ENSU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 mai 1998
[Français]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs.
Ce matin nous avons le plaisir d'accueillir un ami du comité, le commissaire à l'environnement et au développement durable, M. Brian Emmett, et ses collègues. Ils ont rédigé, vous savez, un second rapport. Vous vous souviendrez que nous avons examiné le premier il y a environ un an, en mai, il me semble. Le rapport a fait l'objet d'un examen à 8 heures ce matin dans cette même salle. Ceux d'entre vous qui étaient ici, comme moi, ont eu l'occasion d'en mesurer la clarté, le contenu et la portée.
Sans plus tarder, nous allons laisser M. Emmett nous parler de son rapport. Quand il aura terminé, nous pourrons procéder à deux rapides périodes de questions. Je tiens à m'assurer que vous savez tous que nous nous réunissons à nouveau cet après-midi à 15 h 30.
Une voix: C'est demain à 15 h 30.
Le président: Non, c'est demain à 15 h 30 que nous examinerons le projet de loi C-32, avec des témoins comme c'est indiqué dans l'avis que le greffier a fait parvenir à votre bureau la semaine dernière. C'est demain à 15 h 30, et non pas aujourd'hui.
Monsieur Emmett, soyez le bienvenu. Voulez-vous nous présenter vos collègues, s'il vous plaît? Vous avez la parole.
M. Brian Emmett (commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître à nouveau pour discuter cette fois-ci de mon deuxième rapport, mon premier véritable rapport de fond, qui a été déposé plus tôt aujourd'hui au Parlement.
Je suis accompagné par mes collègues Ellen Shillabeer et Rick Smith; sont aussi présents dans la salle Wayne Cluskey et Dan Rubenstein. Ils font tous partie d'une remarquable équipe de professionnels qui ont rédigé le rapport que vous examinez aujourd'hui. Après un bref survol du rapport, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
L'an dernier à cette époque, j'ai signalé qu'en ce qui concerne les questions liées à l'environnement et au développement durable, le gouvernement faisait trop fréquemment des promesses qu'il ne tenait pas, qu'il avait de la difficulté à relever les défis posés par la gestion de l'environnement et du développement durable, et que l'information communiquée au Parlement et aux Canadiens était soit insuffisante, soit très difficile à utiliser.
Le rapport déposé aujourd'hui, qui renferme d'autres éléments probants sur ces points, en arrive à la même conclusion: le gouvernement fédéral doit appliquer d'urgence les principes d'une saine gestion aux problèmes de l'environnement et du développement durable. Si la performance ne s'améliore pas, les Canadiens en subiront directement les conséquences: notre environnement et notre santé seront menacés, la capacité du gouvernement fédéral d'agir sera amoindrie et la capacité de direction du gouvernement et son autorité morale diminueront.
Permettez-moi de résumer nos constatations dans les trois grands secteurs qui revêtent, à notre avis, une importance primordiale.
D'abord, les stratégies de développement durable exigent des ministères qu'ils considèrent les impacts de leurs activités—tant opérationnelles que stratégiques—sur l'environnement et le développement durable. C'est un nouvel outil unique au Canada. Quelle a été la performance des ministères? C'est une question cruciale pour nous.
D'abord, la réaction des ministères a été positive et encourageante. De nombreuses personnes ont consacré du temps, de l'énergie et des efforts à l'élaboration des stratégies de développement durable et les ministères ont suivi la plupart des recommandations énoncées par le gouvernement dans le Guide de l'écogouvernement. Les ministères n'ont cependant pas établi de cibles mesurables. Or, sans cibles mesurables, le Parlement et les Canadiens ne peuvent pas évaluer les progrès réalisés. Il y a là un problème sérieux. Nous avons recommandé que les ministères présentent des cibles à la Chambre au printemps de 1999.
• 1110
Par ailleurs, les stratégies mettent généralement l'accent sur
les problèmes d'aujourd'hui plutôt que les questions de demain.
Notre rapport présente les tendances dont les dirigeants du monde
entier ont discuté, l'an dernier, lors du cinquième anniversaire du
Sommet de la Terre. Ces tendances, comme l'augmentation de la
population, de la pollution et de l'utilisation des ressources, ont
des répercussions importantes pour notre environnement. Mais les
stratégies n'ont pas «vu plus loin» pour établir les nouvelles
mesures nécessaires pour relever ces défis. J'aimerais que ces
stratégies deviennent plus stimulantes, plus créatives et davantage
axées sur le changement.
À l'automne de l'an prochain, nous prévoyons publier un mémoire exposant nos attentes à l'égard des nouvelles stratégies qui doivent être déposées en l'an 2000.
Les activités fédérales se situent dans le contexte mondial. Cela m'amène à mon prochain point. Pour plusieurs raisons, les Canadiens manifestent un vif intérêt pour la protection de l'environnement et pour les effets potentiels de leurs activités sur la dégradation de l'environnement mondial. Nous sommes les gardiens d'un très grand pays qui possède le plus long littoral au monde. Nous sommes particulièrement vulnérables face au comportement de nos voisins.
Grâce à notre réputation de chef de file sur la scène internationale, nous sommes aussi en mesure d'influer, par nos idées et par nos actions, sur le programme environnemental mondial. Cela deviendra tout particulièrement important au XXIe siècle alors que les problèmes mondiaux se multiplieront et deviendront plus complexes.
[Français]
Nous avons cherché à recenser nos engagements à l'échelle internationale et à déterminer si le Canada respecte ses obligations. Nous avons constaté qu'il n'existait pas de système permettant de consigner ces accords ou de déterminer si le Canada les respecte. Nous avons par conséquent créé une base de données des accords internationaux qui sera à l'avenir gérée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Bien que le Canada soit partie à 230 accords différents, nous avons axé nos examens détaillés de sa performance sur deux d'entre eux: le changement climatique et la biodiversité, qui font tous deux l'objet de conventions signées au Sommet de la terre en 1992.
Le changement climatique constitue un problème particulièrement grave. Au Canada, notre but est de stabiliser d'ici à l'an 2000 les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990. Le Programme d'action nationale concernant le changement climatique, le PANCC, qui est une initiative fédérale, provinciale et territoriale, fournit une orientation stratégique à cet égard.
[Traduction]
Cependant, d'ici l'an 2000, les émissions pourraient dépasser de 11 p. 100 les niveaux de 1990. Nous avons voulu comprendre pourquoi, de manière à tirer parti de cette expérience.
La performance du Canada est semblable à celle de la plupart des autres pays industrialisés. Néanmoins, comme vous le savez, elle rend d'autant plus difficile l'atteinte de l'objectif plus rigoureux accepté par le gouvernement à Kyoto en 1997. Notre vérification révèle que le gouvernement fédéral n'a pas appliqué de principes de saine gestion pour la mise en oeuvre de son engagement stratégique.
Par exemple, nous n'avons pas trouvé de description écrite claire des rôles, des responsabilités et des contributions des divers intervenants. Le propre rôle du gouvernement fédéral est compliqué par l'absence de direction fédérale en la matière.
Il n'existe pas de programme d'ensemble de mise en oeuvre établissant des jalons et des cibles intermédiaires pour guider les efforts des partenaires. Peu de dispositions ont été prises pour contrôler l'évolution de la situation en fonction des résultats; aucun rapport sommaire n'est présenté au Parlement pour l'aider à jouer son rôle de surveillance.
Il faut: un nouveau régime de gestion comportant des rôles et des responsabilités clairement définis, acceptés et consignés; un plan de mise en oeuvre complet avec des cibles intermédiaires et des échéances; un processus de surveillance; un processus permettant de faire des ajustements au besoin; la prestation régulière d'informations et d'analyses de grande qualité au Parlement.
• 1115
En 1992, le Canada ratifiait également la Convention sur la
diversité biologique dans le cadre de l'Organisation des Nations
Unies. Par diversité biologique, ou biodiversité, on entend la
variabilité de la vie sur terre et la nécessité de la
conserver—comme source de nouveaux médicaments et de nouvelles
récoltes ou tout simplement pour profiter de la nature. Partout
dans le monde, aujourd'hui, nombre d'animaux, d'oiseaux, de plantes
et d'autres formes de vie sont menacés par l'augmentation de la
pollution et la destruction de leur habitat.
Le Canada a tardé à mettre en oeuvre la Convention. Seulement deux des huit plans fédéraux de mise en oeuvre ont été achevés à ce jour. Et nous avons constaté là aussi qu'ils ne présentent ni échéanciers, ni information sur les ressources à affecter, ni résultats escomptés, ni indicateurs de la performance. Comme la biodiversité exige à peu près la même stratégie de coopération que les changements climatiques, nous estimons que s'il ne tient pas compte de ces éléments fondamentaux, le Canada pourrait faire face à des difficultés de gestion et l'impossibilité de mettre en oeuvre la Convention.
Ces constatations renforcent également le thème central de mon deuxième rapport—il faut agir sans tarder pour tenir nos promesses en matière d'environnement.
[Français]
Nous devons veiller à ce que les mesures que nous prenons soient appropriées et qu'elles soient propres à nous permettre d'atteindre nos objectifs. Pour cela, nous devons posséder de bons outils pour prendre de bonnes décisions.
En raison de son importance pour la prise de bonnes décisions en matière d'environnement, nous avons examiné le processus d'évaluation environnementale. Les évaluations environnementales des projets d'envergure sous la supervision des comités sont rares. On en compte environ 10 par année. Par conséquent, nous avons consacré la majeure partie de nos travaux aux activités réalisées aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, soit près de 5 000 examens préalables réalisés par le gouvernement fédéral à chaque année aux termes de la loi.
Tout d'abord, nous avons constaté des problèmes en ce qui a trait à la portée des projets. Il se peut que les examens préalables ne tiennent pas compte de tous les effets environnementaux. Deuxièmement, la surveillance fait défaut. Nous avons constaté qu'il n'est pas possible de déterminer, par exemple, si le processus d'évaluation réduit réellement les effets nocifs sur l'environnement.
Nous avons constaté que l'index fédéral des évaluations environnementales, qui doit fournir aux Canadiens intéressés de l'information pour leur permettre de participer au processus d'évaluation, est incomplet et difficile à évaluer. De plus, la plupart des rapports d'examens préalables qui visaient à décrire les travaux d'évaluation réalisés n'étaient pas complets et ne se trouvaient pas dans l'index.
Enfin, nous avons constaté que les progrès sont lents, bien qu'une directive du Cabinet émise en 1990 exige que le processus d'évaluation environnementale s'applique aux initiatives en matière de politique.
[Traduction]
Par ailleurs, nous avons également relevé de bonnes pratiques d'évaluation environnementale. Ces bons exemples confirment que les problèmes peuvent être corrigés et que l'évaluation environnementale demeure un instrument important pour prendre de meilleures décisions concernant l'environnement.
Nous avons examiné trois autres secteurs dans lesquels nous travaillons pour créer de meilleurs outils. Dans le chapitre intitulé «Élargir les horizons: une approche stratégique pour le développement durable», nous présentons les résultats des pratiques de certaines organisations qui sont les chefs de file du secteur privé comme Nortel, TransAlta et Volvo.
