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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 septembre 1998

• 0906

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Good morning. Bonjour. Nous poursuivons l'étude de notre cher projet de loi C-32, qui comme vous le savez est constitué d'une série d'amendements à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement existante, adoptée il y a environ 10 ans. Nous en sommes à cette étape de l'étude depuis la fin d'avril. Nous approchons du terme de l'étude, et sans doute en aurons-nous terminé à l'Action de Grâces. Subséquemment nous passerons à l'examen article par article du projet de loi. Il y aura sans doute un certain nombre d'amendements. Comme nous l'avons dit dans nos discussions d'hier, il faudra vraisemblablement un hiatus pour voir où nous en sommes et examiner les amendements envisagés par le comité.

Ce matin nous avons l'occasion d'entendre des représentants et porte-parole du Congrès du travail du Canada. Nous vous souhaitons tous la bienvenue, messieurs.

Comme je l'ai fait hier, je souhaite la bienvenue aux nouveaux membres du comité.

J'imagine que c'est M. Martin qui prendra la parole en premier. Il aimerait présenter ses collègues et nous dire brièvement ce qu'il pense du projet de loi. Monsieur Martin, bienvenue à nouveau.

M. Dick Martin (secrétaire trésorier, Congrès du travail du Canada): Je vous remercie, monsieur Caccia. Je vous présente mes collègues: David Bennett est le directeur national de la Santé, sécurité industrielle, et environnement du CTC; Colin Lambert représente le Syndicat canadien de la fonction publique; et M. Louis Erlichman, l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale; Paul Middleton représente l'Union internationale des employés de service.

Monsieur le président, nous avons trois mémoires à vous soumettre. Je demanderais à M. Erlichman des machinistes d'ouvrir le bal et de présenter son mémoire, puis M. Lambert prendra la parole, et ensuite nous présenterons le mémoire du Congrès du travail du Canada.

M. Louis Erlichman (directeur de recherche pour le Canada, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale): Je vous remercie. L'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale est heureuse de se voir accorder l'occasion de se prononcer sur le projet de loi C- 32. L'AIM représente quelque 55 000 travailleurs canadiens oeuvrant dans une panoplie d'industries. Une grande partie de ses membres travaillent dans le secteur du transport aérien, un secteur de compétence fédérale. Cette loi a toutefois une portée tellement grande qu'elle aura d'importantes répercussions sur l'ensemble de nos membres et sur leurs familles.

Le projet de loi commence avec deux pages de préambule et une page et demie consacrée aux devoirs du gouvernement fédéral. Elles regorgent de belles phrases sur la prévention de la pollution et de principes voulant que ceux qui polluent paient la note. Malheureusement, les autres sections du projet de loi ne présentent aucun programme visant à mettre ces principes en application.

• 0910

Tel que souligné par ce comité lui-même tout récemment, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement actuellement en vigueur n'est pas appliquée très rigoureusement compte tenu des compressions budgétaires du gouvernement et du manque généralisé de volonté et d'engagement politique. De plus, cette loi contribue à miner davantage l'engagement du gouvernement fédéral à devenir un chef de file en matière d'environnement et conserve pieusement l'entente d'harmonisation avec les provinces sans toutefois assurer que les équivalences provinciales prévoient des mesures équivalentes pour protéger l'environnement. Encore faut-il que les lois soient appliquées par les provinces même si les normes s'avèrent adéquates.

Ce comité lui-même a affirmé que nous devions réinvestir le gouvernement fédéral de pouvoir en matière de protection de l'environnement et le tenir responsable de ses actes. La pierre angulaire du projet de loi C-32 est censée être la prévention de la pollution. Encore faut-il se pencher sur l'élaboration de programmes de prévention de la pollution visant à éviter les dégâts causés à l'environnement plutôt que de tenter de nettoyer les dégâts après coup. Malheureusement, cette loi ne rend pas obligatoires les programmes de prévention de la pollution aux entreprises de compétence fédérale. Ces programmes peuvent être requis, à la seule discrétion du ministre, pour un groupe restreint de substances toxiques seulement. La lourde bureaucratie entourant l'ajout de substances à la liste des substances toxiques fait en sorte qu'il faudra des années avant que cette liste ne soit mise à jour. De plus, le projet de loi n'énonce aucune norme explicite en ce qui a trait aux critères d'acceptabilité des programmes de prévention de la pollution.

Vu que les ressources de réglementation du gouvernement fédéral diminuent et que la volonté politique disparaît, ce projet de loi semble faire des promesses creuses quant au développement de programmes efficaces en matière de prévention de la pollution. Nous devons applaudir l'ajout d'une protection du dénonciateur à cette loi applicable à tous les travailleurs de compétence fédérale, mais encore faut-il que les mesures visant à protéger les dénonciateurs soient simples et faciles d'accès, surtout dans le cas de travailleurs non syndiqués. Un travailleur sera peu incité à dénoncer un crime contre l'environnement s'il risque une lutte juridique longue et coûteuse par la suite pour conserver son emploi. Ce projet de loi ne prévoit toutefois pas le droit statutaire de refuser de polluer. Un tel droit serait le complément idéal à la protection du dénonciateur.

La prévention de la pollution nécessite une stratégie beaucoup plus active que celle prévue dans cette présente loi. Chaque milieu de travail, à l'exception des plus petits, devrait être obligé d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme de prévention de la pollution. Des comités conjoints formés de membres du syndicat et de la direction seraient obligatoires et verraient à faire participer les travailleurs au niveau de l'élaboration et de la mise en oeuvre de ces programmes.

Bref, nous trouvons que cette loi ne suffit pas à définir activement et efficacement le rôle que le gouvernement fédéral doit jouer en matière de prévention de la pollution.

Nous aimerions conclure en soulevant une question fondamentale sur le développement durable, une question que cette loi n'aborde aucunement, sauf pour une mention de pure forme dans son préambule. Il s'agit du besoin d'intégrer les facteurs environnementaux, économiques et sociaux à toutes les décisions prises par le gouvernement et les entités privées. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement s'adresse avec peu d'efficacité à une infime partie du processus mis en place pour assurer le développement durable. Si des gestes concrets sont posés pour protéger l'environnement, ils auront d'importantes répercussions sur les travailleurs et leurs communautés. Dans plusieurs cas, ces communautés risquent de perdre leur assise économique sous le poids des normes de protection de l'environnement. Il est injuste de faire subir à de petits groupes de travailleurs et à leurs familles, ou à certaines communautés, une part trop grande du fardeau de la protection de l'environnement. Ce besoin doit être compris par tous, et il est nécessaire d'élaborer des programmes explicites visant à soutenir les travailleurs et les communautés touchées pendant la période de transition. Il est essentiel que les travailleurs soient invités à participer à la prise de décisions qui auront des répercussions directes sur eux et sur leurs familles.

Une transition n'est pas un événement isolé. Un programme de transition efficace doit prévoir des solutions de rechange pour assurer des emplois dans la communauté où il est mis en oeuvre. Les politiques économiques qui permettent ou incitent à des taux de chômage, surtout dans les régions les plus vulnérables du Canada, mineront sérieusement tout programme de transition.

Toute stratégie de protection de l'environnement et de développement durable doit reposer sur une politique économique qui encourage le plein emploi. Notre gouvernement fédéral n'a pas donné une telle direction à ses politiques depuis plus de deux décennies.

Je vais maintenant passer la parole à Colin.

M. Colin Lambert (directeur national, Direction de la santé et de la sécurité industrielles, Syndicat canadien de la fonction publique): Nous remercions le comité de cette occasion de lui faire part de nos commentaires. Je vous parle au nom de notre Comité national sur l'environnement, qui compte des membres de toutes les provinces du pays, et c'est leur exposé que je vous présente.

Le SCFP compte plus de 450 000 membres répartis à l'échelle du pays, et un grand nombre d'entre eux jouent un rôle très important en ce qui concerne l'environnement. Nous représentons les travailleurs des secteurs de l'épuration des eaux et de l'évacuation des eaux usées, du ramassage des ordures et de la police municipale. Beaucoup de nos membres sont responsables de l'application de règlements municipaux qui ont des conséquences environnementales pour l'ensemble de la société. Le traitement des eaux usées et l'enlèvement des ordures ont une incidence énorme sur l'environnement.

Le SCFP épouse sans réserve la position du Congrès du travail du Canada et celle des machinistes, et nous n'allons pas répéter leurs propos.

• 0915

Comme eux, nous pensons que ce projet de loi renferme certaines améliorations qui pourraient renforcer la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous sommes encouragés par le fait que le principe de la prévention de la pollution y est reconnu. Toutefois, les propositions contenues dans le projet de loi ne contribueront pas à la promotion de l'objectif déclaré du gouvernement fédéral, qui est de faire de la prévention de la pollution un projet national. Nous pensons que ces propositions sont la preuve que le gouvernement est revenu sur son engagement de faire de la protection de l'environnement une priorité absolue au Canada. Les propositions contenues dans le projet de loi sont totalement insuffisantes et ne sont rien de plus qu'une manoeuvre politique qu'on aimerait faire passer pour une réforme de la LCPE.

Protection des dénonciateurs: nous sommes extrêmement déçus par les dispositions du projet de loi C-32 concernant la protection des dénonciateurs. La protection limitée qu'elles offrent ne résout pas les problèmes auxquels doivent faire face les employés. Le gouvernement ne comprend pas que les employés qui font un travail qui porte atteinte à l'environnement sont placés dans une situation de conflit d'intérêts. Légalement, ils n'ont pas le droit de refuser de polluer et pourtant, s'ils participent à un acte contraire à la loi, ils ont l'obligation de le signaler aux autorités. Ils peuvent alors être tenus responsables de ce qu'ils ont fait et être accusés d'avoir participé à une infraction. Nous pensons que leurs droits constitutionnels sont violés. Tout citoyen a le droit d'invoquer les dispositions de la loi qui le protège contre l'auto-incrimination. Par conséquent, il est fort peu probable que les employés respecteront l'obligation de rapporter les infractions s'ils n'ont pas le droit de refuser de polluer. Pour être utile, toute loi sur la protection des dénonciateurs doit être accompagnée d'une loi leur garantissant le droit de refuser de polluer.

La délégation de pouvoirs: le projet de loi C-32 vise surtout à permettre au gouvernement fédéral de se défaire d'un grand nombre des engagements qu'il avait pris concernant l'environnement. Nous croyons que de ce fait le gouvernement fédéral va déléguer un nombre croissant de responsabilités aux provinces. L'accord d'harmonisation signé plus tôt cette année indique clairement que le gouvernement fédéral est en train de refiler aux provinces une grande partie de ses pouvoirs concernant l'environnement. Par ailleurs, nous croyons que la réduction de 30 p. 100 du budget d'Environnement Canada sert de justification au transfert de pouvoir aux provinces. Les compressions imposées au ministère et l'affaiblissement proposé de la LCPE ne sont pas des incidents isolés. Nous pensons qu'ils sont étroitement liés au transfert de pouvoirs aux provinces.

Cet état de choses est contraire aux souhaits de la majorité des Canadiens. En effet, les sondages révèlent invariablement que le public s'attend à ce que le gouvernement fédéral joue un rôle prépondérant dans l'amélioration de l'environnement, c'est-à-dire quÂau lieu de se contenter de mettre fin aux dommages écologiques, il devrait prendre les dispositions nécessaires pour améliorer et restaurer nos écosystèmes. Ces attentes s'appliquent tant au niveau national qu'international.

Le projet de loi C-32 ne cadre pas avec les objectifs que les citoyens aimeraient voir le gouvernement fédéral poursuivre en matière d'environnement. Par exemple, 21 p. 100 des Canadiens estiment que malgré la dette et les compressions, les lois sur l'environnement devraient être plus strictes. Par ailleurs, 90 p. 100 des Canadiens sont préoccupés par l'état de l'environnement et la plupart d'entre eux sont extrêmement préoccupés par les dégâts que pourrait causer le réchauffement de la planète; ils sont tout aussi préoccupés par le fait que le Canada ne respecte pas ses engagements internationaux concernant la réduction des gaz à effet de serre. Finalement, 7 p. 100 des Canadiens croient que leurs enfants connaîtront de graves problèmes de santé en raison de la détérioration de l'environnement. Le SCFP est d'avis que tout gouvernement qui renforcera les lois sur la Protection de l'environnement verra sa cote monter en flèche auprès du public canadien. Ne rien faire en ce sens irait à l'encontre de la volonté du peuple.

