ce spectre avec celui de Freedom permet d'utiliser efficacement une ressource rare et précieuse. Nous avons déjà entendu des questions sur la façon dont les entreprises utilisent le spectre qu'elles ont obtenu sous licence.
(1225)
    Cette transaction est une façon pour Vidéotron de déployer rapidement son spectre de 3,5 gigahertz dans un réseau 5G, ce qui pourrait lui donner un réseau de très grande qualité. Elle crée également beaucoup de capacité pour le réseau de Vidéotron. Étant donné le nombre d'abonnés qu'elle a par rapport à l'amplitude du spectre qu'elle détient et des autres actifs réseau dont elle disposera, Vidéotron sera en mesure de fournir des services de haute qualité. Cela l'incite fortement à se montrer très compétitive et à travailler de façon très énergique à sa croissance et au démarchage de nouveaux abonnés, ce qui est un plus pour la concurrence.
    Nous avons entendu des questions sur les engagements de Vidéotron et sur le caractère exécutoire de ces derniers. D'un point de vue économique, notre analyse ne se fonde pas sur ces engagements. Elle s'appuie sur la capacité qu'a Vidéotron de livrer une concurrence farouche et sur ce qui l'incite à le faire.
    J'ai deux autres observations à formuler au sujet de Vidéotron.
    Nous avons déjà entendu des questions sur la dépendance de Vidéotron à l'égard de divers accords conclus avec Rogers. Il est important de noter qu'en créant un réseau qui s'étend presque à l'échelle du pays pour Vidéotron, cette transaction réduira de façon considérable la dépendance de cette société à l'égard des autres fournisseurs. L'itinérance est un aspect essentiel du service de réseau sans fil. Présentement, comme Vidéotron est basée au Québec, elle doit compter sur des ententes d'itinérance avec d'autres fournisseurs pour fournir un service à ses clients à l'extérieur du Québec. En créant un réseau national et international, Vidéotron réduit en fait sa dépendance à l'égard des autres réseaux, ce qui est un élément important de la concurrence.
    La dernière chose que je dirai au sujet de Vidéotron, c'est qu'en augmentant son échelle, elle a le potentiel d'aller chercher d'autres avantages en ce qui concerne la négociation de combinés, l'équipement de réseau et l'itinérance internationale. Pour toutes ces raisons, Vidéotron a une occasion en or de réduire ses coûts par rapport à ceux qui s'appliquent aujourd'hui, et on peut s'attendre à ce que ces économies soient répercutées sur les consommateurs sous diverses formes d'avantages.
    Nous avons préparé un mémoire à l'intention du Comité, qui contient plus de détails à ce sujet, mais je vais m'arrêter là. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant amorcer la discussion, en commençant par le député Vis, pour six minutes.
    Je suis désolé. Ce sera M. Williams.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Keating, je vous remercie de vos observations.
    En ce qui concerne le dessaisissement dans son ensemble, si l'on regarde ce qui est arrivé, Rogers, qui détient la plus grande part du marché des services sans fil au Canada, était le seul responsable, et non Shaw, de l'examen et du choix de son quatrième concurrent, Vidéotron. L'entreprise elle-même cherchait à acheter Shaw et elle était la seule entité à faire des démarches pour choisir son concurrent.
    S'agit‑il selon vous d'un processus équitable?
    Je suppose que ce que je regarde, c'est le résultat du processus, c'est‑à‑dire que Vidéotron est l'acheteur de la cession. À mon avis, Vidéotron est l'entreprise la mieux placée au Canada pour acquérir les actifs du réseau de Freedom. Il est important de regarder le résultat. Je comprends qu'il y ait des questions sur le processus. Je comprends également qu'au moins deux autres acheteurs potentiels ont été proposés à un moment donné. Je comprends...
    Je vais poser une autre question.
    Monsieur Bester, vous représentez l'une des autres sociétés.
    L'offre de Globalive, par exemple, qui était de presque 1 milliard de dollars de plus pour l'actif, n'a pas été incluse. Croyez-vous que le processus aux termes duquel Rogers, le détenteur de la première part de marché, a choisi son quatrième concurrent était un processus équitable?
    Je pense qu'il y a un problème avec le processus et, encore une fois, nous revenons au résultat. Comme je ne suis pas satisfait, je m’adresse au Bureau de la concurrence. Or, ce dernier préfère négocier des ententes de consentement, chose qu’il fait beaucoup plus souvent que de recourir aux tribunaux.
    Pour moi, le fait que le bureau n'accepte pas Vidéotron comme acheteur de recours est un signal d'alarme. Tout concurrent qui dépend d'un autre concurrent pour des éléments clés de son plan d'expansion ou pour ses propres capacités sur le plan de la concurrence est à risque. Cela vaut pour les entreprises autres que Vidéotron, y compris pour ce que propose Globalive. Le processus...
(1230)
    Je suis désolé, mais je n'ai pas énormément de temps. Je vous remercie beaucoup. Ce que vous dites est sensé.
    Madame Quaid, vous avez dit que cette remise en question du bureau à l'égard du recours proposé est quelque chose de nouveau. Un précédent a été créé lorsque Rogers a rejeté le recours et est allé de l’avant avec le marché, et bien sûr par ce qui est arrivé au bureau.
    Pourquoi est‑ce nouveau? Est‑il à ce point important qu'un précédent soit créé dans ce processus?
    Ce qui est nouveau, c'est qu’il n’est jamais arrivé que la modification substantielle d'un marché soit contestée en vertu de l'article 92. Il arrive que des modifications soient apportées à des marchés, mais elles ont tendance à se produire plus tôt dans le processus.
    Comme la plupart des fusions, la fusion Rogers-Shaw devait être annoncée en amont de manière à ce que le bureau soit informé du fait que cette transaction allait se produire, et c'est à ce moment‑là qu’il aurait fallu dire... Tout groupe de participants à une fusion qui sait ce qu'il fait a examiné ledit marché afin d'établir s’il est problématique sur le plan de la concurrence, et il s’est probablement muni de solutions toutes prêtes qu’il entend faire valoir dès que le commissaire émettra des réserves. Ils diront: « Nous avons pensé à cela, alors pourquoi ne pas faire ceci? ». Voilà comment les choses fonctionnent.
    Ce qui est inhabituel ici, c'est que ce n'est que lorsque le commissaire a finalement déposé une demande aux termes de l'article 92 que la perspective d'une vente à Vidéotron qui était à l'arrière-plan depuis longtemps, mais dont Rogers disait ne pas vouloir... Ils ont d'abord essayé de vendre à des capitaux privés. Je n'étais pas dans le secret des dieux et je n'étais pas au courant de ces conversations. Je ne sais pas ce qui a été dit et ce que l'on savait, mais il est assez clair, du point de vue du commissaire, que le fait d’avoir à se préparer à contester une fusion qui a été soudainement modifiée de façon radicale... c'est une grande différence.
    Ce qui n'avait pas été décidé par le tribunal, c'est si nous pouvions changer l'ordre habituel des étapes et dire qu'il faut d'abord établir s'il y a un problème de concurrence, et ensuite s'il y a une solution. Comme c'est toujours le cas dans les litiges, celui qui affirme est tenu de prouver. Par conséquent, si la société Rogers dit que c'est la bonne solution, c'est à elle qu'il incombe de prouver que cette solution répond à l'ensemble des préoccupations sur le plan de la concurrence.
    Dans ce cas, la question que je vous poserais est la suivante: quel conseil donneriez-vous au ministre en ce moment? Le ministre a le pouvoir de transférer les licences de Rogers. Quel conseil donneriez-vous au Comité pour qu'il le transmette au ministre en ce moment?
    C'est une question difficile, parce que le pouvoir du ministre est discrétionnaire. Il n'est pas assujetti au processus qui encadre la concurrence et, d'une certaine façon, c'est un peu un accident étant donné que les télécommunications sont une industrie réglementée. S'il s'agissait d'une fusion dans une autre industrie, le processus s'arrêterait là; il n'y aurait pas d'autre étape. C'est la nature de la réglementation des télécommunications au pays qui explique cet état de fait.
    Indépendamment de ce que je pense de la fusion et de ses mérites, je m'inquiète de l'utilisation de ce pouvoir discrétionnaire comme moyen d'atteindre un objectif qu'on a tenté d'atteindre par un processus judiciaire approprié. Je pense que la crainte d'une ingérence politique a de quoi inquiéter, et le ministre doit trouver comment il peut obtenir l'assurance que ces conditions seront respectées.
    Pour revenir sur ce que vous avez dit, vous avez beaucoup parlé de l'absence de divulgation publique. Le ministre va demander l'avis du public à ce sujet. Diriez-vous que le ministre devrait examiner ce processus afin d'en tirer la leçon qui s'impose, c'est‑à‑dire la nécessité d'examiner les failles qui existent actuellement dans la Loi sur la concurrence, de corriger ces failles et de revoir ce processus?
    Il y a une consultation en cours sur la réforme de la concurrence, et j'espère que les Canadiens qui ont réagi de quelque façon que ce soit à ce qui s'est passé avec Shaw prennent part à cette consultation, car leurs contributions sont des points de données supplémentaires.
    Merci beaucoup.
    J'ai une dernière question et elle s'adresse à Mme Bednar.
