Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour à toutes et à tous. Je vous souhaite la bienvenue à la 145e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Des membres du Comité sont présents dans la salle et d'autres participent à la réunion à distance au moyen de l'application Zoom.
Avant de débuter, j'aimerais demander à tous les participants dans la salle de lire les cartes mises à jour qui se trouvent sur la table et qui donnent des lignes directrices sur la chaîne audio. Ces mesures sont en place pour aider à prévenir les incidents audio et la rétroaction acoustique, et pour aider à protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris — et surtout — celles de nos interprètes.
Je rappelle à tous ceux qui comparaissent en personne et en ligne que, pour la sécurité de nos interprètes, il est très important que vos microphones soient en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
[Français]
Je vous remercie de votre coopération.
[Traduction]
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)g) du Règlement, le Comité reprend l'examen du rapport 6 de la vérificatrice générale du Canada, intitulé « Technologies du développement durable Canada », tiré des rapports 5 à 7 de 2024.
[Traduction]
Avant de présenter nos témoins, je crois comprendre que M. Erskine-Smith aimerait prendre la parole pendant quelques minutes.
Comme vous vous en souviendrez, lors de notre dernière réunion, les esprits se sont échauffés entre mon collègue conservateur de South Shore—St. Margarets et moi. Je serai bref, mais j'aimerais en parler.
Je veux dire qu'un ancien chef conservateur, dans son dernier discours à la Chambre en tant que chef, a soulevé des préoccupations au sujet de la politique de performance qui alimente la polarisation et au sujet du fait que trop de politiciens courent après les algorithmes, les clics et les mentions « j'aime » pour détourner l'attention et fomenter la division. Je tiens à être clair: il n'y a pas de place à la Chambre ou aux comités pour des attaques personnelles et injustifiées contre l'intégrité d'un député, son éthique de travail ou sa capacité à exercer son indépendance. Je suis bien placé pour le savoir, puisque j'ai exercé mon indépendance à d'innombrables reprises depuis mon élection en 2015. Il ne faut pas chercher à accumuler les mentions « j'aime » si le prix à payer est la diffamation. C'est toxique et antiparlementaire, et ce genre de comportement va éloigner de bonnes personnes de la politique. Nous devrions dénoncer ce comportement.
J'aurais néanmoins pu et dû utiliser un langage parlementaire pour dénoncer ce comportement, car au lieu de contribuer à une solution, j'ai raté la cible. Je retire ces propos. Nos actes devraient refléter la nature que nous voulons donner à cet endroit.
Est‑ce que le microphone fonctionne? On m'a demandé de faire un test pour que les interprètes puissent me comprendre. Je suppose que le microphone fonctionne.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le Comité. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Michael Aquilino, un de nos conseillers juridiques.
La réunion d'aujourd'hui porte sur le rapport 6 de la vérificatrice générale du Canada, intitulé « Technologies du développement durable Canada ». Ce rapport d'audit a été préparé en vertu de la Loi sur le vérificateur général.
(1105)
[Traduction]
Nous appliquons la Loi sur les conflits d'intérêts et le Code régissant les conflits d'intérêts des députés. Le Commissariat aide les députés dans la...
À une autre occasion, vous m'avez donné un microphone particulièrement long pour éviter ce problème. Nous pourrions peut-être retrouver ce microphone très long.
Nous appliquons la Loi sur les conflits d'intérêts et le Code régissant les conflits d'intérêts des députés. Le Commissariat aide les députés et les titulaires de charge publique — soit les personnes nommées par le gouverneur en conseil — à prévenir et à gérer les conflits d'intérêts. Au besoin, nous menons aussi des enquêtes.
[Français]
M. Michael Barrett, député de Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes, m'a demandé d'enquêter sur deux membres du conseil d'administration de Technologies du développement durable Canada, ou TDDC: Annette Verschuren, ancienne présidente du conseil d'administration, et Guy Ouimet, ancien administrateur. Le conseil d'administration de TDDC comptait 15 membres. Mme Verschuren et M. Ouimet faisaient partie des sept administrateurs nommés par le gouvernement en conseil.
[Traduction]
Comme ils ont été nommés par décret, ils étaient visés par la Loi en tant que titulaires de charge publique. Contrairement aux titulaires de charge publique principaux, les personnes de cette catégorie n'ont pas à fournir au Commissariat de renseignements personnels et financiers à leur nomination, ni à faire de déclarations publiques. Nous ne leur affectons pas de conseillers, mais elles peuvent toujours communiquer avec nous si elles rencontrent des problèmes.
Les huit autres membres du conseil d'administration ont été nommés par le conseil des membres de Technologies de développement durable Canada, ou TDDC, et n'étaient donc pas visés par la Loi.
[Français]
En juillet 2024, j'ai fait rapport sur les enquêtes Verschuren et Ouimet.
J'ai conclu que Mme Verschuren n'avait pas suivi les règles concernant la prise de décisions et la récusation énoncées dans la Loi sur les conflits d'intérêts. Ces erreurs étaient le résultat d'une confusion sur la différence entre s'abstenir et se récuser, ainsi que d'un avis juridique inexact.
[Traduction]
Il était évident qu'il y avait un manque d'information sur la récusation, que le Commissariat a corrigé depuis en publiant un avis d’information sur son site Web.
En bref, la récusation, c’est bien plus que de rester silencieux pendant une discussion ou de ne pas voter. Les titulaires de charge publique doivent quitter la salle, virtuelle ou physique, afin que leur simple présence n’influence pas les autres participants.
[Français]
À la différence de la vérificatrice générale, le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique s'occupe uniquement de conflits d'intérêts. Dans le cas de TDDC, notre mandat se limite aux règles de la Loi sur les conflits d'intérêts, dans la mesure où elles s'appliquent aux personnes nommées par le gouverneur en conseil.
(1110)
[Traduction]
Je n'ai donc absolument aucun commentaire à faire sur l’allégation d’un conflit d’intérêts de personnes qui ne sont pas nommées par le gouverneur en conseil, ou sur toute autre allégation de méfait signalé par la vérificatrice générale. Cela ne fait pas partie de mon mandat.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins.
Monsieur von Finckenstein, le rapport dans lequel vous avez reconnu Mme Verschuren coupable d'avoir enfreint la Loi sur les conflits d'intérêts ne fait qu'effleurer la surface de la corruption et des conflits d'intérêts dans le dossier de la caisse noire environnementale. La vérificatrice générale a relevé 186 conflits d'intérêts impliquant des membres du conseil d'administration, ce qui représente 330 millions de dollars en deniers publics.
Lors de votre comparution devant le comité de l'industrie le mois dernier, M. Perkins vous a demandé si vous alliez lancer des enquêtes sur ces nombreux autres conflits d'intérêts. Vous avez dit que vous ne l'aviez pas fait. Vous avez ajouté, en guise de justification: « Quand ils ne [sont plus en fonction], à quoi cela sert‑il de les dénoncer? »
Vous venez de dire, en concluant vos observations, que cela ne fait pas partie de votre mandat. Pourquoi ne prenez-vous donc pas des mesures pour examiner ces 186 autres conflits d'intérêts, qui mettaient potentiellement en cause des membres du conseil d'administration nommés par décret?
Tout d'abord, aucune des personnes nommées par décret n'est encore en fonction, mais elles l'étaient au moment où j'ai rédigé mon rapport final. Deuxièmement, comme vous le savez, mon mandat porte essentiellement sur les conflits d'intérêts. Tout ce que je peux faire, c'est dénoncer la situation. Je ne peux pas pénaliser les gens. Je ne peux pas demander le remboursement de fonds ou toute autre mesure du genre.
Les allégations dans le rapport de la vérificatrice générale sont effectivement choquantes et très nombreuses, mais elles ne concernent pas du tout mon mandat, qui consiste à exposer les conflits d'intérêts.
Monsieur von Finckenstein, je comprends cela, et vous avez raison de dire que votre mandat est de dénoncer les conflits d'intérêts.
Lorsque M. Perkins vous a interrogé au comité de l'industrie, vous avez dit que ce n'est pas parce qu'une personne a déjà été membre du conseil d'administration ou nommée par décret que vous ne pouvez pas lancer une enquête. Est‑ce exact?
Même s'il est vrai que ce sont maintenant d'anciens membres du conseil d'administration, je dirais que la « dénonciation » dont vous parlez est une raison de plus justifiant que vous posiez des questions sur ces 186 conflits d'intérêts, que vous venez de qualifier de choquants et qui ont été dévoilés dans le rapport de la vérificatrice générale.
À cette fin, qu'en est‑il de la reddition de comptes? Qu'en est‑il de la transparence? Pourquoi ne pas faire la lumière sur les actes répréhensibles des anciens membres du conseil d'administration? Encore une fois, il s'agit de 330 millions de dollars en deniers publics.
Je crois que la vérificatrice générale a fait exactement ce que vous demandez. Elle a révélé au grand jour toute cette mécanique. Elle a mis en lumière les conflits. Elle a dénoncé les cas d'actes intéressés, de marchandage politique, etc. Son rapport est assez accablant.
Cependant, si j'exerçais maintenant mon pouvoir discrétionnaire, c'est‑à‑dire si je menais une enquête sur l'une de ces personnes par exemple...
Je vais vous poser une question. Avez-vous communiqué avec la vérificatrice générale pour demander des détails sur les 186 conflits d'intérêts impliquant les anciens membres du conseil d'administration de la caisse noire environnementale qui ont été mis au jour dans son rapport?
Eh bien, la vérificatrice générale a un travail à faire. Dans le cadre de ses fonctions, elle a accès à toutes sortes de renseignements dont elle doit protéger la confidentialité, mais qu'elle peut utiliser pour produire son rapport...
D'accord. Encore une fois, je dispose d'un temps limité.
Je vous demande si vous avez présenté des demandes à la vérificatrice générale pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de ces conflits, puisqu'ils ne sont pas du tout... La vérificatrice générale les aborde dans une perspective d'ensemble, mais les conflits d'intérêts ne sont pas tous du même ordre. Certains sont plus épouvantables que d'autres.
S'il y a eu des irrégularités, il me semble qu'on devrait s'attendre à ce que des comptes soient rendus, et notamment à ce qu'on dénonce les personnes qui ont violé, peut-être de façon flagrante, la Loi sur les conflits d'intérêts. Le rapport précise que dans 90 cas, les membres du conseil d'administration ne se sont pas récusés, bien qu'ils pouvaient avoir des intérêts dans les entreprises qui recevaient du financement.
Je vous pose donc la question à nouveau. Avez-vous communiqué avec la vérificatrice générale?
Si vous étiez membre de TDDC, votre réputation est déjà entachée, car vous faisiez partie de l'organisation et vous avez contribué aux agissements mis au jour par la vérificatrice générale. Mon rapport...
Je voudrais juste dire, avec tout le respect que je vous dois, à vous-même et à votre fonction, monsieur von Finckenstein, qu'il me paraît surprenant et décevant que vous vous contentiez d'affirmer que cela n'est pas de votre ressort, que vous ne voyez pas l'intérêt de vous pencher sur ce dossier et de tenter de faire la lumière sur ces 186 conflits d'intérêts supplémentaires qui représentent 330 millions de dollars en fonds publics.
Il me semble que ces 186 conflits d'intérêts impliquant une si forte somme auraient dû intéresser sérieusement le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique.
D'abord, ce ne sont pas tous les conflits d'intérêts qui correspondent à la définition inscrite dans la Loi. Il faudrait évaluer chaque cas individuellement.
Ensuite, comme je l'ai dit, je peux décider de mener une enquête ou non. Si je crois qu'une enquête aura un effet et qu'elle est nécessaire, alors je vais de l'avant. Dans le cas qui nous occupe, selon moi, la vérificatrice générale a rédigé un rapport très complet en dénonçant toutes sortes d'actes répréhensibles au sein de l'organisation en question. J'estime que si je faisais enquête sur quelque membre du conseil d'administration que ce soit, je ne ferais que confirmer ce que la vérificatrice générale a déjà conclu. Je ne crois pas que ce serait une bonne utilisation de mon temps ni des fonds publics.