L'expérience nous a appris que toute amélioration de l'environnement était le produit de lois plus strictes. Les sondages faits par le passé le confirment. En effet, 9 p. 100 des organisations interrogées admettent que la raison première pour laquelle elles avaient mis en place un programme de protection de l'environnement était l'existence de règlements auxquels elles devaient se conformer. Et 66 p. 100 ont dit qu'elles étaient motivées par la possibilité que les directeurs de l'organisation risquaient d'être tenus responsables de toute infraction aux lois et aux règlements sur l'environnement. Seulement 16 p. 100 ont répondu que, s'il était adopté, le projet de loi C-32 ne contribuerait pas à l'amélioration de l'environnement.

Le rôle du gouvernement est amoindri: le projet de loi C-32 et l'accord d'harmonisation avec les provinces fourniront aux membres de la société qui rechignent à faire passer l'intérêt du public avant le leur de nombreuses occasions d'éviter de prendre les mesures nécessaires pour améliorer l'état de l'environnement. Transférer des responsabilités aux provinces quand on connaît l'ampleur des compressions imposées aux ministères provinciaux de l'environnement est irresponsable. D'un bout à l'autre du pays, on a sabré dans les budgets, licencié les agents chargés de la protection de l'environnement, supprimé des services entiers et éliminé nombre de programmes. Ces coupes sombres dépassent le cadre provincial. Nous avons assisté à la réduction du personnel des organismes municipaux de protection de l'environnement, au saccage des offices de protection de la nature et à d'importantes réductions du financement des groupes écologiques.

• 0920

Le gouvernement fédéral a donné le ton en sabrant massivement dans le budget d'Environnement Canada, qui a été amputé de plus de 30 p. 100. De plus, l'autorité du ministère en matière de gestion de l'environnement a été sapée par le transfert de certaines de ses responsabilités à d'autres ministères fédéraux ayant un mandat totalement différent et souvent contraire aux objectifs que sont la protection et l'amélioration de l'environnement.

Le projet de loi C-32 n'améliorera pas la capacité d'Environnement Canada de protéger notre environnement; il devrait donc être retiré. Le SCFP pense que la première priorité du gouvernement est de rétablir le financement d'Environnement Canada et de lui redonner son rôle de ministère responsable des questions environnementales. Cela doit être fait immédiatement.

Le gouvernement devrait présenter un projet de loi amélioré avant la fin de l'année. Ce nouveau projet de loi devrait reprendre un grand nombre des recommandations contenues dans votre rapport. Il devrait également tenir compte des recommandations faites aujourd'hui par les syndicats. Nous serions prêts à appuyer un tel projet de loi.

Nous aimerions maintenant passer à un autre sujet qui nous préoccupe. Quelles que soient les améliorations qui seront apportées à la LCPE en vue de protéger notre environnement, en l'absence d'une politique et d'un programme d'exécution uniforme et énergique de la loi, la dégradation de notre planète se poursuivra.

Nous aimerions féliciter le comité de son dernier rapport qui soutenait l'exécution des lois canadiennes sur la pollution. L'intérêt public doit passer avant tout. C'est une étude détaillée de la question de l'exécution des lois. Nous avons constaté dans d'autres domaines que très souvent les gouvernements procédaient à la déréglementation, non pas en modifiant les lois ou en éliminant les règlements, ce qui est souvent politiquement difficile et susceptible de leur nuire aux prochaines élections, mais en n'appliquant pas la législation. C'est ce qui se passe dans le domaine de la santé et de la sécurité depuis un peu plus d'une dizaine d'années. On n'accorde plus de crédits aux programmes d'exécution. Les politiques sont mises en place pour que les inspecteurs deviennent des animateurs au lieu d'être des agents d'application de la loi. Il en résulte une déréglementation massive par défaut. En fait, très souvent, les gouvernements adoptent des lois et des règlements plus stricts alors que, par ailleurs, ils déréglementent en n'appliquant pas les lois. C'est exactement ce dont on est témoin dans le domaine de l'environnement. Des milliers d'agents d'application de la loi et leur personnel ont été licenciés. Des programmes tout entiers, qui fournissaient les renseignements nécessaires aux agents, ont disparu. À leur place, apparaissent des initiatives nouvelles censées remplacer les programmes d'exécution de la loi.

L'observation volontaire est l'une des options à la mode. L'expression même modifie le concept d'acceptation automatique de la loi. Elle suggère qu'on a le choix d'obéir ou non à la loi. Elle suggère également qu'observer la loi c'est faire plus que son simple devoir civique et que ceux qui observent la loi devraient être récompensés. L'agent d'application de la loi devient alors un entraîneur et un meneur de claque auprès de ceux qui observent la loi. L'observation volontaire ne prévoit aucune pénalité pour ceux qui désobéissent à la loi (peut-être devrions-nous dire qu'ils pratiquent la non-observation volontaire). L'observation volontaire équivaut à la déréglementation. Elle bâillonne les agents d'application de la loi et permet l'illégalité.

Nous pensons que les recommandations contenues dans votre rapport énoncent clairement ce qui est nécessaire pour mettre en place une politique d'exécution de la loi digne de ce nom.

Nous aimerions offrir quelques principes directeurs très simples à ce sujet: Premièrement, il faut qu'enfreindre la loi coûte plus cher que de l'observer. Deuxièmement, il faut que la probabilité que ceux qui enfreignent la loi se fasse prendre et soient pénalisés soit très élevée. Troisièmement, il faut que les pénalités prévues pour les récidivistes soient de plus en plus lourdes, et quatrièmement, il faut que les agents d'exécution qui appliquent la politique aient l'appui de leurs supérieurs.

Nous sommes convaincus que l'exécution uniforme et vigoureuse de la loi est la clé de l'amélioration de notre écosystème. Il est grand temps de mettre fin au chantage économique qui consiste à prétendre qu'une croissance effrénée est seule garante de notre avenir. En l'absence d'un environnement sain et viable, la société telle que nous la connaissons n'a pas d'avenir.

En conclusion, le projet de loi C-32 ne contribue pas à la réalisation de l'objectif la protection de l'environnement. C'est un pas en arrière. Il contribue à la promotion des visées des membres de notre société pour qui les bénéfices sont plus importants que la sécurité de la planète. Les visées mondiales des multinationales sont bien servies par ce projet de loi. Ce n'est pas ce que veulent nos membres. Ce n'est pas ce que veut la majorité des Canadiens. Le gouvernement doit retirer ce projet de loi et le remplacer par une loi qui réparera les dégâts causés à notre planète, dégâts qui menacent la survie même de notre espèce.

• 0925

Le président: Merci infiniment, monsieur Lambert. Certains d'entre nous, du moins à ce comité, ne connaissent pas le Comité national de l'environnement. Qu'il ait des éloges ou des reproches à nous faire, nous sommes certainement très impressionnés de voir que le SCFP a constitué un tel comité et que vous avez pris la peine de préparer pour nous un exposé si précis. Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne mâchez pas vos mots, n'est-ce pas?

M. Dick Martin: Monsieur le président, vous aussi vous avez l'habitude de ne pas mâcher vos mots; nous sommes donc en bonne compagnie.

Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, le Congrès du travail du Canada est heureux d'avoir l'occasion de présenter l'exposé suivant. Le projet de loi C-32 est une mesure de grande envergure qui fixera pour la prochaine décennie la politique environnementale du gouvernement fédéral, Cependant, on constate peu de changements positifs par rapport à la LCPE actuelle; de nombreuses dispositions restent inchangées et il en va de même pour la philosophie de base en matière d'environnement. Par ailleurs, certains changements sont tout à fait inutiles.

Nombre d'organismes intéressés par la protection de l'environnement ont souligné les aspects négatifs du projet de loi C-32, et le CTC partage la plupart de leurs préoccupations. Nous allons toutefois nous en tenir à deux aspects importants du projet de loi: la prévention de la pollution et les droits des travailleurs et travailleuses en matière d'environnement.

Partie 4 de la LCPE: prévention de la pollution. Le sous-titre du projet de loi met en lumière l'importance de la prévention de la pollution au cours de la nouvelle période d'application de la LCPE: Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable. Dans le préambule, le gouvernement s'engage à privilégier, à l'échelle nationale, la prévention de la pollution dans le cadre de la protection de l'environnement. Cependant, les dispositions de la partie 4 sont loin de correspondre à ces grandes déclarations.

La portée des dispositions sur la prévention de la pollution est très restreinte. La première préoccupation concernant la priorité accordée à la prévention de la pollution est liée à la portée des dispositions à ce sujet dans le projet de loi C-32. La réalisation et l'exécution d'un plan de prévention de la pollution ne peuvent s'appliquer qu'aux substances apparaissant à la liste des substances toxiques de l'annexe 1, selon l'article 56. À l'heure actuelle, l'annexe 1 compte à peine 26 substances et on y en ajoutera tout au plus deux douzaines au cours de la prochaine décennie. Comme la plupart de ces 26 substances sont déjà fortement réglementées, il y a donc peu de latitude pour la planification de la prévention de la pollution, si ce n'est pour punir ceux et celles qui auraient enfreint la réglementation—ce n'est pas là le supposé programme constructif et proactif en matière de prévention de la pollution.

Étant donné que la planification ne peut s'appliquer qu'à un nombre ridicule de substances, il est difficile de voir quelque objectif national que ce soit pour la prévention de la pollution dans le projet de loi C-32. Il est notoire que la prévention de la pollution est une discipline qui s'applique à la gamme complète des substances toxiques utilisées dans les procédés de fabrication de l'ensemble du lieu de travail. La prévention de la pollution ne peut se faire si elle ne s'applique qu'à des substances prises isolément.

En outre, malgré le rapport du comité permanent intitulé Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution, les plans de prévention de la pollution ne sont pas obligatoires, mais discrétionnaires. Le processus en vertu duquel une substance est déclarée toxique au sens de la LCPE et ajoutée à l'annexe 1 est révélateur d'une grave anomalie dans la LCPE, tant dans sa forme actuelle que dans le projet de loi C-32. Pour identifier les substances prioritaires, en évaluer la toxicité au sens de la LCPE, établir les options stratégiques et les inscrire à l'annexe 1 en vue d'une mesure réglementaire, le processus est long et fastidieux. Le nombre de substances réglementées est beaucoup trop petit et le processus de réglementation est ridiculement lourd et d'une lenteur paralysante.

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement, projet de loi C-32, tente d'accélérer le processus mais, même là, il faudrait presque dix ans pour adopter une mesure réglementaire sur une substance donnée, si l'on parvient à franchir le processus d'évaluation, en raison des échéanciers trop longs et des appels qui peuvent «arrêter l'horloge» avant l'inscription des substances à l'annexe 1. Un fabricant ou un importateur de produits chimiques qui veut éviter une intervention gouvernementale serait bien avisé de s'opposer directement à la réglementation d'Environnement Canada et d'insister plutôt sur l'application des procédures prévues à la partie 5 pour le contrôle des substances toxiques. Le moment venu—si jamais il arrive—d'inscrire la substance à l'annexe 1, celle-ci sera probablement désuète et les dégâts à l'environnement auront déjà été causés.

Aux fins de la prévention de la pollution, une telle procédure est désespérément inadéquate car la raison d'être de la prévention consiste à éviter la production de polluants—article 3, définition de la prévention de la pollution—ce que l'on ne peut manifestement pas faire si les substances en question sont en circulation et utilisées pendant dix ans par l'industrie avant même que la planification de la prévention puisse se mettre en marche.

• 0930

La teneur et les objectifs des plans de prévention de la pollution sont vagues. Bien que les plans de prévention de la pollution soient assujettis à des règles, il n'y a aucune exigence concernant le contenu, les finalités, les buts et les objectifs de tels plans. Les plans modèles et les lignes directrices concernant les conditions en vertu desquelles la planification de la prévention de la pollution est appropriée n'ont aucune force légale. Par conséquent, il n'existe aucun mécanisme par lequel le gouvernement peut s'assurer de l'efficacité des plans de prévention de la pollution étant donné que seule la présentation des plans, et non la teneur, est réglementée.

Il n'est pas facile de faire observer les plans de prévention de la pollution. Les plans de prévention de la pollution doivent être conservés sur place. Les responsables de la préparation des plans de prévention doivent déposer une déclaration auprès du ministre à l'effet que le plan a été élaboré et est en cours d'exécution, puis une déclaration confirmant l'exécution. Ces déclarations ne permettent pas de déterminer la teneur d'un plan, bien que le ministre puisse stipuler la teneur d'une déclaration. Il n'est pas clair si ces déclarations sont publiques ou non, mais l'on ne prévoit aucune circonstance permettant de rendre publics les plans de prévention de la pollution. Le ministre peut ordonner que les plans soient envoyés au gouvernement en vue d'évaluer les mesures de lutte préventive et ces ordonnances peuvent être rendues publiques, mais non les plans comme tels.

