:
Je vous souhaite la bienvenue à la 139
e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride. Je crois que tous les membres sont dans la salle, bien que certains puissent se joindre à nous à distance en utilisant l'application Zoom.
Avant de commencer, je demanderais aux membres de prendre connaissance des directives inscrites sur les cartes mises à jour qui se trouvent sur votre table. Elles visent à prévenir les incidents liés à la réverbération et à protéger la santé et la sécurité de tous les participants, dont — et surtout — les interprètes.
Je vous rappelle que toutes vos interventions doivent être adressées à la présidence.
[Français]
Conformément à l'alinéa 108(3)g) du Règlement, le Comité reprend l'examen du rapport 6 de la vérificatrice générale du Canada, intitulé « Technologies du développement durable Canada », tiré des rapports 5 à 7 de 2024 et renvoyé au Comité le mardi 4 juin 2024.
[Traduction]
Je voudrais maintenant souhaiter la bienvenue à notre témoin. Je vous rappelle que le Comité a adopté un rapport du sous-comité lors de notre dernière réunion, et que les membres ont convenu de désigner ce témoin sous le nom de Témoin 1. Je vous demande de vous conformer à cette décision du Comité.
Sans plus attendre, je vais demander au Témoin 1 de nous livrer sa déclaration liminaire.
Vous avez maintenant la parole.
:
Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de m'adresser au Comité dans le cadre de son étude sur le rapport de la vérificatrice générale concernant Technologies du développement durable Canada, ou TDDC.
La publication du rapport de la vérificatrice générale en juin a conclu un effort de deux ans que j'avais entrepris pour exposer la façon dont la mission idéaliste de TDDC a été cooptée par un groupe de cadres, de membres du conseil d'administration et d'initiés corrompus évoluant au sein de l'écosystème des technologies propres. Tous ou certains d'entre eux...
Vous savez, il y a beaucoup de choses qui se sont dites ici. Franchement, je suis gêné d'être ici, parce que ma présence signifie que les systèmes mis en place pour protéger les gens ne fonctionnent pas. Le plus gros problème ici, c'est celui‑là. Je vais poursuivre ma déclaration, mais je tiens à préciser que je ne suis pas ici uniquement pour TDDC. Je tiens à souligner qu'il n'aurait pas dû falloir deux ans d'efforts pour en arriver là. Aujourd'hui encore, il n'y a pas de véritable reddition de comptes.
Les conclusions de la vérificatrice générale ont validé et justifié de manière concluante chacun des problèmes que j'avais initialement soulevés. Dans les heures qui ont suivi la publication du rapport, le ministre a dissous TDDC, ce qui témoigne clairement de la gravité des fautes commises. Cette décision doit servir de preuve supplémentaire que TDDC était irrécupérable. La corruption y était si profondément enracinée qu'elle rendait l'organisme irrécupérable. Elle constitue également l'acte d'accusation définitif à l'endroit des dirigeants de TDDC, lesquels travaillent toujours aujourd'hui.
Je tiens à exprimer ma gratitude au Bureau du vérificateur général pour l'application dont il a fait montre dans cette enquête et pour les efforts qu'il déploie. C'est l'une des rares institutions indépendantes au Canada qui continue à garder la confiance du public dans un système devenu de plus en plus opaque et inique. Tout comme j'ai toujours été convaincu que la vérificatrice générale confirmerait la mauvaise gestion financière de TDDC, je reste tout aussi convaincu que la GRC confirmera les activités criminelles qui ont eu lieu au sein de cette organisation.
Encore une fois, j'ai accepté l'invitation à venir devant le Comité parce que j'aimerais parler des efforts réels qui ont été nécessaires pour en arriver là et de ce que l'absence continue d'action de la part du gouvernement fédéral indique sur notre société. Les vrais problèmes vont au‑delà de l'effondrement de TDDC. Le véritable échec est imputable au gouvernement actuel, dont la décision de protéger les malfaiteurs et de dissimuler ce qu'il a découvert au cours des 12 derniers mois est une indication sérieuse de la façon dont nos systèmes et institutions démocratiques sont corrompus par l'ingérence politique. Cela n'aurait pas dû prendre deux ans pour en arriver là. Ce qui aurait dû être un processus simple s'est transformé en un cauchemar bureaucratique qui a permis à TDDC de continuer à gaspiller des millions de dollars et à maltraiter d'innombrables employés au cours de la dernière année.
