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Je déclare la séance ouverte. Bonjour. Je vois qu'il y a quelques participants sur Zoom également.
Bienvenue à la 22e séance du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes. Conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement, le Comité se réunit aujourd'hui pour recevoir une séance d'information de la vérificatrice générale et de son équipe concernant les rapports déposés à la Chambre le mardi 31 mai.
La séance d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre pris par la Chambre le 25 novembre 2021. Certains membres y participent en personne dans la salle, alors que d'autres y assistent à distance au moyen de l'application Zoom.
[Français]
Conformément à la directive du Bureau de régie interne du 10 mars 2022, tous ceux qui participent à la réunion en personne doivent porter un masque, sauf les députés, lorsqu'ils sont assis à leur place pendant les délibérations parlementaires.
Pour garantir le bon déroulement de la réunion, j'aimerais transmettre certaines consignes aux témoins et aux députés. Avant de prendre la parole, attendez que je vous nomme. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour l'activer et veuillez mettre celui-ci en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
[Traduction]
Pour l'interprétation, ceux et celles qui assistent à la séance sur Zoom ont le choix, au bas de leur écran, entre le parquet, l'anglais ou le français. Les personnes présentes dans la salle peuvent utiliser leur casque d'écoute pour sélectionner le canal désiré.
Je vous rappellerais que toutes vos interventions doivent s'adresser à la présidence.
[Français]
Les députés présents dans la salle qui souhaitent prendre la parole doivent lever la main. Les députés présents par Zoom doivent utiliser la fonction « lever la main ».
Le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir l'ordre de prise de parole. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
[Traduction]
Nous prendrons 15 minutes à la fin de la séance pour examiner les travaux du Comité à huis clos. Je vous aviserai le moment venu.
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins et invités, qui nous viennent du Bureau du vérificateur général. Bien sûr, nous recevons Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada, que nous sommes ravis de revoir. Nous sommes heureux de tous vous revoir, en fait.
Nous recevons également Carey Agnew, directrice principale; Carol McCalla, directrice principale, et Nicholas Swales, directeur principal.
Madame Hogan, vous avez la parole. Nous passerons ensuite aux questions. Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à souligner que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinaabe.
Je suis heureuse d’être ici aujourd’hui pour discuter des résultats de quatre rapports d’audit de performance qui ont été déposés mardi à la Chambre des communes. Mes rapports comprennent aussi des copies de nos examens spéciaux portant sur Financement agricole Canada et la Société des ponts fédéraux Limitée. Ces deux rapports ont été rendus publics par les sociétés d’État en février et en mai de cette année.
Je suis accompagnée aujourd’hui de Carey Agnew, Carol McCalla et Nicholas Swales, les directeurs principaux qui étaient responsables des audits de performance.
À la veille de la troisième année de mon mandat, je ressens plus de frustration que d’optimisme. J’aimerais pouvoir vous dire qu’après avoir relevé des faiblesses dans des programmes et services gouvernementaux, nous voyons par la suite des améliorations, mais c’est rarement le cas.
[Français]
Pour nous, l'histoire est trop souvent la même: chaque année, nous livrons des audits qui dénotent des progrès lents et des résultats qui stagnent ou qui empirent. Dans le meilleur des cas, l'information qui pourrait aider les Canadiennes et les Canadiens à comprendre si les choses s'améliorent ou si elles empirent est incomplète. Dans de nombreux programmes et ministères, il semble que les membres du public se butent trop souvent à des obstacles lorsqu'ils tentent d'accéder aux programmes et aux services auxquels ils ont droit.
Voyons d'abord notre audit des obstacles systémiques dans les services correctionnels. Nous voulions savoir si les programmes et les services fournis par Service correctionnel Canada reflétaient la diversité toujours croissante de la population carcérale. Entre autres, nous voulions savoir si le personnel correctionnel avait la sensibilité et la conscience nécessaires, sur le plan culturel, pour mettre en œuvre de programmes qui répondaient aux besoins divers des personnes détenues.