Pourquoi le gouvernement fédéral est-il si timide à l'égard des plans de prévention de la pollution? En gros, le gouvernement fédéral ne peut que réglementer les substances d'intérêt national. Or, la prévention de la pollution nécessite aussi des mesures à l'intérieur des établissements et non pas seulement au bout du tuyau d'évacuation. Les procédés, les pratiques, les procédures et les mesures à l'intérieur des établissements relèvent toutefois des provinces et non du gouvernement fédéral. Tout compte fait, cela signifie que le gouvernement fédéral ne cherchera qu'à réglementer les substances et non les lieux de travail, et cherchera par tous les moyens à éviter les inspections et les mesures de conformité susceptibles de remettre en question la sphère de compétence des provinces. Les plans doivent être conservés sur les lieux de travail, mais il est clair que le gouvernement fédéral n'a absolument pas l'intention d'entrer dans les établissements pour examiner minutieusement les plans de prévention de la pollution. Le gouvernement peut ordonner que les plans soient soumis à Ottawa mais, encore là, il ne peut que se fier à la parole de l'employeur, dans ses déclarations, pour s'assurer que les plans de prévention de la pollution sont adéquats et en cours d'exécution. Autrement dit, la vérification est impossible.

Pour assurer le bon fonctionnement des dispositions restreintes sur les plans de prévention de la pollution, le gouvernement fédéral devrait nommer des inspecteurs provinciaux en qualité d'agents de la prévention de la pollution, comme il le fait en vertu de la Loi sur les pêches, avec des pouvoirs de police et l'obligation de faire rapport sur l'état de conformité. Un tel arrangement pourrait déplaire à certaines provinces étant donné la reconnaissance implicite que le gouvernement a des pouvoirs dans les lieux de travail de compétence provinciale.

Dans le contexte de la partie 4, la LCPE pourrait faire davantage pour rendre efficace la planification de la prévention de la pollution. La loi pourrait 1) accélérer le processus permettant de déterminer si les substances sont toxiques au sens de la LCPE et de les ajouter à l'annexe 1; 2) libéraliser la définition de toxique au sens de la LCPE de manière à accroître considérablement le nombre de substances inscrites à l'annexe 1; 3) rendre obligatoire la planification de la prévention de la pollution; 4) préciser la teneur et les objectifs des plans de prévention de la pollution; 5) mettre à la disposition du public un sommaire du plan de prévention de la pollution; 6) en cas de non-conformité, divulguer au public la teneur des plans de prévention de la pollution; 7) habiliter les inspecteurs provinciaux à faire respecter la planification de la prévention de la pollution en exigeant qu'ils fassent état des dossiers de conformité.

Une nouvelle approche à la prévention de la pollution: partie 9 de la LCPE. Même en prenant de telles mesures, le gouvernement fédéral doit reconnaître que les dispositions de la partie 4 sont limitées et que la prévention de la pollution, en tant qu'objectif national, ne peut être réalisée dans le cadre de la partie 4 de la LCPE. Dans sa forme actuelle, la partie 4 constitue un petit programme faible et isolé. Il n'y a aucune obligation d'intégrer la prévention de la pollution à l'inventaire national des rejets de polluants et on ne relie d'aucune façon la partie 4 aux pouvoirs de réglementation du gouvernement fédéral visant les substances toxiques. Une nouvelle approche est nécessaire en matière de prévention de la pollution.

Les outils pour ce faire sont à la portée de la main. Dans la partie 9 de la LCPE, le gouvernement s'est donné le pouvoir de réglementer la prévention de la pollution et les plans de prévention de la pollution pour tous les établissements de compétence fédérale, tant du secteur public que du secteur privé, sous la forme des «entreprises fédérales». En vertu de cette disposition, le gouvernement peut réglementer l'ensemble du lieu de travail et non seulement les substances individuelles d'intérêt national. Le Congrès du travail du Canada, dans sa stratégie nationale de prévention de la pollution, exhorte le gouvernement fédéral à faire preuve de leadership en imposant de fortes exigences en matière de prévention de la pollution aux industries sous réglementation fédérale. Les provinces devraient suivre le modèle fédéral. Une norme nationale en matière de prévention de la pollution serait établie par l'imposition d'une taxe sur les produits chimiques toxiques dont le produit serait transféré aux provinces dont les lois et politiques de conformité en matière de prévention de la pollution satisfont à la norme fédérale.

• 0935

Il faudrait donc mettre l'accent sur la partie 9 au lieu de la partie 4 et exhorter le gouvernement à produire une réglementation de la prévention de la pollution en vertu de la partie 9 en y ajoutant les améliorations que nous avons soulignées dans le contexte de la partie 4.

On ne peut s'attendre à ce que le gouvernement aille immédiatement de l'avant avec l'imposition d'une taxe sur les produits chimiques toxiques. Cependant, il peut tout au moins se donner un pouvoir statutaire dans le domaine. Pour ce faire, il suffit d'ajouter les «taxes vertes» à la liste des pouvoirs prévus aux articles 322 à 328 en vue de la création d'instruments économiques. Si on n'agit pas ainsi, le programme du gouvernement fédéral est voué à la désuétude pendant une autre décennie.

Droits des travailleurs et travailleuses en matière d'environnement: Le projet de loi n'institue pas un droit légal de refuser de polluer; on ne trouve également aucune disposition prévoyant des activités syndicales-patronales, par exemple sous la forme de comités mixtes de l'environnement. Cela est particulièrement important étant donné que les travailleurs et travailleuses sont tenus de signaler les rejets qui contreviennent à la réglementation en vertu de l'article 212 de la LCPE, sans toutefois avoir le droit légal de refuser d'enfreindre la loi.

Le projet de loi élargit la protection du dénonciateur aux employés du secteur public et de tous les établissements sous réglementation fédérale, tant du secteur public que privé, qui signalent des infractions aux inspecteurs. Cette mesure est la bienvenue. On la trouve essentiellement à l'article 16 et dans d'autres textes similaires, tels qu'aux articles 96, 203 et 213.

Un employeur qui congédie, harcèle ou prend des mesures disciplinaires contre un employé qui l'a dénoncé se rend coupable d'une infraction en vertu de la loi. Cependant, le redressement accordé à l'employé lésé n'est pas clair. Ce dernier peut demander la tenue d'une enquête à l'inspecteur ainsi que des poursuites judiciaires. L'alternative consiste à demander au ministre de tenir une enquête et de prendre les mesures qui s'imposent. Cependant, il est clair que ni l'article 17, ni les dispositions d'exécution ne sont conçus pour répondre à la discrimination exercée contre les employés tel qu'il est stipulé au paragraphe 296(1).

Le projet de loi C-32 doit préciser la façon dont les droits des travailleurs et travailleuses sont protégés. La meilleure méthode, en usage dans d'autres juridictions, consiste à soumettre ces affaires aux conseils des relations de travail en leur accordant les pleins pouvoirs pour ordonner aux employeurs de réintégrer les employés congédiés avec tous les privilèges dont ils jouissaient auparavant.

Le tout soumis respectueusement par le Congrès du travail du Canada. Je vous remercie.

Nous serons heureux de répondre aux questions, monsieur le président.

Le président: Si M. Middleton veut bien, ou Mme...

M. Dick Martin: Les employés des services font partie de notre délégation. Il n'a pas de mémoire. Merci.

Le président: Merci. Donc allons-y tout de suite. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion, et nous vous en sommes reconnaissants.

Je suppose que M. Gilmour pourrait commencer.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président. Soyez les bienvenus, messieurs.

Dans chacun de vos mémoires, vous avez dit qu'il serait souhaitable que le projet de loi prévoie le droit des travailleurs et travailleuses de refuser de polluer. C'est bien beau, mais j'aimerais savoir comment nous pouvons y arriver. Nous avons tous une voiture, ou du moins la plupart d'entre nous, et nous savons que ces engins polluent. Si vous fumez, vous polluez, tout dépendant de la définition qu'on décide de retenir.

La difficulté, à mon sens, tient à ce qu'il faut imaginer quelque chose qui accomplira ce que nous souhaitons, mais qui ne se prêtera pas à un usage abusif de la part de l'autre camp. Je vous invite à nous éclairer et à nous dire comment selon vous il serait possible de trouver le juste milieu, d'enchâsser le droit de refuser de polluer en empêchant qu'on en abuse.

M. Dick Martin: Un tel droit existe déjà dans la loi du Yukon, et, à notre connaissance, cette disposition donne les résultats voulus. Je recommande au comité de jeter un coup d'oeil à la loi du Yukon. Je ne l'ai pas ici, mais il serait bon que vous l'examiniez.

M. Louis Erlichman: Je vois où vous voulez en venir, mais je pense que l'on peut s'en tenir à déclarer qu'il est interdit de... Il y a des substances toxiques précises. Vous pouvez dire plus explicitement ce que comprend la pollution. Bien sûr, la pollution peut être définie en termes très généraux dans certaines circonstances. Mais vous pouvez indiquer dans la loi ce que constitue le rejet de substances toxiques, par exemple.

Nos membres assujettis à la réglementation fédérale qui travaillent dans les aéroports, par exemple, devraient pouvoir, si des résidus toxiques se dégagent de l'avion, par exemple... et là encore, ce n'est pas facile, parce qu'ils n'ont peut-être pas d'idée exacte de ce que l'avion dégage. Néanmoins, ils ne devraient pas se retrouver dans une situation où ils sont obligés de polluer et peut-être d'en assumer eux-mêmes une certaine responsabilité, comme le faisait remarquer Colin.

• 0940

Donc il y a certainement moyen d'y parvenir en évitant les généralisations du genre: tout le monde fume, tout le monde possède une voiture, ce sont des choses qui polluent. Il faut mettre dans la loi des normes selon lesquelles les gens ont le droit de ne pas...

M. Colin Lambert: Le dilemme est le même dans le cas de la législation sur la santé et la sécurité au travail. Toute personne a le droit de refuser des tâches qu'elle considère dangereuses. Toutefois, il y a des restrictions qui s'appliquent à ce qui est inoffensif et à ce qui est dangereux, et bien souvent celles-ci sont régies par la loi qui est déjà en vigueur. Si vous êtes exposé à une substance toxique dont la concentration est supérieure à celle qui est autorisée dans la loi, vous avez le droit de refuser de travailler dans de telles conditions. Ce qui s'est produit, c'est que les inspecteurs en matière d'hygiène et de sécurité—et dans ce cas-ci il s'agirait des inspecteurs en matière d'environnement—ont fini par devenir les arbitres de ce qui est acceptable et de ce qui ne l'est pas. De nombreuses instances de toutes les régions du pays se plaisent à dire qu'elles donnent suite immédiatement au refus d'une tâche. C'est beaucoup plus difficile de les faire réagir à une plainte concernant la santé et la sécurité, mais lorsqu'il s'agit du refus d'une tâche, elles interviennent sur-le-champ.

Donc tous les problèmes que l'on craignait si le droit de refuser une tâche était adopté ne se sont jamais matérialisés. En effet, nous n'avons pas assisté à la disparition massive d'employeurs partout au pays et, petit à petit, le droit de refuser s'est émoussé. Il y a eu une certaine agitation au début, qui n'a jamais pris de grandes proportions, puis elle s'est atténuée. Une jurisprudence s'est constituée graduellement autour de la notion du droit de refuser une tâche, et la même chose va se produire dans le cas du droit de refuser de polluer.

M. Bill Gilmour: Je vous remercie de votre réponse, car c'est un point qui m'embêtait. En effet, l'un de vous a donné l'exemple de l'aéroport, et le dégivrage des avions se fait au moyen de produits chimiques assez virulents. Un travailleur pourrait déclarer qu'il ne veut vraiment pas utiliser ces produits chimiques, parce qu'ils polluent l'atmosphère ou que sais-je encore. Et il faudrait articuler la loi de manière à... vous avez raison de dire qu'il y aura des affaires qu'il faudra sans doute soumettre à l'arbitrage avant de parvenir à intégrer ce droit au rayon d'action que nous voulons nous donner.

M. Louis Erlichman: C'est un très bon exemple. Le liquide de dégivrage est en soi de l'éthylèneglycol, ce qui est la même chose que du lave-glace. Mais ils améliorent la composition. Il existe des gels qui collent à l'appareil jusqu'à ce qu'il atteigne la vitesse de décollage avant d'être éliminés par frottement. Il est très difficile de savoir—ce sont des secrets de fabricants—ce que contiennent en fait ces produits. Nous ne savons pas dans quelle mesure ils sont salubres.

Je pense que vous plaidez en faveur de vastes exigences en matière de prévention de la pollution. À l'heure actuelle, la seule chose que l'on puisse invoquer pour empêcher le rejet de ces produits chimiques, c'est que par l'effet des eaux de ruissellement, les ruisseaux situés près des aéroports contiennent des produits chimiques qui tuent une certaine quantité de poisson. Aux termes de la Loi sur les pêches, rien ne les empêche de coller Dieu sait quoi sur ces ailes, et ce sont certainement nos membres, entre autres, qui le font. Ils ne sont pas des plus enthousiastes, mais à l'heure actuelle, rien dans cette mesure n'est proposé pour permettre l'élaboration d'une stratégie permettant de mettre fin à cet état de choses.

