PACP Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des comptes publics
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 12 février 2024
[Enregistrement électronique]
[Français]
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 98e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément au Règlement. Les membres du Comité y participent en personne dans la salle et possiblement au moyen de l'application Zoom.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)g) du Règlement, le Comité se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude du premier rapport de la vérificatrice générale du Canada qui porte sur ArriveCAN.
[Traduction]
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins. Du Bureau du vérificateur général, nous accueillons Karen Hogan, vérificatrice générale; Andrew Hayes, sous‑vérificateur général; et Sami Hannoush, directeur principal.
Je suis heureux de tous vous accueillir.
Madame Hogan, vous avez la parole pour présenter votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés.
Je vous remercie.
Monsieur le président, je suis ravie d'être ici aujourd'hui pour discuter de notre rapport d'audit sur l'application ArriveCAN, qui vient d'être déposé à la Chambre des communes.
Je tiens à souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.
Dans le cadre de notre audit de l'application ArriveCAN, nous avons examiné comment l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence de la santé publique du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada avaient géré l'acquisition et la mise en œuvre de l'application, et si ces organisations avaient dépensé les fonds publics en tenant compte de la valeur qui en résulterait.
Je vais vous présenter nos constatations, mais avant, je dois dire que je suis profondément préoccupée par ce que cet audit n'a pas révélé. Nous n'avons pas trouvé de dossiers montrant clairement ce qui avait été dépensé ni l'objet de ces dépenses, qui avait fait le travail, ou encore le comment et le pourquoi des décisions prises relativement à la passation des marchés. Ces traces documentaires auraient dû exister.
Dans l'ensemble, cet audit révèle un non‑respect flagrant des pratiques élémentaires en matière de gestion et de passation de marchés, et ce, tout au long du développement de l'application ArriveCAN et de sa mise en œuvre.
[Français]
Si les organismes gouvernementaux ont dû faire preuve de souplesse et réagir rapidement pour répondre à la pandémie de la COVID‑19, elles étaient quand même tenues de documenter leurs décisions et de faire un usage prudent des fonds publics. Or notre audit a révélé des échecs et des lacunes graves dans tout ce que nous avons examiné.
Le fait que l'Agence des services frontaliers du Canada n'avait pas de dossiers financiers complets et exacts a été la plus inquiétante de nos constatations. L'absence de cette information nous a empêchés de calculer le coût précis de l'application ArriveCAN. En faisant correspondre le peu d'informations qui se trouvait dans les dossiers, nous avons estimé que l'application avait coûté environ 59,5 millions de dollars.
La confusion s'est installée très tôt. Nous avons constaté qu'entre avril 2020 et juillet 2021, l'Agence de la santé publique et l'Agence des services frontaliers ne s'étaient pas consultées pour cerner leurs responsabilités respectives à l'égard d'ArriveCAN. À défaut d'avoir ainsi tracé les lignes, ni une agence ni l'autre n'a élaboré ou mis en œuvre de bonnes pratiques de gestion de projet, pour fixer des objectifs et établir des budgets et des estimations de coûts, par exemple.
Au cours de notre examen des pratiques suivies en matière de passation de marchés, nous avons recensé peu de documents montrant comment et pourquoi l'Agence des services frontaliers avait eu recours à un processus non concurrentiel et avait attribué à l'entreprise GC Strategies le premier contrat en lien avec l'application ArriveCAN. Un seul entrepreneur potentiel avait soumis une proposition, mais il ne s'agissait pas de GC Strategies.
[Traduction]
Autre fait préoccupant: des éléments probants nous ont indiqué que GC Strategies avait participé à l'élaboration des exigences que l'agence a utilisées lorsqu'elle a eu recours à un processus concurrentiel pour attribuer un contrat de 25 millions de dollars visant des travaux relatifs à l'application ArriveCAN. Ces exigences étaient très précises et restrictives, et GC Strategies s'est retrouvé en position avantageuse par rapport à d'éventuels autres soumissionnaires.
Nous avons aussi relevé de nombreuses lacunes dans la gestion des contrats par l'Agence des services frontaliers du Canada. Des renseignements essentiels manquaient dans les contrats, comme un énoncé clair des livrables attendus et des compétences exigées de la main‑d'œuvre. En examinant les factures approuvées par l'agence, nous avons constaté qu'il manquait souvent de l'information sur la nature des travaux effectués et sur qui les avait faits. C'est en grande partie pourquoi nous avons conclu que peu de considération avait été accordée à la valeur qui serait retirée de l'argent dépensé.
[Français]
Finalement, nous n'avons trouvé aucune preuve indiquant que les employés de l'Agence des services frontaliers du Canada avaient déclaré les invitations à des activités privées qu'ils avaient reçues de la part d'entrepreneurs. Cette déclaration est obligatoire en vertu du Code de conduite de l'Agence. Ce manquement a créé une perception ou un risque important de conflit d'intérêts ou de partialité des décisions en matière d'approvisionnement.
Les fonctionnaires doivent toujours faire preuve de transparence et rendre des comptes aux Canadiennes et aux Canadiens sur leur gestion des fonds publics. Une situation d'urgence ne veut pas dire qu'on peut soudainement ignorer toutes les règles établies ou que les ministères et organismes ne sont plus tenus de documenter leurs décisions, ou de tenir des dossiers complets et exacts.
Comme je l'ai dit il y a quelques instants, je considère que l'audit d'ArriveCAN démontre un non-respect flagrant des pratiques de gestion élémentaires de sorte que bien des questions que posent les parlementaires et la population canadienne au sujet de cette application restent sans réponse. Le manque de renseignements pour appuyer les dépenses et les décisions liées à ArriveCAN a compromis la reddition de comptes.
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous allons maintenant passer à notre premier tour de questions. Chaque député disposera de six minutes, et nous commencerons par l'opposition officielle.
Monsieur Barrett, vous avez la parole pour six minutes. Je crois comprendre que vous voulez partager votre temps. Allez‑y.
Madame la vérificatrice générale, je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui.
Les contribuables canadiens en ont‑ils eu pour leur argent avec l'application ArriveCAN du gouvernement du premier ministre Justin Trudeau qui a coûté 60 millions de dollars?
Nous avons conclu que les fonctionnaires ne se sont pas assurés que le Canada en ait pour son argent. Je vous dirais que nous avons payé cette application trop cher.
Vous avez dit que le gouvernement de Justin Trudeau avait fait preuve d'un « non‑respect flagrant » des pratiques de gestion, d'une mauvaise tenue des dossiers et d'un manque de diligence raisonnable fondamentale. Vous avez dit que vous n'aviez pas été « en mesure de déterminer le coût précis de l'application ArriveCAN ».
Ces 60 millions de dollars sont une estimation, n'est‑ce pas?
Oui, nous avons estimé que l'application avait coûté environ 59,5 millions de dollars. Il pourrait y avoir des coûts qui ne sont pas liés à ArriveCAN, en réalité, mais il se pourrait que des coûts liés à cette application n'aient pas été signalés dans les livres.
Il est raisonnable de dire que nous avons fait la meilleure estimation possible, mais cela a demandé beaucoup d'efforts. Nous avons dû parcourir de nombreuses entrées de journal et remonter jusqu'aux autorisations de tâches pour voir si elles étaient ou non liées à ArriveCAN. Nous avons dû exercer notre jugement professionnel, en effet.
