:
J'ouvre maintenant la séance.
Bonjour, tout le monde. Bienvenue à la 131e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
La réunion d’aujourd’hui se déroule en conditions hybrides, conformément au Règlement. Des membres sont présents en personne dans la salle et d'autres à distance utilisent l’application Zoom.
Je demande à tous les membres du Comité et aux autres participants en personne de consulter les affichettes sur la table qui indiquent comment prévenir les incidents d'effet Larsen.
[Français]
Veuillez garder à l'esprit les mesures préventives en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.
[Traduction]
Veuillez utiliser uniquement une oreillette noire approuvée et maintenez-là loin de tous les microphones. Quand vous ne l’utilisez pas, veuillez la placer face vers le bas sur l'autocollant se trouvant normalement sur votre droite, mais qui peut aussi être à votre gauche. Il est loin du micro. Je vous rappelle également que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)g) du Règlement, le Comité entreprend l'examen du rapport 6 de la vérificatrice générale du Canada, intitulé « Technologies du développement durable Canada », tiré des rapports 5 à 7 de 2024, renvoyés au Comité le mardi 4 juin 2024.
Avant d'accueillir nos témoins, je tiens à remercier le Bureau du vérificateur général du Canada pour la documentation qu'il a déjà fournie au Comité en réponse aux questions posées le 4 juin 2024. Nous attendons les réponses à venir concernant les manquements aux règles concernant les conflits d'intérêts, et les projets qui ont reçu un financement, conformément à la demande faite par le Comité le 4 juin 2024.
[Traduction]
Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
Du Bureau du vérificateur général, nous accueillons Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, Andrew Hayes, sous-vérificateur général, Mathieu Lequain, directeur principal, et Ewa Jarzyna, directrice.
Du ministère de l’Industrie, nous accueillons Simon Kennedy, sous-ministre. Je suis heureux de vous voir.
Enfin, nous accueillons Francis Bilodeau, sous-ministre délégué d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Je suis également heureux de vous voir.
Chaque groupe disposera de cinq minutes pour une déclaration liminaire.
Conformément à notre coutume, nous allons commencer par vous, madame Hogan, pour cinq minutes. Je vous en prie.
:
Monsieur le Président, merci de nous donner l’occasion de discuter de notre rapport sur Technologies du développement durable Canada.
Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.
Dans notre audit de Technologies du développement durable Canada, nous avons examiné si la Fondation avait géré les fonds publics conformément aux modalités des accords de contribution et à son mandat légal. Nous avons aussi examiné la surveillance et la gestion des fonds publics exercées par Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Entre mars 2017 et décembre 2023, la Fondation a approuvé 856 millions de dollars en financement pour 420 projets.
Nous avons constaté des défaillances importantes de la gouvernance et de la gestion des fonds publics assurées par Technologies du développement durable Canada. Plus précisément, la Fondation a accordé 59 millions de dollars à 10 projets qui ne répondaient pas à des exigences essentielles découlant des accords de contribution conclus entre le gouvernement et la Fondation.
Je suis également très préoccupée par les manquements dans la gouvernance assurée par la Fondation. Celle-ci n'a pas toujours respecté ses politiques en matière de conflits d'intérêts, et elle n'a pas respecté la Loi sur la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. Selon cette loi, la Fondation doit nommer 15 membres en plus de son conseil d’administration. Ces 15 membres ont le mandat de représenter la population canadienne, et ils sont appelés à nommer la majorité des membres du conseil d’administration de la Fondation. Nous avons constaté que la Fondation n’avait respecté la loi, car elle n’avait que 2 membres, et non les 15 exigés par la loi.
[Français]
En ce qui concerne les conflits d'intérêts, la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable ne disposait pas d'un système efficace pour consigner les déclarations de conflits d'intérêts ni les mesures prises à cet égard. Bien que nous ayons trouvé 96 cas où les membres du conseil d'administration avaient respecté la politique sur les conflits d'intérêts en déclarant leurs conflits et en se récusant lors du vote, il y avait 90 cas où les dossiers de la Fondation ont montré que la politique sur les conflits d'intérêts avait été enfreinte. Ces 90 cas étaient liés à des décisions de financement qui ont accordé près de 76 millions de dollars à des projets.
Nous avons également constaté qu'Innovation, Sciences et Développement économique Canada n'avait pas suffisamment évalué si la Fondation se conformait aux accords de contribution. En raison de ses activités de surveillance limitées, le ministère n'a pas pu s'assurer que les fonds étaient dépensés conformément aux modalités de l'accord de contribution. De plus, il n'a pas effectué d'audit de conformité de la Fondation et n'a pas surveillé les conflits d'intérêts.
Comme toute organisation financée à même les fonds publics, Technologies du développement durable Canada se doit d'opérer de manière transparente, responsable et légale. Nos constatations montrent que, lorsqu'il y a des manquements à cet égard, il devient difficile de démontrer que les décisions de financement prises au nom de la population canadienne sont appropriées et justifiées.
Ceci met fin à ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
:
Je vous remercie de m’avoir invité à comparaître devant le Comité, monsieur le président, et de me permettre de prononcer quelques remarques préliminaires au sujet de l'audit de TDDC, soit de Technologies du développement durable Canada.
[Français]
J'ai trois points que j'aimerais présenter aux membres du Comité.
[Traduction]
Tout d’abord, je tiens à souligner l’engagement de mon ministère à l’égard d’une saine gestion des fonds publics. Nous visons à assurer une intendance efficace dans toutes nos activités et, quand nous décelons des faiblesses, nous cherchons à prendre rapidement des mesures pour les corriger.
Le dossier montre qu’Innovation, Sciences et Développement économique Canada a agi rapidement dès qu'il a été saisi des allégations de mauvaise gestion à TDDC émanant d'un dénonciateur à la mi-février 2023. Très peu de temps après, le ministère a accordé un contrat à un cabinet qui est un chef de file dans le domaine des audits, Raymond Chabot Grant Thornton, ou RCGT pour faire court, afin de mener un exercice de collecte des données. Le cabinet a eu pleinement accès aux éléments d'information fournis par le dénonciateur.
Le rapport de RCGT a été présenté au ministère à la fin septembre 2023. Il a révélé des incohérences et des améliorations qu'il conviendrait d'apporter aux pratiques de gouvernance et de gestion des conflits d’intérêts à TDDC, dans la façon de se conformer à son accord de contribution et dans ses pratiques en matière de RH. Quelques jours plus tard, le ministre en était informé et il ordonnait à TDDC de mettre en œuvre un plan détaillé de mesures correctives visant à suspendre le financement de tout nouveau projet.
