ENSU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT
COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 6 mai 1999
Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance du Comité de l'environnement et du développement durable. Nous siégeons ce matin à la demande de Mme Girard-Bujold, qui avait déposé une motion. Conformément au mandat que nous confère le paragraphe 108(2) du Règlement de la Chambre des communes, nous étudierons aujourd'hui les conséquences environnementales de certaines activités du ministère de la Défense nationale au lac Saint-Pierre.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins qui représentent le Groupe d'actions des riverains et aux fonctionnaires qui représentent les ministères de la Défense nationale et de l'Environnement.
[Traduction]
Nos témoins aujourd'hui sont M. Hunter, M. Lagacé, Mme Bérard, M. Giroul, M. Jarry et M. Brouillard.
[Français]
Comme d'habitude, nous invitons nos témoins à faire une intervention de 10 à 15 minutes tout au plus afin que les membres du comité aient du temps pour leur poser des questions.
Qui est le porte-parole de votre délégation? Si deux personnes ont l'intention de prendre la parole, j'apprécierais qu'elles se partagent le temps alloué.
Monsieur Giroul, je vous donne la parole.
M. Philippe Giroul (secrétaire, Groupe d'actions des riverains): Monsieur le président, nous vous remercions d'avoir accepté d'entendre notre témoignage à la suite des démarche que nous avions entreprises auprès de certains députés.
Parmi les documents que nous vous avons remis, vous retrouverez la transcription de l'émission de Radio-Canada préparée par Yves Bernard; les commentaires du GAR sur cette émission; le procès-verbal de la rencontre du 26 mars 1999, à laquelle assistaient les représentants du GAR et M. Lagacé; un extrait du rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable; un dépliant d'information jaune; le texte de la pétition que 3 000 signataires ont appuyée et la réponse du gouvernement; la carte couleur du lac Saint-Pierre où l'on identifie la zone CYR 606 et le site terrestre du CEEM; la carte marine du lac Saint-Pierre, dont une copie a été déposée pour que vous puissiez vous y reporter; ainsi que le mémoire du GAR, intitulé Au-delà de la pointe de l'iceberg, que nous avions déposé lors d'une présentation au BAPE à Yamachiche, l'année dernière.
Notre présentation porte sur quatre points: l'identification de la problématique, l'historique et les problèmes; les actions des citoyens; l'état de la situation actuelle et les questions sans réponse; et les conclusions et solutions que nous proposons.
Je traiterai d'abord de l'historique. Implanté il y a 47 ans sur l'île Moras à Nicolet sud, le CEEM fait l'essai d'armes et de munitions de tous types pour le compte de la Défense nationale, de l'armée américaine, de l'OTAN et de fabricants d'armes canadiens, dont les Technologies industrielles SNC. À l'époque de l'implantation du centre en zone habitée, des études d'impact environnemental n'étaient pas nécessaires et les autorisations pour réaliser des activités polluantes ne devaient pas être difficiles à obtenir.
Depuis, les activités se sont développées en suivant le progrès des fabricants d'armes, à tel point que l'expérimentation de gros calibres a eu pour effet de nuire de plus en plus à l'environnement. Le bruit et les ondes de choc se répercutent autour du lac Saint-Pierre. La population non consciente de tout ce qui se passe sur l'île Moras est demeurée silencieuse jusqu'à ce que des résidants se réveillent, en 1991, pour demander à M. Vincent, député de Trois-Rivières de l'époque et par la suite ministre de l'Environnement du Canada, d'intercéder auprès du gouvernement pour faire cesser ces expérimentations de plus en plus nuisibles.
Dans sa réponse laconique, le ministre McKnight prétextait la difficulté de déménager le CEEM, Nicolet étant selon lui un emplacement idéal. Cependant, en 1992, le ministre Masse faisait adopter un budget de plus de 2 millions de dollars pour un silencieux, espérant ainsi diminuer le bruit, qui était devenu de plus en plus dérangeant. À cette époque, l'effort financier de 2 millions de dollars aurait pu être utilisé pour déménager la base militaire loin des zones habitées. Le premier problème est d'ordre sonore, en raison du bruit et des ondes de choc. Depuis l'installation du silencieux, en 1995, les essais bruyants se sont poursuivis de façon continue car ce silencieux ne peut être utilisé que lors de 40 p. 100 des essais. Les tirs de gros calibre, comme ceux des mortiers de 40 millimètres jusqu'aux canons de 155 millimètres, effectués en dehors du silencieux sont les plus bruyants et affectent le plus les riverains. Les ondes de choc qui accompagnent les déflagrations persistent. La paix des résidants continue à être troublée et les dégâts aux propriétés se poursuivent impunément.
• 0910
Le deuxième problème est la pollution des sites
terrestres et aquatiques. En effet, il semble que 15 p.
100 du matériel d'essai ne soit pas récupéré. Ainsi,
ces matières peuvent être transportées n'importe où
lors des débâcles printanières. C'est d'ailleurs pour cela
qu'il y a déjà eu un mort à Nicolet en 1982.
M. McCauley, conseiller principal de
l'ancien ministre Collenette à la Défense nationale,
disait ceci:
-
Afin de nettoyer le fond du lac, les autorités
compétentes examinent les méthodes existantes pour
repérer et recouvrer les projectiles lancés dans le
lac.
Il disait également:
-
Le ministère de la Défense
nationale a effectué plusieurs études au cours des
années, par voie de sous-traitance, afin de vérifier si
les tests auxquels il se livrait causaient des dommages
à l'environnement. Ces études se sont
révélées négatives ou non concluantes.
La teneur précise de ces études n'a jamais été publiée, et nous ne croyons pas qu'elles portaient sur les nuisances pour les populations environnantes.
Le troisième problème est d'ordre moral et économique. L'armée canadienne achète des munitions pour une valeur de 200 millions de dollars chaque année pour subvenir à ses propres besoins. D'autre part, la vente d'armes canadiennes aux pays du tiers monde est passée de 60 millions de dollars en 1991 à 260 millions de dollars en 1992; elle était à peine moins élevée en 1993, puisqu'elle était de l'ordre de 240 millions de dollars. Les surplus de l'armée canadienne font partie de ces ventes. Le Canada, qui se prétend pacifiste, se devrait de décourager systématiquement ce genre d'exportations.
Je passe maintenant aux actions des citoyens: appel aux politiciens; interpellations de cinq ministres de la Défense nationale et de cinq ministres de l'Environnement; lettres d'opinion dans les journaux; pétition de 3 000 signatures; reportages dans les journaux, à la télévision et à la radio; rédaction d'un dépliant d'information; sensibilisation de sept conseils municipaux riverains; et présentation du projet PARE à la ZIP du lac St-Pierre. Voilà comment se résume le travail des citoyens au cours des six ou sept dernières années.
Quels ont été les résultats? Les réponses des ministres et de leurs adjoints sont aussi décevantes les unes que les autres et généralement caractérisées par une bénédiction des activités du CEEM. Seul M. Jacques Brassard, ministre de l'Environnement du Québec, avait répondu en 1996 dans le sens que nous souhaitions. Le texte que nous vous avons remis relève les différents éléments de sa réponse.
En 1997, le ministère de l'Environnement du Québec propose au CEEM d'utiliser les normes des bruits dans les carrières comme base de référence pour évaluer le bruit des explosions des munitions en milieux industriels et agricoles. Or, nous sommes pour notre part en milieu urbain. À toutes fins pratiques, cela a pour conséquence de prolonger la période de nuisance. Ces mesures ne tiennent pas compte du souffle à la bouche des canons et des ondes de choc produites par l'explosion des obus dans la zone d'impact.
En 1998, M. Bégin, ministre de l'Environnement du Québec, répond à notre demande d'enquête en nous proposant d'attendre encore des améliorations de la situation. Un an plus tard, après bien des promesses de la part du CEEM, la situation n'a guère changé.