    À l'heure actuelle, êtes-vous à l'aise avec l'avenir de la concurrence au Canada compte tenu du précédent qui a été établi?
     Je suis à l'aise avec le fait que nous ayons un précédent qui nous incitera à revoir nos lois, avec l'idée de ratisser large et d'aller au‑delà des suspects habituels. Je suis à l'aise avec le fait que nous nous assurions que l'avenir du droit de la concurrence au Canada ne soit pas façonné uniquement par des avocats et des économistes qui peuvent être rémunérés pour exploiter les faiblesses de la loi et entretenir la faiblesse du Canada. Je dois rester optimiste, sans cela je ne pourrais pas œuvrer dans le domaine des politiques publiques.
    Ce sont de sages paroles pour nous tous. Je vous remercie.
    Nous entendrons maintenant le député Dong, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence.
    Madame Quaid, c'est toujours un plaisir de vous voir. J'ai écouté très attentivement ce que vous aviez à dire, et j'aurai une question à vous poser plus tard.
    Pour l'instant, je vais m'adresser à M. Bester. Vous avez révélé la relation qui existe entre Projet canadien anti-monopole et Globalive. Êtes-vous au courant d'une quelconque relation de parrainage entre Globalive et l'une des principales sociétés de télécommunications?
    Non, je ne le crois pas.
    Y a‑t‑il une quelconque relation de travail avec Rogers, Shaw, Bell ou Telus?
    Je crois effectivement que les plans d'expansion de Globalive vont nécessiter un accord de partage de réseau avec Telus, et je pense que c'est une vraie question pour moi. Encore une fois, cela semble être le genre de dépendance qui nous inquiète aussi à propos de Vidéotron.
(1235)
    Cela a‑t‑il une incidence sur votre point de vue ou votre position, en particulier en ce qui concerne cette fusion?
    Mon point de vue est que la solution Globalive n'est pas vraiment une solution miracle. Je pense que la fusion ne devrait pas avoir lieu, et que nous vivons dans une sorte de monde de second choix. Quoi qu'il advienne, et comme je l'ai dit en commençant, j'aimerais que le ministre essaie d'utiliser les outils dont il dispose pour favoriser le résultat qu'il choisira comme étant le plus apte à procurer des avantages aux Canadiens.
    Selon vous, si le ministre rejette le transfert pour compléter la fusion, est‑ce que Telus et Bell, les principaux concurrents, profiteront de cette décision?
    Cela dépend. Shaw suscite toujours des questions. Je les ai vus comme une source sérieuse de concurrence dans l'Ouest, alors je crois que Telus, Bell et Rogers — la base de l'oligopole — ont intérêt à maintenir cette structure sous quelque forme que ce soit. Je pense que le rejet de la fusion permettrait à Shaw de rester pertinente, quelle que soit la forme qu'elle continuera d'avoir. Elle serait une force contre n'importe lequel des trois grands avec lesquels elle interagit.
    En parlant de Shaw, ma prochaine question s'adresse à Mme Bednar et à M. Keating.
    D'après votre expérience, si le gouvernement ou le ministre devait rejeter la fusion, que pensez-vous qu'il arrivera à Shaw? Aussi, quelle incidence croyez-vous que cette décision aura sur la concurrence dans le secteur des télécommunications au Canada?
    Nous allons commencer par M. Keating.
    Écoutez, nous venons de passer par un processus rigoureux qui a conclu que cette fusion, ce marché — y compris la cession à Vidéotron —, est bonne pour la concurrence. Si le ministre ne transférait pas les licences d'utilisation du spectre, vous perdriez les avantages que cette transaction peut vous procurer. Il s'agit d'un coût réel pour l'économie et les consommateurs canadiens.
    Pour ce qui est de savoir ce que Shaw ferait si cette transaction n'avait pas lieu, il serait probablement préférable de poser la question aux représentants de Shaw qui seront là cet après-midi. Je ne vais pas spéculer sur leurs plans de rechange, mais si la transaction est bloquée, je pense que vous risquez de perdre les avantages concrets qui en découleraient.
    Allez‑y, madame Bednar.
    C'est une réflexion intéressante. J'aimerais souligner ce que nous avons entendu au sujet de la concurrence rigoureuse que nous prévoyons dans cet espace et des possibilités d'innovation. Je me demande dans quelle mesure les entreprises de télécommunications ont été innovatrices au Canada au fil du temps, alors qu'en réalité, ce dont elles ont bénéficié, ce sont des progrès dans les produits et services qu'elles offrent aux Canadiens par l'intermédiaire de l'infrastructure physique qu'elles ont construite. Est‑ce de l'innovation si, au fil du temps, vous fournissez une ligne téléphonique, puis un câble de télévision, puis l'Internet par ligne commutée, puis l'Internet sans fil, puis un téléphone cellulaire à une maison familiale, et qu'ensuite tout le monde a un téléphone cellulaire? C'est en grande partie grâce à cela que ces entreprises ont pu croître et récompenser leurs actionnaires.
    Qu'arriverait‑il à Shaw? Eh bien, peut-être que ces entreprises ont épuisé tous les avantages qui leur permettaient de progresser sans trop d'efforts et qu'elles faisaient passer pour de l'innovation.
    Je vais revenir à vous, monsieur Keating. Vous avez parlé des avantages pour Vidéotron et des avantages qu'en retireront les consommateurs. Vous avez parlé des avantages que cette fusion représente pour Shaw.
    Rogers n'est‑elle pas celle qui profitera le plus de toute cette fusion? J'ai remarqué que vous n'avez pas parlé de la façon dont Rogers bénéficierait de ce marché. Dans mon esprit — et c'est ce que mes échanges avec les gens de ma circonscription m'ont confirmé —, Rogers sera celle qui profitera le plus de cette fusion, si elle a lieu.
    Rogers veut procéder à cette transaction parce qu'elle s'attend à en tirer profit, bien sûr, et je pense que ce qu'il est important de retenir et de garder à l'esprit, c'est que l'aspect filaire occupe une place très importante dans ce marché. Les services filaires représentent une grande partie des activités de Shaw. C'est cette partie de Shaw que Rogers acquiert.
    Je pense que Rogers bénéficiera assurément de l'acquisition des actifs filaires de Shaw, mais elle en bénéficiera au même titre que les consommateurs et les...
    Je voulais simplement m'assurer d'avoir vu juste, parce qu'il semble que tout le monde profite de ce marché, mais il est évident que Rogers en profitera aussi beaucoup.
    Madame Quaid, si le ministre décide de rejeter le transfert, il ira à l'encontre de la décision du tribunal. D'après votre expérience, cela s'est‑il produit dans le passé? Y a‑t‑il un précédent?
(1240)
    Vous posez une question dont je ne connais pas directement la réponse, en ce sens que je ne suis pas une experte en matière de télécommunications. Je ne peux pas vous dire combien de fois le ministre a été appelé à exercer son pouvoir discrétionnaire dans le cadre de l'attribution des licences d'utilisation du spectre, alors qu'on se demandait s'il allait le faire.
    Du point de vue d'une avocate ou d'une personne qui étudie la loi, je dirais que l'on espérerait probablement éviter de voir un ministre prendre une décision au sujet d'un incident, parce que la licence d'utilisation du spectre n'est pas la totalité de la transaction. On prendrait une décision à ce sujet afin de parvenir indirectement à une conclusion à laquelle l'organe décisionnel dûment constitué n'arriverait pas. Cela m'inquiète, car cela ressemblera à une ingérence politique ou à un moyen de contourner le problème.
    Comme je l'ai indiqué, il s'agit d'un fait curieux ou, si vous voulez, d'une particularité liée au fait que nous exerçons nos activités dans le secteur des télécommunications et non au sein d'une autre industrie, où la décision d'une cour d'appel aurait mis fin à l'affaire. Cependant, je pense que le ministre a le droit d'affirmer qu'il souhaite examiner toutes les conséquences des attributions et comprendre exactement ce qu'elles supposent, parce que lorsqu'il s'est exprimé en octobre, le tribunal n'avait pas rendu sa décision. Nous ne savions pas comment les choses se passaient, et il a fait part de certaines de ses attentes. Cependant, je suppose que, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, il pourrait peut-être étoffer ces conditions ou insister pour que des mécanismes de responsabilisation soient mis en place, en consultant les bonnes personnes et en obtenant les informations dont il a besoin.
    Le tribunal reconnaît également que ces conditions ne sont pas légalement exécutoires. Honnêtement, je m'inquiète que des engagements de ce genre aient été pris dans le passé. Je pense que chacun d'entre vous se souvient probablement de moments où des engagements ont été pris de bonne foi. Nous avons déclaré que nous garderions notre siège social à tel ou tel endroit, ou que nous garderions des usines ouvertes au Canada. Puis les circonstances ont changé, et nous sommes revenus sur notre parole.
    Ces changements sont motivés par des raisons commerciales, mais ils se produisent néanmoins. Dans la mesure où les accords reposent sur ces engagements, vous devez vous en inquiéter.
    Nous avons entendu le bureau dire que...
    Je suis désolé, monsieur Dong. Nous avons amplement dépassé le temps qui nous était imparti.
    Je suis désolée. J'ai pris beaucoup de votre temps.
    Non. C'est bon. Je blâme le député Dong, et non vous, professeure Quaid.
    Ça ne pose pas de problèmes.

