ENSU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 20 octobre 1998
[Traduction]
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Nous avons maintenant le quorum et pouvons ouvrir la séance.
[Français]
sur le projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.
[Traduction]
Nous en sommes arrivés à la dernière étape de l'examen de ce projet de loi. Nous accueillons aujourd'hui les représentants de l'Association canadienne du droit de l'environnement, du Réseau canadien de l'environnement et de l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement. Je vous invite à commencer immédiatement dans l'ordre que vous voulez.
Bienvenue au comité.
Mme Jane Inch (coordonnatrice, Groupe des produits toxiques, Réseau canadien de l'environnement): Bonjour. Je m'appelle Jane Inch et j'appartiens au Réseau canadien de l'environnement. Je commencerai par une introduction au travail de ceux qui ont procédé à une évaluation détaillée des modifications proposées au projet de loi.
Le Réseau canadien de l'environnement est une association qui facilite les actions menées par des groupes environnementaux. Il coordonne en particulier les activités concernant les initiatives fédérales. Le Réseau a participé activement dans le passé à l'examen des projets de modification à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il y a quatre ans, nous avons coordonné plusieurs exposés qui vous ont été faits et qui sont toujours disponibles et pertinents pour les travaux d'aujourd'hui.
• 0910
Le Réseau n'est pas un organisme de défense et, par
conséquent, il ne prend pas position sur des questions
environnementales. Toutefois, nous évaluons comment
participer—comment permettre au citoyen de participer aux affaires
juridiques et aux initiatives gouvernementales. À ce sujet, nous
avons un commentaire à faire sur ce processus d'examen de la Loi
canadienne sur la protection de l'environnement. Nous estimons
qu'une période de 7 ans, plutôt que 5, entre les examens de la loi
est trop longue, car les produits et les technologies changent très
rapidement dans le domaine environnemental. Il s'agit du paragraphe
343(1). Nous proposerions donc que la période actuelle de cinq ans
soit maintenue.
Je parlerai maintenant d'impressions générales que nous avons glanées dans les contacts que nous avons avec des groupes de tout le pays. On nous a signalé trois gros problèmes. Le premier est la question de l'harmonisation. Beaucoup s'inquiètent de ce que la loi soit affaiblie dans un tel accord d'harmonisation. Le comité a déjà reçu ce genre de mise en garde et je tiens à insister là-dessus.
Les deux autres problèmes sont d'ordre tout à fait technique. Le premier concerne les perturbateurs endocriniens. Beaucoup ont dit qu'il faut absolument que les produits chimiques provoquant des troubles endocriniens soient assujettis à cette loi et aux dispositions qui doivent protéger les Canadiens contre leurs effets.
Enfin, en matière de biotechnologie, beaucoup d'ONG voudraient que ce domaine figure effectivement dans la Loi sur la protection de l'environnement.
Des observations précises seront faites à ce sujet par deux messieurs qui ont examiné dans le détail ces questions. Je voudrais tout d'abord passer la parole à Paul Muldoon.
M. Paul Muldoon (directeur exécutif, avocat, Association canadienne du droit de l'environnement): Merci beaucoup de nous avoir permis de comparaître ce matin devant votre comité. Je m'appelle Paul Muldoon et je suis directeur exécutif de l'Association canadienne du droit de l'environnement. Je vais laisser M. Winfield commencer, mais j'aurais deux choses à dire avant cela.
Tout d'abord, notre texte comprend quelque 172 recommandations et plus de 385 pages et nous ne pourrons évidemment pas nous arrêter sur chacune de ces recommandations et sur tous les points que contient notre mémoire. Nous voudrions simplement donner les grandes lignes de ces recommandations, et essayer de vous situer un peu notre mémoire et, nous l'espérons, vous faire comprendre comment nous en sommes arrivés à ces recommandations.
Ce qu'il est important de comprendre, c'est que nous n'avons pas pondu 172 recommandations simplement pour nous occuper. C'est simplement que nous nous inquiétons beaucoup des faiblesses de ce projet de loi. À notre avis, et de l'avis de beaucoup d'organations non gouvernementales dans tout le pays, ce projet de loi ne devrait être adopté que si beaucoup de ces recommandations sont acceptées. Le détail et la longueur de notre mémoire reflètent simplement notre profonde inquiétude devant les faiblesses du projet de loi. J'en resterai là et laisserai M. Winfield vous expliquer comment nous allons présenter notre exposé.
M. Mark Winfield (directeur de la recherche, Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement): Merci, Paul.
Je crois que notre mémoire a été distribué aux membres du comité. Nos observations liminaires porteront aujourd'hui sur sept points clés: l'harmonisation; la réduction de la Loi au rang de loi résiduelle par rapport aux autres lois fédérales, notamment au titre de la biotechnologie et des nouvelles substances; les droits des citoyens; la définition de la quasi-élimination; l'usage d'un langage lié à la rentabilité dans le projet de loi; les substances qui perturbent les fonctions endocriniennes; et la question de la prévention de la pollution et des exigences en matière de planification d'urgence.
Je vais parler de l'harmonisation, de la réduction de la Loi au rang de loi résiduelle; de l'efficience et de la prévention de la pollution. M. Muldoon parlera des droits des citoyens, de la quasi-élimination et des substances à effet de perturbation du système endocrinien.
Je commencerai donc par la question de l'harmonisation. C'est un thème que nous n'avions pas dans la réponse du gouvernement au rapport de 1995 du comité permanent sur la loi. En fait, il ne figurait pas dans l'ancienne version de ce projet de loi, à savoir le projet de loi C-74.
• 0915
Un certain nombre d'articles ont été ajoutés à propos de
l'harmonisation dans le projet de loi C-32. Tout d'abord, il y a un
article général dans la section Application administrative, il
s'agit de l'alinéa 2(1)l), qui stipule que la loi peut agir de
façon compatible avec l'esprit des accords intergouvernementaux. Le
libellé de cet article semble faire spécifiquement allusion à
l'Accord sur l'harmonisation environnementale signé en janvier
dernier.
D'autres articles figurent à 13 autres endroits dans la loi à propos de consultations obligatoires avec les provinces avant de prendre pratiquement toute mesure en vertu de cette loi. Ces différents articles portent sur la pollution atmosphérique internationale et la pollution internationale des eaux; la planification de la prévention de la pollution; les lignes directrices pour l'application des dispositions concernant les substances toxiques; les règlements concernant les combustibles; la collecte de l'information; les sources terrestres de pollution marine; les urgences environnementales; les objectifs, directives et codes de pratique en matière d'environnement; les terres et opérations fédérales; les instruments économiques et l'établissement de la liste des substances prioritaires. Chacun de ces articles est précisé dans notre mémoire.
À notre avis, la disposition générale dans la section de l'application administrative devrait être supprimée ou modifiée conformément à notre recommandation 10, car son application doit être discrétionnaire. Nous croyons savoir que le comité a reçu un projet de libellé modifiant cet alinéa de la part du ministère. Toutefois, nous estimons que les changements proposés par le ministère ne suffisent pas à rendre l'application de cette disposition discrétionnaire.
Les 13 autres articles éparpillés dans tout le projet de loi devraient aussi être éliminés ou modifiés de façon à rendre l'application discrétionnaire, en remplaçant le verbe «devoir» par «pouvoir» chaque fois qu'il se présente.
Le deuxième thème sur lequel j'aimerais m'arrêter ce matin est celui du rang de loi résiduelle ou de la subordination de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement à d'autres lois dans la réglementation des substances qui peuvent être touchées par son application. Là encore, ce thème ne figurait pas dans la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent. Comme pour l'harmonisation, il y a une disposition générale dans la section Application administrative, à savoir le paragraphe 2(2) et d'autres exemples un peu partout dans la loi.
Les plus évidents sont les modifications proposées aux dispositions concernant la biotechnologie et les nouvelles substances. On propose de supprimer l'obligation figurant dans la loi actuelle lorsque des produits de la biotechnologie ou de nouvelles substances sont assujettis à une réglementation découlant d'une autre loi, d'en évaluer les risques de toxicité de façon aussi stricte qu'on le ferait s'il s'agissait de la LCPE. Il y a d'autres libellés de ce genre en ce qui concerne la réglementation des produits chimiques et, à l'article 9, sur les dispositions concernant la Chambre.
La disposition générale sous Application administrative devrait être supprimée ou remplacée par le libellé que nous proposons dans notre recommandation 13.
Les articles sur la biotechnologie et les nouvelles substances chimiques devraient être ceux qui figurent dans la loi actuelle. Dans les deux cas, cela mènerait à supprimer les trois articles à partir de l'article 89 sur les substances nouvelles et à partir de l'article 106 sur la biotechnologie.
En ce qui concerne les substances toxiques et la gestion de l'environnement au gouvernement fédéral, nous pensons qu'il faudrait modifier la loi de façon que ses règlements d'application aient préséance, dans certains domaines, sur les règlements d'application des autres lois. Ce sont là les recommandations 70, 71 et 125 de notre mémoire.
Je voudrais parler très brièvement de l'utilisation de la terminologie de la rentabilité dans le projet de loi. Il s'agit là, encore une fois, d'une question qui n'a pas été abordée par le gouvernement dans sa réponse au rapport du comité permanent. Cette terminologie apparaît dans la section Application administrative du projet de loi, dans la définition du principe de prudence et à propos des lignes directrices sur la collecte de l'information.
Si cette terminologie est intégrée à la LCPE, ce sera la première fois que le Parlement préconise explicitement la formule coûts-avantages dans une loi canadienne sur l'environnement, la santé ou la sécurité. Le comité s'est interrogé, je crois, sur la politique de réglementation du Conseil du Trésor.
Il me semble très important de tenir compte du fait qu'à cette étape, nous n'avons affaire qu'à une politique. Elle n'a pas encore reçu l'aval du Parlement et il est à craindre que si ce dernier incorpore la terminologie des analyses coût-efficacité dans la loi, sa décision aura pour effet de sanctionner cette politique du Conseil du Trésor. À notre avis, il faudrait donc supprimer ces références aux analyses coût-efficacité dans le projet de loi. C'est ce qui figure aux recommandations 3, 7 et 37 de notre mémoire.
• 0920
Enfin, j'aimerais aborder très brièvement les dispositions
concernant la prévention de la pollution et la planification
d'urgence, dont il est question dans les parties 4 et 9 du projet
de loi.
Lors du passage du projet de loi C-74 au projet de loi C-32, des modifications ont considérablement restreint la notion d'éléments déclencheurs pour les opérations de prévention de la pollution et de planification d'urgence. Ces changements apparaissent aux articles 56 et 199 du projet de loi. À notre avis, il faudrait reprendre la formulation qui figurait initialement à ce propos dans le projet de loi C-74.
Deuxièmement, il faudrait modifier ces dispositions pour rendre obligatoires la planification de la prévention et la planification d'urgence dans le contexte des substances désignées. Ainsi, lorsque le projet de loi prévoit que le ministère peut imposer des mesures de planification et de prévention et de planification d'urgence, il faudrait supprimer le caractère aléatoire de la disposition et imposer une obligation au ministre.
En outre, il faudrait envisager d'étendre les exigences de prévention de la pollution de façon à y inclure toutes les substances inscrites dans l'inventaire national des rejets polluants.
Chers collègues, M. Muldoon va maintenant nous parler des droits des citoyens, de la définition de la quasi-élimination et des substances qui perturbent le système endocrinien.
M. Paul Muldoon: Le premier sujet dont j'aimerais parler comprend les articles 12 et 13 de la partie 2 du projet de loi C-32, dont il est question à la page 38 de notre mémoire. Les articles 12 et 13 concernent la création d'un registre de la protection de l'environnement. Nous demandons qu'on élargisse la portée de ce registre de façon à informer le public des avis, notamment des avis d'opposition aux termes du projet de loi, des autorisations accordées, de la réglementation, de la révision ou de la révocation d'un règlement, d'une ordonnance ou d'une politique aux termes du projet de loi C-72.
Nous considérons que pour faire participer concrètement les citoyens, il faut leur donner accès à l'information concernant les activités régies par la nouvelle loi. Le projet de loi crée une infrastructure à cette fin, appelée registre de la protection de l'environnement. Il est facile d'envisager une façon économique d'appliquer cette disposition et de garantir véritablement la participation du public.