Si notre objectif était d'examiner si le ministère répondait aux besoins de la population carcérale, nos constats ont fait ressortir que certains groupes de personnes détenues étaient désavantagés en raison d'obstacles systémiques qui retardent leur accès à la libération conditionnelle. Plus particulièrement, les résultats associés aux femmes et aux hommes noirs et autochtones étaient pires que ceux de tous les autres groupes de détenus. De plus, ces personnes étaient confrontées à des obstacles plus grands du point de vue de la réinsertion sociale sécuritaire et progressive.
[Traduction]
Un obstacle systémique résulte de politiques, de procédures ou de pratiques apparemment neutres qui désavantagent un ou plusieurs groupes. Nous avons relevé non seulement des obstacles systémiques, mais aussi, à mon avis, du racisme systémique dans certains cas où des politiques, procédures ou pratiques apparemment neutres ont persisté et sont à l’origine du traitement disproportionnellement différent de certains groupes de personnes détenues racialisées.
Service correctionnel Canada n’a pas réussi à cerner et à éliminer les obstacles systémiques qui continuent de défavoriser les détenus autochtones et les détenus noirs. Nous avons soulevé des enjeux comparables dans nos audits de 2015, de 2016 et de 2017, mais le ministère n’a pas fait grand-chose pour modifier les politiques, les pratiques, les outils et les approches qui causent ces disparités dans les résultats.
Nous avons constaté que les délinquantes et les délinquants étaient confrontés à des obstacles dès leur admission dans un établissement fédéral. Par exemple, le personnel plaçait les délinquantes et délinquants autochtones et noirs dans des établissements à sécurité maximale à un taux deux fois plus élevé comparativement aux autres groupes de détenus. De plus, ces personnes restaient incarcérées à un niveau de sécurité plus élevé plus longtemps que les détenus d’autres groupes.
[Français]
Nous avons aussi constaté que, depuis nos trois derniers audits, l'accès en temps opportun des détenus à des programmes correctionnels conçus pour les préparer à la libération conditionnelle et favoriser leur réinsertion sociale avait continué d'empirer.
En date de décembre 2021, avec l'incidence supplémentaire de la pandémie de la COVID‑19, seulement 6 % des hommes détenus avaient accédé aux programmes correctionnels dont ils avaient besoin avant leur première date d'admissibilité à la libération conditionnelle.
Ces résultats différents pour certains groupes de personnes détenues racisées et autochtones persistent depuis trop longtemps.
[Traduction]
Service correctionnel Canada doit recenser et abattre les obstacles systémiques pour éliminer le racisme systémique dans le système correctionnel, y compris respecter son engagement à avoir un effectif qui reflète mieux la diversité de la population carcérale.
Le ministère doit combler les lacunes, à savoir la représentation des Autochtones dans tous les établissements, la représentation des femmes dans les établissements pour femmes et la représentation de personnes noires dans les établissements où il y a un grand nombre de détenus noirs.
Je vais passer maintenant à notre audit sur les populations difficiles à joindre. Nous voulions savoir si le gouvernement fédéral s’était assuré que les personnes à faible revenu avaient accès à l’Allocation canadienne pour enfants, à l’Allocation canadienne pour les travailleurs, au Supplément de revenu garanti et au Bon d’études canadien.
[Français]
L'Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada savent que les personnes qui peuvent demander des prestations ne le font pas toujours. Les groupes à faible revenu qui sont difficilement desservis par les voies habituelles, c'est-à-dire les Autochtones, les personnes âgées, les personnes nouvellement arrivées au Canada et les personnes en situation de handicap, font partie de ces groupes qui ne savent peut-être pas qu'ils peuvent obtenir certaines prestations. Ces populations difficiles à joindre font souvent face à un ou à plusieurs obstacles pour accéder aux prestations. Elles ont donc besoin d'une aide accrue du gouvernement.