En 1998, nous participons à une audience du BAPE concernant le dragage des quais de Sorel. Nous déposons un mémoire dont vous avez une copie et qui s'intitule Au-delà de la pointe de l'iceberg. À cette occasion, le dévoilement des faits par le GAR a surpris tous les intervenants, qui ignoraient tout de l'ampleur des nuisances environnementales causées par les activités du CEEM.
On poursuit les recherches sur la problématique en scrutant les rapports très fouillés du commissaire à l'environnement, M. Brian Emmett, qui dénonce de façon clairvoyante le ministère de la Défense nationale parce qu'il n'a pas encore pris les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs dans le domaine de l'environnement. Pourtant, en 1997, celui-ci dévoile sa stratégie de développement durable dans un document fort éloquent sur le souci de la Défense nationale concernant la gérance et la protection de l'environnement. Mais, dans les sites désignés par la Défense nationale, la base de Nicolet brille par son absence; elle n'y figure pas.
• 0915
Pareillement, le vérificateur général du Canada, M.
Desautels, produit des rapports pour identifier les
nombreuses carences des projets d'acquisition de
l'armée canadienne. Entre autres, il soulève la
problématique de la désuétude du matériel et de son
surstockage.
En 1998, nous avons rencontré M. Lagacé, qui avait été mandaté par M. Lagueux pour nous rencontrer. Lors de cette rencontre, M. Lagacé annonce la collaboration d'Environnement Canada pour évaluer la caractérisation des sédiments de la partie sud du lac Saint-Pierre. Il signale aussi la réorganisation des activités à Nicolet. Cependant, les tests d'homologation des munitions restent à Nicolet. Malgré cette rencontre fructueuse, nous sommes restés sur notre faim. En effet, même s'il y a une réduction du nombre de tirs, c'est-à-dire ceux qui ont été transférés à Val-Bélair à Québec, les tirs qui font le plus de bruit et d'ondes de choc et qui, de plus, aboutissent dans le lac se poursuivent encore.
La bonne volonté des gestionnaires et technocrates du CEEM n'est pas mise en cause. Ils étudient, se documentent, font des essais, établissent des stations d'écoute autonomes, enregistrent des données, développent des logiciels, font des plans de buttes d'arrêt et développent des projets. Mais ils continuent à tirer dans le lac Saint-Pierre et à faire trembler nos maisons.
De concert avec Environnement Canada, le ministère de la Défense nationale a élaboré un projet d'entente scientifique portant sur la qualité des sédiments de la portion sud du lac Saint-Pierre. On nous a promis qu'à la fin de mai, à la fin de ce mois-ci, on présenterait un plan environnemental qui serait élaboré en partenariat avec le ministère de l'Environnement du Québec et les Technologies industrielles SNC. Ce plan environnemental ne dédoublera-t-il pas la stratégie de développement durable du ministère de la Défense nationale citée plus haut?
Comme le reconnaît M. Lagacé dans une note synthèse du 22 avril dernier qu'il a remise aux députés Bertrand, Laurin et Rocheleau, «la préservation de l'écosystème environnant est liée directement aux limites imposées par les opérations du ministère de la Défense nationale à cet endroit». Si nous comprenons bien cette conclusion, les tirs d'obus priment sur la protection de l'environnement.
Parmi les nombreuses questions qu'une enquête systématique pourrait soulever, prenons comme exemple les questions soulevées dans le procès-verbal de la rencontre du 26 mars dernier. Quel est le pourcentage et la destination des essais d'homologation faits pour les clients commerciaux des Technologies industrielles SNC autres que le ministère de la Défense nationale? Quels sont les destinataires et quelles sont les quantités de ventes de munitions autorisées par le ministère des Travaux publics? Pourquoi l'entreprise Technologies industrielles SNC fait-elle fi des lois québécoises concernant l'obligation d'obtenir des autorisations pour des activités industrielles ayant des impacts néfastes sur l'environnement? Quand pourra-t-on consulter le contrat établi entre le ministère de la Défense et Technologies industrielles SNC, qui fait l'objet d'une enquête par le bureau du commissaire à l'information? Tout au long du procès-verbal du 26 mars, y compris dans sa section post-scriptum, vous trouverez une foule d'autres questions.
En conclusion, nous sommes en présence d'objectifs diamétralement opposés, voire même irréconciliables. D'une part, la Défense nationale et son partenaire, les Technologies industrielles SNC, poursuivent à toutes fins pratiques l'objectif de production d'armements qui ont pour effet, entre autres, la destruction durable de l'environnement par leurs activités polluantes au lac Saint-Pierre et qui interdisent tout accès au territoire.
D'autre part, notre groupe et plusieurs autres qui nous appuient visent au contraire la protection de l'environnement et le développement durable. Après moult tergiversations de la part des personnes interpellées depuis 1991, nous espérons que la démarche actuelle ici, auprès des décideurs politiques qui font partie du comité permanent, pourra porter fruit. Je vais laisser mon collègue Brouillard vous expliquer les propositions de notre groupe au comité permanent. Je vous remercie.
M. André Brouillard (responsable des communications, Groupe d'actions des riverains): Monsieur le président et membres du comité, nous nous permettons de proposer les solutions successives suivantes.
Il faut régler les problèmes de pollution par le bruit et par les rejets de contaminants dans le lac Saint-Pierre en arrêtant tous les essais d'homologation extérieurs au silencieux, en particulier les obus vivants qui représentent un danger potentiel pour la population.
• 0920
Nous vous recommandons de récuser
le contrat du ministère de la Défense
nationale et de Technologies industrielles SNC, qui
autorise une entreprise privée à utiliser un bien
public, c'est-à-dire le lac Saint-Pierre, pour
effectuer des activités commerciales.
Il sera peut-être nécessaire de dédommager éventuellement Technologies industrielles SNC afin que cette entreprise aille faire ses essais ailleurs. Elle fait déjà d'ailleurs une partie de ses essais aux bases de Petawawa et de Gagetown.
On devrait poursuivre les efforts de collaboration entre le ministère de la Défense nationale et celui de l'Environnement afin de restaurer les sites terrestres et aquatiques.
Nous vous recommandons de transformer le site du Centre d'essais et d'expérimentation des munitions en un parc national, rendant ce patrimoine du lac Saint-Pierre accessible au public et créant ainsi un nombre d'emplois suffisant pour compenser largement la perte éventuelle des emplois. Nous n'avons pas évalué cette proposition de façon approfondie, mais le ministère responsable des parcs pourrait s'acquitter de cette tâche.
Il faut souligner que le lac Saint-Pierre est un site RAMSAR protégé par l'UNESCO. Nous craignons que les activités du CEEM contreviennent au statut de ce site préservé. Nous avons aussi remis une carte marine du lac Saint-Pierre au greffier, M. Knowles, que vous pourrez consulter. Malheureusement, le plan couleur que nous vous avons remis n'a pas été reproduit à l'échelle. Vous pourrez y voir clairement la zone CYR 606, qui représente environ 40 p. 100 du lac Saint-Pierre.
Monsieur le président et membres du comité, nous vous remercions de votre attention. Nous sommes tout disposés à répondre aux questions.
Le président: Merci, monsieur Brouillard.
[Traduction]
M. Gordon G. Hunter (directeur général, Services des programmes d'équipement, ministère de la Défense nationale): Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Gordon Hunter. Je suis directeur général des Services des programmes d'équipement au ministère de la Défense nationale. Mes responsabilités à la Défense nationale consistent entre autres à superviser le programme de munitions du ministère.
Je suis secondé dans cette activité par M. André Lagacé, qui est directeur du programme de munitions et qui vous parlera plus tard ce matin des activités environnementales particulières que nous avons entreprises ces dernières années pour donner suite aux préoccupations exprimées par M. Giroul.