[Français]

     Je vais maintenant céder la parole à M. Lemire pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leurs témoignages.
    Monsieur Keating, après le procès, qui a duré un mois, le tribunal a tranché en faveur de Shaw, Rogers et Vidéotron. C'était le 31 décembre. Les témoignages d'experts ont été cités abondamment, particulièrement ceux de M. Mark Israel, de Compass Lexecon.
    Le tribunal a conclu que M. Israel était bien informé, franc et ouvert, et qu'il avait effectivement exposé un certain nombre de lacunes importantes dans l'analyse des experts de la partie adverse. Dans le domaine où M. Israel et l'expert de la partie adverse n'étaient pas d'accord, le tribunal a indiqué que Compass Lexecon était l'expert qui avait fourni le témoignage le plus solide et persuasif. Le tribunal a conclu que M. Israel avait démontré de façon convaincante que le modèle de l'expert de la partie adverse n'aurait pas prédit une augmentation importante des prix et a convenu avec M. Israel que l'augmentation des prix prévue par l'expert de la partie adverse, dans la foulée de la fusion, était très douteuse.
    Nous venons d'entendre des représentants du Bureau de la concurrence. Or, lorsqu'ils ont témoigné, ils n'avaient pas étudié la nouvelle entente conclue entre Shaw, Rogers et Québecor. Ils se sont entêtés à considérer uniquement l'entente entre Rogers et Shaw. Le tribunal a déterminé que le commissaire de la concurrence ne s'était pas acquitté de la responsabilité qui lui incombait d'établir certains effets de l'entente.
    Pourriez-vous nous donner des exemples où le commissaire de la concurrence ne se serait pas acquitté de ses responsabilités au cours des derniers mois?