Nous avons constaté que les stratégies de développement durable efficaces tant du secteur public que du secteur privé s'apparentent beaucoup à une bonne planification stratégique, en général. Elles supposent un engagement de la direction, la sensibilisation et la formation de toute l'organisation, des buts et des cibles claires et mesurables. Les principaux éléments sont très simples et les résultats sont étonnamment bons.
Une bonne information peut permettre de faire des gains en matière d'environnement ou de réduire les coûts, ou les deux. C'est pourquoi nous nous sommes engagés à travailler en collaboration avec les ministères pour trouver des façons de prendre l'environnement en compte. Notre chapitre «Prendre les coûts environnementaux en compte» présente les travaux réalisés avec Agriculture et Agroalimentaire Canada pour trouver de nouvelles façons d'utiliser tant l'information financière que l'information non financière pour aider les gestionnaires à prendre de meilleures décisions.
Enfin, je vous rappelle un vieil aphorisme: ce qui est mesuré est réalisé. Par conséquent, les indicateurs de rendement sont essentiels à la prise de meilleures décisions concernant les activités et les politiques. Dans notre chapitre «La mesure de la performance des stratégies de développement durable», nous présentons les caractéristiques d'un bon indicateur de rendement. Nous espérons que cela aidera les ministères à mesurer davantage d'éléments et, en bout de ligne, à mieux gérer et à faire davantage.
• 1120
L'an prochain, nous examinerons, entre autres choses, la
gestion par le Canada des substances toxiques, les accords
internationaux qui touchent l'Arctique, et l'harmonisation. De
plus, nous espérons continuer de travailler avec les ministères à
des projets comme la prise en compte du développement durable.
En conclusion, monsieur le président, j'aimerais remercier le comité de l'intérêt et de l'appui qu'il manifeste constamment. Le travail du comité est essentiel à l'atteinte des objectifs du Canada en matière d'environnement. Nous espérons donc maintenir une relation productive.
Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Emmett.
Nous essaierons d'avoir une bonne période de questions, chacun ayant droit à cinq minutes, peut-être, étant donné que nous sommes très nombreux aujourd'hui. Nous commencerons comme d'habitude par M. Gilmour. Vous avez droit à cinq minutes.
M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais parler de la partie de votre rapport qui porte sur les changements climatiques, et en particulier du plan de mise en oeuvre, ou plutôt de l'absence d'un tel plan. Vous déclarez que le gouvernement ne pourra certainement pas atteindre son objectif de stabilisation de l'an 2000. Avez-vous examiné davantage l'objectif que le gouvernement a accepté en signant l'accord de Kyoto, et pensez-vous que c'est un objectif réalisable, étant donné le manque de plans de gestion?
M. Brian Emmett: Merci, monsieur Gilmour.
Monsieur le président, nous n'avons pas examiné autre chose que les engagements pris à Rio. Nous nous sommes limités à l'objectif de stabiliser les émissions. Je crois néanmoins que plusieurs des observations que nous avons formulées au sujet du fait qu'en raison de problèmes de gestion, nous n'atteindrons pas notre objectif de stabiliser les émissions en l'an 2000, indiquent qu'à moins d'apporter des correctifs, il sera extrêmement difficile d'atteindre un objectif encore plus rigoureux plus tard. Je pense que nous pouvons faire une extrapolation des résultats dans un avenir plus éloigné, même si nous n'avons pas examiné spécifiquement l'objectif fixé à Kyoto.
M. Bill Gilmour: Il semble que le gouvernement tente de résoudre le problème avec de l'argent sans avoir un plan très simple pour parvenir à le résoudre et sans avoir d'objectifs ultimes, ainsi que des étapes ou des jalons en cours de route. On peut ajouter à cela le fait que le niveau de confiance avec les provinces s'est érodé dès le début.
Est-ce que c'est le type de conclusions que vous avez envisagées dans votre rapport? Avez-vous retracé ce qu'on a fait de l'argent affecté au réchauffement de la planète? Quelle est votre impression en général de la façon dont cet argent a été dépensé?
M. Brian Emmett: Il y aura deux parties à la réponse, si vous permettez. Je donnerai la première partie et je demanderai peut-être à Ellen de donner la deuxième partie de la réponse.
Au cours de cette vérification, nous n'avons pas vraiment concentré notre attention sur la façon dont l'argent a été dépensé, mais plutôt sur la reconnaissance du fait que les objectifs en matière de changements climatiques et une grande partie des objectifs en matière d'environnement pouvaient seulement être atteints grâce à des partenariats avec les provinces, avec le secteur privé et avec d'autres. Nous avons constaté que les partenariats étaient souvent très mal définis. Les gens ne savent pas quelles sont leurs obligations, on est très vague quant aux rapports entre les différentes entités ou tout est extrêmement compliqué. Nous nous sommes concentrés sur des facteurs structurels et non sur des facteurs monétaires, comme la façon dont l'argent est dépensé par exemple.
Lors de vérifications précédentes, nous avons examiné la façon dont on dépensait l'argent consacré à des questions liées aux changements climatiques, comme les mesures d'efficacité énergétique. Des questions comme les changements climatiques exigent principalement, à notre avis, une approche globale, c'est-à-dire qu'elles exigent plus qu'une seule mesure.
Je pense qu'il faut nous concentrer sur nos comportements—sur la façon dont les gens prennent des décisions quant à leur consommation d'énergie. Il faut peut-être consacrer de l'argent à des programmes, il faut peut-être aussi adopter des règlements, informer et sensibiliser les gens, et ainsi de suite. L'absence de mise en oeuvre d'un programme d'information et de sensibilisation était justement l'une des principales lacunes que nous avons remarquées en ce qui concerne les changements climatiques.
Ellen est l'auteure du chapitre sur l'efficacité énergétique et les changements climatiques. Elle pourrait peut-être vous donner de plus amples détails.
Mme Ellen Shillabeer (directrice principale, Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada): Très bien. Monsieur le président, je tiens à faire remarquer que nous n'avons pas suivi de près les ressources consacrées aux changements climatiques. Au cours de la phase de planification, nous avons demandé quelles ressources le gouvernement fédéral consacrait à la question des changements climatiques, et nous avons constaté que nous ne pouvions pas vraiment nous fier au système comptable pour savoir quelles ressources exactes y étaient consacrées.
À ce moment-là, on consacrait aussi de plus en plus de ressources à la préparation du Sommet de Kyoto, et il ne s'agissait donc pas de ressources typiques qui pourraient être appliquées d'une manière régulière. Ainsi, une grande partie des ressources étaient affectées à la R-D dans les sciences relatives aux changements climatiques, et nous nous concentrions sur les mesures d'atténuation. Nous avions énormément de difficulté à séparer les activités qui concernaient seulement l'atténuation des effets.
• 1125
Je réponds donc que nous ne pouvons pas vraiment vous aider,
en ce qui concerne la quantité de ressources consacrées aux
changements climatiques.
M. Bill Gilmour: Merci.
Encore une brève question?
Le président: Oui, très brève.
M. Bill Gilmour: La similitude frappante entre la question de la biodiversité et celle des changements climatiques réside davantage dans l'absence d'un plan de gestion, l'absence d'objectifs—ai-je bien compris? S'agit-il d'un problème semblable à celui qu'on voit au sein du ministère, c'est-à-dire qu'on ne semble pas avoir de carte routière montrant dans quelle direction on veut aller?
M. Brian Emmett: Merci, monsieur Gilmour.
Monsieur le président, je crois que le thème central de notre rapport est que nous faisons des promesses et que nous ne savons pas comment les respecter. Il manque un lien, et c'est l'expérience que j'ai vécue lorsque je travaillais dans le domaine des politiques au niveau ministériel, c'est-à-dire qu'il y avait un manque de liens entre la conception des politiques et leur mise en oeuvre. Je crois qu'il y a une sous-appréciation systémique de la gestion, de la mise en oeuvre, et d'autres questions de cette nature. Je n'ai pas du tout l'intention de diminuer la valeur du rôle de chef de file joué par le Canada en ce qui concerne un certain nombre de questions environnementales. Je suppose que le thème central de notre rapport, à mon avis, est la nécessité de compléter cela par un engagement plus ferme à se concentrer sur la gestion, sur la définition des résultats, sur la façon d'aller du point A au point B. C'est un problème systémique.
[Français]
Le président: Thank you.
Monsieur Rocheleau, s'il vous plaît.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Comme première question, j'aimerais simplement vous demander de nous parler des changements climatiques et de leurs effets potentiels. Sans dramatiser inutilement la situation, pourriez-vous illustrer ou avez-vous déjà illustré de façon pratique leurs conséquences concrètes dans certaines régions du Canada ou du Québec? Je pense entre autres aux icebergs qui se déplacent de plus en plus vers le sud. Qu'est-ce qui risque de se produire si des correctifs ne sont pas apportés assez rapidement?
M. Brian Emmett: Monsieur le président, je pense qu'il y a la question de la température. On n'a qu'à penser à la tempête de verglas qu'on a vécue récemment et aux autres changements météorologiques. J'ai entendu dire qu'il n'y a pas de lien scientifique entre ces événements et les changements climatiques globaux. Nous pouvons nous attendre à des sécheresses, à l'inondation des côtes et à des conditions météorologiques plus variables en raison du changement global et du réchauffement planétaire.
Ellen, est-ce que vous aimeriez ajouter quelque chose?
[Traduction]
Mme Ellen Shillabeer: Eh bien, monsieur le président, je tiens à attirer votre attention sur le paragraphe 3.32 du rapport, où nous résumons les conséquences éventuelles pour le Canada. Nous signalons un certain nombre de conséquences éventuellement graves, y compris pour l'agriculture, les forêts et les pêches. L'un des effets éventuels est évidemment une fréquence accrue de phénomènes météorologiques violents. On pourrait peut-être ajouter dans ce paragraphe certains des effets éventuels.
Le président: Merci.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Au cours des dernières semaines, j'ai eu le privilège de prendre part à un voyage du Comité des pêches en Terre de Baffin, à Iqaluit notamment, à Broughton Island et à Pangnirtung. À ma grande surprise, un des problèmes qu'ont soulevés les autochtones de la place, c'est que le poisson qu'ils pêchent contient des substances toxiques. On sait que l'activité humaine industrielle est très faible dans cette région du pays et cela se comprend. Ces personnes font toutefois un lien entre les produits toxiques que l'on retrouve dans le poisson et la DEW Line mise sur pied dans les années 1950 par les Américains en collaboration avec le gouvernement canadien. Honnêtement, selon vous, peut-on faire ce lien? On nous a dit que les Américains avaient sagement laissé sur la glace des barils de BPC et que, la glace ayant fondu, là comme ailleurs, ces barils se sont retrouvés au fond de l'eau. Est-ce qu'il y a un danger pour les sudistes que nous sommes que, la nature faisant son oeuvre, ces produits toxiques descendent et contaminent les eaux de la baie James, de la baie d'Hudson, du fleuve Saint-Laurent, des Grands Lacs, ou si on dramatise inutilement en pensant ainsi?
