Passer au contenu

INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 061 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 mars 2023

[Enregistrement électronique]

(1645)

[Traduction]

[Français]

    Bienvenue à la 61e réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 30 novembre 2022, nous étudions le projet de loi C‑294, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur (interopérabilité).
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022.
    Je veux d'abord remercier tous les témoins qui se joignent à nous aujourd'hui, en ce mercredi après-midi, et leur offrir nos excuses au nom du Comité pour le bref retard du début de la réunion. Nous devions voter en Chambre.
    Avant d'aller plus loin, monsieur Lemire, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je désire m'assurer que les tests de son ont été effectués et que tous les participants ont des casques-micros conformes aux règles et reconnus par la Chambre des communes.
    Merci, monsieur Lemire.
    Oui, je peux vous rassurer, j'ai personnellement observé que les tests de son ont bel et bien été effectués.
     Merci, vous êtes vaillant.
    Je vous remercie de faire cette vérification.
    Avec nous aujourd'hui, nous avons, à titre personnel, Mme Alissa Centivany, professeure adjointe à l'Université Western, et M. Anthony D. Rosborough, chercheur au Département de droit de l'Institut universitaire européen, qui se joignent à nous par vidéoconférence.
    Nous avons, de la Canada West Foundation, M. Carlo Dade, directeur du Centre du commerce et de l'investissement, ici, avec nous. De Honey Bee Manufacturing Ltd, nous recevons M. Jamie Pegg, directeur général, et M. Scott Smith, gestionnaire des composants, systèmes et intégration.
    De l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, nous accueillons à nouveau Mme Catherine Lovrics, présidente du Comité de la politique du droit d'auteur, ainsi que Mme Colleen Stanley, membre du Comité de la politique du droit d'auteur.
    Finalement, du Centre pour la défense de l'intérêt public, nous souhaitons la bienvenue à M. John Lawford, directeur exécutif et avocat général.
    Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie tous et toutes de vous joindre à nous.
    Nous avons une réunion bien chargée aujourd'hui.
    Sans plus tarder, nous commençons par vous, madame Alissa Centivany. Vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président, bonjour, honorables membres du Comité.
    Je m'appelle Alissa Centivany. Je suis professeure adjointe à la faculté des études sur l'information et les médias de l'Université Western, où je travaille dans le domaine de la technologie, des politiques, du droit et de l'éthique. De plus, je suis codirectrice de Tesserae, The Centre for Digital Justice, Community and Democracy, à l'Université Western.
    Je suis titulaire d'un doctorat en droit spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle et d'un doctorat en sciences de l'information. J'ai occupé des postes de chercheuse au Center for Law & Technology de la faculté de droit de l'Université de Californie à Berkeley et au Centre for Innovation Law and Policy de la faculté de droit de l'Université de Toronto.
    Je suis actuellement la chercheuse principale d'une étude du droit d'auteur, de l'informatisation et du droit à la réparation financée par le CRSH. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui du projet de loi C‑294. Ce projet de loi améliore l'exemption en vigueur, mais à mon avis, il ne va pas assez loin.
    Tout d'abord, j'aimerais reconnaître que ce sujet est à la fois d'une importance capitale et quelque peu inaccessible. L'interopérabilité exige que nous passions d'un domaine distinct, perfectionné et hautement technique à un autre, c'est‑à‑dire du droit d'auteur et des mesures techniques de protection, ou MTP, d'une part, à la conception de technologies émergentes complexes, d'autre part.
    Ce n'est pas une tâche facile. J'invite donc le Comité à se méfier de ce que j'appelle la « confusion stratégique », une tactique consistant à utiliser un jargon trop technique qui est employée par certaines parties prenantes afin d'obscurcir et d'embrouiller ce qui est réellement en jeu, au lieu de l'éclairer. Dans cette optique, j'aimerais formuler quelques brèves observations, que j'espère directes, sur les grandes lignes et proposer quelques recommandations.
    L'interopérabilité est le fait de faire fonctionner un nouveau produit ou service avec un produit ou service existant. Cela inclut les périphériques, les produits non durables, les interfaces, les données, les logiciels, les pièces de rechange, etc. L'interopérabilité est bénéfique pour les consommateurs, la recherche, l'innovation en aval et la concurrence. Au cœur de l'interopérabilité, les normes partagées rendent la vie plus simple, plus efficace et plus connectée.
    L'interopérabilité peut être coopérative, ambivalente ou conflictuelle. C'est cette dernière catégorie, inventée par Cory Doctorow et l'Electronic Frontier Foundation, qui est peut-être la plus pertinente pour notre discussion d'aujourd'hui. L'interopérabilité conflictuelle, également appelée compatibilité concurrentielle, concerne les nouveaux produits et services qui se connectent à des produits et services existants contre la volonté de l'entreprise d'origine.
    Avant que les MTP ne soient ajoutées à la Loi sur le droit d'auteur, cette forme d'interopérabilité non consensuelle était un moyen normal d'innover dans le secteur de la haute technologie et dans d'autres secteurs. Toutefois, les MTP ont changé la donne.
    À l'origine, les MTP visaient à créer une rareté numérique artificielle, afin que les auteurs d'œuvres créatives et artistiques, qui craignaient que le Web en plein essor n'entraîne une violation sans entrave du droit d'auteur de leurs œuvres en ligne, ne perdent pas toute motivation de créer. Les temps ont changé. Nous constatons aujourd'hui que les MTP ont dépassé leur objectif initial. Aujourd'hui, les MTP sont utilisées pour restreindre un large éventail d'activités licites qui ne portent pas atteinte aux droits d'auteur et qui n'ont aucun rapport avec les œuvres protégées. En étant axées sur l'accès plutôt que sur la contrefaçon, les MTP ont eu des conséquences désastreuses pour les consommateurs.
    Même en tenant compte de l'exemption actuelle qui favorise l'interopérabilité, les MTP ont également eu des conséquences désastreuses pour l'innovation en aval, car elles peuvent encore être utilisées pour entraver la concurrence et protéger les modèles d'entreprise des exploitants en place. Par exemple, dans le contexte de la réparation, les entreprises utilisent aujourd'hui couramment des interfaces et des outils exclusifs ainsi que des restrictions en matière d'appariement des pièces pour prévenir l'utilisation de pièces de rechange de tiers et exclure les techniciens d'entretien indépendants.
    Et ce qui est plus inquiétant encore, c'est que des entreprises comme Apple, John Deere et les fabricants de consoles de jeux vidéo Microsoft et Sony empêchent même l'interopérabilité entre leurs produits et leurs propres pièces FEO en l'absence d'une autorisation supplémentaire délivrée par un technicien agréé par l'entreprise et de la rémunération de ce technicien. L'utilisation des MTP pour bloquer l'interopérabilité est anticoncurrentielle, et elle nuit à l'innovation et aux consommateurs. De plus, elle témoigne, à mon avis, d'un degré stupéfiant de cupidité de la part des entreprises.
    On parle beaucoup du fait que nous vivons dans un monde connecté, mais ce que tout cela montre, je pense, c'est que ce n'est pas vraiment le cas. Les MTP excluent les consommateurs et les tiers. Elles nous obligent également à maintenir des relations permanentes avec des entreprises et des fournisseurs de services, que nous le voulions ou non. Nous vivons dans des jardins clos, des bulles liées à des plateformes et des silos technologiques — des mondes déconnectés et fermés —, et nous sommes en grande partie coincés parce que les restrictions relatives à l'interopérabilité ont permis aux coûts d'adoption de solutions de rechange d'atteindre des niveaux insoutenables. Nous n'avons plus la possibilité économique de passer à un autre fournisseur. Une cage reste une cage même si les décorations peuvent parfois sembler attrayantes.
    Le projet de loi C‑294 représente un pas dans la bonne direction, mais à mon avis, il ne va pas assez loin. En plus de ce que j'ai déjà dit, je crains que la totalité de l'Internet des objets demeure inchangée, étant donné que le projet de loi met l'accent sur les programmes informatiques intégrés.
    En ce qui concerne mes recommandations, j'en ai quelques-unes à vous proposer par ordre décroissant de radicalité.
    Tout d'abord, nous pourrions nous débarrasser des dispositions anti-contournement. La contrefaçon est déjà illégale. Laissons la Loi sur le droit d'auteur faire ce pour quoi elle a été conçue.
    Deuxièmement, nous pourrions rendre l'interopérabilité obligatoire plutôt que de l'autoriser dans des circonstances limitées.
    Troisièmement, nous pourrions créer une immunité générale pour les actes visant à promouvoir l'interopérabilité.
    Quatrièmement, nous devrions absolument modifier les dispositions relatives aux MTP afin d'indiquer clairement que les dispositions anti-contournement ne s'appliquent qu'aux activités de contrefaçon et que les exemptions à la contrefaçon, telles que l'utilisation équitable et la recherche, sont maintenues.
    Enfin, nous devrions créer de vastes exemptions pour l'interopérabilité, des exemptions qui ne concernent pas seulement les programmes informatiques et les systèmes intégrés, mais aussi les technologies intelligentes, les périphériques, les produits non durables, les interfaces, les formats de données, les connecteurs, etc. La fabrication et le trafic d'outils permettant d'accomplir ce qui précède devraient aussi être clairement exemptés.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui.
(1650)

[Français]

     Merci beaucoup, madame Centivany.
    Monsieur Rosborough, c'est votre tour et vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Bonjour, monsieur le président. Bonjour, honorables membres du Comité.
    C'est avec plaisir que je comparais de nouveau devant vous pour vous faire part de mon point de vue sur le droit d'auteur, les MTP logicielles et la politique anti-contournement. Cette fois‑ci, mon intervention concerne le projet de loi C‑294 proposé et l'interopérabilité.
    Je suis chercheur en droit du niveau du doctorat à l'Institut universitaire européen et diplômé de la Schulich School of Law de l'Université Dalhousie. Je suis également membre du Barreau de la Nouvelle-Écosse.
    Ma thèse de doctorat porte sur la conception, la fonction et les conséquences des MTP dans les secteurs de l'automobile, des produits électroniques de consommation et de l'équipement agricole. Mes recherches portent notamment sur l'incidence des MTP sur l'innovation et l'interopérabilité. Dans le cadre de mon apprentissage, j'ai passé beaucoup de temps avec des experts en cybersécurité, des ingénieurs électrotechniques et des innovateurs canadiens afin de mieux comprendre cette question et sa relation avec la Loi sur le droit d'auteur.
    En 2021, j'ai publié dans le Canadian Journal of Law and Technology un article revu par des pairs dans lequel j'examine le cadre d'interopérabilité du droit d'auteur au Canada et j'aborde bon nombre des enjeux examinés par le Comité aujourd'hui. J'ai fourni une copie électronique de cet article au greffier du Comité afin que vous puissiez l'examiner.
    Dans l'ensemble, je soutiens fermement ce projet de loi et les préoccupations des innovateurs canadiens pour qui les MTP constituent un obstacle à la conception de nouveaux produits et services ainsi qu'une source de risques et d'incertitudes substantiels pour les entreprises.
    Ces perspectives démontrent que l'innovation au XXIe siècle ne se produit pas en vase clos. Il s'agit d'un processus cumulatif qui se développe lorsque des connaissances et des compétences peuvent être consacrées à l'amélioration des technologies dont nous disposons déjà pour réaliser des choses nouvelles et sans précédent. Dans le monde des systèmes informatiques intégrés et de l'Internet des objets, l'interopérabilité est synonyme d'innovation.
    Le projet de loi C‑294 reflète cette réalité et les besoins des innovateurs canadiens en ne permettant pas aux fabricants d'empêcher la concurrence sur les marchés secondaires en vertu du droit d'auteur.
    Dans le cadre de mon exposé d'aujourd'hui, j'aimerais aborder trois points principaux. Premièrement, j'expliquerai pourquoi l'exception aux fins de l'interopérabilité prévue actuellement par la Loi sur le droit d'auteur est inadéquate. Ensuite, j'expliquerai comment le projet de loi pourrait être amélioré. Enfin, je clarifierai le rôle et la portée de la Loi sur le droit d'auteur dans ce contexte.
    Dans le concept d'interopérabilité de la loi, l'exception qui permet actuellement de contourner les MTP conceptualise l'interopérabilité comme un échange mutuel d'informations entre deux programmes informatiques. Compte tenu de l'historique de cette exception, cette vision étroite est compréhensible.
    L'exception actuelle a été insérée dans la loi dans le cadre de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur il y a plus de 10 ans. Cependant, beaucoup de choses ont changé depuis 2011. Les experts politiques et les organisations de normalisation du monde entier souscrivent désormais à une compréhension beaucoup plus complexe et contextuelle de l'interopérabilité. Elle inclut des systèmes intégrés, des appareils informatisés et des technologies de l'Internet des objets.
    Ce projet de loi adopte la bonne approche en élargissant l'application de l'exception aux fins de l'interopérabilité en vue d'inclure non seulement les programmes informatiques, mais aussi les dispositifs dans lesquels ils sont intégrés. Ce point est crucial, car la distinction entre le programme informatique et le matériel informatique est beaucoup moins claire qu'elle ne l'était autrefois. Dans le passé, il était peut-être plus facile de faire la distinction entre le matériel et les logiciels, mais lorsque des logiciels contrôlent le fonctionnement physique des appareils et des composants, les logiciels et le matériel se confondent. Comme je l'ai écrit dans mon article de 2021, la conceptualisation de l'interopérabilité dans la Loi sur le droit d'auteur doit rendre compte du paradigme actuel de l'informatique et de l'innovation. Les ordinateurs ne sont plus de simples boîtes avec des écrans et des claviers. Ce sont des voitures, des appareils ménagers, des stimulateurs cardiaques, des équipements agricoles et des technologies d'apprentissage.
    En considérant l'interopérabilité de manière étroite, comme une simple relation entre deux programmes informatiques, l'exception actuellement prévue par la loi ne répond pas à la réalité de l'informatique ou de l'innovation du XXIe siècle.
    Voici comment le projet de loi pourrait être amélioré.
    Bien que le projet de loi soit très prometteur, étant donné qu'il étend l'interopérabilité aux appareils et aux composants, l'exception existante comporte toujours un inconvénient important. Il s'agit de la condition selon laquelle la personne qui contourne la MTP — qui n'est pas un fabricant — doit être propriétaire du « programme d'ordinateur ou d'un exemplaire de celui‑ci, ou être titulaire d'une licence permettant l'utilisation d'un exemplaire d'un tel programme ».
    Il n'est pas toujours évident qu'une personne qui contourne une MTP à des fins d'interopérabilité dispose d'une licence d'utilisation du programme informatique intégré dans le dispositif ou qu'elle soit propriétaire d'un exemplaire du programme. C'est pourquoi le projet de loi pourrait être amélioré en précisant que la propriété d'un dispositif ou d'un composant dans lequel un programme informatique est intégré crée une licence implicite d'utilisation de ce programme informatique.
    En légiférant de manière à autoriser une licence implicite d'utilisation du programme intégré à des fins d'interopérabilité, on permettrait aux innovateurs et aux chercheurs canadiens, qui n'appartiennent pas au secteur de la fabrication, d'élaborer des solutions interopérables sans l'accord préalable du fabricant d'origine. Cela créerait un marché plus ouvert et plus concurrentiel ainsi que de meilleurs choix pour les consommateurs, et cela garantirait que le droit d'auteur n'est pas utilisé par des multinationales étrangères pour paralyser la recherche et l'innovation au Canada.
(1655)
    Cela m'amène à mon dernier point, c'est‑à‑dire la nécessité de clarifier le rôle que le droit d'auteur joue dans le domaine de l'innovation et de l'informatique.
    Le droit d'auteur a pour but d'encourager la production d'œuvres artistiques et littéraires. Il encourage les auteurs à faire passer leurs idées dans le domaine public. Le logiciel est un type d'œuvre susceptible d'être protégé par le droit d'auteur, mais le fonctionnement physique des appareils qu'il contrôle n'entre pas et n'a jamais été censé entrer dans le champ d'application de la loi et de la politique sur le droit d'auteur.
    Si nous suivons la logique des titulaires de droits, nous obtenons à peu près ce qui suit: là où il y a du matériel informatique, il y a des logiciels; là où il y a des logiciels, il y a des droits d'auteur; et là où il y a des droits d'auteur, les MTP peuvent être utilisées pour prévenir l'accès. Le problème, c'est que même lorsque l'accès à un logiciel n'entraîne pas une violation du droit d'auteur, la loi le considère toujours comme une activité illégale.
    Même si les fabricants d'équipement d'origine et les groupes industriels peuvent soutenir devant votre comité que le projet de loi pourrait permettre de contourner des MTP à des fins de piratage sous le couvert de l'interopérabilité, ces craintes ne sont pas fondées, et ce pour deux raisons.
    Tout d'abord, je doute fortement que l'un d'entre nous ait envie de réaliser des copies illégales des microprogrammes utilisés par nos fours à micro-ondes, nos téléviseurs ou nos ordinateurs portatifs, et j'ai du mal à croire que des copies piratées de microprogrammes susciteraient beaucoup d'intérêt sur des marchés illicites.
     Deuxièmement, et plus important encore, nous devons comprendre clairement ce qui est réellement rationalisé en ce moment. Le projet de loi ne vise pas à permettre le piratage sous le couvert de l'interopérabilité; le projet de loi vise à empêcher les fabricants d'équipement d'origine d'entraver l'innovation et la recherche en vertu du droit d'auteur.
    À un niveau fondamental, les MTP utilisées pour contrôler l'accès à des appareils nuisent aux objectifs des politiques publiques du régime de droit d'auteur dans son ensemble. Elles fonctionnent comme des barrières absolues à la diffusion des connaissances, elles sont d'une durée indéterminée, et elles peuvent nuire à la compétitivité et à l'innovation du Canada sur le marché mondial. L'innovation, la recherche et la découverte ne sont pas des activités de contrefaçon. Les innovateurs canadiens ne devraient pas être à la merci de protections du droit d'auteur conçues il y a plusieurs décennies pour protéger les industries du contenu numérique contre les violations du droit d'auteur en ligne.
    Pour conclure, je demande au Comité d'envisager de modifier le projet de loi afin d'y inclure une licence implicite d'utilisation du programme d'ordinateur intégré dans le dispositif ou le composant nécessaire pour réaliser l'interopérabilité. Cela permettrait d'élargir le champ d'application du projet de loi à la recherche et à l'innovation non liées à la fabrication de produits. Après avoir apporté un tel amendement, je recommande vivement au Comité de faire avancer le projet de loi vers la sanction royale.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Rosborough.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Dade qui représente la Canada West Foundation.
    La parole est à vous pendant cinq minutes.