[Traduction]

    J'ai écouté l'interprétation, et j'espère avoir bien compris votre question. Je pense que vous posiez des questions concernant le processus lié au tribunal et certaines des analyses économiques qui ont été effectuées.
    Plus de 40 témoins ont participé au processus, dont mon collègue, M. Israel. Le bureau avait son propre expert économique, le professeur Miller de Georgetown. Une longue discussion sur la modélisation a eu lieu. Je pense que le modèle du professeur Miller a suscité de nombreuses critiques. L'une des plus importantes critiques était que son modèle était étalonné sur des données datant de près de deux ans. En utilisant d'anciennes données, il ne calibrait pas son modèle en fonction d'une vision correcte et prospective de ce à quoi l'industrie allait ressembler.
    Le modèle présentait de nombreux problèmes, et nous avons formulé des critiques à leur sujet. Je n'ai pas le temps d'entrer dans tous les détails techniques, mais je dirais que le tribunal a largement approuvé notre analyse et les critiques formulées par M. Israel au sujet de l'expert économique du bureau, comme vous l'avez indiqué dans votre question. Le tribunal a finalement jugé que son modèle ne suffisait pas à démontrer que la transaction provoquerait une diminution substantielle de la concurrence.
(1245)

[Français]

     Considérez-vous Vidéotron comme un acteur indépendant des trois géants que sont Bell, Telus et Rogers?

[Traduction]

    Vidéotron est manifestement un acteur indépendant. Il s'agit d'une entreprise à part entière qui, à l'heure actuelle, exerce efficacement ses activités au Québec et qui les exercera à l'échelle nationale dès que cette transaction sera approuvée.
    Il ne fait aucun doute qu'ils concluront divers accords avec Rogers dans le cadre de leurs activités courantes. On a beaucoup discuté de la question de savoir si cela allait entraver leur incitation à la concurrence.
    Je pense que le processus lié au Tribunal et notre analyse ont montré assez clairement que Vidéotron sera en mesure d'exercer une concurrence efficace et indépendante. L'entreprise sera fortement incitée à baisser ses prix afin de livrer une concurrence vigoureuse, tout comme elle l'a fait au Québec, malgré le fait qu'elle aura négocié certains accords avec Rogers, tout comme cela se produit dans l'ensemble de l'industrie canadienne des télécommunications et, franchement, dans les industries des télécommunications du monde entier.

[Français]

    Si je ne me trompe pas, Vidéotron a aussi conclu des ententes avec Bell, notamment pour élargir son réseau. C'est ainsi que fonctionnent la plupart des entreprises dans le système.
    Monsieur Bester, d'entrée de jeu, vous avez mentionné que Globalive était un de vos financiers. Je vous remercie de déclarer ce conflit d'intérêts. C'est tout à votre honneur, dans les circonstances.
    Je reviens au projet Fox, une tentative de Telus de favoriser l’achat de Freedom Mobile par Globalive.
     Considérez-vous que cette approche, qu'on retrouve dans un document rendu public par le Tribunal de la concurrence, va dans le sens de l'indépendance des consommateurs vis-à-vis des trois géants des télécommunications, et que l'offre de Globalive, qui a été financée par Telus, fait partie d'une stratégie pour favoriser l'indépendance et la présence d'un quatrième acteur crédible?

[Traduction]

    Je pense que, comme vous l'avez décrit, n'importe quel type d'accord suscite les mêmes préoccupations, et là encore, nous avons une question à cet égard. Nous évoluons maintenant dans un monde où, en raison de lois qui ne favorisent vraiment pas le blocage des fusions et n'encouragent pas les concurrents à entrer en concurrence de façon organique, le concurrent de remplacement... Nous vivons dans un monde de deuxième rang, où nous envisageons différentes options dans différents cas et où les concurrents dépendent de leurs propres concurrents à divers degrés.
    En ce qui concerne les mesures d'incitation qui s'appliquent à ces trois grands acteurs, elles sont présentes dans les deux situations, dans le cas de Rogers et de Telus.

[Français]

    Toutefois, en allant jusqu'à financer l'offre d'une société plus petite pour qu'elle fasse cette acquisition, ne diriez-vous pas qu'on crée un lien de dépendance avec cette société?

[Traduction]

    Voulez-vous dire en ce qui concerne les fournisseurs de télécommunications?

[Français]

    Mon temps de parole tire à sa fin.
    Si Globalive avait acheté Freedom Mobile avec l'argent de Telus, on n'aurait pas amené un quatrième acteur indépendant dans le marché.

[Traduction]