M. Brian Emmett: Monsieur le président, je ne sais pas s'il y a des liens entre les sites contaminés dans le nord et le problème de la pollution chimique. Dans notre plan de travail pour l'année prochaine, nous avons prévu un élément très très important en ce qui concerne la pollution chimique dans l'Arctique et les liens entre cette dernière et l'activité économique dans le reste du monde. C'est un élément clé de notre plan de travail.
Le président: Merci, monsieur Emmett.
[Traduction]
Monsieur Laliberte, suivi de M. Herron, de M. Jordan et de Mme Kraft Sloan.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Merci. Je pense que votre rapport a beaucoup de crédibilité, car vous vous attaquez à deux éléments principaux de nos engagements à l'échelle internationale: la biodiversité, dans un pays comme le Canada, et les changements climatiques.
Je veux essayer de connaître principalement votre vision, votre leadership et votre administration. En ce qui concerne le ministère précis avec lequel nous avons travaillé—celui de l'Environnement—l'examen des programmes a simplement permis de les mettre en lumière. L'examen des programmes—il s'agit en réalité d'un examen des compressions. Il y a eu des compressions dans tous les secteurs, au cours des dernières années. À cause de notre situation financière, dans le rapport publié hier, nous avons souligné que nous avions besoin de plus de ressources humaines et financières du côté des programmes d'exécution.
Également, pour ce qui est de vos réactions au sujet de la biodiversité et des changements climatiques, comment définiriez-vous la disparité ou la différence entre des mesures volontaires et des mesures exécutoires prises dans l'optique fédérale ou à l'initiative de la compétence fédérale?
M. Brian Emmett: Encore ici, il se peut qu'Ellen puisse ajouter quelque chose au sujet de la différence entre les mesures volontaires et les autres types de mesures.
Je commencerai par la question du leadership. Ayant moi-même oeuvré dans le domaine de l'élaboration de politiques, j'estime que les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement prenne l'initiative au sujet de questions d'une si grande importance. L'équation qui me vient à l'esprit est fort simple. Pour faire preuve de leadership, il faut de bonnes politiques, des politiques innovatrices, une perspective, et les moyens de les mettre en oeuvre. Les deux éléments sont nécessaires, mais ne représentent pas des conditions suffisantes. Voilà pourquoi le manque de gestion m'inquiète à ce point. En effet, pour être des chefs de file, des visionnaires—pour avoir des idées crédibles et innovatrices susceptibles d'exercer une influence à l'échelle internationale—là où il est si important pour nous de le faire, je garde à l'esprit cette équation concernant l'esprit d'initiative où la vision vient s'ajouter à l'action, et...
Pour ce qui est de l'action volontaire, j'ai toujours estimé, pour ma part, qu'il y a diverses façons d'exécuter un programme. L'action volontaire en est une. Il faut se demander quels en sont les résultats. Je ne suis pas certain que nous disposions de résultats empiriques à ce sujet. Ellen a peut-être quelque chose à ajouter à ce sujet.
Mme Ellen Shillabeer: Monsieur le président, nous constatons dans le chapitre que le Canada a recours à une boîte à outils assez mal garnie en matière de changements climatiques. Nous avons surtout recours aux mesures volontaires et assez peu à la réglementation. Pourtant, il ressort de l'accord fédéral-provincial qu'un éventail assez vaste est nécessaire. Autrement dit, même si les mesures volontaires sont jugées importantes, on convient du fait qu'elles ne permettront pas à elles seules d'atteindre les objectifs. Comme l'a dit M. Emmett, nous n'avons pas suffisamment d'information au sujet des mesures volontaires pour savoir dans quelle mesure elles peuvent favoriser la réalisation de l'objectif d'ensemble.
Tous semblent donc d'accord pour dire qu'il faut d'autres outils, qu'il faut aller au-delà des mesures volontaires. Évidemment, nous ne favorisons pas tel instrument par rapport à tel autre, mais nous disons tout simplement qu'il faut une boîte à outils bien garnie.
Le président: Dernière question.
M. Rick Laliberte: Puisque vous affirmez que la protection de l'environnement et celle de l'économie nécessitent de la main-d'oeuvre, êtes-vous d'accord pour dire qu'il nous faut davantage de ressources humaines et financières? De la même manière, le fait de décontaminer des sites, de nettoyer des rivières, de restaurer l'habitat du poisson, de moderniser des installations manufacturières qui engendrent de la pollution et des gaz à effet de serre favorisera la création d'emplois, tout le monde y gagnerait si le gouvernement prenait l'initiative de résoudre du même coup les problèmes d'environnement et les problèmes d'emploi.
M. Brian Emmett: Merci, monsieur Laliberte.
On a beaucoup discuté de la question des ressources au cours des quelques derniers mois et il en a beaucoup été question dans la presse également. Le sous-ministre de l'Environnement a déclaré que nos ressources étaient restreintes. Le comité lui-même a fait porter son attention sur la pénurie de ressources. À bien des égards, ce sont des questions que le sous-ministre et les membres du comité connaissent beaucoup mieux que nous.
Pour notre part, nous nous efforçons de vous fournir l'autre dimension. Encore ici, une équation me vient à l'esprit: la capacité est égale aux ressources multipliées par l'efficacité d'utilisation de ces mêmes ressources. Si, comme je l'espère, nous pouvons contribuer au débat par notre rapport, c'est en montrant quel est le degré d'efficacité d'utilisation des ressources disponibles. Cela fait partie de l'équation de capacité.
Je n'ai donc aucune raison de douter des observations formulées par le sous-ministre et les membres du comité au sujet des ressources. Ce qui m'intéresse, c'est de veiller à ce que ces ressources soient utilisées le plus efficacement possible.
Le président: Merci, monsieur Laliberte.
Monsieur Herron, s'il vous plaît, et ensuite M. Jordan.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Ma première question a trait à l'affirmation contenue dans votre communiqué selon laquelle des évaluations environnementales inadéquates peuvent avoir des conséquences importantes pour l'environnement.
Comme vous l'avez déclaré, 99 p. 100 des évaluations environnementales sont faites sous forme d'examens préalables. Vous ajoutez que les 187 évaluations que vous avez passées en revue ne répondaient pas aux critères fixés par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et la loi. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
M. Brian Emmett: Certainement, monsieur Herron.
Dans le cadre de notre travail, nous nous efforçons notamment de souligner à quel point il importe que les Canadiens, dans le secteur public ou le secteur privé, ou comme individus, soient en mesure de prendre des décisions mieux informées et de disposer de bons outils pour ce faire. Voilà pourquoi nous accordons beaucoup d'importance aux évaluations des répercussions environnementales et aux stratégies axées sur le développement durable.
Comme vous le savez, l'évaluation environnementale est un processus d'autoévaluation dans le cadre duquel les ministères font eux-mêmes l'examen préalable, l'Agence jouant essentiellement un rôle de direction et d'orientation. À l'examen du processus, nous avons constaté certains problèmes pour ce qui est d'établir la portée de l'évaluation. Par exemple, lorsqu'un pont traverse une rivière et qu'un permis est nécessaire, nous avons pu observer que le pont était étudié mais que les routes qui y menaient ne l'étaient pas. Souvent, donc, les projets étaient définis de façon trop étroite.
Un autre aspect limite également la valeur du processus comme instrument d'examen préalable: il s'agit du peu d'importance accordée au suivi. On accorde à des gens la permission de faire telle ou telle chose à condition qu'ils prennent certaines mesures de correction visant à protéger l'environnement, mais il n'existe aucune procédure systématique permettant de contrôler l'activité par la suite. Ainsi, nous ne comprenons pas nécessairement si cet outil fonctionne aussi bien qu'il le devrait.
M. John Herron: Ma prochaine question porte sur la biodiversité. Comme vous l'avez dit, six ans se sont déjà écoulés depuis le Sommet de la Terre, à l'occasion duquel nous nous sommes engagés à établir un accord sur la biodiversité. Pourriez-vous étoffer un peu le passage du communiqué où vous déclarez que, six ans après la signature par le Canada de la convention des Nations Unies, vous avez encore peu d'information sur la mesure dans laquelle le Canada protège ses plantes, ses animaux et leurs habitats. Pourriez-vous également, dans votre réponse, englober la dimension provinciale? Existe-t-il au Canada une forme quelconque de plan de gestion de la biodiversité?
M. Brian Emmett: J'inviterai mon collègue, Wayne Cluskey, à donner une réponse plus détaillée.
Nous sommes en retard sur l'échéancier à certains égards pour ce qui est des engagements que nous avons pris envers les Nations Unies. Nous nous sommes engagés, par exemple, à livrer un premier rapport aux Nations Unies avant décembre 1997. Un tel rapport n'existe pas encore. À l'heure actuelle, je crois savoir que deux seulement des huit modules prévus du rapport sont prêts, et nous pouvons d'ailleurs dire que nous ne sommes pas satisfaits du travail que nous avons pu voir à cet égard jusqu'à maintenant: il manque d'objectifs, d'information sur l'affectation des ressources, et il manque de nombreux détails.
• 1140
Ici encore, tout comme en matière de changements climatiques,
il s'agit d'une question fédérale-provinciale qui exige des
partenariats avec les provinces. Cependant, je ne sais pas au juste
où nous en sommes à cet égard.
Wayne.
M. Wayne Cluskey (Équipe de vérification environnementale, Bureau du vérificateur général du Canada): Nous n'avons pas vérifié les activités des provinces. Il s'agit d'un travail de collaboration qui relève du conseil des ministres. Nous n'avons ni vu, ni vérifié de rapports des provinces. Nous avons limité notre vérification aux activités du gouvernement fédéral.
Le président: Voilà qui en dit long sur le conseil des ministres.
Merci, monsieur Herron.
Monsieur Jordan, je vous en prie. Ensuite, Mme Kraft Sloan, M. Pratt, et puis la présidence.
M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci.
Bien que je ne trouve pas les résultats étonnants, je les trouve plutôt inquiétants. Par contre, votre franchise et votre objectivité concernant cette question me comblent d'aise. Et je vous prie d'accueillir mon commentaire sous toute réserve, étant donné que celui qui le formule est député depuis un an.
La question que je m'apprête à vous poser est de nature très générale, et elle se rapporte quelque peu à l'un des aspects soulevés par M. Laliberte lorsqu'il établissait une distinction entre l'emploi et le travail. Je veux dire par là qu'il me semble exister diverses façons d'aboutir ici au Canada à des pratiques, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, qui soient saines non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan environnemental et sur le plan social—et j'emprunte ici des expressions qui figurent dans votre document.