Le premier fonctionnaire que j'ai approché a été le député libéral de Calgary Skyview, , lors d'un événement organisé par TDDC en mai 2022. Il m'a assuré qu'il prenait cette situation au sérieux et m'a garanti qu'il faciliterait les contacts avec les personnes appropriées au sein du gouvernement fédéral et du Bureau du vérificateur général. Son refus ultérieur de se commettre nous a obligés à passer les cinq mois suivants à essayer, en vain, de contacter divers organismes, dont Industrie, Sciences et Développement économique Canada, ou ISDE, le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et le commissaire à l'intégrité du secteur public, pour ne nommer que ceux‑là. Ce n'est qu'en décembre 2022 que j'ai finalement contacté le Bureau du vérificateur général, ce qui a déclenché une série d'événements qui ont ultimement mené au rapport déposé en juin.
Il aura fallu près d'une année entière après notre premier contact avec le député pour que le dossier aboutisse à ISDE, qui a ensuite retenu les services de Raymond Chabot Grant Thornton, ou RCGT, en mars 2023 pour mener un exercice d'établissement des faits. Cette enquête était censée durer six semaines et avoir un objectif simple: valider les documents que j'avais fournis, avec la garantie que des enquêtes ultérieures impliquant le procureur général, ISDE et la GRC seraient lancées si l'un de ces documents ou l'une de ces allégations s'avérait.
En mai 2023, ISDE avait déjà confirmé la plupart de ces allégations. RCGT avait même rédigé un rapport et m'avait fourni un compte rendu, les cadres d'ISDE déclarant qu'ils avaient l'intention de recommander au ministre et au Bureau du Conseil privé que le rapport soit publié et qu'au moins quatre enquêtes distinctes soient lancées et gérées par un bureau nouvellement créé au sein d'ISDE.
Tout cela aurait dû conduire à une intervention immédiate, mais une fois que ces conclusions sont parvenues au Bureau du Conseil privé et au cabinet du ministre, tout a changé. L'enquête a été retardée de quatre mois de plus, ce qui a permis à TDDC de continuer à détourner des fonds et à maltraiter des employés, alors que le gouvernement fédéral savait d'ores et déjà que tout cela était vrai.
À la fin du mois d'août, ISDE a annoncé qu'aucune enquête supplémentaire n'était nécessaire. Au lieu de cela, il était prévu de publier le rapport, de suspendre les activités de TDDC et de révoquer immédiatement son conseil d'administration ainsi que l'équipe de direction. C'était le résultat que j'attendais, et j'étais heureux de voir que ce problème allait enfin être résolu, mais le ministre et le gouvernement ne sont pas intervenus. ISDE a manipulé les conclusions et caché le rapport au public. La suspension de TDDC ne s'est faite qu'à titre temporaire, sans prise de mesures contre l'un ou l'autre des fautifs, malgré les preuves accablantes quant à leurs méfaits.
Le ministre lui-même a défendu son inaction en déclarant que le rapport de RCGT n'était pas concluant, mais si quelqu'un avait lu les avis de non-responsabilité que RCGT avait écrits dans les rapports, il aurait vu qu'ils affirmaient en fait le contraire. Le rapport indique explicitement qu'aucune des conclusions et aucun des travaux réalisés par RCGT ne peuvent être utilisés pour prouver ou réfuter une faute. Ce retard et cette absence d'intervention ont à nouveau permis à TDDC de poursuivre ses activités sans contrôle et de continuer à abuser de l'argent des contribuables.
À ce moment‑là, le Bureau du vérificateur général m'a informé de sa décision d'agir et, en réponse à cela, j'ai décidé de dénoncer une deuxième fois, cette fois en publiant des enregistrements qui exposaient l'inaction délibérée et les mensonges d'ISDE. Le fait que j'aie dû répéter ma dénonciation en dit long sur l'étendue de la corruption, non seulement au sein de TDDC, mais aussi au sein du gouvernement et de l'administration publique. L'incapacité du gouvernement à intervenir rapidement ou de manière transparente n'est pas seulement un échec de cette administration, mais aussi un échec sur le plan moral.
Ces révélations ont donné lieu à d'autres enquêtes...
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Merci, monsieur le président.
Merci au témoin. Si ce n'était de votre sens de l'éthique, de votre courage et, franchement, de votre ténacité à exposer cette affaire au cours des deux dernières années, nous ne serions pas ici aujourd'hui et nous n'aurions pas eu les réunions précédentes que nous avons eues à ce sujet. Au nom de tous les contribuables, je vous remercie du service que vous leur avez rendu et que vous continuez à leur rendre.
L'un des aspects que j'aimerais approfondir concerne l'ancienne présidente Annette Verschuren et sa volonté d'obtenir de l'argent de TDDC pour le Centre Verschuren de l'Université Cape Breton. Je crois qu'un courriel a été envoyé à Jennifer Smith par le vice-président des investissements de l'époque, Ziyad Rahme, qui est aujourd'hui le président intérimaire. Il lui a envoyé un courriel où il lui disait que ce projet avait été approuvé pour une procédure accélérée pour l'obtention d'un capital de risque, c'est‑à‑dire auprès du comité chargé d'analyser le projet.