Je suis également accompagné ce matin de M. Tony Downs. Il est directeur général de l'environnement à notre ministère, et si plus tard vous avez des questions de nature générale à poser, M. Downs y répondra.
Depuis 1992, soit depuis sept ans, je suis personnellement responsable du CEE ou Centre d'essais et d'expérimentation à Nicolet. À Nicolet, nous avons un centre d'essais et d'expérimentation des munitions connu autrefois sous le nom d'Établissement d'essais et d'expérimentation. C'est là que le ministère de la Défense nationale met à l'essaie des munitions et les évalue pour s'assurer qu'elles sont conformes aux critères de rendement des Forces canadiennes. Cela consiste à prélever un petit échantillon de chaque lot de production de munitions fabriquées et de procéder à des tirs d'essai à ce site. C'est ce qu'on appelle la vérification du respect de l'obligation contractuelle.
Les tirs d'essai d'échantillons provenant de lots de production de munitions est une méthode suivie par tous nos alliés de l'OTAN. Cette méthode est la seule acceptée et reconnue dans le monde entier pour s'assurer que les munitions sont sûres et conviennent à l'utilisation que l'on veut en faire.
Le président: Je m'excuse de vous interrompre, mais avez-vous une copie de votre texte?
M. Gordon Hunter: Je ne suis pas le texte mot à mot, monsieur le président. J'ai fourni une copie de mes remarques à l'interprète.
Le président: Je vous remercie.
M. Gordon Hunter: Il y a cinq endroits sur les rives du lac Saint-Pierre à partir desquels on procède à des tirs d'essai de munitions. Le champ de tir au-dessus du lac Saint-Pierre est une superficie d'environ 23km de long par 6km et demie de large. La zone d'essais est signalée par un avis officiel aux navigateurs leur indiquant qu'il s'agit d'une zone dangereuse pour les navires et les bateaux, et on avertit également les contrôleurs aériens de restreindre les vols dans cette zone lorsque l'on procède à des tirs d'essai. Le ministère de la Défense nationale s'assure que personne ne s'aventure dans cette zone en observant la zone d'essais et en la patrouillant.
• 0925
Ce centre sert à procéder à des essais de munitions classiques
de calibre de 25mm à 155mm. Nous effectuons des tirs d'essai à cet
endroit depuis 1952, c'est-à-dire depuis 47 ans. Cet endroit a été
choisi au départ en raison de son emplacement stratégique près de
plusieurs usines de munitions. Il s'est avéré idéal pour observer
les lentes trajectoires de munitions ou de projectiles et pour
procéder à des essais de fusées de proximité navales au-dessus de
l'eau. Comme les projectiles survolent un plan d'eau, c'est-à-dire
une très longue surface plane, cela nous permet d'évaluer
l'efficacité des munitions. L'emplacement demeure stratégique
aujourd'hui étant donné qu'il se trouve toujours à proximité de nos
usines de fabrication de munitions, ce qui bien entendu réduit de
façon considérable nos frais de transport.
Au cours des 10 dernières années, nous avons changé radicalement nos activités à Nicolet. Au début des années 90, nous avions plus de 160 employés à ce site. Aujourd'hui notre effectif total à Nicolet est d'environ 40. En fait, comme l'a mentionné M. Giroul, on a pu réduire l'effectif en partie grâce au transfert des activités de génie et d'essais, qui représente environ 50 p. 100 de notre charge de travail, de Nicolet à Val-Bélair, qui se trouve à côté de Valcartier et de la ville de Québec.
Les mesures que je viens d'indiquer, conjuguées à une diminution de 25 p. 100 de la quantité de munitions achetées au cours des sept dernières années, ont considérablement réduit les tirs d'essai à cet endroit. En fait, notre taux annuel de tirs au début des années 90 était de 10 000 à 12 000 coups par année, et depuis quatre ou cinq ans, ce nombre est tombé à 5 000 ou 6 000 coups. Nous prévoyons que ce nombre continuera de diminuer à l'avenir lorsque nous transférerons d'autres activités à Val-Bélair. Les coûts de fonctionnement actuels de notre site à Nicolet s'élèvent à environ 5 millions de dollars par année, ce qui comprend les salaires et les frais d'entretien du centre.
Je demanderais maintenant à M. Lagacé de vous donner un aperçu des initiatives environnementales particulières que nous avons prises.
[Français]
M. André Lagacé (directeur, Gestion du programme de munitions, ministère de la Défense nationale): Je vais poursuivre en français. Depuis le début des années 1990, le ministère a reconnu l'importance de définir les impacts environnementaux liés à ses opérations à Nicolet et de s'y attaquer. Depuis, plusieurs mesures concrètes ont été prises. On a surtout mis l'accent sur l'impact du bruit et sur les résidus dans les habitats aquatiques.
En 1991-1992, nous avons commandé une étude exhaustive pour mesurer l'impact environnemental de nos opérations sur le niveau sonore ambiant dans les communautés avoisinantes ainsi que sur la qualité de l'eau. Pour poursuivre les priorités du ministère, dans le cadre de cette étude, on s'est principalement attardés au bruit, avec des mesures sur le terrain et des études sociales, et on a colligé les abondantes données disponibles sur la qualité de l'eau.
L'étude a mené à quatre grandes conclusions. La première est que les opérations du ministère n'ont pas plus d'impact sur l'environnement biophysique du lac que les autres activités environnantes. La deuxième est que l'impact de nos opérations sur la qualité de l'eau semble négligeable. La troisième conclusion est que l'évaluation de l'impact sur la qualité des sédiments est complexe et exige des études plus exhaustives. J'en parlerai davantage lorsque j'aborderai l'étude que nous allons faire avec Environnement Canada. La dernière conclusion est que des mesures d'atténuation du bruit peuvent et doivent être prises pour réduire les impacts du tir.
• 0930
À la suite de cette étude, le ministère a mis en service un
silencieux pour les tirs de gros calibre.
Il a également mis en service des sonomètres portatifs
pour surveiller le bruit dans la région.
Bien qu'il n'existe aucune norme fédérale ou provinciale
réglementant le bruit causé par les épreuves de
munitions, il existait à ce moment-là et il existe encore des lignes
directrices qui peuvent être utilisées.
Il est évident que dans tous les cas, la tolérance au bruit demeure subjective. Même lorsqu'on obtient des résultats en-dessous des normes, certains résidants se sentent incommodés. Nous avons élaboré une politique de gestion du bruit avec nos partenaires du ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec, qui entraîne l'arrêt automatique des tirs lorsque nous approchons une certaine limite.
Il y a deux types de projectiles tirés lors des essais. Dans la majorité des cas, ce sont des projectiles inertes ne contenant que de la cire d'abeille et de l'acier. Les autres, qui contiennent des matériaux énergétiques, explosent à l'impact et sont détruits. Dans aucun cas nous n'utilisons des métaux lourds comme charges passives. Nous avons procédé à la construction de buttes d'arrêt et de plaques d'arrêt pour moyens et gros calibres afin de récupérer les projectiles avant leur impact dans l'eau lors de certains tests. Nous avons un bateau spécial pour la récupération de projectiles dans certaines conditions.
Nous prenons des mesures encore plus importantes avec nos partenaires dans le cadre d'un programme de gestion de l'environnement pour limiter les impacts de nos opérations. Le premier engagement, en accord avec le Plan vert du ministère, est de limiter les impacts du bruit.
Nous procédons présentement à l'installation de sonomètres fixes qui permettront d'obtenir, en temps réel, la mesure du bruit ambiant aux endroits désignés. Nous élaborons également des techniques de prédiction du bruit anticipé basées sur la compilation de données en fonction du bruit ambiant et des conditions prévues, c'est-à-dire l'humidité, le vent, la température et le type de tir.
Le domaine du bruit industriel est complexe, et nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec et d'autres spécialistes du milieu afin de mieux comprendre ce type de bruit et d'en limiter les effets sur la population.