Pour citer les faits clés de votre rapport, cela a rendu « impossible » de bien attribuer les coûts aux projets en raison de la piètre tenue des dossiers.
Durant votre mandat comme vérificatrice générale, vous avez enquêté sur des milliards de dollars de dépenses gouvernementales. Diriez‑vous qu'ArriveCAN du gouvernement de Justin Trudeau est le pire projet que vous ayez vu?
J'ai examiné beaucoup de contrats qui ont été conclus durant la pandémie, lorsqu'on demandait aux fonctionnaires d'agir rapidement pour servir la population. Mais c'est sans doute la première fois que je constate un tel non‑respect flagrant des politiques, des règles et des contrôles les plus élémentaires.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Madame Hogan, je vous remercie de votre rapport.
D'abord, laissez-moi vous dire que je suis choqué, et même scandalisé, par la manière dont le gouvernement du premier ministre Trudeau a failli à la tâche. Je cite ici des propos que vous avez tenus dans votre communiqué de presse: « Un non-respect flagrant des pratiques élémentaires de gestion et de passation de marchés entoure l’application ArriveCAN. »
Ensuite, j'aimerais rappeler que, n'eût été une motion présentée par les conservateurs, nous ne serions pas ici aujourd'hui pour constater l'ampleur de la corruption et du manque de respect envers les contribuables dont fait preuve le gouvernement. Les députés libéraux, je vous le rappelle, ont tous voté contre cette enquête, qui, aujourd'hui, révèle des faits troublants.
Madame Hogan, ma question est la même que celle posée par mon collègue: les Canadiens en ont-ils eu pour leur argent dans le cas de l'application ArriveCAN?
Nous avons conclu que la valeur reçue ne correspondait pas aux fonds dépensés. Le gouvernement a déboursé trop d'argent pour l'application. Plusieurs raisons appuient cette constatation: la dépendance continue envers des fournisseurs externes; le manque de raisons justifiant qu'on choisit certains contractants et qu'on exige toujours une expérience de 10 ans ou plus. Il manque de documentation démontrant qu'on a pris la bonne décision.
Notre conclusion est que, nonobstant le manque de concurrence dans certains processus, le gouvernement n'a pas obtenu la valeur correspondant aux fonds dépensés.
Madame Hogan, vous avez également dit ceci au sujet de l'application ArriveCAN:
[...] il est impossible d’en calculer le coût exact, car les dossiers financiers tenus par l’Agence des services frontaliers du Canada sont minces.
À votre avis, il est donc possible que l'application du premier ministre, ArriveCAN, ait coûté beaucoup plus cher que 60 millions de dollars.
Il est aussi possible qu'elle ait coûté moins cher.
La tenue de livres est l'une des pires que j'ai vues depuis plusieurs années. On parle ici d'un manque d'informations pour appuyer les travaux réalisés et déterminer s'ils sont vraiment liés à l'application ArriveCAN. Le fait que nous ne puissions pas vous indiquer un coût plus exact me rend perplexe. Je ne sais pas pourquoi on s'est rendu à ce point. La documentation aurait dû exister. La fonction publique a fait beaucoup mieux que cela auparavant.
Madame Hogan, considérant toute votre expérience et tous les dossiers auxquels vous et votre équipe avez travaillé, auriez-vous imaginé trouver un jour, dans la fonction publique fédérale, plus précisément ce gouvernement, un exemple pire que celui-ci quant aux manquements aux principes de base de la reddition de comptes?
Il est vraiment surprenant de voir à quel point les politiques élémentaires n'ont pas été suivies dans le cas de la gestion de l'application ArriveCAN.
Pensiez-vous qu'un jour, vous ne seriez pas en mesure d'identifier une personne ayant accordé à une firme externe un contrat d'une valeur totale de 19 millions de dollars?
Il nous manque les preuves indiquant qui a pris cette décision. Cependant, nous avons trouvé une description de tâches ou un contrat. À Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, la demande pour que le contrat soit émis venait d'un directeur du ministère. À mon avis, quand un fonctionnaire exerce sa délégation d'autorité en signant une telle demande, cela s'accompagne d'une responsabilité. Je me serais attendue, si le fonctionnaire n'était pas à l'aise de signer le document ou ne voulait pas le faire, à ce qu'il consulte son superviseur ou explique ses raisons dans les dossiers.
Or les dossiers sont très minces. Les décisions importantes, élémentaires, n'ont pas été bien documentées dans le dossier de passation de marchés.
Voilà. Merci beaucoup, monsieur Berthold.
[Traduction]
Monsieur Sousa, vous avez la parole pour six minutes, s'il vous plaît.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie encore de votre déclaration, de votre travail et de votre contribution pour déterminer la meilleure façon de procéder à l'avenir.
Malgré les lacunes que vous avez constatées, nous sommes surtout préoccupés par la nature généralisée de ce qui peut survenir. Chose certaine, concernant l'ASFC et l'examen interne qui est réalisé... La direction de l'Agence a accepté vos recommandations. Je crois qu'elle est restée continuellement en discussion avec vous pour trouver les mesures appropriées à appliquer à partir de maintenant, mais j'ai quelques questions à vous poser sur ces événements en particulier.
Le gouvernement avait‑il les ressources nécessaires pour concevoir l'application ArriveCAN à l'époque dans le respect des contraintes de temps qui étaient évidentes?
Nous avons pris connaissance d'une déclaration de la présidente de l'agence selon laquelle les fonctionnaires n'avaient pas les compétences ou la capacité de développer ArriveCAN durant la première partie de la pandémie. À mon avis, c'était une décision raisonnable de faire appel à un tiers, compte tenu de tout ce qui se passait à ce moment‑là. Toutefois, je me serais attendue à voir moins de dépendance envers des ressources externes à long terme.
Nous n'avons pas vu de transition, afin que la fonction publique prenne le relais pour la gestion de l'application ou un transfert de connaissances ou de compétences, pour que les fonctionnaires puissent s'occuper de l'application après un certain temps. Cette transition aurait montré que l'agence s'assure d'en avoir pour son argent, mais cette transition n'a simplement pas eu lieu.
Je comprends.
Une raison pour laquelle nos comités ont été mis à contribution dans ce dossier et l'ASFC mène une enquête interne — et une raison pour laquelle le dossier a d'abord été soumis à la GRC —, c'est que ces préoccupations sont partagées.
Avez‑vous discuté avec Mme O'Gorman ou M. Michel Lafleur, qui était responsable de l'enquête et de l'intégrité?
Durant l'audit, j'ai discuté à quelques reprises avec la présidente de l'Agence des services frontaliers du Canada, tout comme l'a fait le sous-vérificateur général. Je n'ai pas parlé à l'enquêteur.
L'équipe a pris connaissance des faits préliminaires. Je ne voulais pas compromettre mon impartialité en me penchant sur une enquête qui n'était pas encore terminée. C'est pourquoi mes conversations avec la présidente n'ont pas été plus poussées.
Nous sommes inquiets quant à l'intégrité et à l'impartialité. Nous ne cherchons pas à obscurcir la nature de cette enquête ni à lui faire obstruction, parce que l'enquêteur examine des éléments encore plus pointus concernant la conduite de certaines personnes. C'est l'enjeu qui nous préoccupe. Nous voulons nous assurer que les gens n'ont pas fait du travail qui... ou qu'ils ont été payés tout cet argent supplémentaire pour du travail qui n'a pas été fait.