L'Agence du revenu du Canada et Emploi et Développement social Canada n'ont pas de portrait d'ensemble exact et complet de ces personnes qui n'accèdent pas aux prestations. L'Agence et le ministère ignoraient aussi si la plupart de leurs activités de sensibilisation ciblées avaient contribué à faire augmenter le taux d'utilisation des prestations parmi les populations difficiles à joindre.
[Traduction]
Nous avons aussi constaté que l'agence et le ministère surévaluaient les taux d'utilisation des prestations parce qu'ils ne tenaient pas toujours compte des personnes qui n'avaient pas produit une déclaration de revenus, ce qui est une exigence pour obtenir la plupart des prestations. L'agence et le ministère ont pris certaines mesures, mais ils n'ont toujours pas de plan exhaustif pour aider les gens à accéder aux prestations. Par conséquent, ils ne parviennent pas à améliorer les conditions de vie des personnes et des familles qui ont peut-être le plus grand besoin de ces prestations.
Notre troisième audit a porté sur le traitement des demandes de prestations d'invalidité des vétérans des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada. Dans l'ensemble, nous avons constaté que les vétérans attendaient presque 10 mois avant d'obtenir une décision sur leur demande initiale de prestations. Les délais de traitement étaient plus longs pour les francophones, les femmes et les vétérans de la Gendarmerie royale du Canada.
[Français]
Nous avons également constaté que les données du ministère sur le traitement des demandes de prestations étaient médiocres et mal organisées. Par conséquent, Anciens Combattants Canada n'était pas en mesure d'établir si les initiatives qu'il avait prises pour améliorer le traitement des demandes de prestations avaient accéléré le processus ou l'avaient ralenti.
Nous avons noté que le financement et près de la moitié des employés affectés au traitement des demandes de prestations étaient temporaires et que le ministère n'avait pas de plan de dotation à long terme. L'incidence combinée de ces lacunes est telle que les vétérans attendent trop longtemps avant de recevoir des prestations. Ces délais inacceptables peuvent nuire à leur bien-être et à celui de leurs familles.
Notre dernier rapport fait le suivi de notre audit de 2015 sur l'utilisation, par le gouvernement, de l'analyse comparative entre les sexes plus, qu'on appelle aussi ACS+. Cet outil d'analyse vise à réduire les inégalités existantes et possibles qui sont dues au genre et à d'autres facteurs identitaires croisés.
Dans l'ensemble, notre audit a démontré que le gouvernement ne sait pas si les mesures qu'il prend aboutissent à des résultats meilleurs, sur le plan de l'égalité des genres, pour divers groupes de personnes. Dans bien des cas, l'analyse a été effectuée, mais nous n'avons pas observé d'effets concrets sur les résultats.
[Traduction]
Nous avons constaté que des défis persistants, que nous avons déjà signalés par le passé, continuent d'entraver la pleine mise en œuvre de l'analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, dans l'ensemble du gouvernement. Les organisations responsables ont donné suite à certaines recommandations de notre audit de 2015, mais bien d'autres remontent à notre premier audit de l'ACS, en 2009.
Des défis que nous avons signalés, mentionnons le manque de capacité à effectuer l'ACS et le manque de données sur les facteurs démographiques. De plus, nous avons constaté que le gouvernement ne sait pas si l'ACS+ livre les résultats attendus parce que ses effets n'ont pas été mesurés ou rapportés de façon uniforme et structurée. Le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Femmes et Égalité des genres Canada doivent mieux collaborer et s'assurer que tous les ministères et organismes gouvernementaux intègrent pleinement l'ACS+ de manière à produire des résultats concrets pour les Canadiennes et Canadiennes.
En résumé, ces audits soulignent des problèmes et des obstacles persistants dans un large éventail d'activités gouvernementales. Ces obstacles sont inacceptables, qu'il s'agisse de ceux auxquels font face les délinquantes et les délinquants autochtones ou noirs ou les personnes à faible revenu et les vétérans qui tentent d'obtenir des prestations.