M. Bill Gilmour: Merci.

Le président: Monsieur Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Monsieur Erlichman, vous avez dit dans la dernière partie de votre exposé que le projet de loi ne contient aucune proposition concernant les effets que certaines mesures pourraient avoir sur les communautés et les travailleurs et vous suggérez d'élaborer des programmes explicites visant à soutenir les travailleurs et les communautés touchés pendant les périodes de transition. J'aimerais savoir ce que vous voulez dire par cela. Voulez-vous dire que le projet de loi devrait prévoir cela?

M. Louis Erlichman: En fait, au Congrès, un comité de travail s'attaque actuellement à l'élaboration de stratégies de transition. Que cela fasse ou non expressément partie de ce projet de loi, il reste que c'est une partie intégrante de toute activité de prévention de la pollution, quelle qu'elle soit.

• 0945

Si vous décidez qu'une certaine substance ou un certain processus doit changer pour le bien de l'environnement, cela a un effet; au niveau industriel, cela a un effet sur une collectivité. Dans certains cas, des substances toxiques sont en cause; dans d'autres, les motifs sont d'ordre environnemental.

Nous devons élaborer des programmes pour que le fardeau soit supporté par plusieurs et pour nous assurer, premièrement, que les personnes directement ou indirectement en cause n'en paient pas le prix et, deuxièmement, que les petites communautés isolées qui dépendent d'activités particulières également n'en paient pas le prix. Ce n'est qu'une question pratique. Vous n'obtiendrez pas ces changements autrement. Les gens directement touchés vont s'y opposer. Ils vont se retrouver dans la position intolérable de devoir approuver la pollution, car, autrement, leurs emplois et leurs collectivités seront gravement compromis.

Cela devrait vraiment faire partie intégrante d'un programme de prévention de la pollution que de considérer... Si nous apportons ce changement, si nous décidons que ce processus ou ce produit chimique est toxique et malsain sur le plan de l'environnement, qui cela touche-t-il directement? Qui cela touche-t-il indirectement? Comment traitons-nous cet effet?

En votre qualité d'hommes politiques, vous devez comprendre que vous devez considérer l'effet sur les gens. Cela devrait faire partie intégrante des programmes de prévention de la pollution. Cette mesure ne contient pas vraiment beaucoup de détails sur ces plans, et on aimerait qu'il y en ait davantage.

M. Dick Martin: C'est une bonne question, et M. Erlichman a donné une bonne réponse.

À titre de précision, j'aimerais signaler que je préside un comité de juste transition, comme on l'a fait remarquer, du Congrès de travail du Canada. Il a été mis sur pied en réponse à un certain nombre de questions, mais certainement en vue du problème du réchauffement de la planète qui se posera à très court terme et qui va toucher tous les secteurs, depuis l'industrie houillère, les champs de pétrole, les méthodes d'exploitation forestière, l'industrie automobile. À bien y penser, cela va toucher un nombre effarant d'industries au pays et, comme vous l'avez fait remarquer, notamment, les communautés tributaires des ressources naturelles. Nous avons constaté les problèmes pour ce qui est de l'exploitation forestière, en essayant de préserver les forêts et du même coup de préserver les collectivités. Il n'y a pas moyen de s'en sortir et c'est la collectivité qui en souffre grandement. Les travailleurs perdent leurs emplois. Ils perdent leur maison, leur plus important investissement. C'est ce qui va arriver dans tout le pays, d'un océan à l'autre.

Nous croyons réellement que le gouvernement doit adopter un point de vue réaliste et positif à cet égard si nous voulons traiter correctement de la question du réchauffement de la planète ou d'autres questions environnementales dont nous discutons aujourd'hui. Nous parlons de fonds pour les collectivités et les travailleurs déplacés, leurs foyers, etc. Comme M. Erlichman l'a signalé, dans bien des cas, nos membres s'opposent vivement au changement environnemental parce qu'il bouleverse toute leur vie, leur avenir, leurs familles.

Nous estimons que la question d'une juste transition devrait être évoquée dans toute mesure législative concernant au moins les questions environnementales, mais aussi parfois même les questions d'hygiène et de sécurité du travail et de conservation.

Le président: Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais remercier nos invités qui, au nom du Congrès du travail du Canada et de certains syndicats qui en sont membres, sont venus nous donner ce matin un point de vue très clair et très franc quant à leur appréciation du projet de loi qui est devant nous. Je les en remercie.

Nous devons comprendre très facilement leur évaluation de ce projet de loi quand ils demandent, à toutes fins pratiques, son retrait ou quand ils le dépeignent comme un projet de loi qui sert très mal le public ou les travailleurs et qui répond plutôt à d'autres intérêts; leur message est très clair.

• 0950

Je voudrais que nous discutions de la question suivante. Comme mon collègue M. Gilmour le mentionnait, vous demandez entre autres que la loi prévoie le droit pour les travailleurs de refuser de polluer. Par ailleurs, vous suggérez que la loi prévoie des comités conjoints formés de travailleurs et d'entreprises. Vous suggérez que le gouvernement fédéral prenne le leadership au moins au niveau des employés qui travaillent dans les secteurs sous juridiction fédérale. Je crois que ce sont des suggestions qui méritent d'être étudiées.

D'autre part, vous, du mouvement syndical, avez-vous l'intention de faire des demandes semblables dans le cadre de vos prochaines négociations collectives? Est-ce que vous du SCFP, qui êtes vraiment présents dans les industries ou les secteurs réglementés par le gouvernement fédéral, inclurez ces demandes dans vos projets de convention collective lors de vos prochaines négociations?

Je pose cette question parce que l'histoire nous apprend que ce sont souvent les gains obtenus par les travailleurs et inscrits dans des conventions collectives qui ouvrent la voie à des lois progressistes. Ça s'est vu dans de nombreux secteurs, dont dans le domaine de la santé et de la sécurité. On n'attend pas toujours que la loi précède; souvent, les conventions collectives ouvrent la voie aux changements législatifs.

Je voudrais profiter de l'occasion pour vous demander d'analyser cette situation et nous dire si vous avez l'intention de traduire ces demandes que vous faites devant nous ici sur le plan législatif en demandes pouvant faire l'objet de négociations dans vos conventions collectives. Est-ce que vous avez fait des tentatives, heureuses ou malheureuses, dans ce sens-là dans le passé? Autrement dit, si ce sont des tentatives qui ont été heureuses, ça veut dire que vous avez réussi à établir des précédents. Il serait intéressant de savoir si dans tel ou tel secteur ou dans telle négociation, vous avez réussi à ouvrir un peu la porte avec certains employeurs. Ça pourrait nous éclairer et nous justifier ici, comme parlementaires, d'essayer de faire en sorte que les lois reconnaissent ce genre de travail que vous auriez pu faire.

[Traduction]

M. Dick Martin: Monsieur le président, je vais tenter de répondre en premier.

Le Congrès du travail du Canada a pour politique d'inviter les syndicats qui lui sont affiliés à demander à la table de négociations que des comités mixtes employeur-employés sur l'environnement soient constitués, copiés sur le modèle de ce que nous avons demandé par le passé en matière d'hygiène et de sécurité du travail, qui a abouti à l'adoption d'une législation pratiquement à la grandeur du pays, à l'exception de l'Alberta—ce qui n'est pas surprenant.

Nous avons également remporté certains succès en certains endroits. Les métallurgistes ont présenté certaines demandes en certains endroits et ont réussi, de même que les travailleurs de l'automobile, dans leurs négociations avec les fabricants d'automobiles. Certains d'entre eux ont des comités mixtes sur les questions environnementales.

Il s'agit donc d'une orientation politique et nous encourageons et invitons instamment les syndicats qui nous sont affiliés à présenter cette demande particulière lors des négociations.

Je vais maintenant laisser mes collègues donner leur avis sur la question.

M. Louis Erlichman: C'est une excellente idée et c'est quelque chose à laquelle nous nous intéressons certainement.

J'ai parlé tantôt des aéroports et pour revenir à un des problèmes que nous y éprouvons, et cela ne concerne pas seulement que les questions environnementales, l'ennui c'est que ce ne sont pas nécessairement nos employeurs qui en sont la cause. Nous ne discutons pas nécessairement avec les employeurs. Nous éprouvons des problèmes même avec les autorités aéroportuaires qui sont maintenant indépendantes—je ne sais pas exactement comment vous voudriez les définir. Des autorités aéroportuaires suspendent nos membres pour d'apparentes infractions à la sécurité ou d'infractions au règlement de conduite sur le tarmac, etc.

• 0955

Nous pourrions avoir le meilleur des libellés du monde dans nos conventions. Nos membres peuvent travailler pour une compagnie aérienne ou pour une compagnie de service; ils ne travaillent pas pour l'aéroport. Donc, bien que ce soit une bonne idée de disposer de comités mixtes et du droit de refuser de polluer dans nos conventions collectives, cela peut ne pas nous protéger encore, ce qui explique pourquoi il est important que cela figure également dans la loi.

M. Paul Middleton (représentant syndical, Union internationale des employés de service): J'aimerais intervenir à ce moment-ci pour signaler au député que notre syndicat, qui est membre du Congrès du travail du Canada, a reçu la semaine dernière un document réuni par le congrès, composé de trois sous-documents, exposant fondamentalement où, dans les conventions collectives, nous pourrions présenter des propositions sur la santé et la sécurité et l'environnement. On y retrouve en fait des citations de bon nombre de syndicats, tant du secteur public qu'industriel, de l'Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, des métallurgistes, des professeurs d'école secondaire, du Syndicat canadien de la fonction publique, des travailleurs de l'automobile, des syndicats d'infirmières et d'infirmiers, et des employés de service du gouvernement comme notre propre syndicat qui commencent en fait à utiliser ce langage pour essayer d'établir ces genres de juridictions.

Vous devez cependant comprendre que c'est une bataille difficile. Les compressions gouvernementales se reflètent dans le climat des négociations, que ce soit à l'échelle provinciale ou municipale. Dans les hôpitaux et les maisons de repos, par exemple, notre syndicat... nous faisons la promotion d'un tel libellé et sommes intéressés à le faire, mais à la table des négociations, l'employeur que nous rencontrons brandit toujours un spectre et c'est celui du gouvernement qui verse le financement. L'employeur municipal ou l'employeur dans un hôpital sont très préoccupés par les compressions auxquelles ils font face. On ne peut pas dire qu'ils soient très ouverts à des entreprises même louables à cet égard. Il a fallu se battre pendant 10, 15, 20 ans pour que figurent dans les conventions de bonnes dispositions sur la santé et la sécurité. La plupart de nos conventions contiennent ces dispositions qui sont étayées, heureusement, par une très forte législation fédérale et provinciale.

Je pense à tout le moins que nous aimerions, en tant que membres du mouvement syndical, non pas qu'on nous demande d'attendre, mais qu'on nous invite à aller de l'avant en tandem et peut-être à chanter à l'unisson.

Sur ce document figure un canari qui s'échappe de sa cage, et cela remonte à l'époque des canaris en cage. Ne faisons pas des travailleurs des canaris en cage des mines qui ont dû payer le prix du premier assaut en matière de santé, de sécurité et d'environnement. Sommes-nous obligés de sacrifier notre main- d'oeuvre, que ce soit dans les mines ou dans les couloirs des hôpitaux, avant que les lois comblent le retard. Nous disons non. L'histoire démontre qu'il s'agit là d'une mesure très draconienne lorsque l'on veut améliorer le bien-être de la société. Essayons d'aller au devant des coups. Nous disposons de données scientifiques suffisantes et de données socio-économiques valables pour dire que cela devrait être fait. N'attendons pas que soit sacrifié le lieu de travail avant de dire que cela devrait être fait. À tout le moins, allons de l'avant en unissant nos efforts.

Je crois que des initiatives de ce genre—nous sommes très reconnaissants que le mouvement syndical soit consulté aujourd'hui - nous portent à croire que cela est très possible et nous y attachons de l'importance.

Merci.

M. Colin Lambert: Le SCFP tente d'amener ses activistes en matière de santé et de sécurité, les gens qui siègent déjà au sein des comités mixtes, à s'intéresser davantage à l'environnement. L'environnement comme question d'intérêt national est quelque chose d'assez nouveau pour nous. Notre première tâche a consisté à convaincre les gens qui s'occupent de santé et de sécurité à s'attacher davantage aux questions environnementales. Je crois que cela mènera naturellement à la création de comités mixtes d'environnement, de santé et de sécurité au travail.