Pourquoi un projet serait‑il soumis à une procédure accélérée et comment cela se passerait‑il?
:
Dans la plupart des cas, on accélérait le traitement des demandes qui répondaient clairement à toutes les exigences de TDDC.
J'apprécie que vous l'ayez souligné, parce que beaucoup de membres du conseil d'administration et de cadres ont parlé de ces questions comme de simples erreurs. Tout se résumait à « nous avons oublié de nous récuser », et ça s'arrêtait là. Cependant, des exemples comme celui‑là prouvent l'intention, car l'une des façons les plus claires de montrer ce qui s'est passé est de regarder la façon dont ces projets ont été présentés à l'organisation et le traitement préférentiel qui leur a été accordé.
Dans le cas de la candidature du Centre Verschuren, il n'y a aucune raison logique qui puisse porter le public à croire qu'il ne s'agissait pas d'un traitement préférentiel, parce que le volet de financement de l'écosystème était inconnu du public. Le public, qui devrait avoir la possibilité de postuler à quelque chose comme le Fonds pour l'écosystème, ne pouvait pas le faire, mais ce projet a néanmoins pu être traité de manière accélérée.
:
Je vous remercie. Mon temps est limité.
Le 18 janvier, le même vice-président a envoyé une note à une certaine Beth pour lui dire que sa demande avait été rejetée en raison d'un conflit d'intérêts, mais qu'il l'aiderait à trouver des fonds auprès d'autres instances gouvernementales.
Le personnel de TDDC a‑t‑il aidé Annette Verschuren à trouver un financement pour ce projet et d'autres projets auprès du gouvernement? Par exemple, l'entreprise NRStor d'Annette Verschuren a reçu 50 millions de dollars de Ressources naturelles et 170 millions de dollars de la Banque de l'infrastructure. En outre, le Centre Verschuren a reçu un total d'environ 6,6 millions de dollars de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA, d'ISDE et d'autres programmes.
Le personnel de TDDC l'a‑t‑il aidée à obtenir de l'argent d'autres ministères?
:
J'espère que vous avez écouté les enregistrements audio, parce que je pense qu'ils pourraient mettre les choses un peu en contexte.
Au fond, toute la situation de TDDC constitue un conflit d'intérêts. Pourquoi ISDE, qui a participé à la mauvaise gestion de TDDC, ne serait‑il pas en situation de conflit d'intérêts au moment de retenir les services d'un tiers prétendument indépendant? Or, là encore, si ces tiers étaient bel et bien indépendants, pourquoi ajouteraient-ils d'aussi longs avis juridiques leur permettant de se décharger de toute responsabilité concernant leurs conclusions? Si le prétend que tout ce travail était indépendant et vraiment factuel, pourquoi alors tous les rapports disent‑ils que rien de tout cela n'est factuel ou juridiquement contraignant ou même conforme à un seuil minimal de norme professionnelle, juridique ou comptable?
Comparez cela au rapport de la vérificatrice générale, qui ne contient aucun avis de non-responsabilité. Il n'y a aucun message qui dit: « Hé, nous ne savons pas de quoi nous parlons, et ces conclusions ne sont pas juridiquement contraignantes ou ne respectent pas les normes professionnelles. »
Je tiens également à signaler que nous sommes tout à fait disposés à fournir plus de 37 heures d'enregistrements, qui montreraient clairement comment la situation a réellement évolué, par opposition à la façon dont le public a été mis au courant.
Madame Bradford, malheureusement, votre temps est écoulé.
[Français]
Notre système d'interprétation a changé.
Témoin 1, pouvez-vous m'entendre en anglais?
[Traduction]
Je vais simplement vérifier si l'oreillette fonctionne.
[Français]
C'est parfait.
Madame Sinclair-Desgagné, vous avez la parole pour six minutes.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier le témoin de ses déclarations et de son courage. Je le remercie d'être avenant avec nous en répondant à nos questions aujourd'hui.
D'entrée de jeu, je tiens à réitérer que cette situation catastrophique est vraiment dommage. Le gouvernement actuel a pu démontrer comment on tue une bonne idée. C'est exactement ce qu'il a fait dans le cas de Technologies du développement durable Canada, ou TDCC. Je tiens également à réitérer notre soutien aux entreprises qui sont victimes, finalement, d'une situation vraiment regrettable concernant un fonds où l'argent des contribuables est très mal géré.