En ce qui concerne les obstacles que l'ACS+ est censée éliminer, même s'il y a aujourd'hui un dialogue plus large et une sensibilisation accrue aux facteurs liés au genre et à l'identité, les actes tardent néanmoins à suivre les paroles.
[Français]
Le gouvernement fédéral doit faire mieux. Toutes les Canadiennes et tous les Canadiens, peu importe leur genre, leur race, leurs capacités ou l'endroit où ils habitent, méritent mieux, et même, bien mieux.
Monsieur le président, c'est ainsi que se termine mon allocution d'ouverture.
Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions des députés.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je salue tous ceux et celles qui sont ici en personne.
Madame Hogan, je vous remercie du travail que vous et votre équipe accomplissez. Je dis toujours que je considère que votre travail et celui du Bureau du vérificateur général est précieux, surtout maintenant. Je pense que vos observations ont été directes et franches, et ressemblent à ce que ressentent de nombreux Canadiens par rapport aux détails qui figurent dans ces rapports et à la qualité du travail effectué par le gouvernement ces dernières années.
Je souligne que vous avez affirmé hier qu'il est très frustrant et décourageant pour le gouvernement de savoir que des problèmes et des obstacles existent depuis de nombreuses années, mais que peu de mesures sont prises. Je pense que ces rapports arrivent à point nommé, car je sais, à titre de député à la tête d'un bureau de circonscription, que les niveaux de service à la clientèle et les délais de réponses empirent dramatiquement alors que nous sortons de la pandémie. Il a été difficile de s'adapter à la pandémie quand elle a commencé, mais alors que nous en sortons et qu'un semblant de normalité semble revenir... Je pense aux services avec lesquels mon bureau a affaire: l'Agence du revenu du Canada, Service Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Anciens Combattants, Passeport Canada et NEXUS, pour n'en nommer que quelques-uns. Nous y observons une aggravation considérable de la situation et un manque total de préparation aux tendances et à ce qu'il se passe.
Certaines des observations que j'ai notées à un haut niveau dans vos rapports — que j'apprécie à leur juste valeur — reviennent à dire que les dépenses ne sont pas synonymes de résultat. Je pense que vous y avez fait allusion dans vos conclusions et dans vos observations dans plusieurs de vos rapports. Très souvent, nous demandons au gouvernement d'agir, concernant les arriérés dans le traitement des demandes des anciens combattants, par exemple. Il répond qu'il a dépensé x millions de dollars pour résoudre le problème, mais au bout du compte, le fait est que nous dépensons plus pour obtenir moins. À dire vrai, le résultat obtenu pour les fonds dépensés par habitant ne correspond pas au discours ou à la réponse que nous recevons. Nous ne voyons pas de prise en main, de saine gestion et de véritable innovation au gouvernement. Or, il faut qu'il y en ait dans ce que nous faisons ici.
Sincèrement, je peux faire des présages, madame Hogan, sans porter préjudice à ce que vos employés décideront d'étudier. Prenez l'exemple des cartes NEXUS, qui ont fait les nouvelles dernièrement. Notre bureau s'intéresse à la question. Il n'y a pas de plan ou d'échéancier, alors que 300 000 demandes sont en attente de traitement. C'est le chaos absolu, après trois ans de pandémie, et c'est sans parler du fait qu'il a fallu s'adapter à ce genre de programme pendant la pandémie. Alors que nous revenons à la normale, il n'y a littéralement toujours pas d'orientation, de plan, rien.
Pendant ma première intervention, je veux m'attarder à votre rapport sur Anciens Combattants et le traitement des demandes de prestations d'invalidité des vétérans. Je veux citer un extrait de votre rapport. Vous avez indiqué, dans votre conférence de presse et votre rapport, que vous aviez conclu que le gouvernement n'a pas tenu une promesse faite aux vétérans, selon laquelle il prendrait soin d'eux s'ils étaient blessés en service. C'est là une déclaration percutante, mais juste, et il importe de la faire pour comprendre le contexte.