J'aimerais aborder un autre sujet qui amène notre syndicat à craindre énormément au sujet des conventions collectives. Les tribunaux de la Saskatchewan ont rendu récemment des décisions, notamment une qui concerne un de nos syndicats, portant que les agents d'application des lois sur la santé et la sécurité au travail n'aient pas affaire sur les lieux de travail lorsque les conventions collectives contiennent des dispositions relatives à la santé et à la sécurité. Le gouvernement de la Saskatchewan en appelle de ces décisions tout comme nous et la Fédération canadienne du travail. Mais si ces décisions ne sont pas renversées, cela veut littéralement dire que dès que vous inscrivez quelque chose dans votre convention collective, les agents d'application de la loi ne peuvent rien pour vous, à savoir que les tribunaux infirmeraient les directives écrites par les inspecteurs sous prétexte qu'ils ont outrepassé leur pouvoir. Cela nous laisse un moment d'arrêt pour nous demander où nous allons avec la négociation collective si cela signifie que nos membres ne sont plus protégés par les lois du pays.

• 1000

Cela risquerait de s'étendre, bien sûr, à l'environnement. Cela a commencé par une affaire d'indemnisation d'un accident du travail pour passer ensuite à une affaire de droits de la personne pour laquelle la décision rendue a été défavorable. Il a été allégué que la Commission des droits de la personne n'avait pas le droit d'entendre l'affaire parce que la convention collective contenait des dispositions à cet égard. La dernière affaire a trait à une question de santé et de sécurité, le droit de refuser, et la directive a été infirmée par le juge. Cela nous inquiète vraiment et votre comité voudra peut-être examiner la question.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Je remercie nos interlocuteurs de nous avoir apporté cet éclairage et je félicite les syndicats qui ont réussi à créer des précédents ou à ouvrir des brèches dans le domaine. Je voudrais les inviter à multiplier leurs tentatives et à faire connaître largement chacun des précédents qu'ils auront pu établir. Cela aidera aussi les législateurs à prendre leurs responsabilités. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bennett, soyez très bref, s'il vous plaît.

M. Dave Bennett (directeur national, Santé, sécurité et environnement, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président. Je veux ajouter une petite observation à ce qu'a dit Dick Martin au sujet de l'approche du Congrès du travail du Canada en ce qui a trait aux comités mixtes d'environnement en milieu de travail. Les recommandations ont vraiment été formulées au cours des dix dernières années avec la pleine participation du propre comité de l'environnement du CTC. Nous recommandons que les travailleurs et les syndicats essaient de mettre sur pied des comités mixtes d'environnement en milieu de travail.

Ils peuvent s'y prendre de deux façons. Ils peuvent, d'une part, comme l'a signalé M. Lambert, tenter d'étendre à l'environnement le mandat des comités actuels de santé et de sécurité. Ils peuvent, d'autre part, tout simplement considérer que les questions environnementales sont distinctes de celles qui touchent la santé et la sécurité et mettre sur pied un nouveau comité mixte d'environnement en milieu de travail. Certains syndicats, et les métallos en sont le principal exemple, ont opté pour la première solution, étendre le mandat des comités mixtes de santé et de sécurité. D'autres syndicats, comme celui des travailleurs de l'automobile, ont adopté une approche pragmatique qui leur a permis dans certains cas d'élargir le mandat du Comité mixte de santé et de sécurité.

Dans d'autres cas, ils ont eu leur propre comité d'environnement en milieu de travail, c'est-à-dire le Comité syndical de l'environnement. Soit dit en passant, cette obligation de mettre sur pied un comité syndical de l'environnement au sein du groupe local figure dans la constitution du Syndicat des travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile. À partir de cette position initiale, le syndicat est ensuite allé voir l'employeur pour lui dire qu'il veut maintenant mettre sur pied un comité mixte d'environnement en milieu de travail. Dans certains cas, l'employeur a accepté et les travailleurs de l'automobile ont en fait plusieurs comités mixtes autonomes d'environnement en milieu de travail.

Ainsi, lorsque M. Charbonneau demande des exemples concrets, il s'agit là d'exemples concrets. Cela s'insère dans un mouvement déclenché par le Congrès du travail en vue d'enclencher ce processus à travers le pays. Ainsi lorsque nous vous demanderons une mesure législative sur la question, nous pourrons prouver que le congrès agit en conséquence.

Le président: Merci.

Nous passerons maintenant la parole à M. Laliberte qui sera suivi de Mme Kraft Sloan, de Mme Girard-Bujold, de M. Pratt, de M. Herron et du président. Monsieur Laliberte, vous avez la parole.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Merci.

Monsieur Martin, vous avez établi une comparaison importante entre la partie 4 et la partie 9. Je n'ai pas exactement examiné la chose de cette manière, mais la prévention de la pollution et la protection des dénonciateurs relèvent ici de deux compétences distinctes. La partie 9 où il est question de la protection des dénonciateurs a trait au fait que les entreprises fédérales ou les employés fédéraux sont dans une catégorie tout à fait différente. Mais le territoire domanial et les entreprises fédérales sont très limitées et, d'après le rôle récent de notre gouvernement, le deviennent de plus en plus chaque année. Ils ont été privatisés, commercialisés, sous-traités, harmonisés ou décentralisés.

• 1005

La loi selon vous aurait beaucoup plus de force si nous prenions comme exemple la compétence fédérale et appliquions le modèle à toutes les compétences canadiennes. Pourquoi ne pourrait- on pas le faire? Est-ce possible? Avez-vous examiné la question? Vous semblez en avoir discuté, mais je n'en suis pas convaincu... Qu'est-ce qui nous limite? Qu'est-ce qui nous empêche de le faire?

M. Dick Martin: Je vais laisser M. Bennett répondre à une partie de votre question, mais c'est la volonté politique. Premièrement, vous avez ce combat constant que livrent les provinces en ce qui a trait à la compétence fédérale et nous sympathisons avec le gouvernement fédéral dans nombre de ces cas. Il y aussi la bataille interminable au sujet de la compétence fédérale-provinciale. En même temps, nous croyons que le gouvernement fédéral pourrait gagner cette bataille législativement, voir même constitutionnellement, s'il voulait vraiment s'y mettre.

Le fait est qu'historiquement, le gouvernement fédéral était censé établir les règles pour différents types de lois nationales en supposant que les provinces suivraient. Il n'en est plus nécessairement ainsi parce que le gouvernement fédéral n'exerce plus son mandat et permet aux provinces de s'arroger plus de pouvoirs. Ce n'est peut-être pas légal, mais nous ne croyons pas qu'il s'agisse tant d'une question de légalité que de volonté politique.

M. Bennett a peut-être quelque chose à ajouter.

M. Dave Bennett: J'aimerais reprendre les propos de Dick Martin. Si le gouvernement fédéral veut aller dans ces directions, c'est vraiment une question de volonté politique.

Si vous jetez un coup d'oeil aux définitions contenues dans le projet de loi et aux exigences en ce qui a trait aux entreprises fédérales à la partie 9, vous verrez qu'il est très clair que cette partie 9 s'applique à toutes les industries, activités et terres qui relèvent de la compétence législative fédérale; c'est-à-dire qu'elle s'applique aux industries privées ainsi qu'au territoire domanial et aux entreprises du secteur public comme les sociétés d'État. Ce à quoi nous avons vraiment affaire à la partie 9, ce sont exactement ces industries qui relèvent du Code canadien du travail, qui est bien sûr une loi nationale. C'est la compétence fédérale exercée sur la sécurité et la santé en milieu de travail. Nous avons donc ici affaire à un très grand nombre d'industries, d'activités et d'institutions.

En fait, la compétence fédérale en matière de santé et sécurité en milieu de travail est en fait la quatrième en importance au pays. Elle vient après le Québec, l'Ontario, la Colombie-Britannique, mais devance l'Alberta. Vous avez donc affaire ici à une composante très importante de l'autorité fédérale en matière d'environnement.

La deuxième chose à signaler ici, c'est que l'autorité fédérale en matière d'environnement par rapport à l'autorité des provinces et des territoires pose de toute évidence ici un grand problème. Si le gouvernement fédéral devait abonder dans le sens du Congrès du travail du Canada, c'est-à-dire concentrer ses efforts dans sa sphère de compétence, personne ne contestera qu'il a le droit et l'autorité de réglementer, comme l'a dit un environnementaliste, dans sa propre cour. L'élégance, si vous voulez, de ce que propose le CTC, c'est que nous proposons un plan national de prévention de la pollution. Nous nous y prenons toutefois de manière à ne pas frustrer les provinces.

Pour ajouter à cela, et dans un sens pour prendre le contre- pied, ce que nous proposons c'est une formule radicale et nouvelle en ce qui a trait à la mise en oeuvre par le gouvernement fédéral des programmes de prévention de la pollution. Nous avons essayé de montrer au comité que l'approche adoptée par le gouvernement fédéral à l'égard de la prévention de la pollution et des parties 4 et 5 de la LCPE est foncièrement erronée étant donné la non- concordance entre les objectifs et le contenu du programme de prévention de la pollution d'une part et la façon dont le gouvernement fédéral et les lois fédérale, à savoir la LCPE, essaient de régler le problème. Nous suggérons quelque chose d'assez différent de ce que vous proposent maintenant de nombreux environnementalistes. Nous laissons entendre que le gouvernement peut bel et bien faire plus en matière de prévention de la pollution aux termes de la partie 4, dans sa forme actuelle, mais qu'au fond s'il essaie de faire plus de cette manière, il n'y parviendra pas. Il doit adopter une approche tout à fait différente et cette approche se trouve, monsieur le président, à la partie 9.

• 1010

Le président: Merci, monsieur Bennett. Si c'était la seule non-concordance sur la scène fédérale, nous serions en grande forme. Néanmoins, essayons de résister à la tentation de transformer la séance de ce matin en une mini-conférence fédérale- provinciale. Autrement, nous n'en sortirons jamais.

Monsieur Laliberte, avez-vous une autre question ou puis-je passer à la personne suivante?

M. Rick Laliberte: Je veux simplement être d'accord avec les définitions que donne le gouvernement fédéral aux expressions ministères, offices, organismes, entreprises fédérales, terres autochtones, territoires domaniaux. Il semble que le gouvernement a l'intention d'exercer les pleins pouvoirs que lui confère la LCPE. Nous aimerions qu'il dispose de plus de pouvoirs. Lorsque les politiques provinciales et le lobby de l'industrie exercent une influence, nous arrivons dans une zone d'incertitude, mais il n'y a pas de doute que c'est le fédéral qui a compétence en ce qui a trait à la protection des dénonciateurs, à la protection environnementale et à la prévention de la pollution. Vous me l'avez bien fait comprendre et je vous en remercie.

Le président: Merci, monsieur Laliberte. Madame Kraft Sloan, suivie de Mme Girard.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci. Je tiens à vous féliciter de votre mémoire très exhaustif et des domaines que vous avez choisis plus particulièrement.

Le printemps dernier, des représentants de l'industrie ont comparu devant le comité et nous ont dit qu'ils étaient très satisfaits du genre et de l'importance des consultations qu'ils avaient eues avec les représentants d'Environnement Canada en marge du processus de l'étude en comité. Tous les représentants de l'industrie nous ont encouragés à adopter rapidement cette mesure législative.

Je me demande simplement, vu que nous vous considérons comme des représentants nationaux de syndicats très importants, quel genre de consultations vous avez eues avec les représentants d'Environnement Canada en marge de l'étude en comité du projet de loi C-32.

M. Dick Martin: En ce qui concerne plus particulièrement le projet de loi C-32, nous n'en avons pas eu beaucoup. Je dois dire que d'assez bons qu'étaient les rapports du Congrès du travail du Canada avec Environnement Canada, ils sont passés à raisonnablement mauvais puis à mauvais. Ils sont pour ainsi dire inexistants à l'heure actuelle. Bien sûr, comme tout le monde le sait, avec toutes les démissions et le remaniement, nombre des représentants que nous avions l'habitude de rencontrer ne sont plus là. En fait, je viens tout juste d'écrire une lettre au nouveau sous-ministre pour lui demander de le rencontrer afin de discuter d'un certain nombre de problèmes environnementaux qui nous inquiètent. Nous espérons qu'il nous répondra de façon positive et que nous pourrons établir de meilleurs rapports et un meilleur processus de consultation. Mais les choses ont beaucoup laissé à désirer au cours des dernières années.

Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur Lambert, dans votre exposé, vous avez abordé certains points très précis, particulièrement en ce qui concerne la protection des dénonciateurs et le droit de refuser de polluer. Je me demandais simplement—quand vous avez parlé du rapport du comité, vous avez mentionné d'autres points dont il faudrait que le comité tienne compte lorsqu'il recommandera des modifications au projet de loi à l'étude—si vous auriez l'obligeance de nous en dire un peu plus au sujet de ces points du rapport.

