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Bonjour. J'ouvre maintenant la séance.
Bienvenue à la 109e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément au Règlement. Les députés y participent en présentiel et à distance, à l'aide de l'application Zoom. Notre témoin aujourd'hui comparaîtra à distance.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)g) du Règlement, le Comité reprend l'examen du rapport no 1 de 2024 de la vérificatrice générale du Canada, intitulé « Pandémie de COVID‑19: ArriveCAN », renvoyé au Comité le lundi 12 février 2024.
[Traduction]
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre témoin.
David Yeo, propriétaire d'entreprise, comparaît, comme je l'ai mentionné, par vidéoconférence.
Monsieur Yeo, je vous remercie d'avoir dégagé du temps pour cette comparution. Comme la greffière vous l'a indiqué, vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez‑y, s'il vous plaît.
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J'aimerais d'abord vous remercier, monsieur le président, vous et les honorables membres du Comité.
La réunion d'aujourd'hui se déroule sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation anishinabe algonquine, qui accueille à présent des Métis, des Inuits et beaucoup d'autres Premières Nations.
Je suis un descendant du chef Robert Franklin, signataire de traité. Il était mon arrière-grand-père et ancien chef de la Première Nation Alderville. Il était également un vétéran de la Première Guerre mondiale. La Première Nation Alderville me tient à cœur, car c'est d'elle que je tire mon ascendance autochtone. J'ai de la famille qui y habite, et mon père y est enterré à côté de mon arrière-grand-père.
Je suis moi aussi un ancien combattant autochtone. J'ai servi dans l'armée canadienne pendant 14 ans, de 1987 à 2001. Je me suis ensuite engagé dans les Forces de réserve pour 10 ans, de 2001 à 2011.
De septembre 1991 à février 1992, j'ai été déployé à Chypre avec le 2e bataillon du Royal Canadian Regiment dans le cadre d'une mission des Nations unies. Pendant six mois, j'ai été opérateur de mitrailleuse C9 et chauffeur sur la ligne de front.
Du mois d'août au mois de novembre 2010, j'ai été déployé en Afghanistan à titre de prestataire extérieur pour le ministère de la Défense nationale. J'avais pour fonction de mettre en œuvre un système de sécurité d'assurance élevée à Kandahar. Nous sommes également sortis du périmètre de sécurité pour aller dans toutes les bases d'opérations avancées. J'ai d'ailleurs reçu une mention élogieuse pour ma contribution à la Force opérationnelle à Kandahar.
Je suis un spécialiste en sécurité tactique, détenant une expertise et des qualifications en technologie de sécurité d'assurance élevée destinée aux Forces armées canadiennes, à la fois sur des plateformes mobiles et dans des domaines spécialisés au sein des FAC.
En 2002, j'ai fondé Dalian Enterprises, une entreprise spécialisée en matériel et logiciel de cybersécurité. Le gouvernement du Canada est notre principal client.
De 2002 à septembre 2023, je n'ai jamais été salarié dans la fonction publique fédérale. J'étais un entrepreneur qui fournissait, par l'intermédiaire de Dalian, des services de sécurité informatique professionnels au ministère de la Défense nationale.
Depuis 2002, Services aux Autochtones Canada vérifie régulièrement que Dalian se conforme à toutes les exigences de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones, ou SAEA. Mon entreprise a chaque fois été jugée en conformité, y compris lors d'un récent audit en février 2024.
La SAEA a pour but d'aider des entrepreneurs autochtones comme moi à fonder et faire croître une entreprise en leur donnant accès aux marchés publics du gouvernement du Canada, soit directement ou en partenariat avec d'autres entités. Cette stratégie a permis d'aider bien des entreprises autochtones, dont Dalian, à voir le jour, à croître et à prospérer.
À la fin septembre 2023, bien après que Dalian eut terminé toutes ses activités relatives à ArriveCAN, ma relation professionnelle avec le ministère de la Défense nationale a changé. J'ai cessé d'être un consultant en services de sécurité informatique professionnels, pour devenir fonctionnaire, représenté par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, ou IPFPC. Ce changement a eu lieu le 19 septembre 2023.