Depuis quatre ou cinq ans, la fonction publique et l'appareil gouvernemental ont dû s'attaquer au problème de la dette et l'ont fait de façon tout à fait remarquable et je me demande si, au lieu d'avoir un système de commandement et de contrôle et un conflit constant entre les intérêts économiques et les questions environnementales, nous ne devrions pas plutôt songer à incorporer ces questions dans nos activités.
Ce que j'essaie de dire, c'est que nous pouvons passer beaucoup de temps à essayer de faire en sorte que les gestionnaires appliquent les principes de la bonne gestion ou que cette bonne gestion comporte une évaluation des coûts excédentaires et une reddition des comptes pour ces coûts parce quÂà peu près tout ce que nous faisons tient au rendement sur l'investissement, aux profits et aux pertes, aux taux internes et à l'efficience. Cependant, nous essayons en même temps de nous occuper de ce conflit interne.
Je sais que j'anticipe peut-être un peu parce que vous dites que, l'année prochaine, vous songez à instaurer un mécanisme de comptabilité pour le développement durable. Nous devrions peut-être consacrer suffisamment de ressources à nos systèmes de mesure des conséquences de nos diverses activités pour l'environnement, l'économie et la société, pour nous assurer... Il me semble que les fonctionnaires ont déjà montré qu'ils avaient la souplesse voulue pour faire face aux défis financiers du déficit et que nous n'avons pas besoin de modifier leurs comportements; nous devons simplement modifier les règles. Les fonctionnaires manifesteront tout l'esprit créateur qu'ils ont utilisé pour s'attaquer au problème du déficit pour s'occuper de ce problème-ci.
À mon avis, ce serait une stratégie beaucoup plus viable à long terme si nous appliquions la méthode du coût intégral parce que, en fin de compte, les problèmes que nous identifions coûtent tous quelque chose.
Il y a certaines choses dans vos propres documents qui m'ont causé quelques préoccupations. Je veux parler de votre communiqué intitulé «Prendre les coûts environnementaux en compte».
Vous dites que vous avez une combinaison gagnante et que vous pouvez réduire les coûts tout en protégeant l'environnement. À mon avis, la protection de l'environnement représente en soi une réduction de coûts et nous devons cesser de faire une telle distinction. Je sais qu'il n'y a rien que nous pouvons faire pour y changer quelque chose maintenant; cette distinction existe et c'est de là que vient le problème.
Ce qui me trouble, cependant, c'est que vous parliez de limiter les émissions de gaz à effet de serre et les autres incidences environnementales tout en diminuant les coûts totaux, parce que je pense que nous devons commencer à penser que le fait de réduire les émissions de gaz et les autres incidences environnementales va aussi réduire les coûts et doit être reflété dans notre évaluation de la performance.
Est-ce à cela que vous songiez quand vous disiez que vous examineriez l'année prochaine l'aspect comptable de la durabilité? Allez-vous vous efforcer de faire disparaître certaines de ces lignes de démarcation entre le bien-être économique, environnemental et social du pays et la façon de le mesurer?
M. Brian Emmett: Si vous me le permettez, monsieur le président, je donnerai plus d'une réponse à cette question. C'est une excellente observation.
À mon avis, le titre de commissaire à l'environnement et au développement durable tient compte du fait que si vous alliez sur la promenade de la rue Sparks, par exemple, à l'heure du déjeuner et que vous demandiez aux passants s'ils préfèrent l'environnement ou l'économie, ils vous diraient de leur poser une question qui veut dire quelque chose. Pour eux, il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre. Ils ne voient pas pourquoi on ne peut pas protéger les deux en même temps et ils ne voient pas pourquoi les fonctionnaires, par exemple, ne sont pas assez futés pour faire les deux.
• 1145
Je pense que cela fait effectivement partie de mon mandat. Je
ne considère pas qu'il faut choisir entre l'environnement et
l'économie, mais plutôt qu'il faut considérer les deux ensemble.
Quand nous avons examiné les sondages des meilleures pratiques des meilleures entreprises, comme Volvo, TransAlta et une compagnie forestière appelée AssiDom«n en Europe, nous avons constaté que des entreprises partout dans le monde font la même chose, non pas pour des raisons altruistes, mais parce qu'elles veulent produire le meilleur rendement possible pour leurs actionnaires à long terme. Elles veulent rester en affaires. Elles veulent être prêtes pour le XXIe siècle. D'après moi, les meilleures entreprises reconnaissent qu'une entreprise qui tient compte de l'environnement est une bonne entreprise. Je voudrais que le gouvernement reconnaisse qu'un gouvernement qui tient compte de l'environnement est un bon gouvernement.
Je pense que vous avez absolument raison de dire que si on leur donne un bon régime d'incitatifs et un système d'information convenables, des fonctionnaires sont pour le pays une ressource exceptionnelle et ils peuvent être tout à fait créatifs et d'ailleurs parfaitement capables de relever le défi. Le problème en revanche est qu'il est difficile d'y arriver.
M. Joe Jordan: En effet. Je pense quant à moi que cette notion de respect volontaire pourrait être tout à fait dans le domaine du possible si les règles elles-mêmes et les attitudes qu'elles commandent pouvaient venir valoriser le genre d'activité que nous voulons, ce qui éliminerait le conflit en question.
J'aurais une toute dernière petite question.
Le président: Très rapidement, je vous prie.
M. Joe Jordan: Vous avez fait valoir à juste titre que nous sommes le deuxième pays au monde en superficie, celui qui a le littoral le plus long, et que nous avons donc une certaine dose de responsabilité. Mais lorsque vous offrez cet argument, on a souvent tendance à vous répondre que nous ne devons pas prendre trop les devants par rapport à nos partenaires étrangers sous peine de sacrifier l'économie.
Pensez-vous que puisque nous sommes en quelque sorte les gardiens d'une partie aussi importante de la planète, nous devons à un moment donné nous résoudre à agir chez nous en tenant compte des intérêts du Canada au risque de devoir ainsi subir les conséquences d'un éventuel holocauste économique?
M. Brian Emmett: Je pense que je dois vous renvoyer à ce que je disais un peu plus tôt. Je crois qu'en raison précisément de l'énormité de notre territoire et de notre faible population, il est très facile pour les autres de nous insulter, de sorte que nous devons pouvoir être présents aux tribunes internationales et y avoir un impact disproportionné par rapport à notre importance relative. Comme on le dit dans le monde de la boxe, quand on a un handicap de poids, il faut frapper d'autant plus fort. Et nous ne pourrons y réussir que si nos actions sur le plan intérieur nous en donnent la crédibilité.
Je pense donc que c'est un argument qui se renforce lui-même. Vous avez parlé comme un nouveau député et moi je vous parle comme un nouveau commissaire. Plus longtemps j'occuperai cette charge, plus j'en apprendrai, plus cette distinction entre le monde de la politique et le monde de l'intervention s'évanouira, et pour moi une politique sans intervention est presque une contradiction de termes. Voilà donc ma position.
Le président: Je vous remercie.
Madame Kraft Sloan, je vous prie, puis M. Knutson, M. Pratt et M. Charbonneau.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Je voudrais vous féliciter non seulement pour la teneur même de vos rapports, mais également pour la façon dont ils sont présentés et qui les rend très digestes. Il est important en effet que ce genre d'information soit à la portée de tout le monde.
Je voudrais maintenant vous demander d'étoffer un peu ce que vous avez dit un peu plus tôt au sujet de lÂhiatus entre la politique et les moyens d'action. Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un problème systémique et j'aimerais savoir si votre expérience vous permet de nous dire pourquoi ce problème existe et comment nous pourrions l'éliminer, abattre les obstacles et trouver des solutions.
M. Brian Emmett: Je vous remercie, madame Kraft Sloan.
Monsieur le président, quelqu'un me demandait récemment ce que j'avais appris pendant le peu de temps que j'avais occupé ma charge. Je lui avais répondu, un peu à la blague, mais un peu seulement, que j'avais appris à quel point j'avais mal travaillé lorsque j'étais dans le monde des politiques. Lorsque nous travaillions sur de grands dossiers de politique, je ne pense pas que nous ayons jamais pensé à aller nous entretenir au ministère avec ceux-là même qui étaient chargés de nous amener du point A au point B. Nous nous demandions sans cesse si nous faisions bien ce qu'il fallait, mais jamais si nous avions les moyens de faire bien les choses, c'est-à-dire en d'autres termes de faire le voyage. Je pense que c'est là quelque chose qui dénote une sous-estimation du volet mise en oeuvre. C'est en effet ce volet qui est considéré, pour les fonctionnaires qui doivent s'en charger, comme la partie la moins glorieuse du travail et je dirais d'ailleurs qu'on a souvent l'impression que les récompenses sont plutôt associées au volet politique et au volet innovation, et très rarement semble-t-il au volet gestion compétente, établissement d'objectifs clairs, évaluation et reddition de comptes.
• 1150
Le défi du réchauffement planétaire est intrinsèquement
beaucoup plus excitant que les bilans verts. Il est difficile
d'intéresser beaucoup de gens à ce genre de choses. Mes collègues
par contre sont tout à fait intéressés par cela parce qu'ils
comprennent que c'est fondamental pour pouvoir bien faire les
choses, pour pouvoir susciter des changements. C'est précisément le
genre de sous-estimation systémique qui est faite de ce volet de
l'agenda qui exige simplement des responsables, soyons francs, de
poser leur postérieur sur leur chaise pour s'atteler à cette corvée
longue et ardue qui consiste à essayer de comprendre certaines
problématiques vraiment difficiles comme l'étalonnage de
l'environnement, l'établissement d'un objectif qui est à la fois
bon et valable, ou encore la composition d'un plan de mise en
oeuvre. Il s'agit là de questions difficiles et détaillées qui
nécessitent davantage d'attention.
Mme Karen Kraft Sloan: Il faut également admettre que, comme vous le dites dans la partie consacrée à une stratégie du développement durable que le secteur privé a fini, après plusieurs années, par apprendre comment composer de bonnes stratégies de développement durable.
L'une des choses que je voulais vous signaler concerne la page 1-23 du chapitre 1, «L'écologisation du gouvernement du Canada», où vous parlez de certaines de ces stratégies de développement durable en disant qu'elles sont surtout axées sur les réalisations passées au lieu de préciser des changements précis nécessaires pour l'avenir.
À l'instar de notre président et d'autres membres du comité, je me suis beaucoup intéressée à la nécessité de conduire une étude fondamentale sur la fiscalité, les subventions et les octrois et je remarque ici, à la page 1-25, que dorénavant les ministères vont devoir expliquer comment ils vont arriver à réévaluer ces éléments fondamentaux et comment nous sommes censés parvenir à éliminer ces subventions écologiques perverses qui, à mon avis, sont à l'origine d'un bon nombre des préoccupations exprimées ici, grâce à certains des volets plus séduisants comme les changements climatiques à l'échelle planétaire et ainsi de suite.
Comment pourrions-nous donc encourager les ministères à faire davantage pour définir ces objectifs pour l'avenir, c'est-à-dire arrêter de parler simplement des réalisations passées mais plutôt comment expliquer comment ils vont changer de modus operandi, surtout à la lumière de ce que vous dites à la page 1-25.