[Français]
En réponse aux préoccupations concernant les pratiques des ressources humaines de TDDC, le ministère a décidé de procéder à un second examen, qui a nécessité une collaboration avec TDDC et avec le .
[Traduction]
En l’espace de quelques semaines à peine, le gouvernement a engagé un cabinet d’avocats national de premier plan, McCarthy Tétrault, pour examiner en détail les allégations relatives aux pratiques en matière de ressources humaines. Cet examen approfondi a permis d’interroger plus de 60 employés, cadres et membres du conseil d’administration de TDDC, anciens et actuels, et d'effectuer un examen connexe des documents. ISDE a également fourni au cabinet d’avocats la trousse que nous avons reçue du dénonciateur. Cet examen a permis de constater que ni les cadres actuels ni les anciens ne se livraient au harcèlement, que les indemnités de départ et les ententes de non-divulgation étaient conformes aux pratiques opérationnelles normales et que les plaintes relatives aux ressources humaines étaient traitées sans équivoque.
Enfin, bien sûr, la vérificatrice générale a effectué son propre audit. Nous avons été très heureux de travailler en étroite collaboration avec Mme Hogan et son bureau, et nous accueillons favorablement les conclusions de son audit. Nous sommes tout à fait d’accord avec ses conclusions, y compris les recommandations adressées à ISDE. En fait, nous sommes déjà très avancés dans la mise en œuvre des améliorations.
Deuxièmement, je tiens à souligner la nature unique de TDDC. Sa structure juridique a joué un rôle dans la façon dont nous en sommes arrivés là aujourd’hui et dans les plans du gouvernement visant à rétablir le financement du secteur des technologies propres. Il y a plus de 20 ans déjà, le Parlement a créé cet organisme en tant que fondation privée. Cela signifie qu’il s’agit d’une organisation du secteur privé qui n’appartient pas à la fonction publique. La loi précise clairement que TDDC n’est pas un mandataire de la Couronne. À cet égard, son administration est tout à fait différente d’une direction de mon ministère, d’une société d’État ou même d’une tierce partie qui pourrait agir à titre d’agent chargé d’exécuter un programme en notre nom.
Dans le cadre d’un accord de contribution, ISDE a attribué des fonds à TDDC à des fins précises. Cependant, une grande partie de la prise de décisions quotidiennes sur la façon dont l’organisme devrait fonctionner et sur la façon dont ses programmes devraient fonctionner repose, par définition, dans les mains du conseil d’administration et de l’équipe de gestion de TDDC.
[Français]
En vertu de la loi, la capacité du gouvernement à superviser les activités de cette organisation est limitée uniquement aux termes de l'accord de contribution. Ainsi, toute question relative aux ressources humaines de Technologies du développement durable Canada échappe légalement à la surveillance de l'État. Les employés ne sont pas des fonctionnaires et aucune des structures juridiques habituelles qui s'appliquent aux fonctionnaires de l'État n'entre en jeu. C'est pourquoi l'ancien conseil d'administration a dû renoncer à ses droits avant que McCarthy Tétrault puisse lancer son examen des pratiques en matière de ressources humaines.
[Traduction]
Comme la vérificatrice générale l’a fait remarquer, ISDE a mené des activités de surveillance aux termes de l’accord de contribution, mais pas suffisamment pour déceler les problèmes au sein de TDDC. Nous sommes d’accord et nous sommes déjà bien avancés dans la mise en place de changements structurels dans la façon dont nous surveillons le financement des technologies propres.
Mon dernier point, et je serai bref, concerne le plan d’action visant à rétablir la confiance dans le financement des technologies propres. Nous sommes convaincus que le transfert du personnel subalterne et des programmes de TDDC au Centre national de la recherche, le CNRC, répondra directement aux préoccupations soulevées par les divers examens.
Le CNRC et le Programme d'aide à la recherche industrielle, le PARI, ont 100 ans d’excellence dans la prestation de programmes aux entreprises canadiennes. De plus, ils ont une expertise en technologies propres. Ils sont bien placés pour assumer les nouvelles responsabilités et puis, contrairement à TDDC, le CNRC est un organisme de la Couronne. Il est entièrement assujetti à des lois importantes comme la Loi sur la gestion des finances publiques. Ses employés sont des fonctionnaires qui relèvent directement de l’État. Son conseil d’administration, dans son ensemble, est nommé par le gouvernement. Le président du CNRC est nommé par le gouverneur en conseil et est assujetti à des examens réguliers du rendement par le gouvernement.
Les problèmes constatés dans le cas de TDDC tournaient presque entièrement autour de son modèle de gouvernance indépendante, qui, comme le ministre l’a dit, n’était manifestement pas suffisant pour répondre aux attentes modernes en matière de gouvernance du secteur public. Le transfert de ses programmes à la fonction publique va considérablement accroître la capacité d’examiner et de faire respecter les principales politiques gouvernementales, que ce soit en matière de finances, d’administration, de conflits d’intérêts ou de ressources humaines.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de présenter mes commentaires. Je suis maintenant prêt à répondre aux questions des membres du Comité.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence, et plus particulièrement la vérificatrice générale pour son excellent rapport.
Je suis heureux de voir que le ministère donne suite aux recommandations et qu’il collabore de toutes les façons possibles à ce dossier. Cependant, je suis préoccupé par la lettre très inhabituelle — du moins pour ce comité — que nous avons reçue de la vérificatrice générale le 10 juin. Elle concerne la motion adoptée à la Chambre des communes la semaine précédente relativement à la production de documents et, en fait, tout le dossier d'audit du Bureau du vérificateur général.
Dans cette lettre, madame la vérificatrice générale, vous exprimez vos préoccupations face à « certaines des conséquences à court et à long terme de cette motion » et au fait que « l'obligation de remettre l'intégralité de mon dossier d'audit [soit le vôtre] au légiste et conseiller parlementaire compromet mon indépendance [encore une fois, la vôtre]. Elle risque également de décourager les ministères, les organismes et les sociétés d’État de me donner accès librement et en temps voulu aux informations nécessaires à mes audits à l’avenir ». Cela m’inquiète beaucoup en tant que membre de ce comité parce que l’indépendance et l’intégrité du Bureau du vérificateur général sont d’une importance capitale.