    Si c'était le cas, je serais en train de dire exactement la même chose à propos de Globalive, parce que, je le répète, la grande question est de savoir comment cette dépendance influe sur l'incitation à la concurrence, et pourquoi Telus et Rogers créeraient-ils une entreprise qui leur livrerait une concurrence vraiment perturbatrice? Je pense que c'est la grande question qui se pose en ce moment.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lemire.
    Monsieur Masse, vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Il est normal et démocratique que le ministre de l'Innovation intervienne non seulement dans cette situation, mais aussi en général. Nous avons observé l'adoption de la Loi sur Investissement Canada, et d'autres lois à cet égard seront présentées prochainement.
    Je repense aux problèmes de concurrence, et je constate que le rachat de Zellers par Target n'a pas favorisé la concurrence ni le rachat de Future Shop par Best Buy. Rona a été rachetée par Lowe's, et cela n'a pas entraîné une augmentation de la concurrence. En fait, les engagements pris en cette occasion étaient très modestes. De plus, l'entreprise U.S. Steel a disparu.
    Certaines fusions ont été rejetées, et — Dieu merci — PotashCorp et MDA, dans le secteur des systèmes de satellites, en sont de bons exemples. Cela a été de bonnes décisions. Il y a également le ministre, qui dirige le CRTC dans une certaine mesure grâce à sa lettre de mandat, qui provient du premier ministre. En fait, nous nous occupons d'un bien public en ce moment. Il s'agit du spectre que nous libérons dans le système.
    J'adresse ma première question à M. Bester, et elle porte sur la teneur actuelle de nos politiques. Je suis curieux à ce sujet. Existe‑t‑il d'autres situations comparables aux États-Unis, en Australie ou ailleurs? Je sais que les États-Unis ont une loi antitrust différente de la nôtre, mais sur quoi d'autre pouvons-nous nous appuyer? Devons-nous moderniser certaines de nos approches actuelles?
    Les États-Unis sont en train d'examiner certaines des questions antitrust que Google soulève en ce moment. Historiquement, cela fait partie de leur culture, et nous pouvons étudier l'un des premiers cas, c'est‑à‑dire celui de l'entreprise Standard Oil. Ce type de protection des consommateurs fait partie du fonctionnement de leur économie de marché. Pourriez-vous, s'il vous plaît, formuler des observations à ce sujet?
(1250)
    Les États-Unis et l'Australie, en particulier, en sont de bons exemples. Dans les années 1990, l'Australie a adopté une politique très poussée visant à accroître la concurrence et la productivité. Elle a notamment créé un organisme central de réglementation de la concurrence très puissant, c'est-à-dire l'ACCC, l'Australian Competition and Consumer Commission. C'est le genre de modèle que nous devons examiner à l'heure actuelle. Je pense que la concurrence a été mise en veilleuse. Nous avons adopté une approche assez laxiste, notamment en ce qui concerne les fusions, et regardez où nous en sommes aujourd'hui. Les plus grandes entreprises de télécommunications peuvent réussir à acheter un concurrent perturbateur et novateur.
    Des modèles utilisés aux États-Unis et en Australie, en particulier — où, malgré le travail effectué dans les années 1990, on se demande maintenant si on dispose des outils nécessaires et on va probablement réformer les lois — sont deux excellents modèles à suivre.
    Je vais maintenant me tourner vers Mme Bednar. Vous avez mentionné l'innovation dans l'industrie, et je pense que l'émission Marketplace a fait un bon examen de certains des différents pays qui font preuve d'innovation. Je vais revenir à l'Australie. J'ai aimé votre commentaire selon lequel la géographie est souvent utilisée comme une excuse pour les coûts élevés et le déploiement. J'aimerais connaître votre avis en ce qui concerne la question de savoir si ces obstacles sont valables ou non.
    Deuxièmement, il y a une condition à remplir. Le ministre demande un engagement de 10 ans de la part de Vidéotron, mais je pense à la façon dont cette industrie va changer au cours de la prochaine année, et à plus forte raison dans 10 ans. Juste avant la comparution de votre groupe d'experts, nous avons entendu des témoignages selon lesquels aucune pénalité n'a été imposée à ceux qui ont utilisé le spectre à leur avantage, en le vendant comme un actif ou une ressource au lieu de le déployer.
    Pourriez-vous, s'il vous plaît, formuler des observations à ce sujet?
    Bien sûr. Au fil du temps, la géographie du Canada n'a pas changé, alors je ne suis pas en désaccord avec les arguments qui aident à expliquer la raison pour laquelle l'infrastructure physique des télécommunications au Canada a tendance à être oligopolistique. Je ne crois pas que cela changera dans les années à venir, mais nous ne devons pas perdre de vue le fait que notre système de télécommunications est un système que nous avons construit et qui continue d'évoluer. Il n'est pas coulé dans le béton. Nous observons plus d'expérimentation du côté des services et un plus grand nombre de fournisseurs de services Internet indépendants. Nous remarquons qu'un nombre croissant de municipalités cherchent à relier leurs câbles de réseau à fibre optique. Nous constatons que des satellites en orbite basse complètent les services dans les régions où les gens ne bénéficient pas des meilleures options en matière de connectivité.
    Pour ce qui est de ce à quoi ressembleront les choses dans 10 ans et de ces promesses, je suppose que c'est la raison pour laquelle je nous mettais aussi au défi de réfléchir un peu aux personnes responsables et au discours que nous tiendrons. Certes, le fait de présenter des arguments très économétriques au tribunal est une chose. Cependant, ces arguments n'ont pas été faciles à comprendre pour les Canadiens. Les gens se sentent encore déconcertés par cette fusion, et c'est bien ainsi. Il y a peut-être beaucoup d'aspects qui doivent être corrigés et négociés, mais quelle personne ou quelle organisation est la mieux placée pour le faire? Ce ne sera pas le Tribunal de la concurrence, et je pense que c'est peut-être une tâche à laquelle le Comité devra réfléchir en profondeur à l'avenir.
    Merci.
    Madame Quaid, l'une des choses qui nous posent vraiment un problème dans le cadre des activités commerciales dont nous traitons aujourd'hui, c'est que de nombreuses autres petites, moyennes et, bien sûr, grandes entreprises et institutions publiques sont très dépendantes des coûts et des services — et nous l'avons constaté même pendant la pandémie. Nous avons entendu des témoignages dans le passé, dans le cadre de nos audiences, selon lesquels même des villes comme Mississauga, qui se consacre à la fabrication spécialisée d'outils et de moules, et à l'aérospatiale, entre autres choses, ne pouvaient pas obtenir des vitesses d'accès Internet élevées pour leurs installations situées juste à l'extérieur de la région du Grand Toronto.
    Quelle obligation a le ministre de concilier tout cela? Il y a toute une série de questions de productivité économique en jeu en ce moment, et nous absorberons des coûts supplémentaires, je dirais, si nous continuons à procéder à ce genre de fusions.