Un répertoire informatisé complet sur les tirs et les résultats sonores a été créé. Dorénavant, un rapport trimestriel sera fourni au ministère de l'Environnement et de la Faune du Québec. Nous sommes maintenant en train de perfectionner notre silencieux afin que nous soyons en mesure de l'utiliser lors d'un plus grand nombre de tirs. Ceci permettra une augmentation importante du nombre de tirs dans le silencieux.
Présentement, notre contrôleur du champ de tir s'assure que les essais sont effectués de manière à réduire les impacts sur la population locale en limitant les tirs hors des heures de travail normal. Il n'y a jamais de tir les week-ends et les jours fériés, et nous avons une ligne téléphonique dont la population locale peut se servir pour obtenir des informations quotidiennes sur les activités à notre centre d'essais.
Quant à l'impact sur l'écosystème environnant, une entente entre Environnement Canada et notre ministère a été conclue, qui nous permettra d'évaluer l'impact de nos opérations sur l'écosystème, de formuler des recommandations et également de formuler des conclusions quant à la pertinence d'une éventuelle restauration.
• 0935
Pour la première fois, cette étude fournira des données
scientifiques sur la qualité des sédiments et l'impact
de la remise en suspension des sédiments par les tirs
de projectiles. Mes collègues d'Environnement Canada
vous donneront plus d'information sur cette étude.
Mme Marie-France Bérard (directrice régionale (région du Québec), Direction de la protection de l'environnement, ministère de l'Environnement du Canada): Bonjour, mesdames et messieurs. Vous avez en main une copie de ma présentation. Je ne présenterai pas tous les acétates qui avaient été préparés parce qu'une bonne partie de l'information qu'ils contiennent a déjà été donnée dans les présentations précédentes.
Ce matin, j'aimerais vous parler brièvement de l'étude environnementale portant sur la qualité des sédiments de la portion sud du lac Saint-Pierre utilisée par le Centre d'essais et d'expérimentation des munitions de Nicolet. C'est une entente de collaboration entre Environnement Canada et le ministère de la Défense nationale.
L'objectif de cette entente est principalement de caractériser les sédiments du secteur du champ de tir pour, premièrement, évaluer la contamination des sédiments, deuxièmement, estimer l'impact des tirs d'obus, troisièmement, formuler des recommandations sur l'utilisation du secteur et, finalement, déterminer la pertinence d'une restauration.
Le gouvernement canadien a besoin d'une étude objective pour évaluer l'ampleur de l'hypothèque environnementale du site et évaluer l'impact des activités industrielles actuelles. Mon ministère doit s'assurer que les décisions prises tiennent compte des préoccupations de nos partenaires. Qu'il s'agisse du Groupe d'actions des riverains, du groupe de la ZIP, de la zone d'intervention prioritaire, du ministère de la Défense ou du ministère de l'Environnement et de la Faune, on doit tenir compte des préoccupations des partenaires dans la prise de décisions sur l'avenir du site.
Dans l'entente, on s'est entendu sur la caractérisation des sédiments. Il faut bien déterminer la contamination chimique, évaluer la toxicité des sédiments, ainsi que qualifier et quantifier la biodiversité des organismes vivants dans les sédiments.
Comme vous pouvez le deviner, il y a de nombreuses contraintes à cette campagne d'échantillonnage et à ce protocole. Il y a des aspects de sécurité. Il y a présence d'obus non détonés et il y a encore des tirs. Il faut donc être prudent. Il faut travailler avec la Défense pour s'assurer que l'échantillonnage se fasse de façon sécuritaire.
Il y a aussi une autre contrainte, qui est la densité de la végétation dans les herbiers, que l'on tient à protéger. Il est donc difficile de circuler. Il y a les niveaux d'eau qui ne sont pas très élevés sur les bords. Enfin, l'étude couvre une zone d'une très grande superficie, soit 23 kilomètres par 7 kilomètres. C'est très vaste.
Dans le cadre de ce protocole, le ministère de la Défense s'est engagé à déterminer l'historique des activités de tir afin d'orienter la caractérisation; à fournir de l'information concernant les matériaux énergétiques: à fournir de l'expertise en déminage afin de sécuriser les sites d'échantillonnage; à collaborer à l'élaboration de la stratégie d'échantillonnage et au suivi des travaux de terrain; à interpréter et donner des avis sur les données et résultats traitant des matériaux énergétiques; à réviser les rapports et participer à l'élaboration des recommandations; et à payer la majorité des travaux.
Environnement Canada, pour sa part, s'engage à coordonner les travaux scientifiques; à fournir l'expertise en caractérisation des sédiments, c'est-à-dire tout ce qui a trait à la contamination, la toxicité et la biodiversité; à élaborer les méthodes et la stratégie d'échantillonnage; à suivre les travaux d'échantillonnage; à faire le suivi des analyses en laboratoire; à interpréter les données; à informer le gouvernement du Québec et les groupes intéressés de l'avancement de l'étude; et à rédiger les rapports et élaborer les recommandations.
• 0940
Je terminerai en vous présentant l'échéancier de
l'étude. Nous sommes en planification du travail de
terrain. Une campagne de
prééchantillonnage sera faite de juillet à mars
1999, l'échantillonnage plus exhaustif sera fait
d'avril à décembre 2000, un rapport préliminaire sera
préparé pour septembre 2001 et le rapport final sera
déposé en mars
2002.
Le président: Merci, madame Bérard. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Non?
J'ai ici la liste de ceux qui veulent poser des questions. Ce sont Mme Girard-Bujold, M. Lincoln, Mme Kraft Sloan et M. Charbonneau.
Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Je tiens à vous remercier, monsieur le président, de la diligence avec laquelle vous et le comité avez fait comparaître les membres du Groupe d'actions des riverains ainsi que les interpellants et les interpellés dans ce dossier. Je vous remercie beaucoup. Chez nous, l'environnement est très important, de même que tout ce qui touche les sites utilisés par la Défense nationale au cours des années. Le ministère n'a accordé aucune importance au suivi écologique et environnemental pour les années futures depuis qu'il a choisi des sites pour effectuer de telles opérations.
Je constate que les membres du Groupe d'actions des riverains du lac Saint-Pierre avaient raison. J'ai rencontré M. Lagacé il y a 15 jours, car il a eu la gentillesse de me recevoir avec le porte-parole de la Défense, M. Laurin. Je constate que ce qu'ils avaient à dire était vrai parce que les ministères de la Défense nationale et de l'Environnement ont décidé de prendre des mesures.
J'espère que ce n'est pas trop peu, trop tard. Ce qui est important, c'est la pollution qui est maintenant dans nos rivières. Je pense qu'au-delà de ce que me disent les gens de la Défense et ceux de l'Environnement, des choses ont été faites, qui ont contaminé et pollué l'environnement chez nous. Il y a pollution par le bruit et pollution de l'environnement marin.
Comme le disait M. Giroul, ne serait-il pas temps que la Défense nationale, qui a décidé il y a 50 ans de faire des expériences dans un site marin, songe à déplacer ses expériences? Est-ce qu'il y aura des études à cet égard? Comme vous le dites, il y a possibilité que vous alliez à Val-Bélair, au Québec. Avez-vous envisagé de faire un parc, comme monsieur demandait, et de remettre le site en bon état le plus rapidement possible? Je pense que ce que fait le ministère de l'Environnement n'est pas assez rapide. Il faudra arriver à des conclusions plus rapidement. Cela dure depuis trop longtemps. J'aimerais que les représentants de l'Environnement et de la Défense nationale me répondent, et j'aurai d'autres questions par la suite.
Mon ami Rocheleau, qui est interpellé plus particulièrement, aura aussi des questions à vous poser. Merci.