Madame la vérificatrice générale, pouvez-vous expliquer le contexte de la lettre que vous avez envoyée au Comité la semaine dernière au sujet de la motion de la Chambre et de votre enquête sur TDDC? Pourquoi croyez-vous qu’il est important d’exprimer vos préoccupations en ce moment? Pouvez-vous expliquer davantage votre raisonnement?
:
Quant à la date de ma lettre, c’était avant que la motion originale ne soit modifiée. Je pense qu’il est important de le savoir.
Je crois qu’il était inutile de mentionner mon bureau dans cette motion, puisque l’ajout du légiste ne semblait pas nécessaire pour que mon bureau se conforme à une demande du Parlement. Nous avons toujours collaboré très rapidement avec le Parlement, et j’avais déjà établi des mécanismes pour que la GRC puisse avoir accès à toute l’information qu’elle jugerait nécessaire dans le cadre d’une de ses enquêtes.
En ce qui concerne mon indépendance et les répercussions à long terme que cela pourrait avoir sur les audits, le Parlement semble croire que mes dossiers d'audit devraient être protégés — ce qu'il avait précisé dans la Loi sur le vérificateur général — contre les demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels. Cela s’est fait dans le contexte de la Loi fédérale sur la responsabilité. Il était important que les renseignements que nous allions recueillir soient protégés d’une façon ou d’une autre, et puis, que les fonctionnaires ou toute autre personne souhaitant nous parler puissent nous donner un accès libre et opportun à l’information.
J'ai des réserves au sujet de l’inclusion de cette motion, car cela pourrait nuire à ma capacité future d'accéder à l’information nécessaire en temps voulu, ou entraver la liberté dont les fonctionnaires estiment actuellement disposer. Ce qu'ils nous révèlent devrait demeurer confidentiel et apparaître dans nos rapport de la meilleure façon possible pour aider le Parlement à obliger le gouvernement à rendre des comptes.
C'est cela qui m'a inquiété. Je me suis aussi sentie préoccupée par le temps et par les coûts nécessaires pour répondre à une telle demande. À l’époque, je ne savais pas s’il fallait faire traduire tout mon dossier pour satisfaire aux exigences de la motion. Beaucoup de choses m’inquiétaient. Cependant, quand la motion a été adoptée à la Chambre, nous avons communiqué avec le légiste le jour même et nous cherchons des moyens de continuer à appuyer le Parlement, comme nous l’avons toujours fait.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins de leur présence, ainsi que la vérificatrice générale et son équipe pour un rapport très intéressant.
Technologies du développement durable Canada illustre comment prendre une bonne idée reposant sur des objectifs nobles qui durent depuis 23 ans et la transformer en désastre de gestion et en source d'anxiété pour les milliers d'entrepreneurs qui dépendent maintenant de ces fonds pour des technologies qui sont l'avenir du Québec et du Canada.
Madame la vérificatrice générale, je commencerai par vous poser une question brève, simplement pour comprendre la chronologie. En novembre 2022, un groupe de lanceurs d'alerte a contacté votre bureau, est-ce exact?
Entre 2001 et 2022, il semble y avoir eu beaucoup de manquements au chapitre des suivis. En fait, selon le rapport de la vérificatrice générale, vous receviez les procès-verbaux sur les conflits d'intérêts. Technologies du développement durable Canada, ou TDDC, était censé vous laisser savoir quand le financement devait être récupéré. Le ministère devait être au courant de plein d'éléments, mais qui n'ont pas fait l'objet d'un suivi.
Comme vous venez de le dire, TDDC fait partie du portefeuille du ministère. Pouvez-vous simplement répondre à la question suivante: qui, au sein d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada devait faire le suivi auprès de TDDC?
:
D'accord. Il y a donc deux bureaux différents, deux possibilités plutôt qu'une, qui n'ont pas fait les suivis nécessaires pour s'assurer que TDDC utilisait les fonds publics à bon escient. L'accès aux procès-verbaux n'était pas vérifié, manifestement.
J'ai un autre élément d'information à soulever, et je pense qu'il est important que les contribuables le sachent. En 2018, il y a eu un audit interne, qui recommandait déjà de revoir les politiques de conflits d'intérêts et de veiller à ce qu'elles soient bien supervisées par le ministère. Ça veut dire que des recommandations d'audit interne faisaient déjà référence à ces problèmes en 2018.
Maintenant, vous êtes en train de me dire que pas une, mais bien deux équipes au sein du ministère n'ont pas fait les suivis nécessaires auprès de TDDC. C'est problématique.
Quand a-t-on décidé d'abolir Technologies du développement durable Canada? Nous savons que l'annonce a eu lieu le même jour que le dépôt du rapport de la vérificatrice générale. Toutefois, la décision a dû être prise bien avant. Quand a-elle été prise, s'il vous plaît?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier la vérificatrice générale et son équipe pour cet audit notable de Technologies du développement durable Canada.
Madame la vérificatrice générale, dans votre déclaration liminaire, vous avez souligné certains grands problèmes liés aux préoccupations très troublantes auxquelles les Canadiens sont maintenant confrontés. Si vous me le permettez, je vais en résumer une partie et exprimer quelques opinions, mais je vous donnerai ensuite l’occasion d’y revenir.
Pour résumer la situation, je dirai d'abord que cette question est liée au non-respect de la loi. Vous avez dit très clairement que la loi habilitante — qui était censée assurer un certain niveau de surveillance pour au moins essayer de prévenir certains des problèmes flagrants que nous voyons aujourd’hui — n'a pas été respectée.
Tout à l’heure, mes collègues ont parlé de conflit d’intérêts et beaucoup ont critiqué la gestion des conflit d’intérêts dans le cas de ce fonds.
En ce qui concerne le traitement inapproprié des employés, je crois comprendre que les non syndiqués n'ont eu d'autres choix que de signaler ce genre de situation à titre de dénonciateurs ce qu'il leur a valu les pires revers de bâton de leur vie, soit la perte de leur emploi ou des problèmes dans leur vie personnelle. Je remercie ces dénonciateurs d’avoir eu le courage de soulever ce lièvre. Malheureusement, ils n’étaient pas syndiqués, et bon nombre d’entre eux ont été pénalisés. Voilà un bon exemple de l’importance des syndicats.