Il est très frustrant de voir que non seulement les détails du rapport confirment les propos de vétérans et d'électeurs de toutes les régions du pays, mais aussi d'entendre la réponse du et du ministère des Anciens Combattants. Dans un article de CBC News, on peut lire que le ministère, tout en acceptant les critiques et les recommandations, attribue les retards à des augmentations de 40 % du nombre de demandes en général et de 75 % des demandes initiales.
Voici ce qui me hérisse, et j'aimerais avoir votre son de cloche à ce sujet. Quand il prépare et utilise les données et les tendances concernant les demandes à Anciens Combattants, le gouvernement fédéral devrait être capable de faire appel à un autre ministère, comme celui de la Défense nationale, pour savoir combien de Canadiens servent dans l'armée, combien sont blessés, quel est leur âge et quelle est la composition démographique du groupe pour pouvoir se préparer en conséquence et prévoir quand une augmentation de la demande en service se profile à l'horizon.
Pourriez-vous parler brièvement de la capacité du ministère? Cherche‑t‑il à prédire les tendances futures quant aux niveaux de service et aux volumes? Dans le cadre de vos travaux, avez-vous observé quoi que ce soit qui porte à croire qu'il planifie adéquatement la future charge de travail?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie beaucoup les témoins de leur présence, plus particulièrement Mme Hogan.
Madame Hogan, je vous remercie de votre déclaration, qui était sans équivoque, comme l'ont souligné mes collègues précédemment. D'entrée de jeu, vous avez dit sentir plus de frustration que d'optimisme. Cette première phrase est particulièrement importante, parce qu'elle reflète l'état d'esprit de beaucoup de gens, que ce soit au Canada et au Québec, et même ici, au Comité. On se rend compte que, dans beaucoup de cas, le gouvernement n'a pas fait de suivi et, surtout, qu'il n'a pas tenu compte de l'intérêt public. Il démontre un manque de désir ou de volonté de s'améliorer et d'offrir de meilleurs services aux Canadiens.
Je rappelle que votre travail est fondamental pour le bien de notre démocratie. Vous avez dit qu'il était important d'avoir un gouvernement qui prend soin des plus vulnérables, et je pense que mes collègues partagent cette opinion. Or, malheureusement, vos rapports font état de profondes lacunes de la part du gouvernement à ce chapitre.
J'aimerais parler particulièrement du traitement qu'on réserve aux anciens combattants, une question que vous avez déjà abordée.
Lors d'une réunion du Comité permanent des anciens combattants, mon collègue M. Desilets a souligné que l'écart dans le traitement des demandes francophones et des demandes anglophones était abyssal. En d'autres mots, on prend beaucoup plus de temps à traiter les demandes francophones que les demandes anglophones.
Avez-vous déjà fait état de cas de ce genre? Avez-vous remarqué un tel écart?
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins de comparaître aujourd'hui.
Nous avons ici quatre rapports cinglants qui mettent en lumière des problèmes connus des ministères et du gouvernement, comme vous l'avez souligné dans votre allocution. Ils savent que ces problèmes persistent. Je dois dire qu'à maints égards, les personnes victimes de discrimination le savent depuis encore plus longtemps. Les personnes handicapées et les membres des communautés autochtones déplorent ces problèmes depuis des décennies.
Le degré de discrimination systémique est flagrant. C'est dangereux et cela entraîne des décès. Je le sais. Dans ma communauté de la circonscription de Edmonton Griesbach — comme dans toutes les circonscriptions du pays, j'en suis sûr —, des habitants de toutes nos communautés sont touchés par les problèmes systémiques qui persistent dans la fonction publique et qui tuent littéralement des gens.