En réalité, je peux seulement faire la lumière sur ce qui s'est passé. Je ne peux pas imposer de sanction ni récupérer des fonds.
Je remercie les deux témoins pour leur comparution aujourd'hui.
Au bénéfice des gens qui nous regardent à la maison, monsieur von Finckenstein, j'aimerais rappeler que vous avez déjà témoigné devant notre comité et devant le Comité permanent de l'industrie et de la technologie sur cette même question au cours des deux derniers mois. Vous connaissez donc bien le processus et le sujet.
Ce n'était pas la raison pour laquelle il avait été convoqué, j'en conviens, mais la discussion avait dévié vers ce sujet.
Depuis votre dernière comparution devant le Comité, nous avons entendu deux membres du nouveau conseil d'administration de TDDC, soit Mme Morgan et Mme Doyle. Elles ont indiqué toutes les deux vous avoir rencontré dans le cadre de leur processus de nomination.
Pouvez-vous confirmer que vous avez rencontré les trois nouveaux membres du conseil d'administration responsable de la transition de Technologies du développement durable Canada vers le Conseil national de recherches du Canada?
J'ai eu une discussion avec M. Boothe. Je n'ai pas parlé aux deux autres. Cependant, ils ont demandé à mon bureau de leur préparer un exposé sur la Loi sur les conflits d'intérêts. Ils voulaient connaître le fonctionnement de la Loi et savoir comment elle s'appliquait à eux, et nous leur avons présenté un exposé.
C'était avant sa nomination. Il voulait savoir en quoi consistaient la Loi et ses obligations. La discussion a été très brève et générale, puisque je ne savais pas s'il serait nommé ou s'il souhaitait être nommé. Comme toute personne responsable, il voulait, avant d'accepter un nouvel emploi, savoir en quoi cet emploi consistait et connaître les conditions qui s'y rattachaient.
Je lui ai dit qu'il fallait d'abord et avant tout qu'il se demande s'il avait des actifs pouvant l'empêcher d'accepter l'emploi ou s'il pourrait y avoir perception de conflit d'intérêts en raison de l'une de ses activités antérieures. C'est bien sûr à lui que revenait la décision.
Rien de ce que j'ai pu lui dire à ce sujet n'a semblé vraiment l'inquiéter. C'est un fonctionnaire à la retraite qui ne croit pas avoir d'actifs ou d'activités pouvant être reliés à TDDC.
C'était à lui de prendre la décision. La seule chose que je pouvais faire était de lui indiquer les principes qui s'appliqueraient s'il acceptait l'emploi.
Les membres qui ont comparu devant notre comité, Mme Morgan et Mme Doyle, ont affirmé ne pas être en situation de conflit d'intérêts mettant en cause quelque entreprise ou organisation que ce soit dans le secteur des technologies propres. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Comme je l'ai indiqué dans mes remarques liminaires, les membres du conseil d'administration sont assujettis à la Loi, mais puisqu'ils sont de simples titulaires de charge publique et non pas des titulaires de charge publique principaux, il leur appartient de décider s'ils désirent s'informer pour s'assurer de comprendre la Loi et s'y conformer. Les titulaires de charge publique principaux et les députés ont l'obligation, comme vous le savez, de remplir une déclaration et de la mettre à jour tous les ans. Votre dossier est confié à une personne avec laquelle vous pouvez communiquer quand vous le souhaitez.
C'est différent pour les simples titulaires de charge publique qui, eux, sont assujettis à la Loi. Nous rédigeons une lettre à leur intention pour leur exposer la teneur de la Loi. Nous leur rappelons qu'ils ont fait l'objet d'une nomination et qu'ils sont donc assujettis à la Loi. Nous leur en donnons un exemplaire et nous leur demandons de communiquer avec nous si des problèmes se posent. C'est à eux de déterminer s'ils sont en situation de conflit d'intérêts et s'ils veulent nous consulter.
Nous avons appris que TDDC a déjà mis en oeuvre 11 des 12 recommandations de la vérificatrice générale et que l'organisation est train de donner suite à la dernière, qui propose d'examiner le caractère admissible des différents projets, notamment du point de vue des risques de conflit d'intérêts. Dans le cadre de ce processus, TDDC a fait appel à l'expertise de plusieurs tierces parties. On lui a alors clairement indiqué que tout acte répréhensible et toute fraude de la part d'une entreprise entraînerait la récupération des fonds.
Avez-vous des remarques à faire concernant ce processus?
Je crois effectivement qu'il faut aller récupérer les fonds en cas de fraude ou d'entorse à la Loi, mais cela n'est pas de mon ressort. Cela relève plutôt du commissaire à l'intégrité du secteur public. Ma responsabilité, c'est de m'assurer que les gens ne se placent pas en situation de conflit et, s'ils le sont, de les amener à trouver un moyen de se conformer à la Loi. Je dois aussi, bien sûr, mener une enquête en cas de manquement allégué.
Lors de votre dernière comparution devant le Comité, l'une de mes collègues vous a parlé d'une lettre que le commissaire de la GRC a fait parvenir au greffier de la Chambre des communes concernant une motion présentée par les conservateurs en Chambre qui a été adoptée le 10 juin 2024. Dans sa lettre, le commissaire tirait la sonnette d'alarme pour indiquer que l'ordre de la Chambre minait l'indépendance des services policiers et de leurs actions. La vérificatrice générale a aussi indiqué que la motion compromettait son indépendance, et elle a refusé de s'y conformer.
Vous avez précédemment souligné à quel point il était important dans le cadre de certaines fonctions, comme la vôtre et celle de la vérificatrice générale, de pouvoir travailler en toute indépendance en précisant que votre rôle et votre crédibilité en dépendent.
Comme je l'ai déjà dit devant un autre comité, nous avons ici deux principes différents, qui sont très difficiles à concilier.
L'un d'entre eux est le principe d'indépendance, de confidentialité, etc.
L'autre est le suivant: lorsque vous intentez une poursuite, que vous faites comparaître des gens devant le tribunal et que vous essayez de les faire condamner, vous devez démontrer que la preuve que vous avez obtenue provient d'une source sûre, qu'il s'agit de preuves crédibles qui ont été obtenues de façon légitime. Dans ce cas‑ci, des documents ont été divulgués de force à la GRC… Il n'y avait pas de mandat. Il ne fait aucun doute que des objections seront soulevées dans le cadre d'une poursuite. Quelqu'un dira qu'il y a eu violation de la Charte des droits parce que ces documents n'ont pas été obtenus au moyen d'un mandat.
La cour devra alors décider comment concilier ces deux principes — le principe de la suprématie du Parlement et de sa capacité d'obtenir ce qu'il veut et le principe de la Charte des droits qui protège les citoyens contre une conduite illégale des autorités.
Monsieur le commissaire, je vous remercie de votre présence. Je remercie également M. Aquilino.
Pouvez-vous nous dire brièvement comment fonctionne votre processus? Par exemple, comment décidez-vous quelle personne fera l'objet d'une enquête?
Dans le cas de Technologies du développement durable Canada, vous avez fait des rapports sur Mme Verschuren et M. Ouimet. Qu'en est-il des autres membres du conseil d'administration? Comment le commissariat sélectionne-t-il les personnes? Le fait-il seulement à la demande des députés ou peut-il décider par lui-même de le faire?
Il y a deux possibilités. Premièrement, un membre du Parlement peut me demander d'examiner quelque chose. Dans ce cas, je mène une investigation si je pense qu'il y a matière à le faire.
Deuxièmement, j'ai le pouvoir de commencer une enquête par moi-même, par exemple après avoir entendu ou vu des choses dans les médias ou après que quelqu'un m'ait donné une information.
Monsieur Aquilino, quels sont les articles pertinents de la Loi sur les conflits d'intérêts?
Selon le paragraphe 45(1), « [l]e commissaire peut étudier la question de son propre chef s'il a des motifs de croire qu'un titulaire ou ex-titulaire de charge publique a contrevenu à la présente loi. »
Autrement dit, je dois décider s'il y a des motifs de croire qu'une personne a contrevenu à la loi.
Menez-vous des études à propos d'autres membres du conseil d'administration qui ont été impliqués dans l'affaire entourant Technologies du développement durable Canada?
Comme je l'ai dit à votre collègue, mon seul pouvoir est d'exposer le conflit d'intérêts, ce que la vérificatrice générale a déjà fait par l'intermédiaire de son rapport. J'ai mené un examen spécial sur Mme Verschuren et M. Ouimet. Les autres membres sont assez impliqués dans divers conflits d'intérêts, mais la vérificatrice générale a déjà exposé cela dans un rapport. Je ne vois pas ce qu'une enquête de mon bureau pourrait ajouter au rapport de la vérificatrice générale.
C'est tout simplement pour la simple raison que vous vous penchiez spécifiquement sur les conflits d'intérêts.
La vérificatrice générale, elle, examine comment les fonds sont gérés et si la manière dont les fonds sont gérés correspond à l'acte de contribution originale. C'est un mandat totalement différent du vôtre. Il serait pertinent, et même important, je pense, que vous vous penchiez de manière précise sur les conflits d'intérêts et que vous examiniez aussi le dossier des autres membres du conseil d'administration, car, dans ce cas-ci, je pense qu'il y en a quand même beaucoup qui ont des conflits d'intérêts potentiels.
Pouvez-vous seulement enquêter sur des personnes nommées par le gouverneur en conseil, ou pouvez-vous aussi le faire pour les employés de la fonction publique?
Je n'ai aucune autorité sur les membres de la fonction publique.
Dans le cas de TDDC, je peux seulement examiner les dossiers des membres du conseil d'administration qui sont nommés par le gouverneur en conseil. Huit de ces membres ne sont pas nommés par le gouverneur en conseil et je ne peux donc pas toucher à leurs cas. J'ai procédé à l'examen de deux des sept autres administrateurs, et j'ai fait mon rapport.
Comme je l'ai mentionné auparavant, je ne vois pas ce que nous pourrions ajouter d'autre à l'information qui existe déjà. Nous savons qu'il y a eu des conflits d'intérêts. Cela a été démontré par la vérificatrice générale. Les conséquences de ces conflits d'intérêts ne relèvent pas de mon mandat, à savoir si quelqu'un s'est enrichi, s'il y a eu une fraude, ou toute autre question de ce genre.
La vérificatrice générale n'est pas allée jusque là. Elle a cité certains cas de conflits d'intérêts. Elle a mentionné qu'il y avait apparence de conflit d'intérêts.
Toutefois, une enquête serait pertinente. Je le répète: en toute bonne foi, je pense que d'autres membres du conseil d'administration ont été nommés comme étant en conflit d'intérêts. Il serait donc pertinent de savoir si, par l'entremise de leurs entreprises, ils se sont enrichis à même les fonds publics. Je crois que c'est l'une de vos fonctions importantes.
Vos deux études sur les deux personnes ont été très utiles. Nous nous en servons en comité. Nous pourrions continuer à nous en servir, en particulier pour certains autres membres du conseil d'administration. Nous avons la liste des 90 cas de conflits d'intérêts.
Des noms reviennent très souvent dans cette liste, par exemple celui d'Andrée‑Lise Méthot. Dans son cas, compte tenu des allégations que nous entendons, ne serait-il pas pertinent et, surtout, nécessaire que le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique soit capable de nous dire vraiment ce qui s'est passé en se basant, bien sûr, sur ce que rapportent les anciens membres du conseil d'administration, mais de manière plus approfondie?
Ce n'est pas le rôle de la vérificatrice générale d'approfondir l'enquête sur les conflits d'intérêts. Elle en a cité quelques-uns, mais, par la suite, c'est vraiment le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique qui peut creuser et faire la lumière sur ces questions.