Mon intervention vise à aider les membres du Comité à mieux comprendre la situation. On a beaucoup parlé de conflits d'intérêts au sein du conseil d'administration. On a aussi parlé de graves problèmes de ressources humaines en ce qui concerne le traitement des employés au sein de l'organisation.
Maintenant, j'aimerais savoir si vous avez aussi remarqué des conflits d'intérêts au sein même de l'organisation, par exemple, de la part des employés ou d'un directeur général ne siégeant pas au conseil d'administration.
Si oui, avez-vous des exemples à nous donner?
L'une des choses que j'aimerais souligner, c'est que l'actuel directeur de l'exploitation, Ziyad Rahme, était en cause dans le rapport de la vérificatrice générale, parce que sa femme avait été embauchée pour recruter les membres du conseil d'administration. M. Rahme continue d'occuper ce poste aujourd'hui. Il y a beaucoup de gens dont les proches tirent des avantages. Pensons‑y: la femme de M. Rahme embauche des administrateurs, qui prennent ensuite des décisions sur la rémunération de son mari. C'est un conflit d'intérêts manifeste.
Un autre exemple, qui est plus flagrant, à mon avis, concerne l'approbation d'un nouveau financement pour le projet du volet écosystème présenté par ALUS. C'était un projet qui avait un lien direct avec l'ancienne PDG tombée en disgrâce, Leah Lawrence.
Dans son cas, Mme Lawrence avait une meilleure amie, Aldyen Donnelly, ce qu'elle a admis à la réunion du comité de l'éthique. Cette dernière allait recevoir des centaines de milliers de dollars, à titre de sous-traitante, pour ce projet précis. Nous avons des courriels qui prouvent que les dirigeants eux-mêmes ont reconnu que le projet ne pouvait même pas respecter les normes de conformité financière les plus minimales exigées par le gouvernement. Malgré cela, la PDG a tout de même insisté pour que ce projet soit approuvé. Encore aujourd'hui, ce projet continue d'être financé.
Il y a d'innombrables autres exemples. Disons que le volet écosystème compte différents projets qui pourraient chacun être attribués à des examinateurs. Chaque projet doit faire l'objet d'un examen externe sur le plan opérationnel et technique. Dans plusieurs cas, ces examinateurs avaient dressé un bilan positif d'un projet, même s'ils savaient que l'aspect technique laissait à désirer, et il ne fallait que quelques mois pour faire approuver un projet dans lequel ils avaient eux-mêmes un intérêt.
Je le répète, ce n'est pas un problème qui se limite au conseil d'administration. Il s'agit d'un problème endémique dans l'ensemble de l'organisation, à l'échelon supérieur.
Ma question était en lien avec ce qu'allaient devenir les employés, qui sont toujours en poste, d'ailleurs, malgré les conflits d'intérêts et le fait que le rapport de la vérificatrice générale a fait état de problèmes sérieux. Si cela concernait les non-dirigeants, cela voudrait dire que les employés qui ne sont pas des dirigeants vont être transférés.
Pensez-vous que le problème touche aussi les employés, qui, eux, font leur travail de leur mieux? Il semble que le problème réside vraiment du côté des dirigeants et du conseil d'administration.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie beaucoup le témoin de sa présence parmi nous et de l'immense courage dont il a fait preuve pour mettre en lumière ce terrible cas où coexistent une corruption flagrante, des conflits d'intérêts, une culture organisationnelle, bien franchement, dégoûtante et de graves problèmes liés au traitement du personnel de TDDC.
Les questions qui me semblent pertinentes pour mon premier tour concernent les cas de conflit d'intérêts que vous avez soulevés. Vous avez mentionné à plusieurs reprises le grave conflit d'intérêts en ce qui a trait aux membres de la haute direction.
Je vous remercie également de vos observations préliminaires sur ce qui constitue une mission très idéaliste — celle de soutenir l'innovation et la technologie en vue d'un meilleur développement des technologies vertes —, mission sur laquelle de nombreux Canadiens s'entendent, me semble‑t‑il, et à laquelle vous avez vous-même contribué au Canada. Je ne veux pas minimiser ce travail, mais, bien entendu, le tout s'est fait aux frais des contribuables. Cette situation a miné la confiance que les Canadiens devraient avoir dans leurs institutions, et il incombe maintenant au gouvernement et aux membres de notre comité d'essayer de réparer les pots cassés, car cela a porté un coup vraiment dévastateur à la confiance du public dans ce genre de travail. Je tiens donc à vous remercier d'avoir mentionné ces faits.
