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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 juin 1998

• 0907

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Le comité reprend ses travaux sur le projet de loi C-32.

Nous avons eu hier une excellente séance avec M. Moffet et il est désormais évident que si l'on veut que le projet de loi se rapproche de la réponse qu'a fournie le gouvernement au rapport du comité, il va falloir y apporter un certain nombre d'amendements, dont nous allons devoir tenir compte dans la suite de nos délibérations, mais nous avons désormais une meilleure idée, du moins je l'espère, de ce qui sépare le projet de loi et la réponse du gouvernement. Du moins ceux d'entre vous qui étaient là hier en sont sans doute venus à la même conclusion.

Je voudrais aussi attirer l'attention des membres du comité sur une coupure du Globe and Mail du 5 juin. L'article est intitulé «UN treaty to ban chemicals tied to Inuit health» (Traité des Nations-Unies interdisant certains produits chimiques ayant des incidences sur la santé des Inuit). L'article a été rédigé à Washington par Barrie McKenna. Je demande au greffier d'en faire des photocopies que vous pourrez verser à vos dossiers.

Nous recevons aujourd'hui plusieurs groupes: l'Association canadienne des industries de l'environnement, la Canadian Waste Alliance, Stablex Canada Inc. et la Grappe de développement des industries de l'environnement qui, en bonnes environnementalistes qu'ils sont ont pris le train pour venir à Ottawa et nous leur souhaiterons donc la bienvenue lorsqu'ils arriveront.

Je souhaite la bienvenue aux groupes qui sont déjà dans la salle en mon nom personnel et au nom des membres du comité. Nous avons adopté une procédure qui vous donne dix minutes à chacun et réserve suffisamment de temps pour les questions et réponses.

• 0910

Qui veut commencer?

M. Colin Isaacs (président du Comité national de politique, Association canadienne des industries de l'environnement): Monsieur le président, nous avons convenu que j'allais intervenir en premier.

Je m'appelle Colin Isaacs et je suis président du Comité national de politique de l'Association canadienne des industries de l'environnement. Je suis accompagné par Rebecca Last, directrice des programmes et des politiques à l'association.

Nous avons rédigé un mémoire, qui vous a été distribué dans la trousse d'information de l'association. Je vais essayer de le résumer dans le temps qui m'est imparti.

Je vous prie d'excuser l'association qui n'a pas de version française de son mémoire à vous proposer, mais je suis sûr que nous allons y remédier sans tarder.

Le président: Qui est donc M. Portelli, si vous êtes le président?

M. Colin Isaacs: Je suis président du Comité national de politique. M. Portelli est le président de l'association mais il est en vacances cette semaine.

Le président: Il a choisi son jour. Allez-y.

M. Colin Isaacs: Merci, monsieur le président.

Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-32 au comité. Nous nous considérons comme le porte-parole national des industries de l'environnement au Canada. Avec nos associations provinciales affiliées, nous représentons les intérêts de 1 500 sociétés canadiennes qui conçoivent et fournissent des produits, des technologies et des services environnementaux. Nous figurons parmi les secteurs de l'économie canadienne qui connaissent la plus forte croissance.

En 1995, les ventes annuelles des industries de l'environnement ont dépassé 16 milliards de dollars et représentaient 2,2 p. 100 du PIB du Canada. Nos exportations dépassent 1 milliard de dollars chaque année.

Le secteur emploie 123 000 personnes, soit plus que les secteurs du pétrole et du gaz, des produits chimiques, de l'exploitation forestière, des pâtes et papier ou du textile.

Les études internationales prévoient que la croissance de notre marché mondial se maintiendra aux environ de 7 p. 100 jusqu'à l'an 2000 et qu'il pourra atteindre ou dépasser 10 p. 100 sur certains marchés-clés en développement.

L'industrie environnementale au Canada est fondée sur les connaissances et la technologie et elle jouit d'une avance importante au niveau international. On compte environ 4 000 sociétés environnementales installées dans toutes les régions du Canada.

En 1994, l'Association canadienne des industries de l'environnement a participé au processus quinquennal de révision de la LCPE et nous allons expliquer aujourd'hui comment nous analysons le projet de loi par rapport aux questions que nous avons soulevées précédemment. Nous avons remarqué avec un grand intérêt que plusieurs de nos recommandations de 1994 apparaissent dans le projet de loi.

En 1994, nous avions recommandé que les principes du développement durable soient énoncés dans la déclaration et qu'ils soient repris dans le corps de la loi. Nous sommes heureux de voir que c'est ce qu'on a fait. Cependant, nous déplorons le fait que dans la partie 5, sur les substances toxiques, on remarque toujours une attitude prescriptive qui ne concilie pas suffisamment les intérêts de l'industrie et de l'économie avec ceux de l'environnement.

Nos membres qui se consacrent à la gestion des déchets nous ont transmis à maintes reprises leurs sérieuses préoccupations à cet égard. En particulier, nous voulons dénoncer l'absence de définition précise de notions essentielles, comme le mot «déchet», le mot «mesurable», les mots «quasi-élimination», etc., ce qui risque de poser des problèmes d'interprétation dans la réglementation et lors de la mise en oeuvre de la loi.

En 1994, nous avons recommandé au gouvernement d'intégrer le principe de prudence à la LCPE et nous sommes très heureux de voir que c'est ce qu'il a fait. Cependant, contrairement à notre recommandation, aucun article de la loi n'est explicitement consacré à ce principe de prudence. Nous souhaitons qu'il soit intégré dès que possible au projet de loi.

• 0915

En ce qui concerne la consultation multipartite, nous pensons que les dispositions concernant la participation du public sont conformes à ce que nous avions recommandé, soit une formule ouverte, transparente et multidirectionnelle.

Nous avions recommandé en 1994 de prévoir dans la LCPE un système intégré de partage d'information qui permette l'accès, à partir des régions, à tous les niveaux de gouvernement et à toutes les parties intéressées.

Le projet de loi prévoit la création d'un registre de l'environnement. Cependant, le ministre n'est pas tenu de l'utiliser à pleine capacité ni de garantir au public un plein accès à l'information. Nous voulons donc faire une première recommandation à ce sujet: à l'exception des renseignements privatifs, de ceux qui ne concernent qu'une société ou qui ont fait l'objet d'une demande de confidentialité, tous les renseignements recueillis par le ministre dans le cadre de la LCPE devraient être mis intégralement à la disposition du public par l'intermédiaire du registre de l'environnement.

De la même façon, nous recommandons au gouvernement d'accorder la priorité absolue à la création et au fonctionnement d'un centre national d'échange d'information sur la prévention de la pollution, dont les données seront mises intégralement et gratuitement à la disposition du public.

En 1994, nous avons recommandé une approche multimédia et tous azimuts en matière de protection de l'environnement. C'est ce qu'on trouve dans le préambule du projet de loi et nous félicitons le gouvernement d'avoir intégré la notion de biodiversité au texte de la loi.

Nous avions fait des recommandations concernant la gestion du littoral et nous constatons qu'elles ont été reprises dans la loi.

En matière de prévention de la pollution, dont il est question dans la partie 4 du projet de loi, nous constatons que la formulation retenue offre un compromis acceptable entre l'absence de dispositions sur la prévention de la pollution dans l'actuelle LCPE et la portée excessive des dispositions envisagées précédemment.

À notre avis, le gouvernement devrait envisager de lier la reconnaissance de la prévention de la pollution aux instruments économiques qui visent à accorder des incitatifs financiers supplémentaires aux sociétés qui assument leurs responsabilités environnementales dans leur mode de fonctionnement. C'est pourquoi nous recommandons au gouvernement d'envisager des moyens susceptibles de favoriser l'adoption de mesures volontaires par le secteur privé en établissant un lien de dépendance entre les programmes de reconnaissance de prévention de la pollution et des instruments économiques habilement conçus qui récompenseront financièrement les sociétés dont les activités dépassent les normes environnementales fixées par la loi.

En 1994, nous avons demandé que la loi reconnaisse la possibilité que les mesures de protection de l'environnement contribuent positivement à la réalisation d'autres priorités, comme la prospérité économique et la compétitivité à l'échelle mondiale. Le préambule du projet de loi reconnaît la nécessité d'agir en ce sens. Néanmoins, il ne semble pas que notre recommandation ait été intégrée dans le corps de la loi.

Le rôle de la recherche et des transferts de technologie en matière de prévention de la pollution est d'une importance vitale pour l'environnement et l'économie. L'industrie environnementale est à l'avant-garde des efforts déployés en ce sens au Canada. Nous pensons que le rôle de catalyseur de l'industrie environnementale devrait être reconnu officiellement dans la LCPE.

Nous voulons également recommander au gouvernement de renouveler et de préciser son engagement en matière d'infrastructure et de programmes destinés à venir en aide à l'industrie environnementale canadienne, notamment en ce qui concerne la stratégie canadienne des industries de l'environnement, qui n'a pas été renouvelée.

Nous approuvons le recours aux instruments économiques et nous recommandons au gouvernement de consulter l'industrie, en particulier le secteur des industries environnementales, avant d'élaborer les lignes directrices, les programmes et les autres mesures de développement, et de recourir à des instruments économiques et à des formules d'intervention axées sur le marché.

Nous craignons que certains aspects du projet de loi C-32 ne fassent encore appel aux anciennes formules de coercition. Nous pensons qu'il faudrait réétudier et réviser le projet de loi pour en éliminer, dans la mesure du possible, l'imposition de méthodes particulières pour obtenir les résultats souhaitables. La LCPE et ses règlements d'application devraient mettre l'accent sur l'exigence de résultats, et non sur l'imposition de méthodes.

• 0920

Il nous reste trois recommandations, monsieur le président.

Tout d'abord, nous recommandons au gouvernement de faire appel aux comités consultatifs prévus à l'article 7 du projet de loi pour assurer une bonne représentation de l'industrie, en particulier des industries environnementales. Il est question ici d'harmonisation et de coordination.

En matière d'harmonisation, lorsque le gouvernement négocie des accords concernant l'application des dispositions équivalentes visées à l'article 9, il devrait exiger que la priorité soit accordée aux lignes directrices et aux dispositions législatives les plus rigoureuses.

En ce qui concerne l'égalité des chances des entreprises, nous souhaitons que l'on modifie le titre de l'article 328 pour bien indiquer sa nature véritable et nous demandons que le principe de la tarification et les montants perçus en vertu de ce principe soient assujettis à la même surveillance du cabinet en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques que tous les autres montants tarifaires perçus par le gouvernement.

Nos deux dernières recommandations sont les suivantes, monsieur le président: nous pensons qu'il faudrait créer la fonction d'ombudsman indépendant pour vérifier la nécessité et l'efficacité de tous les programmes de tarification. À notre avis, il faudrait les réviser chaque année de façon à éliminer, chaque fois que c'est possible, les interventions gouvernementales et la tarification à laquelle elles donnent lieu, s'il est possible de les remplacer à moindre coût par d'autres mesures.

Finalement, nous recommandons fortement au gouvernement de libérer des crédits suffisants pour assurer une application efficace de la LCPE. Je sais que cette recommandation est conforme à celle qu'a formulée le comité lui-même il y a quelques semaines.

Merci beaucoup, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre maintenant à vos questions et à celles des membres du comité.

Le président: Merci, monsieur Isaacs.

Monsieur Pullen, voulez-vous prendre la relève? Vous avez 10 minutes.

M. Michael Pullen (président de Canadian Waste Alliance): Bonjour.

Le président: Bonjour.

M. Michael Pullen: Monsieur le président, membres du comité, je m'appelle Michael Pullen. Je suis accompagné par Wally Wells, qui est aussi membre de l'Alliance. Nous représentons la Canadian Waste Alliance, qui se compose d'entreprises installées dans les différentes provinces du pays. Un certain nombre d'entre elles sont des sociétés internationales qui s'occupent de transport international de déchets.

La Canadian Waste Alliance comprend également un nombre croissant de cabinets d'experts-conseils d'envergure nationale et internationale qui s'intéressent à la gestion des déchets. Notre groupe a été formé pour se prononcer en particulier sur les mesures et les initiatives fédérales au Canada. Les commentaires que l'Alliance vous soumet aujourd'hui sont formulés dans le contexte des parties du projet de loi C-32 qui concernent exclusivement la gestion des déchets.

Depuis un an, les membres de la Canadian Waste Alliance ont fait connaître au gouvernement leur point de vue au sujet de la nouvelle LCPE. L'Alliance a entrepris ce travail pour faire en sorte que le gouvernement reçoive le plus d'information possible de notre industrie dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi.