Je veux vous remercier, madame la vérificatrice générale, d'avoir signalé ce que je qualifierais de processus épouvantable et de manque de responsabilisation dans nos systèmes. Comme vous avez dû signaler ces problèmes à maintes reprises, je peux comprendre votre frustration, éprouvant moi-même un profond niveau de frustration quand j'agis en interaction avec ces systèmes. On peut même simplement observer la salle et savoir qu'une ACS+ est probablement nécessaire pour chaque ministère. Ce qui m'intéresse le plus, c'est de comprendre la situation et comment on peut l'améliorer.
Le fait que ces problèmes persistent et continuent de persister mine notre confiance envers les institutions publiques. Je me demande comment nous pouvons regagner la confiance des membres de la communauté cités dans ces rapports, particulièrement les membres des communautés autochtones et noires et les personnes handicapées. Nous savons — pas seulement grâce à ces rapports, mais aussi en raison des expériences vécues par ces gens — que ces problèmes persistent.
Quand j'ai lu certains de ces rapports, je n'ai pu que penser que nous avons plus que manqué à notre devoir envers ces populations. Notre gouvernement — et les gouvernements qui se sont succédé depuis aussi loin que 2009 — a manqué à son devoir, et cela me brise le cœur de penser que nous aurions pu faire beaucoup plus pendant ce temps‑là. Ces recommandations auraient pu aider les gens de 2009 à aujourd'hui, c'est‑à‑dire pendant longtemps. En définitive, nous parlons ici de la vie des gens et de la manière dont nous pouvons l'améliorer.
Je m'inquiète du fait que, dans le peu de temps que j'ai passé au Parlement, j'ai déjà constaté qu'il y a énormément d'information, mais si peu d'action que cela me rend furieux.
Je ne peux que sympathiser avec vous, madame Hogan, et comprendre que votre rôle est extrêmement difficile, sachant que vous témoignerez devant le Comité, comme vous l'avez fait de nombreuses autres fois au cours des trois dernières années, et qu'on vous servira probablement la même réponse: nous vous entendons. Nous mettrons le rapport sur une tablette. Nous l'examinerons attentivement et le jugerons formidable. Nous attendrons le prochain avec impatience.
C'est fort probablement ce qu'il se produira ici, mais ce n'est pas ce qu'il devrait arriver. Le problème est là. Je mets mes collègues et le gouvernement au défi de réellement prendre au sérieux le message que ces rapports convoient. Je collaborerai avec vous pour améliorer les choses. Nous sommes tous prêts à travailler avec vous à cette fin, mais pourquoi ne s'améliorent-elles pas?
C'est la question que je vous pose, madame Hogan: comment pouvons-nous appliquer certaines de vos recommandations? Les Canadiens ne méritent pas cela. Les personnes handicapées ne devraient pas avoir à se battre pour obtenir les services de base auxquels elles ont droit. Les Autochtones ne devraient pas être incarcérés autant qu'ils le sont par des gens qui ont manifestement appris le vocabulaire de l'ACS+, mais sans agir en conséquence. Je me demande comment nous pouvons changer les choses au sein des établissements, car ces comportements sont presque criminels.
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C'est une réponse à multiples volets. Il y a bien des façons dont le ministère est sujet à un suivi.
Je vais commencer par notre bureau, puis je parlerai des comités ministériels de vérification, ensuite je parlerai justement du comité des comptes publics. Notre bureau va souvent revenir examiner les audits ou les résultats qui, selon nous, étaient si importants qu'ils justifiaient un réexamen. Par exemple, aujourd'hui, vous avez lu des audits qui touchaient à des sujets récurrents.
Nous reconnaissons également que nous ne pouvons pas nécessairement affecter toutes les ressources aux suivis s'il y a tant d'autres aspects des opérations du gouvernement que nous aimerions vérifier. Ainsi, nous avons lancé un nouveau produit qui s'appelle le suivi de la mesure des résultats. C'est unproduit en ligne sur notre site Web. Nous essayons, lentement mais sûrement, d'y ajouter plus de ministères et de résultats, et nous avons l'intention de commencer peu à peu à faire le suivi de mesures précises ou de recommandations précises seulement. Ce serait pour nous un moyen de continuer à exercer une pression.