En fin de compte, les Canadiens, et en particulier les jeunes, espèrent un gouvernement qui prendra au sérieux les préoccupations liées aux changements climatiques. Ce qu’ils trouvent ici est un exemple classique d’écoblanchiment. J'ai le cœur brisé, comme nombre de Canadiens, de constater la situation très délicate dans laquelle nous nous trouvons. On a promis de contribuer à la lutte contre la crise climatique dans laquelle nous nous trouvons tous aujourd’hui, mais l’un des principaux outils du gouvernement pour contribuer au développement durable et aux technologies durables a été largement détourné par des questions de conflit d’intérêts à grande échelle, ce qui mène à la corruption. C’est décevant.
Monsieur le sous-ministre, j’espère que vous prendrez conscience — non seulement à la faveur de cette séance, mais aussi à mesure que progressera la rédaction du rapport — qu'il ne s'agit pas simplement d'un problème d’usage abusif de l’argent des contribuables et de fonds importants auxquels les gens contribuent à la sueur de leur front, mais aussi d'un énorme abus de confiance, tandis que la confiance envers nos institutions et les programmes que le gouvernement dit respecter est fondamentale. Quand les Canadiens voient des rapports comme celui-ci, leur niveau de confiance s'en trouve grandement diminué, ce qu'on ne saurait sous-estimer. C’est une responsabilité que vous devez assumer en tant que sous-ministre, et j’espère que vous la prenez au sérieux.
J’aimerais aborder l’une des questions que j’ai soulignées au début de mon intervention et qui concerne les très graves problèmes de gouvernance et de non-conformité à la loi. Le Bureau du vérificateur général a particulièrement souligné le processus de nomination des membres du conseil d’administration. La loi exigeait que 15 membres siègent au conseil d’administration, et nous nous sommes retrouvés dans une situation où il n’y en avait que deux.
Madame la vérificatrice générale, comment est-ce possible? Comment cela s’est-il produit?
:
Je vais revenir brièvement à l'une des questions du tour précédent, madame la vérificatrice générale. Elle portait sur les dossiers commandés par la Chambre que le légiste devait remettre à la Gendarmerie royale du Canada.
Soulignons tout d'abord que, dans ce cas, le légiste de la Chambre avait pour rôle de servir d'intermédiaire pour faire circuler ces dossiers. Il n'ordonnait pas au vérificateur général d'auditer ces faits. C'est comme tout projet de loi adopté à la Chambre qui reçoit l'appui de la majorité. Les documents et les données que vous avez utilisés pour arriver à vos conclusions sur les millions de dollars... Je crois que vous avez dit que 319 millions de dollars étaient en cause dans des cas de conflit d'intérêts. Certains ont été déclarés et d'autres non, mais tout cet argent a été versé aux personnes désignées, à des gens qui font affaire avec Technologies du développement durable Canada, ou TDDC.
La seule raison pour laquelle cet examen est nécessaire, c'est qu'après neuf ans de gouvernement néo-démocrate-libéral, nous avons une absence totale de transparence — un refus d'agir avec transparence face aux Canadiens. Il ne s'agit pas seulement des dossiers de la vérificatrice générale. Nous avons besoin de dossiers de TDDC et d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ISDE. Nous savons que le Bureau du vérificateur général tient très bien ses dossiers, mais les ministères que vous avez audités n'ont pas fait preuve de la même diligence.
Ma question, monsieur Kennedy, est donc la suivante: rassemblez-vous des documents et vous préparez-vous à les transmettre à la Gendarmerie royale du Canada?
:
Je devrais peut-être parler brièvement de la question des conflits d'intérêts.
Il est évident que, dans l'exercice de ses responsabilités, le conseil d'administration n'a pas suivi les processus et les procédures avec toute la diligence requise. La loi elle-même, une loi adoptée par le Parlement il y a une vingtaine d'années, exige que le conseil d'administration soit composé de personnes — c'est l'explication que je donne aux profanes — qui possèdent une certaine expertise des technologies propres. Elle exige que les membres du conseil d'administration aient accumulé de l'expérience dans cette industrie.
La structure même de la loi pose un risque inhérent de conflit d'intérêts. Je n'ai pas vérifié, mais je soupçonne que ce risque existe depuis le début, quels que soient les gouvernements au pouvoir, parce que le conseil doit être composé de membres de l'industrie. Cela rend la gestion des conflits d'intérêts beaucoup plus importante qu'elle ne le serait autrement, parce que le risque de conflit d'intérêts est beaucoup plus présent parmi les gens qui ont travaillé dans l'industrie.
En assujettissant cet organisme au Conseil national de recherches, on élimine la majeure partie de ce problème. Il n'est pas impossible qu'un fonctionnaire du Conseil national de recherches ou un membre de la direction se retrouve en conflit d'intérêts. En fait, les fonctionnaires, comme moi, doivent respecter des règles assez strictes pour gérer les conflits d'intérêts. Cela atténue le risque de confier la prise de décisions sur l'attribution de fonds à un conseil d'administration composé de membres qui ont travaillé dans l'industrie en question.
Nous avons là un exemple probant d'atténuation majeure des risques de conflits d'intérêts. Je me ferai un plaisir de vous en dire plus. Je pourrais le faire si vous le souhaitez, mais j'espère que cela vous donne une idée de l'amélioration considérable que l'on apporterait en créant une entité interne relevant du Conseil national de recherches.
:
Je suggère au Comité de poser cette question au président du Conseil national. Je sais qu'on l'a invité à témoigner.
Dans nos discussions avec le gouvernement sur les moyens de rétablir la fiabilité du financement des technologies propres, nous avons choisi le Conseil national de recherches, parce que ses processus opérationnels sont très solides. J'espère que tous les députés conviennent que le Programme d'aide à la recherche industrielle est considéré comme un programme très bien géré et qu'il est très fortement appuyé par le secteur des affaires.
Pour les raisons que j'ai énumérées dans ma déclaration préliminaire, le Conseil national de recherches est un organisme de la Couronne. Ses employés doivent respecter le Code d'éthique de la fonction publique. Ils sont assujettis aux règles relatives à l'après-mandat. Il est régi par un conseil d'administration choisi directement par le gouvernement.