Comme le gouvernement, nous voulons contribuer à l'élaboration d'une loi susceptible d'améliorer la législation actuelle et de protéger véritablement l'environnement tout en tenant compte des divers besoins des communautés du Canada.

La dernière version du projet de loi C-32 nous a été soumise pour étude et nous avons été déçus de constater que les commentaires et les préoccupations exprimés précédemment par les membres de l'Alliance à propos de la gestion des déchets sont totalement restés lettre morte. Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'une partie au moins de ce que nous avions proposé méritait d'être prise en compte et que la moindre des choses aurait été de nous faire part des motifs qui justifiaient un rejet total de nos propositions.

Nous pensons que le gouvernement a le devoir d'envisager toutes ces propositions législatives d'un point de vue autre que strictement gouvernemental. Pour parler clairement, disons que le Canada s'applique à satisfaire les dispositions de la Convention de Bâle et des accords canado-américains plutôt qu'a protéger l'environnement. C'est pourquoi nous devons une fois de plus essayer de lui expliquer, par l'intermédiaire de ce comité, pourquoi certaines dispositions du nouveau projet de loi ne pourront pas s'appliquer à la gestion et au recyclage des déchets des industries manufacturières canadiennes.

• 0925

Le préambule du projet de loi affirme que la loi a été créée pour assurer la protection et la le développement durable de l'environnement. En fonction de ce critère, il convient à mon avis d'étudier chaque article, chaque paragraphe et chaque alinéa pour l'évaluer en fonction des objectifs énoncés dans le préambule. Nous affirmons sans détour que de nombreuses parties du projet de loi n'auront nullement pour effet d'améliorer l'environnement actuel ou d'assurer son développement futur.

Deuxièmement, certains articles semblent porter atteinte à d'autres lois en vigueur, comme la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, dont l'industrie et le gouvernement connaissent déjà l'efficacité. L'imposition de droits aux municipalités et aux industries pour de mauvais motifs est déraisonnable. Nous craignons que la mise en oeuvre des propositions et de l'intention du projet de loi C-32 n'aura pas pour effet d'apporter à l'environnement les améliorations dont il a besoin et nous pensons qu'elle ne fera que préserver le statu quo et imposer aux Canadiens un fardeau administratif, bureaucratique et financier supplémentaire et inutile.

Nous demandons respectueusement au comité de réenvisager les objectifs du projet de loi et de veiller à ce que son contenu soit conforme aux dits objectifs, non seulement du point de vue du gouvernement mais également de celui des autres parties intéressées.

Voici quelques domaines dans lesquels il est possible d'améliorer le projet de loi.

Tout d'abord, les définitions de certaines activités sont beaucoup trop vastes par conséquent, trop vagues. Par exemple, on définit la biotechnologie de façon très générale en semblant y inclure les sites d'enfouissement, les composteurs et la fabrication de terre arabe, ce qui risque d'être beaucoup trop général.

Deuxièmement, on pourrait améliorer la définition du combustible en faisant appel à un seuil thermique pour le définir et en précisant si l'on inclut ou exclut les combustibles dérivés des déchets.

Le public ou les fonctionnaires pourraient tirer parti des définitions actuelles en matière d'interprétation. Les membres de l'industrie ont parfois de la difficulté à distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas. Curieusement, les définitions floues de ce genre ont un effet de nivellement par le bas en faveur de ceux qui se préoccupent le moins d'une bonne gestion de l'environnement.

En vertu de la législation actuelle, il est très difficile de déterminer ce qui est ou n'est pas un déchet. Les définitions sont différentes dans chaque province, ce qui pose un problème. En ajoutant une définition supplémentaire, particulièrement au niveau fédéral, on ne fait qu'aggraver ce problème. Il est inutile de préciser que toute erreur d'interprétation de cette définition par l'industrie peut avoir de graves conséquences. Nous avons besoin d'une définition précise des déchets, qui soit compatible avec les définitions provinciales.

À partir de la définition des déchets, on pourra définir d'autres notions comme les déchets recyclables et les combustibles dérivés des déchets. Si le projet de loi a pour objectif de diminuer la production et l'élimination des déchets de toutes catégories, il vous incombe manifestement d'insister dans le projet de loi sur des définitions qui permettent à chacun d'agir de façon à atteindre cet objectif. Il est difficile de bien définir l'ampleur des problèmes résultant de l'incertitude, lorsque certains jours, on en vient à se demander s'il faut conduire à gauche ou à droite.

Par ailleurs, la notion de «quasi-élimination» de l'article 64 nous pose un problème. Quelqu'un disait ce matin, au petit déjeuner, que la notion de «réalité virtuelle» est un oxymoron évident, et que l'inclusion du mot «quasi» dans la loi n'est guère plus sensée.

Nous comprenons que le gouvernement n'accepte pas de bonne grâce de fixer une norme acceptable qui soit supérieure à zéro, mais la quasi-élimination n'est fondée que sur la capacité scientifique de détecter une molécule plutôt que d'en quantifier les effets. On ne peut que spéculer sur l'interprétation que les tribunaux donneront à cette notion de quasi-élimination.

Une bonne partie des aliments que nous absorbons quotidiennement sont toxiques lorsque consommés en dose massive. Un médicament qui aide une personne à demeurer en santé ou à se rétablir peut également entraîner sa mort s'il est pris en quantités excessives. À notre avis, la «quasi-élimination» devrait être liée uniquement à l'évaluation des risques que comportent pour l'environnement et la santé, des concentrations et des expositions précises. On peut arguer avec raison que nous n'en savons pas toujours suffisamment sur certaines substances pour évaluer les risques. Cela ne veut toutefois pas dire que la capacité de détecter une substance en quantités infinitésimales s'avère la seule méthode acceptable pour déterminer ses effets sur la santé et l'environnement.

• 0930

L'industrie que nous représentons et celle pour laquelle nous assurons la gestion des déchets et des produits recyclables sont réfractaires à l'idée que la nouvelle loi serve à imposer une réglementation de débit et des droits sur le transport des déchets et des produits recyclables. Le service fournit par Environnement Canada n'aide aucunement à la protection et au développement durable de l'environnement. En vérité, même s'il a été garanti que les droits récupérés ne correspondraient qu'aux frais d'administration réels du service, nous croyons que ces droits seront inévitablement plus élevés qu'ils ne devraient l'être.

Nous pensons en fait qu'ils ne devraient tout simplement pas être perçus, car ils pourraient ne constituer qu'un irritant supplémentaire à l'égard du coût des produits dérivés de déchets. L'administration de ce programme et de tout autre programme doit être financée à même les revenus généraux et non au moyen d'un droit imposé pour les services rendus, à moins que l'industrie visée puisse contrôler les frais d'administration de ce droit et, au besoin, aller en appel d'offres.

Avant de terminer, j'aimerais signaler certains articles du projet de loi qui, selon nous, devraient être modifiés:

Les fonctions administrations dont il est question à l'article 2 sont des principes qui devraient se retrouver dans la formulation du reste du projet de loi.

Nous présumons que le comité consultatif dont il est question à l'article 6 remplacerait le CCME, qui est efficace. Or, nous n'en voyons pas du tout la nécessité.

À l'article 11, nous estimons que le projet de loi devrait donner une définition claire du terme «action en protection de l'environnement» et que toute personne qui entame une telle action devrait être tenue d'assumer une certaine forme de responsabilité.

À notre avis, il n'est pas nécessaire que le tribunal approuve le règlement ou l'abandon d'une action. Les parties concernées devraient pouvoir s'entendre et prendre la responsabilité de leurs décisions.

Il faudrait modifier l'article 46 de façon que ce soit le gouvernement qui doive expliquer pourquoi certains renseignements n'ont pas été gardés confidentiels. Les raisons doivent tenir au bien public, notamment à la protection de l'industrie.

Dans la partie IV, toute norme de prévention de la pollution devrait se fonder sur une analyse des risques et permettre à l'industrie de se montrer innovatrice et créative dans sa recherche de solutions aux problèmes de déchets et de recyclage.

Notre mémoire propose d'autres amendements sur lesquels je ne m'étendrais pas. En résumé, la position de l'Alliance est simplement celle-ci: nous reconnaissons la nécessité de mettre à jour et d'améliorer la loi, ce que fait le projet de loi en grande partie. Nous sommes d'avis que le Canada doit, premièrement, protéger et améliorer l'environnement et, deuxièmement, respecter les obligations qu'il a choisies d'accepter à l'échelle internationale. Si le gouvernement atteint le premier objectif, il atteindra certainement le second.

Nous estimons que le gouvernement, de son point de vue, pense qu'il a atteint cet objectif. Nous voyons des problèmes au niveau de l'interprétation, de l'imposition de frais, du chevauchement avec les mandats provinciaux, du langage vague et généralisateur dans bien des cas, et un éloignement par rapport à l'évaluation reconnue des risques pour la santé et l'environnement comme fondement de la gestion environnementale.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Pullen.

Qui sera le suivant? Monsieur Gibb, je vous prie. Vous avez 10 minutes.

[Français]

M. Roger S. Gibb (vice-président et directeur général, Stablex Canada Inc.): Monsieur le président et membres du comité, merci de m'avoir permis de me présenter ici aujourd'hui pour faire entendre notre point de vue sur la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Je m'appelle Roger Gibb et je suis vice-président et directeur général de Stablex Canada. Stablex, une entreprise située à Blainville, au Québec, est un chef de file en matière de traitement et de stabilisation de résidus inorganiques. Environ 90 p. 100 de nos clients sont situés dans un rayon de 400 kilomètres de notre usine.

Compte tenu de notre emplacement, le marché américain constitue une partie importante de notre clientèle. Notre entreprise emploie 125 employés, la majorité détenant un diplôme collégial ou universitaire. Stablex est la première et peut-être la seule société de services environnementaux au monde ayant obtenu à la fois les homologations ISO 9001 et ISO 1401. Cela est un élément de fierté pour nous-mêmes, pour le Québec et pour le Canada.

Les homologations ISO, une haute technologie exclusive, nous ont conféré un statut international grâce auquel nous avons pu participer à de nombreuses discussions avec diverses parties sur la possibilité d'exporter cette technologie environnementale partout dans le monde, conformément à la politique d'Environnement Canada et d'Industrie Canada de faire valoir et d'exporter la technologie environnementale.

• 0935

Je suis venu ici aujourd'hui pour aborder un article très précis du projet de loi C-32, la LCPE, qui traite des mouvements des matières et des déchets dangereux et plus particulièrement des importations et des exportations.

L'article 185 du projet de loi C-32 permettrait à Environnement Canada d'imposer des droits pour les services associés au traitement des notifications et des manifestes nécessaires pour les échanges transfrontaliers. À première vue, ces droits semblent tout à fait justifiés et ne semblent pas donner lieu à controverse. Toutefois, quand on analyse un peu mieux la relation entre ces droits et les accords de libre-échange actuels et d'autres politiques telles que la politique relative à l'exportation de la technologie environnementale, on constate que cette question n'est pas du tout simple et que ces droits ne sont pas appropriés.

Le service pour lequel l'imposition des droits sera autorisée dans le cadre de la LCPE est le traitement des notifications et des manifestes pour les mouvements transfrontaliers des déchets et des matières recyclées dangereux. La notification, le consentement et le manifeste sont des exigences prévues dans l'accord bilatéral canado-américain et la Convention de Bâle des Nations unies. L'accord bilatéral est entré en vigueur en novembre 1986, et la Convention de Bâle, en mai 1992.

Il est intéressant de noter que cette exigence existait déjà avant la conclusion de ces accords. En d'autres termes, les accords n'ont pas donné lieu à ces échanges et ne les ont pas entérinés. Ils en ont simplement défini les conditions pour assurer un degré plus élevé de sensibilisation du public et de sécurité. De plus, l'imposition de droits n'a jamais été associée à l'un ou l'autre de ces accords.

[Traduction]

Il convient de discuter du contexte dans lequel se situe le transport transfrontalier des déchets dangereux. Certains ont des inquiétudes au sujet de cette importante activité commerciale, laquelle est importante tant au plan économique qu'au plan environnemental.