    Avez-vous une opinion quant à l'équilibre que le ministre établit pour tous les autres coûts sensibles que les entreprises assument en raison des décisions qui sont prises au sujet de la concurrence?
(1255)
    Je vous prierais de répondre brièvement.
    Je considère cela comme un compliment. En toute honnêteté, il est vraiment difficile de répondre à cette question, en partie parce que, comme je l'ai indiqué auparavant, je ne suis pas une experte en matière de télécommunications.
    Ce que je dirais, cependant, c'est qu'à un niveau politique plus général, ce sont des questions qui doivent être examinées de manière globale. Je suis une grande défenseure de la réglementation transversale. Les différentes parties de l'État régulateur doivent se parler, et la productivité économique ainsi que le développement et l'évolution continue de l'économie canadienne doivent être gérés de manière délibérée et intentionnelle — et non en laissant les choses aller.
    Je fais partie des gens qui pensent que la réglementation et l'orientation ont leur place. Cela ne veut pas dire que vous devez paralyser les entreprises, mais vous devez créer un modèle pour vous assurer que l'accès est fourni. Si vous comptez seulement sur les mesures d'incitations des acteurs privés à maximiser la richesse, vous n'obtiendrez peut-être pas les résultats escomptés du point de vue de la politique publique, étant donné qu'ils ont parfaitement le droit d'organiser leurs affaires comme bon leur semble. Il faut chercher le moyen de tirer parti des motivations des entreprises privées pour offrir les services souhaités, et ce n'est pas une tâche facile.
    Je vais m'arrêter ici.
    Merci beaucoup.
    Avec la bénédiction de mes collègues, nous allons lancer une dernière courte série de questions, ce qui nous fera dépasser l'heure de fin de la séance par environ 10 minutes.
    Je vais céder la parole à M. Vis pendant cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins qui comparaissent aujourd'hui, ainsi que mes collègues. Je me joins à vous depuis la circonscription de Mission—Matsqui—Fraser Canyon, où Shaw est très présent.
    Les électeurs de ma circonscription sont vraiment aux prises avec le coût de la vie en ce moment. En tant que représentant de ces électeurs, je m'exprime aujourd'hui en leur nom. Ils me posent la question suivante: « monsieur Vis, est‑ce que cette fusion aura pour effet de rendre la facture de service Internet et la facture de téléphone cellulaire plus abordable? » Je ne suis pas nécessairement sûr que ce sera le cas. Cependant, je me méfie aussi beaucoup de l'affirmation de Rogers selon laquelle l'entreprise investira 6 milliards de dollars dans les collectivités rurales et autochtones de l'Ouest canadien que je représente.
    Pendant la pandémie, une mère de famille qui vit à Hatzic Valley et qui utilise toujours le service Internet par téléphone de Shaw m'a posé la question suivante: « Monsieur Vis, pourquoi Shaw ne traverse‑t‑il pas simplement la route pour prolonger la ligne jusqu'à ma maison? » Ils ne l'ont pas fait, et ils n'ont pas utilisé le spectre qu'ils ont reçu aux enchères au profit des Canadiens qui comptent sur ce service essentiel. C'est dans cette optique que j'aborderai tous les sujets dont je vais parler pendant les quelque quatre minutes qui me restent.
    Monsieur Keating, les clients actuels des services Internet de Shaw... J'aimerais simplement savoir quels prix seront offerts aux deux millions de clients actuels des services Internet de Shaw qui, à l'heure actuelle, ne paient pas de frais d'appels et de messages textes et qui bénéficient d'un forfait de 25 gigaoctets au coût de 25 $. Rogers a‑t‑il l'intention d'abaisser ses prix à ces niveaux, ou ces clients de Shaw doivent-ils s'attendre — si la fusion se concrétise — à payer des frais semblables à ceux de Rogers, qui s'élèvent, je crois, à 35 $ et 85 $ respectivement?
    Je crois que des représentants de Rogers témoigneront cet après-midi. Vous devriez leur poser cette question. Ils seront mieux placés que moi pour répondre à des questions précises concernant les forfaits qu'ils offriront.
    Ce que je peux dire, c'est que d'un point de vue économique, en tenant compte des mesures d'incitation que cette fusion et cette transaction créeront, notre analyse a montré que la transaction accroîtra la concurrence, ce qui exercera une pression à la baisse sur les prix. Le Tribunal, dont la décision a été confirmée hier par la Cour d'appel fédérale, est arrivé à la même conclusion.
    Je pense que ces questions que vous recevez de la part des électeurs de votre circonscription sont valables et importantes. Notre analyse indique que, oui, ils obtiendront de meilleurs tarifs. C'est l'incitation que créera la transaction.
    Pour ce qui est du prix des services mobiles, les experts du Bureau de la concurrence ont constaté que malgré la vente de Freedom à Vidéotron, les prix de Shaw Mobile, Rogers et Fido augmenteraient de 12 à 14 %. Le tribunal a conclu au paragraphe 246 que même si l'on ajuste cette augmentation des prix pour rendre compte des arguments de Rogers — et je suppose que c'est vous qui les avez rédigés étant donné que vous représentez cette entreprise — les tarifs augmenteront.
    Que doivent attendre mes électeurs et les Canadiens de tout le pays de cette fusion? Doivent‑ils s'attendre à une hausse des prix d'Internet et des services de téléphonie cellulaire?
(1300)
    Par exemple, il est certain que les incitatifs engendreront une baisse des prix de Freedom. Je pense que le modèle de l'expert du bureau, le professeur Miller, dont j'ai déjà parlé, a montré que les prix de Freedom allaient baisser. Notre analyse a abouti à la même conclusion. Il est donc vrai que les mouvements et les prix varieront en fonction des abonnements.
    Je ne sais pas quelle en sera l'ampleur exacte, mais il existe un incitatif clair pour que cette transaction exerce une pression à la baisse sur les prix, car il n'y aura pas de diminution de la concurrence et, comme je l'ai dit précédemment, nous tirerons des avantages importants de la réaffectation des actifs de Shaw.
    J'en reviens aux six milliards de dollars. En tant que représentant de Rogers, pouvez-vous nous dire quelles garanties auront mes électeurs que ces investissements seront bel et bien consentis? C'est la différence entre la gestion d'une entreprise et l'accès à l'éducation pour mes électeurs. Pourquoi mes électeurs devraient‑ils faire confiance à Rogers et Shaw?
    Encore une fois, vous entendrez cet après-midi des témoins de Rogers. Vous devriez leur parler de leurs plans et engagements particuliers.
    Ce que je peux dire, c'est que d'un point de vue économique, cette transaction aura pour effet d'accroître la concurrence, ce qui incitera Rogers à continuer d'investir dans son réseau, tout comme Bell, Telus et Vidéotron.
    Merci.
    Madame Bednar, avec le temps qu'il me reste, j'aimerais souligner que Shaw a peu développé le spectre qu'il a acquis en Colombie-Britannique et en Alberta. Pensez-vous que cette fusion améliorera le développement de ces projets d'infrastructure essentiels dont nous dépendons tous?