Il a été question tout à l'heure du conseil d'administration de TDDC. Je vais vous donner un exemple. Je suis tout à fait d'accord avec la vérificatrice générale qui affirme qu'ISDE doit surveiller son accord de contribution de plus près. Je ne conteste pas du tout cela. Cependant, du point de vue juridique, ISDE et le gouvernement n'ont pas le pouvoir de nommer des membres au conseil d'administration de TDDC. Lors de la création de cet organisme, on a tenu une première ronde de mises en candidature pour les membres de son conseil d'administration. Ensuite, ces membres étaient censés proposer la candidature des nouveaux membres quand il le fallait. Le conseil a laissé sa composition s'éroder, et le ministre de cet organisme de la Couronne n'avait aucun moyen juridique de remédier directement à cela. Ce processus est tout à fait différent, par exemple, de celui du Conseil national de recherches. Quand le nombre de membres du conseil diminue, le ministre et le gouverneur en conseil sont responsables de nommer de nouveaux membres.
Je le répète, je suis tout à fait d'accord avec la vérificatrice générale. ISDE doit renforcer sa surveillance. Cependant, du point de vue juridique, TDDC jouit d'une grande autonomie. Son conseil d'administration a le pouvoir de prendre de nombreuses décisions quotidiennes et de contrôler plusieurs éléments de gouvernance. Je tiens à préciser que cela ne nous libère aucunement de nos responsabilités, mais cela entrave quelque peu notre intervention. Un grand nombre de ces obstacles disparaîtront quand l'organisme sera placé sous l'égide du Conseil national de recherches.
:
Je vous remercie de la question.
Je pense qu'il est important de noter le fait qu'au moment où nous avons reçu les résultats de Raymond Chabot, nous avons mis sur pied un plan d'action et demandé au conseil d'administration de Technologies du développement durable Canada de l'appliquer.
Je ne peux pas parler au nom de la vérificatrice générale mais, si je comprends bien, les éléments de ce plan d'action touchent un grand nombre des préoccupations de la vérificatrice générale. Cela dit, nous pouvons faire davantage, par exemple en ce qui touche aux recommandations visant Innovation, Sciences et Dévelopment économique Canada. Nous sommes déjà assez avancés. Nous avons déjà fait beaucoup de changements relativement à l'organisation qui existe déjà, et qui peut mettre en place de nouvelles structures et de nouveaux processus beaucoup plus robustes qu'auparavant. L'idée, c'est de déplacer tout ça vers le Conseil national de recherches du Canada.
:
Monsieur le président, je veux m'assurer que les choses sont claires. Je ne veux pas parler au nom de la vérificatrice générale, mais elle a pris la décision indépendante de procéder à un audit. Même si nous aimons collaborer avec la vérificatrice générale, ce n'est pas nous qui l'avons invitée à le faire. Je veux simplement m'assurer que personne ne pense que c'est à notre demande que cela a été fait.
La raison d'être de ces deux examens est la suivante: en vertu de la structure juridique de TDDC et de ses responsabilités, ainsi que de celles de l'État, il est très facile pour nous de demander un travail d'audit relativement à l'accord de contribution, et même d'en faire un suivi. C'est le genre de contrat que nous avons avec TDDC, qui est indépendant au sens de la loi. Ce n'est pas un organisme gouvernemental; c'est une organisation privée indépendante. Le rapport de Raymond Chabot a examiné toutes les questions liées au respect de l'accord de contribution, à l'application des règles concernant les conflits d'intérêts et aux mesures à prendre en vertu de cet accord.
Le rapport de Raymond Chabot comportait aussi des observations sur les ressources humaines. Vous remarquerez dans notre réponse et notre plan d'action de la direction que la nature de ce que nous avons à dire au sujet des RH diffère des autres éléments. La raison en est que les ressources humaines sont légalement du ressort de l'organisation. Elles relèvent du conseil au sens de la loi. Ses employés ne sont pas des employés de l'État, mais bien des employés du secteur privé qui travaillent pour une fondation. Nous avons dû obtenir l'accord du conseil d'administration de TDDC pour qu'il renonce à ses droits, afin de permettre au procureur général d'embaucher un mandataire pour effectuer un examen des RH.
De toute évidence, compte tenu de toutes les allégations et des pressions exercées, le conseil s'est montré très coopératif. Il était certainement disposé à permettre au gouvernement d'intervenir, mais il s'agissait d'un processus distinct, car contrairement à l'accord de contribution, pour lequel nous avons tous les droits juridiques d'intervenir, d'examiner la situation et d'exiger des documents, sur le plan des ressources humaines, il aurait été considéré comme étant au-delà des pouvoirs de l'État de prendre des mesures sans le consentement du conseil et sans que toutes ses bases juridiques soient couvertes.
Je ne suis pas avocat, mais il n'y a aucune justification légale pour le gouvernement de faire cela. En fait, cela aurait pu entraîner une certaine responsabilité de la part des employés, des gestionnaires et d'autres intervenants, ce qui fait nous avions besoin de l'assentiment du conseil pour le faire. Un processus distinct a été mené par McCarthy Tétrault au nom du procureur général.
:
Monsieur le président, je tiens à souligner que, lorsque le ministre a fait son annonce en réponse aux conclusions de la vérificatrice générale, il a souligné que le plan consiste à réinjecter très rapidement des fonds dans l'écosystème des technologies propres. Le ministre Champagne a déclaré publiquement qu'il était très préoccupé par le fait que les entreprises de technologies propres aient été prises entre deux feux à cause de cette situation.
C'est une priorité absolue pour le nouveau conseil qui a pris en charge les responsabilités. En fait, le nouveau conseil a deux grandes responsabilités. La première consiste à rétablir le financement, avec tous les contrôles appropriés en place, toutefois. ISDE, en tant que responsable permanent de l'accord de contribution, jusqu'à ce que le Conseil national de recherches du Canada prenne la relève, mettra en application tous les contrôles améliorés, ainsi que la réponse et les plans d'action de la direction. En fait, tant qu'il n'y aura pas de nouvelle structure, ce sera l'ancienne structure qui prévaudra.
Il y a un nouveau conseil qui a reçu des instructions très explicites pour améliorer la surveillance qui est assurée. Le ministère a considérablement accru sa supervision de l'organisation. Au bout du compte, cette fonction sera transférée au CNRC, et ce sera ensuite à lui d'administrer le financement. À court terme, nous voulons que le financement soit rétabli, mais avec un niveau beaucoup plus élevé de probité et de responsabilisation, conformément aux recommandations de Mme Hogan et aux divers examens qui ont été effectués.