Mme Marie-France Bérard: En ce qui a trait au temps, une campagne normale de caractérisation de sédiments, d'élaboration de recommandations et de restauration, si nécessaire, prend deux ans dans des conditions normales. Il doit y avoir une campagne de prééchantillonnage, et cette campagne doit se faire en septembre, alors que la biodiversité est à son maximum. On ne peut faire ce type d'échantillonnage que pendant une seule période de l'année.
On se doit de faire une campagne de prééchantillonnage pour que l'année suivante on soit capable d'avoir les résultats les plus représentatifs possible. Donc, dans des conditions normales, on parle de deux ans. Ici, il y a l'aspect de la sécurité qui est très, très important. On pense donc que trois ans, c'est encore très ambitieux.
Je suis d'accord avec vous qu'il faudrait conclure et proposer des scénarios pour l'avenir d'ici deux ou trois ans.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous dites que vous êtes d'accord avec moi, mais il y a actuellement des choses à faire. Comme M. Lagacé nous le disait, on continue à faire des tirs. Je ne le savais pas, mais à cet endroit, on ne tire que de gros obus; on en tire des petits ailleurs. C'est bien ce que vous avez dit, n'est-ce pas, monsieur Giroul? Vous dites que la plupart sont inertes, qu'ils ne contiennent que de la cire d'abeille, mais il y a des obus actifs. Ils n'éclatent pas tous et vous ne les trouvez pas tous. Vous dites que vous avez un bateau, que vous avez ceci et cela, mais des obus tombent dans la rivière depuis 50 ans. Il y a aussi eu un mort. Des choses se sont produites.
Je voudrais que les ministères de la Défense nationale et de l'Environnement démontrent qu'ils ont la volonté de faire des choses aujourd'hui. Qu'ils cessent de tout remettre à demain. Je veux qu'ils disent aujourd'hui ce qu'ils vont faire aujourd'hui pour plus tard. Madame disait qu'on prendrait trois ans pour faire une étude. Je veux que vous démontriez une volonté ferme d'effectuer un changement de cap.
[Traduction]
M. Gordon Hunter: Je vous remercie de votre question.
En ce qui concerne les plans à long terme pour le Centre d'essais et d'expérimentation de Nicolet, nous avons travaillé à l'élaboration d'un programme de gestion environnemental destiné à atténuer les problèmes. Vous avez tout à fait raison, nous n'avons pas mis l'accent sur le déplacement de ce centre, bien que nous ayons transféré une bonne partie de la charge de travail. Nous avons transféré environ la moitié de notre charge de travail à Val-Bélair, comme nous l'avons mentionné.
Nous avons obtenu le silencieux, nous avons des systèmes de surveillance acoustique, nous avons un bateau qui sert à récupérer les munitions explosives non explosées que nous tirons dans le lac, et nous travaillons activement avec Environnement Canada à la caractérisation des sédiments du lac St-Pierre.
Si cette étude indique que nous causons des dommages environnementaux qu'il nous est impossible d'atténuer, vous pouvez être sûr que nous envisagerons d'autres solutions. Mais pour l'instant, d'après les études faites par le passé et d'après le programme environnemental et de surveillance que nous avons mis sur pied, nous considérons que nous sommes extrêmement responsables dans la façon dont nous gérons l'environnement. Nous coopérons de notre mieux avec les résidents locaux et nous sommes très sensibles à leurs préoccupations. Lorsque le bruit causé par nos tirs dépasse certains niveaux, nous cessons nos tirs. Nous prévoyons nos tirs d'essai à des moments différents lorsque les conditions environnementales ou climatiques s'y prêtent. Je pense que nous avons un bon plan.
Je comprends donc vos préoccupations et nous en avons certainement pris bonne note. Mais c'est la situation dans laquelle nous nous trouvons pour l'instant.
[Français]
Le président: Merci, madame Girard-Bujold.
Je donne la parole à M. Lincoln, qui sera suivi de Mme Kraft Sloan, M. Charbonneau, M. Gilmour, M. Herron et M. Rocheleau.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le président, je voudrais remercier Mme Girard-Bujold de nous avoir soumis ce problème. Il s'agit d'une question très importante pour notre comité qui, après tout, est le Comité de l'environnement et du développement durable.
Je voulais attendre d'avoir entendu les deux parties, les deux côtés de la question, avant de prendre position, mais je dois vous dire, messieurs Giroul et Brouillard, que je suis tout à fait de votre côté. Je sympathise beaucoup avec vous, surtout après avoir entendu le plaidoyer des gens de la Défense nationale.
[Traduction]
Je suis tout simplement stupéfait de ce que j'ai entendu aujourd'hui. Après tout, le Canada est le pays qui vient de signer un traité sur les mines terrestres et qui a pris la tête du mouvement en vue de déminer les pays du monde. Nous ne cessons de nous féliciter d'avoir pris cette initiative, et avec raison. Ce que j'entends ici aujourd'hui me stupéfie complètement.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Hunter, dans votre témoignage, vous n'avez pas parlé une seule fois des «gens». Vous n'avez parlé que du MDN, des obus, de la proximité du site, de vos activités à cet endroit et du bateau qui empêche les gens d'entrer dans la zone de danger. Et les gens qui vivent là? S'ils ne veulent pas de votre centre, s'ils ne veulent pas de vos obus, n'ont-ils pas leur mot à dire? Je trouve tout simplement effroyable les témoignages que j'ai entendus aujourd'hui.
• 0950
J'ai relevé certains des commentaires que vous avez faits.
Vous avez dit que nos méthodes de tirs d'essai sont les mêmes que
celles des pays de l'OTAN. Je crois que les gens n'ont rien à faire
d'un tel argument.
Nous avons répertorié les lacs du Québec à l'époque où j'étais en politique dans cette province. Il y a des centaines de millions de lacs au Québec, et le fait d'avoir choisi le lac St-Pierre, qui est l'un des joyaux de l'environnement doté d'un merveilleux écosystème—et j'y suis allé très souvent—pour y envoyer des obus, je n'arrive pas à croire que ce soit le seul endroit où nous puissions le faire.
Et invoquer l'argument que cela se fait depuis 1952 n'a aucun sens. En 1952, on utilisait du DDT. En 1952, nous faisions toutes sortes de choses sans savoir quelles étaient nocives pour l'environnement. Mais en 1999, nous tâchons d'agir différemment par rapport à 1952, parce que le monde a évolué. Nous avions beaucoup de mines terrestres en 1952, et maintenant nous tâchons de les interdire.
Vous dites que le nombre de coups tirés, qui était de 10 000 à 12 000, est passé de 5 000 à 6 000. C'est 6 000 coups tirés dans un endroit où vivent des gens, dans un endroit où il y a du poisson, et dans un écosystème protégé par l'UNESCO. Je trouve tout cela très difficile à accepter.
Environnement Canada va faire une étude et publiera un rapport en 2002. Trois ans plus tard, nous recevrons un rapport, puis nous dirons que nous avons caractérisé les sites et constaté que l'eau est belle, que tout est bien, tout comme nous avons constaté que ces activités ne sont pas pires que les autres. Je me demande si vous avez posé la question à ceux qui vivent là jour après jour.
J'ai constaté dans le procès-verbal d'une réunion, qui je crois est exact, qu'en une journée, 64 obus ont été tirés et 61 ont été récupérés. Lorsqu'on a demandé à M. Jean-Pierre Gagnon ce qui était arrivé aux trois autres obus, il a répondu que le MDN n'avait jamais promis que tous les obus seraient récupérés. Puis il a lui-même admis qu'on ne fournissait pas de rapport trimestriel sur le nombre d'obus non éclatés, et qu'une personne a été tuée là-bas il y a quelque temps. Je trouve cela complètement incroyable et inacceptable.