Comme je l'ai dit, la vérificatrice générale a identifié les cas de conflits d'intérêts. Elle a déjà exposé ces cas, ce qui est tout ce que j'aurais pu faire. C'est pour cette raison, à mon avis, que je ne crois pas qu'il vaille la peine de mener une autre investigation. Évidemment, je sais que j'ai une opinion différente de la vôtre.
Je pense que l'une des principales tâches des comités lorsque nous sommes saisis de ce qui est manifestement un cas incroyablement grave de conflit d'intérêts sur plusieurs fronts, comme l'a constaté la vérificatrice générale, est d'empêcher que cela se reproduise.
J'ai été un peu surpris lorsque vous avez mentionné qu'il y a sept membres, je crois, qui sont nommés par le gouverneur en conseil et qui sont assujettis à la Loi sur les conflits d'intérêts, mais vous n'obtenez pas d'information de leur part lorsqu'ils sont nommés. Ils ne sont pas tenus de faire rapport, contrairement aux députés et à d'autres. Assistent‑ils même à une séance d'information?
J'ai déjà siégé à quelques tribunaux administratifs. Lorsque j'ai accepté ces postes, on m'a donné une formation sur ce qu'est un conflit d'intérêts, comment l'évaluer et quand on doit se récuser. Ces membres du conseil d'administration reçoivent-ils une certaine formation?
Normalement, ce serait le conseiller juridique de l'organisme qui s'en chargerait. Quand on est nommé à un conseil d'administration, c'est lui qui offre une séance d'information.
Dans ce cas‑ci, il s'agit d'un organisme gouvernemental et les administrateurs sont des titulaires de charge publique, alors s'ils demandent une séance d'information, nous leur en donnons une. C'est ce qu'ils ont fait. En ce qui concerne le nouveau conseil d'administration, les trois membres ont demandé une séance d'information, et nous l'avons offerte.
Ils ont été nommés en tant que titulaires de charge publique. C'est le gouvernement qui choisit d'en faire des titulaires de charge publique ou des titulaires de charge publique principaux. Si le gouvernement décidait que cette organisation est très importante, qu'elle dispose de beaucoup d'argent et de pouvoir discrétionnaire et qu'il voulait lui imposer la forme la plus stricte de rigueur, il pourrait les désigner comme titulaires de charge publique principaux. Ainsi, comme pour les députés, ils devraient faire une divulgation, ils auraient un conseiller spécial, nous les surveillerions chaque année, et ils auraient dû soumettre une déclaration.
L'inconvénient, bien sûr, c'est qu'on veut avoir des gens qui s'y connaissent en technologie du développement durable et qui ont d'autres intérêts et non… Par conséquent, je suppose que… Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle le gouvernement a choisi de procéder comme il l'a fait. Il y a maintenant un nouveau conseil d'administration, mais au départ, la moitié des membres du conseil d'administration étaient nommés par le gouvernement et l'autre moitié par le conseil des membres, mais même pour les administrateurs nommés par le gouvernement, comme Mme Verschuren, c'était à eux de s'assurer de s'abstenir. Ils ne sont pas surveillés d'aussi près que les titulaires de charge publique principaux.
Comme nous le savons tous, TDDC n'est situé que temporairement au sein du CNRC et finira par faire partie, du moins selon les plans, de la Corporation d'innovation du Canada. La loi créant cette corporation a été adoptée, mais elle n'est pas encore en vigueur. Dans cette loi, on dit: « Les lignes directrices concernant les conflits d'intérêts doivent être conformes aux articles 116 et 117 de la Loi sur la gestion des finances publiques. »
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent ces articles? Auront-ils une incidence sur la façon dont nous pouvons empêcher qu'une telle situation se reproduise à l'avenir?
S'ils font partie de la Corporation d'innovation du Canada, les mêmes règles s'appliqueront. Ils seront des titulaires de charge publique, pas des titulaires de charge publique principaux.
Souvent, la décision de faire d'une personne un titulaire de charge publique principal ou un simple titulaire de charge publique est fondée sur son rôle. Les titulaires de charge publique sont nommés à temps partiel, mais il y a une disposition dans la loi, à laquelle le commissaire faisait allusion, selon laquelle le gouverneur en conseil peut désigner certains titulaires de charge publique ou même certains non-titulaires de charge publique pour les assujettir à la loi.
Le gouverneur en conseil a le pouvoir de désigner certains fonctionnaires comme étant des titulaires principaux.
Je tiens à préciser que rien ne change pour le fonctionnement de TDDC à l'avenir. Les membres du conseil d'administration seraient dans la même situation.
S'il s'agit de postes à temps partiel, les administrateurs resteront fort probablement de simples titulaires de charge publique, à moins qu'ils ne soient désignés autrement.
Merci, monsieur le président, et par votre entremise, je remercie nos témoins de s'être joints à nous ce matin.
Monsieur le commissaire, je veux commencer par le rapport Verschuren, que vous avez évidemment produit et dans lequel vous avez fourni une analyse approfondie de certains des problèmes qui ont été découverts concernant Mme Verschuren et son travail à TDDC.
Je voulais souligner quelques phrases qui se trouvent au paragraphe 151 du rapport. Vous avez écrit:
En vérité, l'ensemble du processus d'approbation du financement d'amorçage était défaillant. La preuve démontre que les décisions visant le financement d'amorçage avaient essentiellement déjà été prises aux étapes précédentes, et que l'approbation finale par le conseil d'administration était automatique puisque les décisions étaient prises par consensus et que, de toute façon, le financement d'amorçage faisait partie des points de consentement à l'ordre du jour. Ainsi, une abstention, en particulier une abstention partielle pour des projets précis qui ne faisaient partie que d'un seul point de l'ordre du jour, n'avait aucun effet sur les décisions prises au sujet de ces projets.
En fait, pour paraphraser, ces décisions étaient déjà prises au moment où Mme Verschuren s'est récusée ou s'est abstenue, et ce simple geste à la fin du processus n'a en fait rien fait pour éliminer le conflit d'intérêts, parce que tout au long du processus, elle aurait été en situation de conflit d'intérêts.
Oui. Un comportement approprié aurait consisté à retirer cette question des points de consentement de l'ordre du jour. Si un administrateur dit qu'il est en situation de conflit avec l'entreprise X, on retire l'entreprise X de l'ordre du jour et on traite des autres points. Ensuite, l'administrateur doit se récuser et quitter la salle, et on traite de l'entreprise X. Cela aurait été la bonne façon de procéder.
L'organisme a suivi une procédure plutôt étrange dans laquelle Mme Verschuren a dit qu'elle était en conflit d'intérêts. Ça a été noté. On est passé à l'adoption du premier point de consentement. Tout le monde a voté oui, y compris elle, et c'était fait.
Cela n'a aucun sens. On ne peut pas s'abstenir, la loi ne contient aucune disposition à ce sujet. Quoi qu'il en soit, de toute évidence, si on indique un conflit d'intérêts, on ne doit pas intervenir. Il faut quitter la salle. Ce n'est pas ce qui a été fait. Voilà où veut en venir la phrase que vous citez.
Cela s'appliquerait effectivement à tous les membres du conseil d'administration, et pas seulement à Mme Verschuren. Toute personne qui aurait été en conflit d'intérêts se serait retrouvée dans le même bateau lors de l'adoption du point en question. Il y avait toutes ces choses, et des conflits, mais ils ont agi à leur façon.
Est‑il vrai que n'importe lequel administrateur en conflit d'intérêts se serait trouvé dans la même position? Tout était vraiment approuvé sur un simple hochement de tête?
Je ne sais pas si c'était par hochement de tête, mais en fait, oui, cela s'appliquait non seulement à Mme Verschuren, mais aussi à toute personne qui se trouvait dans une situation semblable.
J'aimerais revenir sur votre enquête et la façon dont vous en êtes arrivés à certaines des conclusions.
Vous a‑t‑on fourni des copies des procès-verbaux et des discussions qui ont mené à certaines des décisions finales? Vous a‑t‑on fourni toute l'information nécessaire pour arriver à vos conclusions?
En vertu de la loi, nous avons le pouvoir de demander n'importe quel type de document, et c'est ce que nous faisons. C'est comme une assignation à comparaître. Cela signifie qu'il s'agit d'une assignation à comparaître pour apporter les documents pertinents. Vous venez en personne avec un avocat. Vous êtes assermenté, vous témoignez sous serment sur ce qui s'est passé, et vous pouvez vous référer aux documents.
Notre comité a adopté une motion demandant certains documents. Elle portait sur les procès-verbaux de toutes les réunions du comité de sélection qui a examiné la nomination de la présidente du conseil d'administration, que vous avez jugée en conflit d'intérêts.
Fait intéressant, le Bureau du Conseil privé nous a répondu que ces documents n'existaient pas puisqu'ils étaient considérés comme transitoires et qu'ils avaient été éliminés une fois la nomination faite. Éliminés, c'est‑à‑dire qu'ils ont disparu d'une façon ou d'une autre, qu'ils aient été supprimés ou qu'ils n'aient tout simplement jamais été déposés officiellement.
Auriez-vous eu accès à ces discussions sur la nomination initiale de Mme Verschuren?
Lorsqu'il est question de documents détenus par le Conseil privé et que nous les demandons, dans certains cas, le Conseil privé dira qu'il a la prérogative de ne pas les divulguer.
Cela devient toujours une question délicate. Nous n'avons jamais eu à nous adresser aux tribunaux. Nous avons toujours réussi à résoudre de tels désaccords.
Bien entendu, certains documents leur tiennent beaucoup à cœur et ils veulent en préserver la confidentialité. Et évidemment, nous voulons aller au fond des choses, alors il y a parfois des discussions tendues, mais nous avons toujours trouvé une solution.
Vous avez mentionné dans votre déclaration préliminaire que, lorsque c'est nécessaire, le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique fait enquête.
Premièrement, il y a les cas où un député de la Chambre des communes me demande d'enquêter sur quelque chose. Je n'ai pas le choix, je dois le faire.
Je me penche sur la situation, je fais ce que nous appelons un examen. Nous examinons la situation pour voir s'il faut aller plus loin. S'agit‑il simplement d'une allégation ou d'une rumeur, ou y a‑t‑il des éléments suffisamment importants pour avoir des raisons de croire qu'il y a eu infraction? Si c'est le cas, nous lançons une enquête. Si nous n'avons pas de raison de croire qu'il y a eu infraction, nous n'enquêtons pas.
Si c'est de ma propre initiative, le même critère s'applique. Si quelqu'un m'écrit ou si je vois quelque chose dans le journal ou aux nouvelles qui semble suspect, nous pouvons y jeter un coup d'œil préliminaire. Nous allons demander des documents à la personne concernée. Sur cette base, nous décidons s'il faut une enquête plus approfondie ou s'il n'y a pas vraiment rien de concret et qu'il ne s'agit que de flammèches de la part des médias.
Oui, mais alors ce n'est pas une demande. Si quelqu'un du public m'écrit, je ne suis pas obligé d'agir, mais essentiellement, bien sûr, je vais jeter un coup d'œil. Comme je l'ai dit, il doit y avoir des raisons de croire qu'il y a eu infraction à la loi. S'il n'y en a pas, nous n'irons pas plus loin.
Quels sont les dangers d'avoir un bureau non crédible? Et bien, tout le système est fondé sur l'intégrité du gouvernement. Le travail de la vérificatrice générale est le même que le mien et que celui du commissaire à l'intégrité du secteur public; il s'agit de s'assurer que le gouvernement travaille avec intégrité, que les règles sont respectées et qu'on ne favorise pas ses propres intérêts, etc.
Si on ne fait pas ce travail, si les gens ne croient pas ce que nous disons ou si nos rapports ne sont pas fondés sur des faits, alors tout l'exercice ne sert à rien et ne fait qu'accroître le manque de confiance de certaines personnes envers le gouvernement.