:
D'accord, mais cela n'a pas été une priorité dans le passé.
J'aimerais revenir sur cette relation avec le sous-ministre adjoint qui a participé aux réunions.
Madame la vérificatrice générale, si je me fie à la page 23 de votre rapport, je crois comprendre que vous avez dû vous entretenir avec un certain nombre de directeurs au sujet de cette relation. En haut de la page 23, vous dites essentiellement que, lors de ces votes concernant les conflits d'intérêts, déclarés ou non déclarés, les membres du conseil ont supposé que tout allait bien puisque le sous-ministre adjoint n'avait soulevé aucune préoccupation.
Essentiellement, si je résume bien, il y avait à chaque réunion une entente implicite concernant l'ambiguïté ou le silence du ministère.
Je suis très perplexe. Du point de vue de la gouvernance, votre rapport semble laisser entendre que même si un conflit d'intérêts est déclaré, cela ne pose pas de problème parce qu'ils ont respecté leurs règles, alors que c'est clairement le cas dans le contexte de la Loi sur TDDC, qui dit ceci « il est interdit aux administrateurs de tirer de la Fondation ou de ses activités un profit, un revenu ou un bien ».
Lorsque près de la moitié des transactions, près de la moitié de l'argent, va à des membres du conseil d'administration pour des entreprises dans lesquelles ils ont un intérêt financier, ce n'est pas la politique du conseil en matière de conflits d'intérêts qui est importante, n'est-ce pas? Ce qui compte, c'est la loi et le fait d'enfreindre une loi du Parlement.
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Je pense qu'il y a beaucoup d'éléments en cause ici, parce que dans la Loi sur la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable, il est exigé que certains membres du conseil d'administration aient de l'expérience du secteur et travaillent dans le secteur.
Je pense que, comme M. Kennedy l'a déjà dit, cela créera inévitablement des conflits d'intérêts, et c'est pourquoi un processus vraiment rigoureux est nécessaire. J'imagine qu'il ne s'agit pas seulement de déclarer un conflit d'intérêts; il s'agit aussi de se récuser de tout vote ou de toute décision.
Cependant, je suis d'accord avec le député, monsieur le président, pour dire que la loi dit clairement qu'aucun membre n'aurait dû tirer un bénéfice personnel. Cela est préoccupant, et c'est pourquoi nous avons signalé dans notre rapport que le conseil ne respectait pas sa loi habilitante.
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Tout ce paragraphe de notre rapport met en lumière certains conflits d'intérêts qui pourraient être réels ou apparents et qui n'ont pas vraiment été réglés par les politiques sur les conflits d'intérêts de la fondation.
Il existe énormément de pratiques exemplaires que les conseils d'administration peuvent utiliser pour établir leurs politiques en matière de conflits d'intérêts. Il y a les valeurs et l'éthique fédérales. Il y a la Loi sur les conflits d'intérêts. L'OCDE a des lignes directrices concernant les conflits d'intérêts dans la fonction publique. Il y a d'autres pays. Au sein de l'organisme analogue au mien, l'ANAO, il y a un guide sur les conflits d'intérêts.
Je pense qu'il y a beaucoup de domaines où l'on peut rechercher des pratiques exemplaires. Il s'agit de s'assurer que, du point de vue de la perception du public, les gens ne semblent jamais s'être mis dans une position où ils pourraient bénéficier de fonds publics. Lorsqu'il est question de fonds publics ou de la fonction publique, il faut respecter des normes plus élevées.
Je vais céder la parole à M. Hayes, car je sais que c'est un domaine qui lui tient vraiment à cœur. Je suis certaine qu'il a quelque chose à ajouter.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Kennedy, vous avez dit que votre ministère, Industrie, Sciences et Développement économique, ISDE, est intervenu sans tarder dès réception de la dénonciation le 16 février 2023 sur la mauvaise gestion à Technologies du développement durable Canada.
Avec tout le respect que je vous dois, je dirai que ce n'est pas suffisant. Votre ministère était chargé de faire respecter les accords de contribution et de s'assurer qu'il n'y avait pas de conflits d'intérêts. Nous savons maintenant que 400 millions de dollars de l'argent des contribuables ont été dépensés de façon inappropriée. Une bonne partie a servi à garnir les poches de proches du Parti libéral qui siégeaient au conseil d'administration de la caisse verte des libéraux.
En tant que sous-ministre, acceptez-vous une responsabilité quelconque à cet égard?
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Le rapport de la vérificatrice générale fait état d'un éventail d'activités que nous avons menées dans le cadre de notre surveillance.
De toute évidence, ces mesures n'étaient pas suffisantes pour cerner les problèmes au niveau du conseil d'administration, mais je tiens à souligner qu'il ne s'agit pas d'une organisation qui, même typiquement, serait assujettie à un audit de la vérificatrice générale, contrairement, mettons, à mon organisation ou au CNRC, qui font l'objet d'audits périodiques. Il s'agit d'un organisme du secteur privé qui est très loin du gouvernement. Il n'appartient pas au gouvernement.
L'application de ces règles relevait au premier chef du conseil d'administration. Notre surveillance n'était pas suffisante pour déceler le fait que le conseil ne s'acquittait pas de ses fonctions...
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Merci beaucoup, monsieur le président.
En fait, j'aimerais parler de la conception de cette organisation, parce qu'il y a évidemment un raisonnement derrière cela.
Nous sommes dans le secteur de la technologie. Normalement, il ne fait pas partie des attributions des fonctionnaires de choisir ce que nous appelons les gagnants et les perdants lorsque vient le temps de déterminer la technologie qui sera celle de l'avenir, alors j'essaie simplement de comprendre, monsieur Kennedy.
Ce genre de structure organisationnelle est-il pratique courante?
Je suppose qu'ISDE serait une entité où le gouvernement travaillerait avec le secteur privé.
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Monsieur le président, c'est très inhabituel dans le groupe des organisations que nous aidons. Soit nous travaillons directement avec une société d'État, comme l'Agence spatiale ou Statistique Canada — notre portefeuille en compte plusieurs — soit nous nous allierons à une tierce partie qui serait un mandataire ayant pour rôle d'appliquer un ensemble très précis de critères pour ce que nous lui demandons de faire.
