:
Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 41e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
Conformément à l'article 108(3)g) du Règlement, le Comité se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude sur le « Rapport 5 — L’itinérance chronique » des Rapports 5 à 8 de la vérificatrice générale du Canada, renvoyés au Comité le 15 novembre 2022.
Tous les témoins ont réussi leur test de son et de connexion Internet.
[Traduction]
Je vais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Du Bureau du vérificateur général, nous accueillons Karen Hogan, vérificatrice générale du Canada. Je suis heureux de la revoir. Elle est accompagnée de Casey Thomas, vérificateur général adjoint, et de Sean MacLennan, directeur.
De la Société canadienne d’hypothèques et de logement, nous accueillons Romy Bowers, présidente et première dirigeante, et Nadine Leblanc, première vice-présidente, Politiques.
Nous recevons aussi Jean-François Tremblay, sous-ministre, et Nisa Tummon, sous-ministre adjointe, Direction générale des Opérations des programmes, d’Emploi et Développement social Canada.
D'Infrastructure Canada, nous accueillons Kelly Gillis, sous-ministre; Janet Goulding, sous-ministre adjointe, Direction générale des politiques et des programmes destinés aux collectivités, et Kris Johnson, directeur général, Direction des politiques en matière d'itinérance.
Avant que nous ne commencions, le greffier m’informe que nous avons jusqu’à 17 h 45, dernier carat. Je vais m’efforcer de permettre le plus de tours possible. Si nous terminons la série de questions plus tôt, nous pourrons bien sûr lever la séance alors, mais nous devrons absolument nous arrêter à 17 h 45.
Je demande à tous nos témoins et invités d’aujourd’hui de nous excuser pour ce démarrage en retard. Malheureusement, les votes à la Chambre des communes ont retenu les députés un peu plus longtemps que prévu.
Madame Hogan, je vous cède la parole pour cinq minutes.
:
Monsieur le président, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de notre rapport sur l'itinérance chronique, qui a été déposé au Parlement le 15 novembre dernier. Je tiens à reconnaître que cette audience se déroule sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.
Je suis accompagnée aujourd'hui de Sean MacLennan, qui a dirigé cet audit.
L'audit a examiné si Emploi et Développement social Canada et Infrastructure Canada avaient collaboré en vue de prévenir et de réduire l'itinérance chronique. Nous cherchions aussi à savoir si la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, avait offert des programmes qui ont permis d'améliorer les conditions de logement des Canadiennes et des Canadiens vulnérables, y compris les personnes en situation d'itinérance chronique.
Nous avons constaté que les organisations ne savaient pas si les efforts déployés à ce jour avaient amélioré les conditions de logement des Canadiennes et des Canadiens vulnérables. Infrastructure Canada n'avait pas toutes les informations nécessaires pour savoir si l'itinérance et l'itinérance chronique avaient augmenté ou diminué depuis 2019. Dans les cas où le ministère avait des données, par exemple sur la fréquentation accrue des refuges qui servaient les familles depuis 2016, il n'avait pas analysé la raison de cette fréquentation accrue ni la nécessité d'ajuster ses programmes.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement ne savait pas si ses initiatives de logement profitaient aux personnes qui en avaient le plus besoin. La Société mesurait les résultats, comme le nombre total de logements bâtis, et en rendait compte, mais elle ne savait pas combien de personnes étaient logées ou quels groupes vulnérables bénéficiaient de ses initiatives. Par exemple, elle ne savait pas si les logements destinés aux personnes en situation de handicap étaient en fait occupés par ces personnes. De plus, certains logements locatifs que la Société considérait comme abordables étaient souvent inabordables pour les ménages à faible revenu et les groupes vulnérables.
[Traduction]
Je m’inquiète tout particulièrement du manque d’imputabilité à l’échelon fédéral en ce qui concerne l’atteinte de la cible canadienne visant à réduire de moitié l’itinérance chronique d’ici 2028. La Stratégie nationale sur le logement a été lancée il y a cinq ans, en 2017, mais aucune organisation n’a encore assumé la responsabilité d’atteindre cette cible.
Bien qu’elle dirige la Stratégie nationale sur le logement et qu’elle surveille la plus grande partie de son financement, la Société canadienne d’hypothèques et de logement a fait valoir qu’elle n’était pas directement responsable de la lutte contre l’itinérance chronique. Infrastructure Canada était également de l’avis que, bien qu’il ait contribué à réduire l’itinérance chronique, il n’était pas le seul responsable de l’atteinte de la cible de la Stratégie visant à réduire l’itinérance chronique.
Infrastructure Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement ne coordonnaient pas leurs efforts pour atteindre les cibles de la Stratégie nationale sur le logement et veiller à ce que les personnes et les familles aient un endroit où se loger. Cela même si les organisations ont reconnu que la collaboration et la coordination au sein et en dehors du gouvernement fédéral étaient essentielles pour combler les besoins en matière de logement des groupes vulnérables prioritaires.
Sans une meilleure harmonisation de leurs efforts à l’échelle fédérale, il est peu probable qu’Infrastructure Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement atteignent la cible du pays visant à réduire de moitié l’itinérance chronique d’ici 2028.
Monsieur le Président, je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Merci.
:
Bonjour, monsieur le président.
Je tiens à remercier ce comité de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
[Français]
Chaque nuit, des dizaines de milliers de personnes au Canada se retrouvent sans abri. C'est une question complexe qui nécessite une approche collaborative, une approche qui tient compte de nombreux facteurs qui peuvent conduire une personne à cet état. Il peut s'agir de facteurs purement économiques, mais ils sont souvent également liés à des problèmes de santé et de dépendance. Lorsque nous parlons de personnes rendues vulnérables à l'itinérance, c'est de cela que nous parlons. Cela met en évidence l'ampleur de la réponse que nous devons apporter.