• 1015

M. Colin Lambert: Je faisais allusion à votre rapport de 1995 dans lequel vous faisiez des recommandations très précises.

Mme Karen Kraft Sloan: Le rapport intitulé Notre santé en dépend!

M. Colin Lambert: Quand nous avons pris connaissance des recommandations faites par le comité, nous avions vraiment espoir que des changements importants seraient apportés à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ces recommandations jetaient les bases d'une excellente loi. En fait, vous devriez déposer à nouveau le rapport entier, selon moi. Une nouvelle loi de protection de l'environnement qui reposerait sur ce document recevrait tout notre appui.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord. Y a-t-il des commentaires? Je sais que M. Bennett et M. Martin étaient venus témoigner devant le comité à ce moment-là.

M. Dick Martin: Nous sommes essentiellement du même avis.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord. C'est tout ce que j'avais comme questions, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Madame Girard-Bujold, suivie de M. Pratt.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Merci, messieurs. Vos mémoires sont très intéressants. Je suis très heureuse de vous rencontrer puisque c'est vous qui représentez les travailleurs qui seront responsables de l'application de cette loi.

Vous dites dans votre préambule que depuis quelques années, l'enveloppe budgétaire du ministère de l'Environnement a été réduite de 30 p. 100 et que vous avez subi une réduction très importante de votre personnel. Vous dites également que cet projet de loi ne saura pas contribuer à la réalisation de son objectif de protection de l'environnement.

Tous vos mémoires traitent de la partie 4, qui porte sur la prévention de la pollution. Le mémoire que nous a présenté le Congrès du travail du Canada en traite tout particulièrement et affirme que les dispositions relatives aux substances toxiques sont aberrantes. Il n'y a que 26 substances toxiques qui sont actuellement reconnues, et on prévoit que dans les prochaines décennies, il y en aura une douzaine qui s'ajouteront à cette liste. Vous dites qu'on ne donne pas de latitude pour la planification de la prévention de la pollution. Vous faites également allusion à des plans de prévention et de planification.

Vous, messieurs, qui représentez les travailleurs, croyez-vous qu'il serait utile que la loi comporte des mesures en vue d'atteindre l'objectif qu'est la prévention de la pollution? Qu'est-ce que les plans de planification devraient comprendre? Merci.

[Traduction]

M. Dick Martin: Comme nous l'affirmons dans notre mémoire, on ne peut cibler uniquement le bout du tuyau d'évacuation, le rejet. Il faut aussi tenir compte de ce qui se passe dans les établissements. Les membres de notre syndicat sont présents tout au long du procédé de production. Par conséquent, il faut qu'il y ait beaucoup plus d'inspections et d'activités d'exécution de la loi à l'intérieur même de l'établissement. Il faut que la loi soit très stricte en ce qui concerne les substances chimiques ou les autres produits, le procédé de fabrication et la destination du produit. Ce n'est pas seulement une question d'information, mais aussi d'exécution de la loi.

Si vous vous reportez à la page 4, nous faisons un certain nombre de recommandations qui rendraient efficaces les plans de prévention de la pollution. Voyez au dernier paragraphe les sept points qui sont énumérés. Si le comité les faisait siens et que le gouvernement les acceptait, la réalisation de ce qui est, peut-on l'espérer, l'objectif de la loi, gagnerait en efficacité.

David, avez-vous...

M. Dave Bennett: Avant tout, il faudrait que le gouvernement décrive ce qu'il entend par un plan de prévention de la pollution; il faudrait qu'il en décrive le contenu, ses attentes et ses objectifs. Ensuite, il faudrait les rendre obligatoires, tant pour les substances individuelles de la partie 4 que pour tous les milieux de travail de compétence fédérale de la partie 9.

Certains travaux ont été exécutés au sujet de la notion du plan de prévention de la pollution. Une étude a été effectuée par Resource Futures International concernant les plans. Je ne me souviens plus si elle a été exécutée pour le compte du gouvernement ou de votre comité, mais la liste de questions qu'on a demandé à Resource Futures International d'étudier n'était pas très pertinente, tout comme les résultats de l'étude d'ailleurs. Si vous posez les bonnes questions, naturellement, vous n'obtiendrez pas les bonnes réponses.

• 1020

Ce qu'il aurait fallu demander, c'était... En tout cas, on ne devrait pas se demander quelles sont les formalités à respecter pour transmettre un plan de prévention de la pollution du milieu de travail au gouvernement ou à un comité mixte d'établissement. Il aurait fallu demander plutôt: «Qu'est-ce qu'un plan de prévention de la pollution?» Il aurait fallu en examiner le contenu, les objectifs, puis voir comment ce plan serait mis en oeuvre dans le milieu de travail.

Il est ironique de constater qu'une vaste expérience a été acquise en cette matière, en partie en Europe du Nord, en partie aux États-Unis, mais plus particulièrement au Massachusetts, où il existe une loi de réduction de l'utilisation de substances toxiques qui exige que l'on fasse de la planification en vue de prévenir la pollution et qui exige de l'employeur la présentation d'au moins trois types différents de plans à cet effet.

Le directeur de l'institut du Massachusetts, M. Ken Geiser, a souvent été invité à prendre la parole au Canada. J'ai eu l'impression tout d'abord que, lorsqu'on l'invite, on l'invite toujours à rencontrer les mauvaises personnes, car on lui demande de parler à des gens qui n'ont aucune influence sur la mise en oeuvre des plans de prévention de la pollution; de plus, quelles que soient les recommandations qu'il fait, l'expérience qu'il décrit, il ne semble pas faire une impression durable sur qui que ce soit au sein du gouvernement canadien, voire sur les groupes environnementaux du Canada. Jusqu'ici, on n'a pas profité de l'occasion pour réellement s'informer sur la nature des plans de prévention de la pollution, sur leur fonctionnement et surtout sur les résultats qui en découlent.

Le président: Merci, madame.

Monsieur Pratt, vous avez la parole, après quoi ce sera au tour de M. Herron.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à remercier les témoins d'avoir répondu à notre invitation aujourd'hui. Leurs commentaires sont certes intéressants et utiles. J'ai toutefois besoin d'éclaircissements au sujet de l'exposé de M. Martin et plus particulièrement de celui de M. Lambert.

Monsieur Lambert, vous précisez dans votre mémoire, sous le titre «Protection des dénonciateurs»:

    Légalement, ils

—il est question des employés—

    n'ont pas le droit de refuser de polluer et, pourtant, s'ils participent à un acte contraire à la loi, ils ont l'obligation de le signaler aux autorités. Ils peuvent alors être tenus responsables de ce qu'ils ont fait et être accusés d'avoir participé à une infraction. Nous pensons que leurs droits constitutionnels sont violés. Tout citoyen a le droit d'invoquer les dispositions de la loi qui le protègent contre l'auto- incrimination. Par conséquent, il est fort peu probable que les employés respecteront l'obligation de rapporter les infractions s'ils n'ont pas le droit de refuser de polluer.

Par contre, dans son exposé, M. Martin parle de toute la question des dénonciateurs lorsqu'il est question des droits des travailleurs en matière d'environnement et il ajoute:

    Le projet de loi élargit la protection du dénonciateur aux employés du secteur public et de tous les établissements sous réglementation fédérale, tant du secteur public que privé, qui signalent des infractions aux inspecteurs. Cette mesure est la bienvenue. On la trouve essentiellement à l'article 16 et dans d'autres textes similaires, tels qu'aux articles 96, 203 et 213.

Si l'on examine maintenant l'article 296 du projet de loi, là où il est question d'autres mesures de protection environnementale, on peut lire, au paragraphe (3):

    (3) Les aveux de culpabilité ou les déclarations de responsabilité faits pour pouvoir bénéficier de mesures de rechange ne sont pas admissibles en preuve dans les actions civiles ou les poursuites pénales engagées contre leur auteur.

Vous portez une accusation très grave quand vous parlez du droit de ne pas s'incriminer. Je tente tout simplement de comprendre comment vous en arrivez là. Le problème réside-t-il dans un acte de commission prévu dans la loi ou à quelque chose qui en est omis?

M. Colin Lambert: Je ne crois pas que les exigences concernant la protection des dénonciateurs énoncées dans le projet de loi auront une grande influence sur ce que font les travailleurs dans le milieu de travail, à moins qu'ils ne jouissent d'une protection de la loi contre l'auto-incrimination. Vous dites qu'elle est là, mais...

• 1025

M. David Pratt: Que je sache... D'après ce que je lis à cet article particulier, la protection semble être là. Par contre, si vous avez des informations contraires à nous fournir, vous avez toute mon attention.

M. Colin Lambert: Non, je n'en ai pas. Je suppose que vous avez peut-être raison à ce sujet, mais j'ai le sentiment que les travailleurs n'exerceront pas leur droit de refuser de polluer, leur droit de dénoncer, s'ils n'ont pas le droit de refuser de le faire au départ.

Deux facteurs jouent ici. D'une part, la loi de protection des dénonciateurs s'applique après le fait, n'est-ce pas? Comme nous l'avons dit, on peut quand même être pénalisé, puisque, si l'on perd son emploi, en dépit de la protection de la loi, il faudra passer par deux ans d'arbitrage avant d'être rétabli dans ses fonctions. C'est en quelque sorte inutile et cela décourage les travailleurs de signaler les rejets.

Ce serait bien mieux s'ils avaient le droit de ne pas le faire au départ. S'ils estiment qu'on leur demande de faire quelque chose qui nuit gravement à l'environnement, tellement qu'il faudrait le signaler, ils devraient avoir le droit de refuser de le faire au départ, puis de faire venir quelqu'un qui y mettrait fin. Sans le droit de refuser, qui se rapproche assez de ce qui est prévu dans la loi de la santé et de la sécurité au travail, les travailleurs disposés à faire des dénonciations tel que prévu dans la loi ne seront pas nombreux, selon moi.

M. David Pratt: Même si la loi leur garantit aussi l'anonymat?

M. Colin Lambert: C'est peut-être vrai, mais cela n'empêchera certes pas leur employeur de connaître leur identité. L'employeur saura qui a dénoncé la situation. Vous dites que la loi offre de la protection. C'est vrai, mais rien ne protège le travailleur contre la discrimination qui s'exercera après coup, parce qu'il n'a pas le droit de refuser. Je ne suis pas convaincu que les inspecteurs en environnement seront vraiment capables de faire respecter cette partie, parce que toute la question des relations de travail entre en jeu et que les inspecteurs en environnement n'ont certes pas compétence dans le domaine.

Par conséquent, si après avoir dénoncé une situation vous êtes protégé par la loi, mais que vous êtes ensuite congédié pour une autre raison—insubordination, blasphème ou tout autre prétexte qui sert habituellement à se débarrasser de vous quand ce que vous faites leur déplaît—, je ne crois pas que les inspecteurs en environnement auront beaucoup de succès à moins qu'ils ne disposent d'une bonne loi analogue à celle qui existe en matière de santé et de sécurité professionnelles et qui les habilite à faire cesser ce genre d'infractions.

M. David Pratt: J'ai compris.

M. Dick Martin: Simplement pour donner quelques précisions, c'est la raison pour laquelle nous affirmons dans notre mémoire qu'il faut que le libellé du projet de loi C-32 soit plus clair. Nous recommandons que la commission des relations de travail soit habilitée à rétablir les travailleurs congédiés dans leurs fonctions et à lever toute mesure prise contre eux, car tous ne sont pas syndiqués. Manifestement, si vous travaillez dans un milieu syndiqué, vous disposez de certains recours grâce au processus de règlement des griefs et d'arbitrage. Toutefois, si vous n'êtes pas syndiqué, vous êtes en réalité vulnérable. Où demander de l'aide? Comment exercer ses droits? Comment consulter le texte de loi?

Voilà le genre de questions névralgiques qu'il faut se poser. La protection semble être là, mais comment en profite-t-on? Comme l'a dit Colin, les travailleurs n'exerceront pas leurs droits s'ils n'ont pas l'assurance qu'ils ne seront pas congédiés ou ne feront pas l'objet de discrimination par la suite.

M. David Pratt: Je suppose, à certains égards, que le résultat serait le même. Si la personne refuse de travailler dans un secteur particulier, si on lui confère le droit de refuser de polluer, elle pourrait, à un moment donné, faire l'objet de harcèlement de la part de l'employeur ou être carrément congédiée.

M. Dick Martin: Sauf que, je le répète, s'il existe une procédure de règlement des griefs et d'arbitrage, vous avez de meilleures chances d'être protégé. En l'absence de pareil processus, vous êtes livré à vous-même.