C'est une situation très différente. Il s'agit d'un organisme indépendant. Il reçoit de l'argent en vertu de notre accord de contribution, mais bon nombre des choix et des décisions concernant la façon dont il structure ses programmes, la façon dont il se gouverne et ses divers processus relèvent du conseil d'administration et de l'équipe de direction. Cela n'enlève rien à l'obligation pour ISDE de suivre attentivement et de surveiller l'accord de contribution, mais la conception est telle que bon nombre des aspects quotidiens de la façon dont les activités sont menées relèvent entièrement du conseil d'administration.
La leçon à tirer de tout cela, c'est que même avec un conseil d'experts du secteur privé mis à contribution pour assurer la surveillance, le genre d'activités que nous avons entreprises pour veiller au respect de l'accord de contribution — l'examen des procès-verbaux, les évaluations périodiques, même l'assistance à des réunions — rien de cela n'était suffisant pour cerner et corriger ces problèmes.
Je ferais l'analogie suivante. Si l'on est une grande banque, une organisation du secteur privé, on a un conseil d'administration. Ce conseil est composé de personnes qui sont des experts et qui ont une bonne réputation. Elles sont en fait responsables de la surveillance de la banque. Cependant, pour les finances ou certains types de problèmes, comme la cybersécurité, le conseil confie à un cabinet comptable tiers le soin d'effectuer l'audit et de confirmer en toute indépendance que la banque fait ce qu'elle est censée faire.
Nous n'avions pas le genre de cadres de contrôle qui aurait permis de cerner ce genre de problèmes. Nous avons trop misé sur ce que j'appellerais des processus plus informels, comme l'examen des procès-verbaux. La vérificatrice générale a fait remarquer qu'à l'occasion les procès-verbaux ne contenaient pas le genre d'information dont on aurait besoin. On aura beau passer les procès-verbaux au peigne fin, s'ils ne sont pas complets, il est impossible de cerner les problèmes.
Quant aux retombées de cet épisode, le Comité peut être certain que le plan d'action prévoit le remplacement de ces mesures par des processus de contrôle beaucoup plus formels, exigeant l'approbation d'un haut fonctionnaire, exigeant une vérification périodique et une validation par une tierce partie. La vérification du travail du conseil d'administration sera beaucoup plus diligente et beaucoup plus rigoureuse.
L'observation que je ferais est que, s'il y a une leçon à tirer ici, c'est que même pour une organisation ayant un conseil d'administration très bien coté, il faut une infrastructure supplémentaire pour vérifier de près que le conseil applique ses propres règles.
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Je suppose que ce n'est pas une bonne réponse que de dire que ce sont toutes les recommandations.
Je pense qu'il est important de s'attaquer immédiatement aux conflits d'intérêts — et c'est pourquoi j'étais heureuse de voir qu'il y aurait une plus grande imputabilité au fur et à mesure du resserrement du rapport de l'organisme avec la fonction publique.
Il m'apparaît important que le gouvernement fasse le travail supplémentaire nécessaire pour déterminer s'il y a d'autres projets qui n'étaient pas admissibles, puisqu'il fasse le nécessaire pour récupérer les fonds, ou à tout le moins qu'il fasse preuve de transparence dans ses intentions à leur égard.
J'ai toujours dit que si une entreprise reçoit de la fonction publique ou du gouvernement des fonds auxquels elle n'a pas droit, le gouvernement devrait les récupérer, ou lui dire clairement ce qu'il va faire.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Kennedy, la semaine dernière, l'ancien ministre libéral de l'Industrie, Navdeep Bains, a témoigné devant le Comité de l'industrie à ce sujet.
Il a commencé par dire que sa seule responsabilité à l'égard de la caisse verte était de nommer les administrateurs. Lorsque je l'ai interrogé sur ses cinq nominations — Annette Verschuren, présidente, Guy Ouimet, Andrée-Lise Méthot, Stephen Kukucha, ancien organisateur libéral en Colombie-Britannique, et le cinquième, un représentant du gouvernement qui a présidé le comité de gouvernance —, je lui ai demandé s'il savait que tous ces gens donnaient de l'argent à pleine pelle à leurs propres entreprises. Il a même déclaré qu'il ne se souvenait plus de les avoir nommés. Amnésie totale. Ce témoignage a été totalement inutile.
Ensuite, lorsque j'ai posé la question à certains membres du personnel, dont une ancienne employée du Cabinet du premier ministre qui travaillait à TDDC à l'époque, elle a également déclaré n'avoir aucun souvenir. Je suppose que c'est la version canadienne du cinquième amendement. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi le ministre Champagne n'a congédié aucun de ces administrateurs.
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Fort bien. Vous invoquez le cinquième amendement.
Je veux donc savoir, à l'avenir... Ces cinq administrateurs ont versé près de 400 millions de dollars à des entreprises dans lesquelles ils avaient des intérêts financiers. J'ai pu trouver par moi-même sur Internet environ 150 millions de dollars. L'information est facilement accessible auprès de sources publiques.
Je veux m'assurer qu'en allant de l'avant dans ce nouveau monde, premièrement, nous veillerons à récupérer une partie de cet argent et, deuxièmement, que le fonds, sous le contrôle du CNRC, ne fera pas affaire avec les entreprises pour lesquelles ces gens ont déjà empoché des sommes énormes en abusant de leur position publique pour servir leur propre intérêt, que ces entreprises seront mises au ban.
Je n'accepte pas... Comme il n'y a pas eu de président pendant les 20 ans qui ont précédé la venue d'Annette Verschuren, qui était en conflit d'intérêts, je ne suis pas d'accord pour dire qu'il est impossible de trouver des gens sans conflit d'intérêts pour siéger au conseil d'administration. C'est un échec. À l'avenir, veillerez-vous à ce qu'ils ne puissent plus écumer l'argent des contribuables dans ce fonds, dont ils ont déjà reçu près de 400 millions de dollars?
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Merci, monsieur le président.
J'ai une autre question à poser à M. Kennedy.
Dans ma circonscription, un certain nombre d'entreprises de technologies propres ont travaillé avec TDDC par le passé, et certaines étaient en train de faire les démarches pour obtenir de l'aide lorsque les fonds ont été bloqués. Cette organisation offre un service essentiel aux entreprises de technologies propres au Canada, car elles ont du mal à se financer.