Je n'ai pas l'intention de poser de questions parce que j'ai pris ma décision. Je considère que la seule solution, c'est que le MDN trouve un autre emplacement. Le Québec est une vaste province, comme le sont les autres provinces. Trouvons un autre endroit et allons faire exploser nos obus ailleurs, parce que je ne crois pas que le lac St. Pierre ou le lac St. Louis sont des endroits appropriés.
Je tiens à vous mentionner que je représente huit villes situées autour d'un lac. Les chasseurs avaient l'habitude de tirer sur tous les canards qui venaient s'y poser et les résidents trouvaient des balles jusque dans leurs maisons. Nous avons alors protesté avec une telle force que maintenant chaque municipalité—sans attendre qu'agissent les autres gouvernements—a adopté des règlements municipaux pour mettre fin aux tirs de balles dans un rayon de cinq kilomètres. Les chasseurs sont allés devant les tribunaux et ont perdu. Ils pourraient eux aussi dire qu'en 1952 et qu'en 1965 nous avions l'habitude de tirer des balles. Mais aujourd'hui ils ne le peuvent plus. Ils ne peuvent pas le faire dans un rayon de cinq kilomètres, parce que les gens ont revendiqué leurs droits à vivre là tranquillement. Ils ne veulent pas de bruit. Ils ne veulent pas de pollution environnementale, ils ne veulent pas d'armes à feu et ils ne veulent pas de balles.
Maintenant, vous tirez d'énormes obus. Je suis désolé, tout ce que j'ai à dire c'est que le MDN à mon avis devrait déplacer ce centre, trouver un autre lac, tirer autant d'obus qu'il le veut et laisser les gens tranquilles.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Lincoln.
Madame Kraft Sloan.
[Traduction]
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Comme toujours, il est très difficile de prendre la parole après M. Lincoln.
J'aimerais en savoir un peu plus à propos des conséquences sur la propriété des résidents locaux. Comment votre maison et vos biens ont-ils été touchés?
[Français]
M. Philippe Giroul: Il y a à peu près un mois, nous avons fait venir un responsable du CEE pour examiner des vitres qui avaient été descellées. Nous demeurons à trois ou quatre kilomètres de là, et les ondes de choc font vibrer les maisons, les vitres et les bibelots, déplacent les cadres, etc. Trois vitres de ma maison sont descellées. Ils sont venus me voir et j'attends leur rapport. Comment pourront-ils prouver que c'est cela, la cause? On ne le sait pas. On n'a pas encore fait d'étude au sujet des autres résidants qui ont porté plainte. On a entendu parler de certaines choses et notre prochaine étape consistera à faire une étude auprès des individus de toute la région afin de bien connaître leur point de vue là-dessus.
• 0955
On disait tout à l'heure que les essais n'étaient
faits qu'entre 8 heures et 17 heures. Quand je
travaillais dans
l'enseignement, je n'étais pas à la maison régulièrement
et je n'entendais pas les détonations. Mais lorsque je
rentrais, je constatais que les cadres étaient
déplacés. Comment cela se faisait-il? Depuis deux ans,
je suis régulièrement à la maison et quand ça tonne,
j'en vois vraiment les conséquences. Voilà ce que je
suis en mesure de vous dire actuellement au sujet des
résidences.
[Traduction]
Mme Karen Kraft Sloan: Personne ne parle des conséquences pour la santé de ces ondes de choc sur les résidents. Je me suis trouvée à proximité de gens qui ont tiré des coups de fusil, et chaque fois que se produit ce bruit assourdissant, votre corps tressaille.
L'été où j'attendais mon premier enfant, j'ai habité dans le chalet de ma belle-mère et il y avait beaucoup d'orages dans cette région au lac St. Clair, pratiquement chaque soir. Et chaque fois qu'il y avait du tonnerre, je sentais mon corps se crisper et je ne crois pas que c'était très bon pour le bébé de subir le genre de crispation que bruit provoque automatiquement. Je me demande quels sont les effets de tels bruits sur de jeunes enfants.
Même si ces tirs ont lieu durant les heures ouvrables, il n'en reste pas moins que ce sont des heures pendant lesquelles les gens de la collectivité vivent. Et je me demande si des études ont été faites non seulement pour évaluer les conséquences sur les biens mais aussi les conséquences sur la santé de la pollution acoustique et l'effet des ondes de choc sur le système et la façon dont cela influe sur le développement des jeunes enfants. A-t-on fait ce genre d'études? Si vos fenêtres tremblent, il en va de même pour les êtres humains.
[Français]
M. André Brouillard: Madame, malheureusement aucune étude n'a été faite au sujet des répercussions de ces détonations sur les humains. Comme le disait M. Lincoln, lorsqu'on parle des tests qui ont été faits, on ne parle pas souvent des effets sur les humains. On aurait souhaité qu'une étude sérieuse soit faite.
Lorsque M. Giroul et moi avons fait une tournée afin de sensibiliser les gens à ce problème, des parents nous ont dit que leurs enfants de trois et quatre ans se faisaient réveiller l'après-midi par les bruits de canons. Je ne pense pas que ce soit une situation normale. On a fait des études sur la faune et une foule d'autres aspects, mais non pas sur les humains. C'est ça qui nous semble un peu curieux.
M. Philippe Giroul: Je voudrais ajouter que juste en face du Centre d'essais, on a aménagé un nouvel hôtel en 1989. Un jour, Mme Céline Dion y a séjourné et elle s'est fait réveiller à 9 heures. Le directeur a tout de suite appelé à la base pour demander qu'on arrête les détonations. Pendant une semaine, grâce à Mme Dion, on n'a rien entendu. Mais nous ne sommes pas Mme Dion.
Il y a deux ans, une résidence qui se trouve en face de chez moi, à quelque 200 mètres, a été transformée en résidence pour personnes en convalescence. Les résidants, qui y séjournent généralement une ou deux semaines, se sont également plaints.
Comme le disait M. Lagacé, notre point de vue est très subjectif, et je suis d'accord avec lui.
J'étais en Europe pendant la Guerre de 1940-1945 et j'ai entendu les détonations des canons au-dessus de ma tête. Personnellement, ce bruit me dérange énormément. Je porte un jugement subjectif et j'en conviens. Mais il faut tenir compte de tout l'effet que cela peut avoir sur les humains. M. Brouillard me disait l'autre jour que lorsque ça commence à tonner, il n'entend pas les détonations parce que son chien commence à japper avant qu'on les entende.
Le président: Monsieur Charbonneau, puis M. Gilmour, M. Herron, M. Rocheleau et M. Laliberte.
M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, je voudrais commencer par poser une question d'ordre technique sur la nature des armes ou des bombes dont on fait l'expérimentation. Est-ce qu'il s'agit d'armes de pointe, d'un nouvelle génération de technologie, ou si ce sont les obus courants qu'on connaît depuis des dizaines d'années?
M. André Lagacé: Ce sont des obus conventionnels de moyen et gros calibre. Permettez-moi d'apporter une correction aux commentaires que j'ai faits précédemment. On fait l'essai des armes de petit calibre à l'intérieur.
M. Yvon Charbonneau: Ce sont donc des armes qu'on connaît depuis des décennies?
M. André Lagacé: Oui, exactement.
M. Yvon Charbonneau: Donc, on ne peut pas dire que ces essais font tellement progresser la science. En somme, les essais qu'on fait sont courants. On fait l'essai du matériel qui sort de l'usine d'armements à quelques kilomètres de là.
M. André Lagacé: Oui, ces tests visent à assurer le contrôle de la qualité.
M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, je suis très heureux que nous tenions ce débat aujourd'hui et je remercie notre collègue qui en a pris l'initiative. Le 11 novembre, paraissait dans Le Devoir un article signé Francoeur qui a attiré l'attention de beaucoup de gens. On y trouvait des affirmations comme celle-ci:
-
La direction
d'Environnement Canada au Québec estime «inacceptable»
d'un point de vue environnemental l'utilisation de 40
p. 100 de la surface du lac Saint-Pierre comme champ de
tir pour les canons de la Défense nationale...