    Je pense qu'il est difficile de spéculer sur ce point. Cependant, je constate qu'un nombre plus important que jamais de personnes s'intéresse à cette fusion et que les gens ordinaires surveillent son évolution. Les données partagées par Statistique Canada et ISDE sur les coûts et les répercussions matérielles de ces décisions suscitent un grand intérêt.
    Je suis désolée de ne pas pouvoir me montrer plus utile.
    Merci.
    Madame Quaid, est‑ce que...
    Monsieur Vis, je suis désolé, mais votre temps est écoulé. Nous avons dépassé les cinq minutes. Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Erskine-Smith pour cinq minutes.
    Merci, monsieur Lightbound.
    Madame Quaid, j'aimerais commencer par vous, car vous avez exprimé un certain malaise quant au fait que le ministre ait recours à son pouvoir discrétionnaire dans le cadre du régime de transfert des licences du spectre pour influer sur un résultat lié à la concurrence. Êtes-vous à l'aise avec l'idée de permettre la fusion la plus importante de l'histoire du Canada en vertu de lois désuètes?
    C'est une vaste question. Il m'est un peu difficile d'y répondre parce que je n'ai pas écouté toutes les preuves du tribunal. Je n'ai pas vu comment les témoins se sont présentés, etc. Que nous soyons d'accord ou non, le tribunal a évalué les preuves et a pris une décision. Ce qui m'inquiète...
    Je me permets de vous interrompre. Le tribunal essayait de déterminer si cette opération était susceptible de réduire sensiblement la concurrence. Cette question ne m'intéresse pas du tout. Ce que j'aimerais savoir, c'est si cette transaction sera bénéfique pour la concurrence au Canada. Nous avons un oligopole fortement concentré. Plutôt que de déplacer des éléments au sein de cet oligopole, il me semble que nous devrions le briser et accroître la concurrence chaque fois que nous le pouvons.
    Nous avons ici une occasion de le faire. Vous dites qu'il s'agit d'une décision politique, mais la décision politique est la suivante: Pouvons-nous améliorer la concurrence dans le secteur des télécommunications et, par la même occasion, réduire les tarifs pour les Canadiens? Le Tribunal de la concurrence peut répondre à leur question relative à la Loi sur la concurrence. La Cour d'appel fédérale peut maintenir cette décision. Je ne vois pas pourquoi nous devrions être contraints par quoi que ce soit en lien avec ces questions, puisque ce ne sont pas les bonnes questions.
    D'accord. Je pense que c'est le rôle du processus de consultation. En tant que législateurs, vous avez tout à fait le pouvoir — et je pense que c'est la bonne façon de voir les choses — d'examiner les règles et de proposer des changements, et je vous encourage vivement à le faire. Je crois que la disposition relative à l'examen de la fusion est problématique, mais je m'inquiète du recours à cette décision discrétionnaire comme solution de rechange en attendant d'apporter de véritables changements à la loi.
    Oui, alors que j'envisage cette solution comme un moyen de remédier aux lacunes inhérentes de cette loi.
    Parlons des conditions que le ministre pourrait imposer. Il a énoncé deux conditions. Il pourrait en imposer d'autres, et il devrait probablement le faire, mais examinons les deux conditions qu'il a proposées. La première est liée à la durée pendant laquelle Vidéotron devra conserver sa licence. Il s'agit d'une période de 10 ans. Cette condition est‑elle applicable?
    Elle est applicable dans la mesure où nous pouvons observer une période de 10 ans. Nous pouvons surveiller l'écoulement du temps et déterminer si cette condition est respectée ou non. Oui, mais...
(1305)
    On pourra alors dire: « Non, ils n'ont pas fait ce que nous leur avions dit de faire. »
    Oui, en gros. Il n'y a aucun moyen... Vous ne pouvez pas vous présenter devant le tribunal et dire, « Vous n'avez pas respecté mes conditions. » Je ne sais pas qui en assurerait le respect, donc...
    M. Nathaniel Erskine-Smith: J'estime que c'est un problème.
    Mme Jennifer Quaid: ... ce serait une question de réputation.
    Oui, et cette méthode a fonctionné dans le passé.
    Des collègues m'ont posé une question à ce sujet. Je pense que vous êtes bien placée pour y répondre. Dans une situation ordinaire de recours, le Bureau de la concurrence pourrait participer activement et décider qu'il va détacher Freedom Mobile et être à l'aise avec le destinataire final de cette entreprise. M. Keating est à l'aise. Il a bien entendu un client particulier, et il fait beaucoup d'efforts pour suggérer qu'il y aura une forte concurrence à la suite de cette transaction vers Vidéotron.
    Le Bureau de la concurrence n'est pas du tout à l'aise avec cette idée. Pourquoi devrions-nous, en tant que Canadiens, nous sentir satisfaits si le Bureau de la concurrence ne l'est pas? Pourquoi devrions-nous accepter l'idée que le premier acteur d'un oligopole détermine en fin de compte, dans ce cas particulier, qui sera le quatrième acteur de l'oligopole?
    C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre, je pense, dans le sens où il faudrait examiner ce qui justifie cette conviction. Le Bureau dispose évidemment des preuves qui, selon lui, soutiennent cette question. Vous pourriez notamment vous demander si le simple fait d'avoir la capacité de baisser les prix, ou la conviction qu'ils les baisseront, suffit. Ces baisses de prix se produiront-elles réellement? Le fait de créer la capacité de faire jouer la concurrence ne suffira peut-être pas. La croyance habituelle est que vous créez les conditions et qu'elles devraient naturellement se produire, mais je pense que ce n'est parfois pas le cas.
    Je pense honnêtement que la question plus large de la concentration dans le secteur des télécommunications nécessitera plus que de dire simplement que nous voulons changer les règles de la concurrence. Je pense que les caractéristiques de l'industrie des télécommunications et les raisons pour lesquelles cette industrie est concentrée méritent d'être analysées, mais je ne pense pas que... Absolument, c'est votre travail en tant que député. C'est ce que devraient faire les législateurs: « Cela ne nous plaît pas et nous allons trouver une solution. » C'est assurément le cas. Il ne s'agit pas d'une décision juridique, mais d'une décision politique. Cependant, nous avons déjà pris des décisions politiques relativement à des fusions. Nous avons dit non aux fusions bancaires.
    Oui, et d'un point de vue politique — et mon temps est bientôt écoulé — je pense qu'on peut difficilement imaginer que Rogers accepte un accord prévoyant beaucoup moins d'argent s'il devait en découler un niveau de concurrence plus élevé pour cette entreprise. Ça n'aurait pas de sens.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie pour votre temps.
    Merci, monsieur Erskine-Smith.
    Nous allons maintenant passer à M. Lemire pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Keating, pouvez-vous nous dire quel genre d'entreprise est Globalive? Comment qualifiez-vous ses démarches dans le contexte de la proposition actuelle?
    Comment s'est-elle comportée avec Wind Mobile, dont M. Lacavera a été le fondateur et qui est l'ancêtre de Freedom Mobile?