[Français]

    Je vais sauter mon introduction sur la Canada West Foundation et commencer directement mon témoignage. J'espère que tout le monde connaît bien déjà notre fondation. Nous sommes un centre de recherche politique pour les quatre provinces de l'ouest du Canada.

[Traduction]

    Dans l'Ouest du Canada, nous avons passé des années — plus d'une décennie en fait — à travailler à la résolution de la question du droit à la réparation. Compte tenu du rôle important que l'agriculture joue dans l'Ouest canadien et dans notre économie fondée sur les exportations qui soutient l'Ouest et le Canada, il s'agit d'une question qui nous préoccupe manifestement.
    Compte tenu de ce travail, il y a environ cinq ans, nous avons reçu un appel inattendu de Frontier, en Saskatchewan, au sujet d'une question liée au droit à la réparation, c'est‑à‑dire une manifestation du travail que nous avons effectué pour garantir aux agriculteurs le droit d'accès à leur équipement. Cette question est importante non seulement pour l'Ouest canadien, mais aussi pour le Canada en général. C'est un enjeu national.
    Ce que je voudrais faire aujourd'hui, c'est laisser tomber l'exposé technique — vous avez M. Roseborough, qui est bien plus qualifié que moi pour aborder les aspects techniques — et parler des raisons pour lesquelles cette question est importante pour notre nation. Il y a cinq raisons du point de vue du contexte.
    La première raison est une expression que vous avez tous utilisée fréquemment et qui constitue une priorité nationale, à savoir de bons emplois pour la classe moyenne. Cette entreprise et d'autres entreprises comme celle‑là, dans l'Ouest, en Ontario et ailleurs, créent de bons emplois pour la classe moyenne. Depuis la dernière fois que l'entreprise Honey Bee Manufacturing Ltd. a comparu devant vous, elle a créé 20 emplois de ce genre.
     Ce nombre peut sembler faible, mais si vous empruntez la Transcanadienne et roulez vers le sud jusqu'à la frontière américaine et que vous traversez les villes de Gull Lake, de Shaunavon et d'autres collectivités et zones rurales qui ont été vidées de leur substance, vous verrez des bâtiments barricadés. Vous les verrez dans le centre-ville de Shaunavon. Une entreprise qui offre 200 bons emplois à la classe moyenne soutient non seulement la ville de Frontier, mais aussi le Sud-Ouest de la Saskatchewan. Il est important de conserver ces emplois. Nous avons fait de la création et de la conservation d'emplois une priorité nationale, et c'est un travail que l'industrie accomplit sans faire les manchettes, dans des régions rurales et éloignées où l'on ne s'y attend pas.
    La deuxième raison est la diversification du secteur privé.
(1700)

[Français]

     Tout le monde dit aux provinces de l'Ouest:

[Traduction]

    Cessez de couper de l'eau et de tirer du bois. Oui, je le dis à l'envers, parce que nous en avons ras le bol d'entendre cette expression. Nous en avons assez de l'entendre parce que c'est ce que nous faisons: nous nous appuyons sur notre capacité de réaliser des travaux tels que l'agriculture en milieu aride ou difficile et la fabrication de nouveaux produits. Nous nous appuyons sur nos forces. Nous diversifions nos activités, et pourtant personne ne le remarque.
    La troisième raison est la diversification des marchés. On entend parler de cela encore et encore. Toute notre stratégie indopacifique vise à tenter d'accéder à de nouveaux marchés. Si vous fabriquez de nouveaux produits, vous les vendez dans de nouveaux marchés. Les chiffres relatifs à la croissance de l'industrie et à la conquête de nouveaux marchés sans l'aide du gouvernement et sans subventions massives... Les gens viennent au Canada en raison de notre capacité unique à fabriquer des produits que les fabricants d'équipement d'origine ne veulent pas fabriquer et à résoudre des problèmes que d'autres ne veulent pas résoudre.
    La quatrième raison est l'innovation. Je ne sais pas combien d'argent le gouvernement vient de consacrer au nouveau programme d'innovation, mais vous voulez voir des innovations. L'innovation est dans l'ADN de ces entreprises. C'est l'histoire d'origine de ces entreprises. Elles résolvent des problèmes parce qu'elles doivent le faire.
     Au milieu de nulle part, personne ne va fabriquer un organe de coupe ou un semoir adapté à votre paysage particulier et à vos besoins. Les agriculteurs ont pris les devants pour innover. Ils l'ont si bien fait que d'autres personnes du monde entier sont venues nous voir pour nous demander d'occuper le créneau que Deere et d'autres entreprises ne voulaient pas occuper — parce que leur organe de coupe est suffisamment bon, alors pourquoi faudrait‑il qu'il réponde à vos besoins particuliers? C'est un créneau, mais c'est de l'innovation. C'est ce que nous disons vouloir que les entreprises canadiennes fassent. Les innovations sont des activités que nous considérons comme prioritaires à l'échelle nationale, mais dans notre empressement à financer de nouvelles initiatives et de nouveaux programmes, nous oublions les succès que nous avons déjà obtenus.
    Nous allons à la conquête de ce que nous avons déjà dans les mains, et nous oublions les possibilités. Cela nuit à nos objectifs nationaux de diversification du secteur privé, de diversification des marchés et d'innovation.
    L'autre question qui se pose en ce moment est celle du bipartisme. Ce problème ne concerne pas uniquement l'Ouest canadien. Lorsque nous avons commencé à travailler avec Honey Bee et d'autres personnes comme M. Roseborough, ainsi qu'avec les groupes d'équipement agricole qui nous ont rejoints, nous nous sommes adressés au gouvernement, en nous appuyant sur le travail que nous avions effectué et que le député Patzer, en particulier, avait réalisé au niveau local. Nous avons communiqué avec le ministre Bains, et il nous a écoutés. Il nous a ouvert sa porte, s'est assis et a discuté avec nous. Il a demandé à son personnel politique de nous parler, et celui‑ci a réagi. Nous avons parlé à l'industrie et elle a réagi. Il s'agit, je pense, d'une rare lueur de bipartisme sur le front national.
    En conclusion, il reste quatre questions à vous poser.
    Les bons emplois de la classe moyenne s'appliquent-ils à tout le monde au Canada, ou seulement à certaines régions du pays?
    En ce qui concerne l'innovation, sommes-nous prêts à faire ce qui est nécessaire pour sauver l'innovation qui existe déjà, et à ne pas nous précipiter pour tenter de financer de nouveaux projets?
    Récompensons-nous ceux qui ont fait tout ce que nous leur avons demandé en matière de diversification des produits et des marchés, ou les ignorons-nous?
    En ce qui concerne le bipartisme, y a‑t‑il un espoir que nous, les citoyens du Canada, puissions nous entendre sur certaines questions? Si nous ne parvenons pas à nous entendre à ce sujet, je vous dirais, en tant que représentant de l'Ouest du Canada, que je ne sais pas si nous pourrons trouver un sujet sur lequel nous pourrons nous entendre.
    En conclusion, ce sont des histoires qui s'écrivent d'elles-mêmes. Il s'agit de toutes sortes d'histoires qui, à l'avenir, s'écriront d'elles-mêmes au profit de toutes sortes de médias.
    Voilà un peu de contexte pour vous. Je laisse les définitions techniques aux experts.
(1705)

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je suis disponible pour répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Dade.
    Je cède maintenant la parole à MM. Jamie Pegg et Scott Smith, de Honey Bee Manufacturing Ltd.

[Traduction]