Avez‑vous fait un tel constat dans votre audit?
Dans bien des factures que nous avons examinées, les justificatifs les plus fondamentaux étaient absents, comme une indication que telle facture se rapporte à tel projet de TI. Il y avait plusieurs projets de TI en cours à l'ASFC à l'époque. Quand cette information est absente lorsque nous examinons le travail effectué en rétrospective, c'est difficile de dire à quel projet il est lié. C'est aussi ardu pour ceux qui tentent de maintenir de bons dossiers financiers de savoir à qui facturer ces montants.
Je pense que notre principale constatation porte sur le manque de documentation qui aurait dû être là et qui est normalement là pour justifier les factures, les autorisations de tâches et les contrats.
À la suite d'une autorisation de tâche, on détermine que l'on veut passer un contrat. Les fonctionnaires possèdent les compétences nécessaires et ainsi de suite, mais soudainement les choses changent. C'est clairement ce qui est arrivé dans le cas présent.
Est‑il rare d'affecter les gens à d'autres contrats et à d'autres tâches?
Je crois que l'ombudsman en a fait mention assez souvent.
Je dirais qu'il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les ressources associées à une autorisation de tâche ne seront pas libres ou seront appelées à travailler à des projets différents, mais il y a des mécanismes qui aident le gouvernement à s'assurer que le travail attendu soit clair, qu'il soit question de contrat ou d'autorisation de tâche. Lorsque la facture arrive, on peut ensuite vérifier que le gouvernement a reçu les services demandés à l'externe et qu'ils ont été payés au bon taux.
Bon nombre de ces informations étaient manquantes. Même si on peut déplacer une ressource ou lui demander d'accomplir une autre tâche, cela devrait être consigné par écrit. Il s'agit simplement d'attentes fondamentales visant à démontrer une diligence raisonnable et l'utilisation prudente des fonds publics.
Dans votre rapport et vos discussions avec les gens de l'ASFC, il y a une divergence quant aux coûts totaux d'ArriveCAN, parce que vous n'arrivez pas à comprendre le travail qui a été fait. Ils affirment qu'environ 16 millions de dollars auraient été dépensés pour d'autres applications.
Y avait‑il un bon rapport qualité‑prix dans ces contrats?
Les gens de l'ASFC ont exprimé des réserves quant à environ 12 millions de dollars sur les 59 millions de dollars estimés, parce qu'ils jugent que les travaux concernés étaient d'ordre général ou qu'ils n'étaient pas clairement liés à ArriveCAN. Je dirais que c'est exactement notre conclusion principale. Leurs dossiers devraient être mieux tenus pour en faire la démonstration.
Dans notre examen de ces 12 millions de dollars en particulier, nous estimons qu'environ la moitié était clairement liée à l'application ArriveCAN. En fait, les données portant sur la moitié de ces dépenses ont été fournies à un autre comité parlementaire parmi les dépenses liées à cette application.
Cela montre à quel point il importe de garder des traces documentaires au fur et à mesure. Il faut que le travail visé soit clair et que les dossiers qui montrent que le travail a eu lieu soient complets. Ainsi, il n'y a aucune question à poser lorsque mon équipe cherche à réaliser un audit ou voudrait poser des questions sur le rapport qualité‑prix.
Je vous remercie beaucoup.
[Français]
La parole est maintenant à Mme Vignola.
Vous avez la parole pour six minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Hogan, ainsi que messieurs Hayes et Hannoush, je vous remercie d'être parmi nous.
Est-il est habituel qu'une entreprise élabore les exigences qu'une agence — dans ce cas-ci, il s'agit de l'Agence des services frontaliers du Canada — inclut dans la version définitive de sa demande de proposition?
Est-ce pratique courante qu'une entreprise dise à l'Agence ce qu'elle devrait faire?
Non, ce ne l'est pas.
Nous avons constaté que GC Strategies avait participé à l'élaboration des exigences devant figurer dans un contrat concurrentiel. Cela n'aurait pas dû se faire. L'Agence des services frontaliers du Canada a ainsi donné un avantage à un fournisseur potentiel. De fait, GC Strategies a été la seule entreprise à répondre à l'appel d'offres. Les exigences, qui étaient très restrictives, ont à mon avis limité la concurrence.
Parlons justement de ces exigences très restrictives, plus particulièrement en ce qui concerne l'expérience des gens en ressources humaines.
Dans votre rapport, on peut lire que certaines tâches exigeaient 10 ans d'expérience, mais qu'elles n'ont finalement pas été effectuées par des gens qui possédaient une telle expérience.
Quel genre de problèmes cela peut-il causer sur le plan de la qualité du travail et des exigences, notamment?
On pourrait s'attendre à ce que les exigences liées aux compétences des ressources retenues pour un contrat soient très claires et exhaustives, soit dans le contrat, soit dans la description de tâches.
Or nous avons souvent constaté que ces exigences n'étaient pas claires, ni dans les descriptions de tâches ni dans les contrats. De plus, aucune pièce justificative n'expliquait pourquoi l'Agence avait recours à des ressources possédant au moins 10 ans expérience.
À mon avis, le problème pouvant survenir dans un tel cas est qu'on n'obtienne pas la meilleure valeur possible pour les services rendus ou le prix payé. D'ailleurs, nous avons ensuite vu des situations où c'était le cas.
Je me serais donc attendue à ce que le gouvernement mette en doute le fait que ces ressources aient réellement travaillé et qu'il se demande pourquoi il avait payé un prix aussi élevé.
Au fond, si je comprends bien, lorsqu'un entrepreneur qui ne s'occupe que du recrutement de ressources — c'est bien ce que fait GC Strategies — dit que ses ressources coûtent 1 500 $ par jour et qu'il se prend une cote de 30 %, il est beaucoup plus encourageant pour lui de ne recruter que des ressources de niveau supérieur.
Est-ce ce qu'il faut comprendre, en somme? S'il ne suggère que des ressources supérieures, le montant total qu'il va recevoir sera plus important.
Dans ce cas-ci, c'est l'Agence des services frontaliers du Canada qui a demandé que les ressources retenues possèdent au moins 10 ans d'expérience. Nous nous sommes questionnés sur les raisons de cette demande.
Nous nous serions attendus à ce que les ressources nécessaires pour mettre en œuvre une application n'aient pas toutes le même nombre d'années d'expérience, mais aucune pièce justificative n'expliquait pourquoi l'Agence exigeait toujours des ressources cumulant au moins 10 ans d'expérience.
L'Agence les a-t-elle demandées dès le départ ou l'a-t-elle fait à la suite d'une suggestion d'une autre entreprise?
Encore une fois, les documents d'appui que nous nous serions attendus à voir dans les dossiers sont tellement rares qu'il nous manque beaucoup d'informations sur les interactions et les discussions ayant eu lieu entre l'Agence et le fournisseur.
Je trouve assez troublant ce que j'ai lu au paragraphe 1.64 de votre rapport. D'ailleurs, plusieurs paragraphes me font le même effet.
Dans ce paragraphe, on dit n'avoir trouvé dans les contrats non concurrentiels aucune exigence selon laquelle les compétences des ressources devaient être démontrées.
Je comprends donc que les contrats non concurrentiels ne comportaient aucune exigence selon laquelle les ressources retenues devaient démontrer leurs compétences.