Lorsque nous menons des enquêtes, nous faisons très attention à ce que tout soit fondé sur des preuves. Nous voulons faire la démonstration de ce qui s'est passé. Nous n'avons aucun intérêt envers un résultat précis. Personnellement, j'y suis indifférent; c'est un travail que je dois faire. Je dois déterminer s'il y a eu une infraction et, le cas échéant, la dénoncer. En même temps, je veux faire très attention de ne pas nuire à la réputation de quelqu'un en me fondant sur des faits qui ne peuvent pas être prouvés ou sur des choses qui sont dites ou publiées avec des motifs cachés, mais qui n'ont pas vraiment d'incidence sur l'enjeu en question.
Vous faites maintenant allusion à ce que vous avez soulevé plus tôt. Le problème, ce sont les documents que vous avez demandés et que vous avez envoyés à la GRC. Si elle les utilise, dans quelle mesure cela nuira‑t‑il aux poursuites ultérieures contre une personne? Aussi, est‑ce que ces documents ont été obtenus en violation de la Charte des droits? C'est une question à laquelle personne ne connaît la réponse.
Il ne fait aucun doute que la question sera traitée devant les tribunaux à un moment donné. Ils devront user de sagesse pour décider comment concilier ces deux principes: le principe de la suprématie du Parlement et les principes énoncés dans la Charte des droits.
Monsieur le commissaire, dans le rapport Verschuren que vous avez réalisé, vous avez mentionné qu'il y avait en effet eu une brèche dans la politique de conflits d'intérêts dans le cas de NRStor, l'entreprise de Mme Verschuren.
La vérificatrice générale a relevé plus d'une dizaine de cas de conflits d'intérêts, où les politiques n'avaient pas été suivies. Qu'en est-il de ces autres entreprises? Vous êtes-vous penché sur la totalité de celles-ci?
Nous avons en effet examiné chaque décision de Mme Verschuren et chacun de ses votes lorsqu'elle siégeait à Technologies du développement durable Canada. Nous n'avons pas nommé les compagnies, mais nous avons fait état dans le rapport de chaque décision qu'elle avait prise.
Je sais que la question suivante a déjà été posée, mais, comme la vérificatrice générale a dressé la liste et l'a fournie au Comité, j'aimerais savoir si vous avez vu cette liste. Si vous avez regardé tous les comptes rendus, vous avez fait à peu près la même chose que la vérificatrice générale. Avez-vous comparé vos résultats à ceux de la vérificatrice générale?
Non, nous ne les avons pas comparés pour déterminer si nos chiffres correspondaient. À partir de ressources primaires que nous avions obtenues dans le cadre de notre enquête, nous avons nous-mêmes fait le décompte de chaque vote qu'elle avait effectué, ainsi que du résultat. Elle déclarait parfois être en situation de conflit d'intérêts et s'abstenait au lieu de se récuser. Dans certains cas, malgré une déclaration, elle a quand même voté. Nous avons comptabilisé cela nous-mêmes.
On a observé qu'il y avait des problèmes systémiques. C'est ce que le commissaire a conclu dans son rapport. Par exemple, lors des votes pour verser des fonds d'aide d'urgence dans le contexte de la COVID‑19, tous les membres du conseil d'administration ont essentiellement suivi le même avis juridique, qui était erroné.
Comme l'a évoqué le commissaire, à notre avis, mener des enquêtes subséquentes ne nous permettrait pas d'aller plus loin dans l'exposition de ces problèmes systémiques, parce que ces problèmes existaient pour chaque membre.
S'il était proprement déterminé qu'un membre du conseil d'administration avait, au minimum, manqué de jugement et qu'il s'était potentiellement enrichi, ce serait bien d'avoir une étude qui le démontre. Toutefois, on sait que la GRC a commencé son enquête.
J'aimerais revenir à ce que nous pouvons faire pour empêcher que cette situation ne se reproduise. J'imagine que ces administrateurs savaient ce qu'est un conflit d'intérêts. Sinon, je pense qu'ils devraient assister à une séance d'information obligatoire lors de laquelle on leur expliquerait ce dont il s'agit et où on leur présenterait les règles en matière de récusation dans le cadre de différents scénarios.
TDDC a un code de conduite très détaillé qui mentionnait la Loi sur les conflits d'intérêts. Ce code était tout à fait acceptable. Il était bien formulé et clair.
Je vais demander à M. Aquilino si nous avons des preuves que les administrateurs ont suivi une formation à ce sujet ou non. Cependant, il est évident que ce code de conduite leur a été donné lorsqu'ils ont été nommés. De plus, comme nous le faisons avec toutes les personnes nommées à un poste, nous leur avons écrit pour leur dire qu'ils étaient maintenant assujettis à la loi, et nous leur avons envoyé un exemplaire de la loi.
Monsieur Aquilino, avons-nous des preuves qui indiquent qu'une formation a été dispensée à TDDC?
Ce n'était pas indiqué dans le rapport, et je suppose qu'il n'y en a pas eu. Cependant, ce qui est intéressant — et cela se trouve dans le rapport —, c'est que leur propre politique précise la norme à respecter dans de telles situations: il faut se récuser. Or, ils ne l'ont pas fait.
Vous voyez, le problème, c'est qu'ils ont reçu des avis juridiques médiocres et qu'ils les ont suivis au lieu de consulter le code de conduite, qui expliquait très précisément ce qu'ils devaient faire.
En tant que députés, nous sommes des titulaires de charge publique principaux et nous devons donc présenter un rapport chaque année. De plus, nous participons à une séance d'orientation dès notre arrivée au Parlement. Nous rencontrons les conseillers juridiques qui passent en revue les différents éléments relatifs aux conflits d'intérêts et parlent de ce qui peut entraîner une peine d'emprisonnement. On insiste beaucoup là‑dessus.
Je me demande si ce genre de formation n'a pas été dispensée dans ce cas‑ci, ou ce...? Vous dites que leurs politiques étaient bien formulées. Alors soit ils en ont fait fi, soit ils ne savaient pas qu'elles existaient.
Monsieur Cannings, nous n'avons pas examiné la politique interne de TDDC en matière de formation, alors je ne peux pas en parler. J'imagine — comme c'est le cas dans toute autre entreprise — que lorsqu'il y a de nouveaux administrateurs, le conseiller juridique de l'organisme les rencontre pour leur expliquer leurs obligations et leur faire signer un document qui indique qu'ils ont lu le code et qu'ils vont s'y conformer.
J'aimerais en savoir plus sur les conclusions que vous avez formulées dans le « rapport Ouimet ».
Vous avez mené une enquête sur Guy Ouimet, membre du conseil d'administration de la caisse noire environnementale. Vous vous êtes penché plus précisément sur les allégations de conflit d'intérêts lorsque M. Ouimet a voté, avec les autres membres du conseil d'administration, pour approuver 38,5 millions de dollars de l'argent des contribuables sous la forme de prétendus paiements d'aide liée à la COVID‑19, 38,5 millions de dollars qui, selon la vérificatrice générale, ont été versés de façon irrégulière. Le problème, en ce qui concerne M. Ouimet, c'est qu'il avait une participation de 1 % dans une entreprise appelée Lithion, et qu'il a voté en faveur du versement de près de 400 000 $ en paiements d'aide liée à la COVID‑19 à cette entreprise, ce qui était inapproprié. Vous avez conclu que M. Ouimet avait un intérêt financier lorsqu'il a voté en faveur de ce financement. Est‑ce exact?
Vous avez établi que lorsque M. Ouimet a participé au vote pour approuver les soi‑disant paiements d'aide liée à la COVID‑19, il savait que Lithion, une entreprise dans laquelle il avait investi, en bénéficierait. Est‑ce exact?
Par conséquent, vous avez conclu que M. Ouimet n'a pas respecté la Loi sur les conflits d'intérêts, et plus précisément les articles 6 et 21, qui, pris ensemble, exigent qu'un titulaire de charge publique comme M. Ouimet se récuse d'un vote à l'égard de toute question qui le place en situation de conflit d'intérêts.
Néanmoins, vous avez rejeté les allégations visant M. Ouimet en raison du principe de minimis: sa participation de 1 % dans Lithion était « négligeable ». Cette information se trouve au paragraphe 144 de votre rapport.
Avez-vous demandé à M. Ouimet quelle était la valeur monétaire de sa participation de 1 % dans Lithion?
C'est exact. Elle était de 1 200 $ à l'époque, mais dans les trois courtes années qui ont suivi le vote de M. Ouimet pour transférer près de 400 000 $ de la caisse noire environnementale à Lithion, le 1 % des parts qu'il possédait dans Lithion a augmenté de près de 900 %, et sa valeur est passée de 1 250 $ à 11 000 $.
M. Ouimet, comme tout le monde, a voté pour attribuer les paiements liés à la COVID‑19. Deux citations ont été examinées, et à l'époque, il n'y avait aucune référence à un conflit d'intérêts, parce que les avis du conseiller juridique de TDDC... Il ne s'agissait pas d'un « avocat de société »; comment le nommait‑on?
C'était un « avocat principal ». Cet avocat principal a dit qu'il y avait...
Monsieur, je ne veux pas vous interrompre, mais un avis juridique erroné ne dispense pas quelqu'un de l'obligation de respecter la Loi sur les conflits d'intérêts.
Tous ceux qui ont voté, s'ils avaient un conflit, étaient en situation de conflit d'intérêts. Le conflit d'intérêts de M. Ouimet ne concernait que cette toute petite part dans une entreprise. Je ne sais pas...
Je trouve intéressant que vous ayez examiné les 1 250 $, mais que vous n'ayez pas tenu compte de l'augmentation de 900 % survenue après le vote de M. Ouimet en faveur du versement de 400 000 $ à une entreprise dans laquelle il possédait des parts. À l'époque, il savait qu'il avait des parts dans cette entreprise. Puis, tout à coup, sa part de 1 % soi-disant négligeable augmente de près de 900 %.
En quoi est‑ce un conflit d'intérêts trop mineur pour avoir de l'importance? C'est un fait que M. Ouimet, avec tout le respect que je vous dois, a réalisé de jolis profits en partie grâce à son conflit d'intérêts relatif à la caisse noire environnementale.
Il possédait 1 % des parts. Il aurait pu les perdre.
Le vote ne portait pas sur ce 1 %, mais sur un certain nombre d'entreprises; sur toutes les entreprises que TDDC avait aidées jusqu'à ce moment‑là. Il s'agissait de déterminer si elles avaient besoin d'une aide financière d'urgence pendant la COVID‑19. M. Ouimet, comme tous les autres membres du conseil d'administration, a voté. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, il était tout à fait inacceptable de...
Oui. J'ai de la difficulté à entendre la personne qui parle. Je sais que le député a la parole et je respecte cela, mais il va sans dire que nous devons également entendre les témoins.
Au mieux, on peut dire qu'il a voté pour protéger les 1 200 $ qu'il avait investis. C'est cette somme qui était en jeu au moment où il a voté, et j'ai conclu que ce montant était tellement négligeable que cela n'avait pas d'importance... J'ai appliqué le principe de minimis non curat praetor.
C'était là l'enjeu pour M. Ouimet au moment du vote. Les événements ultérieurs, comme vous le soulignez, se sont révélés positifs. Les choses auraient pu se passer autrement. Je n'en sais rien. Là n'était pas la question. Je devais me pencher sur ce qui était en jeu pour lui au moment du vote, et c'était 1 200 $.
Le dernier échange était instructif. Le commissaire aux conflits d'intérêts a déclaré que c'était minime. Il s'agissait d'un investissement de 1 200 $, d'une participation de 1 % dans une entreprise qui était l'une des 63 entreprises financées en bloc au coeur de la COVID‑19. Par ailleurs, un député conservateur a déclaré: « Comment osez-vous dire que c'est sans importance, cette caisse noire environnementale? ».
Je voudrais revenir sur ce point, car lorsque j'entends parler de « caisse noire environnementale », j'ai l'impression que l'on parle de corruption, de détournement de fonds, ou de fraude. C'est comme s’il y avait quelque chose de criminel là‑dedans.