À cet égard, nous proposons donc l'expansion de ce mécanisme. On pourrait s'inspirer du précédent intéressant offert par le registre électronique prévu dans la Déclaration ontarienne des droits de l'environnement, qui va aussi loin, sinon plus, que la formule que nous proposons, ce qui nous prouve qu'elle est réalisable.
Je voudrais également parler des articles 22 à 38 concernant les actions en protection de l'environnement. Mes commentaires commencent aux environs de la page 44 de notre mémoire, à la recommandation 29.
Il s'agit de la disposition du projet de loi qui confère aux citoyens du Canada le droit d'intenter une action pour assurer l'application de la loi. Les groupes d'intérêt public et les particuliers du pays tout entier reconnaissent la nécessité d'un mécanisme d'intervention des citoyens. Le rapport du comité a souligné la faiblesse avec laquelle le gouvernement fédéral applique ses propres lois de protection de l'environnement. Nous pensons qu'un mécanisme efficace permettant aux citoyens d'appliquer la loi devrait compléter les initiatives d'application du gouvernement, et non les supplanter.
Par ailleurs, il n'est pas rare que pour diverses raisons, le gouvernement refuse d'appliquer la loi ou rechigne à le faire alors qu'il conviendrait de l'appliquer, et c'est un autre motif prévu pour permettre aux citoyens d'intenter des actions en protection de l'environnement.
Comme d'autres organismes canadiens, nous sommes absolument persuadés de la nécessité de permettre aux citoyens d'intenter des actions exigeant l'application de la loi. Je suis au regret de dire qu'on ne trouve rien de tel aux articles 32 à 38. Les exigences, les conditions et les obstacles sont tout simplement trop nombreux pour qu'une telle action puisse avoir une réelle efficacité.
Nous considérons qu'il ne convient d'utiliser ces dispositions que dans les circonstances les plus graves et les moins vraisemblables. En réalité, à moins qu'on ne donne suite à nos recommandations, il s'agit là d'un droit sans substance et je ne pense pas que les Canadiens souhaitent qu'on leur confère un tel droit. Soit on leur confère un véritable droit d'intenter une action, soit on ne leur confère pas ce droit.
En particulier, il faudrait modifier le projet de loi C-32 de façon à supprimer la nécessité d'une enquête et d'un préjudice environnemental important comme préalables au déclenchement d'une action.
• 0925
De nombreuses dispositions de la LCPE concernent
l'établissement de rapports, l'accès à l'information et toutes
sortes de sujets qu'un tribunal sera dans l'impossibilité de relier
directement à un préjudice environnemental important. En réalité,
on permet aux sociétés commerciales de violer la loi et il sera
très difficile à un groupe d'intérêt public de prouver l'existence
d'un lien direct entre l'infraction et un éventuel préjudice
environnemental grave. Quels que soient les faits, les preuves
risquent d'être difficiles à apporter devant un tribunal.
Nous recommandons également au ministère de modifier le paragraphe 22(2). Actuellement, la loi prévoit que l'on ne peut intenter une action qu'après la perpétration d'une infraction. Nous considérons qu'une action devrait pouvoir être intentée en cas de contravention imminente à la loi et nous proposons une formulation qui rendrait la loi plus proactive et plus préventive alors qu'elle n'est actuellement que réactive.
Nous considérons également qu'il faudrait modifier le paragraphe 22(3) de façon à accorder des dommages-intérêts aux ministres responsables dans les cas où il n'est pas possible de remédier à l'atteinte de l'environnement ou lorsque le ministre a dû engager des frais pour y remédier.
L'article 24 prévoit qu'il ne peut y avoir d'action en protection de l'environnement dans les cas où le comportement reproché est destiné à remédier à l'atteinte ou au risque d'atteinte à l'environnement, ou à l'atténuer. L'alinéa 24b) prévoit que l'action ne peut être intentée si le comportement reproché est raisonnable et tenait compte de la sécurité du public. À notre avis, ces restrictions prêtent à confusion et risquent de donner lieu à une multiplicité inattendue de litiges. Il faudrait les supprimer de la loi.
L'article 30 concerne les moyens de défense. Pour sa défense, le défendeur peut invoquer les deux moyens suivants: il a exercé toute la diligence voulue pour observer la loi et il a été induit en erreur par un fonctionnaire. Ce sont deux moyens de défense reconnus en common law, qui font l'objet d'une jurisprudence constante. En les intégrant au projet de loi, le gouvernement signale aux tribunaux qu'il modifie la common law, ce qui risque de prêter à confusion, de nuire à la prévisibilité et à la certitude dans l'application de ces dispositions et, finalement, de susciter de nombreux litiges. Ces dispositions sont superflues et je n'hésite pas à dire qu'elles prêtent à confusion.
L'article 32 habilite le tribunal à surseoir à une action dans l'intérêt public, et les facteurs qu'il doit prendre en compte sont énoncés au paragraphe 32(2). Il conviendrait de supprimer cette disposition. Tout tribunal est investi du pouvoir intrinsèque de décider de sa propre procédure. Cette disposition est superflue, elle prête à confusion et nuit à la prévisibilité de l'application des dispositions du projet de loi.
Enfin, l'article 38 concerne les frais de justice, et d'après ses dispositions, ce sont les règles normales en la matière qui s'appliquent, à savoir que si un groupe d'intérêt public intente une action et se voit débouter, il pourrait être condamné aux dépens. À notre avis, aucune partie à une action en protection de l'environnement ne devrait être condamnée à payer les frais de justice à moins que le tribunal ne puisse invoquer à cet égard des motifs particuliers.
Voilà mes observations concernant la partie 2. Je rappelle que nos critiques à cet égard concernent le fait qu'il s'agit d'un droit sans substance, qui ne sera vraisemblablement pas utilisé, à moins que l'on puisse modifier ces dispositions pour les rendre plus efficaces, et nous ne pensons pas que les Canadiens souhaitent qu'on leur confère un droit privé de substance.
Je voudrais passer à l'article 64 évoqué aux environs de la page 96 de notre mémoire. Il concerne la partie 5, consacrée aux substances toxiques. Je n'ignore pas que le comité a déjà beaucoup entendu parler de la partie 5, mais nous aimerions du moins résumer notre point de vue sur les modifications qu'on pourrait y apporter, car elles constituent à bien des égards la pierre angulaire du projet de loi C-32.
L'article 64 est en effet l'une des pierres angulaires du projet de loi; elle fait l'objet de la recommandation no 55 de notre mémoire. Selon une directive en vigueur depuis une quinzaine d'années, on reconnaît qu'il existe des substances utilisées commercialement aujourd'hui au Canada qui causent tant de problèmes qu'elles devraient être abandonnées progressivement, étant donné qu'elles ne peuvent être utilisées en toute sécurité à quelque niveau que ce soit. C'est ce qui a été reconnu par la Commission mixte internationale dans la région des Grands Lacs. Non seulement en Amérique du Nord, mais dans le monde entier, on reconnaît de plus en plus la nécessité de trouver une solution à ces substances intrinsèquement toxiques.
• 0930
À notre avis, elles ne peuvent être utilisées en toute
sécurité à aucun niveau. Pourtant, la définition énoncée à
l'article 64 du projet de loi C-32 parle de «quasi-élimination». En
lisant attentivement cette définition, on constate qu'elle ne
propose pas l'élimination progressive des substances les plus
dangereuses pour l'être humain. Ces dispositions ne considèrent pas
la viabilité à long terme des substances non seulement pour
l'environnement, mais également pour la santé humaine. En fait,
elles autorisent à perpétuité la poursuite de l'utilisation et de
la production des substances les plus dangereuses. Nous ne pouvons
croire que le gouvernement fédéral ait de telles intentions
concernant ces substances.
Notre recommandation 55 reprend la structure de l'article 64, mais le formule d'une façon qui nous semble conforme à l'Accord sur la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et à l'interprétation qu'en a donnée la Commission mixte internationale; à notre avis, c'est ce que souhaitent les Canadiens, à savoir que les substances en question, qui sont les plus dangereuses que l'on connaisse et qui sont fondamentalement toxiques, devraient tout simplement être abandonnées progressivement.
Je pourrais vous donner des détails plus précis concernant la formulation de cette recommandation, mais je préfère en rester là.
La recommandation suivante concerne l'article 65, qui définit la «toxicité». Nous avons toujours approuvé la recommandation qui figurait dans le rapport de 1995 du présent comité intitulé Notre santé en dépend, qui visait à modifier l'article 11 ou l'article 65 du projet de loi concernant la définition de la «toxicité», de façon à y intégrer la notion de toxicité inhérente. Nous avons proposé une formulation, et nous considérons toujours que cette recommandation devrait être appliquée.
Il y a deux autres recommandations que je voudrais mentionner avant d'en venir au dernier thème concernant les perturbateurs endocriniens, et ce sont les paragraphes 67(2) et 77(4) du projet de loi, qui visent à exclure les métaux et les minéraux de la définition de la «quasi-élimination» et de la portée du projet de loi.
D'après les principes qui sous-tendent le projet de loi, les métaux et les minéraux seraient moins toxiques et devraient être exclus de l'essentiel de la réglementation prévue dans le projet de loi. Nous ne pensons pas que les produits métalliques et minéraux d'origine humaine doivent bénéficier d'un traitement de faveur. Ils constituent des produits toxiques et s'ils causent un préjudice comme on peut le prévoir, ils doivent faire l'objet d'un traitement réglementaire au même titre que toute autre substance synthétique.
Je vous renvoie encore une fois aux recommandations 58 et 70 de notre mémoire, qui concernent le paragraphe 67(2) et l'alinéa 77(4)c) du projet de loi C-32.
Je conclurai finalement par quelques commentaires sur les perturbateurs endocriniens. Comme je l'ai dit, nous travaillons depuis 15 ans à convaincre les décideurs politiques de la nécessité de reconnaître la notion de toxicité inhérente. Nous voulons dire par là qu'il existe des substances à ce point dangereuses du fait de leur structure chimique et de leurs propriétés inhérentes qu'elles doivent faire l'objet de mesures particulièrement sévères.
Les exemples cités à cet égard concernent toujours les substances qui sont toxiques, évidemment, mais qui sont aussi persistantes, qui restent longtemps dans l'environnement et qui ont un effet bioaccumulatif, c'est-à-dire qu'elles s'accumulent dans les cellules adipeuses des poissons, des animaux et des humains. Le projet de loi y fait référence en reconnaissant qu'elles ont des propriétés inhérentes. Mais pour les ONG et les scientifiques, elles sont loin d'être les seules substances intrinsèquement toxiques. Nous savons qu'avec les progrès de la science, on va trouver d'autres caractéristiques problématiques qui ajouteront de nouvelles substances à la portée de la définition de la toxicité inhérente.
Ce que nous demandons, c'est qu'il soit prévu dans le projet de loi que des catégories supplémentaires de substances autres que persistantes et bioaccumulatives soient soumises aux mêmes mesures rigoureuses.
En fait, le projet de loi ferme la porte aux découvertes scientifiques et à la possibilité que l'on découvre des substances aussi dangereuses que les substances persistantes et bioaccumulatives.
• 0935
L'exemple que nous utilisons et dont des témoins ont parlé au
comité concerne les perturbateurs endocriniens, ces substances qui
perturbent les fonctions endocriniennes des animaux et des humains.
Les scientifiques signalent à ce propos qu'on découvrira tôt ou
tard des substances présentant des propriétés inhérentes telles
qu'elles nécessiteront les mesures les plus sévères, or la loi
ferme la porte à cette possibilité.
À ce sujet, nous proposons—et je vous renvoie à notre recommandation 14—que le paragraphe 3(1) soit modifié pour y inclure une définition de substance à effet de perturbation du système hormonal.
Nous proposons également, à la recommandation 62, que l'on modifie l'alinéa 73(1)c) de façon qu'on puisse essentiellement ajouter d'autres propriétés que celles des substances persistantes et bioaccumulatives, afin que la porte reste ouverte aux nouvelles découvertes scientifiques et que la loi reste souple.
À la recommandation 63, nous demandons en particulier que pour atteindre cet objectif, on classe les produits domestiques non seulement en fonction de leurs propriétés persistantes et bioaccumulatives, mais également en fonction de leurs effets perturbateurs sur le système hormonal, afin que pour la première fois au Canada, les citoyens puissent connaître non seulement les substances à effets persistants et bioaccumulatifs, mais également les substances disponibles dans le commerce qui risquent de perturber le système endocrinien.