Les comités ministériels de vérification de tous les ministères et agences doivent, en vertu d'une norme du Conseil du Trésor, faire le suivi de toutes les recommandations qu'ils reçoivent, qu'elles proviennent d'audits internes ou d'audits externes, y compris les nôtres. Par conséquent, leurs comités ministériels de vérification devraient faire un suivi des progrès effectués par la gestion concernant leurs engagements et leurs plans d'action.
Le comité des comptes publics et le comité de l'environnement ont adopté récemment la même motion que vous, à savoir que toute entité qui témoigne doit fournir un plan d'action détaillé en réponse à nos recommandations.
Effectuer le suivi régulier de ces plans d'action est peut-être un autre moyen d'exercer une pression sur les ministères pour qu'ils démontrent s'ils ont ou non pris des mesures, mais je tiens à vous mettre en garde de ce que nous constatons dans ces rapports, à savoir que prendre des mesures ne se traduit pas toujours par des résultats plus positifs pour les Canadiens. Les suivis devraient mettre réellement l'accent sur l'amélioration des résultats et non uniquement sur la modification ou le changement des processus.
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Merci, monsieur le président.
Madame Hogan, je vous remercie d'avoir repris ce que j'ai dit au premier tour sur le contexte où l'on dépense plus pour obtenir moins, le résultat obtenu pour les fonds dépensés, et la prémisse.
Je comprends la frustration ressentie, et nous le voyons constamment dans ces rapports. On ne communique pas les données, les tendances relatives aux données et les renseignements sur les données. Le rapport intitulé Le traitement des prestations d'invalidité pour les vétérans est particulièrement frappant à cet égard. Cela témoigne d'une culture ou d'une mentalité où le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada ne communiquent pas l'information sur ceux qui s'engagent ou qui ont des blessures, ainsi que sur l'âge et les données démographiques qui permettraient de comprendre les tendances à venir.
L'augmentation des demandes ne devrait pas du tout surprendre. Les données devraient être accessibles pour connaître les niveaux de dotation et tous ces renseignements, le nombre de vétérans, le moment de leur départ, soit ce genre de choses. Elles sont complètement laissées de côté et, comme vous y avez fait allusion, on hésite à communiquer l'information. Franchement, c'est presque comme s'il y avait un manque de respect ou de compassion dans les deux ministères lorsqu'il s'agit de communiquer ces renseignements.
Je veux utiliser le temps dont je dispose pour parler du rapport 2 et des demandes de prestations d'invalidité. Il y a une partie qui m'a vraiment dérangé. Je n'irai pas par quatre chemins en posant ma question. Je vais citer le paragraphe 2.35: « [n]ous avons également constaté qu'Anciens Combattants Canada ne calculait pas toujours son rendement par rapport à sa norme de service de façon cohérente et exacte ». On dit ensuite ceci: « [p]our la date de fin, le Ministère utilisait la date à laquelle la décision concernant les prestations avait été prise », mais dans certains cas, on ne tenait pas compte de l'étape d'évaluation et d'autres étapes qui suivent la date de fin pour que le dossier du vétéran — pour revenir à ce que vous disiez — soit clos.
Je vais vous poser une question directe, si vous me le permettez, madame Hogan. Croyez-vous qu'on a manipulé les données ici? Croyez-vous qu'il est contraire à l'éthique que le ministère utilise une « date de fin » alors qu'il sait très bien qu'il ne s'agit pas de la date de fin réelle pour le vétéran qui reçoit le service?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais commencer par réagir au commentaire de mon collègue libéral, qui a dit qu'il est possible d'améliorer les choses. Je pense qu'il y a beaucoup plus de choses à améliorer que ce que son commentaire laisse entendre. Il s'agit, je pense, d'une situation très grave, qui s'est aggravée. C'est vraiment une situation dans laquelle un ensemble de choses doivent être améliorées, et pas seulement un élément. C'est une situation extrême.