J'espérais que vous puissiez me fournir, ainsi qu'au Comité, des indications très claires sur ce à quoi ces entreprises et d'autres semblables un peu partout au Canada peuvent s'attendre: quels seront les délais, qu'adviendra-t-il du financement, du blocage des fonds? Quand reprendront les échanges pour que les démarches puissent se poursuivre?
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Oui, je serai heureux de répondre à cette question.
Très brièvement, en réponse à la dernière question, j'ai dit que nous devons étudier les faits propres à chaque cas où les intéressés ont agi de bonne foi. Tout écart ne constitue pas forcément un crime ou un acte de malfaisance. Si nous avions trouvé des preuves de criminalité et de malfaisance, nous aurions agi. Il y a eu des allégations tout à fait incendiaires. Les fonctionnaires ont le devoir d'examiner les faits et les preuves et de se prononcer à la lumière des faits observés sur le terrain. Il nous faudra donc un certain temps pour répondre à certaines des questions qui ont été soulevées. C'est tout ce que je voulais dire tout à l'heure.
Le rétablissement du financement des technologies propres est une grande priorité. Il y a eu de nombreuses évaluations au cours de l'existence de TDDC, depuis sa fondation — quels que soient les graves problèmes qui ont été découverts grâce à ces audits et examens —, qui ont donné à penser que cette organisation a joué un rôle plutôt important dans l'élaboration d'un écosystème technologique qui est considéré comme un chef de file dans le domaine des nouvelles entreprises de technologies propres non seulement par le gouvernement, mais aussi par de nombreux examens indépendants menés par des organisations internationales et des périodiques d'affaires, notamment.
Nous avons au Canada un écosystème d'entreprises de technologies propres qui fait l'envie de bien d'autres administrations, et TDDC a joué un rôle à cet égard. On tient très fort à préserver cet écosystème, à éviter de causer un tort permanent à de nombreuses PME et à d'autres entités qui fonctionnent bien, que ce soit dans les secteurs des sables bitumineux, de l'eau potable ou de nombreux autres secteurs de l'économie partout au Canada. On ne veut pas que la crise que traverse TDDC entraîne la perte de cet écosystème, en quelque sorte. On tient très fort à éviter que le secteur qui a été soutenu par ces fonds ne subisse un préjudice à long terme à cause des problèmes qui ont été décelés.
Voilà pourquoi le plan d'action du ministre et les efforts visant à transférer les fonds au CNRC a pour but de rétablir des bases solides, de mettre en place des mécanismes de surveillance beaucoup plus solides et de donner aux gens l'assurance que la diligence que vous souhaitez est en place. Cela, en grande partie par souci des nombreuses entreprises en cause. D'après ce que j'ai compris, des membres du milieu des technologies propres ont témoigné devant le Parlement et ont parlé des dommages causés par l'arrêt du financement. Nous sommes très conscients du problème.
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La reprise du financement a déjà commencé. Il y a eu une certaine reprise.
Comme je l'ai dit, nous travaillons avec TDDC à la mise en place du plan d'action de la direction. Nous sommes maintenant convaincus que toutes ces mesures sont en place.
Les entreprises déjà engagées dans le processus ont fait l'objet d'un surcroît de diligence de façon que tout le monde, à commencer par nous, soit convaincu qu'elles répondent aux critères relatifs à l'admissibilité et aux conflits d'intérêts. En fait, TDDC a reçu l'aide d'un cabinet d'audit indépendant pour accomplir ce travail.
Des fonds ont déjà été versés à certaines organisations. Mais seulement après un effort de diligence important pour garantir que les fonds ne soient pas accordés d'une façon qui fasse problème ou présente les lacunes que la vérificatrice générale a relevées dans son audit.
Je voudrais que l'analyste me donne une précision.
À propos de la recommandation 6.29, qui était l'une des deux recommandations prioritaires dont la vérificatrice a parlé plus tôt, TDDC est partiellement en désaccord sur la recommandation voulant que les projets approuvés soient réévalués: « ... ces documents n’ont pas pleinement reflété les délibérations approfondies ».
Aujourd'hui, monsieur le sous-ministre, vous avez déclaré qu'ISDE procéderait à un examen.
Par conséquent, ISDE est-il d'accord sur les recommandations que la vérificatrice a faites à TDDC? Vous sembliez laisser entendre que vous êtes d'accord, contrairement à TDDC.
Pourriez-vous préciser ce qu'il en est, s'il vous plaît?
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Je parle au nom d'ISDE, et nous avons sous les yeux des constatations de la vérificatrice générale et de Raymond Chabot Grant Thornton qui soulèvent des questions au sujet de l'admissibilité. Ce n'est qu'un exemple. Mais des fonds ont été versés, si bien que les députés ont demandé au gouvernement ce qu'il allait faire à ce sujet.
En tant qu'organisation, nous devons décider ce qu'il y a lieu de faire dans ces diverses circonstances. J'ai déjà témoigné aujourd'hui au sujet des recouvrements, et nous considérons que c'est assez clair: nous devons prendre des mesures de recouvrement. Nous allons examiner les autres aspects. Nous nous sommes engagés à comparaître de nouveau devant le Comité pour expliquer ce que nous faisons de ce côté.
Il faut comprendre qu'il y a une nouvelle direction à TDDC depuis la rédaction du rapport. Il y aura donc une nouvelle équipe de gestion qui se situera peut-être exactement de la même façon. Ou pas. De toute évidence, TDDC a accepté en partie cette recommandation, mais elle aurait vu elle-même si les projets examinés au cours de la période de vérification respectaient les conditions.
Cependant, ISDE se prononce également. Le ministère à un accord de contribution. Il ne conclura pas forcément dans tous les cas que telle organisation a respecté ou non les règles. Je ne peux pas prédire exactement où nous aboutirons, mais nous déterminerons nous-mêmes dans ces cas si les projets qui ont été financés respectent les modalités de l'accord, puis ce que nous allons faire à ce sujet. La Couronne prendra sa propre décision.
J'apprécie également la recommandation du ministre. Bien entendu, comme la motion a été adoptée par le Comité, nous avons hâte d'entendre le ministre après la session du printemps.
Là-dessus, je remercie Mme Hogan, M. Hayes et les fonctionnaires du Bureau du vérificateur général, ainsi que M. Kennedy et M. Bilodeau de leur participation à l'étude du « Rapport 6: Technologies du développement durable Canada ». Si vous avez d'autres renseignements à nous fournir, veuillez les communiquer à la greffière.
La séance est levée. À mardi prochain.