La vérificatrice générale a recensé 90 conflits d'intérêts dans le cadre desquels les procédures n'ont pas été suivies. Dans 96 cas, elles ont été suivies. Dans 90 cas, elles n'ont pas été suivies. À lui seul, ce constat est accablant. Comme vous l'avez dit, dans près de la moitié des cas, les politiques n'ont pas été suivies comme il se doit, et 63 de ces cas concernent ces deux votes sur les paiements liés à la COVID‑19.
Vous avez produit un bon rapport au sujet de Mme Verschuren. Vous avez recensé deux manquements à l'éthique. Vous avez produit un bon rapport au sujet de M. Ouimet. Vous avez établi que la violation des règles d'éthique était si minime qu'il n'y avait pas de raisons de s'en inquiéter.
Les Canadiens qui ont suivi ces délibérations brièvement et qui ont entendu des propos s'apparentant à des accusations criminelles et des termes comme « caisse noire environnementale »... vous avez examiné cela en détail. Vous avez l'expertise nécessaire. Y a‑t‑il des raisons de penser que l'on a agi de façon criminelle dans cette affaire?
Non. Si j'avais eu la moindre raison de penser qu'il y avait eu un comportement criminel, j'aurais immédiatement interrompu mon enquête et transmis l'affaire à la GRC. La loi m'y oblige.
Au cours de votre examen des documents, de vos entretiens avec les témoins, du travail mené par la vérificatrice générale et de votre étude plus en détail, pas un seul élément de preuve, pas un seul témoignage ne vous a amené à faire une pause et à vous demander si vous deviez soumettre cette affaire à la GRC.
J'ai écouté l'interrogatoire de Mme Verschuren et de M. Ouimet au complet, ce que je fais toujours pour me faire une idée ou une opinion de la véracité de ce que les gens font, de la crédibilité de leurs propos. J'ai très bien compris que ce fonds était — soyons gentils — organisé et géré de façon brouillonne. Cependant, d'après les preuves qui m'ont été présentées, il n'y avait rien d'illégal. Je ne me suis donc pas dit que je devais mettre fin à mon enquête sur le champ et transmettre l'affaire à la GRC.
Examinons ce qui est de votre ressort: les conflits d'intérêts.
La vérificatrice générale a recensé ces 90 cas. J'aimerais entrer dans les détails quelque peu, car 63 cas concernent deux votes pour les paiements groupés liés à la COVID‑19.
Ce qui s'est passé est assez simple. Vous en avez parlé. Je veux simplement m'assurer de bien comprendre. Un avocat du cabinet Osler, qui était l'avocat principal, a dit aux membres du conseil d'administration que ces conflits d'intérêts avaient déjà été déclarés ou qu'ils étaient gérés, et qu'il n'était donc pas nécessaire de les déclarer une seconde fois. Ils pouvaient procéder à l'approbation groupée des paiements, sans être obligés de déclarer qu'ils étaient en situation de conflit d'intérêts par rapport à cette question.
Il va sans dire que ce n'était pas un bon conseil. Vous avez dit que c'était un avis juridique erroné. Vous avez raison et la vérificatrice générale a raison, mais c'est ce qui s'est passé. Les membres du conseil d'administration ont suivi un avis juridique inexact.
Oui, ces votes ont eu lieu. Personne n'a parlé de conflit d'intérêts. Nous avons interrogé à la fois Mme Verschuren et le conseiller juridique, et ils ont dit que la question des conflits d'intérêts n'avait pas été soulevée. Je leur ai demandé pourquoi elle n'avait pas été soulevée et le conseiller juridique a répondu que, à la lumière de sa connaissance générale du droit des sociétés, il ne pensait pas que c'était nécessaire.
Je voudrais en venir aux 25 cas. Soixante-trois des 90 cas concernent l'approbation groupée de paiements liés à la COVID‑19. Deux cas dans lesquels la personne n'aurait pas dû être impliquée concernent un examinateur expert externe.
Ensuite, il y a 25 autres situations où les administrateurs ont participé aux discussions et ont voté pour approuver le financement, selon la vérificatrice générale, malgré le fait qu'ils avaient déjà déclaré être en situation de conflit d'intérêts. La moitié de ces administrateurs, selon la vérificatrice générale, ont déclaré qu'il n'y avait pas d'autres conflits ou qu'ils s'étaient récusés.
Revenons à ces 25 cas. Les Canadiens devraient-ils s'inquiéter? Vous avez conclu que Mme Vershuren avait enfreint les règles d'éthique deux fois. Les Canadiens devraient-ils se demander s'il y a autre chose qui justifie une enquête plus approfondie?
Si ces 25 allégations de conflits d'intérêts ont permis de s'enrichir ou de frauder, par exemple, elles devraient évidemment faire l'objet d'une enquête et de mesures. Malheureusement, ce n'est pas mon mandat. Je n'ai pas le pouvoir de le faire.
La commissaire à l'intégrité du secteur public et la GRC se penchent tous les deux sur ces dossiers. Toutefois, le Parlement a jugé bon de créer différents secteurs. Je m'occupe des conflits d'intérêts.
La commissaire s'occupe de l'intégrité du secteur public, c'est‑à‑dire la mauvaise utilisation de fonds et la fraude. La GRC traite les infractions criminelles. Il n'y a pas de chevauchement, et nous respectons les compétences de chacun. Nous devons le faire. Si je vois quelque chose qui devrait relever d'eux, je les informerai et mettrai fin à mon enquête.
Messieurs, je tiens à vous remercier de votre témoignage d'aujourd'hui et de votre participation à la séance au sujet du Rapport 6, Technologies du développement durable Canada.
Je vais maintenant suspendre la séance quelques minutes, le temps de changer de groupe de témoins et d'accueillir notre prochain témoin.
Nous parlons toujours du rapport 6 de 2024, intitulé « Technologies du développement durable Canada ».
[Traduction]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre témoin. Nous accueillons M. Michel Bédard, légiste et conseiller parlementaire à la Chambre des communes.
Monsieur Bédard, je suis heureux de vous revoir. Je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
Vous aurez le temps de faire une déclaration préliminaire. Vous avez la parole cinq minutes.
Merci, monsieur le président et chers membres du Comité.
Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant vous.
Comme le président l'indiquait, je suis Michel Bédard, légiste et conseiller parlementaire à la Chambre des communes.
Je comprends que, dans le cadre de son étude sur le rapport de la vérificatrice générale au sujet de Technologies du développement durable Canada, le Comité a des questions en lien avec l'ordre de production de documents adopté par la Chambre des communes le 10 juin 2024.
[Traduction]
Comme les députés le savent, l'ordre de la Chambre exige que le gouvernement, TDDC et la vérificatrice générale déposent divers documents concernant TDDC auprès de moi, en tant que légiste et conseiller parlementaire. Je dois ensuite informer le Président de la Chambre si les documents ont été produits conformément à l'ordre. Le Président doit, à son tour, en informer la Chambre.
À ce jour, j'ai fait quatre rapports au Président de la Chambre. Je les ai remis le 17 juillet, le 21 août et le 16 septembre, et j'ai fourni un quatrième rapport ce matin même. Ces rapports ont tous été déposés à la Chambre des communes et sont disponibles publiquement en tant que documents parlementaires.
[Français]
Je note aussi que quelques institutions gouvernementales m'ont informé qu'elles avaient d'autres documents à soumettre. Par ailleurs, la vérificatrice générale a également indiqué qu'elle pourrait avoir d'autres documents à fournir ultérieurement.
Comme je l'ai mentionné dans les rapports que j'ai soumis au Président de la Chambre des communes, certains documents que j'ai reçus ont été expurgés, tandis que d'autres n'ont pas été divulgués. L'ordre du 10 juin exige également que les documents que je reçois soient transmis à la Gendarmerie royale du Canada, la GRC. Sur ce point, mon bureau a fourni les documents à la GRC le 16 août 2024.
Mon rôle en vertu de l'ordre se limite à recevoir les documents, à en informer le Président et à les fournir à la GRC. L'ordre ne prévoit aucune évaluation ou analyse des documents.
[Traduction]
Comme les députés le savent, une question de privilège a été soulevée à la Chambre des communes le 16 septembre concernant le respect de l'ordre. Le 26 septembre, le Président a conclu qu'il y avait, de prime abord, matière à question de privilège. Le leader parlementaire de l'opposition officielle, M. Scheer, a ensuite proposé que la question soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Cette motion est toujours débattue à la Chambre des communes.
Voilà qui met fin à mes observations.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions dans la mesure où je peux le faire en vertu de l'ordre du 10 juin et en tenant compte du fait que la Chambre débat toujours de cette question de privilège visant à déterminer si le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre devrait être saisi de l'affaire.
Nous allons maintenant passer aux questions. J'aimerais que nous puissions faire deux tours complets. J'informe les membres du Comité que nous aurons quelques minutes de retard, mais pas beaucoup. Le tout devrait prendre environ 50 minutes.
Monsieur Nater, vous avez la parole pour six minutes, je vous prie.
Par votre entremise, je remercie notre légiste parlementaire de s'être joint à nous aujourd'hui. Je vous remercie de vos conseils sur ces questions importantes entourant les privilèges du Parlement.
Avant de poser mes questions, je veux prendre un peu de recul et commencer par souligner que ce que je m'apprête à dire n'a aucune incidence sur notre capacité à demander des documents. Cependant, pour rassurer certaines personnes, j'aimerais vous demander ceci. Pourriez-vous indiquer au Comité les mesures que vous avez prises au sein de votre bureau, pour répondre aux préoccupations concernant les habilitations de sécurité que vous et toute autre personne de votre bureau avez, compte tenu des documents qui vous sont remis?
Essentiellement, quelles mesures avez-vous prises au sein de votre bureau pour protéger les documents qui peuvent vous être remis, y compris les habilitations de sécurité que vous ou les membres de votre équipe avez?
Tout d'abord, les documents ont été produits et m'ont été soumis conformément à un ordre de production adopté par la Chambre, ce qui constitue l'exercice d'un privilège parlementaire pour ordonner la production de documents. Il s'agit d'un privilège parlementaire qui, à l'instar de tous les autres, est de nature constitutionnelle, comme les tribunaux l'ont établi.
Avec l'ordre, notre rôle se limitait à recevoir les documents et à les remettre à la GRC. Nous nous sommes assurés de restreindre la circulation des documents. Ainsi, seules deux personnes de mon bureau ayant une cote de sécurité de niveau très secret ont eu accès aux documents, à savoir un autre avocat et moi-même.
Cela dit, comme ils ont été obtenus au moyen d'un ordre de production, la cote de sécurité la plus élevée n'était pas une exigence en soi, mais nous avons néanmoins pris cette mesure.
Je comprends. Je vous remercie également d'avoir précisé que ce n'est pas obligatoire, mais c'est néanmoins une mesure supplémentaire que vous avez prise dans votre bureau.
J'aimerais commencer par le dépôt, ce matin, de la récente mise à jour.
Dans le rapport de ce matin, il est mentionné que des passages ont été caviardés conformément à la Loi sur l'accès à l'information. Pourriez-vous confirmer au Comité que ces caviardages effectués en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels ne sont pas autorisés en réponse à l'ordre de la Chambre, et que cet ordre a préséance sur tout type de restrictions qu'une législation semblable peut prévoir?
Comme vous l'avez bien résumé, le pouvoir que détient la Chambre d'exiger la production de documents est un pouvoir constitutionnel sous la forme d'un privilège parlementaire. Il a préséance sur le droit commun, de sorte qu'il supplantera la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels et, par exemple, le secret professionnel qui lie un avocat à son client.