La SCHL dirige la Stratégie nationale sur le logement du Canada, ou la SNL, qui comprend le programme Vers un chez-soi: la stratégie canadienne de lutte contre l'itinérance, dirigé par Infrastructure Canada.
[Traduction]
La SCHL offre également des programmes dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement qui répondent aux besoins en logement des populations vulnérables, y compris de celles qui vivent dans une situation d’itinérance ou risquent de se retrouver sans abri. Ces programmes donnent de vrais résultats.
Par exemple, l’Initiative pour la création rapide de logements cible spécifiquement ceux qui en ont le plus besoin grâce à la création rapide d'unités de logement. Plus de 2 500 logements pour les personnes en situation ou à risque d'itinérance sont actuellement construits ou en cours de construction grâce aux fonds de cette initiative.
Et le Fonds national de co-investissement pour le logement du gouvernement fédéral soutient la création et la rénovation de logements abordables. Parmi ses autres réalisations, il a produit plus de 3 700 lits de refuge, 3 500 logements supervisés et 1 600 lits de logement de transition jusqu'à présent.
La lutte contre l'itinérance chronique est un problème à multiples facettes qui nécessite un soutien à tous les niveaux de gouvernement. La SCHL et Infrastructure Canada reconnaissent que la réduction de l'itinérance, y compris l'itinérance chronique, exige une responsabilisation claire, l'harmonisation des initiatives fédérales et un soutien et des efforts intergouvernementaux.
Par conséquent, nous sommes prêts à donner suite plus étroitement aux recommandations des travaux de vérification à l'appui de cet objectif. Cela comprend la définition et l'analyse plus poussées des besoins en logement des populations vulnérables et la mesure de la manière dont nos programmes répondent à ces besoins.
Je crois qu'il est important de saisir cette occasion pour souligner que la SCHL suit des principes de gouvernance et de comptabilité rigoureux et stricts dans l'exécution de son mandat. La SCHL sait quels groupes de population sont visés à l’étape de la demande et a mis en place un processus pour s'assurer que les unités demeurent ciblées sur ces ménages. Nous continuerons d'offrir aux Canadiens des rapports opportuns, clairs et transparents qui suivent les dépenses et identifient les bénéficiaires.
Nous avons déjà créé un site Web dédié à la Stratégie nationale sur le logement qui comprend une section régulièrement mise à jour sur les progrès accomplis. Ces données sont toutefois limitées par le fait que ces programmes sont en cours et que les projets de construction prennent du temps à être achevés.
Nous travaillons sur des stratégies, y compris un projet en partenariat avec Statistique Canada, pour accéder à des données administratives plus complètes sur les personnes hébergées dans les unités de la SNL. Ce faisant, nous examinons attentivement les implications sur la vie privée de la collecte de données sur les populations vulnérables.
Nous cherchons toujours des moyens d'améliorer nos rapports, tout comme nous accueillons toutes les idées qui peuvent aider à résoudre le problème de l'itinérance chronique au Canada. Et nous croyons que les recommandations contenues dans ce rapport d'audit peuvent nous aider à faire les deux.
Je suis réconforté de voir que les recommandations de l'audit renforcent notre engagement à une collaboration étroite et à une approche du logement fondée sur les droits de la personne. Ce sont là des piliers centraux de l'approche de la SCHL pour répondre aux besoins en matière de logement.
En conclusion, je tiens à remercier le Bureau de la Vérificatrice générale pour ce rapport. Nous sommes d'accord avec ses recommandations et apprécions leurs conseils.
Merci pour votre temps. Je serais heureuse de répondre à toutes vos questions.
Merci beaucoup, monsieur le président.
:
Monsieur le président, je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Je tiens à préciser que je m'exprime depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine.
Je tiens à remercier la vérificatrice générale et son équipe d'avoir attiré l'attention sur l'important problème de l'itinérance chronique au Canada.
[Traduction]
Je suis accompagné de Nisa Tummon, sous-ministre adjointe à la Direction générale des Opérations des programmes de Service Canada.
Comme vous le savez, l’itinérance chronique est un problème urgent. Vers un chez-soi est un programme de 3,4 milliards de dollars sur neuf ans, dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Il appuie l’engagement du Canada à réduire l’itinérance chronique de moitié d’ici la fin de l’exercice 2027-2028.
[Français]
À l'automne 2021, le programme Vers un chez-soi, qui relevait alors d'Emploi et Développement social Canada, ou EDSC, a été transféré à Infrastructure Canada à la suite de la création du nouveau poste de ministre du Logement et de la Diversité et de l'Inclusion.
Même si la responsabilité du programme Vers un chez-soi a été transférée à Infrastructure Canada, Service Canada continue d'offrir une partie du programme pour le compte de ce ministère. Cette décision a été prise pour assurer la continuité des services offerts aux collectivités et a été inscrite dans un protocole d'entente conclu par les deux ministères.
[Traduction]
EDSC, ou Service Canada, a conclu des ententes semblables portant sur la prestation de programmes au nom d’autres ministères. Cela signifie que nous travaillons encore un peu avec les bénéficiaires de financement pour veiller à ce qu’ils fournissent les renseignements requis décrits dans leurs accords de contribution.
[Français]
Je vous remercie beaucoup de votre écoute.
Je serai ravi de répondre à vos questions, entre autres, sur le rôle de Service Canada dans la prestation des services associés au programme Vers un chez-soi.
:
Je remercie le Bureau du vérificateur général pour son audit de performance sur l’itinérance chronique au Canada. Le rapport soulève plusieurs observations importantes concernant notre réponse à l’itinérance chronique, et j’en accepte les recommandations.