M. Brian Emmett: Je pense qu'une chose que tout le monde peut faire ici au comité par exemple, c'est... Non, permettez-moi de faire un retour en arrière.
Les stratégies de développement durable ne vont probablement pas recevoir l'attention qu'elles méritent à mon avis. Les changements climatiques représentent certes une problématique importante et il est certain que les gens veulent en parler, comme ils veulent parler de la biodiversité et ainsi de suite. Ces vecteurs qui ont été créés par le gouvernement précédent sont quelque chose d'unique. Ils pourraient être extrêmement précieux. Je pense qu'il m'appartient à moi, puisque cela fait partie de mes fonctions, ainsi qu'au comité, puisque cela fait partie du travail du comité et des parlementaires en général, d'exiger que ces stratégies soient aussi parfaites que possible.
Par exemple, prenons la liste des grands défis que les chefs de gouvernement avaient étudiés l'an dernier à l'occasion de leur examen général de l'accord de Rio plus cinq à New York. Il s'agit en l'occurrence d'une série de défis de taille qui nous interpellent pour le XXIe siècle. Je dirais que les Canadiens et les députés sont tout à fait en droit de s'attendre des ministères qu'ils regardent par delà cet horizon et qu'ils se préparent à affronter ces défis du XXIe siècle.
Je pense que nous devons encore intensifier ce genre de choses. L'une de mes fonctions consiste à mettre la barre encore plus haute pour tout ce qui concerne la teneur profonde, intellectuelle et stratégique, de ces stratégies. Il s'agit de vecteurs nouveaux, et les ministères ont fait un effort courageux, certes, mais nous devons continuer à insister et à insister encore parce que ce vecteur doit absolument produire des résultats.
Le président: Merci, madame Kraft Sloan.
Nous passons maintenant au deuxième tour de questions en commençant par M. Knutson.
M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le commissaire, je voudrais commencer par faire valoir quelque chose rapidement. J'ai personnellement du mal à comprendre cette mention à l'objectif 2000, ce que nous avons signé en 1992. Je pense que ce qui inquiète davantage les Canadiens... Il est évident que nous savons depuis un certain temps déjà que nous n'allons pas pouvoir atteindre cet objectif. C'est un genre de repère, c'est également quelque chose qui nous rappelle que nous n'allons pas pouvoir atteindre cet objectif d'ici l'an 2000.
• 1155
Ce qui m'inquiète davantage, c'est que je ne suis pas sûr que
nous faisons tout ce qu'il faut maintenant pour honorer nos
engagements de Kyoto. Si le rapport doit être une sonnette d'alarme
à cet égard, je pense que vous auriez dû être plus direct.
Le rapport ne dit rien sur l'orientation du secrétariat. Va-t-il réussir? Avons-nous le sentiment que si nous prenons du retard... Le gouvernement fédéral a accepté avec les provinces, que je sache, d'étudier le dossier un certain temps avant de rendre le plan public. Cela revient-il à sonner l'alarme en ce sens que chaque fois qu'on discute des changements climatiques il va falloir discuter précisément de cela? Moi, je vous dirais personnellement, sans mâcher mes mots, qu'il n'y a aucune raison pour ne pas passer à autre chose l'année prochaine. Le dossier des changements climatiques est tellement monumental qu'il appellera sans doute votre attention chaque année et chaque année donc vous allez devoir lui consacrer un chapitre jusqu'à ce que nous puissions avoir la certitude que nous faisons bien les choses.
J'ai le sentiment que si vous aviez des fonctionnaires à côté de vous, ils parleraient précisément de toutes ces belles et grandes choses qu'ils ont réalisées et dont on ne parle pas ici. Ils vous parleraient du secrétariat, ils vous parleraient des 50 millions de dollars du budget de février et ils essaieraient de nous donner l'impression que nous progressons. Ils parleraient également de toutes les ententes que nous sommes en train de signer avec toutes les provinces.
Personnellement, je me demande si c'est un miroir aux alouettes ou si c'est bien la réalité? Je n'ai pas tout lu, mais cela est un peu antérieur à notre discussion et je pense qu'il nous faudrait plutôt quelque chose de plus récent.
M. Brian Emmett: Je vous remercie, monsieur Knutson.
Il s'agit là, monsieur le président, d'une conversation que nous avons nous-mêmes eue sur le plan interne avant de commencer cette vérification. Nous en avions parlé nous-mêmes. Tout le monde sait que nous n'allons pas pouvoir atteindre l'objectif de stabilisation pour l'an 2000. N'est-ce pas de cela qu'il s'agit? Y a-t-il autre chose à dire à ce sujet? Je partais alors du principe, et c'est toujours le cas, que quelqu'un devait absolument aller voir plus loin que les chiffres pour découvrir pourquoi, et puis alors poser publiquement les questions suivantes: Pourquoi? Qu'est-ce qui a achoppé? S'agissait-il d'un problème structurel ou d'un incident isolé?
Dans le rapport, nous aboutissons à la conclusion qu'il y a des problèmes structurels qui doivent être réglés. Les éléments comme le secrétariat sont en fait survenus au moment même où nous bouclions le rapport et nous n'avons pas eu la possibilité de les analyser. Nous n'avons donc pas pu en parler dans le rapport. Bien entendu, nous couvrons le travail qui correspond à notre cycle de deux ans et nous faisons les suivis nécessaires, et c'est d'ailleurs ce que nous allons faire.
Il n'en demeure pas moins que pour moi, nous avons identifié un certain nombre de problèmes structurels—un leadership insuffisamment défini, des partenariats insuffisamment définis, des objectifs insuffisamment définis, un manque de planification, etc.—dont le secrétariat doit se saisir. Je dirais en substance que c'est quasiment tout un programme de travail qui attend le secrétariat s'il veut vraiment nous permettre d'arriver à l'objectif de Kyoto.
Je pense donc que les commentaires que nous formulons sont valables sous l'angle de Kyoto. S'il n'y a pas de correctifs... Le président du nouveau secrétariat a pour mission de composer un plan de mise en oeuvre. Le comité nous a demandé de jeter un coup d'oeil et de l'évaluer par rapport à ce que nous avons découvert pendant notre travail de vérification, et nous avons accepté de le faire. Nous y reviendrons donc ultérieurement. Mais je pense que les leçons que nous avons tirées de cela valent aussi pour l'avenir.
M. Gar Knutson: Quand pouvons-nous escompter avoir ce rapport?
M. Brian Emmett: Quelque temps après le dépôt de mise en oeuvre par le secrétariat.
M. Gar Knutson: Et ce sera quand?
M. Brian Emmett: Dans 18 mois environ, je pense, 18 mois à deux ans.
M. Gar Knutson: Est-ce que cela suffira?
M. Brian Emmett: Je pense que cela correspond à peu près à ce que nous pouvons faire concrètement pour que le dossier progresse. Nous avons un chapitre qui parle d'un certain nombre de choses que nous pouvons faire. Le gouvernement peut choisir de les examiner.
M. Gar Knutson: À votre avis, est-ce que le délai de 18 mois sera suffisant ou est-ce que nous sommes déjà dans une position difficile? Voilà ce qui est vraiment la question importante, du moins à mon avis, mais d'autres...
M. Brian Emmett: Vous n'avez pas tort. Plus le temps passe, plus nous prenons du retard. Nous avons un objectif qui a été établi à Kyoto. Chaque année où nos émissions de gaz à effet de serre augmentent signifie que nous nous retrouvons dans une situation de plus en plus difficile. D'un autre côté, je pense qu'il vaut la peine de prendre le temps pour corriger les problèmes structurels que nous avons et nous assurer que nous sommes sur une voie que nous pouvons maintenir.
Le président: Merci, monsieur Knutson. Monsieur Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président. Ma question porte elle aussi sur le changement climatique et je regarde votre communiqué intitulé «Changements climatiques, le dossier du gouvernement fédéral: Mesures insuffisantes». Au verso, vous parlez de la liste de contrôle des résultats et des éléments clés dans la gestion des engagements ayant trait aux changements climatiques. Plus bas dans la liste, il y a l'accord des instances à l'égard des mesures menant à la réalisation des objectifs et vous n'indiquez aucun projet à ce sujet au niveau du gouvernement fédéral.
Dans toute cette question du leadership du fédéral, je me demande si c'est parce que le gouvernement fédéral ne s'est tout simplement pas suffisamment efforcé d'obtenir l'accord des provinces ou si c'est parce que les provinces ont divers niveaux d'engagement sur les questions environnementales en général et sur les changements climatiques en particulier.
M. Brian Emmett: Je vais demander à Ellen si elle peut répondre à cette question, puisqu'elle est l'auteur de ce chapitre.
Mme Ellen Shillabeer: Il était très clair au départ que l'objectif consistait à tenter d'obtenir l'accord formel des provinces et de toute évidence cela n'a pas changé. Le Canada a un programme d'action national qui donne les grandes lignes de certaines idées et options qui pourraient être adoptées par les provinces et les municipalités si elles choisissent de le faire.
On sait qu'elles ont d'autres priorités et que leurs ressources sont limitées. Donc les accords que nous jugeons nécessaires pour définir qui fera quoi dans quel délai et avec quelles ressources n'ont tout simplement pas été conclus. J'espère qu'au cours des 18 prochains mois nous arrivons à conclure des accords par écrit précisant les contributions des diverses parties. Je pense qu'il est absolument essentiel d'atteindre l'objectif visé à l'avenir.
M. David Pratt: Voyez-vous la moindre lueur de détermination, d'innovation ou de créativité qui pourrait laisser croire que certains de ces accords pourraient être conclus dans un avenir rapproché? Que faudra-t-il pour corriger le problème?
M. Brian Emmett: Je vois certaines lueurs, mais il est difficile de savoir si elles allumeront une petite flamme ou créeront un brasier. On parle d'établir un secrétariat. Il est difficile de savoir à l'avance s'il s'agit ou non d'une mesure positive. On a cependant reconfirmé qu'il était important d'établir un objectif mondial en matière de changements climatiques. Nous avons signé un accord entraînant des obligations juridiques, etc. Il nous faudra attendre pour voir si les leçons que nous avons apprises au cours des 10 dernières années pourront servir à mettre en place un plan de mise en oeuvre pour atteindre les objectifs établis à Kyoto.
Le président: Monsieur Charbonneau.
[Français]
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Moi aussi, je suis impressionné par ce rapport. Même si je n'en ai pas encore pris connaissance au complet, je m'aperçois qu'il met en lumière l'importance d'intégrer des objectifs économiques, sociaux, environnementaux et internationaux. La stratégie de développement durable doit comprendre ces quatre volets ou éléments. Je crois que c'est un message sur lequel il faudra revenir sans cesse.