Je ne veux pas vous mettre dans une position où vous débordez du cadre de la réunion, mais il est clair que le Président de la Chambre des communes a conclu qu'il y avait de prime abord matière à question de privilège ici parce qu'on a omis de produire certains documents non caviardés. L'utilisation d'une excuse qui n'a clairement rien à voir avec les documents visés par l'ordre de la Chambre est très préoccupante du point de vue du Comité et du Parlement dans son ensemble.
On dit souvent que le Parlement est le « grand enquêteur de la nation ». C'est notamment parce que nous sommes en mesure d'exiger la production de documents et d'obliger des témoins à comparaître devant la Chambre. Du point de vue de la Constitution et du rôle de grand enquêteur, pouvez-vous expliquer au Comité pourquoi il est important que ces privilèges, ces droits importants conférés au Parlement, soient maintenus afin que nous puissions remplir nos fonctions de parlementaires?
Cela renvoie à la raison d'être même du privilège parlementaire selon laquelle la Chambre des communes, ou le Parlement en général, jouit de l'autonomie dont elle a besoin pour exercer ses fonctions, qui consistent à demander des comptes au gouvernement, à légiférer et à délibérer. C'est la racine de tous les privilèges parlementaires. Dans le cadre de sa fonction d'enquêter et de demander des comptes au gouvernement, si un comité ou la Chambre a besoin de documents, il peut en ordonner la production.
Le privilège appartient à la Chambre des communes. C'est avec le Règlement qu'elle le délègue aux comités. S'il y a une atteinte à ce privilège, les comités ne peuvent pas eux-mêmes imposer des sanctions. Ils doivent en faire rapport à la Chambre.
Les comités ont encore ce pouvoir, mais ils doivent passer par la Chambre pour imposer des sanctions.
Dans cette optique, quelles sanctions les comités peuvent-ils recommander à la Chambre pour ceux qui ne se conforment peut-être pas aux ordres de production?
Diverses sanctions sont possibles. Par exemple, nous en avons vu une récemment, lorsqu'un témoin à la barre de la Chambre a été réprimandé par le Président. En 2011, il y a eu une autre sanction où la Chambre des communes a retiré sa confiance au gouvernement parce qu'il n'avait pas fourni tous les documents.
Ce sont deux exemples de sanctions qui se situent à chaque extrême du spectre.
Je suis tout à fait favorable à l'idée que le Parlement a le pouvoir suprême d'exiger des documents. J'ai siégé à un comité et travaillé aux côtés du Parlement du Royaume-Uni pour poursuivre une entreprise canadienne, AIQ, qui était un petit joueur dans le scandale de Cambridge Analytica. Pendant que le Royaume-Uni composait avec ces retombées, nous avons dû en gérer une plus petite partie. Nous avons travaillé main dans la main pour nous assurer que les documents étaient bien divulgués et que les témoins étaient contraints à témoigner. Nous avons pu travailler en collaboration en tant que comités parlementaires pour mener des enquêtes parlementaires.
En même temps, avec un pouvoir aussi important, je suis un peu perdu dans l'affaire qui nous intéresse. Il faut utiliser ce pouvoir de façon responsable. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Un ancien légiste, Rob Walsh, a qualifié cela d'« abus » des pouvoirs de la Chambre. Il dit que c'est un abus parce que les pouvoirs de la Chambre visent à lui permettre de poursuivre ses travaux.
Que répondez-vous à cette critique? Qu'en pensez-vous?
Comme je l'ai indiqué en réponse à une question précédente, la racine du privilège parlementaire et sa raison d'être sont de permettre au Parlement — à la Chambre des communes et à ses comités — d'exercer leurs fonctions, qui consistent à délibérer, à enquêter et à légiférer sans ingérence extérieure, que ce soit des pouvoirs exécutifs ou judiciaires.
L'ordre du 10 juin comporte deux volets. Premièrement, il exige que des documents me soient remis en tant que légiste. Deuxièmement, ils doivent être fournis à la GRC. C'est tout. Si vous regardez l'ordre, vous verrez que c'est la seule chose qui y figure.
Ce que la GRC pourrait faire avec les documents pourrait potentiellement...
Attendez un instant. Je veux y venir, mais je souhaite en fait parler des pouvoirs de la Chambre.
Le légiste Rob Walsh dit qu'il s'agit d'un « abus » parce que les pouvoirs de la Chambre visent à lui permettre de mener ses propres délibérations. Il dit que le pouvoir de la Chambre ne peut pas être invoqué si la véritable intention est d'exiger des documents dans le seul but de les remettre à un tiers. Ce pouvoir est conféré pour permettre à la Chambre de mener ses propres délibérations, et non de simplement confier ce travail à un tiers.
Comme je l'ai dit au début de mon témoignage, je dois garder à l'esprit que la Chambre des communes est saisie d'une question de privilège qui fait l'objet d'un débat depuis deux semaines, et que l'affaire pourrait être renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre en tant que question de privilège. Si jamais c'est renvoyé au Comité, celui‑ci pourrait prendre en considération que l'ordre est effectivement sans précédent et inhabituel, dans son évaluation de la question de privilège.
Maintenant, si vous regardez l'ordre — de nombreuses choses ont été dites à son sujet, mais il faut en examiner le texte et les paragraphes —, vous verrez qu'il n'oblige pas la GRC à faire quoi que ce soit avec les documents. C'est...
Ce n'est pas nécessaire, mais je veux parler de ce que la GRC pourrait ou devrait faire. Comment ces documents pourraient-ils être utilisés dans le cadre d'une enquête?
Le commissaire de la GRC a déclaré ce qui suit:
... la capacité de la GRC à recevoir et à utiliser des informations obtenues par le biais de cette ordonnance de production et en vertu des pouvoirs obligatoires conférés par la Loi sur le vérificateur général dans le cadre d'une enquête criminelle pourrait susciter des inquiétudes au regard de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est donc très peu probable que les informations obtenues par la GRC en vertu de la motion, lorsque des intérêts en matière de protection de la vie privée existent, puissent être utilisées pour étayer une poursuite pénale ou faire avancer une enquête criminelle.
Si je suis un avocat de la défense et qu'il n'y a eu aucun mandat de perquisition fondé sur des motifs raisonnables, les droits de mon client garantis par la Charte seront-ils bafoués?
Avant même d'aborder les protections et les droits garantis par la Charte, il faut examiner la question sous l'angle du droit parlementaire. Il faut se demander si ces documents seraient admissibles devant un tribunal, puisqu'ils ont été obtenus en vertu d'un ordre de la Chambre et qu'ils sont directement liés aux travaux parlementaires.
De plus, la Chambre et ses comités doivent tenir compte des répercussions possibles d'un tel ordre. Les témoins se présentent devant les comités et comparaissent. On leur dit qu'ils ont alors l'immunité. On détruira la racine même du privilège si des témoignages ou des documents étaient, par principe, renvoyés à la GRC une fois que la preuve a été présentée...
Je comprends, mais occupons-nous aussi de la question de la Charte.
Vous êtes un avocat. Dans quel monde cette preuve pourrait-elle être admissible, étant donné qu'elle n'a pas fait l'objet d'un mandat de perquisition pour des motifs raisonnables?
Mes anciens collègues de l'Association canadienne des libertés civiles vont en rire. Dans quel monde le document pourrait‑il être utilisé? Il s'agit manifestement d'une violation des droits garantis par la Charte.
Comme je l'ai indiqué au début, en vertu de l'ordre, je n'avais pas pour rôle de procéder à l'analyse ou à l'évaluation des documents. J'ai dû recevoir les documents et les transmettre à la GRC. J'ai également dû faire rapport à la Chambre et indiquer si l'ordre avait été respecté ou non. Je n'ai pas lu les documents. J'ai seulement vérifié pour m'assurer de pouvoir dire au Président de la Chambre si des passages avaient été caviardés ou non.
Dans l'exercice de ce rôle, j'ai pu voir que certains documents auraient été accessibles au public. D'autres documents ne soulèveraient pas nécessairement des enjeux relatifs à la Charte, selon moi.
Cela dit, il y a effectivement des préoccupations, comme l'ont exprimé la GRC, la vérificatrice générale et d'autres avocats. Je partage leurs inquiétudes selon lesquelles il pourrait y avoir des problèmes entourant la Charte. On pourrait s'attendre au respect de la vie privée pour certains documents obtenus sans mandat de perquisition ou ordonnance de communication. Avant d'en arriver aux droits garantis par la Charte, le Parlement doit examiner cet ordre et son droit d'exiger des documents en vertu du droit parlementaire.
Bonjour, maître Bédard. Je suis contente de vous revoir au Comité.
Vous avez dit avoir fait rapport au Président de la Chambre des communes ce matin sur Technologies du développement durable Canada, ou TDDC. Pourriez-vous rapidement faire le point sur les documents que nous avons reçus, sur ceux qu'il nous reste à recevoir, et aussi sur ceux qui ont été caviardés par certains ministères ou auxquels il manquait des pages?
Jusqu'à maintenant, j'ai fourni quatre rapports au Président et ils ont tous été déposés comme documents parlementaires. Comme vous le savez, mon premier rapport, soit celui du mois de juillet, était plus substantiel parce qu'il s'agissait du premier. Par la suite, les rapports ont été essentiellement des mises à jour.
Pour résumer, jusqu'à maintenant, huit entités gouvernementales ont produit des documents sans caviardage, et 22 entités gouvernementales ont produit des documents caviardés. En ce qui a trait à TDDC, certains documents ont été retenus, tandis que d'autres ont été caviardés.
Essentiellement, le caviardage aurait été fait en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, car ces organismes ont traité la demande comme une demande d'accès à l'information.
Est-ce que ce sont juste les noms et les numéros de téléphone et adresses, ou est-ce que davantage d'éléments ont été caviardés? Est-ce qu'il y a des pages complètes ou des sections complètes, par exemple, de contrats ou de courriels qui l'ont été? Pouvez-vous nous en dire un peu plus là-dessus, s'il vous plaît?
En vertu de l'ordre de la Chambre, je reçois les documents, puis j'informe le Président. Je n'ai pas le mandat de regarder en détail la nature des caviardages et d'en faire rapport au Comité permanent des comptes publics.
Si la question est reconnue comme atteinte au privilège par la Chambre des communes et renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, la situation sera différente et le Comité pourra se pencher en toute légitimité sur cette question.
Cela dit, si vous regardez les lettres que j'ai reçues des entités gouvernementales et qui sont toutes en annexe à mon rapport au Président, on parle de documents, parfois de centaines de pages qui ont été retenues, de caviardage qui porte non seulement sur des renseignements personnels, mais aussi sur de l'information protégée par le secret professionnel qui lie un avocat à son client ou par d'autres dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.
Dans ce contexte, pouvez-vous aussi nous parler des entités qui ont répondu, qui ont envoyé des documents, mais lourdement caviardés? Je pense que vous en citez quelques exemples dans votre rapport ce matin au Président. Pouvez-vous nous les donner ici au Comité, s'il vous plaît? Quels sont ces ministères, à part TDDC, que vous avez mentionné tout à l'heure?
J'hésite à vous donner une liste d'entités gouvernementales qui auraient plus caviardé, ou moins caviardé, leurs documents. Mon rôle en vertu de l'ordre de la Chambre était d'informer le Président pour qu'il puisse dire à la Chambre s'il y avait eu du caviardage. Lorsque nous recevions des documents d'une entité, nous commencions par vérifier s'il y avait du caviardage ou non. Nous regardions donc tous les documents pour nous assurer qu'il n'y avait pas de caviardage. Aussitôt que nous en trouvions, nous classions le document dans la catégorie des documents caviardés.
Je ne pourrais pas vraiment vous dresser une liste des entités les plus délinquantes en matière de caviardage ou des entités ayant le moins souscrit à l'ordre de la Chambre. Sinon, je pense qu'on toucherait à la substance de l'ordre et à la question de privilège qui est présentement débattue à la Chambre et qui pourrait éventuellement être renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
En matière de questions de privilège, je pense qu'il est quand même important de rappeler que c'est une question constitutionnelle, comme vous l'avez dit d'entrée de jeu. Encore une fois, c'est toujours un peu ironique quand ce sont les députés du Bloc québécois qui rappellent la Constitution, mais il s'agit de la primauté du Parlement, du droit du Parlement de demander des documents, qui vous sont envoyés à vous d'abord.