Enfin, je vous ai signalé les recommandations 66 et 67 de notre mémoire qui concernent les paragraphes 77(3) et (4) du projet de loi. Selon ces recommandations, lorsque l'on trouve une substance qui perturbe les fonctions endocriniennes, il faudrait la classer de façon à l'assujettir à l'objectif de quasi-élimination; ainsi, cette substance intrinsèquement toxique pourrait être assujettie aux mesures les plus sévères envisagées dans la loi, à savoir la quasi-élimination. Pour cela, il faudrait non seulement modifier la définition de la quasi-élimination, mais modifier également les paragraphes 77(3) et (4).
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous avons recommandé plusieurs autres modifications, mais ce que nous avons proposé en matière de droits des citoyens, de substances toxiques et de perturbateurs endocriniens permettrait à notre avis d'améliorer considérablement le projet de loi et de répondre aux attentes des Canadiens en matière d'environnement.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Muldoon, monsieur Windfield et madame Inch.
Nous allons passer aux questions de M. Gilmour, puis de Mme Kraft Sloan et de M. Lincoln.
M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, je vous félicite pour cet exposé très détaillé. Je n'ai pu que le parcourir et en extraire quelques faits saillants.
J'ai l'impression—mais je me trompe peut-être—que nous nous orientons davantage dans la direction de l'ancien projet de loi qui a expiré à la Chambre lors de la dernière législature. N'ai-je pas raison?
M. Paul Muldoon: Pour ce qui est du projet de loi C-74, il s'agit là d'une version presque identique, à quelques exceptions près. Dans la plupart des cas, cette mesure va moins loin et non pas plus loin que le projet de loi C-74, à quelques exceptions près.
M. Bill Gilmour: D'accord. Malheureusement, le projet de loi C-74 n'a pas été adopté, notamment parce qu'il n'a pas obtenu d'appui suffisant et si le comité adoptait celui-ci, nous pourrions nous trouver devant le même obstacle.
Le président: Comme nos témoins n'étaient pas à la Chambre à ce moment-là, mais que certains d'entre nous y étaient, je me dois de préciser que le projet de loi C-74 n'a pas été adopté pour la simple raison qu'il y a eu des élections.
M. Bill Gilmour: D'accord, je pensais qu'il était resté là pendant un certain temps.
• 0940
Quoi qu'il en soit, 172 recommandations, c'est beaucoup.
Peut-être pourriez-vous m'aider, et aider le comité par la même
occasion, en indiquant quels sont les domaines prioritaires, ceux
qui sont les plus importants à vos yeux, au lieu de nous proposer
ces 172 recommandations en bloc. Pourriez-vous le faire sans que
cela exige énormément de travail de votre part? Pourriez-vous
souligner les aspects sur lesquels nous devrions centrer notre
attention lorsque nous en arriverons à l'étude article par article?
M. Mark Winfield: C'est ce que nous avons essayé de faire, dans une certaine mesure, ce matin. Je vous indiquerai les sept dimensions que nous avons mises en lumière ce matin.
M. Bill Gilmour: D'accord.
M. Mark Winfield: Pour ce qui est de l'accord d'harmonisation et du caractère résiduel de la loi, cela marque certainement un recul par rapport non seulement au projet de loi C-74, mais à la loi en vigueur. Il s'agit de priorités. Il y a aussi la biotechnologie et les substances nouvelles, car vous reculez non seulement par rapport au projet de loi C-74, mais aussi par rapport à la loi existante, la LCPE de 1988. Puis, comme nous l'avons dit, il y a les droits des citoyens et il est important d'avoir une définition de la quasi-élimination. Pour ce qui est de l'efficience, c'est très important aussi étant donné que cela peut établir un précédent. Quant aux substances à effet de perturbation sur le système hormonal, c'est une façon de s'assurer que le projet de loi pourra tenir compte des progrès de la science. Enfin, il y a des changements mineurs concernant la prévention de la pollution et les mesures d'urgence, qui nous ramènent simplement à ce que prévoyait le projet de loi C-74.
J'espère qu'un grand nombre des autres changements que nous proposons ne passeront pas inaperçus, car dans bien des cas, nous essayons de proposer des changements mineurs qui permettront au Parlement d'exprimer sa volonté plus clairement. Je me souviens de l'exposé que M. Victor a fait devant le comité permanent il y a deux semaines et dans lequel il disait à quel point c'était important. Il y a un tas de dispositions du projet de loi qui sont trop vagues. À notre avis, le comité ne devrait pas rater l'occasion de mettre le gouvernement dans la bonne voie. C'est aux membres du comité qu'il revient, bien entendu, d'accepter nos suggestions plutôt que certaines autres.
M. Bill Gilmour: M. Muldoon a mentionné, je crois, que nous avions reçu de nombreuses propositions à propos de la quasi- élimination. Peut-être pourriez-vous préciser votre pensée, car vous parlez d'une quantité non mesurable. Je vois mal comment ce serait possible étant donné qu'il y a 20 ans, les quantités se mesuraient en parties par million, après quoi nous sommes passés aux parties par milliard, aux parties par billion, et nous envisageons maintenant de mesurer les parties par trillion. Avec les progrès technologiques, nous aurons sans doute la possibilité de mesurer toute quantité décelable.
On sait par exemple qu'un poêle à bois produit des quantités infimes de dioxine. Que fait-on lorsqu'une substance est présente à 0,1 p. 100 ou en quantité homéopathique? J'ai de la difficulté à voir comment cela fonctionnera. Pourriez-vous éclairer ma lanterne?
M. Paul Muldoon: Bien sûr. La réponse à cette question se trouve en fait dans le projet de loi. Le pivot du projet de loi, que nous appuyons, est de déclarer que la prévention de la pollution est un objectif national. On dit que la façon de prévenir la pollution, ce n'est pas de polluer et de comptabiliser les substances à l'extrémité des conduites mais plutôt de trouver des moyens différents de produire les matériaux, des procédés différents qui évitent de polluer au départ. Nous croyons que ce principe est essentiellement juste. Cela rejoint une tendance nationale et c'est aussi une tendance qui présente de grands avantages économiques car elle stimule l'innovation, l'efficacité et la conservation.
Même si on dit au début du projet de loi—en fait, on le déclare—que la prévention de la pollution est un objectif national, voilà qu'à l'article 64 on adopte une définition qui correspond davantage au contrôle de la pollution, puisqu'on y dit qu'il n'est pas nécessaire de changer les procédés pour éliminer totalement la pollution et qu'il suffit de faire davantage usage des techniques de contrôle de la pollution afin que les émissions de ces substances les plus dangereuses que l'on connaisse pour l'homme se situent à un niveau non mesurable et non détectable.
• 0945
Notre recommandation vise à uniformiser la loi. Vous déclarez
que la prévention de la pollution est un objectif absolu et nous
sommes d'accord. Mais ensuite, à l'article 64, en ce qui concerne
l'objectif de quasi-élimination, il faudrait exiger que l'industrie
change ses procédés afin qu'elle n'utilise pas ou ne produise pas
les substances qui sont visées.
Au lieu de compter les molécules dans les conduites, changeons les procédés afin que les substances ne soient ni utilisées ni produites. Je pourrais vous donner de nombreux exemples de mesures que l'industrie a prises de son propre chef après avoir reçu les messages appropriés par le truchement de la réglementation. Nous ne voulons pas que l'industrie investisse des milliards de dollars dans le contrôle de la pollution. Nous voulons qu'elle investisse son argent dans la prévention de la pollution, prévention dont les bienfaits sont incalculables, afin d'éviter cette comptabilité au bout du compte.
M. Bill Gilmour: Permettez-moi de revenir à mon exemple du poêle à bois. Si vous situez cela dans un contexte industriel, ça va bien. Ce qui m'inquiète, c'est que de la façon dont la mesure est rédigée, il est possible d'aller au-delà de l'esprit du projet de loi—par exemple, encore une fois, en ce qui concerne les gens qui chauffent leurs maisons au bois. La loi pourrait interdire d'utiliser un poêle à bois en raison des quantités minimes de dioxine qui sont produites de cette façon. Voilà ce qui m'inquiète. Il faut trouver le moyen de rejoindre l'industrie sans pour autant dépasser l'esprit de ce que nous avons dans le projet de loi actuel.
M. Mark Winfield: Nous avons pris quelques mesures à ce sujet.
La première, au sujet de la définition de la quasi- élimination, a consisté à... Dans le libellé, vous constaterez que nous avons essayé de faire la distinction avec les cas où la substance est en fait un produit utilisé. Je crois savoir qu'on a dit au comité, par exemple, qu'il n'est pas possible d'éliminer progressivement l'utilisation des produits en raison des problèmes d'application juridique.
Nous avons donc rédigé le projet de loi de sorte que cette élimination soit faisable. Lorsque la substance que l'on veut éliminer est un produit, il existe un élément d'intention qui peut être utilisé et qui peut être pris en compte dans le libellé. C'est la première partie de la définition que nous avons proposée.
La deuxième partie porte sur les cas peut-être plus difficiles, dont celui dont vous parlez, où la substance est un produit secondaire. Le produit résulte d'un procédé quelconque, la substance n'est pas produite intentionnellement. Si vous lisez la note en bas de page, vous verrez que, de toute évidence, il y aura des cas pour lesquels la seule solution, pour traiter de ces sous- produits, sera d'établir une norme numérique au sujet de leur production ou de leur émission. C'est dans ces cas qu'il faudra avoir suffisamment de souplesse, dans les cas comme celui de votre poêle à bois.
N'oubliez pas non plus que la quasi-élimination n'est pas une exigence juridique automatique. D'après le libellé du projet de loi, on exige simplement l'élaboration de plans pour atteindre l'objectif de quasi-élimination, lorsque cette mesure s'applique. D'autres mesures conservent suffisamment de souplesse pour résoudre le problème que posent les petites sources de pollution, entre autres.
M. Bill Gilmour: Merci, monsieur le président.
Le président: La description de la prévention de la pollution que nous donne M. Muldoon correspond à celle que l'on trouve dans la convention de Rio. Le gouvernement du Canada a pris des engagements dans ce domaine à plusieurs reprises et on en trouve également un écho dans le titre du projet de loi.
Passons aux personnes suivantes, Mme Kraft Sloan, puis M. Lincoln.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci.
J'ai été plutôt choquée d'entendre le représentant du Centre du droit de l'environnement de l'Alberta proposer que les dispositions sur les poursuites par les citoyens soient éliminées du projet de loi si le comité n'est pas en mesure d'en éliminer les difficultés. Comme M. Muldoon l'a fait remarquer ce matin, bon nombre d'organismes de tout le Canada, entre autres l'Institut canadien du droit et de la politique de l'environnement, l'Association canadienne du droit de l'environnement et les organismes qui participent au caucus sur les produits toxiques du RCE, ont beaucoup lutté en faveur de la participation du public. Certains m'ont dit que même si ces dispositions sont trop faibles, mieux vaut celles-là que rien du tout. Je trouve donc choquant que les organismes que vous représentez, des organismes de tout le Canada qui ont tant lutté en faveur de la participation du public, préféreraient que ces dispositions soient éliminées. J'aimerais que vous m'en disiez davantage à ce sujet.
M. Paul Muldoon: Vous mettez le doigt sur un point très sensible. Je viens d'un organisme qui a consacré 25 ans à défendre les droits des citoyens. J'ai moi-même fait partie du groupe de travail sur la déclaration des droits de l'environnement qui a rédigé le projet de loi ontarien en collaboration avec d'autres groupes environnementaux, avec l'industrie et avec le gouvernement. Après avoir appliqué bon nombre de dispositions comme celles-là dans mon travail, je puis vous assurer qu'il m'en coûte énormément de vous dire aujourd'hui qu'il faut améliorer le projet de loi en matière de droits des citoyens ou éliminer les articles à ce sujet.
Mais voyons un peu ce quÂil en est. Vous ne trouverez pas beaucoup d'avocats au Canada pour vous dire que les articles 22 à 38 conféreront aux citoyens des droits réels. Ces dispositions sont trop tarabiscotées et limitatives, elles sont si onéreuses pour les groupes d'intérêt public, qu'ou bien elles ne seront pas appliquées, ou bien elles le seront si rarement que cela reviendra au même. Le bon côté, c'est que ces dispositions confèrent un droit potentiel mais extrêmement peu applicable d'intenter des poursuites. Voilà pour le côté positif.