Dans le même paragraphe, on voit aussi qu'aucune preuve ne démontrait de concordance entre les exigences figurant dans les contrats concurrentiels et les compétences des ressources. On a donc exigé quelque chose et on ne sait pas si les ressources retenues ont les compétences pour y répondre ou si elles sont surévaluées.
Ai-je bien compris?
Oui.
Quand les contrats ne stipulent pas les compétences requises, on ne procède pas à l'évaluation des compétences de l'individu.
Cette évaluation n'a pas été faite lors de la passation de marchés non concurrentiels. Pour ce qui est des marchés concurrentiels, nous avons toujours constaté l'exigence d'une expérience de 10 ans ou plus, sans qu'on donne d'explication. Cela revient au fait que des décisions importantes, prises dans le cadre d'un contrat, n'ont pas été documentées dans les dossiers de l'Agence.
Ce n'est ni demandé ni expliqué. On ne fait pas d'évaluation, puisque ce n'est pas une exigence du contrat. Lorsqu'il est question de la passation de marchés, les procédures sont élémentaires. Nous ne les avons pas vues.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à vous remercier, madame Hogan, vérificatrice générale du Canada, de votre travail et du dépôt de ce rapport. Je pense qu'il est important de mentionner que vos rapports et le travail de votre bureau sont extrêmement précieux pour cette institution. Ils nous offrent l'occasion de regagner la confiance du public.
Il se dégage des faits que vous mettez en lumière une tendance et une réalité que je trouve très troublantes, qui rendront le Canada vulnérable si nous continuons dans cette voie et que nous ne suivons pas les recommandations que vous faites ici, avec lesquelles je suis tout à fait d'accord. J'ai remarqué que l'ASFC s'était également exprimée en accord avec toutes ces recommandations. Cela dit, j'espère trouver des façons d'aller encore plus loin et de voir quels changements systémiques pourraient être nécessaires — au‑delà des changements proposés à l'ASFC. Par exemple, nous pourrions nous demander ce que notre fonction publique pourrait faire.
Vous avez mentionné les déficits et le travail de ces sous-traitants, qui a coûté une fortune aux Canadiens. Nous ne nous soucions pas particulièrement de la force de notre propre fonction publique. Ce que je constate ici, c'est une vérité incroyablement difficile à accepter pour les Canadiens: nous sommes confrontés aux conséquences terribles d'une fonction publique fantôme gonflée. Il en découle des factures énormes pour les tâches demandées. C'est complètement démesuré. Vous l'avez mentionné quand vous avez parlé de l'exigence de 10 ans pour certains projets. Le fait est qu'une grande partie du travail ne nécessitait pas 10 ans d'expérience, même si le gouvernement a été facturé en conséquence, ce qui a fait bondir les coûts de façon exponentielle.
J'aimerais prendre le graphique de la page 8, « Pièce 1.2 — L'Agence des services frontaliers du Canada avait continué de s'appuyer largement sur les ressources externes pour élaborer ArriveCAN d'avril 2020 à mars 2023 ». Il est important de souligner la différence entre le coût journalier moyen pour un poste équivalent en TI et... Vous avez estimé que le coût des ressources externes ayant participé au projet ArriveCAN était de 1 090 $, « alors que le coût journalier moyen pour un poste équivalent dans le secteur des technologies de l’information au gouvernement du Canada était de 675 $ ».
À votre avis, cela aurait‑il réduit les coûts pour les Canadiens si la fonction publique avait pu faire une partie de ce travail elle-même? Pas tout, peut-être... Je reconnais qu'il est parfois nécessaire de recourir à des contrats. Cependant, dans ce cas particulier, pensez-vous que les ressources ont été mal utilisées parce qu'on a négligé le travail que la fonction publique aurait pu faire?
Je pense qu'ici, nous tentions de faire ressortir... Je tiens à préciser que ce n'est pas linéaire. Il ne s'agit pas de déterminer s'il faut recourir à une ressource externe ou à une ressource interne. Nous voulions mettre en lumière le fait que quand on continue d'utiliser autant de ressources externes à long terme, cela peut faire diminuer la valeur de ce que les contribuables reçoivent pour l'argent dépensé.
À notre avis, il était raisonnable, au début de la pandémie, d'aller chercher de l'aide à l'extérieur de la fonction publique. Je me serais toutefois attendue à ce que la dépendance envers les ressources externes diminue avec le temps et à ce qu'on utilise de plus en plus de ressources internes, pour la gestion de l'application ou par transfert de connaissances.
Votre question commençait par: que pourrions-nous faire, à l'avenir, au sein de la fonction publique, pour améliorer les choses? Je pense qu'un excellent point de départ serait d'intégrer cette idée aux contrats. Il faut reconnaître que la fonction publique pourrait avoir besoin de nouvelles compétences, ou qu'il y a peut-être des compétences qu'elle n'a pas, dont elle n'a pas besoin tous les jours. Comment peut‑on transférer une partie des connaissances du secteur privé vers la fonction publique afin qu'à l'avenir, il y ait des options qui pourraient coûter moins cher et permettre une meilleure optimisation des ressources?
Merci, madame Hogan.
Il y a deux aspects sur lesquels j'aimerais me concentrer pour la suite de mes questions. Il y a d'abord l'existence d'une fonction publique fantôme, d'un réseau de sous-traitants qui semble avoir un accès préférentiel à l'ASFC, dans ce cas‑ci. Vous avez souligné dans votre rapport qu'il y a eu de nombreux cas où des personnes ont reçu des cadeaux ou des invitations à des événements qui leur auraient permis de communiquer avec ces entrepreneurs. Le manque de preuves documentées donne à penser qu'elles ont été influencées par ces cadeaux ou ces événements.
Diriez-vous que c'est une autre de vos grandes préoccupations?
Je pense qu'il est clair ici qu'il y avait des relations entre les fonctionnaires et certains fournisseurs, et que certains ont reçu des invitations pour participer à des événements qui sont probablement plus fréquents dans le secteur privé que dans le secteur public, mais cela existe. C'est pourquoi il y a un code de conduite, et le code de conduite de l'Agence dicte que les fonctionnaires avisent leur superviseur lorsqu'ils reçoivent ce genre d'invitations. Cela vise à éliminer les conflits d'intérêts réels ou perçus et à éliminer tout parti pris qui pourrait exister dans l'octroi de contrats.
Nous n'avons vu aucune preuve que les personnes qui ont reçu ce genre d'invitations ont suivi le code de conduite et en ont avisé leur superviseur. Peut-être l'ont-elles fait, mais aucune trace n'en a été trouvée. Cela présente vraiment un risque de conflit d'intérêts ou de parti pris dans les décisions d'approvisionnement qui ont été prises.
Voici ce que je vous propose: vous me laissez le temps qu'il reste et je vous le redonnerai si vous voulez prendre un peu plus de temps au prochain tour. Merci.
Nous passons à la prochaine série de questions. Monsieur Genuis, je crois comprendre que vous partagerez votre temps de parole de cinq minutes. La parole est à vous.
Madame la vérificatrice générale, je vous remercie. Je vais y aller rapidement.
Vous révélez dans votre rapport que le tarif quotidien moyen de chaque sous-traitant ou consultant qui a travaillé au projet ArnaqueCan était de 1 100 $ par jour. Cela me semble incroyable. Comment ces coûts se comparent-ils à ce qui serait normalement payé pour les gens qui travaillent à ce genre de projet?