Ce qui bloque énormément du côté du gouvernement, selon les arguments qu'on entend, c'est qu'on dit que ces documents doivent être fournis à la GRC, alors que tous ces documents-là doivent être fournis, d'abord et avant tout, à vous, le légiste de la Chambre des communes, pour qu'on procède ensuite aux différentes autres étapes, qu'on soit d'accord ou pas. La Chambre a donc le droit de demander ces documents. Je pense qu'il est important de se rappeler que, du point de vue juridique, selon la Loi sur le Parlement du Canada, le Parlement a le droit de demander que des documents soient envoyés au légiste de la Chambre. Est-ce bien exact?
En vertu des privilèges parlementaires qui se trouvent à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et à l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, la Chambre des communes a le pouvoir d'ordonner la production de documents. Dans le passé, on a eu des cas où des documents ont d'abord été donnés au légiste et conseiller parlementaire pour ensuite être remis à la Chambre.
Monsieur Bédard, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Je vais revenir à certaines des questions que M. Erskine-Smith a posées. Je suis nouveau à ce comité et j'essaie de comprendre les limites de ces pouvoirs.
Dans votre lettre, vous dites que le pouvoir d'exiger la production de documents est « absolu et illimité ». D'après mon expérience à la Chambre des communes, lorsqu'un comité demande des documents, ceux‑ci sont souvent caviardés. Nous vous demandons même parfois, à vous ou à d'autres légistes, de venir expliquer pourquoi ils le sont.
Quand vous dites « illimité », voulez-vous dire que nous pourrions demander tous les documents du Cabinet, par exemple? Qu'en est‑il des secrets d'État? Ce terme me semble très large.
Quelles sont les limites? S'il n'y en a pas, quelles sont les procédures en place pour traiter ces documents lorsqu'ils sont déposés à la Chambre afin de s'assurer que les renseignements de nature délicate sont traités correctement?
La Chambre des communes a l'autorité exclusive dans l'exercice de ces privilèges, comme c'est le cas pour tous les autres privilèges parlementaires appartenant à la Chambre et au Parlement. Il revient donc au Parlement de décider d'exercer ou non son privilège dans un cas donné.
Vous avez mentionné avoir vu par le passé des documents caviardés être fournis à d'autres comités. Il n'est pas inhabituel que les comités prévoient ou autorisent des caviardages lorsqu'ils ordonnent la production de documents. De plus, même en l'absence d'une telle mention dans l'ordonnance de production, on peut voir des témoins ou des tiers participer aux délibérations d'un comité en fournissant des documents caviardés.
Une fois que le Comité a reçu des documents caviardés, il lui incombe de décider s'il veut ou non donner suite à l'affaire. Il est arrivé que les caviardages soient, à première vue, plutôt minimes. On peut par exemple constater que seul le numéro de téléphone a été caché. Cependant, s'il y a des parties importantes qui sont caviardées ou si, pour toute autre raison, le Comité veut insister sur la production de documents totalement non caviardés, il peut le préciser dans son ordonnance. C'est souvent à ce moment‑là que le Bureau du légiste et conseiller parlementaire peut aider les comités et expliquer aux témoins que le pouvoir des comités d'exiger la production de dossiers et de documents est absolu et inconditionnel.
Si, une fois que l'on a insisté, les documents sont quand même produits avec des caviardages, c'est au Comité de décider s'il veut en rester là ou bien signaler le tout à la Chambre. S'il en fait rapport à la Chambre, il demeure possible d'en faire une question de privilège.
Par le passé, il y a eu des cas où des documents de nature très délicate ont fait l'objet d'une ordonnance de communication. Il y a deux situations semblables dont je pourrais vous parler. Il y a d'abord le cas des documents du laboratoire de Winnipeg; en l'espèce, le gouvernement prétendait que certains documents étaient protégés en vertu de considérations liées à la sécurité nationale. C'était la même chose pour le deuxième cas, les documents sur l'Afghanistan, il y a une dizaine d'années. Dans ces circonstances précises, le Parlement, en collaboration avec le gouvernement, a trouvé un compromis pour que certains députés puissent avoir accès aux documents sans porter atteinte à la sécurité et la confidentialité.
Je vais maintenant passer à la question des documents envoyés à la GRC. M. Erskine‑Smith et notre témoin précédent, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, l'ont mentionnée plus tôt ce matin.
Si la Chambre des communes a demandé ces documents à cette fin, est‑il vrai que la question de savoir si ce serait une erreur de les envoyer à la GRC n'a aucune importance pour vous comme pour d'autres? Sur le plan juridique, c'est ce qu'on vous a ordonné de faire, alors vous le faites. Vous ne tenez pas compte de l'incidence que cela pourrait avoir sur des actions en justice ultérieures.
Je pose la question parce que nous avons entendu diverses personnes qui semblent bien s'y connaître indiquer que ce n'est peut-être pas la meilleure façon de procéder, et pourtant c'est ce que la Chambre a demandé. Y a‑t‑il une raison juridique permettant d'affirmer que nous ne devrions pas faire cela, ou dites-vous simplement que c'est ce qu'on vous a indiqué de faire?
En ce qui concerne les instructions précisées dans l'ordonnance, il était très clair et sans équivoque que je devais recevoir les documents et les mettre à la disposition de la GRC. J'ai respecté cette ordonnance. Après avoir fourni la première série de documents à la GRC, on l'a également informée qu'il y avait d'autres documents à sa disposition si elle voulait les récupérer.
Le pouvoir de la Chambre d'ordonner la production de documents est une chose; celui de la GRC ou de toute autre entité externe qui utilise les délibérations parlementaires à ses propres fins en est une autre. Je me fais l'écho des préoccupations qui ont été exprimées au sujet de la Charte, et je soulève également le fait qu'en vertu du droit parlementaire, ces documents ont été produits en application d'une ordonnance de communication. Ils sont étroitement liés aux délibérations parlementaires, lesquelles ne sont pas admissibles en preuve devant un tribunal.
Il y a aussi le risque que cela puisse éventuellement dissuader des témoins et d'autres parties de produire les documents demandés par un comité ou par la Chambre de crainte que ces documents soient transmis ensuite à la GRC.
Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, monsieur Bédard, de confirmer que TDDC continue de retenir des documents et qu'elle a soumis des documents qu'elle a caviardés. Par conséquent, TDDC ne se conforme toujours pas à l'ordre de la Chambre.
Il y a d'autres entités gouvernementales qui n'ont pas suivi l'ordre de la Chambre, y compris le ministère de la Justice. L'été dernier, on était à 11 517 pages de documents concernant TDDC qui étaient retenues par le ministère de la Justice. Est‑ce encore le cas aujourd'hui?
Je vous remercie. Cela fait beaucoup de documents qui n'ont pas été divulgués par le ministère de la Justice.
Qu'en est‑il d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ISDE? Y a‑t‑il des documents d'ISDE, le ministère de l'Industrie, que vous attendez encore?
D'accord. Le ministère de l'Industrie retient‑il ou, plutôt, caviarde‑t‑il des documents en invoquant la Loi sur la protection des renseignements personnels?
Il faudrait que je vérifie pour vous donner une réponse précise à ce sujet. Tout se trouve dans mes rapports.
Les motifs de caviardage ou de non-divulgation de documents sont toujours la Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels ou le secret professionnel de l'avocat.
Oui, et c'est aussi un motif prévu dans la Loi sur l'accès à l'information. Lorsque je mentionne la Loi sur l'accès à l'information, cela inclut également les documents confidentiels du Cabinet.
Serait‑il juste de dire que les ministres de la Couronne sont ultimement responsables devant le Parlement du respect de tout ordre de la Chambre par leurs ministères respectifs?
Je vous remercie, monsieur Bédard, parce que nous avons un ministre de l'Industrie qui prétend vouloir faire la lumière sur la corruption à TDDC. Pourtant, contrairement à ce que le ministre Champagne a affirmé, et comme vous nous l'avez confirmé, monsieur Bédard, il a invoqué le secret du Cabinet pour se protéger contre les problèmes de corruption à TDDC et il s'ingère dans le processus en bloquant la production de documents et en faisant obstruction à un ordre parlementaire qui vise précisément à faire la lumière sur la corruption à TDDC.
Le ministre fait exactement le contraire de ce qu'il a affirmé. Il y a lieu de se demander ce qu'il tient tant à cacher.
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, monsieur Bédard, d'être ici aujourd'hui.
J'ai vraiment apprécié le monologue de mon collègue, même si rien de tout cela n'est vrai. J'ai pour ma part des citations que j'aimerais vous soumettre.
L'ancien conseiller juridique principal de la Chambre des communes, Steven Chaplin, a déclaré que l'ordre du 10 juin était « tout à fait sans précédent » et « constituait probablement un abus des pouvoirs parlementaires », que « la Chambre des communes servait simplement de boîte aux lettres aux forces policières, ce qui ne fait pas partie de ses fonctions » et que « ce n'est pas une fonction parlementaire ou constitutionnelle du Parlement d'aider la police ».
Dans le même ordre d'idées, l'ancien sous-commissaire de la GRC, Pierre-Yves Bourduas, a fait remarquer que nous savons tous que la primauté du droit repose sur la séparation entre ce que fait le Parlement et ce que font les organismes d'application de la loi, en l'occurrence la GRC.
En vertu de... J'ai parlé plus tôt du privilège parlementaire. La raison d'être du privilège parlementaire est de permettre à la Chambre et à ses comités de...
Je vais répondre à la question du mieux que je peux.
Vous avez fait référence à des documents qui expriment des opinions. Je peux donner mon avis au Comité, si c'est ce que souhaite la députée, en ce qui concerne les questions que vous avez soulevées.
Le privilège parlementaire, qu'il s'agisse de demander des dossiers ou des documents, de contraindre à la production de documents ou de convoquer des témoins, existe pour soutenir la fonction de la Chambre en tant que grand inquisiteur de la nation ainsi que le pouvoir d'enquête de la Chambre des communes et de ses comités.
D'autres privilèges parlementaires existent pour protéger la Chambre et ses députés contre l'ingérence extérieure. Le privilège parlementaire n'a pas pour but de permettre à la Chambre d'aider des pouvoirs externes comme le pouvoir judiciaire ou les forces policières à exercer leurs fonctions. Comme je l'ai dit, en droit parlementaire, lorsque des témoins comparaissent devant des comités ou lorsque des mémoires ou des documents sont produits, il y a une immunité qui protège les témoins, et ces documents et délibérations ne sont pas admissibles en preuve devant un tribunal.
Il y a toujours eu séparation entre les différents pouvoirs au Canada. Je pense que ce comité‑ci a établi la norme d'excellence en la matière il y a environ 20 ans, lorsque, pendant le scandale des commandites, un témoin a été appelé à comparaître devant le Comité alors qu'il faisait également l'objet d'une enquête policière. Le Comité a alors décidé de tenir la réunion à huis clos justement parce qu'il ne voulait pas s'ingérer dans l'enquête policière, et il a gardé ces délibérations secrètes pendant plusieurs années afin de ne pas nuire à cette enquête.
Je crois que c'est M. Chaplin qui a également dit: « Je pense que la Chambre a vraiment outrepassé ses pouvoirs, ce qui soulève un certain nombre de questions d'ordre constitutionnel. » Je sais que vous en avez parlé un peu plus tôt, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage sur les implications constitutionnelles de ce geste sans précédent de l'opposition au Parlement.
Sans dire que je souscris à l'affirmation que vous venez de citer, j'ai fait allusion plus tôt à certains enjeux qui ont été mis au jour.