Par contre, ces dispositions seront à peu près impossibles à modifier à l'avenir. Voilà des années que l'on essaie en Ontario de modifier des dispositions bien plus libérales que celles-là qui n'ont jamais été utilisées en cinq ans. Nous savons à quel point il est difficile de modifier ces dispositions une fois qu'elles font partie de la loi.
Deuxièmement, ces dispositions constitueront un précédent désastreux pour les autres lois fédérales. Elles seront reprises dans ces lois, tout comme elles sont elles-mêmes copiées sur la Déclaration des droits de l'environnement de l'Ontario. Mais ce n'en est qu'un pâle reflet, car on l'a rendue encore plus complexe et limitative. La prochaine version, que l'on trouvera dans une autre mesure législative, pourrait être encore bien pire.
Voilà notre opinion. Ce que nous voulions, c'est une approche semblable à celle utilisée dans le rapport produit par votre comité en 1995, Notre santé en dépend!, dans lequel vous réclamiez une déclaration des droits de l'environnement assortie d'un droit efficace d'application par les citoyens. Pourquoi renoncer à ce but pour une mesure qui est non seulement inférieure, mais aussi pratiquement inapplicable?
En théorie, j'aimerais bien vous dire que ces dispositions ne sont pas aussi bonnes que nous le souhaiterions, mais qu'il faut les conserver. Je ne peux pas me résoudre à cela. Ces dispositions ne sont pas applicables. Comment pourrais-je convaincre mes clients d'appuyer une mesure qui ne pourra pas être appliquée?
Madame Kraft Sloan, il est très difficile pour nous de comparaître ici, mais nous avons consulté nos collègues du caucus sur les substances toxiques du Réseau canadien de l'environnement. La discussion a été longue et laborieuse, mais d'après l'opinion générale, il semble qu'à moins qu'on ne puisse modifier ces dispositions...
Nous ne réclamons pas la lune; nous ne demandons que le minimum. Ces dispositions créent un droit sans substance, une participation factice des citoyens. En pratique, cette participation sera inexistante.
Mme Karen Kraft Sloan: J'ai lu la réponse du gouvernement et on n'y parle pas des perturbateurs endocriniens. Ça, c'est une chose. Vous dites que le projet de loi ferme la porte à la science. À mon avis, il faut être sensible au fait que la science a évolué— et c'est certes l'objet de l'inquiétude de Mme Inch au sujet de la période d'examen de sept ans. Les choses changent et de nouvelles découvertes se produisent.
Nous devons reconnaître l'excellent travail que mènent depuis une vingtaine d'années les scientifiques d'Environnement Canada en ce qui concerne la faune du bassin des Grands Lacs. Ils ont consacré énormément d'efforts aux substances perturbatrices des fonctions endocriniennes et veillé à la santé de cette faune. Grâce à leurs travaux, ils ont jeté les bases de certaines études internationales sur les perturbateurs endocriniens.
L'information existe déjà et ce, depuis un certain temps. À titre de législateurs, il nous incombe de nous assurer que ces problèmes sont pris en compte chaque fois que nous modifions des lois ou que nous en adoptons de nouvelles.
• 0955
Vous avez certainement fait de multiples recommandations quant
à la façon de mieux traiter les perturbateurs endocriniens dans la
mesure. Or, certains témoins qui ont comparu devant le comité nous
ont dit que l'actuel projet de loi C-32 englobera ces substances.
Je me demande si vous pourriez me dire pourquoi, à votre avis, ils
ont affirmé une chose pareille. Chose certaine, votre témoignage,
et celui d'autres représentants de groupes de promotion de la santé
et de spécialistes du droit environnemental, semblent indiquer le
contraire. Je me demande ce qui explique cette différence.
M. Mark Winfield: Je pense que cela est partiellement dû à la structure du projet de loi. Celui-ci s'articule autour du modèle de l'évaluation du risque. Cela est évident dans la définition de la toxicité et ailleurs également. Le problème, c'est que ce modèle est fondé sur des hypothèses relatives à la dose-réponse de sorte que l'incidence d'une substance sera fonction du degré d'exposition.
Malheureusement, les perturbateurs endocriniens ne fonctionnent pas de cette façon. L'endroit où ils se trouvent ou le moment de l'exposition peut avoir autant d'importance que leur quantité. Voilà le véritable problème. La structure actuelle de la mesure législative ne permet pas d'envisager cette possibilité.
On tente d'aborder la question de la persistance dans le projet de loi C-32. On va jusqu'à accepter la persistance et la bioaccumulation à titre de substitut pour l'exposition dans l'évaluation du risque. Et encore, cela demeure présenté selon un modèle d'évaluation du risque traditionnel, le modèle de la dose-réponse. En effet, ce qu'on dit, c'est qu'on supposera que la dose y est en raison de la persistance dans la bioaccumulation, par opposition à une exposition directe.
Encore une fois, cela ne tient pas dans le cas des perturbateurs endocriniens car ils ne respectent pas le modèle dose-réponse de l'évaluation du risque. Comme je l'ai déjà dit, d'après l'état de nos connaissances, il semble que le lieu et le moment de l'exposition soient beaucoup plus importants que la quantité pour déterminer le degré de toxicité ou l'incidence de la substance. Voilà pourquoi nous préconisons d'élargir quelque peu le libellé pour tenir compte de cette possibilité.
M. Paul Muldoon: Puis-je vous donner deux exemples précis? Veuillez vous reporter à l'article 73. Je tiens à vous donner un exemple très concret de ce dont je parle car à moins de nous pencher sur le détail, l'impact de la réponse nous échappera.
M. Bill Gilmour: À quelle page êtes-vous?
M. Paul Muldoon: Je vous renvoie à l'article 73 du projet de loi ou approximativement à la page 69 de la version anglaise de notre mémoire.
La question était de savoir pourquoi les perturbateurs endocriniens ne tomberaient pas tout naturellement sous le coup du régime de la mesure. On pourrait faire valoir que si les perturbateurs endocriniens sont jugés toxiques, le projet de loi peut s'y appliquer car il traite des substances toxiques. C'est un argument qu'on pourrait invoquer.
Mais voyez l'article 73. C'est une directive du Parlement aux ministres leur demandant de classer par catégorie les substances inscrites sur la liste intérieure pour pouvoir déterminer celles qui présentent pour les particuliers au Canada le plus fort risque d'exposition ou celles qui sont persistantes et bioaccumulables.
Premièrement, aux termes du paragraphe 73(1), on ne cherchera pas à englober les perturbateurs endocriniens. Même si nous savons que les données scientifiques sont disponibles, le Parlement affirme qu'on ne devrait pas se pencher sur leur cas. Il convient de viser des substances persistantes et bioaccumulables, mais non des substances à effet de perturbation du système hormonal. C'est un peu un décret parlementaire.
Ensuite, au paragraphe 77(4), il est stipulé qu'il convient d'opter pour la quasi-élimination dans le cas des substances persistantes et bioaccumulables. Le projet de loi précise qu'il doit s'agir de substances persistantes et bioaccumulables. Par conséquent, s'il s'agit d'une substance qui perturbe le système hormonal, mais qui ne répond pas aux critères rigoureux de la persistance et de la bioaccumulation, elle ne peut faire l'objet de quasi-élimination. C'est ce que dit le projet de loi, d'une certaine façon.
• 1000
À titre d'exemple, ces articles privilégient des mesures
rigoureuses à l'encontre de substances intrinsèquement toxiques
comme les bioaccumulables. Fort bien, il s'ensuit qu'on laisse
entendre que les autres substances affichant des propriétés
toxiques intrinsèques ne devraient pas être assujetties à un
traitement aussi sévère. Nous voulons savoir pourquoi il en est
ainsi. Pourquoi laisse-t-on entendre que seules les substances
persistantes et bioaccumulables devraient recevoir ce traitement et
non pas les autres substances ayant des effets toxiques
intrinsèques comme les perturbateurs endocriniens?
Mme Karen Kraft Sloan: Quel serait le sort réservé aux perturbateurs endocriniens? Seraient-ils totalement ignorés par cette mesure?
M. Mark Winfield: Il est possible qu'on les qualifie de toxiques, bien que cela puisse s'avérer difficile compte tenu de l'actuelle définition de «toxicité» et de l'accent mis sur un modèle d'évaluation du risque, comme nous l'ont répété à maintes reprises les représentants du ministère.
Mme Karen Kraft Sloan: Il faudrait donc qu'ils présentent d'autres attributs qui feraient qu'on les considérerait...
M. Mark Winfield: C'est possible. Et compte tenu du libellé du projet de loi, à moins que les substances en question n'affichent des propriétés de persistance et de bioaccumulation—et ce n'est pas nécessairement le cas de tous les perturbateurs endocriniens—elles seraient certainement versées dans l'autre voie, par opposition à la voie de la quasi-élimination, peu importe leur degré potentiel de toxicité. Ce pourrait être le cas d'une substance ayant un effet particulièrement dommageable si l'exposition vise un point particulier du développement d'un être humain ou d'un animal. Cependant, elle ne pourrait être mise sur la liste des substances vouées à la quasi-élimination puisqu'elle n'est ni persistante ni bioaccumulable. Voilà le problème. Elle pourrait vraisemblablement tomber sous le coup de la définition de la «toxicité», mais elle ne peut pas faire l'objet de mesures plus rigoureuses.
Mme Karen Kraft Sloan: Et si elle tombe dans l'autre voie, que se passe-t-il alors?
M. Mark Winfield: Ce n'est pas très clair. Le projet de loi exige que le ministère élabore selon un certain échéancier un plan de gestion à l'égard des substances de la deuxième voie, mais les objectifs de ce plan de gestion ne sont pas très clairs. Ce n'est pas comme les substances de la première voie qui, d'après une directive claire du Parlement, seront vouées à la quasi- élimination. Dans le cas de la deuxième voie, on se rappellera le sort fait aux substances de la première liste prioritaire. Pour ce qui est des mesures concrètes, on n'avait pratiquement rien fait.
M. Paul Muldoon: Voilà ce que nous souhaitons. Vous avez mentionné, à juste titre, qu'une bonne partie des travaux d'avant- garde sur l'identification et la connaissance des substances perturbatrices des fonctions endocriniennes ont été faits au Canada, particulièrement dans le contexte des Grands Lacs. De la même façon qu'ils ont innové sur le plan scientifique, les Canadiens devraient également innover sur le plan de la politique. Traduisons nos découvertes scientifiques en politiques novatrices. La présente mesure n'est pas à la hauteur.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): J'aimerais me concentrer sur les fonctions administratives et le préambule du projet de loi pour commencer.
Comme vous, si j'en juge d'après la réponse du gouvernement, il ne fait pas de doute que l'alinéa 2(1)l) et le paragraphe 2(2) représentent une nouvelle orientation. Autrement dit, c'est du nouveau. En ce qui concerne 2(1)l), convenez-vous que cette mention—je pense que vous en avez aussi parlé, mais je veux m'assurer de vous avoir bien compris—l'accord d'harmonisation, ce qui est évidemment le but visé ici, est maintenant consacré dans la loi alors qu'auparavant il ne s'agissait que d'un document politique?
M. Mark Winfield: Non, cela serait notre interprétation du paragraphe, puisque cela, dans les faits, crée l'obligation pour le ministre d'appliquer la loi d'une manière qui cadre avec les ententes intergouvernementales. Le libellé du paragraphe reprend celui de l'entente d'harmonisation, ce qui semble sous-entendre que le Parlement force l'application de la loi. De fait, cela crée une obligation juridique qui pourrait sans doute être appliquée par les tribunaux. Cela cause beaucoup de difficulté lorsque l'on examine le texte de l'accord d'harmonisation, qui renferme quantité de formules qui interdisent au ministre de faire telle ou telle chose.
M. Clifford Lincoln: C'est presqu'une façon de consacrer indirectement l'accord d'harmonisation dans la loi.
M. Mark Winfield: C'est presqu'une façon de l'incorporer au moyen d'une mention. C'est essentiellement l'effet de cette disposition.
M. Clifford Lincoln: En vertu du paragraphe 2(2), si l'on examine de près la définition, tout ce qu'un autre ministre chargé d'une autre loi a à faire est de montrer que des mesures peuvent être prises—non pas «doivent» être prises ou mises en oeuvre en vertu de la loi—ce qui est bien subjectif de toute façon, j'imagine. Une fois que le ministre a dit que des mesures peuvent être prises en vertu de la loi, qu'elles le soient ou non, qu'il existe ou non des règlements pour les appuyer, alors notre ministre se fait imposer un veto et ne peut plus invoquer la LCPE. Voyez- vous les choses de cette façon?