L’itinérance est un problème important et complexe au Canada et, pour y remédier, nous avons besoin de meilleures données et d’une coordination accrue. Le programme Vers un chez-soi, lancé en 2019, est le résultat de plusieurs années de recherches et de collaboration avec tous les ordres de gouvernement et le secteur des services à l'itinérance qui ont signalé la nécessité d'adopter une nouvelle approche axée sur la transparence et la coordination, ainsi que sur un processus décisionnel fondé sur des données probantes, les décisions devant être prises par les intervenants locaux en fonction de leur situation particulière.
Cette approche a nécessité des transformations en profondeur et la mise en œuvre, par les collectivités, d’une pratique exemplaire internationale, un « accès coordonné » exigeant, entre autres, de dresser une liste en temps réel de toutes les personnes qui vivent en situation d’itinérance et de recenser en détail leurs besoins de logement et de services. Pour que les collectivités réussissent à mettre en œuvre cet important changement, il était nécessaire de pouvoir compter sur de nouveaux outils ainsi que sur de nouvelles pratiques et orientations, et sur des systèmes modernisés. Nous savions que, pour rendre possible l’adoption de cette approche fondée sur les données, le secteur des services en itinérance devait transformer radicalement sa façon de fonctionner.
Alors que nous progressions bien dans l'aide apportée à nos partenaires communautaires pour qu'ils s’adaptent à leur nouvelle façon de travailler, la pandémie a frappé en mars 2020, soit moins d’un an après le lancement de notre programme. Au cours de la première année de pandémie, d’importants changements ont touché les services de refuge, les collectivités ayant réduit la capacité des refuges existants pour permettre le respect de la distanciation physique, tout en mettant en service de nouvelles installations temporaires pour contrebalancer la perte de places. En 2020, on a globalement enregistré une diminution de 16 % du nombre de personnes qui accèdent à des refuges, tandis que le nombre d’usagers de refuges se trouvant en situation d’itinérance chronique s’est maintenu à environ 32 000. Depuis, les collectivités ont signalé une augmentation de 79 % du nombre de personnes qui dorment dans la rue, notamment dans des campements.
[Français]
Naturellement, ce changement de priorités a entraîné des retards dans la mise en place d'un accès coordonné et de nouveaux systèmes à l'appui de la communication des résultats.
[Traduction]
Au cours des trois premières années du programme, plus de la moitié des fonds de 1,36 milliard de dollars fournis — 708,6 millions de dollars pour être exact — ont servi à aider les collectivités à répondre aux besoins liés à la pandémie. Les collectivités ont utilisé ces fonds notamment pour offrir des services médicaux et pour recruter des infirmiers et infirmières afin de vacciner les gens dans les refuges et les logements temporaires — comme dans des motels — et pour acquérir de l’équipement de protection individuelle. Le financement a également aidé à fournir des services de base, comme des toilettes portatives et des postes de lavage des mains, de manière à remplacer ce qui n’était plus accessible pendant les périodes de confinement.
Même si elles ont dû complétement adapter leurs services en réaction à la pandémie de COVID-19, les collectivités n’ont pas cessé d’offrir des services de prévention et de réduction de l’itinérance à long terme. En effet, entre avril 2019 et mars 2021, Vers un chez-soi a amélioré la situation de plus de 62 000 personnes qui ont pu éviter l’itinérance, et de près de 32 000 autres en situation d'itinérance qui ont reçu de l’aide pour trouver un logement.
Le programme a également permis de s’attaquer à quelques-unes des causes fondamentales de l’itinérance en orientant près de 19 000 personnes vers des prestations d’aide au revenu, plus de 7 000 personnes vers de nouveaux emplois rémunérés, plus de 4 000 personnes vers des programmes de formation et plus de 4 000 personnes vers des programmes d’éducation.
Vers un chez-soi a amélioré la situation de chaque personne ayant accès à l’un des 18 000 logements temporaires qui ont été créés quand les refuges ont dû réduire leur capacité pour assurer la distanciation physique. En fait, il y a eu plus de 137 000 placements dans ces types de logement entre mars 2020 et mars 2021.
En ce qui concerne l’exécution du programme, en date du 25 novembre 2022, 33 collectivités sur 60 ont mis en place un système d’accès coordonné, et nous travaillons avec les 27 autres collectivités pour qu’elles respectent cette exigence du programme d’ici au 31 mars 2023.
[Français]
Depuis 2019, l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance a signalé que huit collectivités du programme Vers un chez-soi ont réalisé des réductions mesurables et vérifiées de l'itinérance chronique. Voici les faits saillants à ce sujet:
[Traduction]
Medicine Hat, en Alberta, a atteint le zéro fonctionnel de l’itinérance chronique; le comté de Guelph-Wellington, en Ontario, a maintenu une réduction de l’itinérance chronique se situant entre 10 et 30 % depuis 2019; Ottawa, en Ontario, a réduit l’itinérance chronique de 15 %; Sault Ste. Marie, en Ontario, a réduit l’itinérance chronique de 31 %; le comté de Dufferin, en Ontario, devrait atteindre le zéro fonctionnel de l’itinérance chronique sous peu, alors qu’il a déjà enregistré une réduction atteignant jusqu’à 74 % depuis 2019.
Le maintien du zéro fonctionnel nécessite des efforts constants. Sachant que certaines collectivités ont encore des mesures à prendre, l’été dernier, nous avons diffusé des directives supplémentaires liées à la mise en place d’un système d’accès coordonné. L’objectif était de préciser les exigences du programme et de renforcer la capacité des collectivités à déterminer où elles doivent concentrer leurs efforts.