    Monsieur le président, membres du Comité, je m'appelle Jamie Pegg et j'ai le privilège de représenter 180 employés et neuf communautés à titre de directeur général de Honey Bee Manufacturing. Je suis accompagné de M. Scott Smith, notre gestionnaire des composants, systèmes et intégration.
    J'en profite pour vous transmettre les salutations de Mme Donna Boyd et des membres de l'Agricultural Manufacturers of Canada, qui sont plus de 240, de même que celles de John Schmeiser et des 4 000 membres de la nouvelle North American Equipment Dealers Association.
    Nous vous remercions de nous donner l'occasion d'exprimer notre soutien au projet de loi C‑294.
    Il y a trois ans, nous avons témoigné devant ce comité à propos de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM. Nous avons abordé la nécessité des modifications au droit d'auteur qui sont aujourd'hui proposées dans le projet de loi C‑294. En 2020, les raisons justifiant ces modifications se fondaient sur des prévisions. Depuis, nous en avons ressenti les répercussions.
    Les mesures techniques de protection, ou MTP, ont rendu la technologie inopérante dans des circonstances où l'interopérabilité est usuelle entre les produits des fabricants de machinerie agricole canadiens et les plateformes des fabricants d'équipement d'origine, aussi appelés FEO ou fabricants d'origine. Uniquement dans le cas de Honey Bee, cela entraîne son exclusion de 53 % du marché canadien. La célèbre prise USB a été remplacée par un branchement propre au fabricant d'origine pour lequel il n'y a pas de documentation publique ni la moindre pièce compatible.
    Notre entreprise est d'envergure internationale, que ce soit du point de vue de ses collaborateurs ou des 29 pays dans lesquels elle exporte ses produits. Honey Bee vend la moitié de ses produits en Amérique du Nord et exporte le reste ailleurs dans le monde. Toutefois, notre industrie demeure désavantagée par rapport à son homologue américaine. Les plateformes étrangères souhaitent empêcher la participation des marques canadiennes.
    La possibilité pour Honey Bee de tirer profit de la propriété intellectuelle dépend de sa capacité à offrir l'interopérabilité entre ses produits et les plateformes des fabricants d'origine. L'interopérabilité signifie qu'un tablier de récolteuse Honey Bee peut être installé sur de l'équipement d'origine et immédiatement prêt à l'emploi. C'était traditionnellement possible de façon directe et évidente, de la même façon qu'un clavier se branche à un ordinateur.
    Aujourd'hui, des géants internationaux mettent essentiellement en échec l'industrie canadienne, ce qui se traduit par une perte importante d'occasions commerciales. Finalement, il en résulte une situation où règne l'usage autorisé seulement, soit l'accès contrôlé par les verrous et clés numériques des fabricants d'origine auxquels les fabricants de machinerie agricole n'ont pas droit. Plutôt que d'investir dans l'innovation et notre budget de recherche, nous gaspillons nos fonds en adaptation.
    Il est important de souligner que les fabricants, les concessionnaires et, surtout, les agriculteurs canadiens ne devraient absolument pas être privés de certains choix. Le marché de la machinerie agricole en Amérique du Nord et à l'étranger est traditionnellement intégré. Les innovations de Honey Bee répondent aux besoins précis de beaucoup de marchés et tiennent compte des particularités de leur milieu, de leurs pratiques et de leurs cultures. Relever de tels défis fait rayonner l'innovation canadienne dans le monde entier. L'exclusion technique pratiquée par les fabricants d'origine entraînera toutefois l'effondrement de l'industrie canadienne de la fabrication de machinerie agricole, ce qui sonnera le glas de nombreuses petites collectivités.
    Dans le projet de loi C‑294, la notion d'« innovation » correspond à l'offre d'un composant ou d'un produit amélioré pour utilisation, soit de façon indépendante ou conjointement avec d'autres produits. Quand l'innovation est utilisée conjointement avec un autre produit, elle doit être interopérable de façon compatible. Dans le projet de loi C‑244, la notion de « réparation » correspond au rétablissement de l'état d'origine d'un dispositif défectueux afin qu'il soit tel qu'il a été conçu et fabriqué. Dans les deux cas, il n'est pas nécessaire d'accéder au code source ni d'exposer de manière indue la propriété intellectuelle. L'accès aux spécifications pour utiliser les protocoles et les interfaces externes afin d'obtenir la fonctionnalité recherchée, voilà ce dont nous avons besoin.
    Auparavant, c'était la norme. Puisque ce n'est plus le cas, les entreprises au sein de l'industrie doivent maintenant procéder à la rétro-ingénierie légale d'un produit, ce qui peut comprendre le contournement d'une MTP de sorte à accéder aux systèmes visés pour concevoir l'information nécessaire à l'interopérabilité ou aux réparations.
    L'ACEUM ne met pas les fabricants américains et canadiens de machinerie agricole sur le même pied. Les lois américaines sur le droit d'auteur prévoient des exceptions pour la machinerie agricole motorisée et légalement modifiée à des fins d'interopérabilité. Ce n'est pas le cas de la loi canadienne sur le droit d'auteur. Il est donc illégal pour Honey Bee ou toute autre entreprise canadienne de procéder à la rétro-ingénierie de plateformes de fabricants d'origine pour obtenir l'interopérabilité exigée. Ainsi, les produits fabriqués au Canada ne peuvent pas être légalement adaptés au Canada. Le désavantage est donc énorme pour les fabricants et les agriculteurs canadiens. La raison? Le libellé manque de clarté.
    Le projet de loi C‑294 vient régler ce problème.
(1710)
    Au début de ma déclaration, j'ai transmis les salutations de nos employés, de leur famille et de nos collectivités. Ce que je souhaite, c'est que le nombre d'employés et de familles augmente au rythme de la croissance de l'entreprise grâce à l'adoption du projet de loi C‑294. Si nous voulons vraiment soutenir l'innovation et le contenu canadiens, nous devons appuyer le travail des fabricants canadiens. Adopter le projet de loi C‑294, c'est voter pour le Canada.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Pegg.
    Passons maintenant à Catherine Lovrics pendant cinq minutes.
    Ma collègue, Colleen Stanley, qui est sur place avec vous, se chargera de notre déclaration liminaire.
    Monsieur le président, membres du Comité, permettez-moi de vous remercier au nom de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada pour votre invitation à comparaître aujourd'hui dans le cadre de l'étude du Comité permanent de l'industrie et de la technologie. Je m'appelle Colleen Stanley et suis ici à titre de membre du Comité de la politique du droit d'auteur de l'Institut, de même que de son sous-comité sur l'interopérabilité.
    L'Institut est heureux de pouvoir formuler des remarques sur le projet de loi C‑294. Il comprend que le projet de loi vise à éliminer les obstacles au développement de pièces par des tiers de l'industrie canadienne de la fabrication, surtout dans le secteur agricole. Le sous-comité qui étudie le projet de loi C‑294 a toutefois de la difficulté à comprendre exactement ses objectifs, car le libellé est assez flou.
    De ce que nous pouvons établir, les modifications proposées semblent viser deux grands objectifs. Le premier est de permettre le contournement d'une mesure technique de protection, ou MTP, pour obtenir de l'information d'un programme d'ordinateur afin de permettre l'interopérabilité de celui‑ci et d'un autre programme d'ordinateur quand au moins un des deux programmes est intégré à du matériel. Il est ici question d'interopérabilité entre produits intelligents. Par produits « intelligents », nous entendons des produits qui comportent du code ou dans lesquels est intégré un logiciel.
    Le deuxième objectif que nous cernons est de permettre le contournement d'une MTP pour tirer de l'information d'un programme d'ordinateur, intégré ou non, afin de permettre l'interopérabilité de celui‑ci et d'un autre produit qui n'est pas forcément intelligent, c'est‑à‑dire rendre interopérables des produits intelligents et des produits qui ne le sont pas.
    En ce qui a trait au premier objectif, soit l'interopérabilité de produits intelligents, l'Institut estime que ces modifications ne sont pas nécessaires. Le paragraphe 41.12(1) actuellement en vigueur permet déjà de contourner une MTP à des fins d'interopérabilité de programmes d'ordinateur intégrés dans du matériel. Dans la loi canadienne sur le droit d'auteur, il est clair que la notion de « programme d'ordinateur » comprend tout logiciel intégré. La définition de programme d'ordinateur dans la Loi sur le droit d'auteur est large et se lit en partie comme suit: « Ensemble d'instructions ou d'énoncés destiné, quelle que soit la façon dont ils sont exprimés, fixés, incorporés ou emmagasinés [...] ». La jurisprudence confirme cette interprétation.
    En plus d'être inutiles, ces modifications rendraient ambiguë la Loi sur le droit d'auteur. Le syntagme « programme d'ordinateur » est utilisé partout dans la loi et est chaque fois interprété de sorte à inclure tout logiciel intégré.
    En ce qui a trait au deuxième objectif, où il est question de l'interopérabilité de programmes intelligents et d'autres, moins avancés, les modifications ne vont probablement pas atteindre la cible. En effet, le paragraphe modifié par le projet de loi C‑294, soit le paragraphe 41.12(1), ne s'applique pas de façon indépendante, mais plutôt conjointement avec deux autres articles de la Loi sur le droit d'auteur. Un article stipule que l'exception applicable au contournement d'une MTP à des fins d'interopérabilité ne peut pas servir à violer le droit d'auteur. L'autre article stipule qu'il n'y a pas de violation du droit d'auteur si l'on reproduit un programme d'ordinateur dans le but d'assurer l'interopérabilité de celui‑ci et d'un autre programme d’ordinateur. En revanche, cette exception à la violation du droit d'auteur ne s'applique pas au fait de rendre un programme d'ordinateur et un produit ou un dispositif interopérables.
    Cela ne signifie pas forcément que passer outre une MTP se traduirait par une violation du droit d'auteur, mais ce pourrait très souvent être le cas. Donc, tel que rédigé, le projet de loi C‑294 entraînerait une exception relative au contournement d'une MTP qui ne pourrait être disponible qu'en de rares occasions, voire jamais.
    En ce qui a trait au deuxième objectif, il y a aussi la question du respect des accords commerciaux. L'ACEUM établit l'exception pour contourner une MTP à des fins d'interopérabilité et prévoit que de telles exceptions ne peuvent s'appliquer que dans le contexte d'un autre programme d'ordinateur.
    En outre, l'utilisation d'un syntagme générique comme « produit fabriqué » rendra la Loi sur le droit d'auteur ambiguë et pourrait entraîner une exception relative au contournement d'une MTP de portée beaucoup plus large que ce qui était initialement prévu.
    En conclusion, si le gouvernement souhaite concrétiser les objectifs stratégiques du projet de loi C‑294, l'Institut recommande une approche tenant compte de trois facteurs. D'abord, il y a le fonctionnement de la Loi sur le droit d'auteur dans son ensemble. Comme nous l'avons dit, divers articles de la Loi vont de pair avec le paragraphe 41.12(1), mais le projet de loi C‑294 ne modifie que ce paragraphe.
    Il faut également tenir compte des obligations du Canada dans le cadre de ses accords internationaux. Ceux‑ci exigent que toute exception à la protection assurée par une MTP soit judicieusement structurée, très ciblée et ne permette que des utilisations qui ne violent pas le droit d'auteur.
(1715)
    Le troisième facteur est celui de la sécurité des citoyens et des questions de sécurité. Les MTP jouent un rôle crucial qui dépasse la protection de la propriété intellectuelle, et les contourner peut donner accès à des renseignements sensibles ou privés stockés dans un programme d'ordinateur ou avoir une incidence sur son exploitation sécuritaire. Le large éventail de MTP et leur modèle d'exploitation exigent un cadre législatif qui cerne des cas précis où la sécurité peut être prise en compte.
    En conclusion, l'Institut recommande une approche ciblée en matière de réglementation grâce à un cadre permettant une évaluation au cas par cas tenant compte des risques et des avantages de chaque exception afin de concrétiser les objectifs stratégiques associés au projet de loi C‑294. L'Institut fournira dans son mémoire un libellé pour les modifications proposées afin de répondre à ces préoccupations. Vous devriez le recevoir sous peu.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Stanley.
    Pour conclure, monsieur Lawford, je vous passe la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Monsieur le président, membres du Comité, je m'appelle John Lawford. Je suis directeur exécutif et avocat général du CDIP, le Centre pour la défense de l'intérêt public.
    Le CDIP est un organisme de bienfaisance national sans but lucratif enregistré qui fournit des services juridiques et de recherche pour le compte des consommateurs et, en particulier, de défense des intérêts de consommateurs vulnérables concernant la prestation d'importants services publics. Le CDIP est actif dans le monde de la protection des consommateurs en ligne depuis plus de 20 ans.
    Le CDIP appuie l'objectif du projet de loi C‑294, soit la création d'une exception aux mesures techniques de protection, ou MTP, au titre de la Loi sur le droit d'auteur afin de permettre aux consommateurs et aux entreprises de les contourner pour fixer un autre produit à leur produit d'origine, dans lequel la MTP est intégrée, et ainsi en améliorer l'utilité.
    L'expression du droit de contournement dans le projet de loi C‑294 englobe tous les produits activés par logiciel, mais seulement quand ce contournement de la MTP est nécessaire à l'interopérabilité du produit assujetti à des restrictions et d'un autre. Ainsi, il vise les accessoires et les pièces de rechange.
    C'est cet aspect du projet de loi qui fait sa force, puisqu'il limite sa portée et ne devrait donc pas empiéter sur les droits perçus du propriétaire initial du droit d'auteur ou des parts de marché. Bref, le consommateur doit tout de même acheter le produit primaire avant que l'accessoire ou la pièce de rechange soit autorisé à lire l'information du produit primaire pour fonctionner.
    Contrairement au projet de loi C‑244, celui‑ci ne donne pas aux consommateurs un droit de réparation qui favoriserait la concrétisation de divers objectifs d'intérêt public. Mentionnons la liberté et le droit des consommateurs d'utiliser les articles qui leur appartiennent de façon plus souple, la prolongation de la vie utile des produits, la possibilité pour le consommateur d'éviter des coûts et des dommages environnementaux dus à l'élimination inutile de produits qui, autrement, sont utilisables et, par le fait même, d'éviter le rejet dans l'environnement de leurs minéraux toxiques qui sont aussi précieux que coûteux, puis un meilleur contrôle sur le moment de la demande et la forme qu'elle prendra de sorte à favoriser la concurrence, le choix, la baisse des prix, un service à la clientèle amélioré, une plus grande innovation et le soutien aux petites entreprises locales de réparation.
    Ce qui n'est pas dans ce projet de loi, c'est le droit du consommateur d'être informé de la possibilité d'obtenir des pièces de rechange. La France l'exige au titre de l'article L111‑1 du Code de la consommation, qui stipule que le vendeur de biens ou le prestataire de services doit énoncer publiquement les fonctionnalités du produit ou du service, ainsi que les spécifications relatives à la compatibilité et à l'interopérabilité entre celui‑ci et des programmes d'ordinateur.
    Il serait également avisé que le Parlement envisage l'établissement d'une liste de produits électroniques de consommation pour lesquels des pièces de rechange doivent être accessibles à tout réparateur pendant au moins cinq ans après la vente de la dernière unité des produits de consommation précisés, comme le prévoit l'article L111‑4 de la même loi française.
    Enfin, tout en tenant compte des compétences des provinces, le Parlement devrait envisager, comme c'est déjà le cas au titre de l'article L441‑2 du Code sur la consommation, une infraction en matière d'obsolescence programmée, ce qui pourrait être dans le cadre de la Loi sur la concurrence.
    Le CDIP estime que les consommateurs devraient avoir accès à un plus large éventail de produits interopérables. Selon les dernières consultations gouvernementales en matière de droit d'auteur, l'interopérabilité « favorise la concurrence, favorise la compétitivité globale des entreprises et favorise l'innovation progressive. L'interopérabilité permet également aux consommateurs de faire un plus grand usage des produits qu'ils achètent ». Nous sommes d'accord.
    Afin d'améliorer concrètement l'accès aux biens compatibles, les sociétés concurrentes doivent être en mesure d'étudier les logiciels des autres à des fins de conception de produits interopérables. Actuellement, les fabricants utilisent des MTP pour empêcher leurs concurrents d'accéder à cette information, préférant produire des biens qui ne peuvent être utilisés qu'avec leurs autres produits dans le cadre d'un système fermé qui favorise le monopole.
    Le CDIP appuie l'ajout d'une définition de l'« interopérabilité » à l'article 41.12 de la Loi sur le droit d'auteur. Dans son mémoire, Anthony Rosborough plaide pour l'ajout d'une telle définition dans la Loi, puisque de permettre l'utilisation du mot à l'article 41.12 sans le définir ne ferait qu'inciter les fabricants d'équipement d'origine à définir de manière restrictive l'interopérabilité et à tirer profit de l'ambiguïté juridique aux dépens des tierces parties.
    La définition d'« interopérabilité » pourrait s'apparenter à celle que l'on trouve à l'alinéa 1201(f)(4) du titre 17 sur le droit d'auteur du United States Code, soit que le mot interopérabilité signifie la capacité de programmes d'ordinateur d'échanger des renseignements, mais aussi d'utiliser mutuellement ces renseignements. Elle devrait être élargie afin d'inclure le remplacement de pièces physiques, les interfaces et d'autres compatibilités.
(1720)
    En conclusion, nous appuyons le projet de loi C‑294 en l'état, mais souhaitons une protection accrue des consommateurs dans le domaine de l'utilisation des produits de consommation par rapport aux débordements en matière de droit d'auteur dans l'économie numérique.
    Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Lawford.
    Pour commencer la discussion, je vais passer la parole à M. Patzer, pour six minutes.