Étant donné ce changement et les considérations relatives aux conflits d'intérêts, je me suis engagé, dans une entente de confidentialité, de non-communication et d'interdiction, à m'abstenir de participer à tout projet, contrat, opération et proposition de Dalian ou toute autre activité de l'entreprise liée directement ou indirectement au ministère de la Défense nationale.
Depuis mon entrée en fonction comme fonctionnaire à la Défense nationale, j'ai respecté cette entente. Je n'ai pas participé aux opérations ni à la direction de Dalian, et n'ai pas eu accès à des données confidentielles, quelles qu'elles soient, concernant l'entreprise.
J'ai également fait les déclarations appropriées en matière de conflits d'intérêts auprès du ministère de la Défense nationale, démissionné de mon poste d'administrateur et de directeur de Dalian, et placé mes actions de l'entreprise dans une fiducie sans droit de regard.
Malheureusement, les médias n'ont pas pris contact avec moi ou Dalian avant de publier des articles en février qui laissaient entendre que j'avais été fonctionnaire pendant des dizaines d'années, ce qui s'est traduit par des allégations sans fondement au MDN selon lesquelles j'avais été en conflit d'intérêts.
Je crois savoir que le MDN a depuis déclaré qu'il n'y avait pas eu de conflit d'intérêts, mais j'avais déjà démissionné de la fonction publique, après seulement 168 jours, en grande partie à cause de cette situation très difficile.
Ce qui est encore plus décevant, c'est qu'aucun représentant du gouvernement fédéral n'ait communiqué avec Dalian ou avec moi avant de prendre la décision non fondée de résilier tous les contrats avec Dalian — qu'il s'agisse du matériel informatique, des logiciels ou des services professionnels —, de suspendre les habilitations de sécurité, et d'empêcher Dalian et Coradix de poursuivre leur travail et de participer aux futurs marchés du gouvernement du Canada, leur principal client depuis 22 et 29 ans respectivement. Tout s'est fait en moins de 48 heures, sans vérification d'usage ou, selon nous, sans procédure officielle.
Pas le moindre examen, enquête, audit, rapport ou étude n'indique que Dalian ou Coradix ont fait quoi que ce soit de mal ou d'illégal pendant ArriveCAN ou le projet ArriveCAN, ou tout autre projet gouvernemental auquel nous avons participé.
Malgré tout, et en raison de ces résiliations et de ces suspensions non fondées, des centaines d'employés et de consultants sont déjà sans travail, ou le seront bientôt, dans les deux entreprises. Aucune des deux entreprises n'a fait quoi que ce soit de mal ou de différent au cours des deux ou trois dernières décennies de collaboration avec le gouvernement fédéral.
Merci, monsieur le président.
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Je le répète, je suis un intervenant de deuxième échelon, tentant de faire de la sécurité de haut niveau et de transmettre l'information à nos fantassins. C'était donc la première fois que j'entendais parler de cette question quand j'ai dû m'occuper directement du dossier en octobre dernier, lorsque nous avons été avisés que nous devions témoigner devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Voilà où j'en suis du point de vue de l'échéancier; je me suis occupé directement du dossier.
Cependant, après avoir acquis certaines connaissances à ce sujet, je crois comprendre que l'affaire remonte à 2019. Nous avions avec l'ASFC un très bon contrat de renforcement du personnel conclu par l'entremise de SPAC dans le cadre duquel nous faisons de l'excellent travail. L’ASFC avait l'intention de transférer plus de 25 % de ses applications de son serveur au nuage d’AWS. Je pense que c'est là que tout a commencé en 2019.
Puis, évidemment, au début de 2020 est survenue l'éclosion de COVID et toute la folie qui s'en est suivie, avec l'accélération de la mise en œuvre d'ArriveCAN. Comme nous y jouions un rôle mineur, nous avons obtenu 4,9 millions de dollars, soit 1,6 million de dollars par année et 20 contrats à temps partiel. De mon point de vue, je pense que c'est là que tout a commencé.