Il est difficile de répondre à cette question parce que nous nous sommes concentrés uniquement sur les ressources qui travaillaient au projet ArriveCAN. C'est de là que vient la moyenne.
Comme je l'ai dit en réponse à une question précédente, je me serais attendue à ce que la dépendance à l'égard de ces ressources externes diminue au fil du temps, mais je me serais également attendue à ce que l'exigence que les ressources aient toujours au moins 10 ans d'expérience soit mieux documentée ou justifiée. Il aurait probablement été plus judicieux d'opter pour une combinaison de ressources moins expérimentées et de ressources d'au moins 10 ans d'expérience, et les contribuables en auraient eu plus pour leur argent.
Merci. Vous indiquez dans votre rapport qu'un montant de 1 100 $ par jour est nettement supérieur à ce que les gens qui travaillent au sein de la fonction publique toucheraient.
Vous révélez aussi des détails choquants sur les relations étroites entre le gouvernement Trudeau et les consultants de GC Strategies qui ont obtenu le contrat d'ArriveCAN. Cette entreprise a participé à l'élaboration des règles et des exigences entourant le dépôt de propositions. Il me semble que c'est comme si l'entraîneur d'une équipe sportive établissait les règles et donnait des instructions à l'arbitre, ce qui ressemblerait fort à de la triche.
Les libéraux ne voulaient pas du tout de cette vérification, c'est pourquoi ils ont voté contre à la Chambre des communes. Vous avez constaté que les règles ont été enfreintes parce que des fournisseurs ont offert des cadeaux, des marques d'hospitalité et des invitations qui n'ont pas été déclarés correctement.
Combien de fonctionnaires ont reçu ce genre de cadeaux, de marques d'hospitalité et d'invitations de la part de fournisseurs, qu'ils n'ont pas documentés ou déclarés correctement?
Je suis désolée. Je n'ai pas les chiffres exacts sous la main, et je n'en ai probablement pas une liste exhaustive. Nous avons constaté que plus d'un fournisseur avait envoyé des invitations à des membres de la direction qui a mis au point ArriveCAN, mais nous avons vu qu'aucune des invitations que nous avons relevées dans les courriels n'avait été signalée aux superviseurs. C'est ce qui est préoccupant. Cela aurait aidé le superviseur à mettre des mesures en place pour s'assurer qu'il n'y avait pas de conflits d'intérêts apparents ou réels.
Grosso modo, de combien de personnes s'agit‑il, et pourriez-vous fournir au Comité une liste de noms des personnes qui ont envoyé ou reçu ce genre d'invitations?
Nous pourrons fouiller dans nos dossiers et voir ce que nous pouvons vous fournir, mais il ne s'agirait vraiment que de liens vers ArriveCAN. Les représentants de l'Agence seraient peut-être en mesure de vous fournir une liste plus complète si vous voulez leur demander lorsqu'ils comparaîtront.
Merci. Donc si j'ai bien compris, vous pourrez fouiller dans vos dossiers et fournir ce que vous avez au Comité à ce sujet.
Nous avons des données, mais elles ne sont pas du tout exhaustives. Nous verrons ce que nous pouvons vous fournir.
J'ai un dernier commentaire à formuler.
Je pense que la raison pour laquelle c'est si important, c'est qu'il est clair, d'après ce que nous entendons de la part du gouvernement, qu'il essaie d'utiliser une enquête interne pour attribuer la responsabilité de toute cette affaire à une ou deux personnes. Cependant, l'enquêteur qui est censé mener l'enquête interne fait lui-même partie de la chaîne de commandement, de sorte que ce processus est tout aussi truqué, tout aussi susceptible d'être la cible de jeux d'influence que la soumission originale.
Voilà qui met fin à mon temps de parole.
Merci beaucoup.
Nous avons établi que cela va bien au‑delà de l'enquête criminelle en cours et que les personnes concernées entretenaient déjà des relations, comme vous l'avez indiqué, madame la vérificatrice générale, qui pouvaient créer un parti pris ou un penchant pour certains entrepreneurs sérieux. Mes collègues ont établi que les Canadiens n'en ont pas eu pour leur argent. Une application qui devait coûter 80 000 $ a fini par coûter 60 millions de dollars. Ainsi, 60 millions de dollars ont été dépensés, dont 12,2 millions de dollars pour des choses qui ne sont peut-être même pas liées à cette application. Nous constatons que 18 % des factures des sous-traitants ne s'accompagnaient pas de documents justificatifs et qu'elles ne contenaient même pas de description des tâches effectuées sans autorisations de sécurité.
En ce qui concerne la passation de marchés, madame la vérificatrice générale, lorsqu'on voit tout cela — toutes ces irrégularités, cette incompétence et ces possibles malversations —, qui est fondamentalement responsable de la passation de marchés? Qui a le dernier mot dans la surveillance des contrats conclus pour l'application ArriveCAN?
Je dirais que fondamentalement, c'est le sous-ministre, en l'occurrence la présidente de l'Agence des services frontaliers du Canada, qui est responsable de toutes les décisions prises au sein du ministère. Cela dit, il y a des délégations de pouvoirs à d'autres niveaux hiérarchiques au sein de la fonction publique. Je fais une distinction entre les personnes qui font le travail et celles qui supervisent et prennent les décisions. Ces personnes occupent habituellement des postes de direction: directeur, directeur général et sous-ministre adjoint. Elles donnent le ton pour que les politiques et les exigences de base soient respectées.
Nous avons constaté un mépris flagrant à cet égard ici. Nous n'avons pas pu trouver de preuves écrites quant à savoir qui a pris la décision finale dans le choix du fournisseur ou pourquoi ce fournisseur a été choisi, mais nous avons vu une demande de contrat signée par un directeur général du ministère. À mon avis, lorsqu'un fonctionnaire exerce sa délégation de pouvoirs en signant quelque chose, cela s'accompagne d'une responsabilité et d'une reddition de comptes à l'égard de la décision prise. S'il a l'impression d'avoir subi des pressions ou s'il n'est pas d'accord avec la décision, il doit en informer son superviseur ou l'indiquer par écrit. Il y a des recours que les fonctionnaires peuvent utiliser s'ils estiment qu'ils ne devraient pas exercer la délégation de pouvoirs qui leur est accordée.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, madame la vérificatrice générale, pour le travail important que vous avez fait.
Vous avez laissé entendre que les ressources n'avaient pas été utilisées de façon optimale. Avez-vous également évalué ce qu'il en aurait coûté de choisir une démarche papier plutôt que l'application ArriveCAN au fil du temps? Je sais qu'on peut lire sur le site Web de l'ASFC qu'un traitement papier aurait coûté près de 95 millions de dollars plutôt que ce qu'a coûté l'application ArriveCAN.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Nous avons conclu que les ressources n'avaient pas été optimisées. L'application avait certains avantages. Je reviens à notre rapport de 2021. Nous avons publié deux rapports sur les mesures frontalières. Le deuxième rapport indiquait que, grâce à ArriveCAN, le gouvernement avait pu améliorer la qualité de l'information qui était recueillie auprès des voyageurs et assurer un suivi plus rapide auprès d'eux. Certes, il reste que pour de nombreux voyageurs, le suivi n'a pas été assuré, mais l'application a permis d'accélérer le processus par rapport au processus papier qui existait à l'origine.