[Traduction]

    Un grand merci à tous d'être des nôtres aujourd'hui. Je vous en suis très reconnaissant, et vous remercie pour vos déclarations.
    Je vais commencer par Honey Bee.
    Pouvez-vous mettre en contexte les raisons pour lesquelles vous souhaitez obtenir une exemption équivalente à celle en vigueur aux États-Unis en matière d'interopérabilité?
    Nos exigences reposent sur le fait que l'industrie de la machinerie agricole est essentiellement composée de plateformes et d'accessoires pour ces plateformes. Toutes ses plateformes appartiennent à des entreprises à l'extérieur du Canada. Il n'y a pas de fabricant de plateforme au Canada, ce qui veut dire que toutes les entreprises canadiennes dans ce domaine produisent des accessoires pour une plateforme donnée. Quand nous sommes exclus de cette plateforme, on nous empêche de faire des affaires.
    Le fait que nos homologues américains bénéficient de ces exemptions dans leur version de la loi sur le droit d'auteur pour les fins citées ici nous place en position de faiblesse par rapport à eux.
    Merci.
    Pouvez-vous fournir plus de détails sur les conséquences imprévues pour vous et d'autres industries découlant de l'incapacité de contourner les MTP pour les fins légitimes citées dans votre déclaration?
    C'est un point majeur pour nous, puisque les MTP qui sont protégées par la Loi sur le droit d'auteur permettent selon nous à certains, tant à l'échelon fédéral que provincial, de contourner d'autres lois canadiennes. La Loi sur la concurrence comporte des dispositions sur l'abus de position dominante qui sont appliquées sous forme de MTP. Nous ne pouvons pas contourner cela, car nous n'avons aucun moyen d'être concurrentiels, même en contexte d'affrontement concurrentiel, puisque les MTP sont tellement hermétiques que, dans le contexte de la loi fédérale sur le droit d'auteur, Goliath rend la tâche impossible à David.
    À l'échelon provincial, il y a des concessionnaires de machinerie agricole, en Alberta et en Saskatchewan, qui appliquent la loi, à savoir que les fabricants d'origine ne peuvent pas imposer le principe de marque unique aux concessionnaires pour les obliger à ne représenter que leur marque. La loi leur permet de représenter diverses marques qui, dans ce cas, sont toutes des marques secondaires, et un grand nombre de celles‑ci sont canadiennes.
    Dans ce cas, le recours aux MTP permet de contourner les lois provinciales en créant un obstacle technique à l'interopérabilité de sorte que, même si les concessionnaires peuvent en théorie vendre d'autres marques connexes à la plateforme, ils se limitent en somme à une seule marque même si cette exigence ne peut pas directement figurer dans leur contrat avec l'entreprise.
(1725)
    Merci.
    Monsieur Dade, pourriez-vous nous parler un peu plus des accords commerciaux, par exemple de l'ACEUM, puisque c'est celui‑là qui est la source du problème?
    Pourriez-vous nous fournir plus de détails sur l'importance d'apporter ces modifications tout en veillant à être sur la même longueur d'onde que nos homologues, tant aux États-Unis qu'ailleurs dans le monde?
    Le problème avec la nouvelle mouture de l'ALENA vient du fait que nous tentons d'éviter l'impérialisme américain dans nos accords commerciaux. Le problème avec la nouvelle mouture de l'ALENA a été soulevé dans un article que nous avons publié dans The Hill Times il y a environ cinq ans, au beau milieu des négociations.
    J'ai également parlé à l'équipe des Affaires étrangères qui négociait l'accord et lui ai fait part de ce problème. J'ai demandé si mon hypothèse voulant que l'accord puisse mettre en péril notre capacité à modifier le droit d'auteur pour régler les questions d'interopérabilité poserait problème. Ce n'était pas sur l'écran radar de l'équipe. La réponse que j'ai obtenue des Affaires étrangères... L'équipe a eu tout le temps du monde et a fait de l'excellent travail pendant les négociations. Je lui tire mon chapeau. Toutefois, on m'a répondu qu'on ne le savait pas vraiment. On ne pouvait pas me dire si cela poserait ou non problème.
    Du point de vue des modifications proposées par d'autres, je crois que nous tombons dans le panneau du resserrement de la réglementation internationale en matière de droit d'auteur et du bris des verrous numériques. L'Accord de partenariat transpacifique est venu accélérer ce qui figure dans le nouvel ALENA, et le nouvel accord de partenariat pour l'économie numérique en Asie, lancé par le Chili et Singapour, entre autres, est un autre pas dans cette direction. Les Américains sont encore plus féroces.
    C'est un secteur où les Américains ont un avantage concurrentiel. Ainsi, ils utilisent les accords commerciaux pour s'assurer de le maintenir. Nous sommes des alliés des États-Unis, mais nous sommes aussi des concurrents économiques. Quand il est question des Américains, nous devons avoir notre portefeuille à l'œil avec ce genre de choses.
    À l'avenir, nous devons vraiment commencer à porter davantage attention à cela.
    Merci beaucoup.
    Il me reste environ 30 secondes.
    Pouvez-vous très brièvement nous expliquer l'importance de l'innovation, peut-être d'un point de vue environnemental? Quand j'étais jeune, le tablier que nous avions faisait 42 pieds. Quelle est leur taille aujourd'hui? Cela se traduit par moins de tours dans le champ.
    Pourriez-vous nous expliquer cela rapidement?
    Nous offrons aujourd'hui des tabliers allant de 25 à 60 pieds. Celui de 60 pieds a été conçu pour ce qu'on appelle la circulation contrôlée. Il limite la circulation dans le champ de l'agriculteur afin de maximiser le rendement des semences investies. Aussi, le poids du tablier a été réduit afin de consommer moins de carburant.
    Chaque petit détail se traduit par des avantages. De façon informelle, nous avons constaté des économies de carburant dans les deux chiffres en alliant réduction du poids, longueur, masse fixée au centre et système mécanique direct. Il s'agit de simplifier les produits. Dans les faits, nous avons rendu les produits plus efficaces en éliminant la technologie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Gaheer, vous avez la parole.
(1730)
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'accorder de leur temps au Comité.
    Madame Centivany et monsieur Rosborough, merci encore d'être des nôtres. Nous avons beaucoup aimé votre contribution sur le projet de loi C‑244 il y a quelques semaines. De ce que nous en comprenons, le projet de loi C‑294 soulève des préoccupations semblables par rapport aux obligations du Canada au titre de l'ACEUM. Seriez-vous d'accord avec cela? Y a‑t‑il des modifications que vous proposeriez ou que vous souhaiteriez que le Comité étudie?
    Je peux répondre en premier.
    À certains égards, votre question se fait l'écho de l'avis de l'IPIC sur ce point.
    À mon avis, ce projet de loi est essentiellement conforme aux obligations du Canada prévues par l'ACEUM, notamment à l'article 20.66(4)h), la disposition qui porte sur les MTP. Je cite l'article: « une Partie peut prévoir d’autres limitations ou exceptions à l’utilisation non attentatoire d’une catégorie particulière d’œuvres, d’interprétations », et ainsi de suite, lorsqu'il « est démontré par des éléments de preuve substantiels, dans le cadre d’une procédure législative, réglementaire ou administrative conforme au droit de la Partie ». D'après ce que je comprends, la séance de ce soir se rapproche d'une procédure législative ou administrative.
    D'autres permutations sont possibles, mais essentiellement, si jamais les obligations découlant de l'ACEUM offrent une marge de manœuvre qui pourrait permettre de nouvelles exceptions relatives au contournement des MTP, c'est probablement à cause des effets néfastes sur les marchés secondaires. C'est le meilleur exemple que je puisse vous donner sur le recours aux MTP qui sont surtout utilisées pour empêcher la concurrence et la création de produits novateurs inspirés de l'innovation.
    À mon avis, ce cas de figure est conforme à l'ACEUM et ne pose aucun problème.
    D'accord.
    Madame Centivany, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je n'ai rien à ajouter. Je suis d'accord avec M. Rosborough.
    C'est parfait.
    J'ai une deuxième question, monsieur Rosborough. Vous avez dit que l'interopérabilité stimulera l'innovation. Pouvez-vous nous expliquer comment l'innovation en sera favorisée et comment cela créera davantage de choix pour les consommateurs?
    Bien sûr. Votre question comporte plusieurs facettes.
    Tout d'abord, il y a l'interopérabilité qui est autorisée en vertu de la loi. Il existe déjà une exception à cet égard. Le problème, c'est que l'exception existante prévoit une définition très étroite de l'interopérabilité, c'est-à-dire la communication entre deux programmes d'ordinateur. C'est ce qui vous permet de faire fonctionner Zoom sur un ordinateur muni de Windows et un ordinateur de la marque Apple. Voilà l'interopérabilité dont il s'agit.
    Ce qui n'est pas autorisé, c'est une conception beaucoup plus élargie de l'interopérabilité qui perçoit les technologies non seulement comme des programmes d'ordinateur, mais également comme des appareils intégrés. Ce sont des systèmes ou des objets cyberphysiques informatisés. Ce que le projet de loi cherche à faire, c'est élargir cette conception de l'interopérabilité prévue par la loi afin d'inclure ce type d'appareils et de produits. Cela permettrait à une vaste gamme d'industries au Canada d'offrir des produits et services qui seraient destinés à de nouveaux marchés, et non seulement des programmes d'ordinateur.
    Je ne peux pas vous fournir des chiffres ou des preuves sur la façon dont l'innovation serait stimulée dans notre pays, mais il me semble que c'est évident que lorsque nous explorerons de nouvelles technologies, nous verrons de l'innovation.
    Merci.
    Ma prochaine question est destinée à tous les témoins.
    Des opinions divergentes ont été exprimées pendant l'étude du projet de loi C‑244. Les fabricants d'équipement d'origine se sont vivement opposés au cadre prévoyant le droit à la réparation pour diverses raisons, notamment la sécurité et le vol de la propriété intellectuelle.
    Ces mêmes préoccupations sont-elles valides dans le cas du projet de loi C‑294? Quel est votre avis?
    C'est une bonne question.
    Lorsque nous avons fait nos déclarations plus tôt, nous avons fait référence aux 4 000 membres de la North American Equipment Dealers Association. Ces entreprises implantées au Canada et aux États-Unis sont visées par des restrictions qui gênent leur capacité de faire affaire, puisqu'elles doivent se limiter à un seul fournisseur, et par le manque de liberté de choisir les produits qu'elles peuvent offrir ou non. Voilà les enjeux.
    Du point de vue canadien, en tant que fabricants de cet équipement, nous sommes entièrement dépendants de l'interopérabilité. Si nous n'arrivons pas à obtenir l'interopérabilité au moyen de ce projet de loi ou d'une autre loi pour les produits vendus au Canada, nous devrons trouver une façon de procéder à la rétro‑ingénierie afin d'obtenir l'interopérabilité exigée. Sachez que nous ne nous intéressons pas à la propriété intellectuelle ou aux autres facteurs. Nous demandons que les interfaces externes soient entièrement définies afin que nous puissions assurer l'interopérabilité. Quels que soient les efforts fournis pour obtenir cette information, nous devons pouvoir le faire en toute légalité, et c'est cela notre plus grande préoccupation actuelle.
(1735)
    Merci beaucoup, monsieur Gaheer.

[Français]

     Je passe maintenant la parole à M. Lemire, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Professeure Centivany, vous avez soulevé une question sur les autres types d'objets et les technologies qui n'ont pas été abordés avec la venue d'Internet.
    Êtes-vous d'accord avec Mme Stanley sur le fait que les changements à la Loi sur le droit d'auteur ne sont pas nécessaires? Pouvez-vous nous donner des précisions sur la venue de l'intelligence artificielle et son incidence sur l'interopérabilité?

[Traduction]

    En ce qui concerne la question sur le témoignage de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, a priori, ma réponse serait que si les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur sur l'interopérabilité étaient limpides actuellement, il n'y aurait pas autant de barrières flagrantes à l'interopérabilité ici au Canada.
    Si j'ai raison, je crois que nous devrons expliquer en termes clairs aux innovateurs et aux autres acteurs qu'ils sont libres de se livrer à ce type d'innovation et de travail supplémentaire. Je pense que la Loi telle qu'elle existe actuellement ne permet pas suffisamment le type d'interopérabilité dont nous discutons aujourd'hui.
    Quant à la question de l'intelligence artificielle, elle s'avère très difficile pour de nombreuses raisons, notamment parce qu'il s'agit dans la plupart des cas d'une boîte hermétique. Nous ne savons pas ce qui se passe à l'intérieur de ces systèmes. Nous ne savons pas d'où proviennent les données ni où et comment elles sont utilisées, et nous ignorons tout des modèles qui sont appliqués.
    L'une des façons clés dont une disposition sur l'interopérabilité comme celle que nous proposons nous aiderait dans le domaine de l'intelligence artificielle, ce serait de permettre davantage de recherche critique sur la façon dont l'intelligence artificielle est développée, adaptée et appliquée. Ainsi, nous pourrions nous assurer que ces technologies continuent d'être déployées dans le monde, qu'elles sont sûres, ne véhiculent pas de préjugés ou n'ont pas d'autres conséquences sociales nocives.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Rosborough, avez-vous des commentaires au sujet de l'intelligence artificielle et de son incidence sur l'interopérabilité?

[Traduction]

    C'est un peu comme si nous comparions des pommes et des oranges. D'une part, il s'agit de contourner les MTP d'un appareil afin de le rendre compatible avec un autre appareil ou programme d'ordinateur. D'autre part, cela n'a rien à voir avec le contournement des MTP qui protègent un algorithme en vue de comprendre son fonctionnement et l'utiliser à d'autres fins. Comme vous voyez, ce n'est pas la même chose.
    Dans le cas de l'intelligence artificielle, on pourrait dire qu'il existe un rôle social positif pour les MTP afin que les systèmes d'intelligence artificielle ne soient pas atteints d'une façon qui nuise à la société. Toutefois, je crois que c'est un enjeu distinct de la question dont nous sommes saisis aujourd'hui, c'est‑à‑dire les marchés secondaires, la concurrence et l'innovation. Je crois que c'est cela l'objectif et l'esprit du projet de loi, et c'est dans ce contexte que nous devrions l'étudier.

[Français]

     Mesdames Lovrics et Stanley, comment l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada aborde-t-il l'arrivée des technologies et des programmes informatiques basés sur l'intelligence artificielle en lien avec la Loi sur le droit d'auteur?
    Selon vous, pourquoi ce sujet n'a-t-il pas été abordé avec les Américains dans des ententes comme l’Accord Canada—États‑Unis—Mexique?