Comme nous le savons tous, l'industrie génère chaque année des millions de tonnes de sous produits ou de déchets jugés dangereux. La fabrication de produits allant des voitures aux balles de tennis en passant par les boîtes à pizzas crée des déchets dangereux qui doivent être adéquatement gérés si l'on veut protéger la population et l'environnement. Ces matières dangereuses sont souvent transportées à l'extérieur, dans des installations spécialisées de traitement et (ou) d'élimination conçues spécialement pour en assurer une gestion sure. Le traitement des déchets dangereux constitue l'étape finale du processus de fabrication, une étape aussi importante que les autres.

Certaines installations, comme celles de Stablex, se spécialisent dans le traitement des matières inorganiques alors que d'autres, gèrent des matières organiques. Il est avantageux, tant pour des raisons écologiques qu'économiques, de réduire la distance que doivent parcourir ces matières afin d'être traitées convenablement. Assez souvent, l'installation la plus proche se trouve de l'autre côté de la frontière politique.

Un commerce régional équilibré dans le domaine des déchets dangereux existe entre le Canada et les États-Unis depuis un certain temps déjà. Le commerce des matières et des déchets dangereux entre les États-Unis et le Canada a été reconnu par les deux gouvernements comme étant bien souvent le moyen le plus sûr et le plus efficace d'assurer la gestion de ces matières, car il permet de réduire au minimum la distance sur laquelle elles doivent être transportées.

Cette situation a été entérinée à l'article 191 du projet de loi C-32 ainsi que dans l'accord bilatéral et la Convention de Bâle. Dans un communiqué qu'il faisait parvenir au sous-comité du Congrès des États-Unis étudiant la question, l'ambassadeur du gouvernement du Canada de l'époque, l'ambassadeur Burney, faisait remarquer ce qui suit au sujet de l'accord bilatéral:

    L'accord se fonde sur le principe qu'il convient de traiter les déchets dangereux à l'installation de traitement la plus proche afin de réduire au minimum la distance sur laquelle ils doivent être transportés et d'en assurer l'élimination en toute sécurité.

À cet égard, voici ce que précise un document d'Environnement Canada:

    Le Canada et les États-Unis constatent tous les deux les avantages environnementaux et économiques que représente la réduction des distances que doivent parcourir les déchets dangereux. Par conséquent, environ 100 000 tonnes de déchets dangereux traversent la frontière canado-américaine annuellement, pour se rendre au lieu d'élimination ou de traitement le plus proche.

[Français]

Tandis que l'accord bilatéral crée un protocole relatif au mouvement des matières et des déchets dangereux entre le Canada et les États-Unis, l'Accord de libre-échange Canada—États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain, l'ALENA, créent, eux, l'interdiction de l'imposition de droits et de taxes discriminatoires sur les échanges transfrontaliers de marchandises telles que les déchets dangereux.

Nous sommes d'avis, après avoir consulté les conseils commerciaux dans les deux pays, que l'imposition de droits sur les échanges contreviendrait aux deux accords de libre-échange. Les articles 408, 409(b) et 1402 de l'Accord Canada—États-Unis et les articles 315, 316 et 1202 de l'ALENA s'appliquent tous à cette situation. Essentiellement, les deux accords interdisent l'imposition de droits et de taxes différents pour la marchandise échangée entre les deux nations, des droits et des taxes imposés aux marchandises consommées à l'intérieur de l'un ou l'autre des pays.

• 0940

[Traduction]

Nous trouvons assez ironique le fait qu'Environnement Canada envisage même d'imposer de tels droits étant donné la position qu'a défendue le gouvernement du Canada sur cette question pendant toute la décennie. En septembre 1997 encore, les fonctionnaires de l'ambassade du Canada à Washington ont réitéré l'opposition du gouvernement à l'imposition de droits concernant ces services transfrontaliers. Le ministre et le chef adjoint de la mission à l'ambassade du Canada soulevaient le défi suivant dans une allocution portant sur les obstacles aux échanges et au commerce transfrontaliers:

    Si vous croyez que les gouvernements ont la responsabilité d'assurer un financement adéquat à partir des recettes générales afin de répondre aux besoins transfrontaliers actuels et futurs, alors c'est le message qu'il faut véhiculer.

Il va sans dire que c'est ce que nous croyons et nous espérons que le comité confirmera la position longtemps défendue par le gouvernement et qu'il recommandera l'élimination des droits prévus dans le projet de loi.

[Français]

Toutefois, si des droits étaient imposés, des droits semblables devraient alors être imposés sur le mouvement intérieur des déchets et des matières recyclées. Il semble qu'Environnement Canada ait demandé le pouvoir de le faire à l'article 189 du projet de loi C-32. Cet article autoriserait l'imposition de droits sur le mouvement intérieur des matières en question. L'article 189 présente certains problèmes car il semble contrevenir à l'accord d'harmonisation fédéral-provincial-territorial.

Actuellement, le mouvement interprovincial est régi par des règlements provinciaux. Tout dédoublement des mécanismes de contrôle existants est tout à fait non nécessaire. Il n'est certainement pas approprié d'imposer des droits pour un tel dédoublement. En cette période où Environnement Canada s'inquiète des coûts actuels reliés à l'administration des contrôles, l'attribution de pouvoirs non nécessaires n'est pas justifiée. Peut-être les droits mentionnés à l'article 189 sont-ils prévus dans le projet de loi C-32 uniquement comme moyen de tenter de prévenir les conflits éventuels de libre-échange avec l'article 185. Ce n'est certainement pas une bonne politique que d'imposer une taxe simplement pour en justifier une autre.

Si vous me le permettez, j'aimerais aborder d'autres éléments de mon exposé écrit. Les droits actuels envisagés par Environnement Canada par l'intermédiaire d'un mécanisme de récupération des coûts en vertu de la Loi sur les finances publiques auraient comme impact non seulement de réduire considérablement notre capacité de demeurer concurrentiels à long terme, mais aussi de nous priver de ressources importantes dont nous avons besoin pour exporter notre technologie partout dans le monde. Je le répète: ces droits auraient un effet négatif sur la politique du gouvernement relativement à l'exportation de la technologie environnementale canadienne.

En conclusion, nous demandons que l'autorisation imposée des droits prévus dans les articles 185 et 189 soit retranchée du projet de loi.

Monsieur le président, merci encore une fois de m'avoir permis de me présenter devant le comité.

Le président: Merci, monsieur Gibb. J'ai été heureux de vous écouter.

Les représentants de la Grappe de développement des industries de l'environnement ne sont pas encore arrivés. Nous commencerons sans eux. Nous leur accorderons 10 minutes quand ils arriveront.

[Traduction]

Monsieur Gilmour, voulez-vous commencer?

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Je vous remercie d'être venu comparaître devant le comité.

Vous nous avez exposé des positions assez tranchées. J'aimerais savoir si vous considérez que ce projet de loi est un pas dans la bonne direction, s'il constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle ou s'il constitue plutôt un pas en arrière? Quelles sont vos impressions au sujet du projet de loi? Vous avez formulé un certain nombre de critiques à l'endroit du projet de loi, mais dans l'ensemble...

M. Michael Pullen: Dans l'ensemble, le projet de loi constitue clairement une amélioration relativement à la gestion des déchets dangereux, mais à notre avis, ce qu'on nous propose est à peu près la même chose qu'il y a un an. Le projet de loi impose des droits qui vont accroître le coût des services. Il soulève également des inquiétudes au sujet du contrôle du débit des matières dangereuses qui seront transportées entre le Canada et les provinces ainsi que les pays étrangers, ce qui n'était pas l'objet de la Convention de Bâle.

M. Bill Gilmour: Très bien.

M. Colin Isaacs: Nous sommes d'accord pour dire que le projet de loi constitue un progrès. Il est cependant difficile de mesurer ce progrès. Si suffisamment de ressources sont affectées à la mise en oeuvre et à l'application de la loi, on pourra dire qu'il s'agit d'un grand progrès. En vérité, ces deux aspects-là de la question revêtent sans doute encore plus d'importance que les modifications à la loi elle-même.

Comme le comité l'a souligné dans ses rapports précédents, le gouvernement canadien n'attache pas autant d'importance à l'environnement que ce que nous voudrions lui voir accorder. Je crois que ce qui revêt le plus d'importance à l'heure actuelle c'est de faire en sorte que le gouvernement accorde une priorité absolue à la protection de l'environnement.

• 0945

M. Roger Gibb: Je crois qu'il importe que cette loi fasse l'objet d'un examen aussi rapidement que possible. Cela importe pour que le gouvernement puisse s'acquitter de ses responsabilités traditionnelles instamment à l'échelle internationale, en ce qui touche le protocole de Kyoto, la protection des cours d'eau et de la faune, etc.

Je crois qu'on peut dire que par ce projet de loi le gouvernement fédéral intervient dans des domaines qui ont jusqu'ici été réservés aux provinces. Prenons le cas des programmes de prévention de la pollution. Le gouvernement fédéral devra collaborer sur le terrain avec l'industrie pour établir une liste des substances toxiques. Je crois qu'il faut insister sur la collaboration intergouvernementale. Le rôle de chef de file et d'animateur suppose cependant une intervention directe dans ce secteur.

En résumé, je crois que le projet de loi s'engage dans la bonne voie. Les dispositions portant sur l'établissement d'un registre et la protection des dénonciateurs sont, à mon avis, souhaitables et se comparent aux dispositions qu'on trouve dans des lois adoptées par d'autres pays. Comme le projet de loi insiste sur l'intervention, cela risque cependant de poser certaines difficultés.

M. Bill Gilmour: Pour ce qui est des mesures volontaires—et je sais que nous détestons tous ce mot et qu'il serait préférable d'en trouver un autre—le dilemme est que 80 p. 100 des entreprises sont sans reproche. Vous avez proposé des stimulants, et cette idée me plaît. Mais que peut-on vraiment faire pour aider les entreprises récalcitrantes à se conformer à la loi? Comment en arriver à un juste équilibre entre les mesures volontaires et l'imposition de mesures lorsque certains intervenants refusent de respecter les règles du jeu?

M. Colin Isaacs: En insistant sur le fait que nous n'aimons pas le mot «volontaire», vous venez de faire ressortir le problème. Vous savez sans doute que dans d'autres pays, les mesures volontaires s'accompagnent souvent de sanctions si on refuse de s'y conformer. Le Canada n'a pas mis l'accent sur les sanctions. En outre, la loi et la réglementation n'ont pas été mise en oeuvre avec autant de rigueur qu'on le souhaiterait.

Par ailleurs, je pense qu'on ne peut pas simplement compter sur la bonne volonté de 80 p. 100 des entreprises, mais qu'il faut établir des normes auxquelles toutes les entreprises sont tenues de se conformer si l'on veut concilier la protection de l'environnement et le développement économique.

M. Michael Pullen: Les lois provinciales ainsi que la loi fédérale ne visent pas à récompenser les entreprises qui s'efforcent de respecter les normes. Les lois visent à sanctionner le comportement d'un petit pourcentage, soit 10 ou 20 p. 100, d'entreprises qui ne s'y conforment pas. Les lois ont donc nécessairement un caractère restrictif. Elles obligent certains groupes à adopter certains comportements. Cela vaut tant pour les municipalités que pour l'industrie.

Nous tentons de voir comment—et c'est un problème universel en matière de lois et de règlements—de faire une distinction entre les groupes qui ne sont pas diligents et qui violent la loi et ceux qui font un effort sincère pour respecter la loi, volontairement, grâce à leur propre système de gestion environnementale. Il faudrait pouvoir promouvoir ces efforts et donner des primes ou des incitatifs à ceux qui les déploient.

• 0950

Je ne crois toutefois pas que l'on puisse accomplir cela avec une seule mesure législative. Si vous prévoyez cela dans une loi, cela aura un effet sur ceux qui tentent de faire ce qu'il faut, et ce serait très restrictif. Il faudrait prévoir une mesure de protection pour eux.

Le président: Merci, monsieur Gilmour.

[Français]

Les représentants de la Grappe de développement des industries de l'environnement sont arrivés. Monsieur Cabana et monsieur Dubé, je vous souhaite la bienvenue au comité. Nous vous accordons 10 minutes pour exprimer votre point de vue. Si vous avez préparé un texte, je vous invite à le distribuer.

M. Serge Cabana (président-directeur général, Grappe de développement des industries de l'environnement): Je vous remercie beaucoup et je vous prie de nous excuser de notre retard. Nous n'avons pas préparé de texte en vue de vous le distribuer ce matin, mais si vous le désirez, nous pourrons le faire. Nous vous présenterons un avis préliminaire ce matin.