M. Mark Winfield: Oui, c'est l'interprétation que nous faisons du paragraphe. Si le Parlement vote cette disposition, cela semble être le signal que le Parlement donnera aux ministres de l'Environnement, de la Santé et aux autres. Dans les faits, les mesures ne pourraient être prises en vertu de la LCPE qu'avec l'approbation des ministres responsables pour l'application d'autres lois pertinentes.
M. Clifford Lincoln: Compte tenu de la réponse du gouvernement, cela revient à introduire deux grands changements dans la LCPE qui en font le siège de pouvoirs résiduels par rapport aux accords provinciaux et aux autres accords conclus par les ministères.
M. Mark Winfield: Oui, c'est ainsi que nous interprétons la loi. Ce sont de gros changements par rapport à la réponse du gouvernement, qui n'avait fait allusion à aucune de ces deux questions.
M. Clifford Lincoln: En ce qui concerne la partie 5, le corps du projet de loi, l'essentiel, celle qui porte sur les substances toxiques, je vois que vous avez présenté plus de 30 recommandations. Certaines vont au coeur du sujet. Le texte est-il applicable tel qu'il est? Faudrait-il le réécrire? À votre avis, peut-on le corriger s'il faut en modifier 30 points essentiels?
M. Mark Winfield: J'avoue que c'est indéchiffrable. J'ai eu beaucoup de mal—et Paul aussi sans doute—à me retrouver dans l'organisation des parties de la façon dont elles s'emboîtent. Je dirais la même chose de la rédaction. Comment fonctionneraient- elles ensemble? Par certaines de nos recommandations, c'est ce que nous voulions tirer au clair. Cela montre bien que c'est la bouteille à l'encre.
Chacun doit déployer beaucoup d'efforts pour arriver à comprendre ce que le Parlement voulait dire lorsque cela a été rédigé. C'est la même chose pour l'industrie, pour nous et pour les ministères. Cet article cause toutes sortes de problèmes, et voilà pourquoi il y a tant de recommandations qui visent à clarifier l'objectif que nous avons. On peut arranger les choses, mais il faut beaucoup de travail.
M. Clifford Lincoln: Au sujet de la partie 5, si vous deviez l'évaluer par rapport à la réponse du gouvernement, qu'est-ce qui vous saute aux yeux? Dans quel domaine s'est-on écarté de la réponse du gouvernement? Parmi les éléments clé, pouvez-vous mettre le doigt sur ceux qui sont différents?
M. Paul Muldoon: Considérons quelques-unes des questions.
• 1010
À notre avis, la définition de «quasi-élimination» n'était pas
juste dans la réponse gouvernementale mais celle du projet de loi
C-32 est encore pire, même si nous n'aimions pas celle de la
réponse du gouvernement de 1995.
M. Mark Winfield: Dans la section sur les substances toxiques, l'autre changement important que je constate se rapporte aux substances nouvelles. La réponse du gouvernement ne comportait aucun changement substantiel alors que le projet de loi présente un changement parallèle à celui qui a été apporté pour la biotechnologie. Il s'agit simplement de contourner l'exigence de la loi actuelle selon laquelle toute substance nouvelle, du point de vue de la toxicité, doit être évaluée aussi rigoureusement que si elle était réglementée en vertu de la LCPE.
M. Clifford Lincoln: Pourriez-vous me dire de quel article vous parlez, s'il vous plaît?
M. Mark Winfield: Oui, c'est à l'article 81 du projet de loi et les paragraphes en question sont les paragraphes 81(7), 81(8) et 81(9). Le paragraphe 81(6) reproduit essentiellement le libellé de l'alinéa 26(3)a) de la LCPE, mais les paragraphes 81(7), 81(8) et 81(9) prévoient essentiellement un mécanisme d'exemption des substances de l'imposition de la règle d'équivalence de la loi actuelle. Comme je le disais, la réponse du gouvernement était muette sur cette question des dispositions générales à l'égard des substances nouvelles et il s'agit donc d'un autre écart majeur par rapport à la réponse.
M. Paul Muldoon: Puis-je formuler un autre commentaire, monsieur Lincoln? La recommandation 9.14 du gouvernement était très claire à ce sujet. Elle disait: «Le gouvernement du Canada propose d'intégrer à la LCPE des éléments clé de sa politique sur la gestion des substances toxiques». À mon avis, on déclare ainsi qu'il y aura une certaine souplesse dans la façon d'interpréter cette politique et que cette souplesse sera intégrée à un cadre législatif. Je crois que le projet de loi C-32 va bien plus loin. Il ne permet pas le genre d'adaptation nécessaire à un régime efficace. Je crois qu'on a présumé qu'il faut non seulement suivre la politique sur la gestion des substances toxiques mais qu'il faut aller encore plus loin. Je pense que la réponse du gouvernement est bien plus généreuse en donnant cette souplesse et cette faculté d'adaptation du projet de loi, selon les besoins d'une bonne réglementation.
M. Clifford Lincoln: J'ai une dernière question.
Je sais que nous avons déjà commencé l'examen de la partie 6 de la réponse du gouvernement. Il y a déjà une disposition selon laquelle les lois des autres ministères font de la LCPE un «filet de sécurité» ou une disposition résiduelle. C'était déjà là. À votre avis, le libellé actuel est-il pire, par rapport à la réponse du gouvernement et par rapport au projet de loi C-74?
M. Mark Winfield: Au sujet de la partie 6 sur la biotechnologie, c'est comme le projet de loi C-74. À notre avis, c'est la pire interprétation possible de la réponse du gouvernement. Il est très clair que ces dispositions sont destinées à fournir une issue de secours. Rappelez-vous le libellé de l'alinéa 26(3)a) de la LCPE. Le Parlement a soigneusement rédigé la LCPE actuelle. Il ne s'agissait pas simplement de créer un filet de sécurité mais aussi une norme de performance. L'alinéa 26(3)a) ne disait pas simplement que ces choses devaient être réglementées en vertu d'autres lois; on disait aussi quelque chose au sujet des normes de réglementation ou d'examen qui devaient être respectées en vertu de ces lois afin qu'elles soient au moins aussi rigoureuses que la LCPE.
• 1015
On offre donc aux autres ministères une façon de se dérober,
pour les substances réglementées par d'autres lois. Il me semble
que la pire interprétation possible de la réponse du gouvernement
se trouve dans le projet de loi; c'est la voie qui est proposée.
M. Clifford Lincoln: Dans la partie 6 que nous avons actuellement, est-ce qu'il y a des conséquences, d'après vous, en vertu de la loi? Pour la biotechnologie, en vertu du libellé qui nous est proposé, la LCPE a-t-elle encore une force quelconque?
M. Mark Winfield: Oui, mais moins que la LCPE de 1988, soit moins que la loi actuelle, pour ce qui est de la biotechnologie. Le libellé de la loi actuelle a été soigneusement préparé de manière à fixer des normes d'évaluation pour ceux qui étaient réglementés par d'autres ministères, en vertu d'autres lois.
La partie 6 reproduit essentiellement le libellé des dispositions de la loi se rapportant aux nouvelles substances chimiques. Dans les faits, il n'y a pas beaucoup de progrès par rapport à la loi actuelle. Il y a un problème supplémentaire, puisqu'on sape la règle de l'alinéa 26(3)a) relative à l'évaluation des nouvelles substances, y compris les produits de la biotechnologie, réglementés par d'autres lois. À notre avis, c'est tout un problème.
Nous avons signalé d'autres problèmes relatifs à cette partie de la loi, particulièrement l'absence d'une définition de la toxicité qui s'applique particulièrement à la biotechnologie, ce qui est à notre avis nécessaire pour nous permettre de nous acquitter de nos obligations explicites en vertu de la Convention sur la diversité biologique, qui se rapporte à la protection de la biodiversité par rapport aux produits de la biotechnologie. Merci.
Le président: Madame Torsney, puis le président.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je présume qu'une bonne part des recommandations est constituée de changements corrélatifs, à partir de certaines choses que vous voulez modifier. Il est donc important que vous nous ayez signalé les sujets les plus importants.
Je voulais toutefois revenir sur toute cette question des perturbateurs endocriniens. Je vois dans votre recommandation 62 que vous parlez d'ouvrir la porte à toute percée scientifique, etc. Je me demande pourquoi vous voulez, dans les neuf recommandations suivantes, restreindre cela aux perturbateurs endocriniens. Si vous craigniez que le projet de loi vous empêche d'agir pour toute percée scientifique dans quelque domaine que ce soit, pourquoi ensuite parler uniquement des perturbateurs endocriniens?
M. Paul Muldoon: C'est une bonne question. Même s'il y a plusieurs modifications permettant une présence accrue dans le projet de loi du concept de la toxicité inhérente, ce serait un dédoublement que de parler aussi partout des perturbateurs endocriniens. C'est une bonne question.
Mais par ailleurs, il y a certaines dispositions où il faut donner des précisions qui se rapportent aux perturbateurs endocriniens. Par exemple, quand on veut donner des précisions sur les substances figurant sur la liste intérieure, on veut que le Parlement donne un message clair à Environnement Canada, lui demandant d'évaluer les 23 000 substances pour déterminer lesquelles risquent de nuire à notre santé. C'est pourquoi on a ciblé les substances persistantes et bioaccumulables et je pense qu'il convient tout à fait, et qu'il est même nécessaire de cibler maintenant les perturbateurs endocriniens.
En outre, au sujet du paragraphe 77(4), je pense que si nous trouvons ces perturbateurs endocriniens qui nuisent à l'environnement et la santé, il conviendrait de les assujettir aussi à la quasi-élimination. On pourrait peut-être envisager cela, élargir cette idée. Vous constaterez que nos recommandations ont deux volets. Il faut incorporer complètement et rationnellement le concept de la toxicité inhérente. Si ce n'est pas possible, il faut au moins s'occuper de ce qui doit être fait, d'après les données scientifiques...
Mme Paddy Torsney: À ce sujet, j'ai parlé à des scientifiques selon lesquels on commence à peine à avoir des données scientifiques sur certains sujets. Ils essaient de comprendre certaines choses au sujet de ce qui peut perturber le système endocrinien. Voici ce que je vous demande: Quand on aura compris cela, qu'on aura de meilleures données scientifiques, ne voulez- vous pas une définition aussi large qu'à l'article 62, pour cela et pour toutes autres données scientifiques? Est-ce qu'on ne devrait pas avoir une politique ou un règlement portant sur l'inclusion plus détaillée des perturbateurs hormonaux, si nous n'avons pas déjà les données scientifiques nécessaires? Pourquoi se limiter à cela, alors qu'on pourrait faire d'autres découvertes dès demain—les progrès scientifiques sont parfois si rapides—au sujet de ce qui peut nuire encore plus à notre santé?
M. Paul Muldoon: Pour ce qui est de votre deuxième question, je suis tout à fait d'accord. Nous ne voulons pas imposer de limite et nous disons dans nos recommandations, que nous voulons retenir les substances persistantes et bioaccumulables ainsi que les perturbateurs endocriniens comme les deux cibles que nous connaissons d'ores et déjà. Nous voulons avancer et laisser la porte ouverte. Voilà l'idée qui sous-tend les recommandations.
Pour ce qui est de votre première question, à savoir que la science est toujours évolutive, si vous vous reportez à la documentation des années 70, il y a eu beaucoup d'écrits à propos des répercussions des substances persistantes et bioaccumulables, mais rien ne s'est retrouvé au niveau des politiques, malgré l'accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, avant la fin des années 80. Il a fallu 15 années de dégradation avant qu'on ne reconnaisse, de par nos lois et règlements, que c'est là ce qu'il fallait faire.
Quant aux perturbateurs endocriniens, je ne crois pas que nous puissions attendre. Dans la loi, on évoque le principe de la prudence. Je crois que la science et le poids de la preuve scientifique sont suffisants pour nous pousser à agir dès maintenant. Je réfute la proposition du «laissons venir». Je crois que le moment est arrivé. Nous devons agir et tout ce que nous demandons, c'est la base juridique qui nous permettra d'agir maintenant pour ensuite laisser la science confirmer, peut-être, ce que nous pressentons. Mais, au minimum, mettons en place la base législative et stratégique qui nous permettra d'agir maintenant tout en sachant qu'on n'atteindra jamais le consensus, qu'on ne saura jamais le fond de l'histoire à propos des perturbateurs endocriniens. À mon avis, la prépondérance de la preuve plaide en faveur d'une action immédiate et nous devrions en tenir compte immédiatement dans la loi.