[Traduction]

    Je ne sais pas pourquoi la question de l'intelligence artificielle dans les MTP et l'interopérabilité n'a pas été soulevée dans les négociations avec les États-Unis, mais c'est vrai que je ne participe pas aux négociations internationales.
    Quant à savoir comment l'IPIC aborderait l'intelligence artificielle dans le contexte des MTP, ce serait surtout en termes de risques pour la sécurité et la sûreté, des préoccupations que nous soulevons lorsque vous présentez un amendement dont la portée est trop grande. C'est l'une de nos préoccupations par rapport au projet de loi C‑294. Il se peut que l'auteur n'ait pas voulu une application aussi élargie, mais les termes utilisés, comme « produits fabriqués » ou « dispositif ou composant » pourraient avoir de nombreuses interprétations et conséquences non voulues.
    Voilà notre avis, à la lumière du rôle potentiel de l'intelligence artificielle en matière de sécurité, de sûreté, de soins de santé et de l'Internet des objets. C'est une question de sûreté et de sécurité, ainsi que de volonté d'éviter les conséquences non voulues d'un amendement de grande portée.
(1740)

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste environ 10 secondes, monsieur Lemire.
    J'y reviendrai.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, la parole est à vous.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins qui acceptent de revenir ici.
    Je crois qu'au fond, le problème en est un de volonté politique. Nous avons recueilli énormément de témoignages au fil des ans.
    J'aimerais revenir aux préoccupations qui ont été soulevées à l'égard de l'AEUMC ou de l'ACEUM, quel que soit l'acronyme utilisé.
    Madame Stanley, je vous prie de nous décrire la réaction des Américains si nous adoptions ce projet de loi.
    Il existe actuellement bon nombre de différends commerciaux, mais il faut aussi reconnaître que les États-Unis utilisent énormément les subventions et les investissements, et il y en a encore d'autres qui s'annoncent, comme ceux pour les semi‑conducteurs, par exemple. Cela crée des restrictions supplémentaires sur la production et l'accès au Canada.
    Regardons ce que le Canada pourrait craindre s'il adoptait un projet de loi comme celui‑ci, qui comporte bien évidemment des protections qui sont différentes de celles qui existent aux États-Unis en raison de leur système. Cela ressemble à mon ancien projet de loi sur le droit à la réparation. Aux États-Unis, c'était la loi sur l'évaluation environnementale qui obligeait leurs fabricants d'équipement d'origine d'accorder un accès à leurs matériaux pour le marché des services après-vente du secteur de l'automobile.
    Veuillez nous expliquer ce qui se passerait.
    En ce qui concerne l'objectif du projet de loi, qui cherche à éliminer les barrières à l'interopérabilité afin d'aider des entreprises comme Honey Bee et d'autres fabricants de pièces agricoles, la question est d'ordre purement technique. L'article actuel de l'ACEUM sur les mesures techniques de protection et les exceptions ne permet aucune exception non attentatoire. En raison du libellé du projet de loi C‑294, il semblerait que ce texte permettrait des exceptions non attentatoires, du moins dans certains cas. C'est vraiment une question de libellé.
    Je ne vous parle pas des grandes visées politiques. Je vous dis qu'en raison du libellé actuel, le projet de loi ferait une entorse à l'ACEUM, et plus précisément à l'article 20.66.
    Je vais demander à ma collègue, Catherine Lovrics, si elle a quelque chose à ajouter.
    À savoir quel serait le recours et que feraient les États-Unis si nous faisions une entorse à la disposition, je pense que ce serait une question d'ordre politique plutôt que juridique.
    Je crois que ce serait plutôt une question juridique. Nous l'entendons constamment. Il serait bien qu'on explique au Comité la procédure qu'intenteraient les États-Unis.
    Vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre à la question, et je ne vous demande pas de le faire. Il faudrait peut-être faire venir un expert des relations commerciales. Nous recueillons tous ces témoignages, et pourtant, nous n'apprenons rien de concret sur les conséquences, à part quelques exemples bidon ou encore des enjeux d'ordre pratique que vous avez soulevés qui concernent certaines dispositions précises. Je ne veux pas vous mettre dans le collimateur.
    Je vous remercie.
    Je crois qu'il serait effectivement mieux de faire venir un expert des relations commerciales qui vous expliquerait quel serait le recours aux termes de l'ACEUM. Je vous signale également que même si les dispositions n'ont été appliquées que de façon provisoire, des préoccupations semblables existent par rapport à l'Accord économique et commercial global, et il faudrait examiner les deux régimes. L'ADPIC ne va pas aussi loin, mais il vaudrait la peine d'examiner ce traité également.
    Dans la foulée de ce que vient de dire ma collègue, Mme Stanley, je ne crois pas que notre position serait que les objectifs politiques du projet de loi ne devraient pas… nous n'avons aucun avis sur les objectifs politiques. Notre commentaire est d'ordre technique. Nous avons demandé à une équipe d'avocats chevronnés spécialistes du droit d'auteur d'examiner le libellé du projet de loi. Nous pouvons difficilement voir comment le projet de loi serait appliqué, vu les autres dispositions existantes. Les avocats ont exprimé leurs préoccupations sur la mise en œuvre du projet de loi. Ils craignent que le projet de loi crée beaucoup d'ambiguïté et soit inefficace, puisqu'il s'agit d'un projet de loi qui agit en isolé. Son libellé comporte des termes simples qui ne correspondent pas à ceux utilisés dans la Loi sur le droit d'auteur.
    Si nous revenons au commentaire exprimé par M. Rosborough, à savoir si les produits intégrés sont couverts ou non, nous ne pensons pas que ce soit un enjeu. S'il a raison d'affirmer que les logiciels intégrés dans un produit ne sont plus considérés comme des logiciels pour une raison quelconque, l'enjeu n'existe plus. Notre conversation actuelle ne serait plus pertinente parce que nous ne porterions pas atteinte aux MTP de toute façon, et la jurisprudence indique clairement que les logiciels comprennent les logiciels intégrés.
    Nous vous parlons d'un point de vue technique. Le libellé du projet de loi ne semble pas être en phase avec son objectif, et il y aurait également des conséquences en vertu des divers accords dont il faudrait tenir compte, car on se sert du libellé lorsqu'on cherche à apporter des amendements.
    Je suis désolée, j'ai beaucoup parlé.
(1745)
    Non, non. Cela nous est très utile.
    Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Je vois que mon temps de parole s'est écoulé.
    Notre comité aurait peut-être intérêt à recueillir des témoignages sur les enjeux commerciaux liés au projet de loi, car lors de nos séances sur ce projet de loi et d'autres, nous entendons continuellement que nous risquons de faire une entorse à l'AEUMC ou à l'ACEUM, quel que soit l'acronyme utilisé.
    Je connais très bien la procédure, mais il semble que cela nous empêche de prendre des décisions. Mais, si cela s'avère exact, nous devrions peut-être chercher à bien comprendre la procédure et ses conséquences afin de prendre une décision politique sur le projet de loi maintenant, car je crois que nous avons recueilli suffisamment de témoignages au fil des ans.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Masse.
    Au tour maintenant de M. Dade, qui souhaite intervenir.

[Français]

     Je vais parler de l'aspect du commerce international.

[Traduction]

    On risque une demande de règlement d'un différend de la part des Américains en vertu du chapitre 31. D'ailleurs, une telle demande a déjà été présentée en raison des contingents tarifaires pour les produits laitiers. D'autres motifs ont également été soulevés.
    Le problème pour les Américains, par contre, c'est qu'en raison des exceptions accordées par leur Digital Millenium Copyright Act, la violation des serrures numériques est permise lorsque certains enjeux sont évoqués. Nous voulons quelque chose, et je m'en remettrai aux experts pour vous expliquer cela dans les menus détails, mais les Américains ont déjà agi dans ce sens, donc ce n'est pas comme si nous inventions quelque chose de toutes pièces que les Américains n'ont pas déjà vu ou n'ont pas déjà utilisé.
    Afin de mieux comprendre ce que je viens de dire, vous aurez intérêt à faire venir des avocats spécialistes de la propriété intellectuelle ainsi que ceux qui participent aux négociations internationales.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Vis, la parole est à vous.

[Traduction]

    Ma première question est destinée à Mme Stanley.
    Lorsqu'on discute de l'interopérabilité dans le contexte du droit d'auteur canadien, on fait souvent référence à l'affaire Nintendo of America Inc. c. King, qui a été entendue par la Cour fédérale. C'est l'une des seules affaires dans lesquelles un tribunal canadien s'est penché sur les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur visant le contournement par des mesures techniques de protection.
    Quelle a été la décision de la cour? Comment l'interprétation faite par la cour des dispositions de la Loi sur le droit d'auteur visant le contournement par des mesures techniques de protection a-t-elle eu une incidence sur l'application desdites dispositions dans le domaine de l'interopérabilité?
    Je m'en remettrai à ma collègue, Catherine Lovrics, à ce sujet. Elle connaît davantage cette affaire.
    Merci beaucoup, madame Stanley.
    Je vous remercie de la question.
    D'abord, à mon avis, l'affaire King ne portait pas vraiment sur l'interopérabilité. Ce n'était pas un cas de logiciels homebrew; il s'agissait de quelqu'un qui trafiquait des appareils anti‑contournement piratés et qui, à titre de moyens de défense, a soulevé la possibilité que ces appareils pouvaient théoriquement, ce qui a priori semblait être vrai, être aussi utilisés comme logiciels homebrew. Cependant, l'examen de la preuve a montré clairement que ce n'était pas le cas. Ces appareils servaient à la reproduction illégale de jeux.
    Je crois que c'était plutôt de cela qu'il revenait, et la décision rendue ne portait pas sur l'interopérabilité; la défenderesse se livrait au trafic d'appareils qui, essentiellement, violait le droit d'auteur. Voilà un premier constat.
    Par ailleurs, je crois que M. Rosborough est d'avis que l'affaire montre la nécessité d'une disposition sur l'interopérabilité, ce qui n'est pas le cas, à mon avis, à la lumière des faits décrits dans le cadre de l'affaire et de la décision rendue.
    Je suis prête à en discuter davantage.
(1750)
    Merci.
    Madame Lovrics, votre collègue a mentionné trois points dont nous devons tenir compte: comment la loi fonctionne dans son ensemble, le respect des obligations découlant des accords, et la sûreté et sécurité sociales.
    Sur le deuxième point, soit le respect des obligations découlant des accords, serait‑il juste d'affirmer, en sachant que je suis loin d'être expert en la matière, que le projet de loi a comme objectif de permettre certaines activités auxquelles des fabricants américains peuvent déjà se livrer en vertu des lois sur le droit d'auteur des États-Unis? Des fabricants semblables à Honey Bee ?
    Si l'objectif consiste finalement à faciliter le contournement des mesures techniques de protection afin de ne pas nuire à l'interopérabilité, je pense que nous pouvons examiner ce que nos partenaires ont fait du point de vue législatif et réglementaire. On peut présumer que si nous employons une approche uniforme, nous serions sur la même longueur d'onde.
    Je pense qu'en examinant les...
    Arrêtons-nous ici. Je pense que c'est un point très important. Nous pourrions être sur la même longueur d'onde.
    Le premier point visait à examiner le projet de loi dans le contexte global de la Loi sur le droit d'auteur, mais Mme Stanley a également fait remarquer que le libellé est légèrement vague et ambigu. Vous êtes des experts de l'examen de l'application des lois sur le droit d'auteur au Canada. Comment pouvons-nous améliorer le libellé pour atténuer vos préoccupations dans certaines zones grises que contient le projet de loi?
    Après notre comparution d'aujourd'hui, nous vous remettrons des mémoires que nous sommes en train de terminer. Ils contiendront des propositions de dispositions afin que vous les examiniez. Nous avons éprouvé beaucoup de difficultés à comprendre ce que voulait dire l'alinéa 41.12(1)b) proposé dans le projet de loi. Selon la manière dont on le lit, il donne l'impression d'autoriser l'interopérabilité inversée. Il n'y a aucune définition du terme « produit ». Cette disposition est très ambiguë.
    En ce qui concerne l'alinéa a), nous ne proposerions que de légers amendements, puisque l'objectif consiste à faire en sorte que ce que Mme Stanley a qualifié d'« appareils pas si intelligents »...
    D'accord. Je vous remercie. Je ne veux pas vous interrompre, mais mon temps est limité. Cette réponse est très utile.
    Madame Stanley, le troisième point est celui de la sécurité et de la sûreté sociétales. Comment définissez-vous ce concept dans le contexte de la Loi sur le droit d'auteur? À titre de législateurs, comment devrions-nous considérer ce point dans le cadre de l'examen du projet de loi? C'est une proposition très vague à présenter aux députés. Immédiatement, je me demande si de l'équipement ne fonctionnera pas adéquatement et provoquera un décès. Avec l'expertise commerciale que vous possédez, avez-vous eu vent de tels incidents au Canada?
    Je précise que je n'ai pas d'expertise commerciale. Je suis avocate en propriété intellectuelle et mon expertise concerne le droit d'auteur.
    Je veux dire « commerciale » dans le contexte de votre profession. Veuillez m'excuser.
    Ce n'est qu'un des points que nous voulons soulever pour faire remarquer que l'approche est très vaste et recommander une approche « exception par exception » en matière de réglementation, comme les États-Unis l'ont fait. C'est ainsi que la Bibliothèque du Congrès procède, publiant chaque année une liste d'exceptions.
    Peut-être pourrais‑je faire une brève observation. Tout ce que j'entends à propos de ce qu'il faut faire pour résoudre ce problème, qui semble énorme, vous l'autorisez déjà dans le cadre de la Loi sur le droit d'auteur. C'est évident. Tous les avocats spécialisés en droit d'auteur de notre comité en conviennent.
    Quand vous dites qu'il faut fournir les spécifications externes et définir entièrement les interfaces internes, je pense que bon nombre de ces démarches ne relèvent pas de la Loi sur le droit d'auteur. Cette dernière prévoit presque tout. Nous pourrions apporter des amendements qui éclairciraient certains passages, particulièrement en ce qui concerne les « appareils non intelligents ». Cependant, si vous voulez que quelqu'un fournisse les spécifications externes, cela relève davantage des lois de la concurrence et de la Loi sur la protection du consommateur, comme l'a indiqué le Centre pour la défense de l'intérêt public.
    D'après ce que je vois, la Loi sur le droit d'auteur n'interdit rien à ce sujet.
(1755)
    D'accord.
    Dans le temps qu'il me reste, madame Centivany, voudriez-vous, dans le cadre de l'étude d'aujourd'hui, donner votre avis sur l'affirmation voulant que la Loi sur le droit d'auteur ne nuise pas à l'industrie?
     Je vous remercie de la question.
    Je ne suis absolument pas d'accord. Permettez-moi de vous donner un exemple tiré de ma propre vie.
    J'ai trois ordinateurs chez moi: un ordinateur Apple, un ordinateur personnel et une machine qui fonctionne avec Linux. Aucun de ces ordinateurs ne communique avec les autres. Ils en sont incapables, car du point de vue technique, ils ne sont pas conçus pour le faire. Il en va de même pour tous les périphériques, les connecteurs et les autres dispositifs. Même les logiciels ne veulent pas se connecter les uns avec les autres. L'affirmation voulant que l'interopérabilité ne soit pas un problème ne correspond pas à ce que l'on vit quotidiennement avec la technologie.
    Je pourrais aussi répondre brièvement aux questions soulevées en matière de sécurité et de sûreté.
    Pendant mon témoignage sur le projet de loi C‑244, des opposants ont soulevé des questions à ce sujet également. Ma réponse sur l'interopérabilité est environ la même: dans la mesure où la sécurité et la sûreté sont des préoccupations légitimes, ce n'est pas à la loi sur le droit d'auteur qu'il faut recourir pour protéger ces intérêts. Il existe d'autres lois à cette fin.
    En outre, le fait de considérer les consommateurs et les techniciens, les fournisseurs ou les innovateurs subséquents de tierces parties comme des menaces est, à mon sens, manifestement préjudiciable pour le consommateur et la concurrence.
    Enfin, dans la mesure où les enjeux de sécurité sont des problèmes réels causés par le piratage ou la malfaisance, les pirates disposent déjà d'outils de pointe pour commettre leurs méfaits, et ce projet de loi n'y changera rien.
    Je m'arrêterai peut-être là. Je vous remercie.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à M. Dong pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je veux remercier les témoins de leurs interventions. Notre conversation est fascinante.
    Je me préoccupe moi aussi de la conformité à l'ACEUM, mais je crois comprendre que mes collègues ont déjà abordé la question. Peut-être en discuterons-nous plus avant avec un autre groupe de témoins lors d'une autre réunion.
    Je veux vous poser une question sur l'industrie ou la catégorie de produits que nous devrions exempter. Lors de témoignages précédents, qu'ils aient porté sur le projet de loi C‑244 ou sur celui‑ci, des représentants de l'industrie ont affirmé qu'ils devaient être exemptés de ces projets de loi.
    Je commencerai par cette question ouverte à laquelle peuvent répondre tous ceux qui le veulent.
    Allez‑y, monsieur Rosborough.
    Ma réponse est assez simple: personne ne devrait être exempté.
     Il n'y a aucune raison stratégique pour que la Loi sur le droit d'auteur ait des exceptions ou des limites pour certaines industries. Rien ne le justifie réellement. Des groupes de l'industrie peuvent vous affirmer qu'un accord indépendant règle déjà la question ou que les mesures ne devraient pas s'appliquer à leur industrie parce que cela la désavantagera par rapport à la concurrence, mais la politique sur le droit d'auteur n'a pas pour rôle de faire une différence entre les intérêts des diverses industries. En fait, la loi sur le droit d'auteur ne devrait pas tenir compte de ces préoccupations. Je propose d'adopter la même approche.
    Je vous remercie.
    Je poursuivrai dans la même veine.
    Nous avons entendu l'industrie des instruments médicaux, qui a affirmé que les produits qu'elle fabrique et lance sur le marché pourraient avoir une incidence directe sur la sécurité et la santé humaines.
    Que répliquez-vous à cela?
    Je présume que la question s'adresse à moi.
    Oui, je vous remercie.
    Ces préoccupations sont certainement valables, particulièrement en présence de renseignements de nature délicate ou de données pouvant être personnalisées.
    Cependant, je pense ici encore qu'il faut se rappeler le rôle de la loi sur le droit d'auteur. Il existe, en dehors de la Loi sur le droit d'auteur, des lois pour assurer la sécurité du public et du consommateur. Comme l'a affirmé une des témoins de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, la santé et la sécurité du public ne relèvent pas de ce domaine d'expertise ou de la politique du droit d'auteur.
    Là où ces préoccupations existent, le gouvernement devrait intervenir pour adopter une loi qui protège les Canadiens contre les produits dangereux. Je ne pense pas, toutefois, que ce soit dans la Loi sur le droit d'auteur qu'il convienne d'intégrer ces mesures de protection, car ce sont l'intérêt public, l'accès à l'information et les considérations de ce genre qui finiront par en payer le prix.
    Ce n'est pas le rôle qui convient à ce genre de politiques.
(1800)
    Si vous me permettez d'intervenir à propos de votre première question, les Américains, dans la décision de la Bibliothèque du Congrès d'exempter le matériel agricole, ont pris une mesure spéciale pour accorder la priorité à l'agriculture, notamment avec la signature du nouvel ALENA. Ils ont admis que l'agriculture est une sorte différente d'industrie qui a des sortes différentes de besoins. Compte tenu du nouvel ALENA et vu qu'on se préoccupe des Américains, ce serait un domaine sûr.
    De plus, au Canada, nous reconnaissons depuis plus de 100 ans le rôle particulier que le matériel agricole joue dans les Prairies. Depuis plus de 100 ans, les lois canadiennes sur l'équipement agricole contiennent des exigences spéciales pour les fabricants de matériel agricole et les interventions dans les actions du secteur privé.
    Si vous cherchez non pas à exclure, mais à inclure des industries, vous avez de solides arguments pour celle de l'agriculture, que ce soit dans la loi américaine ou canadienne.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Dade. C'était une observation très importante.
    Monsieur Rosborough, vous avez effleuré le sujet de la protection du consommateur que nous tentons d'assurer ici. Je sais que la question relève en grande partie des provinces. Que pensez-vous que nous devions faire concernant les lois provinciales afférentes afin que cela fonctionne?
    Il faut évidemment que les gouvernements fédéral et provinciaux collaborent à propos de ce genre de politique, car les produits font souvent l'objet de garanties contractuelles.
    Pour répondre à votre question, la protection du consommateur peut revêtir plusieurs sens. Il faudra obtenir la collaboration des provinces au chapitre des lois provinciales sur la protection du consommateur avec un p et un c majuscules. Il existe toutefois une loi fédérale qui traite de la sécurité des produits de consommation. En fait, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation est peut-être un exemple de la manière dont le gouvernement fédéral peut prendre les devants dans ce dossier, pas sans la collaboration des provinces, mais en harmonie avec elles.
    À ce propos, quel rôle les provinces jouent-elles au chapitre de l'interopérabilité? Nous parlons de la protection du consommateur, mais qu'en est‑il de l'interopérabilité? Quel rôle les gouvernements ou les assemblées législatives provinciaux peuvent-ils jouer?
    Comme je l'ai indiqué, les lois sur la protection du consommateur des provinces et d'autres lois provinciales qui régissent la vente de biens et les contrats relatifs aux biens et services pourraient poser un problème en cas de restriction contractuelle à l'interopérabilité, comme entre le fabricant et le consommateur. C'est un domaine où les lois provinciales pourraient intervenir pour que les parties aient la liberté d'assurer l'interopérabilité, sans égard aux conditions contractuelles qui stipulent le contraire, et pour faire en sorte que les garanties continuent de s'appliquer même si l'appareil est modifié aux fins d'interopérabilité.
    Les provinces pourraient fournir quelques éclaircissements et prendre des mesures à cet égard pour que les contrats de garantie, les conditions d'utilisation ou les contrats d'achat et de vente de biens et services puissent autoriser ce genre de modifications.
    Est‑ce que quelqu'un d'autre souhaite intervenir?
    Certainement. J'interviendrai très brièvement.
    Les lois provinciales sur le matériel agricole devront probablement être mises à jour également. Il faudra donc que le gouvernement fédéral et les provinces se coordonnent. Nous avons déjà commencé à informer les assemblées législatives et les députés provinciaux des Prairies à ce sujet.
    Je vous remercie, monsieur Dade.
    Je pense que Mme Centivany souhaite intervenir.
    Oui, je vous remercie. Je serai très brève.
    Je pense que nous pouvons tous admettre, que ce soit dans la présente étude ou dans le débat sur le projet de loi C‑244, que ces mesures législatives recueillent un large soutien au sein des industries et des affiliations partisanes au Canada. Même si la modification des dispositions relatives aux mesures techniques de protection de la loi sur le droit d'auteur ne réglera pas à elle seule les questions de l'interopérabilité ou du droit de réparer, et même s'il faudra tenir compte d'autres considérations à l'échelle provinciale, je pense que les provinces ont ici une occasion de peut-être se distinguer afin de favoriser l'innovation, la concurrence et le consommateur. Aux États-Unis, nous savons que la Californie a des lois plus progressistes et favorise les changements positifs, alors que d'autres États du pays sont peut-être plus conservateurs.
    En fait, je vois cela comme une possibilité réellement prometteuse.
(1805)
    Il faut instaurer une plateforme pour que les provinces interviennent afin d'accomplir une partie du travail.
    Combien de temps me reste‑t‑il, monsieur le président?
    Vous avez dépassé votre temps de trois minutes, monsieur Dong, mais je me sentais généreux.