La Grappe de développement des industries de l'environnement est constituée de cinq comités sectoriels dans les domaines de l'eau, de l'air, du sol, des déchets et de la gestion environnementale. Compte tenu des contraintes de temps que nous connaissons en cette période-ci de l'année, nous avons préparé le point de vue de la Grappe avec notre exécutif. Nous vous présentons donc ce matin un avis préliminaire et rapide qu'on pourra approfondir à votre demande.

C'est au nom de l'industrie québécoise de l'environnement que nous intervenons ici ce matin. Je vous présenterai brièvement l'industrie québécoise de l'environnement et la Grappe. Mon collègue, Me Robert Dubé, vous présentera par la suite notre analyse du projet de loi à l'étude. Je formulerai ensuite quelques recommandations.

Il est important de souligner que l'industrie québécoise de l'environnement, tout comme sa contrepartie canadienne, ne se porte pas aussi bien qu'elle se portait il y a quelques années. Depuis deux ou trois ans, on fait face au Québec à une décroissance et à une stagnation du marché national. Le nombre de nos entreprises en environnement est passé de 850 à 750, tandis que le nombre d'emplois est passé de 15 000 à 12 000. Nous avons connu une baisse de notre marché local, ce qui nous incite à nous attaquer de plus en plus aux marchés d'exportation qui dépendent de notre développement technologique, lequel dépend en bonne partie de la réglementation.

J'aimerais aussi vous rappeler que l'industrie québécoise de l'environnement est axée en grande partie sur les petites et moyennes entreprises, ce qui entraîne une foule de contraintes. À titre d'exemple, plusieurs d'entre elles n'ont pas d'avocat pour les aider à interpréter les textes de lois et de réglementation.

La Grappe existe depuis trois ans. C'est un réseau de décideurs et d'entrepreneurs en environnement qui regroupe surtout l'industrie des services et des technologies environnementales, ainsi que des chercheurs et des représentants gouvernementaux, tant du Québec que d'Ottawa, et des représentants des universités et des syndicats. La Grappe est d'abord un réseau qui regroupe la plupart des intervenants en environnement autour de l'industrie.

Je décrirai un peu ce que fait la Grappe pour redresser une situation qui ne va pas très bien, ce que je vous avoue en toute humilité.

Nous oeuvrons afin de développer cette industrie et travaillons très fort depuis deux ans à la réalisation de cinq projets. On a établi un réseau de veille, d'intelligence comme on dit, qui s'appelle ÉCO-RADAR et qui vise à fournir de l'information privilégiée à nos entreprises. Nous avons collaboré à la création d'un comité sectoriel de la main-d'oeuvre en environnement, sujet qui est pour nous un problème important. Ce comité regroupe maintenant tous les intervenants. On a aussi démarré un concours visant à financer des projets de démonstration en réunissant une dizaine de sociétés d'investissement. Depuis quelques semaines, nous avons démarré notre club export en environnement en vue de réunir nos petites et moyennes entreprises afin de leur permettre d'aller chercher certains gros contrats grâce à ce partenariat.

• 0955

Ce qui nous amène ici ce matin, c'est que nous avons créé un comité de politique et de réglementation qui travaille depuis un an à la mise sur pied d'un comité mixte qui maintiendra des dialogues soutenus avec le ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec et avec Environnement Canada.

Je vous présente Me Robert Dubé, qui siège à notre comité de politique et de réglementation et qui vous présentera notre analyse ou critique du projet de loi.

M. Robert Dubé (Comité de politique et de réglementation, Grappe de développement des industries de l'environnement): Merci beaucoup, monsieur Cabana.

Comme le mentionnait M. Cabana dans son introduction, nous vous présentons un avis préliminaire. En raison du court laps de temps dont il a disposé, notre comité de politique et de réglementation n'a pas réussi à réunir tous les membres et à consulter tous les présidents des différentes tables sectorielles.

La critique que nous vous présentons aujourd'hui fait ressortir quatre points positifs et quatre points négatifs du projet de loi. Comme vous pouvez le constater, nos commentaires sont quand même équilibrés.

Parmi les points positifs, les dispositions ou les incitatifs pour l'implantation de plans de prévention et de systèmes de gestion de l'environnement sont ressortis de nos discussions. Selon la loi, les systèmes de gestion de l'environnement seront ordonnés par les tribunaux. Nous y voyons une belle occasion de stimuler notre industrie dans la mesure où ces systèmes de gestion de l'environnement se retrouveront en amont des entreprises, où on verra par la suite à établir des objectifs, des cibles et des plans correcteurs conformes à la politique environnementale découlant du système de gestion de l'environnement.

Évidemment, lorsqu'on parle de systèmes de correction, cela représente pour nous des technologies ou du développement de notre industrie puisque les donneurs d'ordres solliciteront la collaboration de nos membres pour mettre en place ces systèmes de gestion de l'environnement, que ce soit au niveau des équipements ou encore au niveau des services professionnels. Pour nous, évidemment, c'est une mesure qui est prévue dans le cadre de la loi et qui sera ordonnée ou imposée par un tribunal. Nous souhaitons que cette mesure soit adoptée par d'autres entreprises sur une base volontaire, ce que certaines ont déjà commencé à faire. Peut-être qu'en donnant l'exemple, on incitera davantage d'entreprises à mettre en place ces systèmes de gestion de l'environnement.

Le deuxième point positif est le principe de la quasi-élimination. À notre avis, cette mesure est fort louable en soi et nous permettra probablement de devenir concurrentiels avec d'autres pays qui mettent en place ce genre d'approche. Pour nous, la quasi-élimination est en rapport avec les technologies de détection ou du seuil détectable, ce qui, encore une fois, stimule notre industrie.

Quant au troisième point positif, bien qu'il puisse paraître paradoxal compte tenu des positions dont on discute actuellement au ministère de l'Environnement et de la Faune, on sent que dans ce projet de loi, il y a une volonté de réglementer. Pour notre industrie, la réglementation est le fer de lance ou le stimulant qui l'aide à se développer. Dans ce sens-là, le comité considère que l'arsenal réglementaire qui sera établi sera un stimulant positif.

Quant au quatrième point positif, de façon générale, on sent nettement que l'ensemble du texte de loi poursuit l'objectif du développement durable.

Je parlerai maintenant des quatre points négatifs. On sent qu'il y a un alourdissement général. En effet, ce texte de loi comporte 366 articles. Pour nos PME membres, il n'est pas toujours évident de bien maîtriser l'ensemble de cette documentation, ou ses tenants et ses aboutissants. Il faut comprendre que ce ne sont pas tous nos membres qui disposent à l'interne des services d'un avocat qui peut les guider dans l'application de la loi et lire entre les lignes du projet de loi. Notre comité, qui est composé essentiellement de membres bénévoles, se penche sur cet aspect.

Comme deuxième point négatif, on n'allège pas la bureaucratie. Il y a plusieurs obligations de déclaration et de transmission de renseignements. On soupçonne aussi des augmentations des délais et de la paperasse.

Le troisième point négatif porte sur les droits réglementaires, qui sont nouveaux et risqués. Pensons notamment aux organismes vivants. Plusieurs entreprises de notre industrie mettent au point des technologies de décontamination des sols qui utilisent des organismes vivants. Les droits afférents ou les droits réglementaires risquent de nuire. Dans ce cas-ci, on ne parle plus du principe du pollueur-payeur, mais bien de celui du solutionneur-payeur.

• 1000

Quatrièmement, il y a évidemment certains chevauchements et dédoublements avec certaines lois, notamment la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec et le règlement sur les rejets dans l'air. Il y a l'obligation de renseigner sur presque tous les types de substances. On revient sur cet élément dans les recommandations que M. Cabana va vous présenter.

Je vous remercie.

M. Serge Cabana: Voici quelques principes au niveau des recommandations. Il y a la poursuite du développement durable, la philosophie de gestion des 3RVE et le principe du pollueur-payeur. À cet égard, on doit continuer d'aller de l'avant.

Nous favorisons aussi le principe du contrôle gouvernemental des résultats, c'est-à-dire la norme au bout du tuyau plutôt que les moyens pour l'atteindre. Cela nous semble extrêmement important. On sent cette approche-là, mais elle n'est pas toujours évidente dans le texte de loi. Finalement, au niveau des principes, il y a la recherche de l'équilibre entre l'implantation d'une réglementation serrée, réaliste et efficace et l'allégement bureaucratique nécessaire pour les investisseurs et les promoteurs.

Nous vous faisons deux recommandations générales et deux recommandations spécifiques.

Premièrement, nous recommandons l'harmonisation des lois et des règlements entre le provincial et le fédéral. Cela nous inquiète.

Deuxièmement, il faut alléger la bureaucratie. Elle est lourde selon le texte actuel. Il y a un fardeau supplémentaire de paperasse et des délais supplémentaires. Qui dit délais, dit délais dans les investissements.

Voici les deux recommandations spécifiques. Si on conservait les fameux droits réglementaires qui nous préoccupent, il y aurait peut-être lieu de créer une agence qui impliquerait des associations industrielles et verrait à la redistribution de cet argent afin qu'il serve bien à la protection de l'environnement et au développement de l'industrie de l'environnement.

Notre deuxième et dernière recommandation est qu'il faut peut-être penser à l'implantation de guichets uniques, dans certains cas spécifiques, comme solution aux dédoublements et chevauchements entre le provincial et le fédéral.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Cabana. Merci, monsieur Dubé.

Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

M. Bernard Bigras (Rosemont, BQ): Je vais commencer par poser une question à la Canadian Waste Alliance.

Vous craignez que l'article 185 du projet de loi décourage le recyclage et impose injustement des frais à un seul groupe. M. Gibb de Stablex, quant à lui, nous a indiqué ces mêmes inquiétudes, sauf qu'il est allé plus loin que vous.

Je voudrais savoir si, comme lui, vous êtes d'avis que l'imposition de droits sur ces échanges contreviendrait aux accords de libre-échange avec les États-Unis. Je voudrais savoir si vous vous êtes penchés là-dessus.

[Traduction]

M. Michael Pullen: Monsieur Bigras, le secteur du recyclage des déchets est assujetti à des taxes qui ne sont pas imposées au secteur des produits vierges. Cela accroît donc les coûts de nettoyage, de tri, de contrôle de la qualité et de transformation. Ces coûts additionnels les placent dans une situation concurrentielle désavantageuse par rapport au secteur des produits vierges.

L'ACIE—toutes les entreprises membres de notre Alliance—tentent désespérément de réduire sur tous les fronts les coûts associés au recyclage, car le recyclage n'est profitable et ne le restera que s'il y a des débouchés. Si le secteur du recyclage ne peut soutenir la concurrence sur le marché, le recyclage ne se fera plus.

Pour en revenir aux remarques de M. Cabana, je ne peux être d'accord avec lui. Nous tentons de réduire les coûts, mais cela nous apparaît comme un coût additionnel. C'est une des raisons pour lesquelles tous les intéressés tentent de faire retirer les matériaux recyclables de la catégorie des «déchets», car les deux sont assujettis à une législation et une réglementation différentes. Nous voyons mal pourquoi les piles usagées sont réglementées alors que les piles neuves ne le sont pas. Elles ont la même incidence sur l'environnement.

• 1005

[Français]

M. Bernard Bigras: J'ai aussi une question pour M. Cabana. M. Cabana nous a démontré assez éloquemment l'importance de l'industrie de la protection de l'environnement au Québec, qu'on appelle l'IPE. Cela représente plusieurs dizaines de milliers d'emplois, et je pense qu'il faut tout faire pour développer cette industrie. Il nous a énoncé quatre points positifs et quatre points négatifs du projet de loi.

Ma question est la suivante. Dans l'optique de favoriser le développement durable, est-ce qu'il n'estime pas que ces quatre points négatifs viennent réduire, sinon annihiler l'impact de ce que nous faisons pour favoriser le développement durable?

On dit que le texte de loi est lourd, qu'il n'y a pas d'allégement de la bureaucratie et qu'il y a des chevauchements. Est-ce que cela n'est pas une contrainte au développement durable?

M. Serge Cabana: Monsieur Bigras, je suis bien d'accord sur votre interprétation. Pour nous, la difficulté, c'est que ce projet de loi doit nécessairement tenter de conjuguer avec des intérêts diversifiés, divergents et parfois même contradictoires. D'une part, on doit protéger l'environnement; d'autre part, les intérêts des grands utilisateurs de nos services et de notre industrie ne sont pas toujours nécessairement les mêmes. Chacun a ses intérêts de développement propres.