Pour l’avenir, le gouvernement a doublé le financement de Vers un chez-soi pour continuer d’aider ces collectivités à réduire l’itinérance chronique. Nous savons toutefois que d’autres ressources sont nécessaires. C’est pourquoi, dans le budget de 2022, le gouvernement a annoncé un projet de recherche qui permettra de comprendre ce qui fonctionne dans certaines collectivités et de transmettre les leçons retenues aux autres collectivités. De plus, un programme de lutte à l’itinérance chez les vétérans, qui sera bientôt lancé, visera à répondre aux besoins particuliers de nos vétérans.
Le rapport d’audit indique à juste titre que les plus récentes données fédérales disponibles sur les refuges d’urgence datent de 2019. Pour continuer d’avoir une évaluation précise de l’utilisation des refuges à l’échelle nationale, le ministère a dû adapter sa méthode, compte tenu de la création de locaux d’hébergement temporaire en réponse à la pandémie de COVID-19. Cela a été fait, et les estimations sur l’utilisation des refuges à l’échelle nationale pour 2020 devraient être publiées d’ici à la fin de la présente année civile. Les estimations pour 2021 et 2022 devraient être diffusées en 2023.
Enfin, j’aimerais aborder les constatations relatives à l’obligation de rendre des comptes. J’accepte notre rôle en tant que chef de file des efforts du Canada dans la lutte contre l’itinérance chronique. L’itinérance chronique est un problème complexe qui nécessite la participation active de tous les ordres de gouvernement, des organismes à but non lucratif et de la société civile.
Comme l’indique cet audit, l’un de nos partenaires clés dans ce travail est la Société canadienne d’hypothèques et de logement, qui compte plusieurs mécanismes pour répondre aux besoins en logement au Canada sous l’égide de sa Stratégie nationale sur le logement. Pour cette raison, nous travaillons à créer une stratégie visant à faire en sorte que les bénéficiaires de Vers un chez-soi connaissent ces possibilités de financement qui pourraient appuyer leurs efforts dans la lutte contre l’itinérance.
Au sein du ministère, nous mettons également en œuvre des mécanismes officiels pour améliorer la collaboration entre les responsables, ce qui, nous en sommes convaincus, se traduira par une meilleure harmonisation des efforts, y compris au sein de l’ensemble du portefeuille d’infrastructure.
[Français]
Nous sommes déterminés à poursuivre notre travail avec les autres ministères, les autres gouvernements et le secteur des organismes sans but lucratif pour aider les Canadiens les plus vulnérables dans tout le pays.
[Traduction]
Je me ferai un plaisir d’expliquer davantage le travail du ministère et notre engagement envers les Canadiens et de répondre à vos questions.
[Français]
Je vous remercie.
Certains députés auront remarqué que j'ai accordé une minute de plus à Mme Gillis. Nous restons quand même largement en-deçà de la limite prévue, car un ou deux des témoins n'ont pas utilisé tout leur temps.
Je tiens à rappeler aux députés que nous accueillons un bon nombre de témoins. Lorsque vous leur poserez des questions, veuillez indiquer clairement à qui vous vous adressez afin que je n'aie pas à intervenir pour tirer les choses au clair. Les échanges seront ainsi plus fluides.
De plus, je rappelle aux députés qu'au cours des dernières séances, je leur ai permis de dépasser le temps qui leur était alloué, car les comptes publics étaient à l'étude. Je vais revenir à mon usage habituel du chronomètre. Si un témoin est en train de répondre à une question et que le temps est écoulé, je vais le laisser terminer dans les limites du raisonnable, mais dès que vous interromprez le témoin, je mettrai fin à votre temps de parole. Vous devriez aussi regarder l'heure, parce que je n'aime pas interrompre les témoins [Difficultés techniques].
M. McCauley entamera le premier tour.
Vous avez la parole. Six minutes.
:
Fort bien. Merci beaucoup de la question.
À Infrastructure Canada, nous dirigeons le programme Vers un chez-soi. C'est un programme transformationnel par lequel nous essayons de connaître par leur nom ceux qui, dans les collectivités, sont des sans-abri et de comprendre leurs besoins. Pour répondre à ces besoins, il faut travailler avec tous les ordres de gouvernement, c'est-à-dire les collectivités et les soutiens qui s'y trouvent, les services de soutien provinciaux ou territoriaux, sans oublier ce que nous, la SCHL, et divers ministères pouvons apporter.
Pour s'attaquer à des problèmes complexes — qu'il s'agisse de racisme multigénérationnel, de colonialisme, de santé mentale ou de toxicomanie... Ce sont là quelques-uns des problèmes auxquels nous nous attaquons dans la lutte contre l'itinérance chronique. Ces services de soutien sont essentiels et sont souvent fournis par les administrations locales ou les gouvernements provinciaux ou territoriaux.
Cette harmonisation du travail est vraiment importante, et le programme Vers un chez-soi est le moyen de transformation qui permettra d'appuyer les entités locales qui offrent cette aide et qui travaillent avec la collectivité pour la fournir.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de leur présence.
Une grave crise du logement sévit au Canada, il est donc très important d'en discuter aujourd'hui. Je vais poser mes questions à Mme Bowers.
Hier, vous avez publié un communiqué disant que les besoins en matière de logements au Canada, d'ici 2030, se chiffraient à 3,5 millions, qu'il s'agisse de logements privés ou sociaux. Ce sont vos propres chiffres, ceux de la SCHL, et la Banque Scotia nous donnait le même chiffre dans une étude publiée il y a quelques mois.
J'ai discuté avec un économiste de la SCHL, lors d'un forum à Laval, il y a quelques semaines. Il disait que, au Québec seulement, on avait besoin de 1,1 million de logements. Cela correspond à peu près au chiffre que vous avez publié hier. Selon lui, si on ne se fie qu'au marché privé, il va s'en construire 500 000. Il y a donc un manque de 600 000 logements et, si on veut régler les problèmes d'abordabilité et d'accessibilité, il va falloir que le gouvernement intervienne quelque part dans le processus pour construire ces 600 000 logements. En ce moment, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'y arrive pas.