[Traduction]

    Je ne suis pas un expert des affaires de Globalive. Si j'ai bien compris, cette société est affiliée à une personne ou dirigée par une personne qui a déjà œuvré dans le secteur des télécommunications au Canada.
    J'estime que ce qu'il faut retenir est qu'ils n'ont pas les actifs dont dispose Vidéotron. Ils n'ont pas, plus particulièrement, de licences pour le spectre de 3,5 gigahertz.
    Si vous réfléchissez à la meilleure façon d'affecter des ressources au sein de l'économie canadienne et à la meilleure façon de déployer le spectre qui est déjà sous licence, pour revenir à la question posée précédemment, l'opération de dessaisissement de Vidéotron est la meilleure combinaison possible d'actifs de réseau que je puisse envisager pour l'économie canadienne. Vous réunissez les actifs du réseau de Freedom et ceux du réseau de Vidéotron. C'est quelque chose que Globalive, si je comprends bien, n'a pas.

[Français]

    Merci, monsieur Keating.
    J'aimerais revenir au projet Fox, parce qu'il comporte des éléments intéressants à signaler. Les opposants à ce projet ont notamment recours à des campagnes locales auprès de leur député. Ils mènent aussi des campagnes auprès du ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie en vue de faire échouer l'entente.
    On veut par ailleurs créer un sentiment d'aliénation chez les activistes au moyen de phrases telles que « faites échouer l'entente » et « reportez la décision ».
    Tant qu'à y être, pourrait-on revoir la Loi sur la concurrence? Ce serait une coïncidence. Pourrait-on aussi encourager des acquisitions par un tiers, comme le suggère notamment M. Lacavera en faisant la promotion sur son compte Twitter de l'initiative NoMerger.ca pour inviter les citoyens à s'opposer au projet? OpenMedia fait un peu la même chose en invitant les citoyens à écrire au ministre François‑Philippe Champagne.
    Ma question, qui s'adresse à Mme Bednar ou à Mme Quaid, est la suivante: que pensez-vous de ces stratégies, qui font supposément appel aux citoyens, mais qui sont commandées par une compagnie, dans un but de lobbying? Le processus est-il vraiment indépendant?
(1310)
    Monsieur Lemire, à mon avis, vous soulevez une question problématique. En effet, lorsque les gens mobilisent des citoyens par intérêt personnel, on peut se demander où est l'intérêt public.
    C'est pour cela que je martèle toujours la même idée pour dire que je suis favorable à la consultation publique. J'encourage constamment tous les citoyens à s'exprimer dans le cadre de cette consultation, peu importe ce qu'ils ont à dire. Selon moi, il est du devoir du gouvernement et des parlementaires d'entendre les citoyens sans vernis, sans étiquette, sans emballage, et ainsi de suite.
    Par contre, on ne peut pas non plus faire complètement abstraction des tentatives de mobilisation, parce que les citoyens ne sont pas toujours bien outillés pour bien structurer leur opposition. À cet égard, je donc suis clémente, parce que je suis persuadée qu'un vrai désir et une vraie frustration s'expriment, à tort ou à raison. Je ne commencerai pas à dire qui a raison ou pas.
    Cependant, il est à mon avis évident qu'il existe un écart entre la compréhension populaire des répercussions de cette transaction et la compréhension juridique et économique. Il doit y avoir une conciliation entre les deux si on ne veut pas voir une révolte par rapport au processus.
    Je ne crois pas qu'il soit bénéfique que le public soit sceptique quant au système d'appréciation et d'évaluation des fusions, entre autres. Je pense que nous avons tous intérêt à nous assurer de colmater cette brèche. Toutefois, je ne suis pas nécessairement la personne qui peut le faire. Je fais mon possible, mais je pense que c'est collectivement qu'il faut informer le public. Je comprends ces efforts de mobilisation, même s'ils sont peut-être maladroits.
    Merci beaucoup.
    Nous allons devoir maintenant passer à M. Masse, qui aura la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Keating, on a beaucoup parlé des coûts pour les consommateurs, mais que dit votre analyse des emplois et de l'emploi pour les diverses entreprises concernées?
    Je pense que ni nous ni les économistes du Bureau ne nous sommes concentrés sur l'aspect de cette transaction lié à l'emploi, et je ne suis donc pas bien placé pour formuler des commentaires à ce sujet. Nous nous sommes concentrés sur l'effet sur les prix, sur la qualité et sur les consommateurs.
    Ce facteur n'est‑il pas important pour votre estimation de l'intention de Vidéotron d'agir cette fois‑ci au sujet du spectre? Nous avons vu ce qu'Elon Musk a fait avec Twitter sans employés.
    Le plus important dans tout cela est, bien sûr, que bien que nous ayons nos propres porte-monnaie et nos propres frais, il s'agit de vraies personnes et de vrais emplois. La capacité des entreprises à réaliser les promesses faites s'en trouve affectée.
     Pourquoi ces renseignements ne devraient‑ils pas être pris en compte dans le cadre d'une analyse?
    Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est important de penser aux emplois et à l'emploi, surtout pour les personnes les plus directement touchées.
    Les mesures incitatives de Vidéotron et ses plans pour l'avenir ne sont pas principalement motivés par les conséquences sur l'emploi à proprement parler. Il s'agit plutôt d'incitatifs concurrentiels.
    Je pense qu'il est clair, d'après l'analyse de la concurrence — d'après ce que nous avons fait et d'après l'examen des experts du bureau — que le fait que Vidéotron disposera d'une forte capacité, d'un très bon réseau et de forts incitatifs à la concurrence devrait, en principe, être bénéfique pour l'emploi. Cependant, nous n'avons pas analysé directement cette question.
    Merci.
    Monsieur le président, je voudrais conclure en disant qu'il n'y a probablement pas eu assez de conversations à ce sujet. Nous parlons de la charrue et des boeufs, etc., mais il nous manque un élément ici.
    Que va‑t‑il se passer concrètement et comment pouvons-nous faire des promesses si l'emploi n'est pas pris en compte dans le cadre de l'analyse? Il ne peut y avoir d'attentes... que nous ayons reçues, mis à part des promesses, qu'on nous fait depuis tant d'années à ce sujet.
    Merci beaucoup aux témoins de leur présence.

[Français]

     Merci, monsieur Masse.
    Je remercie également tous les témoins qui se sont prêtés à cet exercice, ce matin.
    Je vous remercie de nous avoir fait part de vos points de vue.
    Je signale aux membres du Comité que nous allons nous réunir à nouveau dans 45 minutes pour la suite des audiences.
    La séance est levée.
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