On citait aussi les propos suivants de M. Michel Lamontagne, qui est responsable de la conservation au sein de ce ministère au Québec:
-
On ne peut pas
considérer ça comme acceptable, ce qui se fait là, du
point de vue d'Environnement Canada.
Mme Breda Nadon, qui pilote ce dossier au sein d'Environnement Canada, appuie le jugement de M. Lamontagne. Francoeur a attiré l'attention et bien relancé le dossier.
Le lendemain, le 12 novembre, j'ai envoyé une note à notre ministre de l'Environnement afin d'obtenir des renseignements sur cette question. Le 28 avril, j'ai reçu une réponse me livrant les grandes lignes du programme annoncé par Mme Bérard tout à l'heure, à savoir le travail conjoint des deux ministères.
Je voudrais féliciter les gens du GAR pour leur action et leur dire que je les admire pour leur patience: sept ministres de l'Environnement, sept ministres de la Défense, un nombre incalculable de lettres, etc. D'ailleurs, j'ai pu mesurer moi-même comme député le défi auquel ils font face; j'ai écrit une lettre en novembre et n'ai obtenu une réponse que le 28 avril. Je suis pourtant un député de la majorité.
Il y a probablement beaucoup d'opacité dans ce dossier. Je suis heureux d'apprendre que le ministère de la Défense nationale fera une étude en collaboration avec le ministère de l'Environnement. J'aimerais savoir combien cela coûtera à chacun.
Cette étude devrait enfin nous permettre de mesurer un certain nombre de facteurs. Je souhaiterais qu'elle mesure aussi l'impact sur les populations et sur les espèces, et qu'elle ne se limite pas à mesurer les aspects physiques du dossier, à savoir le bruit, la qualité de l'eau, les sédiments, etc.
Je crois qu'au cours de cette étude, il faudrait envisager, monsieur le président, la possibilité d'imposer un moratoire sur les essais, de les interrompe, de les arrêter. Ces essais ont débuté en 1952, dans un autre contexte, cinq ou six ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale. On est rendus là où on est rendus. À la fin de l'étude, on va fêter le 50e anniversaire du Centre d'essais, au moment où on aura peut-être obtenu le résultat des études. J'estime qu'il est ridicule de tenir ce genre d'essais dans le contexte actuel.
Vous nous avez dit vous-mêmes qu'on fait l'essai d'armes qui ne sont aucunement des innovations technologiques; ce sont des armes de routine. Cela fait des décennies qu'on les connaît. On voit d'ailleurs toute leur efficacité.
• 1005
Même si vous me parlez de l'OTAN, cela
ne m'impressionne pas du tout. On est actuellement
témoins du score de l'OTAN.
Ce n'est pas très fort, même
si on utilise des armes pas mal plus évoluées que celles-là.
N'invoquez pas l'argument de l'OTAN, ne dites pas qu'on est pris avec l'OTAN et ainsi de suite. C'est la dernière chose qui saurait m'impressionner. Ces armes-là n'ont aucun caractère essentiel pour la défense ou la sécurité canadienne. C'est un lien qui existe entre une entreprise et un terrain d'essai, qui est un bassin en somme, une portion de lac. Le contexte a complètement changé.
C'est bien beau de faire une étude, mais c'est un moratoire qu'il nous faut. Il faut arrêter ces essais. Cela n'a aucun sens d'utiliser un lac, qui est une zone de plus en plus habitée. Ce n'est pas du tout le même genre de territoire qu'il y a 50 ans. Cette zone présente également des caractéristiques importantes en termes de terres humides et elle est classée dans certains programmes de l'UNESCO comme devant faire l'objet d'une protection particulière. Donc, que le ministère de la Défense arrête de tirer dans ce coin-là. C'est mon opinion.
Le président: Merci, monsieur Charbonneau.
[Traduction]
Monsieur Gilmour, s'il vous plaît.
M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Hunter, le MDN sera propriétaire du terrain qui borde le fleuve. À qui appartient le lit du lac? Au MDN ou à la province de Québec?
M. Gordon Hunter: Je l'ignore. Je sais que nous avons conclu une entente avec la province du Québec. Vous le savez, Tony?
M. Tony Downs (directeur général, Environnement, ministère de la Défense nationale): La province est propriétaire du lit du lac.
M. Bill Gilmour: Il appartient à la province. La raison pour laquelle je vous pose cette question est que le CEEMFC, c'est-à-dire le centre d'expérimentation et d'essais maritimes des Forces canadiennes, communément appelé le polygone d'essais des torpilles, se trouve dans mon comté dans le golfe de Georgie, et parce que la province de la Colombie-Britannique est propriétaire du fond marin, ce qui a été déterminé à l'issue d'un litige devant le tribunal, le MDN se montre désormais plus conciliant. Peut-être que la province de Québec pourrait exercer certaines pressions afin d'inciter le MDN à se montrer plus bienveillant à l'égard des riverains.
Pour passer à un autre sujet, pouvez-vous me dire approximativement combien d'obus non explosés se trouvent dans le lac?
[Français]
Le président: Madame Bérard, est-ce que vous pourriez répondre à la question de M. Charbonneau?
Mme Marie-France Bérard: Puisque mon collègue Jarry a tous les chiffres en tête, je lui demanderai de vous répondre.
M. Vincent Jarry (chef, Section intervention et restauration, Direction de la protection de l'environnement, Environnement Canada): Nous prévoyons que l'étude, qui durera trois ans, coûtera entre 500 000 $ et 600 000 $. Le ministère de la Défense nationale assumera la majorité des frais, soit probablement 90 p. 100. Notre ministère offrira son expertise, tandis que le ministère de la Défense assumera les frais reliés à l'embauche de consultants.
Le président: Merci, monsieur Jarry.
[Traduction]
M. Gordon Hunter: En réponse à votre question sur les obus non explosés cette année, depuis le 1er janvier jusqu'à la fin de mars, il y en avait un. En 1998, six. En 1997, 30; en 1996, 61, et en 1995, sept. Cela varie dans cette gamme-là.
M. Bill Gilmour: Que fait-on lorsqu'un obus n'explose pas?
M. Gordon Hunter: Nous le recherchons par triangulation. Nous observons l'endroit où il est tombé. Nous utilisons une méthode scientifique pour le localiser. Il arrive parfois que nous n'arrivions pas à la localiser à cause du fond du lac ou parce qu'il traverse la glace en hiver. Il est très rare qu'on ne trouve pas les obus tirés en hiver, mais en été, il arrive qu'on ne puisse les localiser à cause du lit du lac.
Lorsque nous les trouvons, nous les faisons exploser sur place.
M. Bill Gilmour: J'ai une question.
Le président: Oui.
M. Bill Gilmour: La technologie a beaucoup évolué depuis 50 ans. À partir de quand au cours de ces 50 dernières années avez-vous commencé à chercher les obus? En 1952, on ne faisait certainement pas de triangulation ni exploser d'obus; donc, à partir de quand avez-vous commencé à chercher les obus? Avant cette date, c'est évidemment l'inconnu.
M. Gordon Hunter: Vous avez raison. C'est surtout depuis 10 ans que nous sommes en mesure de localiser et d'éliminer les obus. Nous estimons le nombre d'obus à 3 700 entre 1952 et 1984.
M. Bill Gilmour: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Monsieur Giroul, pourriez-vous préciser si vous êtes d'accord sur les données que M. Hunter vient d'énoncer? Dans votre mémoire, vous avez indiqué que 15 p. 100 du matériel d'essai n'était pas récupéré.
M. Philippe Giroul: Nous avons repris le chiffre qui figure dans leurs propres rapports. Il faudrait savoir si ce matériel non récupéré consiste en des obus détonants ou autre chose. On n'a pas pu examiner cela et je ne suis pas un spécialiste en la matière.