Pour nous, ce projet de loi est lourd et difficile à interpréter, et il peut entraîner de la confusion et des chevauchements. On n'a pas eu le temps d'étudier à fond ces chevauchements, mais on a pu noter certains chevauchements et dédoublements. Tout cela va imposer à nos entreprises un fardeau bureaucratique supplémentaire et il y aura un risque de confusion dans l'interprétation.

Pour nous, il n'y a rien qui immobilise davantage un promoteur que de ne pas savoir et d'être dans la confusion. Un entrepreneur a besoin d'avoir des règles du jeu claires, de savoir à quoi il va être soumis, à quoi il devra répondre.

Présentement, ce texte n'est pas tout à fait assez clair. Pour l'entrepreneur du Québec, qui est déjà soumis à la réglementation et à la loi québécoises, le projet de loi ajoute à son fardeau, alors qu'on est dans une période où on veut stimuler les investissements et les projets plutôt que de les bâillonner.

Le président: Merci, monsieur Bigras.

[Traduction]

Les prochains intervenants seront MM. Jordan et Knutson, suivis de Mme Kraft-Sloan et de MM. Gallaway et Charbonneau.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): J'ai deux courtes questions à vous poser. La première s'adresse à la Canadian Waste Alliance: Avez-vous une idée du nombre de vos membres qui se conforment ou tentent de se conformer à la norme ISO?

M. Michael Pullen: Non, monsieur Jordan, je ne saurais vous dire. Toutefois, je peux vous dire que deux de nos membres envisagent de mettre en place une série de normes ISO 9000 pour certaines installations de récupération des matériaux, et qu'un de nos membres tente d'obtenir la certification ISO 14 000 pour une décharge, ce qui est plutôt difficile.

M. Joe Jordan: D'accord.

Monsieur Gibb, avez-vous participé à la certification de votre entreprise?

M. Roger Gibb: Oui.

M. Joe Jordan: Si j'ai bien compris, vous établissez des normes, vous élaborez des procédures, vous vous dotez de mesures pouvant être vérifiées objectivement et vous vous soumettez à des vérifications par des tiers. Est-ce à peu près ainsi que cela fonctionne?

M. Roger Gibb: Oui. Les normes ISO 9001 portent sur les systèmes d'assurance de la qualité et les normes ISO 14 001, sur les systèmes de gestion environnementale.

M. Joe Jordan: Diriez-vous alors que votre entreprise est plus concurrentielle depuis qu'elle a obtenu cette certification?

M. Roger Gibb: Absolument.

M. Joe Jordan: Si les mesures de coercition sont une extrémité et les mesures de conformité volontaires, à l'autre, où se situerait la certification ISO 9000 qu'a obtenue votre entreprise? Si vous dites aux gens: «Voici ce que nous voulons faire. Faites-le comme vous voulez.» Ou «Voici ce que nous voulons faire et voici comment cela doit être fait, évalué et vérifié.» Où, entre ces deux extrêmes, se situerait la norme ISO?

M. Roger Gibb: Elle se situerait plutôt du côté des mesures volontaires. Une entreprise qui a obtenu une certification ISO 14 001 répond aux règlements municipaux, provinciaux et fédéraux ou les dépasse.

M. Joe Jordan: Mais, à l'interne, vous ne laissez pas vos employés atteindre les objectifs de l'entreprise comme bon leur semble. Ils doivent se conformer à des normes et à des procédures.

• 1010

M. Roger Gibb: Oui. La norme ISO 14001 prévoit l'établissement de procédures d'exécution. Elle prévoit aussi l'établissement de buts, d'objectifs, et ainsi de suite, ainsi que d'un système de vérification interne et externe pour garantir l'efficacité des méthodes et pratiques.

M. Joe Jordan: Oui. Voici où je veux en venir avec ma question: Essentiellement, l'imposition de ce qu'on pourrait considérer comme des mesures bureaucratiques envahissantes a en fait rendu votre entreprise plus concurrentielle et efficace.

M. Roger Gibb: Le gouvernement ne nous a certes pas encouragés à nous conformer à la norme ISO 14000. Que je sache, le gouvernement canadien n'a jamais approuvé la norme ISO 14000.

M. Joe Jordan: Je ne crois pas que le gouvernement devrait adopter une norme ou l'autre; seulement, il me semble que les règles, les procédures et les mesures imposées par le gouvernement sont bénéfiques.

M. Roger Gibb: Si elles ne sont pas obligatoires mais volontaires. Ce sont surtout les initiatives dictées par le marché qui sont fructueuses.

La certification ISO 14000 nous confère un avantage concurrentiel. Nous pourrions vous prouver que c'est le cas pour notre entreprise et pour bien d'autres. Mais ce n'est pas le gouvernement qui nous a incité à obtenir cette certification—essentiellement, c'est ce que je voulais dire.

M. Joe Jordan: Oui, et comme l'a fait remarquer M. Gilmour à juste titre, un des problèmes, c'est que le terme «observation volontaire» n'a pas le même sens pour tous. Lorsque l'observation est volontaire, chacun décide volontairement de s'y conformer ou non.

M. Roger Gibb: C'est exact.

M. Joe Jordan: Les mesures qui mènent à cette conformité ne sont ni volontaires ni discrétionnaires. Elles sont établies avec précision.

M. Roger Gibb: En effet.

M. Joe Jordan: Très bien.

Vous dites que 100 000 tonnes de déchets traversent la frontière. Pourriez-vous nous dire quelle proportion passe du Canada aux États-Unis et inversement?

M. Roger Gibb: C'est à peu près égal. C'est un échange bilatéral—100 000 tonnes proviennent du nord et 100 000 tonnes proviennent du sud.

Il ne s'agit pas nécessairement des mêmes déchets, manifestement, et c'est ce que nous voulions souligner—ainsi, certaines installations sont mieux équipées pour recevoir des déchets organiques. De plus, du point de vue géographique, nous sommes prêts de la Nouvelle-Angleterre et il est logique que nos clients se concentrent sur le Québec et la Nouvelle-Angleterre. Notre position, qui jouit de l'appui du gouvernement du Québec depuis la création de notre entreprise en 1983, a toujours été de desservir une région, quelles que soient les frontières politiques qui la traversent.

M. Joe Jordan: Je vois. Par conséquent, une entreprise qui veut acheter des déchets doit s'assurer que ses installations peuvent les recevoir.

M. Roger Gibb: Oui.

M. Joe Jordan: Le prix est-il un facteur important?

M. Roger Gibb: Le prix est le facteur le plus important.

M. Joe Jordan: Les possibilités sont si nombreuses que cela?

M. Roger Gibb: Selon les sondages que nous avons menés auprès de nos clients, la principale considération est en fait ce que nous appelons la tranquillité d'esprit, c'est-à-dire de pouvoir traiter avec une entreprise professionnelle, qui a un excellent bilan en matière environnementale, et ainsi de suite.

Le deuxième facteur est celui du prix. À l'égard du marché américain, la procédure de notification prévue par l'Accord bilatéral canado-américian et par l'Accord de Bâle constitue un handicap pour nous. Ça représente des frais annuels de 300 000 $, un coût supplémentaire que nous ne pouvons refiler à nos clients américains.

M. Joe Jordan: Je vois. Avez-vous constaté une augmentation de la demande compte tenu de la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain?

M. Roger Gibb: Non. Les prix canadiens et américains sont très semblables. C'est un marché très ouvert.

M. Joe Jordan: Alors, même si l'on tient compte de ce facteur... d'accord, merci.

Le président: Merci, monsieur Jordan.

Madame Kraft Sloan, vous avez la parole.

Mme Karen Kraft Sloan (York North, Lib.): Merci beaucoup. Tout à l'heure, lorsqu'on a parlé de l'observation volontaire, on a dit que seulement 10 à 20 p. 100 des entreprises ne se conforment pas aux normes; j'aimerais savoir d'où proviennent ces chiffres.

M. Michael Pullen: Si je peux me permettre de répondre, c'est Bill Gilmour qui a donné ce chiffre et je crois que c'était une conjecture.

M. Bill Gilmour: Ce n'était que...

Mme Karen Kraft Sloan: Très bien, j'ai entendu des témoins parler de 10 p. 100 et 20 p. 100, et je me demandais si vous aviez des statistiques que je n'avais pas.

M. Michael Pullen: Non. J'ai utilisé les mêmes chiffres que M. Gilmour.

M. Bill Gilmour: Peter...

[Note de la rédaction: Inaudible]... s'est tservi plus ou moins de ces chiffres.

Mme Karen Kraft Sloan: Je crois qu'il avait dit que, en moyenne, c'est 60 p. 100 du secteur qui respecte volontairement les règles et 94 p. 100 lorsque des règlements exigent que les industries se conforment à certaines mesures particulières.

M. Bill Gilmour: Pour faire une comparaison approximative, il a parlé de 80 p. 100 et de 20 p. 100.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vois. Il semble donc que mes chiffres soient différents des vôtres, monsieur Gilmour.

J'aimerais maintenant poser une question à l'Association canadienne des industries de l'environnement au sujet du principe de prudence; vous avez proposé un libellé précis à ce sujet, n'est-ce pas?

Mme Rebecca Last (directrice des programmes et politiques, Association canadienne des industries de l'environnement): Excusez-moi, vous m'avez demandé si nous avons un libellé précis à proposer?

Mme Karen Kraft Sloan: Oui.

Mme Rebecca Last: Non. Dans notre mémoire, nous avons recommandé qu'une partie particulière de la loi porte sur le principe de prudence, tout comme une partie de la loi est consacrée à la prévention de la pollution.

Mme Karen Kraft Sloan: Avez-vous un libellé à proposer?

Mme Rebecca Last: Pour cet article?

• 1015

Mme Karen Kraft Sloan: Oui.

Mme Rebecca Last: Pas pour l'instant, mais nous serons ravis d'y travailler et de vous faire parvenir notre suggestion.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vous en saurais gré. Merci.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan. M. Gallaway a disparu, alors je cède la parole à

[Français]

M. Charbonneau.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Je crois qu'il faut prendre quelque temps pour souligner l'importance des témoignages des industries de l'environnement, qui se situent ailleurs que les témoins que nous avons entendus jusqu'à maintenant, c'est-à-dire les grandes industries et les écologistes. Ces gens qui sont devant nous sont en quelque sorte les opérateurs au quotidien de la gestion environnementale. Ils sont en charge du nettoyage, de la prévention et de la planification dans beaucoup d'entreprises ou auprès de beaucoup d'entreprises. Ils nous apportent un point de vue équilibré sur lequel nous avons tout intérêt à nous arrêter. Nous devrions peut-être même trouver une occasion d'approfondir le message qu'ils nous livrent aujourd'hui et qu'ils ont dû préparer assez rapidement.

En particulier, j'aimerais trouver une occasion de voir une approche qui nous permette de comprendre d'une manière mieux intégrée les positions qui nous sont présentées. Par exemple, l'industrie canadienne, nous dit-on, represents one of the fastest-growing sectors of the Canadian economy, alors qu'on nous dit que l'industrie québécoise va plutôt mal. Le fait que vous arrivez à deux diagnostics, l'un ascendant et l'autre descendant, est-il lié à la composition des industries que vous représentez, à un pourcentage différent des secteurs que vous couvrez? Pouvez-vous nous expliquer cela?

Deuxièmement, sauf erreur, vous avez des points de vue différents sur la question de la quasi-élimination. Les gens représentant l'industrie canadienne nous mettent en garde contre ce concept, et vous avez semblé le classer parmi les points positifs. J'aimerais vous entendre de part et d'autre là-dessus.

Troisièmement, les représentants de la Grappe québécoise se disent d'accord sur la tendance à la réglementation, mais déplorent l'alourdissement et la bureaucratisation. Il faudrait voir ce qu'il en est. Vous êtes cependant d'accord sur la question des droits. Vous semblez penser que ce serait un handicap important. Il faudrait revenir là-dessus pour bien comprendre les différents points de vue, une fois qu'on aura fait un bon tour d'horizon.

Messieurs du Québec, vous dites que vous êtes inquiets quant à la question de l'harmonisation fédérale-provinciale. J'aimerais vous entendre. Vous en avez parlé à la fin de votre intervention, mais vous n'avez pas eu le temps de vous expliquer là-dessus. Quel genre d'inquiétude avez-vous?

Voilà mes questions aux uns et aux autres.