J'aimerais savoir si vous pouvez me décrire l'un des exemples que vous avez évoqués plus tôt dans votre témoignage d'aujourd'hui, en réponse à une question posée par l'un de mes collègues, en ce qui concerne le délai des projets gérés par les dirigeants. Disons que c'est l'un de leurs projets. D'après ce que vous avez expliqué, il faut normalement prévoir un délai de six mois à partir du moment où une nouvelle demande est présentée par une personne ordinaire sans liens avec la haute direction. Six mois s'écoulent, et le projet finit parfois par être approuvé. En revanche, lorsque ce sont les dirigeants qui veulent obtenir une décision et recevoir du financement pour leur projet, combien de temps leur faut‑il pour obtenir cette approbation?
:
Le processus serait alors plus rapide.
Je le répète, en ce qui concerne la haute direction, je pense que, bien souvent, il s'agissait de quelqu'un qui était ami avec les dirigeants. C'est pourquoi j'ai dit qu'un cercle restreint de personnes avait priorité sur les Canadiens ordinaires qui passaient par le processus régulier. J'ai déjà parlé de certains des processus accélérés et de tout le reste. Dans certains cas, un dirigeant aidait délibérément une entreprise liée à un membre du conseil d'administration. En pareille situation — même dans les cas où, disons, le projet avait été rejeté et ne pouvait plus être présenté au conseil d'administration —, bon nombre de ces dossiers étaient alors gardés à l'écart. À tout moment, ils pouvaient être soudainement réactivés. Par contre, si une personne ordinaire essuyait un refus, on lui disait clairement que son projet avait été rejeté et on lui indiquait toutes les exigences à respecter pour présenter une nouvelle demande. Ce n'était jamais le cas pour les autres projets liés aux membres du conseil d'administration. On disait alors: « D'accord, attendons six mois. Ensuite, nous pourrons faire avancer le dossier ou essayer de le reprendre. » Le délai était un facteur, mais le gros du processus était géré de la sorte.
Il y avait de bonnes règles pour veiller à ce que tout soit fait correctement, mais les cas dont je parle étaient surtout attribuables au fait que les règles avaient été rendues opaques. On pouvait les manipuler de toutes sortes de façons, mais on prétendait tout de même répondre à l'ensemble des exigences. Dans d'autres cas, lorsque les employés rédigeaient une conclusion ou une recommandation précise, les dirigeants y apportaient des modifications et envoyaient ensuite le tout au conseil d'administration. Encore une fois, cela ne veut pas dire que tous les membres du conseil d'administration étaient corrompus. En toute franchise, beaucoup d'entre eux n'étaient que des tarés qui ne voyaient pas ce qui se passait.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais poursuivre sur ma lancée en vous demandant de donner des exemples concrets de milieux de travail toxiques, d'abus et de harcèlement du personnel.
Lorsque vous avez comparu devant le Comité INDU le 11 décembre 2023, vous avez longuement témoigné à ce sujet. Vous avez en fait fourni un dossier comprenant des preuves de la culture de travail toxique créée par la PDG, Mme Leah Lawrence, et son amie et actuelle vice-présidente, Mme Zoë Kolbuc, qui ont été autorisées à continuer d'abuser et de harceler les employés par une équipe de direction et un conseil d'administration passifs qui protègent et cachent les abus.
J'aimerais que vous développiez, comme vous l'avez fait au sein du comité, afin que cela soit consigné ici, les abus et le harcèlement que vous avez évoqués.
:
J'y ai participé. Je l'ai trouvé inutile. Par exemple, si vous lisez la clause de non-responsabilité de la firme McCarthy Tétrault, vous constaterez qu'aucun des témoignages des employés ne doit être pris en compte.
Lorsque des employés de TDDC ou de l'extérieur ont demandé à ce que leur accord de confidentialité soit levé, ils l'ont fait directement auprès des dirigeants. Des employés de TDDC ont été nommés et des cadres qui n'auraient pas dû savoir qu'ils demandaient à parler à... Leur identité a été révélée par McCarthy. Comment voulez-vous qu'il se passe quelque chose de vrai quand McCarthy a divulgué les noms de tous les employés actuels et anciens aux mêmes dirigeants contre lesquels ils essaient d'apporter un peu de transparence?
En même temps, lorsque je parle de certains aspects de ce que McCarthy a fait ou n'a pas fait, il y a eu certaines situations où McCarthy a délibérément choisi de ne pas parler aux employés parce qu'elle disait qu'elle devait voir leurs visages. McCarthy a établi des règles selon lesquelles, lorsque les employés craignaient de pleurer ou de montrer leur visage, même aux avocats de McCarthy, la firme a déclaré qu'elle ne les interrogerait pas et qu'elle ne recueillerait pas leur témoignage. Comme McCarthy l'a décrit, elle n'était disposée à le faire qu'après avoir jugé si une personne était sincère ou non.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, cher témoin, pour votre présence aujourd'hui. Merci pour le courage et la bravoure dont vous avez fait preuve en révélant la corruption systémique de ce gouvernement libéral qui a échoué. Les Canadiens vous remercient, et je tiens à vous remercier à titre personnel.