Il y a quelques mois, la défenseure fédérale du logement disait dans un rapport que, depuis cinq ans, la Stratégie nationale sur le logement avait permis de construire 35 000 logements et d'en rénover 60 000, pour un total de 100 000 logements de plus. Or, au Québec seulement, on a besoin de 600 000 logements, en ce moment.
Quand on parle d'itinérance, au bout du processus, le but ultime est de loger les gens. Cela a donc un lien avec la Stratégie nationale sur le logement, qui ne fonctionne pas. Nous figurons parmi les pires pays du G7 pour ce qui est du nombre moyen d'habitations par tranche de 1 000 habitants. Je crois que le chiffre est 424. Cinq ans après la mise en œuvre de la Stratégie nationale et énormément de dépenses, on n'y arrive pas. Il y a également un manque de reddition de comptes.
Je vais vous poser une question précise, madame Bowers. Au Québec seulement, le marché va s'occuper de construire 500 000 logements, alors qu'il nous en faut 1,1 million. Quel est le plan pour construire ces 600 000 logements?
:
Merci beaucoup de la question, monsieur le président.
Une précision: lorsque je parle de la crise du logement au Canada, j'aime distinguer deux éléments. Environ 95 % des logements au Canada sont construits par le secteur privé. Moins de 5 % sont des logements communautaires ou sociaux. La nature de la crise est différente.
Sur le marché des logements du secteur privé, il y a un écart entre la demande et l'offre. L'offre vient des acteurs du secteur privé. Dans le budget de 2022, le gouvernement a présenté un programme appelé le Fonds pour accélérer la construction de logements. Il s'agit d'un programme visant à éliminer les obstacles à l'échelle locale qui empêchent l'offre de réagir lorsque la demande augmente. Il est en cours d'élaboration. Nous croyons qu'il offre d'énormes possibilités de collaboration avec des intervenants locaux afin d'éliminer les obstacles à la création d'une offre de logements. Voilà pour une partie de la crise.
La deuxième partie concerne le secteur du logement social ou communautaire. Nous avons environ 650 000 logements sociaux au Canada. C'est 4 % du parc. C'est un pourcentage minime par rapport au total. C'est l'un des pourcentages les plus faibles parmi les pays du G7.
Dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, le gouvernement a fait des investissements sans précédent dans le logement. Il obtient des résultats. Je peux vous fournir de nombreux renseignements. L'objectif de la stratégie, telle qu'elle est actuellement financée, est de créer 160 000 nouveaux logements financés par le gouvernement fédéral. Cinq ans plus tard, nous avons atteint un taux de réalisation d'environ 62 %. La SCHL a pris des engagements pour environ 115 000 logements. Il faut faire plus, et nous sommes absolument déterminés à utiliser les fonds dont nous disposons. La SCHL élabore également de nouveaux programmes pour garantir des logements à ceux qui en ont besoin.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins et la vérificatrice générale de leur présence et de la production de ce rapport très important. Il ne fait aucun doute que l'itinérance et les problèmes de logement sont des préoccupations majeures partout au Canada, non seulement pour les parlementaires, mais aussi pour ceux dont c'est le lot au quotidien.
Malheureusement, je représente l'une des populations les plus mal logées au Canada, celle d'Edmonton, en Alberta. C'est une urgence, et ce, depuis plusieurs années. Lorsque je dis « urgence », je veux vraiment mettre les choses en contexte. Les décisions ont des conséquences et l'inaction aussi. À Edmonton, en 2021, il y a eu plus de décès qu'au cours des deux années précédentes réunies. L'Edmonton Coalition on Housing and Homelessness a fait savoir que 222 personnes avaient perdu la vie à Edmonton l'an dernier. C'est là une augmentation énorme par rapport aux années précédentes.
On trouve la même chose parmi les renseignements fournis dans le rapport. La pièce 5.4 montre que l'itinérance chronique était 11,3 % plus élevée en 2019 qu'en 2016. Ce que nous voyons très clairement à Edmonton, nous le voyons partout au Canada: une augmentation du nombre de personnes qui s'identifient comme sans-abri dans une foule de villes et d'un océan à l'autre.
Je ne me souviens plus quel fonctionnaire l'a dit, mais cela figure aussi dans le rapport. L'objectif était une diminution de 31 % d'ici 2023-2024 et une diminution de 50 % de la demande d'ici 2027-2028. Pour avoir une chance d'atteindre cet objectif, l'itinérance chronique devrait diminuer de 38 % entre 2020 et 2024, et de 55 % d'ici 2027-2028. Ce sera une tâche gigantesque, à mon avis, car nous avons un énorme retard à rattraper si nous voulons atteindre ces cibles.
Dans ma collectivité, il n'est pas nécessaire de chercher bien loin. J'invite les députés à venir voir le secteur Boyle Street and McCauley, à venir sur l'avenue Alberta et constater l'augmentation spectaculaire de l'itinérance chez nous, à Edmonton.
Il est possible que les programmes ne fonctionnent. Nous sommes là pour essayer de comprendre. Je suis très heureux que la vérificatrice générale ait déposé un rapport qui nous donnera l'occasion de parler de la reddition de comptes. Nous faisons face non seulement à une crise du logement, mais aussi à une crise de la reddition de comptes. Nous devons comprendre comment ces systèmes fonctionnent. Les Canadiens ont le droit de savoir comment ces investissements se réalisent et de voir si les cibles sont atteintes.