M. David Pratt: Des recours devant les tribunaux sont prévus pour ce qui est des congédiements injustes ainsi que des personnes qui sont sans protection.

M. Dick Martin: Je puis vous assurer que, pour les travailleurs, ce genre de recours est distant.

M. David Pratt: Je suppose que tout dépend du travailleur, de la situation exacte.

M. Colin Lambert: Toutefois, si la protection est analogue à ce que prévoit le droit relatif à la santé et à la sécurité au travail, le fardeau est inversé. En fait, des lois antérieures permettent à l'employé de porter des accusations. C'est alors à l'employeur que revient le fardeau de prouver que l'employé n'a pas été congédié pour avoir dénoncé une situation. On n'exige donc pas le même genre de preuve dans les cas d'arbitrage, ce qui a fait toute une différence dans les causes relatives à la santé et à la sécurité au travail.

• 1030

M. David Pratt: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Pratt, nous vous sommes reconnaissants d'avoir également fait ressortir les aspects pratiques, durant cet échange sur la protection des dénonciateurs. Il faudrait peut-être que le comité examine au moins des moyens d'améliorer le libellé du projet de loi en vue de le rendre plus précis et, peut-être, plus efficace. Nous examinerons certes le projet de loi afin de voir ce que nous pouvons faire.

Monsieur Herron, suivi du président.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

Il y a deux questions que j'aimerais aborder, une ayant trait à l'approche volontaire dont il a déjà été question et l'autre, au sujet du transfert des responsabilités aux provinces et au ministère comme tel.

J'aimerais d'abord dire, au sujet de la conformité volontaire, qu'en bout de ligne, l'objectif de la loi ou du règlement est de rapporter le plus d'avantages nets possible aux Canadiens et à l'environnement. L'expression «approche volontaire» nous incommode tous et elle a déjà fait l'objet de discussions au sein de ce comité-ci. Il est dommage que nous ne puissions pas trouver un mot plus juste.

J'ai cru comprendre essentiellement que ce que le gouvernement visait en adoptant l'approche volontaire était de commencer par établir s'il existe un problème sous l'angle de l'environnement et si l'intervention fédérale est justifiée, puis de voir si la réglementation est la meilleure solution de rechange et si les avantages en sont plus grands que le coût assumé par les Canadiens, leur gouvernement et leurs entreprises. En fin de compte, la disposition relative à l'approche volontaire cherche à élargir la gamme de moyens à la disposition du ministre, à lui donner des outils qui, sur le plan juridique, ne sont peut-être pas exécutoires, mais qui peuvent en réalité servir de lignes directrices pour mettre en place un cadre qui permettra d'obtenir les avantages nets recherchés.

Certains programmes mis en place dans l'industrie en matière de gestion responsable ont connu du succès. On a aussi fait appel au programme ARET. Ne voyez-vous pas que l'industrie a un rôle à jouer pour avoir en place un cadre plus souple qui permet de réaliser les objectifs nets envisagés?

M. Dick Martin: La discussion prend un ton en quelque sorte philosophique, mais, à notre avis, rien ne prouve que l'approche volontaire donne les résultats recherchés. Je sais que les fabricants de produits chimiques canadiens ne tarissent pas d'éloges à l'égard de leur programme. Il est peut-être efficace au sein de certaines entreprises, mais pas forcément partout; par ailleurs, notre objectif—et c'est censément l'objectif du gouvernement—est de protéger toute la société et l'environnement. Par conséquent, une entreprise peut se vanter des résultats obtenus, mais nous ne connaissons pas sa feuille de route; nous n'avons pas de preuve. En fait, il faut croire l'entreprise sur parole.

Je n'ai rien vu qui prouve que l'approche volontaire est efficace. Pourquoi sont-ils si préoccupés par le dépôt du projet de loi s'ils en rencontrent les exigences déjà? Qu'est-ce qui les inquiète? Il y a une loi, un règlement et des inspecteurs; si tout est déjà en règle, pourquoi s'inquiéter?

Chaque fois qu'on me parle de l'approche volontaire comme la seule voie possible, tous mes clignotants s'allument. C'est à se demander pourquoi ils craignent tant une loi s'ils en respectent déjà les objectifs. Vous dites que, jusqu'à un certain point, l'expression «volontaire» n'est pas le mot juste. Cependant, l'expression qu'ils utilisent constamment, soit «la réglementation directe»—je crois l'avoir déjà utilisée devant votre comité, à une autre occasion—nous fait croire que le cadre de réglementation est une sorte de régime staliniste, ce qui est tout à fait absurde. Nous affirmons simplement qu'il nous faut une loi efficace, un règlement efficace et qu'il faut faire respecter la loi avec efficacité. S'ils se conforment déjà à la loi, cela ne devrait pas les inquiéter. Par contre, s'ils n'en ont pas atteint les objectifs, ils ont certes de quoi s'inquiéter.

• 1035

M. John Herron: Je crois simplement qu'en bout de ligne, il faudra une combinaison des deux, de l'approche volontaire et de la réglementation, si l'on veut qu'il y ait une certaine souplesse.

M. Dick Martin: Nous avons toujours estimé que vous faisiez preuve de gros bon sens dans vos lois. Vous ne serez jamais capable de régler par voie législative tous les problèmes. Nous avons même affirmé, comme vous pouvez le constater dans notre mémoire, que la loi peut servir à des fins économiques, à imposer une taxe verte par exemple sur les substances chimiques toxiques. Il existe d'autres moyens de le faire, mais, en règle générale, nous estimons que tous devraient être assujettis aux mêmes lois. Il n'existe pas ici de loi limitant la vitesse sur les routes que l'on est libre de respecter ou pas. Si la loi prévoit 60 kilomètres à l'heure, il faut censément rouler à 60 kilomètres/heure, que vous soyez premier ministre ou un bas salarié. Nous semblons adopter plus de lois concernant l'utilisation des routes et le trafic, avec raison d'ailleurs si l'on se fie aux accidents tragiques qui se produisent.

On n'hésite pas à réclamer des lois plus sévères à l'égard des jeunes, à exiger l'adoption de lois à leur égard. Cependant, quand c'est l'environnement qui est en jeu, nous nous contentons d'en faire un programme facultatif. Le message n'est pas en réalité très clair. On peut prendre des lois sévères à l'égard des citoyens, mais on laisse les entreprises tranquilles parce que ce sont au fond de bonnes personnes et qu'elles ne polluent pas.

M. John Herron: Vous avez mentionné, dans votre mémoire, que le gouvernement fédéral est celui qui a lancé la mode des compressions en l'environnement en diminuant de 30 p. 100 les fonds alloués au ministère. Il fut un temps où ce ministère se classait au septième rang en importance. Aujourd'hui, il est au 25e rang à peu près. Cela étant dit, pourquoi croyez-vous que se décharger de responsabilités environnementales serait de l'insouciance—je crois que c'est le mot que vous utilisez dans votre mémoire? Je sais que les provinces ont aussi, à plusieurs reprises, effectué des compressions draconiennes. Ainsi, en Alberta, le ministère provincial compte 700 employés chargés de l'exécution de la loi alors que le gouvernement fédéral ne compte que deux personnes responsables de toute la province et des territoires. Quand je vois ce genre de chiffres, la méthode préconisée me fait moins peur qu'à vous.

M. Dick Martin: Je vous répondrai tout d'abord, en m'appuyant sur l'affirmation faite dans le mémoire, que nous estimons que le gouvernement fédéral devrait se faire le fer de lance de la protection de l'environnement et de la dépollution. Par contre, il est tout à fait vrai que beaucoup de provinces ont demandé à assumer plus de responsabilités en matière d'environnement. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elles ont forcé le gouvernement fédéral à leur céder la compétence en la matière, mais elles l'ont certes harcelé. Malheureusement, le gouvernement fédéral semblait plus que disposé à plier à ces exigences. J'en ignore les raisons. Je ne puis que faire des conjectures. De toute évidence, cela avait à voir avec les finances publiques et l'équilibre du budget, mais je crois aussi que d'autres raisons, d'ordre politique, de même qu'un lobby de certaines entreprises l'ont motivé.

Ce sera donc la pagaille dans les règlements et les méthodes d'exécution un peu partout au pays. Une entreprise pourra faire chanter une province qui s'acquitte peut-être mieux que d'autres de ses responsabilités environnementales. On les verra s'arracher les emplois. Une province laissera les entreprises polluer plus qu'elles ne le peuvent dans une autre province. Plutôt que d'essayer de maintenir une norme élevée partout au pays... Nous sommes vivement opposés à ce transfert de responsabilités, car il va à l'encontre des intérêts de tous, certes de ceux des Canadiens et Canadiennes.

Le président: Monsieur Herron, je vous remercie.

Madame Carroll, vous avez la parole, après quoi ce sera mon tour.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1040

Monsieur Martin, vous venez tout juste de répondre à la question que je m'apprêtais à vous poser. M. Herron l'a déjà abordée en vous renvoyant à la page 3 de votre mémoire, là où il est question de réglementer les substances et non les lieux de travail, et d'un gouvernement fédéral qui cherchera par tous les moyens à éviter les inspections et les mesures de conformité susceptibles de remettre en question la sphère de compétence des provinces. Je crois que vous avez probablement déjà donné votre opinion à ce sujet. Je me demande si je fais erreur en concluant que, selon vous, l'accord d'harmonisation intervenu récemment entre le gouvernement fédéral et les provinces ne redressera pas les situations comme celles que vous venez de décrire.

M. Dick Martin: Vous avez raison.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Vouliez-vous ajouter quelque chose là-dessus?

M. Dave Bennett: Oui. J'aimerais donner une précision d'ordre technique. Les ententes et accords environnementaux conclus jusqu'ici ne traitent pas des rapports entre les instances. Ils portent sur l'harmonisation, par exemple, des normes et des procédures d'inspection entre les provinces et avec le gouvernement fédéral. Donc, en principe, l'accord d'harmonisation ne porte pas sur la question dont nous avons discuté ici.

Mme Aileen Carroll: C'est ce que j'avais compris.

Merci, messieurs Bennett et Martin.

Le président: Bien. J'ai une ou deux questions à poser.

Monsieur Martin, à la page 2 de votre mémoire, vous affirmez qu'il faudrait presque dix ans pour adopter une mesure réglementaire sur une substance donnée. J'aimerais avoir des explications à ce sujet. D'après nous, l'article 77 du projet de loi prévoit qu'un avis d'opposition ne peut être déposé que lorsque le ministre décide de ne pas recommander l'inscription d'une substance sur la liste de l'annexe. Il n'y a donc pas de contestation possible lorsque la décision est favorable à l'inscription de la subsistance sur cette liste.

Comment avez-vous pu en arriver à dix ans? Nous nous inquiétons un peu de la lenteur de la loi actuelle. Il nous semble que la loi proposée accélérera en fait le processus, et voilà que vous remettez tout en question en affirmant que cela pourrait prendre dix ans. Pourriez-vous vous expliquer?

M. Dick Martin: Je vais laisser M. Bennett répondre.

M. Dave Bennett: Je n'ai pas l'article 77 avec moi, mais je vais vous croire si vous dites qu'un avis d'opposition ne peut être présenté que lorsque le ministre a pris une décision négative. Si c'est vrai, vous avez raison et nous nous sommes trompés.

Voyons ce que la LCPE a donné jusqu'ici. Qu'arrive-t-il aux substances qui ont été soumises au processus visant à déterminer si elles sont d'intérêt prioritaire? Il existe une série de règlements d'application à cet égard qui sont peut-être bien utiles et importants, mais qui restent très limités. J'apprends qu'une deuxième série de règlements est à l'étude, je crois, sur les produits dégraissants.

Lorsqu'on voit tout le travail à accomplir, les enquêtes, les consultations, la préparation des listes, l'évaluation des priorités, les choix stratégiques et la réglementation elle-même, qui n'est pas une mince tâche, il n'y a pas de quoi être très impressionné par le rendement de la LCPE jusqu'ici si on compare les exigences dictées par la loi avec ce qui a vraiment été fait et la quantité de travail que ça a représenté pour tous les intervenants.

Nous aimerions donc savoir ce qui se trouve dans la LCPE qui permettra vraiment d'accélérer sensiblement le processus. En quoi le projet de loi C-32 peut-il permettre d'espérer que les choses vont vraiment changer comparativement à ce qu'elles étaient avec la LCPE entrée en vigueur en 1988? Nous ne voyons rien dans le projet de loi qui garantisse que le processus sera réellement plus rapide.

• 1045

Le président: Pour revenir à ce dont vous parlez dans votre mémoire, vous avez peut-être de bonnes raisons de faire cette affirmation, car on nous dit qu'il y a un article dans le projet de loi selon lequel, une fois qu'on a décidé d'inscrire une substance sur la liste, deux années doivent s'écouler avant la publication des règlements pertinents. Puis, il faut compter encore 18 mois de plus avant la publication du règlement définitif. Nous en sommes déjà à trois ans et demi. Avez-vous des commentaires à formuler là- dessus?