Comme vous l'avez mentionné, les plus défavorisés de notre pays sont laissés à eux-mêmes pour faire face à ce genre de violences et d'obstacles. Ce qui doit être au cœur des travaux de ce comité, c'est de montrer avec empressement au gouvernement la mesure dans laquelle il doit y porter attention immédiatement.
Nous ne pouvons pas continuer à pénaliser ces groupes pendant si longtemps. Je ne veux pas avoir à siéger ici pendant une autre décennie et à parler de ce que Mme Hogan a mentionné. Certains de ces problèmes perdurent depuis 2009. C'est tout simplement inacceptable.
Je pense que ce commentaire minimise à bien des égards la gravité de la situation et la réalité des personnes qui sont laissées pour compte.
Ma circonscription compte l'une des plus importantes populations autochtones urbaines. Elle est également en proie à une pauvreté énorme. Les membres de la collectivité de ma ville ont fait un travail extraordinaire pour réaliser ce travail sur le terrain sans l'aide du gouvernement. Ils ont subvenu à leurs besoins et ont fait de leur mieux pour survivre. Ils vendent littéralement des bouteilles et font ce qu'ils peuvent pour se nourrir.
C'est la situation qui fait souffrir les gens de ma collectivité en ce moment. Si les membres de la collectivité ne s'entraidaient pas, il n'y aurait pas de collectivité là d'où je viens. C'est vraiment grâce à l'entraide qu'elle existe.
Votre rapport indique très clairement que les activités de sensibilisation menées par EDSC auprès des collectivités autochtones étaient inadéquates. Il s'agissait en grande partie de collectivités rurales. Je voudrais simplement vous demander, étant donné qu'une majorité d'Autochtones vivent maintenant dans des centres urbains, comment ils sont consultés et j'aimerais savoir si vous vous êtes penchés sur la situation de ces populations.
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Merci, monsieur le président.
Encore une fois, je tiens à remercier les témoins de leur présence.
Je sais que c'est notre dernier tour. Nous n'avons pas souvent le plaisir de vous voir tous, alors je suis très heureux que vous soyez présents aujourd'hui pour ce que je considère comme un travail important. Je pense que le thème, si nous pouvions le résumer d'une manière ou d'une autre, monsieur le président, est celui des obstacles systémiques manifestes qui continuent de nuire à notre fonction publique et de causer un préjudice irréparable aux Canadiens de tout le pays, en particulier aux plus vulnérables.
Au nom des gens qui nous regardent, bien sûr, et de tous ceux qui vivent cette situation, je dirais qu'il est tout à fait justifié que vos rapports comportent des recommandations qui demandent au gouvernement de faire mieux dans tout un éventail de régions. Mon seul espoir, et le défi que j'y vois, à bien des égards, c'est que nous y parvenions vraiment.
Dans mes interventions précédentes, j'ai dit croire que les rapports seront très probablement placés sur une tablette quelque part, mais j'espère qu'on me prouvera que j'ai tort. C'est la réalité. C'est juste la vérité sur la façon dont ces rapports ont été traités dans le passé. Je ne veux pas que cela se produise.
Je crois que votre bureau et votre institution jouent un rôle d'une extrême importance dans notre pays, et lorsque nous ne tenons pas compte des conseils de votre bureau, qui sont libres de toute partisanerie... Il est important que nous écoutions tous et que nous prenions au sérieux ces recommandations, en évitant de nous justifier par d'autres points de données comme les trois cents — sauf le respect que je dois à Mme Shanahan. C'est important, bien sûr, mais la réalité nous montre que cela ne fonctionne pas. Ce n'est pas suffisant. Il nous faut des points de données plus solides. Il nous faut un suivi et une responsabilisation. C'est ce qui est important pour moi.
Je vous remercie sincèrement de votre présence. Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je voulais vous dire que s'il y a d'autres commentaires que vous ou l'un de vos collègues voulez faire, je vous cède mon temps de parole à cette fin.