Sur la question du changement climatique et de la mise en oeuvre des engagements que le Canada a pris, vous insistez sur la nécessité de mettre en place une nouvelle structure de gestion. Je n'ai pas trouvé dans votre rapport une description vraiment précise de la structure actuelle. Nous savons cependant que cette responsabilité est entre les mains de deux ministères, Environnement et Ressources naturelles, d'un secrétariat national, de la table ronde nationale qui relève du premier ministre, et aussi, depuis plus récemment, d'un secrétariat fédéral-provincial. À partir de cette connaissance que nous avons des structures en place, quel est votre avis quant à une structure meilleure qui devrait être mise en place? Est-ce que vous avez des commentaires plus précis ou plus concrets à nous présenter?
[Traduction]
M. Brian Emmett: Je vais demander à Ellen de répondre à cette question, monsieur le président.
Mme Ellen Shillabeer: Monsieur le président, l'une des choses qui a été frustrante au cours de la vérification, c'était de tenter de voir exactement ce que le gouvernement fédéral voulait dire lorsqu'il affirmait être l'instance dirigeant dans le dossier des changements climatiques.
Nous avons deux ministères fédéraux, Ressources naturelles Canada et Environnement Canada, qui sont les deux ministères responsables dans ce dossier, et c'est tout ce que nous avons réussi à savoir lorsque nous tentions de trouver une description écrite de ce que le gouvernement fédéral fait comme instance dirigeante de ce dossier. Je suppose donc que là où nous pourrions commencer en ce qui concerne la nouvelle structure de gestion, c'est en déterminant un peu plus clairement ce que le gouvernement fédéral entend faire exactement pour prendre les rênes dans ce dossier.
Nous ne pouvons pas vous parler de ce secrétariat des changements climatiques qui vient d'être créé à la fin de la vérification. Au moment où nous avons terminé la vérification, le secrétariat n'avait encore ni mandat ni ressource. De toute évidence, à l'avenir nous aurons l'occasion de poser des questions sur le mandat et sur le rôle de ce secrétariat.
Toutefois, nous disons dans le chapitre que le gouvernement fédéral doit s'organiser pour s'occuper de la question, mais nous n'imposons pas une structure administrative particulière.
[Français]
M. Yvon Charbonneau: J'ai une deuxième question, monsieur le président.
Le vérificateur général nous rappelle que le gouvernement a préconisé, relativement aux changements climatiques, une approche à trois volets: l'atténuation des émissions, l'adaptation à de nouvelles situations et l'amélioration des connaissances.
Nous savons cependant qu'il y a aussi un quatrième volet qui est en émergence, autant au ministère de l'Environnement que dans d'autres sphères du gouvernement fédéral. C'est le recours à ce qu'on appelle la mise en oeuvre conjointe, joint implementation, le recours à un scénario d'échanges de droits d'émission ou de crédits de pollution avec d'autres pays. Quelle pertinence attribuez-vous à ce quatrième volet d'action ou de mise en oeuvre de nos engagements? Est-ce que vous y voyez une mesure d'évasion, une mesure visant à éviter nos engagements, ou une mesure contribuant à la réalisation de nos engagements? Quelle importance attribuez-vous à ce quatrième volet, qui semble compter beaucoup chez certains hauts décideurs du gouvernement?
M. Brian Emmett: Monsieur le président, la mise en oeuvre conjointe est un des outils économiques auxquels on a recours pour poursuivre notre but de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre. Pour moi, il s'agit d'un élément d'un plus grand ensemble d'outils de réglementation, d'information, d'éducation, etc., lesquels sont aussi importants. À mon avis, cela peut fonctionner ou ne pas fonctionner. C'est une question d'effet.
M. Yvon Charbonneau: Quant aux échanges de droits d'émissions ou de crédits d'émissions entre entreprises d'un pays et d'autres pays industrialisés, qu'ils soient du sud ou du nord, est-ce que vous voyez un avenir à ce genre de système?
M. Brian Emmett: J'ai l'impression que la route est longue d'ici à un régime où il y aura une mise en oeuvre conjointe. Nous n'avons pas les mesures nécessaires et il n'existe pas actuellement de limite. Nous devons faire de nombreuses autres choses avant de pouvoir établir un processus d'échange.
M. Yvon Charbonneau: Nous ne sommes peut-être pas tellement loin de ces débats puisque c'est à la Conférence de Buenos Aires en Argentine, en novembre prochain, que ces questions seront abordées par l'ensemble des parties à la discussion du protocole qui a été conclu à Kyoto. On traitera de ces questions dans quelques mois.
M. Brian Emmett: Oui, c'est vrai. À mon avis, il est très très important de faire participer les pays en voie de développement aux accords relatifs au changement climatique. Par exemple, nous avons vu la grande importance de la participation des pays moins développés au Protocole de Montréal. Il est important d'avoir un tel système dans lequel on encourage la participation des pays moins développés au niveau du changement climatique.
Le président: Merci, monsieur Charbonneau.
[Traduction]
Il n'y a pas d'autres noms sur ma liste, je suis donc prêt à passer au second tour, très rapide. Mais auparavant, je vous demande la permission de poser quelques questions moi-même.
Monsieur Emmett, à la page 20 du livre consacré à vos observations, on trouve la pièce 7, qui contient une liste des tâches à accomplir cette année, l'année prochaine et l'année suivante. Pouvez-vous assurer à ce comité que vous avez l'intention d'effectuer en même temps une étude sur l'application de la loi, et si c'est le cas, au cours de laquelle de ces trois années?
M. Brian Emmett: Merci, monsieur le président.
On me dit que le rapport que vous avez publié hier contient une recommandation sur l'application ainsi qu'une requête à l'intention du vérificateur général. C'est certainement une de nos priorités, mais je préférerais en discuter avec le vérificateur général avant de vous donner une réponse définitive.
Par exemple, dans le cadre de la gestion des substances toxiques, dans le cadre de nos études sur l'Arctique et sur d'autres régions, il est certain que l'application va jouer un rôle important.
Nous avons également beaucoup travaillé sur l'application de la loi au cours des années passées, et cela va nous aider. Comme vous le savez, il est question de l'application dans plusieurs des dossiers dont nous avons déjà eu l'occasion de discuter avec vous, comme les mouvements transfrontaliers des déchets dangereux. À ce propos, nous avions dit que nous ne savions pas si nous respections les dispositions de la Convention de Bâle et nous avions parlé des mesures de protection de la couche d'ozone qui ne sont pas uniformes dans tout le pays.
Nous avons certainement déjà une base de travail et pour nous, c'est un sujet très important.
Le président: Ce comité s'intéresse particulièrement à une étude sur l'application qui précède la signature par les ministres de l'Environnement d'une entente auxiliaire sur l'application.
M. Brian Emmett: Je n'ai pas entendu toute la question, monsieur le président.
Le président: Ce comité s'intéresse à une étude sur l'application qui est liée à la signature par les ministres de l'Environnement d'une entente auxiliaire sur l'application.
M. Brian Emmett: Oui, je comprends cela, et nous avons commencé à faire le travail que vous nous aviez demandé. Il s'agit d'établir des équivalences entre les accords administratifs qui relèvent de la LCPE et de la Loi sur les pêches. Quant à prendre des engagements pour l'avenir, je ne voudrais pas le faire à la légère, et je préfère en parler d'abord au vérificateur général.
Le président: Parfait. Vous nous tiendrez au courant.
M. Brian Emmett: Nous vous tiendrons au courant.
Le président: La question suivante porte sur la performance phénoménale de la Défense nationale décrite à la page 1-20, pièce 1,6 sous le titre «Représentation de la conformité par ministère». Il y a une question que je brûle de vous demander: Qu'est-ce que la Défense nationale va devoir faire pour rester en première place, en particulier en ce qui concerne les sites au nord du 60e parallèle, qui ont un urgent besoin d'attention en ce qui concerne les BPC et autres reliquats de la ligne DEW et des activités du temps de guerre dont les Autochtones et les Canadiens qui vivent au nord du 60e parallèle se plaignent constamment?
M. Brian Emmett: Merci, monsieur le président.
Je vais demander à Rick Smith, mon collègue qui était chargé d'évaluer ces stratégies, de vous répondre, si vous le voulez bien.
M. Richard Smith (directeur principal, Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, vous m'avez demandé ce que la Défense nationale doit faire pour rester au premier rang, et la réponse est très simple. Ils doivent faire exactement ce qu'ils ont annoncé dans leur stratégie. En effet, c'est la prochaine phase de contrôle que nous allons aborder en ce qui concerne les stratégies du développement durable.
Quant à votre question au sujet de la ligne DEW, il faudrait que je me réfère aux engagements qu'ils ont pris dans le cadre de leur stratégie pour pouvoir répondre à cette question.
Le président: C'est parfait.
Dans votre communiqué d'aujourd'hui, à propos du chapitre 6, vous faites, dans le troisième paragraphe, une déclaration assez renversante, et je cite: «Selon le rapport, la majorité des 187 examens préalables passés en revue ne répondaient pas aux critères fixés par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale.» Comment devons-nous interpréter cette déclaration? Est-ce qu'on a l'intention de changer la loi? Est-ce que des modifications sont nécessaires? Est-ce le processus qui n'est pas satisfaisant? Qu'est-ce que cela signifie?
M. Brian Emmett: D'après mon interprétation, il n'y a rien à redire à la loi. Là encore, ce qui est nécessaire, c'est une meilleure gérance et il y a des corrections à apporter au processus. Les résultats obtenus jusqu'à présent par l'agence d'évaluation sont encourageants et nous sommes certains de pouvoir conclure ce chapitre sur une note optimiste en disant que les problèmes identifiés seront corrigés.
Le président: Une dernière question: Tout à l'heure, on vous a posé des questions sur la structure et vous avez dit que ces problèmes de structure devaient être rectifiés. Cela nous amène à nous demander d'où viennent ces problèmes structurels. S'il faut conclure que les structures sont le reflet de la volonté politique, si nous nous attaquons uniquement aux structures, nous n'allons pas vraiment à la racine du problème.
Il est possible de fonctionner très bien avec de mauvaises structures et parfois même d'accomplir l'impossible. D'un autre côté, on peut accomplir très peu avec d'excellentes structures si la volonté politique qui est nécessaire pour les faire fonctionner n'est pas là. Pouvez-vous commenter cette observation et me dire dans quelle mesure il est dangereux de trop insister sur les structures et pas suffisamment sur la volonté politique? Peut-être que cela échappe à votre mandat?
M. Brian Emmett: Peut-être, effectivement, mais je vais répondre quand même et me mouiller un peu. Ce rapport ne parle pas de volonté politique. Je pense que c'est un terme qui n'existe nulle part dans ce rapport. Par contre, dans mes discussions avec les gens, c'est un terme qui est souvent revenu. Les gens me disaient: «En matière d'environnement, où est la volonté politique?» Je n'aime pas beaucoup ce terme car à mon avis c'est une excuse vague et commode pour les bureaucrates qui ne font pas bien leur travail.