J'ajouterais que l'application offre une valeur durable également, car l'ASFC a utilisé ce qui a été fait pour automatiser le processus à la frontière, ce à quoi elle travaillait avant la pandémie. Elle s'est servi de l'application comme un tremplin en quelque sorte pour y parvenir. Il en reste une certaine valeur durable après l'utilisation qui en a été faite pendant la pandémie.
Nous avons examiné le coût de l'utilisation d'un document papier par rapport à celui de l'automatisation. Il ne s'agit pas d'un calcul linéaire. Je pense que nous en serions arrivés à environ 3 $ pour un document papier, mais encore une fois, je pense qu'il s'agit davantage de la qualité de l'information et du facteur temps. Le document papier parvenait à l'Agence de la santé publique 28 jours après le passage d'une personne à la frontière. Il est très difficile d'assurer le suivi pour une quarantaine de 14 jours.
Je ne pense pas qu'il faille quantifier la valeur. Elle devrait résider dans le fait qu'il y a eu un suivi plus rapide auprès des voyageurs au plus fort de la pandémie.
Dans votre rapport, vous indiquez que c'est fondé sur l'efficience et que cela concerne la valeur et l'efficacité de l'application. Diriez-vous qu'entre le processus papier et l'automatisation, il y avait une certaine valeur?
Comme je l'ai dit, il y avait certains avantages. Je dirais que le gouvernement a été efficace sur le plan de la mise en œuvre de l'application. Le tout s'est fait très rapidement — plus rapidement que pour la plupart des choses. A‑t‑on procédé dans un souci d'efficience et optimisé les ressources? C'est à cet égard que je dirais non. Le gouvernement a payé trop cher pour l'application. La fonction publique devrait faire mieux pour des projets comme celui‑ci à l'avenir.
Vous avez également souligné que l'une de vos principales préoccupations portait sur des pratiques inadéquates en matière de tenue des dossiers. Craignez-vous qu'il y ait une corruption généralisée?
Je pense que la confusion que nous avons constatée en ce qui a trait à la tenue des dossiers — et je vous dirais que c'est probablement l'un des pires cas que j'aie vus depuis longtemps sur le plan de la tenue des dossiers — est liée au fait qu'il n'y avait pas de documentation au‑delà des dossiers tenus.
Lorsqu'une personne reçoit une facture et que l'on ne sait pas exactement à quelle application ou à quel projet de TI un employé travaillait, il est très difficile de déterminer quel est l'endroit le mieux indiqué dans les dossiers. Concernant les écritures de journal, nous avons vu des éléments qui étaient déplacés et nous avons dû remonter de nombreuses étapes pour trouver des documents justificatifs. Dans certains cas, il était très clair que c'était lié à ArriveCAN. Dans d'autres, il fallait faire preuve de discernement pour savoir si oui on non la nature générale était telle que cela devait être associé à ArriveCAN.
Il s'agit de s'assurer que les fonctionnaires disposent de l'information dont ils ont besoin pour prendre les bonnes décisions. Dans ce cas‑ci, certains de ces éléments fondamentaux habituels n'ont pas été respectés.
Vous êtes en contact avec la présidente de l'ASFC. Êtes-vous satisfaite des mesures qui ont été prises jusqu'à présent pour corriger certaines des pratiques que vous avez décrites?
Nous n'avons pas vraiment examiné les mesures que l'Agence a prises depuis.
Je constate qu'elle reçoit de nombreuses recommandations. Mon rapport en contient et il y a aussi les recommandations de l'ombudsman. Je peux vous dire qu'elles concordent et se complètent. L'Agence a beaucoup de travail à faire pour garantir le respect de ce que je considère comme certains des éléments les plus fondamentaux de la gestion des projets et des marchés et de la tenue des dossiers; il faut remédier aux lacunes.
Pensez-vous que le fait que des personnes travaillaient à domicile ou à distance a contribué à la tenue inadéquate des dossiers, ou pensez-vous qu'il s'agit simplement d'une erreur de la part de la fonction publique?
Je crois que la fonction publique essayait d'agir rapidement dans une situation d'urgence. Je vous dirai que, bien que le Secrétariat du Conseil du Trésor lui ait donné une certaine latitude pour simplifier certains processus habituels et réduire la paperasserie, cela s'accompagnait d'un rappel qu'il lui fallait faire preuve de diligence et utiliser les fonds publics de manière prudente. Je pense qu'en l'occurrence, une situation d'urgence ne pouvait servir d'excuse pour ne pas respecter les règles de base que la fonction publique suit normalement. Je m'attends à mieux de la part de la fonction publique et je l'ai vue faire mieux.
Merci beaucoup.
[Français]
La prochaine intervenante est Mme Vignola.
Vous avez la parole pour deux minutes et demie.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame Hogan, au point 1.67 de votre rapport, il est indiqué que des feuilles de temps ont été données, autorisées et signées, et qu'il n'y avait aucun détail quant aux travaux réalisés.
Ces feuilles de temps provenaient-elles toutes de la même entreprise ou était-ce un problème généralisé? Par ailleurs, était-ce toujours autorisé par la ou les mêmes personnes?
Non, cela ne provenait pas toujours de la même entreprise, et ce n'étaient pas toujours les mêmes individus qui approuvaient les feuilles de temps.
Parfois, c'était très bien fait. En revanche, nous avons constaté qu'il manquait parfois des informations qui auraient été essentielles. Ce n'est vraiment pas une bonne pratique d'approuver des feuilles de temps incomplètes qui, par la suite, sont fournies comme des pièces justificatives à la facturation.
C'est vraiment l'entrepreneur qui aurait dû approuver les feuilles de temps, et non un employé de la fonction publique.
Dans certaines autorisations de tâches, les produits livrables ne sont pas clairement définis. On ne sait pas vraiment ce qu'on veut, au fond. Il n'y a pas de précisions en ce qui concerne les tâches à effectuer. Néanmoins, on octroie les contrats à GC Strategies et KPMG, entre autres.
Est-ce une marque de souplesse ou est-ce tout simplement une belle grande porte ouverte aux failles et aux abus?
À mon avis, ce n'est pas une marque de souplesse. La souplesse consisterait peut-être plutôt à éliminer quelques étapes, mais pas à enlever de l'information essentielle pour gérer un contrat ou un projet ou démontrer une bonne reddition de comptes.
Dans ce cas-ci, c'était vraiment un manque de respect des éléments essentiels qu'on aurait dû trouver dans la passation de marchés et la gestion d'un projet.
L'Agence des services frontaliers du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada ont signé des contrats pour lesquels il n'y a eu aucune modification sur le plan des tâches.
Par contre, il y en a eu sur le plan des délais et des coûts.
Voyez-vous cela souvent au cours de vos vérifications?
C'est une autre de nos constatations qui appuie notre conclusion selon laquelle le gouvernement aurait pu en avoir plus pour son argent.
Il est raisonnable que des prolongations aient lieu, mais, habituellement, cela ne doit pas servir à changer les délais ou à augmenter le prix des contrats. Lorsque celui-ci augmente, c'est habituellement parce qu'un produit livrable a été ajouté.
Or, dans le cas qui nous occupe, nous avons constaté que les prolongations n'étaient pas liées à de nouvelles tâches et qu'elles visaient plutôt à repousser les délais, ce qui a fait augmenter le prix des contrats.
C'est pourquoi nous avons conclu que le gouvernement aurait pu en avoir plus pour son argent.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Monsieur Desjarlais, vous avez la parole pour deux minutes et demie et je vous dois quelques secondes. Je vous signale que ce n'est pas beaucoup plus, mais je veillerai à vous accorder le temps qui vous est dû.
Merci.
Merveilleux. Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais maintenant passer au paragraphe 1.56, dans lequel vous dites avoir « constaté que GC Strategies avait participé à l'élaboration des exigences que l'Agence des services frontaliers du Canada a incluses dans la version définitive de la demande de propositions. » C'est une constatation profondément troublante et je pense que les Canadiens doivent s'interroger sur la manière dont des acteurs privés sont en mesure d'influencer directement l'aspect concurrentiel d'un appel d'offres auquel ils participent.
De mon point de vue, cela aurait dû sonner l'alarme, car non seulement c'était contraire aux règles et aux règlements en vigueur pour les appels d'offres, mais cela cachait d'une certaine manière la véritable intention de la fonction publique qui, juste avant mai 2022, avait attribué trois contrats sans appel d'offres à GC Strategies. Est‑ce exact?
Par la suite, nous avons vu l'ASFC entreprendre un processus concurrentiel pour remplacer ces trois contrats attribués sans appel d'offres en choisissant le même entrepreneur qui avait obtenu les contrats sans appel d'offres. Est‑ce vrai?
Oui. Je pense que dans ce cas, l'entrepreneur a participé à l'élaboration de certaines des exigences, ce qui ne devrait pas se produire. Une telle situation donne vraiment lieu à une concurrence limitée. Nous avons constaté que les exigences qui avaient été imposées aux soumissionnaires étaient si restrictives que le seul fournisseur qui a répondu à la demande de propositions était GC Strategies. L'Agence des services frontaliers du Canada lui a donné un avantage que les autres soumissionnaires n'avaient tout simplement pas.
Dans le cadre de votre examen, quels éléments d'information avez-vous trouvés qui mettaient en évidence ce lien et l'influence que l'entreprise GC Strategies aurait eue sur l'ASFC? S'agissait‑il de courriels? De messages textes? De documents? S'agissait‑il de lettres dont le contenu vous permettait de croire qu'il s'agissait d'influence directe?
Dans ce cas, il s'agissait de correspondance, de courriels, entre le fournisseur et les personnes qui établissaient la demande de propositions. Les exigences exactes, mot pour mot, ont ensuite été utilisées dans le processus. Je vous invite à consulter le rapport de l'ombudsman de l'approvisionnement, qui a souligné de nombreuses autres exigences. Nous venons de vous en donner un échantillon, mais elles étaient toutes très restrictives et ont vraisemblablement donné lieu à une concurrence limitée. En fin de compte, GC Strategies est le seul fournisseur qui a répondu à la demande de propositions.
Bien sûr. En ce qui concerne ces documents, serait‑il possible de transmettre au Comité une partie de la correspondance relative à l'exemple que vous avez décrit avant que nous poursuivions nos travaux?
Nous pouvons revenir là‑dessus. Je pense qu'elle a peut-être déjà été transmise à d'autres comités parlementaires. Nous pouvons consulter notre dossier et voir si nous pouvons trouver cela. Nous comparaîtrons à nouveau devant votre comité demain, mais je ne suis pas sûre que nous pourrons vous la transmettre au préalable. Nous ferons de notre mieux.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à Mme Block.
Vous avez la parole pour cinq minutes. Je crois comprendre que l'un de vos collègues interviendra également. La parole est à vous.
Oui, c'est exact, monsieur le président. Merci beaucoup.
Madame Hogan, je vous remercie de votre présence. Je remercie également les personnes qui vous accompagnent de leur présence.
Depuis le début de l'étude que le comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires consacre à ArriveCAN, les députés libéraux nous disent qu'il n'y a rien à signaler. En fait, il suffirait probablement de jeter un coup d'œil à des réunions antérieures pour constater que c'est exactement ce qu'ils ont dit lorsque nous avons voulu entreprendre cette étude. J'imagine qu'ils étaient loin de se douter que vous constateriez — et vous l'avez mentionné à plusieurs reprises — un manque alarmant de documentation tout au long du processus d'approvisionnement pour cette application. Je pense que cette constatation correspond à ce que l'ombudsman de l'approvisionnement a déclaré dans son rapport.
À maintes reprises, on nous a dit que nous devrions faire preuve d'indulgence envers les fonctionnaires parce que c'était pendant la pandémie. Nous l'avons même entendu aujourd'hui à propos des fonctionnaires qui travaillent à domicile.
Croyez-vous que le fait que c'était pendant une pandémie peut suffire à justifier le non-respect flagrant des pratiques élémentaires de gestion et de passation de marchés, ainsi que le manque de documentation?
Non. Je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire. Je ne crois pas qu'une situation d'urgence soit une excuse pour ne pas tenir compte des règles. On parle d'éléments fondamentaux que je m'attendais à voir. Par exemple, il faut appuyer par des documents le choix d'une personne et les raisons pour lesquelles elle a les compétences pour effectuer le travail requis. Je m'attendais également à voir des éléments de base en matière de comptabilité, tels que des factures accompagnées d'une bonne documentation à l'appui et de l'information qui indique clairement quels travaux doivent être rattachés à tel projet en cours. Je conseillerais aux fonctionnaires de documenter le travail au fur et à mesure.
Dans le contexte d'autres contrats qui ont été attribués pendant la pandémie, nous avons constaté qu'on pouvait certes faire mieux, mais ce n'était pas aussi flagrant que dans ce cas‑ci avec le manque de documentation.
Merci.
Je pense que c'est votre signal, monsieur Brock. Vous avez la parole pour environ 2 minutes et 40 secondes, monsieur.
Merci, monsieur le président.
Le montant est passé de 80 000 $ à environ 60 millions de dollars et il continuera probablement d'augmenter une fois que nous aurons obtenu certains documents. Les Canadiens comprennent maintenant très clairement pourquoi le gouvernement libéral, sous la direction de Justin Trudeau et de ses députés, a fait tout ce qui était en son pouvoir pour mettre fin à votre audit. Les libéraux ont voté contre votre audit. Ils ont régulièrement muselé des comités. La semaine dernière encore, ils ont mis fin aux travaux du comité auquel vous et moi participions lorsqu'il a été révélé que la GRC enquêtait. Tout d'un coup, ils ont présenté une motion pour lever la séance.
La semaine dernière, la publication du rapport préliminaire de l'enquêteur de l'ASFC faisait trop peur à certains députés libéraux et ils ont demandé un arrêt complet des travaux avec les témoins pour étudier ArriveCAN. Ce qu'ils essayaient de cacher est tout à fait clair. On parle ici d'une mauvaise utilisation flagrante de l'argent des contribuables.
Vous avez indiqué que la fonction publique devrait faire mieux. Il s'agit là d'un exemple des pires pratiques en matière de tenue de dossiers que vous ayez vues au cours de votre mandat de vérificatrice générale.
Pour ce qui est de l'avenir, l'ASFC a promis de suivre vos recommandations concernant des changements à apporter au sein de l'organisation. Cependant, pour les Canadiens qui nous regardent et qui comprennent maintenant que le gouvernement a mal utilisé leur argent, quelles conséquences civiles et pénales le gouvernement devrait‑il s'attendre à subir?
Tout ce qui est de nature criminelle et les décisions à cet égard relèvent des forces de l'ordre. Dans ce cas, la GRC aurait les compétences voulues pour vous dire quelles sont les mesures à prendre, le cas échéant. Ce n'est pas mon rôle.
GC Strategies fait l'objet d'une enquête de la GRC, non pas au sujet de l'application ArriveCAN, mais bien au sujet d'une autre application, qui concerne une société de logiciels de Montréal, ainsi que le gouvernement, y compris l'ASFC. C'est là l'objet de l'enquête. La GRC ne s'est jamais penchée sur l'application ArriveCAN.
Au cours de l'enquête, qui a été menée par M. Hannoush et qui vous a été communiquée, à vous, madame Hogan, et à M. Hayes, avez-vous découvert des éléments au sujet de GC Strategies qui ont suscité des doutes qui justifiaient un renvoi potentiel du dossier à la GRC?
Il s'agit d'une situation un peu inhabituelle. Normalement, lorsque nous effectuons un audit, la GRC n'est pas saisie de questions. Dans ce cas‑ci, elle a été saisie d'une question relative à la passation de marchés. Je ne sais pas si une enquête a été ouverte ni où elle en est.
Je n'ai pas eu à me demander si je devais décider s'il y avait d'autres questions à renvoyer. J'ai eu une conversation avec des représentants de la GRC. Il s'agissait d'une conversation très générale, car notre rapport n'avait pas encore été rendu public. Il n'a été rendu public qu'aujourd'hui. Je leur ai dit que s'ils souhaitaient avoir accès à notre dossier, ils devaient m'envoyer une demande officielle à cet effet, et que nous serions heureux de leur fournir tous les éléments de fait dont nous disposons.
Merci beaucoup. Je crains que le temps soit écoulé.
Madame Yip, vous avez la parole pour cinq minutes.
C'est tout un avant-midi.
Je vous remercie de votre présence.
Pourquoi la direction des approvisionnements de l'ASFC n'a‑t‑elle pas participé au processus de passation des marchés?
C'est une excellente question. Je vous encourage à la poser à l'Agence des services frontaliers du Canada.
De nombreux ministères ont leur propre division des approvisionnements, qui est là pour veiller à ce que les politiques soient respectées et à ce que des pratiques exemplaires soient mises en place. Souvent, elle collabore avec Services publics et Approvisionnement Canada pour s'assurer qu'il y a une bonne concurrence et que l'on optimise les ressources. Or, nous avons constaté dans ce cas‑ci que des personnes travaillaient directement avec Services publics et Approvisionnement Canada et ne faisaient pas toujours intervenir leur propre direction des approvisionnements.
Nous avons formulé une recommandation sur le fait qu'il s'agit là d'une pratique exemplaire qu'il convient d'appliquer. Ces gens sont là parce que ce sont des spécialistes de la passation de marchés et qu'ils peuvent aider à faire en sorte qu'un dossier d'approvisionnement soit bien appuyé et que toutes les décisions soient bien documentées.
Par ailleurs, des essais par les utilisateurs n'ont pas été effectués pour 12 des 25 versions. Pour ce qui est des 13 autres versions, 10 étaient accompagnées une méthodologie d'essai, mais les résultats des essais étaient incomplets. Pourquoi en est‑il ainsi?
C'est vraiment une pratique optimale que nous nous serions attendus à retrouver pour un projet en technologie de l'information. Il y a eu 177 versions de cette application. Nous nous sommes concentrés sur les 25 mises à jour principales, c'est‑à‑dire celles qui comportaient un changement significatif à l'application ArriveCAN.
On s'attendrait à ce qu'un solide plan ait été mis en place pour les essais par les utilisateurs de manière à s'assurer que l'application fonctionne comme prévu. Normalement, on devrait documenter les résultats de ces essais et toutes les mesures correctives nécessaires. Lorsque nous avons examiné ces 25 cas, nous avons constaté qu'il n'existait aucune documentation semblable pour 12 d'entre eux. Cela ne veut pas dire que des essais n'ont pas été menés, mais il n'existe aucune preuve indiquant qu'ils ont bel et bien été effectués.
En pareil cas, on risque de lancer une application qui ne fonctionne pas comme prévu, et c'est effectivement ce que nous avons été à même d'observer au Canada, alors que 10 000 voyageurs se sont fait dire à tort qu'ils devaient se mettre en quarantaine.
Nous nous serions attendus à ce que le ministère ait effectué tous ces essais et à ce qu'il les ait bien documentés avant de lancer une nouvelle version de l'application.
Cette décision revient habituellement au ministère concerné.
Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles on pourrait choisir un processus non concurrentiel. Les politiques et les directives d'approvisionnement permettent de le faire, mais lorsque cela se produit, on s'attend à ce que l'on ait clairement documenté vos interactions avec le fournisseur ainsi que les motifs justifiant votre choix.
Habituellement, il faut qu'il y ait une raison valable bien étayée pour opter pour un processus concurrentiel. Dans ce cas‑ci, il y avait très peu de documentation sur les raisons pour lesquelles GC Strategies a été choisie et sur la façon dont l'entreprise allait s'y prendre pour satisfaire aux exigences du contrat.
D'accord.
Peut‑on parler d'un manque flagrant de documentation? De toute évidence, les pratiques de tenue de livres ne prévoyaient pas assez de documentation, contrairement à ce qui se passe dans d'autres ministères. Selon vous, qu'est‑ce qui explique cette différence dans les pratiques comptables?
Encore une fois, c'est une question que vous devriez probablement poser au ministère.
Bien des gens auxquels nous avons parlé nous ont fait valoir que l'on était en pleine pandémie, une situation sans précédent. On a demandé à la fonction publique d'agir rapidement pour apporter son soutien aux Canadiens, mais il n'en demeure pas moins que les éléments de base auxquels on serait en droit de s'attendre ne sont tout simplement pas là. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il en est ainsi. J'ai certainement déjà vu mieux de la part de notre fonction publique.
Les problèmes ne se limitaient pas à la passation du marché. Ils touchaient également la gestion de projet — il n'y avait ni surveillance ni budget — ainsi que les essais de l'application par des utilisateurs. Il y a tellement d'éléments importants que je me serais attendue à voir documentés qui brillent tout simplement par leur absence. Lorsque vous n'avez pas les dossiers pertinents, bon nombre des questions que vous posez ne trouvent carrément pas de réponse.
Merci. C'est tout le temps que nous avions.
Madame la vérificatrice, je tiens à vous remercier d'avoir été des nôtres aujourd'hui avec les membres de votre équipe. Je vous l'ai déjà dit en privé, mais je tiens à répéter que je vous suis reconnaissant d'avoir comparu devant notre comité et d'avoir fait en sorte que des gens de votre bureau puissent être présents à la séance d'information à huis clos tenue ce matin pour la gouverne des parlementaires. C'est une contribution qui nous est précieuse, au même titre que vos comparutions devant le Comité pour nous exposer les faits et échanger directement avec les législateurs.
Je sais que nous allons vous revoir demain, vous et votre équipe, en même temps que les fonctionnaires du ministère. C'est une réunion que nous attendons avec impatience.
Avec l'approbation du Comité, la séance est levée.
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