[Traduction]

Le président: Il vous faudrait deux ou trois heures pour répondre à ces questions. Je vous demanderais de bien vouloir être bref.

M. Serge Cabana: Je vais tenter de répondre à deux des questions, et Robert poursuivra.

[Français]

J'aimerais répondre à la première et je serais curieux d'entendre le point de vue de l'Association canadienne des industries sur les chiffres de l'industrie.

[Traduction]

Le président: Nous ne voulons pas que vous vous lanciez dans un débat, nous voulons vos remarques sur le projet de loi.

[Français]

M. Serge Cabana: M. Charbonneau nous demande justement les chiffres de l'industrie. Pour nous, il est très difficile d'obtenir les chiffres réels de l'industrie. Tout dernièrement, on nous disait que tant aux États-Unis et sur le plan international qu'au Canada, plusieurs tentatives avaient été faites. Cela tient d'abord à la définition de l'industrie de l'environnement. Ces définitions varient. Selon qu'on adopte une définition ou l'autre, dans le cas du Québec, on aboutit avec 750 entreprises ou 1 500 entreprises.

Nous avons une définition très stricte: ce sont strictement les entreprises qui offrent des services à l'externe dans le domaine de l'environnement, qu'il s'agisse de services, de produits ou de technologies. Donc, toutes les entreprises qui ont leur propre service interne pour leurs propres besoins ne sont pas considérées comme des industries de l'environnement, car elles ne donnent pas les services à l'externe.

• 1020

De notre côté, nous avons l'impression de nous situer dans une vague continentale de baisse de l'industrie au sens strict. Je voyais dernièrement des rapports. On a fait une enquête dans 17 États américains et on a fait état de la fermeture de 25 p. 100 des entreprises de services environnementaux dans ces 17 États au cours des deux dernières années. Cette tendance serait attribuable en partie au vent de déréglementation qui a soufflé et qui souffle sur les États-Unis.

Il y a trois ans, on parlait d'une croissance de 10 p. 100 de notre industrie au Québec. Maintenant, on évalue cette croissance à entre 0 et 2 p. 100. Voilà pour ce qui est des chiffres. On a formé un comité de statistiques pour tenter d'avoir des chiffres plus précis.

[Traduction]

Le président: Merci. Y a-t-il d'autres observations?

Oui, monsieur Gibb.

[Français]

M. Roger Gibb: Depuis huit ans, dans le secteur des déchets dangereux—je ne parle pas de l'ensemble du secteur de l'environnement—on voit un déclin. Dans le cas des gros joueurs dans le secteur nord-américain des déchets dangereux, on voit un déclin par rapport aux autres industries. Je parle des télécommunications, de l'aéronautique et d'autres secteurs. Donc, je puis appuyer ce que Serge dit, à savoir que dans ce secteur-là, on voit un déclin. Les prix sont à la baisse, les volumes sont à la baisse et les compagnies ferment. Il y a une consolidation importante dans notre industrie.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur Isaacs.

M. Colin Isaacs: Oui, je suis d'accord. Le secteur change de façon radicale. Bien des petites entreprises disparaissent ou sont absorbées par de plus grandes sociétés. On assiste à de nombreux regroupements, recentrages, etc. C'est un secteur encore jeune, et on a peu de données précises. Peut-être que notre association est intrinsèquement optimiste. Dans le domaine d'intérêt de nos membres, le soutien est croissant.

En ce qui a trait à la quasi-élimination, ce qui nous inquiète, c'est surtout l'absence de définition de ce terme. J'ai personnellement participé à plusieurs débats sur ce que signifie la quasi-élimination. Comme l'ont indiqué nos collègues, si la quasi-élimination est bien définie, elle constituera une étape positive dans la protection de l'environnement. Si ce concept est mal défini, toutefois, il sera non seulement inutile mais dommageable. Nous vous encourageons donc à inclure une définition de ce terme dans la loi.

En matière de réglementation, je crois pouvoir dire que tous appuieront une bonne réglementation et que tous s'opposeront à une mauvaise réglementation, mais que le débat fait encore rage pour ce qui est de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais. Voilà pourquoi nous vous recommandons fortement d'adopter un processus décisionnel ouvert et transparent, peut-être de consulter tous les intéressés pour élaborer une réglementation qui répondrait aux objectifs tant environnementaux qu'économiques.

Le président: Mme Last et M. Dubé ont tous deux une courte remarque à faire.

Madame Last.

[Français]

Mme Rebecca Last: J'aimerais revenir à la question des chiffres. Les chiffres que nous vous avons donnés aujourd'hui sont ceux de Statistique Canada pour l'année 1995. Donc, Statistique Canada a utilisé la définition de l'OCDE des compagnies de l'environnement et a inclus quelques chiffres de ce qu'on appelle en anglais company own account, ce qui veut dire les employés des autres secteurs qui travaillent dans le domaine de l'environnement. C'est une définition un peu différente de celle que vous avez employée, monsieur Cabana. De plus, en termes de croissance, dans le secteur de l'environnement, on peut comparer le marché domestique au marché international. C'est dans le marché international qu'on trouve la plus grande croissance.

Le président: Merci, madame.

Monsieur Dubé, brièvement, s'il vous plaît.

M. Robert Dubé: Avant d'aborder le sujet de la quasi-élimination, pour clore sur les chiffres, il faut dire qu'au Québec, notre industrie est en majeure partie tributaire de la réglementation des lois québécoises. Beaucoup d'entreprises sont en attente d'une réglementation qui est toujours en voie d'être adoptée, qui n'est donc pas appliquée. On pense notamment aux matières solides. Pour les matières dangereuses, la réglementation vient d'entrer en vigueur, mais cela a été très long. Le règlement sur l'air, également, est toujours en suspens.

• 1025

Certaines entreprises qui attendent la mise en oeuvre de cette réglementation ne sont pas capables de survivre. On assiste donc à une décroissance.

Pour ce qui est de la quasi-élimination, outre la définition, ce qui nous a paru intéressant, c'est le principe de la quasi-élimination. Pour notre industrie, il s'agit surtout du développement ou de l'accompagnement des grands donneurs d'ordres dans la mise au point de technologies pour détecter les seuils de rentabilité ou les seuils de détection des substances. C'est dans ce sens-là que nos entreprises qui offrent de tels services s'intéressent particulièrement au principe de la quasi-élimination.

[Traduction]

Le président: Merci.

Nous commençons le deuxième tour par M. Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: On va parler de l'harmonisation, monsieur Charbonneau.

Vous n'êtes pas sans savoir que le Québec n'a pas signé l'accord d'harmonisation, cela pour toutes sortes de raisons, entre autres parce qu'on voulait qu'on reconnaisse certaines compétences exclusives ou prépondérantes, mais aussi parce qu'on attendait de voir les lois futures, dont la LCPE, pour voir si ces lois allaient respecter le principe de l'harmonisation, soit l'élimination des dédoublements et des chevauchements.

Dans votre exposé, vous nous avez parlé à presque trois reprises des chevauchements. La Canadian Waste Alliance mentionne aussi, à la deuxième page de son mémoire, que l'ajout d'une autre définition en termes de déchets, surtout au palier fédéral, ne fait qu'empirer les choses.

Si vous avez pu étudier la question, j'aimerais savoir si vous avez pu déceler des chevauchements plus spécifiques. On en a un, et je puis vous assurer que je vais reprendre souvent le troisième paragraphe de la deuxième page, mais je voudrais savoir si vous avez identifié des chevauchements plus spécifiques à d'autres égards.

M. Serge Cabana: Oui, mais je dois vous avouer qu'on n'a pas fait une réflexion en profondeur. Je puis vous signaler a priori trois ou quatre éléments où il nous semble y avoir des chevauchements et des dédoublements. Cette question nous préoccupe de façon générale. On voit poindre des exemples, mais on n'a pas fait une revue systématique afin de relever toutes les incidences de ces choses.

J'en signale trois. Il y a d'abord l'obligation de donner des renseignements au sujet de presque tous les types de substances et la nécessité de déclarer. On trouve là une approche différente, mais on trouve aussi cette exigence dans la réglementation du ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec. C'est divisé par secteur au niveau provincial, alors qu'ici c'est divisé par substance.

Il y a aussi le pouvoir de réglementer une liste spécifique des substances toxiques. Là aussi, il y a des dédoublements avec la réglementation sur les matières dangereuses et celle sur les milieux agricoles au niveau des substances nutritives.

Il y a aussi le pouvoir général de réglementer les rejets dans l'air. Selon la présentation qu'on nous faite tout récemment sur le nouveau projet de règlement sur l'air, qui devrait être implanté d'ici très peu au Québec, il y aurait un dédoublement de certaines mesures à ce chapitre.

Finalement, il y a l'exigence de faire des plans et devis tant pour les constructeurs que pour les exploiteurs d'ouvrages, d'usines, etc. s'il y a un risque qu'il y ait des rejets. On trouve certaines dispositions semblables dans la loi québécoise, à l'article 22 et à l'alinéa 31a).

On n'a pas fait un relevé exhaustif, mais c'est une préoccupation importante, d'autant plus qu'on est conscients que le Québec n'a pas encore signé cette entente d'harmonisation, comme vous le signaliez, monsieur Bigras. C'est une situation un peu problématique pour l'industrie québécoise de l'environnement. Nous transmettrons le même message au Québec. Nous allons accentuer nos pressions en vue d'une harmonisation et de la mise en place de mécanismes visant à amoindrir ces chevauchements et ces dédoublements.

• 1030

M. Bernard Bigras: J'ai une autre petite question.

M. Roger Gibb: Monsieur Bigras...

[Note de la rédaction: Inaudible]... si vous voulez.

M. Bernard Bigras: Oui, allez-y.

M. Roger Gibb: Premièrement, il y a la notion de plan de prévention. Au Québec, le gouvernement cherche à responsabiliser l'industrie québécoise et à l'inciter à gérer ses entreprises de manière à minimiser les effets environnementaux. Donc, c'est une gestion par résultat. Au niveau fédéral, on voit plutôt une approche qui vise la manière dont on arrive à ce résultat. Donc, il y a une différence, en termes d'approche, qui est importante.

Deuxièmement, au sujet du mouvement des déchets dangereux, à 189, il est question que des tarifs ou des droits soient imposés pour le mouvement des déchets dangereux au Canada, à l'intérieur d'une province ou entre provinces. Que je sache, le mouvement à l'intérieur des provinces est actuellement la responsabilité des provinces. Il y a des manifestes dans certaines provinces. En décembre dernier, le Québec a aboli la notion de manifeste au Québec. Le Canada, apparemment, va dorénavant imposer le manifeste et il va imposer des frais aux industries québécoises pour cela.

Troisièmement, il y a la notion de plan de réduction de déchets dangereux. Les compagnies qui exportent des déchets dangereux auraient à soumettre un plan de réduction de ces déchets. Il s'agit d'une chose que n'importe quelle industrie canadienne va faire de toute façon, et il y aura dorénavant obligation de soumettre des plans au fédéral. Comme M. Cabana l'a dit, c'est un dédoublement. On passerait la moitié de notre temps à Québec et l'autre moitié à Ottawa.

Le président: Merci.

Monsieur Gallaway, vous avez deux fois cinq minutes. Je m'excuse.

[Traduction]

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Je serai bref. Je veux seulement poser quelques questions à M. Gibb sur les frais qu'on propose d'imposer.

Je suis désolé d'avoir été absent au début de la réunion, mais, dans votre mémoire, vous faites remarquer que, au début des années 90, les Américains s'apprêtaient à faire de même, mais que le Canada s'y est opposé et que les États-Unis ont alors fait marche arrière. Que s'est-il passé pour que le Canada fasse ainsi volte-face?

M. Roger Gibb: C'est essentiellement une question de recouvrement des coûts. Environnement Canada dépense, je crois, 560 millions de dollars et, dans le cadre de ses efforts de recouvrement des coûts—on souhaite recouvrer 1,4 million de dollars—on a choisi, et c'est curieux, d'imposer la procédure de notification dans le cas des mouvements internationaux de déchets dangereux. On aurait bien d'autres possibilités de recouvrer les coûts, mais on a choisi celle-ci.

À notre avis, c'est sans aucun doute une violation de l'Accord de libre-échange et de l'Accord nord-américain de libre-échange et certains autres ministères s'y opposent, surtout Industrie Canada et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

M. Roger Gallaway: J'allais justement vous poser cette question.

Deuxièmement, vous avez fait allusion à des articles de l'ALENA. Jusqu'où êtes-vous allé à ce sujet? Je présume que vous êtes membre d'une association. Votre association contestera-t-elle cette mesure aux termes de l'ALENA?