La GRC et la vérificatrice générale ont soulevé des questions relatives à la Charte. J'ai moi-même indiqué tout à l'heure qu'en vertu du droit parlementaire, il est peu probable que ces documents puissent être utilisés comme preuve devant les tribunaux.
Nous avons été témoins de l'influence considérable de la mésinformation et de la désinformation et de leur impact sur nos institutions démocratiques. Selon vous, en quoi une telle décision politique peut-elle affecter nos institutions démocratiques fondamentales et leur séparation, ainsi que la primauté du droit, quant aux comportements que nous adoptons pour le maintien d'une démocratie libre et équitable au Canada?
Il m'est impossible de répondre à une aussi vaste question, parce qu'elle fait appel... Les agents supérieurs de la Chambre sont impartiaux, non partisans et apolitiques.
J'ai mentionné plus tôt que les privilèges parlementaires sont pour les députés. Ils appartiennent aux comités de la Chambre et à tous les députés. Il incombe aux députés de déterminer la manière dont ils veulent exercer ces privilèges.
Une question de privilège est actuellement débattue à la Chambre des communes. La motion vise à renvoyer la question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui sera la tribune appropriée pour discuter de ces enjeux.
Maître Bédard, concernant ce dont on discutait précédemment, vous aviez commencé à parler un peu de la Loi sur le Parlement du Canada, qui oblige le gouvernement à fournir les documents à la Chambre.
Quels sont les différents scénarios possibles, lorsque vous recevez des documents dont la production a été ordonnée par la Chambre des communes, comme c'est le cas ici? Qu'est-ce qu'on peut faire avec ces documents?
Concernant l'ordre en tant que tel, il n'y a pas de précédent où la Chambre a ordonné directement la production de documents pour qu'ils soient remis aux forces policières.
Pour ce qui est des scénarios possibles, il y en a plusieurs. Je sais qu'il y a eu un débat continu à la Chambre et dans le domaine public, ce qui est tout à fait légitime. Toutefois, si l'on se fie seulement au libellé de l'ordre actuel, rien n'empêche qu'un autre ordre soit pris concernant ces documents ou une comparution du commissaire de la GRC devant ce comité pour lui faire part de son évaluation de la substance des documents, dans la mesure où la GRC a accepté de les examiner. Tout cela s'inscrit dans un contexte parlementaire.
Maintenant, comme je le disais, si on s'attend à ce que ces documents soient utilisés par la GRC dans le cadre d'une enquête et servent de preuve devant…
Si on se limite au Parlement, les documents existent actuellement seulement dans mon bureau et ne sont accessibles qu'à quelques personnes. Comme ils n'ont pas été déposés devant la Chambre, ni la Loi sur les langues officielles ni le Règlement de la Chambre des communes ne s'appliquent. Ces documents existent seulement dans une langue, ce qui est tout à fait conforme à la loi, et les versions que j'ai remises à la GRC sont seulement dans une langue. Si les documents devaient être renvoyés à un comité quelconque ou être utilisés à d'autres fins, il faudrait qu'ils soient traduits, parce que la plupart des comités ont adopté des motions de régie interne à cet égard.
Par ailleurs, comme j'ai reçu les documents en vertu d'un ordre de la Chambre, j'ai les mains liées et je ne peux les distribuer ou en faire autre chose que si je reçois un ordre direct de la Chambre. Si le Comité me demandait de lui montrer les documents, je devrais malheureusement refuser, parce que je les ai reçus en vertu d'un ordre de la Chambre et que, si vous me permettez l'expression, le Comité est une créature de la Chambre et relève de cette dernière.
La situation serait différente si la question de privilège était renvoyée au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre. À mon avis, si celui-ci devait étudier la question de privilège concernant le respect de l'ordre de la Chambre, cela impliquerait qu'il ait aussi une idée de certains extraits de documents pour être en mesure de faire son propre examen.
Encore une fois, j'aimerais essayer de comprendre quelles sont les limites de ces pouvoirs.
Vous avez dit dans votre lettre que lorsque nous demandons la production de documents, il s'agit d'un privilège inconditionnel et illimité. D'une certaine façon, la Chambre des communes est au‑dessus des lois qu'elle crée pour le reste du pays.
Je me demande s'il y a des lois qui limitent ces privilèges. Existe-t‑il de telles lois? Si vous pouvez répondre à cette question, je vais aborder le sujet sous un angle différent.
En ce qui concerne le privilège de la Chambre de demander des dossiers et des documents, il n'y a pas de loi qui limite explicitement ce pouvoir.
Étant donné que ce privilège parlementaire émane de la Constitution, il ne peut être modifié ni implicitement ni indirectement. Il doit y avoir une disposition explicite dans la loi qui aura préséance sur le privilège.
Il y a des privilèges — celui de la liberté de parole, par exemple — qui sont assujettis à certaines limites, mais ces limites sont très explicites. Il n'y en a pas en lien avec ce pouvoir.
Nous savons qu'il y a certaines circonstances dans lesquelles le droit du privilège parlementaire ne s'applique pas. Par exemple, la Chambre ne peut pas contraindre à la production de documents du Sénat et le Sénat ne peut pas contraindre à la production de documents de la Chambre, mais il s'agit d'exceptions qui découlent du droit du privilège parlementaire et non d'une loi du Parlement.
De plus, en ce qui concerne les restrictions au sein du Parlement, il y a toujours les limites que la Chambre ou les comités peuvent s'imposer à eux-mêmes.
Comme il a été indiqué, et vous avez donné des exemples tout à l'heure, des documents ont été fournis avec caviardage. Il revient à chaque comité, au cas par cas, de décider s'il veut accepter les caviardages qui ont été faits et s'il doit insister dans certaines situations, mais pas dans d'autres, et, s'il est toujours insatisfait, s'il doit en faire rapport à la Chambre.
Le ministère des Finances, le ministère de l'Industrie et la BDC envoient tous des documents caviardés. Ce sont des organisations clés qui ont fait l'objet ici même de discussions publiques et de nombreuses motions. Leurs représentants comparaissent très régulièrement devant nos comités permanents.
Ces organisations se conforment-elles à l'ordre de la Chambre lorsqu'elles caviardent des passages de certains documents?
L'ordre du 10 juin ne prévoyait pas de documents caviardés. Si la Chambre l'avait voulu, elle l'aurait indiqué explicitement. Je pense qu'en substance, le Président a jugé qu'il y avait de prime abord matière à question de privilège.
La réponse est non, on ne s'est pas conformé aux exigences.
Qu'en est‑il de la confidentialité des documents du Cabinet? Ces documents sont parfois caviardés aussi. Qu'en pensez‑vous? Est‑ce qu'on enfreint des règles? Pourriez‑vous nous expliquer ce processus?
Pour ce qui est du pouvoir d'ordonner la production de documents, comme je l'ai indiqué, ce pouvoir est absolu.
Lorsque la production d'un document est ordonnée, on peut avoir des craintes légitimes en matière de vie privée ou autre pour ne pas produire ce document en entier. Si des éléments sont caviardés, c'est vraiment la Chambre ou les comités qui doivent décider s'ils acceptent la raison invoquée pour omettre des informations. Si la Chambre ou les comités sont toujours mécontents de cette raison, ils peuvent prendre des mesures supplémentaires. Ils pourraient ordonner la comparution d'un représentant à la barre de la Chambre ou, comme nous l'avons vu en 2011, retirer leur confiance envers le gouvernement.
Comme vous le savez, « le Parlement n'est pas assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels, et il a le droit d'exiger que lui soit soumis tout document dont il estime avoir besoin. » Ce pouvoir « est absolu ». C'est la décision qu'a rendue la présidence libérale de notre comité en 2009.
Concernant l'enquête sur ArriveCAN, par exemple, dans un courriel sur la motion du comité des opérations gouvernementales, l'ASFC parle de caviardage et de refus de produire des documents, selon l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information.
Pourriez‑vous nous expliquer si cela est permis? Pourriez‑vous nous expliquer ce processus et dire comment on peut permettre à cet organisme de caviarder et de refuser des documents selon l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information?
En général, le pouvoir d'exiger des documents est illimité. Si le comité demande des documents non caviardés, il a droit de les obtenir tels quels. La Loi sur l'accès à l'information, la Loi sur la protection des renseignements personnels ou toute autre loi ne s'appliquera pas, et l'esprit de la loi non plus. Si l'on propose de caviarder des passages, chaque comité pourra décider s'il accepte cette proposition.
La souveraineté du Parlement pour ordonner la production de documents n'est‑elle pas suprême; ou permet‑on à l'ASFC de refuser de se conformer à la volonté du comité?
La vérificatrice générale a dit qu'il n'y avait ici rien de criminel qui exigerait qu'on renvoie l'affaire à la GRC. Plus tôt aujourd'hui, avant votre témoignage, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique a dit la même chose.
La vérificatrice générale a exprimé des inquiétudes concernant l'ordre, tout comme les représentants de la GRC. Êtes‑vous au fait de ces inquiétudes?
L'ancien légiste Rob Walsh et un ancien conseiller parlementaire principal, Steve Chaplin, ont affirmé que l'ordre était un abus ou un abus probable des pouvoirs de la Chambre.
Je veux m'assurer de bien comprendre. Vous avez dit en réponse aux questions de Mme Khalid que la fonction du Parlement, pour laquelle ses pouvoirs existent, n'est pas d'aider l'enquête d'un tiers.
Vous avez aussi dit que l'étalon‑or en matière de séparation des pouvoirs au pays, c'était quand notre comité s'est réuni à huis clos pour éviter d'entraver une enquête de la GRC.
Vous avez dit que l'étalon‑or — c'est le terme que vous avez employé — pour respecter la séparation des pouvoirs, c'était quand notre comité s'était réuni à huis clos il y a 20 ans pour éviter d'entraver une enquête de la police.
Et pourtant, nous faisons exactement l'opposé de cet étalon‑or, et — tenez‑vous bien — après tout cela, il est peu probable que la GRC puisse même utiliser les informations sous‑jacentes, parce que sans un mandat de perquisition délivré pour des motifs raisonnables, l'utilisation de ces informations constituerait bien sûr une atteinte aux droits garantis par la Charte de l'accusé.
Établissons‑nous un précédent? Jusqu'où cela va‑t‑il aller?
Concernant l'ordre et en réponse à la question de Mme Sinclair‑Desgagné, on pourrait toujours utiliser les documents produits dans la procédure parlementaire, mais cela exigerait un deuxième ordre de la Chambre.
Si l'on veut que les documents puissent être utilisés dans une enquête de la GRC ou comme preuve devant un tribunal, cela va à l'encontre du droit parlementaire.
Il était une fois, le gouvernement Harper s'attaquait aux organismes caritatifs à vocation environnementale. Disons que le Parlement à majorité conservatrice était si en colère et si vindicatif qu'il a décidé d'exiger la production de tous les documents et tous les courriels d'un organisme caritatif pour l'environnement. La souveraineté du Parlement est suprême, n'est‑ce pas?
Le privilège parlementaire d'ordonner la production de documents est un exercice de privilège. Ce privilège est absolu et inconditionnel.
Lorsque le Parlement exerce ce droit, l'utilisation des documents dans la procédure est soumise à des restrictions et des limitations, selon le droit parlementaire.
C'est bien compris. Ce privilège est absolu et inconditionnel.
Toutefois, en matière de privilège « absolu et inconditionnel », nous devrions peut‑être nous limiter à un cadre raisonnable, parce qu'on pourrait demander des documents dans toutes sortes de cas. On pourrait imaginer bien des demandes déraisonnables, dont celle‑ci, où la production de documents serait exigée, malgré les préoccupations de la vérificatrice générale, de la GRC et d'avocats selon lesquelles c'est inapproprié. Un ancien conseiller parlementaire a aussi dit qu'il s'agit d'un abus de pouvoir, mais nous détenons toujours ce pouvoir. Si nous sommes prêts à l'utiliser dans ce cas‑ci, quand ne serons‑nous pas prêts à l'utiliser?