Mme Paddy Torsney: Ne vous méprenez pas: je ne propose pas d'attendre que la science ait tout confirmé. Cependant, il y a beaucoup de savants très intéressés à toutes ces questions et selon qui l'on ne connaît pas encore tous les détails et, encore là, il ne s'agit pas de certitude absolue.
L'autre question porte sur la partie 6. Un de nos collègues soulevait l'aspect des diverses implications des autres lois et je me demande si le débat à savoir si la LCPE devrait servir de parapluie ou de filet de sécurité n'est peut-être pas un peu philosophique.
M. Mark Winfield: Non. À mon avis, il s'agit d'un débat très concret à cause de ses implications claires au niveau de l'examen détaillé auquel seront soumis les autres produits de la biotechnologie réglementés en vertu d'autres lois du Parlement.
De la façon dont la loi est formulée à l'heure actuelle, le Parlement a décrété une règle d'équivalence. Tout doit être évalué avant d'être importé ou fabriqué et cette évaluation doit être d'une certaine qualité. Essentiellement, il s'agit d'une évaluation de la toxicité au sens de la LCPE. Il y a donc des répercussions concrètes. On impose donc un certain niveau de détail pour cet examen. À notre avis, voilà qui répond à un problème potentiellement sérieux, parce que c'est la seule fois que le Parlement ait jamais soulevé la question de la réglementation au niveau de produits de la biotechnologie dans une loi. C'est le seul endroit où l'on est témoin de ce phénomène. La volonté du Parlement se trouve donc très clairement exprimée à cet égard.
L'autre problème, et c'est pour cela que nous croyons que c'est tellement important pour vous de fixer une balise, c'est que nous-mêmes ainsi que beaucoup d'autres membres du secteur de la société civile avons formulé de sérieuses réserves selon lesquelles certains autres intervenants qui proposent la réglementation des produits de la biotechnologie en vertu d'autres lois se trouvent potentiellement dans une situation de conflit d'intérêts; ils ont des fonctions de promotion aussi bien que de réglementation, et dans certains cas ces fonctions sont fusionnées au niveau institutionnel. Ces dispositions permettent d'assurer que ces produits sont sujets à un examen détaillé minimum.
Ce serait utile à l'industrie aussi puisqu'alors les règles du jeu sont les mêmes pour tous les intervenants au niveau des évaluations et des examens détaillés, peu importe la loi qui réglemente le produit en question. Autrement dit, il y a une norme commune d'évaluation qui s'applique.
• 1025
Pour nous, c'est plus qu'un débat abstrait. Il y a un aspect
concret.
Mme Paddy Torsney: Ma dernière question est de nature strictement administrative. Madame Inch, je ne suis pas sûre que nous ayons reçu la totalité de votre présentation parce que vous avez dit qu'il y avait cinq points et nous ne retrouvons pas ce cinquième point dans le document. Nous n'avons reçu qu'une page.
Mme Jane Inch: Merci, vous avez raison. Nous en avons parlé ce matin et j'ai ajouté ce dernier point. Donc c'était un peu court...
Mme Paddy Torsney: Parfait. Je voulais tout simplement m'assurer que la deuxième page ne manquait pas. Merci.
Le président: Merci, madame Torsney.
Il y a M. Knutson, suivi du président, et ce sera ensuite le deuxième tour...
M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup.
À propos du pouvoir résiduel, si l'on est réaliste, est-il possible que si un règlement était adopté en vertu de la nouvelle LCPE, une société pourrait alors remettre en question le règlement sous prétexte qu'il aurait peut-être été adopté en vertu d'une autre loi et qu'il est donc ultra vires par rapport à la première?
M. Mark Winfield: À mon avis, le problème se pose plutôt au niveau intragouvernemental à cause des signaux qu'envoie le Parlement à l'exécutif au niveau de la façon d'aborder les questions. Le libellé lui-même laisse une certaine discrétion à certains endroits. Il s'agit plutôt de savoir comment les choses fonctionneront au sein du gouvernement parce qu'en réalité, en adoptant ces dispositions, le Parlement signale à l'appareil gouvernemental qu'il préfère que les choses soient réglementées en vertu d'autres lois du Parlement plutôt qu'en vertu de la LCPE.
Cela aura son poids lors de consultations entre ministères et, probablement, entre ministres. La législature ayant ainsi exprimé son désir apparent, du moins d'après le libellé actuel du projet de loi, je crois qu'on lui accordera un certain poids. À mon avis, Environnement Canada et Santé Canada devraient se retirer si un autre ministère peut intervenir. Je crois que c'est là la véritable préoccupation.
M. Gar Knutson: Donc, on ne pourrait contester un règlement en prétextant qu'il a été adopté en vertu d'une autre loi?
M. Mark Winfield: Il faudrait étudier chacun des articles. À vrai dire, il me semble que l'un des articles formulés en 1996 à propos des substances toxiques disait que le lieutenant gouverneur en conseil ne peut pas édicter de règlement qui ne soit discrétionnaire. Dans ce cas, on pourrait peut-être avoir recours à la contestation judiciaire.
En théorie, la fonction «justice» du Bureau du Conseil privé devrait s'apercevoir de la chose avant que le règlement ne soit rédigé et il est donc peu probable qu'un tel règlement serait jamais édicté. Le vrai problème, c'est qu'il y a cette barrière quand vient le temps d'énoncer des règlements en vertu de la LCPE. Le problème constant, dans ce projet de loi, c'est qu'il prévoit toutes sortes de pouvoirs permettant d'empêcher que certaines choses ne se produisent, mais qu'il n'y a pas grand-chose qui permette de passer à l'action.
M. Paul Muldoon: Pour répondre plus précisément à votre question, à mon avis il n'est pas inconcevable de proposer que si une personne au sens de la loi trouvait qu'un règlement en vertu du projet de loi C-32 lui était moins favorable qu'un règlement en vertu d'une autre loi édicté par un autre ministère, il ne serait que logique que cette personne, au sens de la loi, tente au moins sa chance pour voir si elle ne pourrait pas faire disparaître le règlement plus strict afin de s'assurer de la viabilité du règlement moins strict. C'est la logique qui s'applique dans le cas du paragraphe 2(2).
M. Gar Knutson: Un simple commentaire, monsieur Winfield: lors de nos réunions sur l'application de la loi, on nous a dit que certains de nos règlements adoptés en vertu de la loi sur Environnement Canada n'étaient pas exécutoires. Les témoins ne nous ont pas dit desquels il s'agissait parce qu'alors les gens sauraient lesquels enfreindre. Je n'ai pas autant confiance au Conseil privé ou au ministère de la Justice...
M. Mark Winfield: Il est difficile de dire, sans connaître le contexte dans lequel le ministère vous donnait... S'agissait-il d'un problème de manque de ressources ou de formulation du texte de loi?
M. Gar Knutson: C'était au niveau de la formulation que se posait le problème.
M. Mark Winfield: Vraiment?
M. Gar Knutson: C'est dans le domaine public.
M. Mark Winfield: Le rôle du BCP-J, à mon avis, est de s'assurer que la réglementation coïncide avec les pouvoirs légalement conférés par le Parlement.
M. Gar Knutson: Si vous le dites.
M. Mark Winfield: En fait, cette section est là pour confirmer au gouverneur en conseil que la règle de droit est bien observée. Je ne pense qu'ils s'intéressent au caractère pratique ou applicable de la réglementation.
M. Gar Knutson: Non.
M. Mark Winfield: Voilà comment je comprends les choses.
M. Gar Knutson: À propos de l'alinéa 2(1)l), qui porte sur l'harmonisation, avez-vous lu la réponse de M. Glenn Allard, dans une lettre du 26 mai 1998 où il suggère un autre énoncé?
Je vais vous la lire. Dans son introduction, il dit:
-
La position d'Environnement Canada est que l'Accord pancanadien sur
l'harmonisation environnementale et ses accords auxiliaires sont
conçus comme des ententes politiques. Dans le cadre de
l'Application administrative du projet de loi C-32, nous voulons
fournir une clause qui consolide ces accords sans créer une
obligation légale.
Autrement dit, on reconnaît que l'alinéa 2(1)l) pourrait, par inadvertance, avoir pour effet de rendre les arrangements intergouvernementaux légalement obligatoires. On propose donc un nouvel alinéa 2(1)l) qui serait formulé comme suit:
-
2.(1)l) agir d'une façon qui tienne compte de l'esprit des accords
et arrangements intergouvernementaux...
Nous avons quelqu'un qui s'en chargera pour vous; c'est son travail.
M. Mark Winfield: Cela adoucit quelque peu l'énoncé, mais à mon avis, cela reste légalement applicable et, ce qui est encore peut-être plus important, cela dit clairement à l'exécutif que le Parlement souhaite le voir se comporter d'une façon compatible avec l'esprit des accords intergouvernementaux.
À notre avis, cette révision n'est pas suffisante, d'une part du point de vue légal, mais également, et peut-être encore plus, du point de vue administratif. Nous considérons que le Parlement donne à l'exécutif un signal qui n'est pas suffisamment ferme.
Par conséquent, nous proposons deux solutions en ce qui concerne cet alinéa. La première est de le supprimer complètement, l'autre est de remplacer les mots «agir de façon compatible avec» par les mots «agir d'une façon qui tienne compte de». Là encore, il existe des précédents de ce genre d'énoncés en Ontario, et cela signifie que c'est beaucoup moins obligatoire. Dans ces conditions, vous jugerez peut-être bon de concilier l'énoncé proposé par le ministère «s'efforce» d'exercer, et celui que nous proposons, «qui tienne compte de l'esprit», lorsque vous rédigerez un nouvel article.
Nous avons également des doutes lorsqu'on nous dit que c'est une entente de nature exclusivement politique. Il est fort possible que l'on crée des obligations légales pour le ministre, et en fait je crois savoir que cela fait actuellement l'objet d'un litige. Voilà donc notre position.
M. Gar Knutson: Cela fait partie de la LCPE.
M. Mark Winfield: Oui, mais en ce qui concerne l'Accord d'harmonisation, cela peut être soumis à l'arbitrage d'un tribunal. En cas de litige, un des éléments clés est de déterminer si cela a une signification légale. Dans ce contexte, toute indication du Parlement qui pourrait aller dans ce sens serait problématique.
Nous avons clairement expliqué notre position, nous avons de graves préoccupations au sujet de l'accord, et en fait, je crois que le comité partageait ces préoccupations.
Le président: Merci, monsieur Knutson.
Le président va poser une courte question après quoi nous ferons un second tour.
Il y a plusieurs semaines, notre comité a rencontré des représentants du Conseil du Trésor pour discuter de la réglementation et, de votre côté, dans votre exposé de ce matin, vous avez fait rapidement allusion à la réglementation.
Lors de cette rencontre, nous avons discuté d'un document tout à fait obscur, du moins pour certains d'entre nous, un document publié en 1995 sur le processus réglementaire qui devait être adopté par le gouvernement du Canada. Le titre de ce document m'échappe mais il est daté de 1995 et a été adopté par le Conseil du Trésor pour la rédaction des règlements qui accompagnent les lois adoptées par le Parlement à partir de cette date. Après avoir lu attentivement ce document qui insiste sur l'importance du commerce international sur la nécessité d'en tenir compte quand on rédige des règlements, après avoir lu ce document qui ne mentionne ni les engagements internationaux sur le développement durable et la protection de l'environnement, ni les engagements internationaux sur la gestion des déchets ou la prévention de la pollution, certains d'entre nous ont éprouvé une certaine nervosité.
• 1035
Ma question est double: Est-ce que vous connaissez ce
document, et si oui, êtes-vous d'accord avec la conclusion, pensez-
vous que les règlements adoptés après l'entrée en vigueur de ce
projet de loi seront lourdement influencés, sinon totalement
déterminés par cette directive du Conseil du Trésor?
M. Mark Winfield: J'ai lu cette politique et je l'ai commentée dans un document qui a été publié par le commissaire l'environnement de l'Ontario en octobre 1996. Je disais que ces nouvelles exigences viendraient consolider les mesures prises par le gouvernement précédent, mesures ayant pour effet d'ériger des barrières à toute réglementation qui pourrait avoir un effet négatif sur les intérêts économiques du secteur privé. En effet, cette nouvelle politique pourrait rendre très difficile, sinon impossible, toute réglementation nouvelle destinée à préserver la qualité de l'environnement, à protéger les consommateurs et la santé publique.