Il y a peut-être un manque de volonté politique ou peut-être pas. C'est à quelqu'un d'autre d'en décider, mais je ne veux pas de ce terme dans mes rapports, car c'est une façon commode d'excuser la médiocrité. J'ai donc choisi d'ignorer le terme pour mettre en valeur ce qui me semble le plus important, c'est-à-dire une discussion des techniques de gérance telles qu'elles s'appliquent à l'environnement, une discussion de ces techniques partout où il y a des lacunes.
Le président: Merci.
Un second tour, monsieur Gilmour.
M. Bill Gilmour: Merci. J'ai oublié de vous féliciter pour ces rapports quand j'ai parlé tout à l'heure. Ils sont remarquables, et tout comme mes collègues, j'apprécie beaucoup la sincérité et la façon directe dont vous avez abordé ces questions.
À propos des engagements internationaux, vous dites, et je cite:
-
[...] le Canada n'assure pas un suivi systématique de la mise en
oeuvre de ses engagements internationaux en matière
d'environnement. Par conséquent, il n'a pas une vision d'ensemble
de la façon dont il s'acquitte des obligations prises, c'est-à-dire
des réussites enregistrées, des écarts à combler [...]
Dans les rapports, il est question de biodiversité, de changement climatique, mais jusqu'où êtes-vous allés, et dans quelle mesure ce morcellement est-il caractéristique en ce qui concerne l'exécution de nos obligations?
M. Brian Emmett: C'est une question à laquelle il est un peu difficile de répondre pour l'instant. Nous avons catalogué les 230 accords, on les trouve sur notre site Web.
Jusqu'où sommes-nous allés? Nous sommes remontés jusqu'en 1909 et nous avons commencé par une des ententes les plus importantes jamais signées par le Canada, c'est-à-dire le Traité des eaux limitrophes, et à partir de là, nous sommes redescendus.
Comme vous pouvez le constater, ces ententes sont souvent des ententes bilatérales avec les autorités chargées d'administrer les voies d'eau, les animaux migrateurs, les oiseaux, etc. Le problème, c'est que tout cela est très fragmenté. Ces accords font souvent partie des programmes des ministères, du Service canadien de la faune, de la Commission mixte internationale, etc. Une bonne partie de ce travail est probablement déjà en cours.
Ce qui manque, c'est un système centralisé qui permettrait de savoir exactement quelles ententes sont en place, dans quelle mesure les engagements pris sont respectés, et s'ils ne le sont pas, ce qui doit être fait pour rectifier la situation. Autrement dit, c'est un problème d'information. Cela est apparu lorsque nous avons constaté que beaucoup d'ententes signées récemment conduisaient à des problèmes. Nous nous sommes donc demandé s'il y avait d'autres engagements dont nous ne connaissions même pas l'existence et qui causaient également des problèmes?
• 1220
Nous sommes donc retournés en arrière. Le résultat est une
base de données informatisée qui permet de faire le point, sous une
forme résumée, à propos de diverses ententes: mondiales,
régionales, bilatérales et avec les États-Unis. Tout est couvert.
Le président: Peut-être pourrions-nous entendre une question de chacun, après quoi nous verrons s'il nous reste assez d'énergie pour un troisième tour.
Monsieur Desrochers, s'il vous plaît.
[Français]
M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Monsieur le commissaire, au chapitre 4, vous dites que le nombre d'espèces connues qu'on a classées comme étant en péril au Canada a augmenté de façon marquée au cours des 10 dernières années. Comment pourriez-vous qualifier cette augmentation en pourcentage? Deuxièmement, dans quelles régions avez-vous décelé cette augmentation du nombre d'espèces connues? Que prévoyez-vous faire au cours des prochaines années pour faire face à cette situation-là?
[Traduction]
M. Brian Emmett: Je vais demander à Wayne Cluskey de répondre à cette question.
M. Wayne Cluskey: Nous avons dit que 1 p. 100 seulement des espèces avaient été identifiées.
[Français]
mais nous n'avons pas effectué notre vérification dans une région spécifique. C'est un problème qui existe à l'échelle du Canada et qui varie selon le type de mammifères, d'animaux ou d'oiseaux, etc.
M. Odina Desrochers: Donc, aucune précision dans ce sens-là? C'est global.
M. Wayne Cluskey: C'est au Canada et à l'échelle mondiale aussi.
M. Odina Desrochers: On a parlé longuement tout à l'heure de structure, mais le problème de l'environnement n'est-il pas plutôt lié à une question de leadership, au leadership du gouvernement fédéral?
M. Brian Emmett: Le thème de mon rapport est le manque de gestion. Encore une fois, je définis le leadership comme étant d'un côté la vision et de l'autre, l'action. Nous avons jusqu'ici fait preuve de beaucoup de vision.
M. Odina Desrochers: Mais pas d'action.
M. Brian Emmett: Nous avons joué un rôle créateur et innovateur dans les négociations internationales, mais nous avons des problèmes au niveau des actions et de la gestion de nos engagements.
M. Odina Desrochers: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Desrochers.
[Traduction]
Monsieur Laliberte, je vous en prie.
M. Rick Laliberte: Dans votre rapport, vous parlez du développement durable et, à titre d'exemple, vous avez mentionné la distance qu'il faut parcourir pour aller de A à B. Toutefois, pour moi, le développement durable est un cycle. C'est un cercle, ce n'est pas un chemin linéaire. C'est une réalité dont nous devons tous nous accommoder. Tout ce que nous mettons dans le système finit par revenir. La pollution qui fait fi des frontières et les changements climatiques en sont une preuve éloquente.
Je voudrais parler des paragraphes 6.55 et 6.56. Vous parlez des effets cumulatifs; on évalue certains projets, et vous faites allusion à un point en particulier, ou un projet donné... Mais lorsque plusieurs projets ont un impact cumulatif et lorsque les gens qui sont chargés de l'évaluation ne tiennent pas compte de ces circonstances...
Je reviens à votre formule: capacité plus ressources égale efficience. Les attentes en matière de capacité environnementale sont beaucoup plus élevées. Jadis, la LCPE n'existait pas. On ne parlait jamais des espèces en voie de disparition, des changements climatiques, etc. Aujourd'hui, votre capacité est considérable et les attentes sont beaucoup plus élevées.
Pensez-vous, comme moi, que nous n'avons pas suffisamment de ressources pour équilibrer cette équation de l'efficience?
M. Brian Emmett: Là encore, c'est un sujet qui me met un peu mal à l'aise: vous me demandez de deviner les intentions du sous-ministre de l'Environnement, du ministre et du comité, tous des gens qui ont discuté des priorités en matière d'environnement et qui ont comparé ces priorités aux autres engagements du gouvernement. La valeur que nous pouvons ajouter, nous, c'est cette efficience qui permet d'utiliser au maximum les ressources disponibles, et je pense que ma contribution personnelle doit se situer à ce niveau-là.
• 1225
D'une certaine façon, mes opinions sur les ressources ne
valent pas mieux que l'opinion du Canadien moyen, de l'électeur qui
s'intéresse à cette question. Je préfère donc m'en tenir à ce que
je sais et aux domaines dans lesquels nous pouvons faire une
contribution sous forme de valeur ajoutée.
M. Rick Laliberte: Lorsque nous parlons des budgets consacrés à l'environnement, nous nous comparons parfois aux États-Unis, et nous faisons cette comparaison sur la base de un dixième. Toutefois, je crois que nos responsabilités environnementales, étant donné notre géographie et la longueur de nos côtes, vont beaucoup plus loin, et ce que nous devrions comparer avec d'autres pays, ce n'est pas la population, mais bien les conditions géographiques.
Le président: Mais est-ce que ce n'est pas le cas?
M. Rick Laliberte: Est-ce que ce n'est pas le cas?
M. Brian Emmett: Merci, monsieur le président.
C'est une bonne question, et les questions posées par les membres du comité au cours des derniers mois nous ont poussés à réfléchir beaucoup plus aux aspects internationaux de notre travail. Quand on dit que nous avons x inspecteurs, ou enquêteurs, quelque chose de ce genre, il est très difficile de déterminer si c'est trop ou trop peu, car avec quoi peut-on comparer?
Une des choses que nous cherchons à faire dans le cadre de notre programme de travail, c'est faire des comparaisons avec d'autres pays, par exemple combien de temps, d'argent et d'énergie ils consacrent à ce domaine, ce qui nous permet de voir où nous en sommes nous-mêmes. Ce sont des éléments qui peuvent également entrer dans la discussion.
Le président: Merci.
Madame Kraft Sloan, je vous en prie.
Mme Karen Kraft Sloan: Je reviens à la question que je posais tout à l'heure, l'aspect systémique de la question, la nécessité de passer de la vision à l'action, et je me réfère également à la conversation que vous avez eue avec le président.
Si la vision est la contribution de la volonté politique à cette branche-là de l'équation, je pense qu'il ne faut pas oublier les changements culturels et les changements sur le plan de l'organisation, ou encore ce qu'on pourrait appeler la culture de l'organisation. À la page 5-22 au numéro 5.94, sous le titre «Une approche stratégique pour le développement durable», vous traitez très bien de la question, lorsque vous dites: «Le développement durable demande de nouvelles façons de penser et d'agir. C'est un processus de changement...», etc.
Ce paragraphe discute donc des changements culturels qui président à l'organisation du ministère, et c'est la raison pour laquelle, à l'époque où ce comité a fait des recommandations stratégiques pour le développement durable, j'étais convaincue que c'était un outil important qui permettrait de changer la structure de l'organisation, d'encourager les changements culturels et les changements de valeur qui sont indispensables dans de telles organisations. Mais en même temps, il faut contrôler le processus, former les gens, et comme vous l'avez dit tout à l'heure, le comité doit suivre tout cela de très près et exiger qu'on comble les lacunes que vous avez décelées dans les stratégies durables.
Lorsqu'on parle d'action, est-ce que vous avez le sentiment qu'on parle en vérité d'un changement culturel dans ces organisations?
M. Brian Emmett: Oui. Merci, madame Kraft Sloan.
Monsieur le président, une des choses que j'ai dites dans ma déclaration d'ouverture, c'est que j'aimerais beaucoup que ces documents soient beaucoup plus axés sur le changement. Quand il est question de changement culturel, on pense à des changements qui sont très difficiles et qui prennent beaucoup de temps. Mais en fait, ce que je recherche est un peu plus simple. Pourrions-nous considérer que le moindre petit pas dans la bonne direction est déjà un changement et que cela nous rapproche de notre objectif de développement durable?
C'est la raison pour laquelle nous avons dit que le développement durable était un voyage, l'idée d'un mouvement dans la bonne direction, et cela, sans s'arrêter trop longtemps sur des précisions excessives. Je suis persuadé qu'à long terme l'important est d'obtenir des changements dans les domaines qu'on juge importants.