[Français]

     Je passe maintenant la parole à monsieur Lemire.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Madame Lovrics ou madame Stanley, les dispositions anti-contournement de la loi américaine sur le droit d'auteur, c'est-à-dire l'alinéa 1201(f) du Chapitre 17, comportent une exception aux fins d'interopérabilité. Comment cette exception se compare-t-elle à celle qui figure actuellement dans la Loi sur le droit d'auteur du Canada, ou à l'exception élargie proposée dans le cadre du projet de loi C‑294?

[Traduction]

    Madame Lovrics, pourriez-vous répondre à cette question?
    Je suis désolée. Voulez-vous savoir si quelque chose se compare aux dispositions actuelles du projet de loi  C‑294?

[Français]

    Oui. Si nous comparons les dispositions de la loi américaine en matière d'interopérabilité par rapport à celles de la loi canadienne actuelle ou du projet de loi C‑294, pouvons-nous nous arrimer? Est-ce que ces exceptions vont contribuer à rendre plus conforme notre position en lien avec l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique?

[Traduction]

    La réponse brève est « oui », et nous vous encourageons à étudier la question. Les dispositions américaines autorisent la rétro-ingénierie à seule fin d'identifier et d'analyser les éléments d'un programme qui sont nécessaires à l'interopérabilité d'un programme informatique conçu de manière indépendante avec d'autres programmes.
    De plus, et à part cette exception, un pouvoir de réglementation permet d'accorder des exceptions précises, comme Mme Stanley l'a indiqué plus tôt. Par exemple, il existe une exemption expressément pour l'interopérabilité relative au débridage des téléphones, et cette exemption fait l'objet d'un examen de la réglementation. Le tout se fait en conformité avec les obligations qui figurent à l'alinéa h) de notre traité, dont M. Rosborough a parlé précédemment. Je pense que c'est une approche qu'il faudrait envisager.

[Français]

    Selon vous, les modifications proposées dans le projet de loi C‑294 sont-elles conformes à l'Accord Canada—États‑Unis—Mexique? Avez-vous des propositions de formulation pour éviter tout problème avec les Américains?

[Traduction]

    Oui. Nous vous soumettrons ultérieurement une ébauche d'amendement possible que nous jugeons conforme et qui permet d'atteindre les objectifs de la politique, selon ce que nous en comprenons. Nous proposons un léger amendement au paragraphe  41.12(1). D'autre part, nous proposons d'ajouter un mécanisme afin de permettre d'accorder des exceptions précises — pour des composantes ou des pièces de l'industrie agricole, par exemple — qui tiendraient compte de certains facteurs. La réponse brève est « oui ».