M. Roger Gibb: Stablex le fera. J'ignore ce que fera l'association, mais c'est un enjeu important pour nous. Comme l'a fait remarquer M. Cabana, le secteur des déchets dangereux est un secteur en pleine maturité comme presque tous les secteurs de l'industrie environnementale. Récemment, nous avons dû apporter des changements importants pour réduire les coûts mais, grâce à notre certification ISO et à d'autres initiatives, nous avons réussi à maintenir et même à élargir notre clientèle.

Toutefois, 300 000 $ par année pour une petite entreprise dont le chiffre d'affaires est de 30 millions de dollars, c'est beaucoup, et le pire, c'est que c'est attribuable au Canada qui viole manifestement la lettre et l'esprit de l'Accord de libre-échange. On verra bientôt les États-Unis et peut-être les gouvernements du Québec et de l'Ontario... De plus, on pénalise le secteur québécois florissant qui exporte sa technologie dans le monde entier, et on favorise l'industrie américaine.

• 1035

C'est un revirement curieux et une question sur laquelle notre position est bien arrêtée. Nous allons certainement nous y opposer sur toutes les tribunes du commerce international où nous pourrons le faire. Nous estimons que c'est une violation de trois traités: le traité bilatéral, l'Accord de libre-échange et l'ALENA.

M. Roger Gallaway: Enfin, moi qui vis dans le sud-ouest de l'Ontario, je connais les sociétés telles que Phillips et Laidlaw et leurs représentants m'ont dit qu'ils étaient tout à fait horrifiés par cette disposition. Selon vous, quels seront les effets à court terme et à long terme de cette disposition sur votre entreprise?

M. Roger Gibb: Notre entreprise est essentiellement une création du ministère de l'Environnement du Québec. Elle a été créée pour répondre aux besoins du secteur de l'est du Canada, surtout du Québec. Toutefois, on a reconnu à l'époque que, pour que notre société soit une entreprise d'envergure—c'est une des plus importantes sociétés du Canada par son expertise, ces 125 employés, etc.—elle ne pourrait compter que sur les déchets du Québec. Nous avons donc toujours desservi—et les gouvernements intéressés l'ont reconnu—le nord-est de l'Amérique du Nord, y compris la Nouvelle-Angleterre, le New Jersey et l'État de New York. Il en a toujours été ainsi et environ la moitié des déchets que nous recevons, 45 p. 100 pour être précis, proviennent des États-Unis.

Si on fermait la frontière, notre avenir serait très incertain. Cela ne fait aucun doute. N'oubliez pas qu'un producteur canadien peut envoyer ses déchets n'importe où. Je vois mal le gouvernement fédéral ou le gouvernement québécois dire à un producteur d'acier du Québec qu'il doit envoyer ses déchets à Stablex. Cela ne se fera pas. Notre avenir serait donc très incertain.

M. Roger Gallaway: Merci.

Le président: Merci. Il n'y a pas d'autres questions? Alors, avant de conclure, j'aimerais moi-même poser quelques questions aux représentants de l'Association des industries de l'environnement. À la page 1 de votre mémoire, il y a un paragraphe qui est plutôt troublant; c'est le dernier, sous la rubrique «développement durable»:

    Tel n'est pas le cas pour la partie 5, substances toxiques, qui est normative et qui n'assure pas l'équilibre entre les intérêts de l'industrie et de l'économie et ceux de l'environnement.

Est-ce à dire que l'association est d'avis qu'il y a conflit entre les objectifs économiques et environnementaux?

M. Colin Isaacs: Monsieur le président, je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a conflit; plutôt, c'est qu'on a recours à des outils qui pourraient protéger l'environnement mais entraîner d'importantes perturbations économiques. Nous estimons que...

Le président: C'est très bien, mais vous employez le terme «équilibre» qui sous-entend une rupture du lien entre l'économie et l'environnement. Voulez-vous dire que les deux ne sont pas reliés?

M. Colin Isaacs: Non, monsieur le président. Nous n'avons pas employé ce terme pour indiquer une opposition entre les deux.

Le président: Mais c'est ce que sous-entend le mot «équilibre».

M. Colin Isaacs: Ce que nous voulons dire, c'est qu'il faut agir simultanément sur le front environnemental et sur le front économique, et que l'occasion s'offre de le faire. Nous estimons toutefois que le libellé de la partie 5 ne nous permet pas de saisir cette occasion. Je conviens que le terme «équilibre» n'est peut-être pas le mot juste. Nous ne l'avons pas employé pour marquer l'opposition, pour laisser entendre, comme dans le passé, que l'environnement et l'économie sont juxtaposés.

Le président: C'est bien, car le terme «équilibre» est ici employé sous la rubrique du développement durable, et le développement durable implique une fusion des objectifs économiques et environnementaux. Dès qu'on rompt le lien qui les unit, on connaît des difficultés.

M. Colin Isaacs: Je suis entièrement d'accord avec vous, monsieur le président.

Le président: Que sera donc la version modifiée?

M. Colin Isaacs: Nous éviterons d'employer le mot «équilibre» afin de prévenir toute confusion.

Le président: Je vous en saurai éternellement gré.

M. Colin Isaacs: Je comprends.

Le président: Aimeriez-vous proposer une définition du mot «déchet», à la page 2? Avez-vous une suggestion à nous faire?

• 1040

M. Colin Isaacs: On a beaucoup débattu, tant au niveau provincial que national, de la définition du mot «déchet».

Je pense que certaines provinces approchent d'une définition acceptable. Certains de mes collègues ici présents ont indiqué tout à l'heure que les matières qui serviront à un usage subséquent, au recyclage ou à la réutilisation, ne devraient pas être traitées de la même façon que les matières qu'on élimine de façon définitive. De même, dans bien des cas, des matières sont définies comme des déchets alors qu'en réalité, ces matières sont moins dommageables pour l'environnement que les matières brutes ou les produits qu'on vend.

C'est ce qu'on a tenté de trancher au niveau provincial. Nous serions ravis de collaborer avec votre comité dans l'élaboration de définitions à l'échelle du pays et de lui indiquer qu'elles sont les provinces qui envisagent une approche plus progressive et acceptable pour les entreprises.

Le président: Merci. Cela serait très utile.

Passons maintenant à la page 5. Aimeriez-vous que votre recommandation 5 soit incluse au projet de loi, ou ne s'applique-t-elle pas plutôt à la politique générale qui n'est pas du ressort du projet de loi?

M. Colin Isaacs: Nous comprenons, monsieur le président, que ce n'est pas un projet de loi de nature financière et que, par conséquent, il ne devrait pas imposer des exigences financières au gouvernement. En revanche, nous sommes intimement convaincus que le soutien accordé dans le cadre de la Stratégie pour l'industrie canadienne de l'environnement doit se poursuivre et nous avons voulu profiter de cette occasion pour le souligner. Nous continuons de craindre que la structure qui a été mise en place au cours des trois dernières années, dans le cadre de la stratégie, ne soit pas maintenue si la loi ne l'exige pas.

Le président: Est-ce que vous nous rappelez de façon très diplomate que c'est une des promesses qui figurent dans le livre rouge?

M. Colin Isaacs: En effet, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Isaacs.

Monsieur Pullen, notre comité est très sensible à ce que vous avez dit au sujet des taxes imposées aux matières recyclées mais dont sont exemptes les matières vierges. Je crois que c'est ce que vous avez dit. Y a-t-il d'autres observations que vous voudriez faire à ce sujet? Nous avons rédigé notre rapport il y a deux ans, alors, nous voudrons peut-être revenir à cette question.

M. Michael Pullen: On pourrait régler le problème en adoptant une définition raisonnable du mot «déchet».

L'Alberta a une bonne définition, une définition simple qui répond à nos besoins. On y dit qu'un déchet est une matière qui n'a aucune utilité. Dans les lignes directrices, on décrit ensuite ce que ne sont pas les déchets, ce qui est plutôt inhabituel. Les matières qui ne sont pas des déchets sont les matières qui peuvent être réutilisées, par suite d'une transformation ou dans leur forme originale. Cela fonctionne bien pour l'Alberta.

C'est une des façons les plus élégantes de diriger une industrie. Si c'est la solution que vous adoptez, vous exemptez les matières recyclables de cette proposition d'imposition de coûts de service et de taxes sur les services reliés à ces matières, car les matières recyclables ne correspondent pas alors à la définition des matières assujetties à ces taxes. Il en va de même pour les matières dangereuses qui peuvent être réutilisées, recyclées ou raffinées, ainsi que des déchets non dangereux, tels que les plastiques. La solution la plus simple est d'adopter une bonne définition.

Le président: Vous avez une définition à proposer?

M. Michael Pullen: De—

Le président: Une définition des déchets.

M. Michael Pullen: Je propose la définition de l'Alberta comme point de départ. Évidemment, plus elle est complexe, pire c'est, et plus vous incluez de choses dans cette définition, plus le contrôle réglementaire est lourd.

• 1045

Le président: Y a-t-il des observations sur le mot «déchet»?

M. Roger Gibb: J'estime que toutes les provinces et nos partenaires internationaux devraient adopter la même définition; ce serait préférable à une définition unique au Canada. Dans l'intérêt du commerce international, il faudrait que la définition soit conforme à celle de l'OCDE et des autres groupes internationaux.

Le président: Vous nous suggérez donc d'examiner la définition de l'OCDE?

M. Roger Gibb: Oui.

Le président: C'est possible.

Y a-t-il d'autres remarques ou questions? Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): La façon dont l'Alberta définit le mot «déchet» est peut-être élégante, comme vous le dites, monsieur Pullen, mais elle n'est pas très utile du point de vue de l'économie du marché. Si, en Alberta, on assimile à déchet toute matière qui n'a plus d'utilité, cela dépend de la capacité du marché...

M. Michael Pullen: C'est exact.

M. David Pratt: ...à récupérer et à réutiliser cette matière.

M. Michael Pullen: Tout à fait. Prenez l'exemple du verre, du verre réutilisable ou recyclable. S'il n'y a pas de marché pour le verre recyclé, cela devient un déchet puisqu'on doit l'éliminer de manière définitive. Si, toutefois, il y a un marché pour le verre recyclé, il peut être vendu. Il n'est alors pas assujetti à la réglementation sur les déchets si on peut le transporter par camion jusqu'à une usine où il sera réutilisé.

M. David Pratt: Oui, mais l'absence de marché ne signifie pas pour autant que ces déchets ne sont pas recyclables. Le marché peut changer et leur trouver une utilisation.

M. Michael Pullen: Sous réserve, comme toujours, que le coût d'entreposage de ces déchets ne soit pas supérieur à leur valeur. C'est la situation dans laquelle la ville de Toronto s'est retrouvée il y a quelques années en disant, ces déchets sont recyclables mais il n'y a pas de marché, nous allons les entreposer. Le coût d'entreposage a largement dépassé la valeur marchande de ces déchets.

M. David Pratt: Nous avons eu le même problème avec le papier journal.

M. Michael Pullen: Oui.

Le président: Monsieur Pullen, vous n'avez rien dit à propos de la section 8 qui concerne le contrôle des mouvements de déchets dangereux ou de matières recyclables dangereuses ou de déchets non dangereux régis devant être éliminés définitivement. Est-ce que vous souhaitez dire un mot à son sujet?

M. Michael Pullen: Oui, avec plaisir.

À l'heure actuelle, il y a des mouvements de déchets dangereux et non dangereux transfrontaliers et interprovinciaux. Ils sont accompagnés d'une documentation conséquente qui prend la forme de manifeste, de lettre de transport, des formulaires nécessaires pour franchir la frontière. Les formulaires à remplir pour passer d'une province à une autre ne sont pas aussi conséquents car, après tout, c'est quand même le même pays.

Ces dossiers existent et la reproduction de ce système au niveau fédéral est un pur doublon. Pour réduire les déficits, les différents paliers de gouvernement canadiens font payer des droits pour financer le contrôle de ces données au niveau provincial et maintenant le fédéral se met de la partie, ce qui double les coûts. Nous ne savons pas quelle est vraiment la situation parce que ce sont pour le moment des propositions au niveau provincial. Il va sans dire que ce que nous vous disons, nous le disons également aux gouvernements provinciaux.