M. Dick Martin: Oublions donc les dix ans dont nous avons parlé; trois ans et demi me semble une période incroyablement longue pour régler la question d'une substance toxique qu'il conviendrait de régler le plus vite possible. Nous admettons nous être trompés en parlant de dix ans, mais le délai pourrait bien être de trois ans et demi ou de cinq ans. C'est encore bien long pour régler un problème que je dirais sérieux.

Le président: Le comité se penchera certainement sur la question pour déterminer s'il convient ou non de proposer des amendements pour écourter cette période. J'aimerais vous demander ce qui constituerait un délai raisonnable à votre avis.

M. Dick Martin: Comme je connais le gouvernement et la manière dont il change, il me semble que le délai maximal devrait être d'environ deux ans, soit le temps de faire les enquêtes et les études voulues, puis de déposer les règles et les lois qui s'imposent. Nous n'en avons pas discuté, mais à première vue ça me semble être un délai maximal raisonnable.

Le président: Vous vous en tirez très bien même si vous n'avez pas étudier la question, monsieur Martin, puisque c'est ce que le comité a recommandé en 1995, deux ans.

Oui, monsieur Bennett.

M. Dave Bennett: Tout de même, n'est-il pas vrai que le mécanisme d'appel qui met tout en suspens est un élément important du processus? Si le gouvernement décide de ne pas inscrire une substance sur la liste, il importe que l'on puisse contester sa décision puisque le mécanisme d'appel est conçu pour faire en sorte que le gouvernement fasse bien ses devoirs. Ce qui ne va pas peut- être, c'est que l'opération peut être suspendue indéfiniment quand une décision est contestée. D'après ce que je sais, le gouvernement n'est pas tenu de régler les appels dans un délai donné, donc s'il ne fait rien, théoriquement, cela pourrait prendre bien plus que trois ans et demi avant que des mesures soient prises.

Le président: Merci, monsieur Bennett.

Nous pouvons rapidement effectuer un second tour s'il y a des membres intéressés. Y en a-t-il? Oui, monsieur Laliberte, soyez bref, nous vous écoutons.

M. Rick Laliberte: À propos des questions que vous avez posées, j'ai l'article devant moi, et je ne peux pas trouver de référence à la présentation d'un avis d'opposition à l'article 333. Est-ce bien ce dont il s'agit? J'essaie seulement de suivre votre raisonnement et de comprendre. Il semble que...

Le président: J'apprends que ces délais sont prévus à l'article 91, et que la question de l'avis d'opposition est traitée au paragraphe 77(8).

M. Rick Laliberte: Donc, le ministre peut publier une liste de substances d'intérêt prioritaire, mais n'importe qui peut déposer un avis d'opposition et suspendre... Ces dix ans me semblent une estimation tout à fait réaliste.

Le président: C'est possible.

Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Monique Hébert (attachée de recherche du comité): D'après ce que je comprends, monsieur Laliberte, un avis d'opposition ne peut être déposé que lorsque les ministres décident qu'ils ne recommanderont pas l'inscription de la substance sur la liste des substances toxiques. Ils prennent donc une décision négative. Ils décident que cette substance n'est pas toxique, qu'ils n'en recommanderont pas l'inscription sur la liste. Ce n'est que si la décision est négative qu'il peut y avoir avis d'opposition. C'est d'ailleurs l'une des préoccupations de l'industrie. Lorsque les ministres prennent une décision positive, c'est-à-dire quand ils décident d'inscrire une substance sur la liste, l'industrie estime qu'elle devrait avoir le droit de contester la décision, ce qui n'est prévu ni dans la loi actuelle ni dans le projet de loi à l'étude.

• 1050

M. Rick Laliberte: C'est le paragraphe 78(1) qui me dérange. Comment se fait-il que, même une fois que le ministre a publié la liste, n'importe qui peut déposer un avis d'opposition?

Mme Monique Hébert: C'est un des délais prévus par la loi. En fait, la loi accorde un délai de cinq ans pour l'évaluation des substances d'intérêt prioritaire. Maintenant, si les ministres n'ont pas réussi à prendre de décision avant la fin de ce délai, n'importe qui peut demander qu'un conseil de révision soit mis sur pied, dont le mandat serait d'examiner les raisons de l'inaction, si vous voulez.

M. Rick Laliberte: D'accord. Merci.

Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais en poser une à M. Erlichman.

M. Ritchie a tout à fait raison à la page 2 de votre mémoire de mettre l'accent sur la transition et sur les programmes de gestion de celle-ci. C'est un sujet qui a d'ailleurs fait l'objet de longs débats à l'OCDE à la fin des années 80—la gestion de la transition, lorsque les activités et les travailleurs sont touchés par des changements technologiques. Cette terminologie peut toutefois être élargie, si vous voulez. Au Canada, par exemple, on a un programme de transition—on pourrait l'appeler ainsi—celui de la LSPA, lancé dans les collectivités touchées par le moratoire sur la morue.

Il ne fait aucun doute que la transition est un aspect important et j'aime la façon dont vous l'exposez dans votre mémoire:

    Si des gestes concrets sont posés pour protéger l'environnement, ils auront d'importantes répercussions sur les travailleurs et leurs communautés. Dans plusieurs cas, ces communautés risquent de perdre leur assise économique sous le poids des normes de protection de l'environnement.

Après avoir tiré les leçons de cette expérience, on peut se demander jusqu'à quel point il est possible de faire de la prévention pour qu'à l'avenir les collectivités touchées n'aient pas à prendre de mesures de protection de l'environnement pour réparer les dommages causés par les processus à l'origine du problème? Savez-vous s'il y a des exemples en Amérique du Nord?

M. Louis Erlichman: La question est très vaste. J'imagine qu'en général, la façon d'éviter pareil problème consiste à ne pas causer de pollution. Ainsi, les plans globaux de prévention de la pollution devraient être intégrés dans la façon dont les sociétés font affaire, de manière que l'on ne se retrouve pas dans une situation où, après coup, il faudrait d'abord réparer l'atteinte à l'environnement, mais aussi ensuite trouver une solution aux dommages sociaux, au tort causé à la collectivité.

Je me demande si quelqu'un d'autre a un exemple concret à donner, car c'est véritablement quelque chose qu'il faut intégrer dans l'élaboration du processus. Malheureusement, en tant que syndicats, la plupart du temps nous sommes dans une position défensive, nous protégeons nos membres, leurs emplois et, dans une certaine mesure, les collectivités auxquelles ils appartiennent. Certains d'entre nous se sont retrouvés dans des situations plutôt désagréables et ont dû défendre des mesures non écologiques au lieu de voir nos membres perdre leur emploi, leur maison, leur collectivité.

• 1055

Pour nous donc, il est fondamental que le processus s'engage et nous ne croyons pas que cela puisse se faire volontairement. Nous pensons en règle générale qu'il faut l'exiger à tous les niveaux jusqu'à celui des petites entreprises afin de déterminer la façon dont on peut les rendre écologiquement durables. C'est ainsi que l'on doit tenter de minimiser les problèmes de transition.

Nous avons eu une discussion au sujet des laps de temps prévus par cette loi—et j'imagine que si on parle de trois ans et demi, cela ne comprend pas le début du processus, lorsque les substances sont véritablement examinées, les décisions prises, etc. Si des dispositions de transition sont prévues, il est essentiel qu'elles fassent partie intégrante du processus, dès qu'il est engagé; dans le cadre de tout plan de prévention de la pollution, il faudrait se demander qui serait touché si le processus était modifié, si la substance n'était plus produite ou utilisée. Cela pourrait d'ailleurs dépasser le cadre d'un lieu de travail particulier. On a suffisamment de temps si c'est prévu dès le début du processus. Si c'est prévu à la fin du processus, on se retrouve—au mieux—dans une situation comme celle de la LSPA où l'on se contente de donner de l'argent à des gens pendant une période de temps indéfinie pour les aider à survivre.

Je ne suis pas sûr que l'on puisse apporter de meilleure réponse.

Le président: Ce n'est pas un sujet qui se prête à des réponses faciles.

Monsieur Martin.

M. Dick Martin: Le Centre canadien du marché du travail et de la productivité a mené une étude sur ce que les travailleurs et les employeurs ont fait dans certaines collectivités en réponse à des problèmes environnementaux particuliers; il serait bon que vous en ayez un exemplaire. Autant que je me souvienne, les travailleurs du bois, les métallurgistes et même, je crois, le SCFP, y ont participé. Cela vous donne une idée de la coopération et de la planification qui ont eu lieu. Je n'ai pas cette étude ici, mais si vous contactez le CCMTP, je suis sûr qu'il se fera un plaisir de vous l'envoyer.

Le président: Merci.

Madame Kraft Sloan, s'il vous plaît.

Mme Karen Kraft Sloan: Lorsque le comité a entamé le débat sur le plan de prévention de la pollution, je me suis dit qu'il s'agissait d'une possibilité de démocratisation du milieu de travail. Il suffit d'examiner un exemple parallèle—les plans d'équité en matière d'emploi que certaines sociétés, sous réglementation fédérale ou autres, sont tenues d'avoir—les plans d'équité en matière d'emploi préparés de façon rationnelle facilitent la démocratisation du milieu de travail, car tous les niveaux de l'organisation participent à leur élaboration.

De même, la planification de la prévention de la pollution peut avoir le même genre d'effet dans le cadre du travail, car tous ceux qui sont visés—et je veux parler de tous les employés, de l'atelier jusqu'au bureau—peuvent contribuer et présenter leurs solutions, si bien qu'il est possible de démocratiser le milieu de travail. Si l'on va plus loin, jusque dans les collectivités, surtout lorsqu'il s'agit de collectivités tributaires d'une seule ressource, il est possible de faire participer les gens à ces genres de discussions démocratiques qui sont très importantes et qui les aident à opter pour la durabilité.

Je crois que l'approbation du comité relative à la planification de la prévention de la pollution va au-delà de la protection de l'environnement, vise des améliorations au sein de l'organisation et que les efforts déployés, s'ils sont bien ciblés, peuvent également aider les collectivités.

M. Dick Martin: Nous ne sommes pas en désaccord avec vous, mais je peux vous dire que d'après les divers membres du comité... pour revenir à la question des comités mixtes et de la participation, certains employeurs s'opposent férocement à toute discussion relative à la création d'un comité mixte de l'environnement.

J'ai participé à une conférence internationale à Manchester, en Angleterre, et je me suis aperçu à la suite d'une fuite, que d'après certains employeurs britanniques, permettre au syndicat d'avoir son mot à dire au sujet des questions environnementales est la dernière chose à faire; c'est crucial. Peu leur importe que le syndicat participe aux discussions sur la santé et la sécurité, mais pas sur l'environnement, car d'après eux, nous pourrions découvrir ce que sont leurs processus—élaborés sous le sceau du secret—et nous pourrions donc avoir beaucoup plus notre mot à dire dans la gestion de la société.

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Par conséquent, nous ne sommes pas en désaccord avec vous, mais il y a énormément de sensibilisation à faire du côté de l'employeur à ce sujet.

Mme Karen Kraft Sloan: C'est la raison pour laquelle ce processus mène à la démocratisation du milieu de travail; c'est tout le processus de mise en oeuvre de plans sérieux de prévention de la pollution. S'ils sont élaborés comme il se doit, tous les intervenants de l'organisation y participent, ce qui permet de se débarrasser des déséquilibres de pouvoir en milieu de travail, puisqu'il faut que tous se sentent libres de contribuer.

C'est comme la question de la protection des dénonciateurs et celle du droit de refuser de polluer. Nous pouvons voter des lois et il est important pour nous d'indiquer que c'est ce qui nous intéresse, que nous allons les lois mettre en application, mais aussi qu'il est plus facile de faire ce genre de choses dans un milieu où il n'y a plus de déséquilibres de pouvoir et où les gens savent qu'ils ont la possibilité de participer de manière significative. Je sais qu'il s'agit là de questions relatives au milieu de travail qui posent toujours de gros problèmes, même à l'aube du XXIe siècle.

M. Dick Martin: Cela en vaut la peine, n'est-ce pas?

Mme Karen Kraft Sloan: Oui. Il y a toutefois quelques bons exemples et nous reconnaissons votre travail à sa juste valeur.

M. Dick Martin: Merci.

Le président: Merci.

En terminant cette séance, nous tenons à remercier les témoins de ce matin. Nous avons eu un bon échange pendant deux bonnes heures et beaucoup de documents intéressants ont été présentés.

La séance reprendra à 13 h 30 précises. Merci.