J'ai été profondément déçu d'apprendre, à la lecture du rapport, que nous n'avons pas d'information ciblée sur les populations vulnérables auxquelles on s'adresse. Si nous voulons vraiment avoir un programme axé sur les résultats, qui porte sur l'itinérance et tente d'y remédier, il faut tenir compte de ces facteurs critiques. On ne peut pas simplement parler du nombre d'unités. Il faut savoir qui se trouve dans ces logements. C'est là un élément central du rapport de la vérificatrice générale et du travail du Comité, qui doit imposer un régime de responsabilité et comprendre pourquoi nous avons une stratégie nationale du logement qui n'a pas pour objectif de veiller à ce que les personnes vulnérables soient effectivement placées dans des logements.
C'est étrange. Nous parlons davantage des logements que de ceux à qui ils sont destinés. Il est extrêmement important que nous parlions des programmes et des résultats que nous attendons et que les Canadiens attendent.
Ma question s'adresse à la SCHL, à Infrastructure Canada et à Emploi et Développement social Canada. Qui, en fin de compte, est responsable de l'atteinte des cibles de la Stratégie nationale sur le logement?
Je tiens d'abord à dire que la vérificatrice générale a souligné très clairement que les trois entités en cause n'ont pas su interagir les unes avec les autres de manière à obtenir les meilleurs résultats.
La SCHL d'abord: qui est responsable de la mise en œuvre de la Stratégie nationale sur le logement?
:
Certainement. À l'heure actuelle, le 25 novembre, environ la moitié des collectivités que nous finançons — une soixantaine dans l'ensemble du Canada — ont mis en place le programme. C'est ce que nous appelons un « accès coordonné ».
Il s'agit d'une pratique exemplaire au plan international: un système d'information dans lequel tous les secteurs de services utilisent la même information pour savoir qui sont les sans-abri dans leur collectivité et quels sont leurs besoins en matière de logement et de soutien. Cela peut se faire d'une façon très efficiente et efficace. Les acteurs d'une collectivité peuvent coordonner les efforts pour fournir les bons services à une personne donnée. La moitié de nos collectivités, d'un bout à l'autre du Canada, ont maintenant mis en œuvre ce... C'est toute une transition et un changement transformationnel dans le fonctionnement des secteurs sans but lucratif et des services aux sans-abri. Nous leur fournissons gratuitement un système d'information pour les aider.
Nous avons également travaillé avec l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance afin de l'aider à fournir une assistance technique pour cette transition. Maintenant, nous constatons, dans certaines collectivités — à Medicine Hat, en Alberta, par exemple, ou même à Ottawa — un recul de l'itinérance chronique, parce qu'elles ont mis en place un accès coordonné.
Cela dit, nous savons qu'il faut en faire plus. C'est pourquoi, dans le budget de 2022, on nous a accordé un peu plus de fonds pour travailler avec les collectivités de tout le pays, afin de comprendre ce qui fonctionne, ce que nous avons appris de la mise en œuvre de l'accès coordonné et ce que nous devons faire de plus. Cela s'ajoute au doublement du financement de Vers un chez-soi jusqu'à la fin de 2025-2026, afin que nous puissions offrir plus de soutien aux collectivités dans la mise en œuvre de cette importante transformation.
:
Je vais essayer d'être bref.
Madame Bowers, vous savez sans doute que beaucoup de projets de logements au Québec financés par l'Initiative pour la création rapide de logements, ou l'ICRL, sont incapables de voir le jour, en ce moment, à cause de la pénurie de main-d'œuvre et de l'augmentation des coûts de la main-d'œuvre. C'est un dossier très important.
J'ai eu l'occasion d'en discuter avec le , qui m'a dit qu'il y avait beaucoup de cas semblables partout au Canada.
Y a-t-il des représentations qui ont été faites auprès du gouvernement pour qu'on puisse financer ces projets adéquatement?
On parle de bons projets qui ont déjà été acceptés, notamment dans le cas des projets de l'ICRL, qui ont pour but d'aider les personnes les plus vulnérables.
Cela a-t-il été porté à votre attention? Le gouvernement envisage-t-il d'investir pour financer ces projets afin qu'ils puissent voir le jour?
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Merci, monsieur le président.
La lecture des résultats de cet audit m'a rappelé un épisode de l'une de mes émissions de télévision préférées, « Yes Minister ». Dans cet épisode, il y a un hôpital qui est vide depuis des mois, mais où travaille néanmoins du personnel administratif, et les fonctionnaires assurent le ministre que c'est l'un des hôpitaux les plus hygiéniques de Grande-Bretagne.
Sérieusement, la situation est vraiment horrible.
Dans l'audit, on peut lire ceci:
En tant que responsable de Vers un chez-soi, programme offert dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, Infrastructure Canada a dépensé environ 1,36 milliard de dollars entre 2019 et 2021 — soit environ 40 % du financement total affecté au programme — pour prévenir et réduire l’itinérance. Cependant, le Ministère ne savait pas si cet investissement avait entraîné une augmentation ou une diminution de l’itinérance chronique et de l’itinérance depuis 2019.
Essentiellement, ce que la vérificatrice générale a conclu, c'est que le gouvernement, même s'il a dépensé des milliards de dollars pour lutter contre l'itinérance, est incapable de mesurer et de suivre ce fléau. Dans bien des cas, il ne peut pas faire de suivi global, et il ne peut certainement pas évaluer efficacement l'incidence des mesures qu'il met en œuvre, c'est-à-dire si l'argent qu'il dépense fait vraiment une différence ou non, et comment la situation globale évolue.