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vous remercie, monsieur Lemire.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Lawford, nous sommes saisis de quelques projets de loi actuellement. Avez-vous des suggestions au sujet de l'ordre de priorité ou des idées de réforme plus étendue que nous pourrions envisager à cet égard?
    J'ai mon propre projet de loi d'initiative parlementaire, mais j'ai choisi un autre projet de loi qui est à la Chambre. Nous en avons également déposé un sur le secteur de l'automobile. J'aimerais simplement savoir ce que vous en pensez, car il y a manifestement un problème. Le fait que trois partis politiques s'en mêlent et que trois projets de loi soient déposés montre de façon éclatante que le statu quo n'est pas acceptable.
    L'ennui, c'est que tous les projets de loi abordent la question de manière légèrement différente, mais sont complémentaires.
    En ce qui concerne celui qui nous intéresse aujourd'hui, je pense que la situation sera ridicule si le consommateur moyen ne peut pas faire réparer son automobile par un atelier indépendant et est contraint de s'adresser à Chrysler. C'est un non-sens qui doit être corrigé.
    Il est également absurde que des produits conçus au pays, comme ceux du fabricant Honey Bee, ne puissent être utilisés au Canada et soient désavantagés aux États-Unis parce que John Deere y est en activité. Il faut corriger la situation.
    Quant au projet de loi C‑244, au sujet duquel je pense que nous avons également témoigné, il repose sur une approche plus vaste pour tenter de régler la question du droit général de réparer. Je conviens que pour répondre aux préoccupations des avocats spécialisés en propriété intellectuelle et des gens de l'industrie, il vaudrait beaucoup mieux agir de manière holistique dans le cadre d'un examen de la Loi sur le droit d'auteur, mais c'est ce que vous tentez de faire au Parlement.
    Je pense toutefois qu'au bout du compte, vous tentez de dire que les consommateurs et les petites entreprises sont très insatisfaits de la manière dont l'équilibre est assuré sur le plan du droit d'auteur. Tout ce que j'ajouterais, c'est que, comme j'ai tenté de le dire aujourd'hui, tout un pan de la protection du consommateur passe sous le tapis. D'autres pays agissent en adoptant des codes fédéraux de protection du consommateur, mais il n'en existe pas au Canada. Le meilleur endroit pour intervenir, c'est dans la Loi sur le droit d'auteur. Je ne veux pas utiliser tout votre temps, monsieur Masse, mais j'espère que cela répond à votre question.
(1810)
    C'était très bien. Je crois que mon temps est écoulé de toute façon, mais c'était très utile.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je vous remercie également, monsieur Lawford.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Monsieur Williams, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens également à remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Madame Centivany et monsieur Rosborough, je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue au Comité. Je pense que vous devez tous les deux avoir une impression de déjà‑vu, puisque vous avez comparu ici il y a à peine un mois, et presque sur le même sujet.
    J'aimerais également revenir sur le sujet que j'ai soulevé avec vous le mois dernier, à savoir les pénuries en matière d'approvisionnement. Les produits entièrement interopérables sont-ils essentiels pour prévenir ou atténuer l'impact des pénuries que nous avons observées dans la chaîne d'approvisionnement pendant l'épidémie de COVID‑19?
    Je peux répondre en premier, car M. Rosborough est trop poli.
    Il y a deux éléments à prendre en compte lorsqu'il s'agit des pénuries dans la chaîne d'approvisionnement. Le premier est la capacité de fabrication au pays, donc certainement dans la mesure où ce projet de loi permettra l'émergence de marchés secondaires pour les produits et l'innovation complémentaires, je pense qu'il sera essentiel pour nous protéger contre les risques d'interruption de la chaîne d'approvisionnement, de la même façon que le projet de loi C‑244 a atténué certains de ces problèmes en offrant un moyen de prolonger la durée de vie utile des articles que nous possédons déjà.
    J'aimerais simplement souligner quelques évidences. Nous connaissons actuellement une pénurie mondiale de micropuces électroniques. Il y a des goulots d'étranglement dans toute une série d'industries, et la capacité de réaliser l'interopérabilité entre différents appareils nous permet de faire de nouvelles choses avec l'équipement que nous possédons déjà en lui donnant de nouvelles fonctions. Au‑delà de la conception et de la fabrication de nouveaux produits interopérables, ce projet de loi nous permettrait également d'utiliser davantage ce dont nous disposons à des fins contextuelles plus diverses. À cette fin, je pense qu'il pourrait effectivement aider à faire face à des pénuries.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Rosborough, vous aviez une proposition d'amendement visant à accorder une licence implicite lors de l'achat d'un produit. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cet amendement?
    Actuellement, en vertu de l'alinéa 41.12(1)a) proposé, si vous lisez l'ensemble du projet de loi, on semble présumer que si vous n'êtes pas le fabricant d'un produit ou d'un appareil et que vous êtes quelqu'un d'autre — par exemple, un chercheur ou une personne qui recueille des informations en vue de la mise au point d'un produit, mais qui ne le fabrique pas encore —, vous devez posséder un exemplaire du programme d'ordinateur ou être titulaire d'une licence en permettant l'utilisation. Une telle personne ne serait donc pas toujours clairement propriétaire du programme d'ordinateur ou titulaire d'une licence d'utilisation.
    L'amendement proposé prévoit donc qu'une personne qui est propriétaire de l'appareil auquel est intégré le programme d'ordinateur dispose d'une licence implicite pour l'utiliser. Autrement dit, le propriétaire de l'appareil est libre de le rendre interopérable avec un autre, qu'il y ait ou non une licence explicite de propriété ou d'utilisation du programme d'ordinateur exécuté.
(1815)
    L'un des témoins a‑t‑il des commentaires à formuler sur certains des arguments que nous avons entendus en ce qui concerne le libellé et les modifications qu'il faudrait lui apporter pour le rendre un peu plus clair sur le plan juridique?
    Il y a eu plusieurs propositions pour le modifier, et je…
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'il faut modifier davantage le libellé pour qu'il corresponde à…? Avons-nous besoin d'un libellé plus clair sur le plan juridique pour ce qui est de la façon dont…? Je présume que le langage clair faisait partie des recommandations.
    Je pense que le projet de loi gagnerait à préciser certains des mots utilisés à l'alinéa 41.12(1)a). En particulier, les mots « fabricant » et « produit » sont quelque peu étrangers à la Loi sur le droit d'auteur. Ils mériteraient qu'on s'y attarde, afin de les rendre un peu plus concrets. Toutefois, il est important que les modifications apportées au libellé ne privent pas le projet de loi de son objet et de son effet.
    À cette fin, je pense qu'il y a place à l'amélioration de ce côté, mais je dirais qu'il faut faire attention de ne pas diluer le projet de loi au point où il correspondrait exactement à la loi existante.
    Puis‑je ajouter un petit commentaire?
    Oui, certainement. Allez‑y.
    Je pense qu'il est toujours possible d'améliorer le libellé de ce genre de projet de loi. Je dirais que l'objectif que nous devrions viser est de ne pas introduire un langage moins clair, car je pense qu'un langage clair est une bonne chose. Nous voulons que notre droit public soit accessible à tous les membres de la société, et un langage clair nous aidera à atteindre cet objectif.
    Cela dit, je conviens qu'il pourrait être utile d'ajouter des définitions, et je pense que M. Rosborough y a fait allusion dans l'article qu'il a remis au greffier.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Erskine-Smith, vous avez la parole.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je comprends la notion de langage clair, mais si l'on veut lire du langage clair en droit, on ne consultera probablement pas la Loi sur le droit d'auteur.
    J'aimerais d'abord parler de l'expérience internationale. Nous abordons ces questions de manière fragmentée. Le Comité est actuellement saisi de deux projets de loi. Je pense que mon collègue, M. Masse, a raison de dire qu'il y a manifestement un énorme désir de changement et qu'on souhaite fortement obtenir l'interopérabilité et le droit de réparer. Il s'agit maintenant de savoir comment nous nous y prendrons, sur le plan technique, pour y parvenir de la meilleure façon possible.
    Monsieur Rosborough et madame Centivany, j'aimerais d'abord m'adresser à vous.
    Y a‑t‑il un autre pays qui gère cet enjeu convenablement?
    Je répondrais que de nombreux pays ont du mal à gérer cet enjeu. Les pays qui ont hérité du traitement prévu pour les mesures techniques de protection dans la Digital Millennium Copyright Act, c'est‑à‑dire la loi sur le droit d'auteur du millénaire numérique, et qui les considèrent donc comme des mesures de contrôle d'accès sont tous en train de se demander ce qu'il faut faire. Il n'y a pas de solution idéale pour régler cette question.
    On nous a toutefois prévenus qu'il y avait un problème lié à l'Accord Canada–États-Unis–Mexique dont nous devions nous préoccuper, mais on n'a pas pu formuler ce problème de manière précise. Personnellement, je ne trouve pas cela très satisfaisant ou convaincant. L'alinéa 20.66(4)h) de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique indique clairement la bonne façon d'adopter de nouvelles exceptions exactement comme celle qui nous occupe.
    En l'absence d'une raison pour laquelle cette exception ne s'inscrirait pas dans ce cadre, je pense que nous devrions partir du principe qu'elle est compatible avec l'Accord Canada–États-Unis–Mexique.
     Madame Lovrics, y a‑t‑il un autre pays qui pourrait nous offrir des pistes de solutions, selon vous?
    Dans la discussion que nous avons eue sur le projet de loi sur le droit de réparer, la Loi sur le droit d'auteur a également été cernée comme étant un obstacle au droit de réparer et à l'interopérabilité. Je pense qu'il y a une illusion selon laquelle la suppression, la modification ou l'élargissement de l'exception facilitera d'une manière ou d'une autre le droit à la réparation. Cette loi ne facilite pas l'adoption d'une telle mesure.
    On peut s'intéresser à d'autres pays, comme des pays d'Europe, le Royaume-Uni et des États américains qui se sont penchés sur d'autres domaines du droit, par exemple la concurrence. Il y a le projet de loi de M. Masse dans le cadre de la Loi sur la concurrence. On pourrait s'intéresser aux mesures provinciales dans ce domaine et, compte tenu du partage des compétences au pays, cela concernerait certaines provinces. Par exemple, le Québec a présenté un projet de loi à cet égard.
    Je pense que nous devons adopter une approche globale. Bien honnêtement, je pense que la modification de la Loi sur le droit d'auteur est en quelque sorte un faux-fuyant.
    Puis‑je vous interrompre un moment? Nous ne parlons pas du droit de réparer, mais de l'interopérabilité. La réponse n'est-elle pas…?
    Vous savez, je comprends certaines préoccupations de l'industrie. Les intervenants de l'industrie sont venus nous voir en disant que nous allions ouvrir complètement la voie au contournement des mesures techniques de protection, et qu'ils ne seraient pas en mesure de contrôler la situation. Nous pourrions dire que l'objectif est le droit à la réparation, mais c'est difficile.
    Toutefois, dans ce cas‑ci, je ne suis pas si compréhensif, car si les industries offraient l'interopérabilité, elles pourraient toujours avoir des mesures techniques de protection. Cela ne crée‑t‑il pas la bonne structure pour inciter les entreprises à faire ce qu'elles devraient faire en premier lieu?
(1820)
    Pour illustrer le faux-fuyant, je reprendrai l'exemple de Mme Centivany au sujet des trois systèmes informatiques différents qui ne se parlent pas entre eux. L'exception actuelle permettrait à une personne de faire les recherches nécessaires pour que ces systèmes se parlent entre eux. La Loi sur le droit d'auteur n'est pas un obstacle dans ce cas. C'est ce que je voulais dire.
    Non. Toutefois, les entreprises auraient intérêt à ne pas mettre en place des systèmes disparates qui ne se parlent pas entre eux si nous, les législateurs, leur disions que les gens vont pouvoir contourner les mesures techniques de protection afin d'assurer l'interopérabilité et que par conséquent, si elles souhaitent garder leurs mesures techniques de protection en place et ne pas favoriser le contournement, elles devraient offrir l'interopérabilité.
    Cela n'inciterait‑il pas l'industrie à assurer l'interopérabilité?
    Je pense que l'industrie est déjà incitée à le faire, mais qu'elle ne le fait pas.
    Je ne suis pas du tout d'accord pour dire qu'on incite l'industrie à offrir l'interopérabilité. Je pense que c'est plutôt le contraire.
    Pour ma dernière question... Vous allez nous fournir ou nous proposer des amendements. Monsieur Rosborough et madame Centivany, nous ne vous demanderons pas de comparaître à nouveau, car nous avons un calendrier à respecter, etc. Lorsque Mme Lovrics et son équipe nous auront soumis des amendements, il serait très utile que nous puissions les distribuer et que vous puissiez envoyer vos commentaires par écrit au greffier et aux analystes. Cela m'aidera au moins à mieux comprendre tout cela. Ils présenteront leurs meilleurs arguments, et vous pourrez ensuite formuler une réponse. Je le ferais bien aujourd'hui, mais je n'ai pas les amendements sous la main. Il serait très utile que nous obtenions tout cela par écrit.
    Cela dit, je vous remercie du temps que vous nous avez accordé.
    Je le ferai avec plaisir.
    Moi de même.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je passe maintenant la parole à M. Perkins pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Généreux.
    Monsieur Lawford, dans votre déclaration préliminaire — et pour faire suite à l'intervention de M. Erskine-Smith —, vous avez dit que le droit français était intéressant.
    Comment incorporiez-vous certains des éléments que vous avez mentionnés dans ce projet de loi afin d'atteindre ces objectifs? Vous avez parlé de certaines listes.
    J'ai une deuxième question sur l'obsolescence programmée, que je traiterai comme un enjeu distinct.
    Vous avez raison. Je ne pense pas que l'obsolescence programmée s'intégrerait bien dans ce projet de loi, mais je pense que les obligations prévues dans le droit français qui visent à indiquer aux gens ce qui est remplaçable et combien de temps cela sera offert sur le marché seraient utiles dans ce cas‑ci.
    Tant que vous n'êtes pas dans une situation de monopole comme celle de John Deere, où seule cette entreprise, ou peut-être un ou deux autres fabricants, fabriquent les pièces pour l'équipement, dans des domaines de produits de grande consommation, comme la maison intelligente, on pourrait par exemple avoir le choix entre trois, quatre ou cinq fournisseurs de maisons intelligentes. Pour l'instant, nous ne savons pas ce que les fabricants vont prendre en charge ou comment remplacer les pièces qui font défaut dans les systèmes. Les consommateurs ne peuvent pas être sûrs qu'ils ne choisiront pas un système qui sera rapidement désuet et qui ne fonctionnera plus. Ils devront alors remplacer l'ensemble du système.
    Le fait d'avoir un peu d'information dès le départ sur les pièces de rechange et l'autorisation de réparer sont des mesures qui semblent compléter ce que le projet de loi tente de faire, et ce que tente de faire, dans une certaine mesure, le projet de loi C‑244.
    Comment passer à l'étape suivante? À quoi cela ressemblera‑t‑il? Le fabricant est‑il responsable, par l'entremise de son site Web ou d'un autre moyen, de tenir une liste à jour? Les personnes qui fournissent ces pièces et ces systèmes doivent-elles obtenir l'approbation du fabricant? Comment cela fonctionne‑t‑il?
    Si je comprends bien, le fabricant doit s'engager à essayer de soutenir les tiers, mais il n'est pas obligé de le faire. S'il produit ses propres pièces, je pense qu'il doit continuer de les mettre à disposition pendant cinq ans après la date à laquelle le produit est offert pour la première fois au public. Après cela, je ne sais pas trop.
    Je comprends que l'on puisse craindre un excès de réglementation. Je conviens qu'à un certain moment, il faut se montrer raisonnable. L'idée est d'informer les gens, dès le départ, sur les modalités de réparation du produit.
(1825)
    Vous avez la parole, monsieur Généreux.

[Français]

    Mesdames Centivany et Stanley, on parle de plus en plus de nouvelles technologies liées à l'intelligence artificielle, comme ChatGPT et tous les logiciels du genre à venir.
     En quoi les droits d'auteur ou la Loi sur le droit d'auteur canadienne ou internationale vont, pourront ou devront évoluer en lien avec l'interopérabilité par rapport à ces nouvelles technologies, qui permettraient à une entreprise comme celle de M. Pegg d'écrire en 20 minutes un programme pour faire fonctionner de l'équipement?
    Comment voyez-vous l'évolution de tout cela par rapport à la société dans laquelle on vit aujourd'hui et par rapport aux droits d'auteur? Voyez-vous un lien dans tout cela? Suis-je trop en avant de mon temps?

[Traduction]

    Je répondrai en premier, si cela vous convient.
    Oui, vous êtes peut-être en avance sur votre temps.
    J'aimerais préciser deux ou trois choses. D'une manière générale, les lois sur le droit d'auteur ont toujours eu du mal à s'adapter aux technologies nouvelles et émergentes. Cela s'explique en partie par le fait que les lois sur le droit d'auteur sont intrinsèquement rétrospectives, c'est‑à‑dire qu'elles se fondent sur le passé. Elles sont axées sur les précédents, l'analogie et la distinction par rapport aux pratiques antérieures. Cependant, par nature, les technologies émergentes sont tournées vers l'avenir. Elles sont novatrices. Elles nous précipitent dans des situations nouvelles et imprévues.
    Je dirais donc qu'il y a toujours des tensions entre le droit d'auteur et les technologies émergentes. Il est toujours difficile de trouver comment rééquilibrer les choses chaque fois qu'une technologie novatrice et perturbatrice est mise au point, qu'il s'agisse du piano mécanique ou de l'intelligence artificielle.
    En ce qui concerne précisément l'intelligence artificielle, les questions de droit d'auteur n'ont pas encore été mises en évidence dans ce domaine. Je pense qu'une grande partie du problème réside dans la façon dont les données utilisées dans ces processus sont souvent protégées et les résultats peuvent souvent porter atteinte au droit d'auteur. C'est en quelque sorte le domaine dans lequel, à titre de chercheuse, j'étudie l'incidence de l'intelligence artificielle sur le droit d'auteur. Ce n'est pas nécessairement lié à l'interopérabilité, à part les questions relatives à la capacité des chercheurs d'analyser ces technologies, comme je l'ai mentionné plus tôt.

[Français]

     Madame Stanley, avez-vous des commentaires?

[Traduction]

    Si j'ai bien compris votre question, il s'agit de l'interopérabilité et de son lien avec l'intelligence artificielle à l'avenir.
    Le cas de l'intelligence artificielle présente exactement le même problème que nous traitons ici aujourd'hui. En effet, qu'il s'agisse d'un logiciel d'interface avec une intelligence artificielle ou d'un logiciel qui gère le système d'exploitation d'un tracteur, il s'agit toujours d'un logiciel et il est protégé par la Loi sur le droit d'auteur. Il existe des exceptions qui permettent l'interopérabilité et la modification des mesures techniques de protection pour favoriser l'interopérabilité.
    Dans le cas de l'intelligence artificielle, l'approche recommandée par l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada pour atteindre les objectifs dans ce cas‑ci s'appliquerait également à la question relative au contournement des mesures techniques de protection pour l'intelligence artificielle, en ce sens qu'il faudrait s'assurer que cela soit justifié dans le contexte du droit d'auteur. Il faudrait également tenir compte des questions de sécurité, surtout en ce qui concerne l'intelligence artificielle.
    L'approche que nous préconisons s'apparente davantage à celle qu'ont adoptée les États-Unis avec sa Bibliothèque du Congrès et qui prévoit certaines exceptions précises. Il s'agit d'examiner au cas par cas chaque exception prévue par la Loi sur le droit d'auteur.

[Français]

    Monsieur le président, je crois que M. Dade voudrait intervenir si vous le permettez.

[Traduction]

    Nous allons trop vite en affaires. Cela nous ramène à la question posée par M. Erskine‑Smith.
    Vous allez vous faire forcer la main. Vous vous demandez comment composer avec des éléments qui ont été négociés dans le cadre de l'ACEUM et dans le cadre du partenariat transpacifique.
    Le Canada est en train d'étudier...
(1830)

[Français]

    Monsieur le président, il n'y a pas d'interprétation.
    Attendez un instant s'il-vous-plaît.
    Puis-je continuer?
    Je vous en prie. L'interprétation en français ne se faisait pas.
    D'accord. Je vais continuer en anglais.