J'aimerais commencer par revenir sur certains prétendus mensonges.
Vous avez fait référence à M. George Chahal, soit en vous mentant directement, soit en mentant à la population canadienne. C'est un député libéral de Calgary. Vous avez également affirmé que le a délibérément induit en erreur ou, pour reprendre vos termes, a menti aux Canadiens et au Comité. Dans un billet récent, vous avez fait référence à une « dissimulation flagrante » des allégations de mauvaise gestion et d'inconduite de la part de TDDC. Bref, votre position est que le ministre et son cabinet ont adouci le rapport final d'une enquête sur la gouvernance et les conflits d'intérêts à TDDC, essentiellement pour protéger la présidente en situation de conflit d'intérêts trié sur le volet par Justin Trudeau, Mme Annette Verschuren.
J'en déduis que vous faites référence à deux voies de tromperie délibérée de la part du ministre Champagne: l'une concernant le rapport lorsqu'il a été reçu et votre allégation, monsieur, selon laquelle il a été manipulé ou, pour reprendre vos termes, adouci, et le moment où il a annoncé aux Canadiens qu'il avait pris des mesures. Ai‑je raison dans mon évaluation de la situation?
:
Comme je l'ai déjà indiqué, j'aimerais que vous me donniez un exemple d'organisation qui a une bonne culture et que l'on dissout.
Cependant, je mentionnerais également, encore une fois, d'autres aspects de l'examen McCarthy. À un moment donné, les avocats n'avaient que des témoignages négatifs; ils ont alors fait des pieds et des mains pour demander à d'autres employés de témoigner pour ce rapport. Je ne pense pas qu'il soit courant que les avocats s'adressent à d'autres employés pour obtenir des témoignages positifs.
Je ferais également remarquer... Si le rapport McCarthy Tétrault disait vrai, pourquoi le cabinet ne le publie‑t‑il pas au lieu de fournir sept diapositives avec des commentaires évasifs? Si les avocats disent vrai quand ils affirment avoir examiné ces situations, pourquoi n'y a‑t‑il pas de preuve publique qu'ils l'ont fait et qu'ils ont des preuves réelles qui contredisent mes déclarations? Même si un avocat ou un cabinet d'avocats affirme que mes déclarations sont inexactes, s'ils ne fournissent pas de preuves, comment pouvez-vous m'attaquer en disant que la culture est bonne alors qu'il n'y a pas de preuve?
:
Je pense que l'enquête de la vérificatrice générale était plutôt un examen superficiel. Je ne pense pas que l'objectif et le mandat du Bureau du vérificateur général consistent à chercher les actes criminels. Je ne suis donc pas surpris qu'il n'ait rien trouvé de criminel. Il ne s'intéresse pas à l'intention. Si son enquête portait sur l'intention, il découvrirait des actes criminels, bien sûr. Il ne s'est toutefois intéressé qu'aux faits et à ce qui s'est passé, comme la mauvaise gestion financière et toutes les règles qui ont été suivies ou bafouées.
Je sais que le gouvernement fédéral, comme le , a continué de dire qu'il n'y avait aucune intention criminelle et que rien n'a été trouvé, mais je pense que le Comité conviendra qu'il ne faut pas lui faire confiance dans cette affaire. J'accepterais avec joie les conclusions de la GRC, quelles qu'elles soient, mais je ne croirai pas à l'absence d'actes criminels à moins que la GRC n'ait le plein pouvoir d'enquêter. Contrairement à la vérificatrice générale et aux exigences qu'elle est en droit d'avoir lors d'une enquête, McCarthy Tétrault ou RCGT n'avaient aucun pouvoir juridique contraignant. Rien n'obligeait TDDC, les membres du conseil d'administration ou qui que ce soit d'autre à accorder un consentement ou une autorisation les obligeant à dire la vérité.
Si vous faites appel à la GRC, qu'elle mène son enquête et qu'elle trouve quelque chose ou pas, je pense que le public serait satisfait. Je ne pense pas que nous devrions laisser le gouvernement fédéral actuel ou le parti au pouvoir prendre ces décisions. Laissez le public voir ce qu'il y a là.
:
Vous ne possédez donc pas de version papier.
J'aurais aimé que vous en remettiez une copie à ce comité.
Une copie de ce rapport a été remise à un autre comité, mais elle était, malheureusement, fortement caviardée. Les parlementaires ont ainsi vu leurs droits être brimés.