À mon avis, cette politique pourrait avoir des implications pour tous les règlements adoptés aux termes de la loi, et c'est la raison pour laquelle nous avons souligné le nouvel énoncé où il est question d'efficience, en particulier dans le chapitre consacré à l'Application administrative. Si l'on conserve cet énoncé, le Parlement sanctionnera ainsi un modèle d'analyse de rentabilité passablement rigide qui figure dans cette directive du Conseil du Trésor. Sous sa forme actuelle, la politique en question est une simple politique administrative, et comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, cette démarche axée sur la rentabilité et l'efficience n'a jamais été, que je sache, sanctionnée par le Parlement dans des lois relatives à la santé, à la sécurité ou à l'environnement. Le problème, c'est que si cette politique existe, elle aura forcément un impact. Cet impact sera d'autant plus important que le Parlement jugera bon d'inscrire dans la loi des exigences en ce qui concerne la rentabilité ou encore qu'il ne profitera pas de l'occasion pour supprimer ces articles.
En ce qui concerne le commerce international, j'aimerais attirer l'attention du Parlement sur le paragraphe 93(4) du projet de loi qui exige qu'on consulte le ministre du Commerce international avant d'adopter des règlements qui pourraient avoir des répercussions pour l'importation ou l'exportation des substances réglementées par la LCPE.
Le président: Est-ce que l'ACDE a déjà donné son opinion sur ce document au Conseil du Trésor, ou bien envisagez-vous de le faire à une date ultérieure?
M. Mark Winfield: Je crois comprendre que le document publié par le bureau du commissaire à l'environnement a été largement distribué, mais nous n'avons pas fait une communication directe au Conseil du Trésor à ce sujet.
Le président: À la suite de la réunion, notre comité a écrit au président du Conseil du Trésor pour lui faire part des questions soulevées au cours de la réunion. Lorsque nous recevrons une réponse, bien sûr, nous la distribuerons aux intéressés.
Merci.
Madame Kraft Sloan, je vous en prie.
Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup.
Lorsque des témoins sont venus au comité discuter de leurs politiques de réglementation, ils nous ont dit que les ministères interpréteraient ces directives d'une façon très souple. Monsieur le président, est-ce qu'Environnement Canada nous a envoyé des informations sur la façon d'interpréter ces directives?
Le président: Pas encore, que je sache.
Mme Karen Kraft Sloan: Vous avez dit que si la notion de rentabilité restait dans la LCPE, on continuerait d'utiliser ce modèle d'analyse de rentabilité extrêmement rigide.
• 1040
Est-ce que vous connaissez des cas où le gouvernement a
appliqué ce modèle d'une façon plus flexible, en particulier en ce
qui concerne les aspects économiques de la protection de
l'environnement? Quand on commence à parler dans le même contexte
de coût, de rentabilité et de la préservation de l'intégrité des
écosystèmes, il faut se rendre compte qu'il s'agit de systèmes de
comptabilité très différents. Je me demande comment cela se
traduira dans la pratique.
M. Mark Winfield: Nous croyons comprendre que cela pourrait constituer un obstacle important à la réglementation sur la santé, la sécurité ou l'environnement. Il y a un précédent, bien sûr, celui des États-Unis. Une des premières mesures prises par l'administration Reagan fut d'émettre un décret exécutif imposant un modèle de rentabilité très rigide pour l'étude de toute nouvelle réglementation.
Il est intéressant de noter qu'un des premiers gestes de l'administration Clinton fut d'émettre un nouveau décret exécutif pour supprimer ce critère très exigeant et le remplacer par une simple liste des principaux coûts et avantages. En même temps, on insistait très fort sur la répartition des coûts et des avantages. On trouve une référence à ce précédent dans le document que j'ai rédigé à l'intention du bureau du commissaire à l'environnement. Il existe donc un précédent, ce type d'analyse de rentabilité peut être appliqué de façon beaucoup plus flexible.
Dans ce contexte, ce qui est le plus inquiétant, c'est qu'en maintenant l'énoncé relatif à la rentabilité, le Parlement confirme la politique actuelle et sa structure très rigide. À mon avis, ce serait problématique.
M. Paul Muldoon: Les économistes spécialisés dans l'environnement sont de plus en plus d'accord sur une méthode appropriée pour comparer les avantages et les coûts en tenant compte des facteurs sociaux et environnementaux, mais également en tenant compte des facteurs financiers. On trouve diverses applications de ce modèle de calcul, et également des études de cas. Ce n'est donc pas que les économistes n'aient pas donné une opinion sur la façon de faire le calcul comme il doit l'être, c'est seulement qu'ils n'ont pas été entendus.
Il y a donc des modèles sur la façon de faire le calcul comme il doit l'être, mais la politique de 1995 et le terme même suggère quelque chose de très restrictif. On a l'impression qu'on considère exclusivement le coût de la réglementation environnementale, et non pas ses avantages sur le plan de la santé humaine, de l'environnement, et d'autres facteurs. Il n'y a donc rien qui empêche de faire ce calcul en tenant compte de ces facteurs, mais personnellement, j'ai l'impression que cela ne se fera pas.
Mme Karen Kraft Sloan: À propos de l'harmonisation, connaissez-vous des lois provinciales qui obligent une province à consulter le gouvernement fédéral avant d'adopter une loi, comme c'est le cas de la LCPE?
M. Mark Winfield: La législation que nous connaissons le mieux est celle de l'Ontario, mais très souvent, elle sert de modèle aux autres pouvoirs publics. Dans les lois de l'Ontario, il n'y a pas d'articles, à notre connaissance, sur la gestion de l'environnement et des ressources naturelles qui exigent une consultation avec un autre palier de gouvernement. L'énoncé classique considère que la consultation est une option, seulement si le ministre le décide. Nous pensons que ce genre d'énoncé est sans précédent.
Mme Karen Kraft Sloan: Dans votre exposé, vous avez parlé de changements aux articles 56 et 199 qui sont consacrés au plan de prévention de la pollution et au plan d'urgence. Ces changements sont différents de ceux qui figuraient dans les projets de loi C-74 et C-32. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail la nature de ces changements et l'impact qu'ils pourraient avoir sur les mesures de prévention de la pollution.
M. Mark Winfield: Le changement est le même dans les deux articles. Dans le projet de loi C-74, il suffisait que le ministre annonce qu'il avait l'intention de recommander l'inscription d'une substance sur la liste des substances toxiques de l'annexe 1 de la loi pour que le plan de prévention de la pollution soit déclenché. Autrement dit, un plan de prévention de la pollution devenait obligatoire dès que la toxicité d'un produit était établie par Santé Canada et Environnement Canada aux termes de l'article 11 de la loi.
• 1045
Le nouvel énoncé du projet de loi C-32 déclenche le plan de
prévention de la pollution uniquement à partir du moment où le
gouverneur en conseil a placé une substance dans l'annexe 1 de la
loi. Dans ce contexte, il est important de comprendre qu'aucune des
substances déclarées toxiques à la suite du premier processus
d'évaluation LSIP-1 n'a encore été inscrite sur la liste des
substances toxiques. Avec le projet de loi C-74, les plans de
prévention de la pollution et les plans d'urgence se déclenchaient
beaucoup plus vite qu'ils ne se déclenchent aux termes du projet de
loi C-32. Nous recommandons simplement que l'énoncé du projet de
loi de loi C-74 soit repris dans ses deux articles.
M. Paul Muldoon: En fait, la différence entre le projet de loi C-74 et le projet de loi C-32 c'est que, selon toute probabilité, le ministre aurait plus de mal à exercer son pouvoir discrétionnaire et à imposer des plans de prévention de la pollution en vertu du projet de loi C-32 car, pour qu'il puisse faire quelque chose, ces substances doivent figurer sur la liste des substances toxiques. Ainsi, même si une substance est toxique, il est possible que le ministre ne puisse exercer sa discrétion tant qu'elle ne figure pas sur la liste.
Nous ne comprenons pas très bien pour quelle raison on a jugé bon d'ajouter cet obstacle supplémentaire. Du point de vue constitutionnel, une fois qu'une substance a été déclarée toxique, le gouvernement fédéral a la compétence nécessaire pour agir. Il ne devrait pas être nécessaire en plus de placer la substance sur la liste des produits toxiques.
Mme Karen Kraft Sloan: Par conséquent, lorsqu'une substance a été déclarée toxique, le gouvernement fédéral a le droit constitutionnel, a la compétence nécessaire, pour prendre les mesure nécessaires à la gestion de cette substance.
M. Paul Muldoon: C'est ce que nous pensons. Il ne devrait pas être obligatoire qu'elle figure sur la liste des substances toxiques.
Là encore, c'est un énorme obstacle que le ministre devra surmonter avant de pouvoir agir et nous n'en comprenons pas vraiment la raison. S'il s'agit d'un produit toxique, il faut que les plans de prévention de la pollution soient mis en vigueur le plus rapidement possible.
Mme Karen Kraft Sloan: Mais si j'ai bien compris, l'application de ces plans reste entièrement discrétionnaire. On n'est pas tenu de mettre en place un plan de prévention de la pollution, n'est-ce pas?
M. Mark Winfield: Nous recommandons également que les pouvoirs discrétionnaires prévus par l'article 56 soient remplacés par une obligation. Là où on lit: «Le ministre peut publier, dans la Gazette du Canada», nous recommandons de dire: «Le ministre publie dans la Gazette du Canada». De cette façon, les plans de prévention de la pollution entreraient obligatoirement en vigueur dès que des substances seraient déclarées toxiques au sens de la loi.
Mme Karen Kraft Sloan: D'accord, et c'est la même chose pour les plans d'urgence?
M. Mark Winfield: Oui. C'est exactement le même changement entre le projet de loi C-32 et le projet de loi C-74, et nous recommandons exactement les mêmes modifications pour l'article 199 qui porte sur les plans d'urgence.
M. Paul Muldoon: On peut se demander quelles sont les implications pratiques de nos recommandations.
Cela signifie que pour les quelques substances qui sont déclarées toxiques—il y en a relativement peu si l'on considère les 23 000 substances en usage dans le commerce—, les industries seront tenues d'examiner leurs procédés et de prendre les moyens nécessaires pour ne pas utiliser ou ne pas produire les substances les plus dangereuses. Nous ne réclamons vraiment pas une procédure très sévère et très coûteuse. Simplement, si dans sa sagesse scientifique le gouvernement fédéral juge qu'une substance est toxique, nous considérons que c'est à l'industrie de remettre en question ses procédés de fabrication pour éviter d'utiliser ou de créer ces substances. Voilà ce que cela signifie.
Mme Karen Kraft Sloan: J'avais une autre question: Vous avez dit qu'aucune des substances inscrites actuellement à la LSIP-1 ne figure sur la liste des substances toxiques. Combien de temps ce processus a-t-il duré, depuis le tout début?
M. Mark Winfield: Cela va bientôt faire dix ans.
Mme Karen Kraft Sloan: Dix ans.
M. Mark Winfield: Je crois que la première liste des substances d'intérêt prioritaire remonte à 1989. C'est surtout en 1993, 1994 et 1995 qu'on a déterminé la toxicité ou la non-toxicité des substances. Nous attendons toujours l'étape suivante, qui est d'inscrire les substances jugées toxiques sur la liste des substances toxiques.
Mme Karen Kraft Sloan: Ainsi, bien qu'il ait fallu dix ans pour identifier les substances toxiques, celles-ci ne figurent toujours pas sur la liste des substances toxiques. Rien n'oblige les autorités, même d'une façon discrétionnaire, à appliquer des plans de prévention de la pollution.
C'est plutôt intolérable. On se demande pourquoi on s'est donné la peine d'entamer ce processus.
Mais à part cela, à propos des perturbateurs endocriniens, l'Europe et les États-Unis ont déjà commencé à réglementer ces substances et cherchent à faire quelque chose dans ce domaine.
Par conséquent, avec un processus que nous ne cherchons même pas à accélérer, si au bout de dix ans nous ne réussissons encore pas à aboutir quelque part, va-t-il falloir attendre 20 ou 30 ans pour faire quelque chose au sujet des perturbateurs endocriniens alors que d'autres pays sont déjà en train de prendre des mesures?
Je commence à m'énerver un peu, mais le plus souvent, les représentants de l'industrie viennent nous dire qu'ils veulent s'aligner sur les systèmes internationaux. Eh bien, peut-être que nous devrions le faire.