Les déchets sont une substance étrange. Ce sont des produits à valeur négative. Ils sont recherchés pour soutenir les industries. Un remblai sans déchets coûte très cher. Vous vous retrouvez obligatoirement dans le rouge et il faut donc une source d'alimentation pour ce remblai. Il faut une source d'alimentation pour un incinérateur ou pour une centrale qui transforme les déchets en énergie.

On a besoin de déchets et dans cette mesure ce sont des produits. Il faut que ces produits...

Le président: Ils peuvent aussi avoir une valeur positive.

M. Michael Pullen: Exactement; ils peuvent également avoir une valeur positive. Il y a des entreprises qui font de l'argent avec les déchets. En restreignant les mouvements de déchets transfrontaliers ou interprovinciaux, on restreint les échanges commerciaux, et comme l'a dit ce monsieur, c'est clairement contraire aux intentions de l'ALENA. Il ne faudra pas longtemps avant que quelqu'un ne dise: Un instant, ce n'est plus à nous d'en juger, c'est aux tribunaux de trancher.

• 1050

Le président: Nous contrôlons le commerce du tabac et nous contrôlons le commerce de l'alcool. Quelle devrait donc être la raison logique de contrôler les déchets dangereux?

M. Michael Pullen: La protection de l'environnement, uniquement. Si vous savez que la destination de ces déchets est une installation aux normes inférieures à celles en cours dans le pays concerné, il est alors raisonnable de contrôler ce mouvement, mais je contesterai toute autre raison de le contrôler.

Le président: Monsieur Gibb, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Roger Gibb: J'aimerais ajouter une ou deux petites choses. Premièrement, cette procédure de notification est entrée en vigueur en 1986 en conséquence de l'entente bilatérale avec les États-Unis. C'était un engagement international qui répondait à deux attentes: premièrement, protéger le public lors de mouvements de déchets dangereux et, deuxièmement, traiter les déchets dangereux d'une manière respectueuse de l'environnement.

Environnement Canada se dit pour une raison quelconque que cette procédure de notification est bonne pour notre industrie. Nous n'en avons pas besoin. Nous n'en avions pas besoin avant 1986 et nous n'en avons pas plus besoin aujourd'hui. Nous pourrions avoir des registres comme au Québec depuis le 1er décembre. Nous pourrions contrôler et surveiller électroniquement ces mouvements nous-mêmes. Mais à cause de ses engagements internationaux, c'est au gouvernement canadien qu'il incombe d'effectuer ce contrôle.

J'y réfléchissais ce matin. Je faisais le parallèle avec les ambassades canadiennes. Nous avons des ambassades dans le monde entier. Lorsque je vais à notre ambassade à Beyrouth ou à Paris, est-ce que je dois payer pour les services offerts par notre ambassade? Non. L'ambassade canadienne est là pour favoriser les échanges commerciaux et maintenir des relations diplomatiques, etc. En tant qu'usager, en tant que Canadien, je n'ai pas à payer pour les services offerts par les ambassades canadiennes à l'étranger, pas plus que je ne devrais payer en tant qu'usager de cette procédure de notification. Cette procédure est là pour le bien public et pour répondre à des engagements internationaux.

Le président: Madame Kraft Sloan, vous vouliez poser une question?

Mme Karen Kraft Sloan: Je crois que ce sont les règlements qui définiront ce qu'on devra entendre par déchets.

M. Roger Gibb: C'est ce que je crois aussi.

Mme Karen Kraft Sloan: Cela ne vous plaît quand même pas?

M. Roger Gibb: Ce n'est pas moi qui aie abordé ce point. Je préférerais que ce soit quelqu'un d'autre qui vous réponde.

M. Michael Pullen: Le personnel d'Environnement Canada nous avait laissé entendre que la définition de déchet aux fins de cette loi serait fixée par les règlements.

Le président: Quel est l'avantage, à votre avis?

M. Michael Pullen: Des règlements?

Le président: Que la définition soit fixée par les règlements.

M. Michael Pullen: Traditionnellement les gouvernements se servent des règlements pour changer certaines choses rapidement sans avoir à faire adopter une nouvelle loi par le Parlement. S'il y a un problème de définition, le changement peut être apporté relativement vite. C'est la raison traditionnelle pour laquelle les gouvernements recourent aux règlements.

Le président: Oui, nous le savons. La définition de déchets est suffisamment importante pour justifier une petite discussion.

Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur le président, permettez-moi de revenir à ce qui a été dit à propos de la définition de déchets donnée par l'Alberta. Si vous dites que c'est quelque chose qui n'a pas d'utilisation, c'est une définition mobile car elle renvoie plus à un procédé qu'à une substance ou un produit particulier.

Si nous suivons les enseignements de Hawken dans The Ecology of Commerce, il critique l'immaturité de notre philosophie commerciale. Selon lui, nous devrions nous intéresser à la gestion des produits non seulement de leur naissance à leur mort, mais aussi de leur naissance à leur mort et à leur renaissance. Selon lui, nous gaspillons nos déchets. Plus nous améliorerons nos procédés et plus nous apprendrons à mieux fabriquer nos produits et à les rendre moins toxiques, plus nous pourrons les réutiliser et les transformer en d'autres produits. Nous pourrons également trouver le moyen d'utiliser de manière continue les déchets.

Il s'agit donc d'une définition mobile, modulable, et je ne suis pas tout à fait certaine de ses implications. À mon avis, il faudrait peut-être exempter de cette définition les espèces humaines, autrement nous risquons de voir certains membres de la société se trouver pris dans les filets de la LCPE. Je ne sais pas. C'est une question importante à laquelle, de toute évidence, il nous faudrait réfléchir.

• 1055

M. Michael Pullen: JÂai donné l'Alberta comme simple exemple. Bien entendu, il y a d'autres exemples de définition de déchet dans le pays.

Je ne veux pas faire dire aux législateurs albertains ce qu'ils n'ont dit mais du point de vue pratique des intéressés, cette définition marche. Dès qu'une matière n'a pas d'utilisation et doit être éliminée définitivement, quel que soit le moyen d'élimination définitive utilisé, il doit protéger l'environnement. Si elle n'est pas réusinée et réutilisée, sans danger, elle tombe sous le coup de la définition de déchets. Il y a des contrôles pour l'élimination des déchets, il y a donc aussi protection de ce point de vue.

Votre commentaire concernant la philosophie du commerce est très intéressant. Oui, nous gaspillons nos déchets et une grande partie de ces déchets doivent être éliminés parce que nous ne possédons ni les techniques ni les moyens de les rendre commercialement utilisables.

Ceci dit, c'est la valeur qui compte et quand cette valeur approche zéro il faut s'en débarrasser. Tant que cette valeur ne sera pas contrôlée—et ce ne sont pas des subventions qui le permettront—les déchets continueront à être éliminés.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais d'après moi cela causera des difficultés au niveau des opérations, parce que les gens n'accordent pas la même valeur aux mêmes choses.

On dit souvent que le Nord c'est un désert sauvage. Mais quand moi je vais dans le Nord, je vois un territoire qui est plein de vie et de dynamisme. Parfois quelqu'un jette des objets ménagers qu'il considère comme n'ayant aucune valeur, mais quelqu'un d'autre les ramasse et se dit qu'il a trouvé un trésor, parce qu'il est un artiste, ou parce qu'il sait comment le faire fonctionner.

Cela nous amène à un débat philosophique sur la définition de la valeur et de l'utilisation. Cela pose de grosses difficultés au niveau opérationnel, pour le gouvernement et pour le secteur privé.

M. Michael Pullen: Le problème c'est qu'un article ayant de la valeur dans un endroit n'est pas nécessairement identifié comme étant un article qui a de la valeur dans un autre endroit. En d'autres mots, on ne communique pas cette valeur. C'est un problème au niveau opérationnel. Comment est-ce que quelqu'un peut savoir que sa lampe a de la valeur pour quelqu'un qui est à 10 km de là, s'il ne peut pas communiquer avec cette personne-là? C'est un problème de communication.

Le président: Monsieur Pullen, permettez-moi de vous donner un exemple. Des déchets qui n'ont aucune valeur sont déversés dans un enfouissement sanitaire. Ces déchets produisent du gaz méthane, qui peut être utilisé pour chauffer les bâtiments dans la région. Donc des déchets qui au début n'avaient aucune valeur ont tout d'un coup de la valeur. Qu'est-ce qu'on fait alors?

M. Michael Pullen: Cela ne pose aucun problème.

Le président: Ça ne pose pas de problème pour vous. Donc avec le temps, ces déchets n'ont plus une valeur nulle.

M. Michael Pullen: Dans le cas des déchets organiques, c'est exact.

Le président: Ah, vous parliez donc de déchets inorganiques?

M. Michael Pullen: Il faut considérer chaque secteur séparément. Nous ne pouvons pas analyser tout en même temps.

Le président: Cela est aussi un dilemme pour les parlementaires, vous savez.

M. Colin Isaacs: Permettez-moi d'intervenir, monsieur le président. Ce train de pensée souligne une des difficultés au niveau des progrès cumulatifs que nous faisons dans le domaine du développement durable. Ceci nous ramène peut-être à la première question de M. Gilmour—il demandait si ce projet de loi représente un pas en avant ou non. Il représente sans aucun doute un pas en avant, mais le processus est un processus cumulatif. Nous passons de la protection de l'environnement vers le développement durable, en gardant certains éléments-clés de la protection environnementale. D'ailleurs, comme vous avez déjà dit, parfois on y retrouve malheureusement le jargon de la protection environnementale.

• 1100

Nous passons d'un système où les activités sont réglementées par le gouvernement à un système de réglementation basé sur le rendement, un système d'outils économiques et d'initiatives volontaires, tout en gardant quelques éléments du premier système. D'après moi, la définition du terme «déchet» se retrouve dans cette catégorie. Il est toujours nécessaire de réglementer quelque chose que nous appelons les déchets, en utilisant un système de commande et de contrôle, mais il faudrait peut-être considérer l'approche proposée par Mme Kraft Sloan. Pour elle, la notion de développement durable exige une analyse plus poussée des effets environnementaux des matières, qu'elles soient des déchets ou non. On n'essaierait pas de définir des catégories spécifiques.

Nous ne sommes pas encore là, mais nous allons finalement atteindre la limite de cette approche progressive au développement durable. Nous devrons nous éloigner de toutes ces anciennes notions de protection de l'environnement, et nous baser moins sur les définitions. Pour chaque élément, il faudra voir si la contribution au développement durable est positive ou négative.

Le président: Monsieur Isaacs, ce ne serait pas la première fois que vous auriez le dernier mot, mais Mme Kraft Sloan a quelque chose à ajouter. C'est donc elle qui aura le dernier mot.

Mme Karen Kraft Sloan: Tout cela est très difficile, et exige une pensée très innovatrice. Je ne veux surtout pas proposer que le fardeau d'arriver à notre objectif—le développement durable—soit imposé au gouvernement, de sorte qu'on s'éloigne de la protection cumulative de l'environnement, parce que nous devons repenser nos façons de faire et la conception de nos systèmes. D'ailleurs, l'industrie devra faire la même chose.

En tant que parlementaires, nous devons trouver des moyens d'encourager les chefs de file dans ce domaine, et les gens qui comprennent que nous devons réinventer nos systèmes. Il faut que les gens comprennent qu'on parle d'un problème de conception, un problème de système, un problème global. Il faut réveiller les dinosaures. Sinon ils n'avanceront jamais.

Nous sommes dans une période de transition, et c'est vraiment difficile. D'une part, on ne peut pas lâcher le côté progressif. Il faut aussi maintenir les pénalités, parce que sinon personne n'écoute. C'est tout simplement comme ça. Si les gens faisaient ce qu'il fallait sans être menacés par des pénalités, il n'y aurait pas de comité de l'environnement. Il n'y aurait pas de ministère de l'Environnement. Les choses sont comme ça.

D'autre part, il nous faut une approche parallèle qui nous dirige vers la nouvelle philosophie écologique. Cela n'est pas facile.

Le président: Peut-être que c'est maintenant, à 11 heures, que la vraie réunion commence. Malheureusement, notre séance tire à sa fin. C'était un bon échange.

Au nom du comité, j'aimerais vous remercier tous de votre participation, vos conseils et votre contribution. Nous nous souviendrons certes de vos paroles. Et peut-être un jour, vous serez encore des nôtres.

M. Serge Cabana: Monsieur le président, nous vous enverrons une copie de notre texte dans quelques jours.

Le président: S'il vous plaît. Ce serait apprécié.

La séance est levée.