J'en conclus que le gouvernement n'a pas de véritable stratégie nationale sur le logement. Un document porte ce nom et comporte des objectifs ambitieux, mais il n'y a pas de mesure significative des progrès réalisés vers l'atteinte de ces objectifs, ce qui fait que le terme « stratégie » n'est pas approprié. Je pense qu'il est important que le Comité entende le ministre à un moment donné pour qu'il explique ces prétentions honteuses.
J'aimerais cependant poser une question à nos fonctionnaires. Selon moi, il n'aurait pas dû être nécessaire que la vérificatrice générale soulève cela. Je pose la question aux ministres et aux fonctionnaires qui ont travaillé à la Stratégie nationale sur le logement pendant un certain nombre d'années et qui ont probablement remarqué qu'il y avait un manque de mesures ou de points de repère, pourquoi a-t-il fallu que la vérificatrice générale vous le signale pour que vous constatiez qu'il y avait peut-être quelque chose qui clochait?
J'aimerais entendre les représentants de tous les ministères. Nous allons commencer par Mme Gillis, d'Infrastructure Canada.
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Je vous remercie de votre question.
L'objectif du programme Vers un chez-soi n'est pas de construire des logements. Il vise plutôt à donner des fonds aux communautés pour qu'elles offrent des services aux personnes ayant besoin d'aide pour trouver un logement ou un soutien financier temporaire au logement.
Ce programme pourrait aussi aider les communautés à concevoir des programmes éducationnels. Il ne vise pas à construire des bâtiments, mais à offrir des services.
[Traduction]
Ces services sont adaptés aux besoins des personnes et sont parfois liés à la toxicomanie. On offre à la personne l'aide dont elle a besoin en fonction de sa situation personnelle, et c'est là que nous travaillons avec des organismes sans but lucratif pour qu'ils aient un système d'information, afin que les sans-abri n'aient pas à s'adresser à différentes organisations dans leur collectivité pour obtenir l'aide dont ils ont besoin. Ces services sont centralisés et coordonnés par l'ensemble du secteur au service des sans-abri de cette collectivité, et il s'agit d'une pratique exemplaire reconnue à l'échelle internationale.
Nous constatons maintenant que certains éléments de cette pratique sont mis en œuvre dans des collectivités partout au pays, mais nous savons qu'il faut en faire plus, et c'est pourquoi nous nous efforcerons, en premier lieu, de doubler le financement accordé à ces entités communautaires au cours des prochaines années, afin qu'elles puissent en faire plus. De plus, nous effectuons d'autres analyses pour comprendre, une fois que ce système transformationnel et coordonné sera mis en place, ce dont les collectivités ont besoin pour être en mesure de s'attaquer à ce problème très complexe et très grave.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'aujourd'hui.
J'aimerais commencer par poser une question à Mme Bowers au sujet d'un point qu'elle a soulevé plus tôt, à savoir le Fonds pour accélérer la construction de logements. Je pose cette question en raison du fait — et c'est un fait qui ne devrait pas échapper à l'attention du Comité — que le logement et l'itinérance ne relèvent pas seulement du gouvernement fédéral, mais qu'ils doivent être pris en charge par tous les ordres de gouvernement. Et je ne veux certainement pas ainsi décharger le gouvernement fédéral de ses responsabilités.
Pas plus tard que la fin de semaine dernière, j'ai écouté deux économistes. L'un venait de l'Institut pour l'IntelliProspérité et l'autre, de l'Institut C.D. Howe. Ils ont expliqué comment les politiques municipales et les distorsions de l'offre et de la demande donnent lieu à l'itinérance. Selon eux, des gens vont là où leur budget leur permet d'acheter, si je peux m'exprimer ainsi. C'est particulièrement le cas dans le sud de l'Ontario et dans la région du Grand Toronto. Le logement est très cher dans la région du Grand Toronto. Les gens sortent de cette région pour trouver un taux d'intérêt qui leur convient. Ces gens de la classe moyenne achètent des maisons là où ils se sont installés. Ces maisons sont rénovées, ce qui crée un embourgeoisement de la région. Se pose alors le problème des « rénovictions ». Dans certains cas, ce problème mène à l'itinérance. Ce n'est pas toujours le cas, mais cela arrive.
Voici où je veux en venir, madame Bowers : comment le Fonds pour accélérer la construction de logements peut-il contribuer à régler le problème, en particulier en ce qui concerne les distorsions de l'offre et de la demande que nous constatons dans les municipalités, de sorte qu'il soit possible de construire plus de logements et de s'attaquer de façon significative au problème de l'itinérance? Je pense que les municipalités sont nos partenaires. Je pense que le fonds peut aider à cet égard.
Comment pensez-vous que cela peut aider à régler ce que je viens de décrire?
Je sais que les municipalités ont leur part de défis, bien sûr. Dans certaines collectivités, dont la mienne, London, en Ontario, on ne construit pas suffisamment de logements. Lorsqu'il n'y a pas suffisamment de logements construits et que la demande est très élevée, il y a des problèmes qui peuvent mener à l'itinérance. J'ai hâte que le Fonds pour accélérer la construction de logements soit en place. Je suis impatient de voir comment cela peut aider les municipalités.
Monsieur le président, j'aimerais lire l'une des principales recommandations du rapport de la vérificatrice générale, à savoir que la Société canadienne d'hypothèques et de logement et Infrastructure Canada devraient « harmoniser, coordonner et intégrer leurs efforts » et « collaborer avec les organismes centraux pour clarifier le niveau d'imputabilité ».
Je ne sais pas si nous aurons le temps d'entendre les représentants de ces deux entités. Je vais d'abord m'adresser à Infrastructure Canada, puisque j'ai déjà parlé à Mme Bowers.
Que fait-on précisément pour assurer une meilleure coordination avec la SCHL, afin que cette recommandation puisse être mise en œuvre?