J'aurais bien aimé que vous nous remettiez une copie de ce rapport, parce que je pense qu'il contient de l'information qui serait fort pertinente.
J'ai tant de questions que je pourrais vous parler d'un autre sujet, mais j'ai une question brève.
Considérez-vous, toutefois, que certains projets parmi le lot étaient admissibles?
Vous avez présenté un aperçu très négatif de la situation, mais je comprends qu'il s'agit de votre témoignage et de votre expérience.
Y a-t-il quand même des entreprises qui méritaient ces fonds et répondaient aux critères qui devraient normalement continuer de recevoir des fonds d'un organisme mieux géré que TDDC?
Y a-t-il des entreprises qui devraient continuer à exercer leurs fonctions?
:
Très bien. Nous allons revenir aux paiements liés à la COVID plus tard si nous le pouvons, mais mon temps de parole est limité et j'ai encore quelques questions.
À propos des autres administrateurs, vous avez mentionné Andrée‑Lise Méthot, qui a tiré des avantages de ce mode opératoire. Elle a quitté le conseil d'administration de TDDC pour se joindre au conseil d'administration de la Banque de l'infrastructure du Canada — elle a été nommée par les libéraux. Elle a ensuite fait partie de l'équipe qui a approuvé un financement de 170 millions de dollars pour le projet de la présidente du conseil d'administration de TDDC.
Lorsque je passe en revue les choses qui se sont passées pendant son mandat au conseil d'administration... Connaissez-vous Enerkem Alberta Biofuels, MineSense, SPARK Microsystems, Concentric Agriculture et Polystyvert? Mme Méthot avait des intérêts financiers dans 20 ou 30 entreprises par le truchement de Cycle Capital. Lorsqu'elle siégeait au conseil d'administration, ces entreprises ont reçu 114 millions de dollars si mes calculs sont bons.
Ces octrois faisaient-ils partie du problème dont nous parlons? Après avoir obtenu 117 millions de dollars, Andrée‑Lise Méthot se retrouve à la Banque de l'infrastructure du Canada, où elle aide son amie qui lui a permis d'empocher la somme en question.
Je suis désolée de ce vacarme. Je demanderais à mes collègues de baisser le ton. Le témoin n'entend pas la question.
Je suis désolée. Je vais reprendre ma question.
Vos camarades lanceurs d'alerte ont déclaré lors d'une entrevue le 1er novembre 2023, avant même le début de l'enquête indépendante, que votre groupe n'était pas convaincu que cette enquête sur les ressources humaines allait être dotée de l'autonomie et des pouvoirs nécessaires pour aller au fond des choses.
Vous avez dit cela même si l'enquête indépendante était menée par une firme d'avocats tierce et même si une annonce publique avait indiqué que les anciens employés de TDDC ne seraient pas assujettis à une entente de confidentialité et qu'ils pourraient parler ouvertement des difficultés liées à leur emploi à TDDC.
Pourriez-vous étayer votre point de vue?
:
Le travail de la firme RCGT, elle aussi embauchée par ISDE, avait été désastreux. Pourquoi s'attendrait‑on à ce que les choses se passent différemment avec McCarthy Tétrault?
Je ne peux pas parler pour le lanceur d'alerte cité dans l'article en question parce qu'il y a plus d'une personne. Par contre, je le répète, si vous croyez que la déclaration que vous avez mentionnée et que les mesures défensives sont vraies, alors levez toutes les ententes de confidentialité pour que les personnes qui y sont assujetties puissent s'exprimer sur le sujet. Si vous souhaitez véritablement lever le voile sur les malversations qui se sont produites, parlez à votre et demandez-lui de libérer tout le monde des ententes de confidentialité. Il a le pouvoir de le faire parce qu'il a nommé des membres du conseil d'administration tous issus du gouvernement fédéral. Il peut d'un seul coup de crayon faire lever toutes les ententes de confidentialité. Nous pourrions alors entendre les témoignages et déterminer si chacune des conclusions de McCarthy Tétrault est vraie ou fausse.
Je ne trouve pas cette discussion très productive parce que, comme je le disais, je ne vois pas comment fournir d'exemples sans liens avec une personne assujettie à une entente de confidentialité. Vos questions sont mal orientées. Si la situation vous inquiétait vraiment, vous pourriez essayer de faire lever toutes les ententes de confidentialité au lieu de louanger le travail de McCarthy Tétrault.
:
C'est une manière intéressante de présenter les choses.
Mon collègue de South Shore—St. Margarets a parlé d'une culture de corruption. En fait, la corruption est passée à un autre niveau. Elle a été dopée à l'adrénaline, puis renforcée aux stéroïdes. C'est le plus gros scandale dont j'ai été témoin depuis que je siège au Parlement.