Par exemple, lorsque nous nous sommes penchés sur les meilleures pratiques, nous nous sommes aperçus qu'on les trouvait lorsque les stratégies de développement durable ne sont pas quelque chose d'ajouté, une idée de dernière minute, quelque chose qu'on doit faire parce qu'on nous l'a demandé. Remarquez, il y a peut-être certaines distorsions dans ce résultat car nous avons étudié uniquement le cas des sociétés qui nous paraissaient les meilleures car nous voulions apprendre leur technique. Dans ces sociétés-là, ces pratiques font partie des valeurs de la société. Elles ne feraient probablement pas de distinction entre leur plan d'entreprise et leur stratégie de développement durable. Et à long terme, c'est ce à quoi nos ministères doivent tendre, pour qu'il n'y ait pas de distinction entre la définition de nos activités et le développement durable.
Mme Karen Kraft Sloan: Mais en faisant ces petits pas en avant, en préparant des documents comme ceux-ci, on facilite le changement.
M. Brian Emmett: Oui.
Mme Karen Kraft Sloan: Ce qui évite d'avoir quelqu'un qui ne cesse de haranguer et de harceler les gens.
M. Brian Emmett: Ce serait tout à fait idéal, et je me retrouverais au chômage.
Mme Karen Kraft Sloan: Espérons que nous y parviendrons un jour.
Le président: D'autres questions? Très bien, un troisième tour, très rapidement.
Monsieur Gilmour.
M. Bill Gilmour: Merci.
Vous avez parlé d'un résumé sur nos engagements internationaux. Serait-il possible de nous envoyer un exemplaire de ces données qui font le point sur nos engagements internationaux? Ce serait très utile.
M. Brian Emmett: Absolument. Nous vous enverrons cela avec plaisir et nous avons également des cartes d'affaires Web avec notre adresse internet. Nous avons fait une démonstration hier. C'est une base de données très élégante qui vous permet toutes sortes de manoeuvres. C'est vraiment très bien. Cela dit, nous pouvons vous en tirer une copie sur papier et vous l'envoyer.
M. Bill Gilmour: Très bien.
Le président: Monsieur Laliberte.
M. Rick Laliberte: Au sujet des changements climatiques et des engagements internationaux que nous prenons, en votre qualité de vérificateur, je suis certains que vous préfériez nous voir déployer nos efforts beaucoup plus sur la scène nationale, en circuit fermé, autrement dit faire nos investissements environnementaux plutôt ici qu'ailleurs. Quelle est votre position?
Je sais que notre gouvernement doit participer la semaine prochaine à Bonn aux préparatifs pour Buenos Aires. Y a-t-il un moyen de faire des comparaisons, y a-t-il des pourcentages en ce qui concerne les intérêts internationaux et les intérêts nationaux? Je reviens à la question des effets cumulatifs. J'ai demandé quelle était la différence entre la position d'Environnement Canada au sujet des effets cumulatifs et celle de Parcs Canada. Vous n'avez pas développé cet aspect.
M. Brian Emmett: Je ne sais pas si je peux comparer la position de Parcs Canada et d'Environnement Canada en ce qui concerne les effets cumulatifs.
En ce qui concerne les efforts en circuit fermé, effectivement, nous avons une idée de la façon dont les gens devraient aborder l'environnement, c'est un modèle très simple. Il faut commencer par planifier et se créer une vision. Il faut prendre des mesures qui conduisent au développement durable. Il faut apprendre, et ensuite, planifier à nouveau sur la base de ce qu'on a accompli et de ce qu'on a appris. Il faut poursuivre les efforts sur une base cyclique: planifier, agir, apprendre, planifier, agir, apprendre. En fait, c'est un modèle circulaire très simple.
En ce qui concerne la division entre les efforts nationaux et internationaux, je dois dire que de nos jours, je finis par ne plus faire grande distinction entre les deux. Les frontières sont tellement ouvertes que les grands problèmes de l'heure, comme la disparition de l'ozone, les changements climatiques, la biodiversité... Ce sont des problèmes sans frontière, et les émissions qui viennent de Buenos Aires sont tout autant importantes que les émissions qui viennent de Toronto, par exemple. Dans mon esprit, je ne fais vraiment de distinction entre une action nationale et une action internationale. Pour moi, tout cela est mélangé. C'est une des raisons pour lesquelles nous attachons tellement d'importance à ces ententes internationales, tellement d'importance au respect des engagements que nous avons pris, etc.
Dans le milieu en général, on a parfois l'impression que ces ententes internationales nous imposent des obligations désagréables. En fait, les gens ne se rendent pas compte des avantages que nous tirons des mesures qui sont prises par d'autres pays. En effet, chaque fois que d'autres pays se joignent à nous pour rechercher des objectifs environnementaux auxquels nous attachons de l'importance, cela représente pour nous un avantage certain.
Le président: Monsieur Jackson, puis le président, puis nous lèverons la séance.
M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey, Lib.): Monsieur le président, je n'ai qu'une seule question.
On ne cesse de parler du commerce des crédits, mais pour moi, ce n'est pas une notion qui est acceptable. Je prendrai un exemple dans le domaine des sports: pendant une partie de hockey, de basket-ball ou de soccer, les passes sont un outil indispensable si l'on veut porter un but. Très souvent, les gens qui ont fait une passe n'en ont pas le crédit, mais nous savons tous que sans ces passes, une équipe ne peut pas gagner la partie.
• 1235
On parle beaucoup de crédits, de cogénération, de tout ce
genre de choses. Où en sont les normes internationales en ce qui
concerne ces crédits? Est-ce qu'on se contente toujours d'en
parler, ou bien est-ce que les gens se rendent compte que leurs
actes peuvent avoir une importance et qu'il y a des méthodes qui
sont meilleures que d'autres?
M. Brian Emmett: Je ne suis pas expert en la matière, mais je crois comprendre que le système en est à ses tous débuts. On commence à élaborer des concepts.
Aux États-Unis, je sais que le commerce des crédits existe, mais seulement sur la scène nationale, par exemple pour les émissions d'oxyde de soufre. Je crois comprendre que cela connaît un certain succès. Il va encore falloir attendre un certain temps pour que cela se fasse sur la scène internationale puisqu'on n'a pas encore établi de plafonds et parce qu'il n'y a toujours pas de normes en ce qui concerne la tenue des comptes.
M. Ovid Jackson: Et nous-mêmes? Est-ce que nous faisons quelque chose? C'est là qu'il faut commencer, n'est-ce pas?
M. Brian Emmett: Je suis désolé, je ne connais pas la réponse à ces questions. Les ministères concernés pourraient peut-être vous donner des informations.
Le président: Le secrétariat sur les changements climatiques pourra peut-être répondre à ces questions d'ici quelques mois.
Merci.
Monsieur Emmett, je voudrais répéter clairement la nature de votre mandat; si je me souviens bien, votre mandat est de demander des plans puis de faire des commentaires sur la façon dont les différents ministères exécutent leurs plans. Est-ce que c'est une description simple et exacte de l'étendue de vos pouvoirs?
M. Brian Emmett: Le Parlement a demandé aux ministères de soumettre des plans sur leurs objectifs en matière de développement durable et de protection de l'environnement. La loi ne prévoit pas que je dicte aux ministères le contenu de leurs plans respectifs. Cela dit, ces plans doivent tenir compte des besoins de l'environnement. Nous nous basons sur le Guide de l'écogouvernement.
Le président: Votre tâche est donc de commenter le contenu des plans.
M. Brian Emmett: Oui, nous sommes là pour forcer les ministères à exprimer clairement leurs objectifs en matière d'environnement, et par la suite, nous leur demandons des comptes.
Le président: Je reviens à d'autres questions qu'on vous a posées ce matin; si un plan propose un calendrier qui semble anachronique, quelque chose qui n'est pas satisfaisant, est-ce que vous pouvez commenter cet aspect-là du plan?
M. Brian Emmett: Personnellement, je pense que nous pouvons faire des commentaires en faisant des comparaisons avec ce qui se passe ailleurs.
Le président: Par conséquent, si le Canada prend du retard dans son plan relatif aux changements climatiques, vous auriez suffisamment de pouvoir pour exprimer une opinion sur cet aspect du plan canadien.
M. Brian Emmett: Oui, je crois que c'est exact.
Le président: Très bien, voilà qui est très utile.
Deuxièmement, comme vous le savez, il y a deux ministres chargés, selon les lois de ces ministères, de l'application des politiques de développement durable: D'une part, le ministre de l'Industrie, et d'autre part, le ministre des Ressources naturelles. Est-ce que cela place ces deux ministres dans une position privilégiée? À l'inverse, y a-t-il d'autres ministères qui sont défavorisés du fait que leurs lois constitutives ne prévoient pas un tel pouvoir? Autrement dit, est-ce que cela fait une différence?
M. Brian Emmett: Je ne suis pas qualifié pour vous dire si cela fait une différence sur le plan légal, mais je peux vous dire que nous traitons tous les ministères exactement de la même façon. Ils sont tous tenus, par la loi, de soumettre une stratégie de développement durable et de rendre des comptes sur la façon dont ils appliquent cette stratégie.
Le président: Est-ce que vous pouvez exiger plus des ministères qui ont une responsabilité directe en ce qui concerne le développement durable?
M. Brian Emmett: Je ne considère pas qu'on puisse exiger plus de ces ministères-là. Je considère que tous les ministères du gouvernement du Canada sont tenus de soumettre une stratégie de développement durable, une stratégie que nous pouvons surveiller et commenter. Une de mes tâches est d'accroître sans cesse les exigences pour que ces stratégies de développement durable deviennent de plus en plus utiles chaque fois qu'on les renouvelle, c'est-à-dire tous les trois ans.
• 1240
Je ne pense pas que les mandats de RNCan et d'Industrie Canada
leur imposent des obligations spéciales, ni que l'absence de cette
particularité dans les mandats des autres ministères leur accorde
une dispense spéciale. Nous les traitons tous de la même façon.
Le président: Enfin, quand vous dites que vous êtes de plus en plus sévère, voulez-vous dire qu'au cours des dix prochaines années, vous allez exiger beaucoup plus en matière de développement durable?
M. Brian Emmett: Oui, et j'espère que nous pourrons travailler en collaboration avec les ministères pour leur permettre de produire de meilleurs plans, j'espère que nous aurons de meilleurs outils de gestion et que tout cela permettra d'améliorer la performance. Le vérificateur général a une très jolie devise, elle est très bien parce que je m'en souviens, très courte: «Nous voulons faire une différence». La différence que nous voulons faire, c'est que nous voulons combler l'écart entre la vision et l'action, nous voulons qu'on recommence à montrer l'exemple, un domaine où nous avions perdu du terrain depuis quelque temps.
Ainsi, effectivement, je tiens absolument à voir de véritables améliorations sur le plan de la performance au cours des dix prochaines années.
Le président: On m'accusera peut-être de voler les idées des autres, mais j'aimerais, tout comme mes collègues, dire à quel point nous sommes impressionnés par les documents que vous nous avez apportés. C'est pratiquement, sur le plan du développement durable, une petite Encyclopedia Britannica. Nous vous félicitons et nous attendrons avec impatience votre prochain rapport.
Nous vous remercions ainsi que vos collaborateurs pour l'excellent travail que vous accomplissez et également pour votre visite.
La séance est levée.