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Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à Mme Gillis, et je lui demande d'y répondre de façon concrète.
Nous avons parlé à des organismes sur le terrain, comme le Réseau Solidarité en itinérance du Québec, qui travaillent avec des organismes situés un peu partout sur le territoire.
Ces organismes remettent des rapports sur ce qui se passe ou non et sur le nombre de personnes qu'ils aident. Ce que nous avons appris, c'est que ces rapports sont envoyés aux Centres intégrés de santé et de services sociaux, les CISSS; au Québec, il faut passer par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Or nous avons appris que, depuis 2020‑2021, les rapports du CISSS n'ont pas été traités par Infrastructure Canada.
Comme on le sait, aucune halte-chaleur ne verra le jour dans le Nord de Montréal. Pourtant, certaines personnes en ont besoin durant l'hiver. Les itinérants qui se réchauffaient dans ces haltes pendant la nuit vont donc devoir passer la nuit à l'extérieur.
À Longueuil, La Halte du Coin, une ressource à haut seuil d'acceptabilité, menace de fermer le 24 décembre. L'hiver passé, cet organisme accueillait 35 personnes pour la nuit. Le manque de fonds fait que l'organisme va devoir fermer ses portes.
J'essaie de comprendre comment cela fonctionne.
Cet organisme travaille à réduire l'itinérance, mais il manque de fonds. Les gens qui travaillent pour cet organisme aident les itinérants à se loger pour la nuit.
Ma question est assez précise: si les rapports ne se rendent pas jusqu'à Infrastructure Canada, comment peut-on aider ces organismes? C'est pourtant Infrastructure Canada qui finance ces organisations.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à souligner l'importance de veiller à ce que les témoins comprennent la raison d'être du Comité, à savoir utiliser les termes de la vérificatrice générale, qui a dit très clairement dans son rapport qu'il y a des lacunes systémiques au sein de la SCHL, d'Infrastructure Canada et d'EDSC, en particulier dans les opérations de collecte de données pour les résultats et au chapitre de la coopération entre les trois groupes.
Il est impératif que le Comité et la direction de la SCHL comprennent qu'il s'agit vraiment d'une mesure de reddition de comptes pour les Canadiens. Nous nous attendons à beaucoup plus que les réponses que nous avons reçues aujourd'hui. Nous nous attendons à ce que vous admettiez qu'il est nécessaire que vous compreniez que les rapports de la vérificatrice générale sont importants pour les Canadiens et que vous devez tenir compte des conseils, non seulement de ce comité, mais bien sûr de la vérificatrice générale.
L'itinérance chronique était de 11,3 % plus élevée en 2019-2020 que le niveau de référence de 2016. La SCHL vient de mentionner que son plan consiste à veiller à inciter le marché privé à combler l'offre. Nous constatons que ce plan entraîne une augmentation de l'itinérance.
La SCHL pense-t-elle que le marché privé peut continuer d'être incité à construire le nombre approprié de logements, oui ou non?
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Merci, monsieur le président.
Madame Bowers, au Québec, une personne qui vit de l'aide sociale reçoit 765 $ par mois. C'est une personne évidemment très vulnérable.
Le loyer minimum d'une personne qui profiterait d'un logement abordable dans le cadre des programmes de la SCHL, en ce moment, est de 540 $. Cela veut dire que, au Québec, les personnes à plus faible revenu ne peuvent pas se payer le loyer abordable le moins cher dans le cadre des programmes de la SCHL. Cela n'a vraiment pas de sens. C'est pour cette raison que les logements sociaux coûtent 25 % de leur revenu. Toutefois, même avec ce programme d'aide, il reste très peu d'argent à une personne qui gagne 765 $ par mois.
J'ai deux questions vraiment très précises à vous poser.
Tantôt, vous avez donné de chiffres qui ne correspondaient pas à ceux que j'ai. Savez-vous combien de logements véritablement sociaux ont été construits au Canada, au cours de la dernière année?
Savez-vous combien de logements sociaux ont été construits au Québec, au cours de la dernière année?
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Merci, monsieur le président.
Je dois simplement revenir à la situation dans ce pays. Nous avons parlé du continuum du logement et des catégories de logements. D'après tous les rapports, je pense qu'on peut dire sans se tromper que la crise est générale, elle va du nombre de lits dans les refuges à ceux qui essaient d'acheter leur première maison. Le prix des maisons a doublé au Canada. Le déficit d'accessibilité au logement — c'est-à-dire le prix moyen d'une maison par rapport à la capacité d'emprunt du ménage moyen au Canada — est maintenant de 67 %, ce qui est énorme. Les Canadiens consacrent 64 % de leur revenu à leur logement. Juste avant l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, cet écart était de 2 %.
La crise est réelle. Tout cela semble très bureaucratique. J'ai l'impression qu'on dit que tout va bien aller et qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter parce que quelqu'un va prendre l'initiative sous peu et que cela va se faire dans un an. Pendant ce temps, la preuve de l'échec ne se trouve pas dans les rapports de la défenseure du droit au logement. La preuve, ce sont les villages de tentes en pleine croissance au Canada. La preuve en est le nombre croissant de sans-abri dans toutes nos villes. La preuve, c'est le nombre de personnes qui ont été refusées dans ces refuges. La preuve se trouve dans le nombre de personnes qui meurent littéralement dans nos rues.
Nous semblons assez calmes et assez décontractés à ce sujet. C'est un échec. Nous l'avons entendu. Nous pouvons voir les résultats. Nous n'en faisons tout simplement pas assez.
Ma question, très simplement, à Mme Bowers serait la suivante: si on ne dépense pas l'argent qui a été octroyé, pourquoi en voudrait-on plus? Il y a une demande. Vous avez dit à Mike Morrice que la solution était...