M. Mark Winfield: Même avec les amendements que nous proposons, sur le plan de la prévention de la pollution et de la planification d'urgence, ce régime serait extrêmement modeste comparé, par exemple, aux plans de prévention de la pollution du Massachussets qui portent sur 500 substances, ou encore comparé aux plans d'urgence qui existe aux États-Unis dans le cadre de la Comprehensive Environmental Response, Compensation and Liability Act, des Super Fund Act Amendments, du Reauthorization Act of 1986, et du Clean Air Act. Dans tous ces cas-là, les conditions sont beaucoup plus exigeantes.
M. Paul Muldoon: Je vous assure que le Canada est loin d'être à l'avant-garde. Dans tous ces domaines, nous ne sommes certainement pas en tête du défilé. Je ne pense donc pas que les parlementaires aient à s'inquiéter d'être trop en avance avec ce projet de loi.
Le président: M. Lincoln maintenant, suivi du président.
M. Clifford Lincoln: J'aimerais revenir sur cette question des perturbateurs endocriniens car la question ici est de savoir si nous devons attendre que les données scientifiques soient complètes. Devons-nous agir avant d'avoir des données confirmées?
À mon avis, nous devrions partir des hypothèses du préambule:
-
Attendu: que le gouvernement du Canada [...] s'engage à adopter le
principe de la prudence, si bien que l'absence de certitudes
scientifiques absolues ne peut être invoquée comme motif pour
différer la prise de mesures efficientes visant à prévenir la
dégradation de l'environnement lorsque celui-ci risque de subir des
dommages graves et irréversibles;
Il me semble que c'est la réponse.
Il me semble que c'est le moment où il convient de démontrer l'existence d'un dommage grave et irréversible. Il suffit de démontrer cela.
Considérez ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Je ne sais pas si vous avez cette information. Apparemment, c'est une question qu'on étudie aux États-Unis depuis 1996. Un comité constitué des usagers, du gouvernement et des chercheurs est censé, je crois, déposer un rapport d'ici le début de 1999. Sur cette base, des mesures seront prises. Apparemment, la science est en train de constituer une masse formidable de données.
Pour commencer, que pensez-vous de ce que je viens de dire?
M. Paul Muldoon: Je pense que oui. La documentation que le comité possède déjà provient du Fonds mondial pour la nature. On y examine en détail le travail qui est déjà en cours aux États-Unis dans le cadre des processus de l'EPA et de l'EDSTA, et d'autres stratégies par lesquelles on tente d'identifier et de déceler les perturbateurs endocriniens.
Je disais tout à l'heure que je comprenais pourquoi les représentants de l'industrie venaient vous dire qu'ils veulent garder leurs avantages concurrentiels sur la scène internationale et que le Canada ne doit pas trop s'écarter du peloton.
D'un autre côté, nous vous disons que le Canada n'est pas tellement loin en avant, et qu'en fait, à de nombreux écarts, il tire plutôt de l'arrière. Vous avez raison de parler du travail effectué par l'EPA aux États-Unis. Ils sont en avance sur nous sur le plan scientifique, et maintenant ils sont en train de jeter les fondations d'une action soit gouvernementale, soit réglementaire. Étant donné qu'une bonne partie des données scientifiques vient de nos propres chercheurs, étant donné que les Canadiens se trouvent exactement dans la même position que les Américains et sont affectés par ces substances exactement de la même façon, il me semble que nous devons aller aussi loin qu'eux avec ce projet de loi C-32, sinon plus loin.
M. Clifford Lincoln: Je reviens tout juste d'une réunion des parlementaires de l'Arctique, le Comité permanent des parlementaires de la région Arctique. Le principal chercheur norvégien attaché au Conseil de l'Arctique nous a dit qu'on possédait en Europe des preuves irréfutables que les ours polaires... Il a ajouté que cela n'avait pas été confirmé au Canada, que la situation était différente au Canada, pas aussi grave. Mais dans l'Arctique européen, on observe chez les ours le même phénomène qu'on a observé chez les alligators de Floride, entre autres: on trouve des ours hermaphrodites et il est certain qu'on est en présence de perturbateurs endocriniens.
Toutes ces informations nous proviennent des États-Unis, du Danemark, d'Écosse, d'Angleterre, et maintenant ici. Qu'est-ce que nous allons faire pour reconnaître l'existence de ces signes sur la base de ce qui se produit aux États-Unis?
M. Paul Muldoon: On fait de plus en plus de recherches dans l'Arctique dans la ligne des travaux que vous venez de mentionner. Quant à notre réaction, nous sommes encore en train d'essayer de convaincre les décideurs de l'existence d'un problème. Pour cette raison je trouve qu'il y a une contradiction inhérente entre le préambule qui pose le principe de la prudence, et les effets fondamentaux du projet de loi. Si nous sommes convaincus de la validité du principe de la prudence et des données acquises, il me semble qu'il faut reconnaître le problème des perturbateurs endocriniens et prévoir les moyens stratégiques et législatifs d'y remédier. Voilà l'objectif.
Le président: Merci.
Monsieur Knutson, suivi du président.
M. Gar Knutson: Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Muldoon, les paragraphes 91(1) et 92(1) fixent les délais pour la réglementation. Le paragraphe 91(1) se trouve à la page 59 du projet de loi. Aux termes de ce texte, le ministre doit prendre des mesures dans les deux ans suivant la publication au titre de l'alinéa 77(6)b). Ensuite, le paragraphe 92(1) prévoit que: «Tout texte portant sur les mesures de prévention ou contrôle relatives à une substance doit être pris et publié dans la Gazette du Canada dans les 18 mois». Monsieur Winfield ou madame Inch, que pensez-vous de ces délais?
M. Paul Muldoon: Si on a apporté ces amendements, c'est parce qu'on a critiqué la LCPE car rien n'oblige les autorités à agir une fois qu'une substance a été déclarée toxique ou même une fois qu'elle a été inscrite sur la liste des substances toxiques. Avec cette disposition, on tente de préciser les choses et on impose un délai d'action maximum au ministre ou au cabinet, selon le cas. C'est la raison pour laquelle nous sommes en faveur de ces dispositions.
M. Gar Knutson: Très bien. Vous ne pensez pas que deux ans, c'est trop long?
M. Paul Knutson: Je suis un peu partagé; d'un côté je me dis que c'est trop long, d'un autre côté, je me dis qu'il faut être raisonnable. Je ferais mieux de me référer à ma propre recommandation, mais dans l'ensemble, c'est un délai qui me semble assez justifié.
M. Gar Knutson: D'accord. Merci.
Le président: Merci. Une courte question après quoi je vous demanderai une précision.
Le paragraphe 93(5), qui porte le titre dérogation, prévoit: «sur recommandation des ministres, le gouverneur en conseil peut, par règlement, soustraire à l'application de la présente partie et de ces règlements» les activités suivantes. Vient ensuite une liste des activités dans les alinéas a) et b), et c'est une liste passablement longue. Comme vous n'en avez pas parlé, je me demande si vous approuvez ces dérogations?
M. Paul Muldoon: Un problème dans ce processus, c'est que plus nous lisons le projet de loi, plus nous avons à dire. Nous avons donc décidé de nous arrêter à 172 recommandations, mais ensuite nous sommes revenus au projet de loi, et nous avons considéré le paragraphe 93(5). Nous nous sommes demandé quelle était la raison d'être de cet article? Le paragraphe 93(1) a pour effet de donner au cabinet de vastes pouvoirs—des pouvoirs parfaitement constitutionnels—pour se livrer à toutes sortes d'activités qui mettent en cause des substances.
Le président: Vous vous rendez compte que cette dérogation, un transatlantique y tiendrait facilement.
M. Paul Muldoon: Exactement. Autrement dit, ce que le paragraphe 93(1) accorde, le paragraphe 93(5) le reprend.
Pour quelle raison, monsieur le président? Nous n'en savons vraiment rien. Si nous pouvions ajouter des recommandations à celles que nous avons déjà faites, nous demanderions que le paragraphe 93(5) soit supprimé, et sinon, qu'on explique au moins sa raison d'être. Nous ne comprenons vraiment pas pourquoi cela n'aurait pu être dit dans le cas du paragraphe 93(1).
M. Mark Winfield: C'est particulièrement étrange, quand on considère que le projet de loi contient très peu d'interdictions. On comprend mal pourquoi on a jugé bon de rédiger un tel article qui prévoit un pouvoir de dérogation extrêmement vaste. Un pouvoir qui peut s'appliquer pratiquement à n'importe quoi. C'est tout à fait étrange. Je vois dans mon propre exemplaire un grand point d'interrogation dans la marge de cet article. La meilleure solution serait probablement de le supprimer puisque la loi ne prescrit aucune mesure concrète par réglementation. Par exemple, le fait de déverser des substances toxiques ne constitue pas une infraction—peut-être que cela devrait être le cas, mais ce n'est pas le cas—si ce n'est pas en contravention des règlements adoptés en vertu de la loi.
Le président: C'est juste.
Mon autre question nous ramène aux perturbateurs endocriniens. Le projet de loi renferme une disposition, le paragraphe 75(3), qui dit essentiellement que si une autre instance s'est penchée sur le cas des perturbateurs endocriniens, nous pourrions mettre ces substances sur la voie accélérée au Canada. En invoquant cette disposition et en se fiant aux travaux menés dans d'autres instances, ne réglerions-nous pas de façon satisfaisante le problème des perturbateurs endocriniens?
M. Mark Winfield: À mon avis, cette disposition en particulier pose deux problèmes. Premièrement, elle se borne à inviter le ministre à examiner la décision de l'autre instance. Cependant, la décision concernant le caractère toxique de la substance demeure fondée sur les définitions figurant à la partie 5 du projet de loi, de sorte que les problèmes que nous avons déjà identifiés dans le contexte des modèles d'évaluation du risque peuvent toujours se poser. Deuxièmement, je viens de remarquer—et cela fait suite à ce que disait Paul tout à l'heure—que la disposition suivante est une clause résiduelle qui précise qu'on ne saurait examiner une substance si elle est déjà réglementée en vertu d'une autre loi du Parlement qui assure la protection de l'environnement. Il n'est même pas fait mention du caractère raisonnable de cette protection. Voilà donc une chose qui...
Le président: Cela interdit-il l'accès à des données internationales...?
M. Mark Winfield: Non, cela n'interdit aucunement l'accès à ce genre de données, mais la décision quant au caractère toxique de la substance devra tout de même être prise dans le respect de la structure prévue dans le libellé du projet de loi.
Le président: D'accord. Je vous remercie beaucoup de nous avoir donné cette précision. Nous vous sommes très reconnaissants...
M. Gar Knutson: Puis-je poser une question?
Le président: Oui.
M. Gar Knutson: Je voulais simplement poser une question au sujet du paragraphe 93(5), la disposition de dérogation. Existe-t- il un libellé analogue dans l'actuelle Loi sur la protection de l'environnement de 1988?
M. Paul Muldoon: Je sais qu'on trouve cette formulation dans le projet de loi C-74. Je peux vérifier pour vous ce qu'il en est dans l'actuelle Loi canadienne sur la protection de l'environnement, mais je ne peux pas vous le dire tout de suite.
M. Gar Knutson: Très bien, merci.
Le président: Nous pouvons faire faire cette recherche pour vous.
Très bien. Nous remercions les membres du comité et, bien sûr, nos témoins de ce matin pour leur exposé exhaustif et fouillé.
Demain, nous entendrons des représentants de l'Association du Barreau canadien et jeudi, nous discuterons des négociations de Kyoto et de la Conférence de Buenos Aires. Le greffier a réussi à obtenir la participation des négociateurs canadiens à notre table ronde. Nous aurons donc deux séances intéressantes plus tard cette semaine. Jeudi après-midi, nous accueillons également les sous- ministres de l'Environnement, comme cela avait été demandé. Nous aurons donc une semaine très stimulante. La semaine suivante le sera peut-être moins, mais les députés auront ainsi davantage de temps pour approfondir leurs connaissances du projet de loi.
J'attire également votre attention sur le fait que mardi, à la demande de M. Charbonneau et d'autres, nous accueillerons des témoins spécialistes de la biodiversité qui nous parleront de leurs travaux, et nous lancerons la discussion sur une voie constructive.
Je vous remercie tous de votre attention, de votre appui et de votre belle curiosité.
La séance est levée.