Tout s'est terminé en mai 2023, d'après ce que je comprends, et c'était certainement bien avant que je ne commence à travailler dans la fonction publique.
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Pour le moment, j'ai lu le rapport. Je suis spécialiste certifié en contrats et en approvisionnement, une tâche dont je me suis acquitté pendant les 100 premiers jours que j'ai passés au MDN, et je travaille dans le domaine de la passation de marchés depuis toujours, alors je le comprends parfaitement.
Ce que je peux dire d'entrée de jeu, c'est que lorsque je lis le rapport de la vérificatrice générale, je vois qu'il est bon, mais je constate qu'il comporte des imprécisions et des divergences. Il contient des renseignements erronés, notamment ce qui concerne nos revenus, car 7,9 millions de dollars, ce n'est pas 4,9 millions de dollars, et 4,9 millions de dollars, ce n'est pas 7,9 millions de dollars. Il y a une différence de 3 millions de dollars, soit un écart de 60 %. Avec ce concept dans le rapport, l'aspect est certainement différent.
Par ailleurs, sous la rubrique « Constatations », un paragraphe indique: « Nous avons constaté que 18 % des factures soumises par des entrepreneurs que nous avons vérifiées ne contenaient pas suffisamment d'information pour permettre de déterminer si les dépenses se rapportaient à ArriveCAN ou à un autre projet de technologie de l'information. »
J'ai pris de nombreuses notes à ce sujet. J'ai lu le rapport en entier. J'ai beaucoup de questions et d'interrogations de ce genre.
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J'ai assurément ma propre opinion à ce sujet, mais je ne sais pas si je peux la donner ici.
En toute honnêteté, cette affirmation est tout à fait irrationnelle. Je travaille avec le gouvernement depuis 22 ans avec des habilitations de sécurité de niveau Très secret et des habilitations de sécurité pour les installations de niveau Très secret. Nous ne sommes pas une entreprise de briques et de mortier. J'ai un bureau au septième étage du 222, rue Somerset, au centre-ville, et Coradix se trouve au cinquième étage.
Pour ce qui est du rôle de Botler dans cette situation, je crois que cette entreprise a été engagée pour fournir quatre ou cinq produits livrables. Elle en a fourni deux, et pour une raison ou une autre, l'ASFC a annulé son autorisation de tâches.
Nous avons reçu l'annulation de l'autorisation de tâches. Nous l'avons transmise à GC Strategies, et elle a ensuite été communiquée à Botler, qui n'a depuis pas toujours été très tendre avec Dalian.
Le coût établi pour ce projet est faible par rapport à celui de l'application ArriveCAN.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Yeo, j'aimerais revenir sur ces déclarations trompeuses.
M. Barrett et d'autres députés vous ont posé des questions qui, à mon avis, ont vraiment miné votre crédibilité.
Vous et le président de Coradix, M. Wood, avez témoigné le 31 octobre 2023. Vous avez tous deux insisté sur le fait que Services aux Autochtones Canada vérifiait régulièrement que vos entreprises se conformaient aux exigences de la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones et que vos entreprises avaient été jugées en conformité.
Cependant, il s'agissait d'une fausse déclaration. C'était un mensonge, car les représentants de Services aux Autochtones Canada ont déclaré qu'ils n'effectuaient que des audits préalables des marchés réservés dont vous bénéficiez tous les deux de temps en temps. Services aux Autochtones Canada ne procède pas à des audits postérieurs.
Êtes-vous d'accord avec cette affirmation de Services aux Autochtones Canada?
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Je pense qu'il est très grave, monsieur, de faire croire au Comité que vous dirigez une entreprise qui joue franc jeu, et que les marchés réservés aux Autochtones que vous décrochez sont légitimes et qu'ils ne sont pas exploités dans le cadre d'un stratagème obscur. Je sais que de nombreux organismes autochtones ont dirigé de vives critiques à votre endroit à ce sujet.