[Traduction]

    Le Canada est en train d'étudier la possibilité d'amorcer des négociations dans le cadre de l'Accord de partenariat pour l'économie numérique, ou APEN, établi en Asie. Vous allez vous faire forcer la main. Si les négociateurs canadiens ne reçoivent pas de directive sur une position ferme qu'ils devront tenir en fonction des lois canadiennes avant de commencer les négociations, ils auront de la difficulté à faire valoir leurs arguments et à défendre les intérêts du Canada.
    Ce n'est pas agir prématurément que de préparer le Canada à défendre ses intérêts lors de négociations comme l'APEN. Nous éviterons ainsi de revenir devant le Comité pour déterminer comment remplir nos obligations établies dans l'APEN et d'autres ententes.

[Français]

    Merci.
    Monsieur Erskine‑Smith, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    La conformité avec l'ACEUM devra faire l'objet d'autres délibérations du Comité. Visiblement, cette question s'applique aussi au projet de loi C‑244, autre mesure qui a donné lieu à des discussions passablement ardues.
    Si j'ai bien compris, M. Rosborough a soulevé dans son intervention l'article 20.66(4)h). Toutefois, l'article 20.66(4)a) vise:
les activités d'ingénierie inverse non attentatoires concernant une copie de programme d'ordinateur légalement obtenue,
     Parfait. Nous pouvons cocher une case.
réalisées de bonne foi et portant sur des éléments particuliers de ce programme qui ne sont pas facilement accessibles à la personne qui réalise ces activités, à la seule fin de garantir la compatibilité d'un programme d'ordinateur créé indépendamment avec d'autres programmes;
    On pourrait penser... Dans cette disposition, l'interopérabilité est clairement décrite comme une exception. Vous avez ensuite la disposition fourre-tout qu'est l'alinéa h), que vous avez mentionné.
     Je ne vais pas adresser ma question à M. Rosborough, mais plutôt à Mme Lovrics ou à sa collègue.
    Au titre des articles 20.66(4)a) et 20.66(4)h) — en vue des questions que j'aimerais poser à un spécialiste du commerce qui viendrait comparaître devant le Comité —, quelle objection pourrait être formulée au titre de l'ACEUM concernant le projet de loi C‑294?
    Je ne suis pas certaine.
    Madame Stanley, pouvez-vous répondre à la question?
    Je mentionnerais d'abord la suppression de « seule ». Comme je ne suis pas dans la pièce — je suis désolée —, je ne peux pas voir...
    La suppression de « seule » dans le...
    Voulez-vous répondre à la question?
    Bien sûr.
    Cela dépendra en grande partie du libellé définitif. Au sujet du paragraphe 41.12(1) proposé, la suppression de « seule » pourrait nous amener à mal interpréter la disposition. La formulation de l'alinéa 41.12(1)b) proposé permet vraisemblablement une interopérabilité inversée. Le libellé n'est pas clair.
    Vu l'ambiguïté, l'alinéa 41.12(1)b) proposé risque, selon son application, d'aller plus loin, voire peut-être plus loin que l'alinéa h). En fait, nous préférerions la voie réglementaire à la voie législative. Je suis d'accord avec M. Rosborough pour dire que nous suivons un processus législatif, mais à notre avis...
    Je comprends que certains peuvent préférer une approche réglementaire. Je suis favorable à cette idée. Si le gouvernement avait proposé une approche réglementaire exhaustive comportant une bonne partie de ces éléments et des éléments soulevés par M. Lawford, je serais ouvert à la suggestion. Par contre, j'ai entendu que le texte dont nous sommes saisis pourrait entraîner des objections au titre de l'ACEUM. Je doute que le mot « seule » puisse tout changer.
     Je suis d'accord avec vous pour dire que l'alinéa b) ne correspond pas entièrement à l'exception prévue à l'alinéa 41.12(1)a) proposé, mais il y a lieu de penser que l'alinéa 4h) de l'ACEUM pourrait l'englober, vu que les deux dispositions visent exactement la même chose et que l'alinéa 41.12(1)a) existe déjà. L'interopérabilité est donc déjà là en tant que prémisse et en tant qu'exception.
    Sur cette question, ce serait utile à mon avis, plutôt que de tenir ces échanges dans un laps de temps limité, d'inviter à comparaître des spécialistes du commerce. Donc, si vous vouliez soumettre par écrit les principales... Les questions devront être formulées sous un certain angle. Ce serait bien d'être pleinement préparé à tenir une conversation approfondie avec des spécialistes du commerce qui nous permettraient de régler toutes ces préoccupations. Je pense que l'intervention de M. Rosborough sur l'alinéa 41.12(1)a) proposé et l'alinéa 4h) de l'ACEUM était très convaincante. Si vous n'êtes pas satisfaites, ce serait constructif de soumettre vos préoccupations et les lacunes que vous avez perçues à ces spécialistes.
    Bien sûr. Je tiens à préciser que le principal souci, selon nous, est l'incompatibilité du projet de loi avec le contexte de la Loi sur le droit d'auteur...
(1835)
    Je comprends. Vous allez nous proposer d'autres amendements à cet effet.
    Mme Catherine Lovrics: Oui.
    M. Nathaniel Erskine-Smith: Parfait.
    Merci à tous.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Erskine-Smith.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Lovrics ou madame Stanley, en ce qui concerne l'intelligence artificielle, devrait-on inclure dès maintenant la notion d'une obligation de transparence pour répondre aux préoccupations à ce sujet, notamment celles dont a fait part la professeure Centivany?
    Les écrits sur l'intelligence artificielle proposent que ses productions suivent un chemin semblable à celui de la photographie et soient considérées comme le produit d'un outil, et non comme des oeuvres. Pouvez-vous nous donner votre point de vue à ce sujet? Devrait-il y avoir une notion d'obligation de transparence?

[Traduction]

    Je ne suis pas certaine de comprendre la question. L'obligation de transparence pour...

[Français]

    Selon ma compréhension de l'intelligence artificielle, cette dernière sera parfois la source de reproductions d'œuvres, qui seront alors de nouvelles œuvres. Y a-t-il une obligation de pouvoir retracer et de nommer l'œuvre initiale? Doit-il y avoir une forme de compensation associée au droit d'auteur si l'intelligence artificielle dénature l'œuvre initiale? Devrait-on agir en ce sens?

[Traduction]

    Ce que vous soulevez n'a aucun lien avec le sujet dont nous parlons. Je ne vois pas le rapport. La création par l'intelligence artificielle d'œuvres protégées par le droit d'auteur et la mesure dans laquelle elle reproduit d'autres œuvres ou qu'elle les transforme est le thème de nombreuses conférences sur le droit d'auteur. Je ne pense pas que les spécialistes des lois sur le droit d'auteur soient arrivés à un consensus à ce sujet.
    Madame Lovrics, souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Oui. Je suis d'accord. Dans la mesure où cela se rapporte soit aux exceptions qui visent à permettre les données d'entrée — en l'occurrence le point soulevé par Mme Centivany — ou à protéger les données de sortie, soit à l'analyse des activités attentatoires relatives aux données de sortie par rapport aux données d'entrée, cette question est entièrement distincte. De fait, lorsque le gouvernement a mené des consultations, nous avons présenté des mémoires sur plusieurs de ces questions, qui ne semblent pas se rapporter toutefois au sujet à l'étude.
    Dans la mesure où l'interopérabilité et le contournement des mesures techniques de protection permettant à deux programmes informatiques de communiquer peuvent donner accès à un code considéré comme un secret commercial ou à un algorithme caché dans une boîte noire, vraisemblablement, vu la portée de l'exception actuelle et vu la manière dont la violation du droit d'auteur fonctionne et dont tout est matière à violation, nous pouvons affirmer que des mesures de protection des droits d'auteur sont en place. Il pourrait y avoir toutefois des enjeux plus grands à considérer concernant le secret commercial et la dissuasion à l'investissement dans le secteur de l'intelligence artificielle, qui est énorme au Canada.
    Je ne suis pas certaine d'avoir répondu à la question, mais dans le contexte du projet de loi, ce serait selon moi le meilleur parallèle à faire avec le secteur de l'intelligence artificielle.
    Si la question portait en partie sur l'état du secteur de l'intelligence artificielle au Canada ou sur la capacité de l'intelligence artificielle de faciliter l'interopérabilité entre deux systèmes informatiques et le développement de codes permettant à deux systèmes informatiques de communiquer, un technologue pourrait y répondre. Cela dit, je pense que le Canada est bien positionné sur le plan de l'innovation dans ce domaine.
    Je donne cet avis en mon nom personnel, et pas nécessairement au nom de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.

[Français]

     Merci beaucoup pour vos commentaires.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Masse, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Madame Centivany, j'ai aimé votre exemple des trois systèmes informatiques qui ne sont pas compatibles. Auriez-vous un autre exemple qui pourrait aider le Comité? Votre exemple était très éloquent, car nous le voyons dans notre vie de tous les jours. Pourriez-vous en fournir un autre?
    Malheureusement, j'ai tellement d'exemples.
    Un autre exemple qui en interpellera plus d'un est celui des produits de consommation comme les cartouches d'encre HP. Vous achetez une imprimante HP à jet d'encre en vous réjouissant du prix modique. Or, les mesures techniques de protection sont utilisées pour compliquer l'utilisation de cartouches d'encre produites par des tiers. De fait, j'ai lu hier qu'un litre d'encre coûtait plus cher qu'un litre de Chanel. Nous voyons bien comment les entreprises tiennent les consommateurs captifs et les obligent à continuer à utiliser leurs produits.
(1840)
    Voilà un autre très bon exemple, qui touche également à l'environnement. Certaines imprimantes sont littéralement jetables sur le plan économique, car il est possible, pour environ le même prix qu'une cartouche d'encre, d'acheter une autre imprimante avec de nouvelles cartouches en prime. Voilà un autre aspect que nous n'avons pas examiné.
     Mon temps est écoulé, mais je pense que ces exemples concrets sont excellents.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Pour conclure la discussion, nous passons à M. Patzer.
    Merci beaucoup.
    Ma question s'adresse aux représentants de Honey Bee. Des commentaires ont été formulés sur le besoin de mesures incitatives pour encourager l'interopérabilité dans l'industrie. Du point de vue d'un innovateur comme vous, ces mesures incitatives sont-elles déjà en place?
     J'écoute les commentaires depuis le début et je tente de les raccorder à notre contexte. J'ai retenu deux éléments.
     D'abord, le vide créé par le manque d'interopérabilité donne lieu à un comportement anticoncurrentiel et à l'obsolescence programmée, car les gens qui travaillent à remplir ce vide sont en mesure de décider de la suite des choses. Ils ont énormément de pouvoir.
     Dans une perspective commerciale, dans notre secteur et dans l'ensemble de l'industrie au Canada, l'incidence de la Loi sur le droit d'auteur sur notre capacité à fabriquer des équipements agricoles n'est pas évidente à première vue. Cette question nous préoccupe grandement. Nous ne prenons pas le risque juridique et financier de mettre des innovations sur le marché, car nous craignons d'écoper d'amendes de 12 millions de dollars à la Nintendo c. King. King était un jeune homme qui se servait de petits dispositifs. Comparativement, nous sommes des costauds qui vendent de gros équipements. Nous sommes donc très réticents.
    Quant au niveau de langue qui doit être utilisé — le langage simple ou le jargon juridique —, les acteurs de l'industrie veulent un langage clair qui leur permette de comprendre où ils se situent par rapport aux lois fédérales afin de pouvoir recourir en conséquence aux lois provinciales qui soutiennent l'industrie. Aujourd'hui, nous ne savons pas où nous nous situons au niveau fédéral parce que les dispositions manquent de clarté. Le projet de loi renferme un langage clair avec lequel nous sommes tout à fait à l'aise et qui nous permettrait de poursuivre nos projets novateurs et de saisir les occasions. Ce serait en fait une mesure incitative.
    Pour ce qui est des obstacles, la Loi sur le droit d'auteur a comme fondements les droits de propriété et les licences. Les machines du fabricant d'équipement d'origine ne viennent pas avec la licence d'utilisation des logiciels. De fait, les agriculteurs qui achètent une moissonneuse-batteuse n'ont pas la licence d'utilisation du logiciel qui y est installé. La question des licences est-elle un problème pour votre entreprise également?
    Le logiciel constitue seulement 30 % du problème lié à l'interopérabilité. Le projet de loi ne résoudrait donc que 30 % du problème. La Loi vise d'autres formes de serrures techniques et numériques qui empêchent l'interopérabilité — probablement involontairement — et qui nous désavantagent.
    J'aimerais que vous précisiez un peu ce point, car je pense que nous devons avoir un portrait très clair de la situation. Vous pouvez utiliser le reste de mon temps si vous le souhaitez.
     L'interopérabilité se fait entre deux systèmes physiques. Les systèmes utilisés dans le contexte numérique comportent le préfixe « cyber ». Hormis les systèmes cyberphysiques, il y a les systèmes physiques-physiques, physiques techniques ou physiques électriques. Il existe toutes sortes de circuits autres ceux qui renferment un logiciel.
    Nous avons essayé d'imaginer, lors de discussions juridiques, ce que prévoyait la Loi sur le droit d'auteur pour les systèmes comportant un logiciel. Devons-nous acheter une moissonneuse-batteuse pour 1 million de dollars chez un vendeur, l'adapter avec nos technologies, puis vendre la machine à un agriculteur afin d'acquérir la licence du logiciel lors de l'adaptation, ou devons-nous plutôt contourner tous les systèmes installés sur le produit et créer notre propre système en parallèle? Nous l'avons fait par le passé à grands frais, mais en affectant tous nos fonds d'innovation à l'adaptation, et non pas à l'innovation. Ce n'est pas rentable pour l'entreprise et ce n'est pas intéressant pour le consommateur. Qui veut acheter un produit qui a été piraté et cannibalisé?
    La meilleure solution est de confier à quelqu'un un mandat d'interopérabilité. Sans cet objectif à long terme, le vide sera rempli par un monopole et l'obsolescence programmée, ce qui entraînera la mort de l'industrie secondaire et d'autres industries qui se greffent aux détenteurs des plateformes. Si les contrôleurs des plateformes...
    Nous parlons des jardins clos par opposition à la forêt de Sherwood. Nous préférerions fonctionner dans un environnement concurrentiel comme la forêt de Sherwood et avoir accès à des possibilités commerciales, sans même avoir à passer par le jardin. Laissons-les cultiver leur jardin, mais laissez aussi participer ceux d'entre nous qui veulent vivre et travailler à l'extérieur du jardin tout en utilisant ces plateformes.
(1845)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Patzer.
    Merci à tous nos témoins d'avoir participé à cette réunion et de nous avoir accordé de leur temps.
     C'est tout le temps que nous avions pour aujourd'hui.
    Je remercie aussi les interprètes, les analystes, les greffiers et tout le personnel de soutien.
     La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU