:
Je déclare la séance ouverte.
[Français]
Bienvenue à la 69e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 24 avril 2023, le Comité poursuit son étude sur la Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins. Nous accueillons M. Edward Johnson, président du conseil d'administration de la Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau.
Merci d'être des nôtres aujourd'hui.
Monsieur Johnson, avant de vous donner vos cinq minutes, je pense que j'ai...
Oui, allez‑y, madame Sinclair-Desgagné.
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Merci, monsieur le président. Je vais essayer de respecter cette contrainte.
La Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau est un organisme non partisan dont le but est de distribuer des bourses d'études. La Fondation a été établie en 2002 avec l'appui de tous les partis de la Chambre des communes. Parmi les membres du premier conseil d'administration, il y avait MM. Bill Davis, Roy Romanow et Peter Lougheed. Le gouvernement a accordé à la Fondation un fonds de 125 millions de dollars.
Depuis, la Fondation a utilisé quelque 95 millions de dollars pour ses programmes, ainsi que de 20 à 25 millions de dollars environ pour l'administration de ces programmes. Au total, ce montant est très proche du fonds accordé à l'origine. Durant ce temps, nous avons offert 295 bourses pour les étudiantes et étudiants au doctorat ainsi qu'à des mentors et à des chercheurs, à savoir 88 bourses de fellows et 163 bourses de mentorat. Tout cela, nous l'avons accompli sans toucher au capital, qui s'élève aujourd'hui à 145 millions de dollars. Nous n'avons pas demandé un sou de plus au gouvernement en 21 ans.
Aujourd'hui, nos bourses d'études sont tout aussi recherchées que les bourses Rhodes, MacArthur et Fulbright. Beaucoup de nos boursiers et boursières ont dit que cela avait changé leur vie.
La direction et nos membres sont tous des bénévoles. La famille Trudeau n'a aucun intérêt financier quel qu'il soit dans la Fondation.
La Fondation, au cours des 21 dernières années, a fait ce qu'elle était censée faire avec l'argent des contribuables. Nous respectons scrupuleusement notre entente de financement pour offrir un programme très simple comprenant quatre volets: les bourses d'études, le mentorat, les bourses de fellows et le programme d'interactions publiques. Notre but est de contribuer de façon significative à l'avenir du Canada, et c'est exactement ce que nous avons fait.
Vers la fin du mois de février, la Fondation a commencé à être la cible d'attaques injustes et injustifiées, concernant un don totalisant 140 000 $ d'une entité canadienne chinoise. Cela a créé énormément de pression pour le conseil d'administration. Dans ce contexte, j'aimerais préciser au Comité, aux fins du compte rendu, que nous ne nous sommes jamais vu offrir un montant de 1 million de dollars, et que nous n'avons jamais reçu d'alertes du SCRS.
Je crois qu'il est important que je réagisse à certains témoignages précédents de notre ancienne présidente et de trois anciens membres du conseil d'administration, présentés au comité de l'éthique de la Chambre.
Aucun membre du conseil d'administration n'a reçu, à aucun moment que ce soit, un avis juridique l'informant qu'il était en situation de conflit d'intérêts en lien avec le don de l'entité chinoise qui s'est échelonné de 2014 à 2017.
En ce qui me concerne, je n'ai pas eu besoin d'avis juridique pour savoir ce que je savais déjà instinctivement. Je siégeais au conseil d'administration à l'époque où ces dons ont été faits, ce qui veut dire que je ne devrais pas surveiller un examen externe à ce sujet, et ce, même si le conflit d'intérêts en question, en ce qui me concerne, ne serait que perçu et non pas fondé juridiquement. Je n'ai jamais essayé d'empêcher ou de restreindre un tel examen indépendant.
D'ailleurs, dans les 10 jours suivant le premier reportage, j'ai fortement conseillé de tenir un examen indépendant qui ne serait pas surveillé par la direction, ni par moi, mais bien par un comité spécial composé de trois membres du conseil d'administration qui n'ont eu rien à voir avec la Fondation de 2014 à 2017. J'ai téléphoné individuellement à tous les membres du conseil d'administration à la mi‑mars pour en discuter, et, le 24 mars, j'ai fait remarquer à nos avocats à quel point les membres du conseil d'administration appuyaient la présidence et moi-même, malgré les circonstances difficiles et l'attention intense dont nous faisions l'objet à l'échelle du pays.
Lors de la réunion plénière du conseil d'administration, le 31 mars, j'ai proposé qu'un comité indépendant soit chargé d'assurer une surveillance. Pour ceux qui se demandent s'il m'était possible de présider cette réunion, il ne fait aucun doute que mes intérêts s'alignaient parfaitement sur ceux de la Fondation. Je voulais un examen indépendant, tout comme le reste du conseil d'administration. C'était mon devoir, en tant que président, de présider la réunion.
Lors de cette réunion, deux avocats externes, provenant de deux cabinets différents, nous ont conseillés, et les deux ont déclaré n'avoir formulé aucun avis relativement à des conflits d'intérêts. Ni ces avocats ni aucun membre du conseil d'administration n'ont remis en question la légitimité de ma présidence ou mon droit de vote lors de cette réunion. Aucun membre du conseil d'administration, à aucun moment, n'a proposé une motion pour se récuser, et il n'y a pas non plus eu de refus de la part d'un des membres.
Au cours de la semaine suivante, le Jeudi saint, la plupart des membres du conseil en sont arrivés à un consensus. Je crois qu'ils avaient convenu qu'un examen externe devrait effectivement être surveillé par un comité spécial composé de trois membres, comme je l'avais recommandé initialement, et que cet examen ne devait pas relever de la direction. À ma grande surprise et déception, le conseil a démissionné le lundi de Pâques, le 10 avril.
Je savais que ces démissions allaient retarder de plusieurs semaines l'examen externe, alors j'ai écrit à la vérificatrice générale le 14 avril — trois jours après que le conseil a démissionné — pour lui demander d'enquêter sur tout ce qui concernait la réception et le traitement des dons par la Fondation.
Pour conclure, j'aimerais dire quelque chose spécialement pour nos boursiers, nos mentors et nos fellows, ainsi que pour la merveilleuse équipe de la Fondation et notre communauté. La Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau va continuer son excellent programme universitaire. Grâce aux bénévoles de notre comité des finances, nous sommes toujours bien financés. Notre excellente équipe est déjà à l'œuvre pour préparer l'annonce de notre prochaine cohorte et planifier les événements de notre programme de développement du leadership.
L'avenir s'annonce radieux pour notre 23e année.
Merci.
Toutes mes excuses pour l'alarme — ce n'était pas prévu —, mais j'ai un nouveau chronomètre. Je vais essayer de régler le problème, pour éviter les interruptions. Les députés savent que je les arrête quand le chronomètre sonne, mais que je permets aux témoins de terminer leur réponse.
Chers collègues, mon but ce matin est que nous fassions trois ou quatre tours, alors je vais surveiller l'heure de très près. Nous devrions prendre tout juste un peu moins que l'heure et 15 minutes dont nous disposons.
Sans plus attendre, monsieur Brock, je vous souhaite la bienvenue au Comité.
Vous avez la parole pour six minutes. Allez‑y.
Si vous me le permettez, je pourrais lire un courriel relativement court, envoyé en réponse à vos questions.
Il y a un considérant au début à l'intention de la greffière du Comité.
Vous trouverez ci‑dessous l'information demandée.
Le 1er mars 2023, à la demande de la présidente et cheffe de la direction Pascale Fournier et avec l'approbation du comité exécutif du conseil d'administration, la Fondation a envoyé un chèque au montant de 140 000 $ pour rembourser le don qu'elle avait reçu en deux tranches de 70 000 $, en 2016 et en 2017. Le chèque était signé par les directeurs Bruce McNiven et Peter Sahlas, était établi à l'ordre de Millennium Golden Eagle International (Canada), l'entreprise canadienne qui avait fait les dons, et a été envoyé par Postes Canada...
Je vais résumer, parce que je sais que nous avons peu de temps. Je vais passer rapidement en revue certains paragraphes.
La Fondation a fait une déclaration le jour même pour annoncer qu'elle avait remboursé le don, mais, le 21 mars 2023, après trois tentatives de livraison infructueuses, Postes Canada a renvoyé à la Fondation l'enveloppe avec le chèque de remboursement.
Après la démission de la présidente et cheffe de la direction, le 10 avril 2023, le conseil d'administration a appris que, vers le début du mois d'avril, le personnel de la Fondation relevant de la présidente avait communiqué avec la Banque de Montréal pour vérifier l'origine des deux paiements faits en 2016 et en 2017. La Banque a confirmé, le 23 avril, que les deux paiements avaient été faits par transfert électronique par la personne morale canadienne indiquée sur les reçus fournis à l'Agence du revenu du Canada par la Fondation, et que les deux paiements provenaient du compte bancaire du donateur à Montréal. Ce compte est toujours ouvert en bonne et due forme en 2023.
Cette information n'a jamais été envoyée au conseil d'administration, qui, récemment, était porté à croire que l'un des deux paiements de 70 000 $ venait peut-être de Chine et que les reçus produits par la Fondation pour l'ARC avaient peut-être été mal établis.
Le 12 avril 2023, le chèque de 140 000 $, qui avait été renvoyé à la Fondation par Postes Canada, a été livré directement à la succursale de la Banque de Montréal du donateur, au centre-ville de Montréal. Le chèque a été remis au gestionnaire de compte du donateur, à cette succursale, lequel a ensuite déposé le chèque sur‑le‑champ et confirmé par écrit le dépôt du chèque.
La Fondation prend les mesures appropriées auprès de l'ARC, dans tout ce que je viens de dire. Les reçus pour l'ARC, délivrés en 2016 et 2017, ont tous les deux été envoyés à la même entreprise canadienne, Millennium Golden Eagle International (Canada). Pour le premier reçu, l'adresse était à l'étranger, et pour le deuxième, environ un an plus tard, l'adresse était celle de la société au Canada.
Avez-vous reçu confirmation...
M. Edward Johnson: Oui.
M. Larry Brock: ... de la part de Millennium...
M. Edward Johnson: Pas de la part de Millennium.
M. Larry Brock: ... attestant réception?
Pardon. Essayons de ne pas parler en même temps, monsieur.
M. Edward Johnson: Pardon.
M. Larry Brock: Avez-vous eu un reçu ou un autre genre de confirmation de la part de Millennium confirmant que l'entreprise avait effectivement reçu les 140 000 $ déposés directement dans son compte bancaire?
Son mandat était essentiellement semblable à ce que nous faisons aujourd'hui, c'est‑à‑dire exécuter les quatre volets de notre programme: les bourses d'études, le mentorat, les bourses de fellows et les programmes d'interactions publiques. Nous devions distribuer nos bourses d'études à des doctorants et des doctorantes dans le domaine des sciences humaines et sociales. À l'époque, le raisonnement était — et je pense qu'il est encore plus pertinent aujourd'hui — qu'il y a une foule de bourses de doctorat dans les domaines des sciences appliquées, de la technologie, du génie et ainsi de suite, mais qu'il n'y a pas de soutien adéquat pour les sciences humaines et sociales, alors qu'il s'agit, dirais‑je, de l'épine dorsale de toute société démocratique et de toute société avancée: l'étude des droits de la personne, des libertés civiles, de la politique étrangère et de la place du Canada dans le monde. Ce ne sont pas des sujets abordés dans un programme de technologie.
Voilà le raisonnement, et c'est essentiellement notre programme. Où est la valeur ajoutée? En quoi les bourses de la fondation Trudeau sont-elles différentes des autres? L'élément le plus important est notre programme de leadership, dont le but est de sortir les boursiers et boursières de leur zone de confort et de leur montrer, par le truchement des mentors, des fellows et d'autres personnes, des aspects du Canada et du monde qu'ils et elles n'auraient jamais pu voir autrement. Nous appelons cela du « leadership engagé ». Nous croyons que cela ajoute une certaine valeur aux bourses de la fondation Trudeau, valeur que les autres n'offrent pas nécessairement.
Nous avons distribué 295 de ces bourses. Elles représentent beaucoup d'argent, ont une excellente réputation et sont très recherchées. Nous avons reçu des centaines et des centaines de demandes, pour la dizaine de places que nous avions l'année dernière.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie M. Johnson d'être présent aujourd'hui.
J'aimerais d'abord faire un commentaire sur le contexte de notre étude. Comme vous l'avez mentionné précédemment, on n'a rien, en tout cas pas au Bloc québécois, contre les bénéficiaires de bourses et le principe potentiellement honorable de remettre des bourses à des étudiants brillants. Ce n'est pas du tout là qu'on en est. Il est cependant important de préciser qu'un organisme à but non lucratif, surtout quand il a reçu des fonds du gouvernement, a certains devoirs en matière de gouvernance, mais aussi de transparence envers la population. C'est là-dessus que porteront mes questions.
Dans votre déclaration d'ouverture, monsieur Johnson, vous avez mentionné deux dons de 70 000 $. Est-ce que j'ai bien compris quand vous avez dit que les deux reçus ont été remis à la compagnie Millennium Golden Eagle International au Canada?
:
Il faut se souvenir des paroles prononcées par le fameux Warren Buffett, il y a quelques années:
[Traduction]
« Les comités de vérification ne peuvent pas faire de vérification. »
[Français]
Ce n'est pas le rôle du comité de vérification d'étudier chaque dépense, chaque don, chaque détail.
Il faut aussi souligner la différence entre le rôle de l'équipe de gestion, d'un côté, et celui du conseil d'administration, de l'autre. Le rôle de la gestion, c'est de proposer des mesures et de les mettre en œuvre. Le rôle du conseil d'administration, c'est de surveiller et d'approuver la façon dont les choses fonctionnent.
Les bénévoles qui composent le comité de vérification ne peuvent pas connaître tous les détails entourant chacun des dons faits lors d'une année donnée. À ma connaissance, cela ne se fait dans aucune organisation.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à remercier M. Johnson d'être des nôtres aujourd'hui.
Je suis sûr que vous le savez... parce que vous avez témoigné devant plusieurs comités de la Chambre des communes, déjà. Je pense que vous avez comparu devant le comité de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, il y a environ quatre semaines maintenant.
M. Edward Johnson: En effet.
M. Blake Desjarlais: Notre comité, à l'instar de certains autres comités, a entrepris de trouver la meilleure façon de s'assurer que les Canadiens ont le genre de confiance envers l'intégrité du système qui est primordiale pour notre pays, pour notre démocratie. Je vais essayer de vous poser des questions qui me permettront d'obtenir le plus d'information dans un contexte qui est, je le sais, très politisé. Je tiens à reconnaître cet aspect très important, et je vais vous demander une justification et aussi de l'information utile pour essayer de mieux comprendre, mais surtout, pour aider les Canadiens et les Canadiennes à mieux comprendre.
M. Edward Johnson: C'est d'accord.
M. Blake Desjarlais: D'accord.
Lorsque vous avez comparu devant l'autre comité, mon collègue de vous a posé la question suivante:
Malgré les nombreux témoins que nous avons reçus, les détails ne sont toujours pas clairs. Selon vous, est‑ce que la meilleure façon de mettre les choses au clair, ce serait en participant à une enquête publique, si telle était la recommandation du rapporteur spécial, David Johnston, à la fin de son mandat?
Vous avez alors répondu: « Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de participer à une telle enquête pour laver la Fondation de tout soupçon. »
Vous souvenez-vous de cet échange?
M. Edward Johnson: Vaguement, oui.
M. Blake Desjarlais: Cela fait plus d'un mois. Bien sûr, nous avons tout récemment appris que le rapporteur spécial n'a pas recommandé la tenue d'une enquête publique.
Compte tenu de la situation telle qu'elle est présentement au Canada, votre opinion a‑t‑elle changé à cet égard, en particulier en ce qui a trait au renforcement de la confiance des Canadiens envers l'importance véritable de notre démocratie?
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Je pense que cela fait une grande différence, monsieur, avec tout le respect que je vous dois.
Cela fait une grande différence, car, le 9 mai, les membres du Comité vous ont fait part d'une série de signaux d'alarme qui auraient dû alerter quelqu'un qui a votre intelligence et votre sens des affaires, en plus d'être avocat et président de la Fondation.
Je sais que vous avez comparu devant ce comité‑là, comme vous l'avez fait devant notre comité, en parlant d'allégations « injustes » et non fondées. Eh bien, parlons des faits.
Il ne s'agit pas de simples renseignements. Il ne s'agit pas de simples rumeurs. Nous parlons d'une conversation enregistrée interceptée entre le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, et l'un des donateurs, M. Bin Zhang, et un consulat à Toronto, à qui on a promis la chose suivante. Le Parti communiste à Pékin a dit au donateur, M. Bin Zhang, d'offrir cet argent dans l'espoir d'influencer le nouveau chef du Parti libéral, , et — surprise —, l'argent est versé, la Fondation parvient à un accord avec M. Zhang et, M. Gensheng, et dans les cinq mois, ces deux hommes d'affaires, des hommes d'affaires chinois — et non pas des hommes d'affaires canadiens — ont un accès privé au nouvellement élu. Cela ne vous a pas alerté.
De plus, monsieur, on a relevé une véritable divergence concernant les reçus aux fins de l'impôt.
Le premier reçu aux fins de l'impôt que j'ai porté à votre attention a été émis à la société Millennium Golden Eagle International, constituée au Canada, avec une adresse à Hong Kong, mais ensuite Pékin est intervenu, a contacté la Fondation, a contacté l'un de vos employés et a dit « Désolé, mauvaise adresse, envoyez‑le à Pékin ». Monsieur, je vous l'ai dit, l'adresse qu'avait initialement donnée la Millennium Golden Eagle International (Canada) Inc. à la Fondation était fausse. Un journaliste est allé à Hong Kong et a frappé à la porte. Les occupants n'avaient jamais entendu parler de la société et n'avaient jamais entendu parler de M. Bin Zhang ni connu M. Niu Gensheng.
Cela ne vous a pas non plus alerté en tant que président du conseil d'administration... n'est‑ce pas?
J'aimerais revenir sur deux ou trois points que M. Brock a exposés. D'abord, selon l'histoire que j'ai lue et qui a déclenché tout cela, le 28 février, un fonctionnaire consulaire de l'ambassade de Chine a communiqué avec M. Zhang au Canada et lui a demandé de donner un million de dollars à la Fondation Pierre‑Elliott‑Trudeau. La Fondation n'a jamais reçu un million de dollars. Le million de dollars a été versé à l'Université de Montréal; j'ai donc du mal à relier aux faits l'allégation faite dans cette histoire. À ma connaissance, cette histoire n'a jamais été confirmée par un représentant du gouvernement ou par le SCRS. Je tiens à souligner que le montant que la Fondation a en fait reçu était de 140 000 $ sur deux ans. Les faits ne concordent pas avec l'allégation.
L'utilisation d'une adresse à Hong Kong... si je fais un don à la Croix-Rouge et que je suis en Floride au moment des impôts, je vais demander à la Croix-Rouge de m'envoyer le reçu en Floride, dans un autre pays. Cela ne fait aucune différence. Je suis Canadien. Je suis un contribuable canadien, et j'ai fait un don. J'ai toujours estimé qu'une logique semblable s'applique au cas de ce don particulier. Le donateur était une société canadienne, Millennium Golden Eagle International (Canada). C'est le donateur, et le reçu a été établi au nom de ce donateur canadien. Franchement, le reçu n'aurait eu aucune valeur pour un contribuable non canadien, pour une entité qui ne paie pas d'impôts au Canada.
Si je peux me permettre d'ajouter une réflexion plus générale, je suis inquiet, très inquiet, de voir qu'un reçu pour un don fait en 2016 est jugé selon les normes de 2023 concernant la Chine.
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Parce que le contexte a beaucoup changé.
Les années 2014, 2015, 2016 et 2017 étaient les années pertinentes concernant ce don. Les universités canadiennes s'empressaient de développer des relations avec la Chine, et idem pour les sociétés canadiennes. Je crois que, en 2014, le gouvernement du Canada, le premier ministre de l'époque s'est rendu en Chine, comme l'ont fait le président de la France et la chancelière allemande.
On prévoyait que la Chine allait dominer le monde sur le plan économique d'ici 2045. Son produit intérieur brut allait dépasser celui des États-Unis. Les Canadiens faisaient des pieds et des mains pour développer des relations, et ensuite, dans le cas du Canada, les deux Michael ont été enlevés et le monde a changé.
Aujourd'hui, c'est un monde totalement différent, et la Chine semble avoir fait de très vilaines choses, des choses tout à fait inappropriées, non seulement au Canada, mais dans d'autres démocraties occidentales. C'est une menace sérieuse, et nous devons réagir, mais ce n'était pas le cas en 2014, 2015, 2016 et 2017.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Johnson, j'aimerais poursuivre sur un aspect important, chercher un moyen de nous assurer que les informations que vous partagez avec nous, les informations que mes collègues conservateurs communiquent et les informations que même les collègues libéraux et le Bloc communiquent... Vous pouvez constater qu'on vous pose des questions sous différents angles. Certaines questions sont plus agréables que d'autres.
Ce qui m'intéresse le plus, c'est de trouver un moyen, comme vous à certains égards, d'avoir une enquête indépendante, mais publique, en raison de cette divergence d'opinion politique. D'après votre témoignage d'aujourd'hui, je crois comprendre que vous êtes contre une enquête publique.
Pourriez-vous expliquer, compte tenu...
Je crois comprendre que Mme Fournier avait eu quelques problèmes concernant le don, qui ont finalement conduit à sa démission. Elle a découvert que la Millennium Golden Eagle International (Canada) Inc. était en fait associée à l'association de l'industrie culturelle chinoise de Pékin. Elle a également découvert que l'association de l'industrie communiquait avec des employés de la Fondation Trudeau concernant l'admission d'information sur un reçu pour un don aux fins de l'impôt.
Le site Web de cette association de l'industrie culturelle chinoise indique qu'elle adhère au « leadership total » du Parti communiste chinois et qu'elle a été formée avec l'approbation de l'État. Le site Web indique que M. Zhang Bin en est le président. Selon cette association, M. Bin Zhang est le président de la Millennium Golden Eagle International (Canada), et elle a été créée avec l'approbation de Pékin, en Chine.
Sachant ce que je sais maintenant, et ce que Mme Pascale Fournier savait, au sujet de la Millennium Golden Eagle, êtes-vous d'accord, monsieur, compte tenu de votre grande connaissance du droit des sociétés en général et de la gouvernance générale, etc...? Seriez-vous d'accord avec moi, monsieur, pour dire que la Millennium Golden Eagle International est en fait une société écran exploitée par Pékin, en Chine?
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Merci, monsieur le président.
C'est dommage, monsieur Johnson, mais il semble que votre ancienne PDG, Mme Fournier, est la seule à faire preuve d'un grand sens de l'honnêteté et de l'éthique. J'ai écouté et examiné le témoignage de M. Rosenberg, il a vu les mêmes signaux d'alarme que Mme Fournier et il n'a absolument rien fait à leur sujet.
Cependant, ce que j'aimerais vous demander, monsieur... J'ai examiné quelques communications de Mme Fournier, datées du 25 mars 2023, avec un certain nombre de membres du conseil d'administration — vous figurez en tête de liste dans ce courriel —, et elle expose tout ce qu'elle a découvert, ligne par ligne, paragraphe par paragraphe, événement après événement, presque littéralement, mais sans utiliser le mot « fraude », pour parler de ses préoccupations quant à la façon dont vous avez publiquement déclaré que ce don était un don canadien, alors qu'il ne l'était clairement pas. C'était un don étranger provenant de Pékin, en Chine. Je pense que ce qui me préoccupe, et j'aimerais vous poser des questions à ce sujet, monsieur, c'est qu'elle a posé un certain nombre de questions à votre conseiller juridique, au conseiller juridique de la Fondation. Qui était votre conseiller juridique le 25 mars 2023?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Johnson, j'aimerais revenir sur ce que je crois être le rôle le plus important des parlementaires en ce moment. J'espère que vous me permettrez de faire preuve d'empathie à l'égard du rôle que jouent les parlementaires lorsque nous voyons cette situation extrêmement préoccupante dans tout le pays qui met en doute la crédibilité de nos institutions. C'est un fait. Que ce soit vrai ou non, la perception est dommageable.
Pour que nous puissions tirer les choses au clair et pour que nous ayons vraiment confiance en ces institutions, je pense qu'il est important de tenir une enquête publique en vertu de la Loi sur les enquêtes publiques. Elle prévoirait une commission indépendante qui aurait les pouvoirs que votre organisation — bien qu'elle puisse en créer une — n'aurait pas, à savoir le pouvoir d'assigner des témoins à comparaître, de produire des documents secondaires et de faire exactement ce qui est prévu dans la Loi sur les enquêtes publiques. C'est pourquoi nous avons une telle loi.
Si les organisations sont en mesure de simplement se vérifier elles-mêmes « de façon indépendante », la perception ne disparaît pas. Vous serez de retour ici l'année prochaine si cela se produit, croyez-moi. Cela va continuer jusqu'à ce que nous ayons vraiment confiance dans le processus.
Le résultat est important, mais le processus est également aussi important, et c'est pourquoi je salue votre tentative de faire participer la vérificatrice générale. Bien sûr, cela n'allait pas être le cas. Elle a dit qu'elle n'allait pas pouvoir le faire. J'ai présenté ici une motion pour que l'ARC le fasse. La réalité avec l'ARC, c'est qu'elle doit se soumettre à ses propres processus. C'est à elle de décider si elle fait ou non cette vérification, mais c'est une recommandation que je fais et c'est la recommandation du Comité.
Je pense qu'une enquête publique contribuerait grandement à rétablir la confiance du public envers non seulement nos institutions, mais aussi votre institution. N'êtes-vous pas d'accord?
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Monsieur Johnson, je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Merci. Nous vous reverrons peut-être de mon côté, si vous revenez pour une des réunions avec la Fédération du saumon Atlantique.
M. Edward Johnson: Je m'attends à de bons résultats.
Le président: Je vais suspendre la réunion quelques minutes. Nous allons passer à huis clos, et nous reprendrons quelques points à ce moment‑là. Je sais que certaines personnes ont un vol à prendre. Nous allons en parler tout de suite.
Monsieur Johnson, merci beaucoup.
Nous allons demander aux gens qui ne devraient pas être ici de partir; autrement, vous êtes les bienvenus si vous voulez rester, et nous allons commencer dans environ deux à trois minutes. Merci.
[La séance se poursuit à huis clos.]