D'ailleurs, même Botler a prétendu la même chose. Nos inquiétudes sont donc bien réelles. Je pense que vous devez faire preuve d'honnêteté avec les membres du Comité, monsieur, car, même si vous n'avez pas prêté serment pour dire la vérité, nous présumons que vous direz la vérité en comité. Ne pas le faire entraîne des conséquences.
Nous finirons par connaître la vérité d'ici la fin de l'été grâce à Services aux Autochtones Canada, qui va vérifier tout ce que vous avez fait, et tout ce que Coradix a fait au cours des huit dernières années, je l'espère, sinon plus, dans le cadre de tous les marchés réservés aux Autochtones. Les Canadiens méritent de savoir si des Canadiens autochtones ont tiré des avantages ou non de cette initiative du gouvernement. S'ils découvrent que ce n'est pas le cas, vous devrez nous donner des explications. Je tenais à vous en informer.
L'autre aspect qui me préoccupe est votre relation avec GC Strategies. Est‑il juste de dire que la seule et unique fois où vous avez travaillé avec GC Strategies était dans le cadre de l'autorisation de tâches pour Botler?
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Permettez-moi de parler de Botler un instant. Vous n'êtes pas sans savoir que Kristian Firth, de GC Strategies, a affirmé, lors de son témoignage, qu'il avait délibérément et intentionnellement exagéré l'expérience professionnelle des deux associés de Botler, non pas une seule fois, mais à plus de cinq occasions. Il a prétendu qu'il s'agissait d'une erreur.
À titre d'ancien procureur de la Couronne, je peux vous dire que tous les accusés et tous les criminels prétendent avoir commis des erreurs.
En réalité, M. Firth s'est adonné à la fabrication de faux documents, et il a commis une fraude aux dépens du gouvernement. Ce qui m'inquiète, monsieur, c'est que le Globe and Mail a récemment rapporté que Dalian, votre entreprise, et Coradix, avaient reçu ces curriculum vitae contrefaits, ces faux curriculum vitae, et que vous les aviez envoyés au gouvernement. Je l'ignorais jusqu'à tout récemment — comme ce comité, probablement —, car on nous avait tous fait croire que c'était Kristian Firth de GC Strategies qui avait remis ces curriculum vitae entre les mains du gouvernement.
Cela nous amène à nous demander pourquoi vous avez accepté les documents que vous a remis GC Strategies sans vous poser de questions, alors que vous aviez passé si peu de temps avec cette entreprise. Maintenant, vous êtes impliqué, en tant que membre d'une coentreprise, dans ces infractions de fraude et de contrefaçon. Il n'est donc pas étonnant que votre entreprise et Coradix fassent maintenant l'objet d'une enquête de la GRC. Ce n'est pas parce que personne n'a communiqué avec vous que vous n'êtes pas en cause.
Vous avez dit que vous aviez des systèmes de gestion de la qualité en place. Pourquoi ne vous ont-ils pas permis de voir qu'il s'agissait de faux curriculum vitae?
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Laissez-moi arrêter le chronomètre, monsieur Genuis.
Je rappelle à tout le monde, parce que cela a été soulevé à maintes reprises, que le mandat de la vérificatrice générale ne lui permet pas d'examiner des entreprises comme Dalian, qui est l'entreprise dont il est question aujourd'hui.
Vous lui avez envoyé des documents. De son point de vue, ils auraient pu ne pas être pertinents.
Vous vous souviendrez tous que la vérificatrice générale a souligné qu'elle a établi ces chiffres en se fondant sur ce que le gouvernement du Canada lui a fourni. Je tenais simplement à le préciser pour le Comité.
Cette remarque ne change rien en ce qui concerne vos questions, monsieur Genuis. Je voulais simplement dire qu'il s'agit d'un débat qui se poursuit sur l'ampleur des dépenses reliées à ArriveCAN, et je pense que c'est un débat important.
Nous ne connaissons pas la réponse. C'est la raison pour laquelle ces réunions ont lieu.
Monsieur Genuis, vous avez la parole pour quatre minutes et demie.