Une de mes questions porte sur les accords de contribution. Lorsque j'étais ministre au provincial — je sais que ce n'est pas la même chose au fédéral —, si nous voulions dépenser au‑delà du seuil établi, nous devions obtenir l'approbation du conseil exécutif. Nous pouvions ensuite accroître les dépenses pour des initiatives que le gouvernement allait mettre en œuvre.
Le Parlement doit‑il approuver les dépenses qui ne figurent pas dans les accords de contribution?
:
Parlez-vous de recommandations qui concernent les personnes présentes ou le financement?
S'il souhaite vraiment qu'un aspect de ce programme se maintienne pour protéger les entreprises qui reçoivent le financement de façon légitime, le gouvernement doit en faire davantage pour donner au public l'assurance qu'il s'attaque aux problèmes. Je crains qu'il ne poursuive sur la voie qu'il a empruntée et qu'il ne continue à dissimuler certains pans de la situation. Une fois le transfert au CNRC terminé, il y aura plus de risques que quelque chose soit révélé. Le cas échéant, cela aurait des répercussions permanentes sur un ministère fédéral.
L'une des raisons pour lesquelles cette transition prendra beaucoup de temps est que tous ces actes répréhensibles et fautes qui ont déjà été reconnus auront une incidence sur des entreprises. Je sais que certaines ont possiblement fait faillite à cause de la situation. Les dirigeants de TDDC laissent une énorme responsabilité légale au gouvernement fédéral.
En tant que contribuable... Il devrait régler cette situation avant qu'elle ne s'installe au sein même du gouvernement fédéral. L'idée d'intégrer TDDC au CNRC et de le redéployer ensuite ne me semble pas logique, car cette situation m'apparaît malsaine pour les employés. On démantèle une organisation, on la met sur pied de l'intérieur, puis on la redéploie sur une période de trois ans. Cela ressemble à un purgatoire ou quelque chose du genre.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier à nouveau le témoin de sa présence aujourd'hui et de l'aide qu'il nous apporte dans le cadre de notre étude sur TDDC.
Je comprends votre frustration. Je suis moi aussi frustré par le fait que le gouvernement ne semble pas accorder autant d'importance que vous — ou que moi, ou que d'autres — à ces importantes plaintes qui concernent des problèmes existants, ou antérieurs, dans le domaine des ressources humaines à TDDC. C'est inquiétant.
Pour être très franc, je suis bouleversé d'apprendre que le témoignage que vous avez livré aujourd'hui au sujet du racisme et de la rhétorique anti-2ELGBTQ au sein du ministère a été ignoré pendant si longtemps. Je sais que cette situation a fait de nombreuses victimes et je veux qu'elles sachent que je vous ai entendu. J'espère que le gouvernement fera tout son possible pour que justice soit faite.
J'aimerais maintenant passer à la sérieuse question de la transition de TDDC à la nouvelle entité pilotée par ISDE. Lors de la comparution de représentants d'ISDE devant notre comité il n'y a pas si longtemps, j'ai posé une question très pertinente au sujet d'une liste d'entreprises qui avaient été reconnues comme étant en situation de conflit d'intérêts. Je leur ai demandé si le gouvernement avait la responsabilité de récupérer les fonds qui leur avaient été fournis.
Je vais vous poser la même question. Je sais que les dommages ont déjà été faits, mais croyez-vous que le gouvernement doit, à tout le moins, recouvrer ces sommes qui ont été accordées aux entreprises qui étaient en situation de conflit d'intérêts?
Je tiens à dire aux témoins que nous allons accepter tous les documents qu'ils souhaitent nous transmettre au sujet d'un organisme ou du ministère. Je sais qu'il y a eu plusieurs échanges. Si, après réflexion, vous souhaitez nous transmettre certains documents que vous avez en votre possession, je crois que les membres de tous les partis vous en seraient reconnaissants.
Nous en sommes maintenant à la fin de la réunion. Je tiens à remercier le témoin 1 d'avoir participé à la séance d'aujourd'hui sur le rapport 6: Technologies du développement durable Canada. Je sais que vous avez accepté de déposer plusieurs documents. Nous vous serions reconnaissants de les transmettre à la greffière du Comité. Je réitère mon offre: si vous pensez à d'autres documents qui pourraient renforcer votre témoignage ou répondre à certaines questions qui ont été posées aujourd'hui, nous serons heureux de les consulter.
Nous n'avons plus de temps; je vais donc mettre fin à la réunion. Nous nous reverrons lundi.
Merci beaucoup. Je vous souhaite une très belle fin de semaine. La séance est levée.