Le président: Merci.
[Traduction]
Merci, monsieur Gilmour. Monsieur Herron, vous avez la parole.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.
Ma première question porte sur la décision d'aménager un champ de tir sur des terres humides ou au-dessus d'un lac plutôt que sur la terre ferme. Il me semble de prime abord qu'il serait plus facile de récupérer des obus dans un polygone de tir terrestre plutôt que dans un marais. Serait-il possible de procéder à des essais semblables sur un site terrestre?
M. Gordon Hunter: Oui, et certains pays effectuent les essais de conformité sur la terre ferme. Nous avons transféré une partie de notre charge de travail à Val-Bélair. De plus, nous utilisons fréquemment les champs de tir de Gagetown et de Petawawa.
Je tiens à souligner que nous continuons d'essayer de transférer dans toute la mesure du possible les essais dans d'autres champs de tir. Nous n'avons pas toujours accès à ces autres polygones de tir. Ces derniers sont destinés à l'entraînement, mais nous essayons de les utiliser lorsqu'ils sont libres.
M. John Herron: Je sais que mes électeurs dans la région de Gagetown sont parfois dérangés par les exercices de tir. Je crois que le problème découle en partie du fait que dans les années 50, lorsque nous y avons commencé les tirs d'essai, compte tenu de la population qui habitait la région à l'époque, la décision était peut-être justifiée et raisonnable. En 1999, compte tenu du nombre d'habitants qui habitent la région... approximativement,
[Français]
selon ce que j'ai entendu dire, 50 000 personnes vivent à Trois-Rivières et 91 p. 100 habitent cette région.
[Traduction]
Peut-être que vu la population actuelle, il conviendrait d'envisager une région moins peuplée.
Je connais un peu le secteur, entre Tracy et Sorel, à une extrémité du lac, et j'ai l'intention de passer quelques semaines à Trois-Rivières cet été pour étudier le français, et j'aurais peut-être l'occasion de voir moi-même ce secteur. Il serait peut-être temps en 1999 de déménager les installations. En 1950, c'était peut-être indiqué.
Pour ce qui est du nombre de décibels, et des tirs qu'on n'entendait pas dans les années 50, nous avons probablement décidé d'y aménager le polygone de tir parce que la région était peu peuplée. Ce critère a probablement été utilisé dans une certaine mesure en 1950, mais j'aimerais vous demander si les mêmes normes acoustiques seraient satisfaites et combien de gens de l'endroit pouvaient entendre les explosions comparativement à aujourd'hui?
M. Gordon Hunter: Comme M. Lagacé l'a dit, nous ne disposons d'aucune norme définitive et précise, mais certaines pratiques sont généralement reconnues. Nous avons rencontré les autorités provinciales du ministère de l'Environnement, nous collaborons avec Environnement Canada, et nous avons rencontré des groupes de citoyens. Nous demeurons en deçà des niveaux acoustiques généralement reconnus, et nous suivons la situation de près. Lorsque le niveau est dépassé, nous cessons les tirs. Nous agissons de manière responsable à cet égard, mais je vous remercie de votre question.
M. John Herron: Qui établit le niveau? Vous parlez de niveaux acceptables. Qui établit ces niveaux?
M. André Lagacé: Le ministère de l'Environnement et de la faune du Québec. Le gouvernement fédéral n'a pas de règle. Il n'a pas formulé de recommandations sur le bruit à notre intention. Nous collaborons avec nos partenaires du ministère de l'Environnement du Québec pour établir des règles et nous surveillons leur application.
[Français]
Le président: Monsieur Brouillard.
M. André Brouillard: On nous a demandé d'assister aux essais que feront les Technologies industrielles SNC et le ministère de l'Environnement du Québec les 11, 12 et 14 mai prochains afin d'établir de nouveaux critères pour le bruit qui remplaceront ceux qu'on utilisait jusqu'ici, qui étaient basés sur ceux qui régissent les carrières. Si on songe à modifier les règlements existants, cela prouve bien qu'ils sont inadéquats.
[Traduction]
Le président: Monsieur Lagacé.
M. André Lagacé: J'aimerais simplement ajouter que nous collaborons avec des spécialistes du gouvernement du Québec. Nous avons installé des sonomètres et nous disposons désormais de données sur le niveau acoustique attribuable à nos activités. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux pour établir des règles et des directives que nous sommes en mesure de suivre et nous consultons la population locale, y compris le Groupe d'action des riverains.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Herron.
Monsieur Rocheleau, monsieur Laliberte,
[Traduction]
Monsieur Casson, et ensuite le président.
[Français]
Monsieur Rocheleau, s'il vous plaît.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): D'entrée de jeu, je voudrais à mon tour, en tant que député de Trois-Rivières, qui est la région directement touchée, féliciter les membres du Groupe d'actions des riverains de leur acharnement et de leur ténacité au cours des sept dernières années. Vous avez multiplié vos démarches, lesquelles se sont déroulées plus souvent dans l'adversité que dans la collaboration, et cela même après des gens du milieu. Certaines gens ne vibrent pas d'égale façon face à cette problématique. C'est tout à votre honneur que d'avoir fait aboutir le dossier ici, au bon endroit, au Comité permanent de l'environnement et du développement durable, où vous attend une oreille tout à fait attentive et compatissante.
Le problème émane bien sûr du ministère de la Défense, mais il faut aussi en analyser les conséquences et les effets. Nous devons être reconnaissants à ma collègue de Jonquière d'avoir été aussi tenace et d'avoir sensibilisé les fonctionnaires de ce ministère. Je crois que ce dossier se porte très bien.
J'aimerais poser deux questions aux représentants du ministère de l'Environnment, monsieur le président. Comme vous le savez, le lac Saint-Pierre a été reconnu en 1998 comme véritable site mondial de la biosphère RAMSAR, où l'on doit protéger les zones humides, par le biais du Service canadien de la faune. Comment conciliez-vous cette reconnaissance et les activités inhérentes au fonctionnement du Centre d'essais et d'expérimentation? Ces deux aspects sont-ils compatibles?
En septembre 1996, en réponse à la pétition que j'ai déposée en juin 1996 à la suite des démarches du Groupe d'actions des riverains, le gouvernement m'informait que le Service canadien de la faune et Canards illimitées Canada avaient affirmé que les activités du Centre d'essais et d'expérimentation n'étaient pas nuisibles à la vie aquatique. Quelle importance accordez-vous à cette affirmation? Quelle est la position de votre ministère face à une telle réponse?
Le président: Madame Bérard.
Mme Marie-France Bérard: Tout d'abord, comme vous le savez, à Environnement Canada, il y a plusieurs composantes. Le Service canadien de la faune fait partie d'Environnement Canada. Comme je représente ici ce matin la Direction de la protection de l'environnement, je ne peux pas vraiment parler en leur nom. Par contre, on sait que c'est une réserve faunique pour la sauvagine, et les études faites dans le passé ont montré que les activités n'avaient pas d'impact significatif sur la sauvagine. Je dois ajouter qu'Environnement Canada au complet fait partie du Plan d'action Saint-Laurent. Il en est coprésident, avec le ministère de l'Environnement et de la Faune. Bien sûr, le comité de gestion du Plan d'action Saint-Laurent se préoccupe des activités de la Défense nationale sur ce site. Environnement Canada, naturellement, est sensible aux impacts, mais je répète qu'Environnement Canada n'a pas à se prononcer sur le type d'activité qui se fait au lac Saint-Pierre. On a par contre à s'assurer que les impacts sur l'environnement sont négligeables. C'est ce sur quoi le Service canadien de la faune s'est prononcé. Dans notre étude sur la qualité des sédiments, nous nous préoccupons principalement de la toxicité et de la biodiversité. On veut s'assurer que les impacts soient minimaux.
M. Yves Rocheleau: Et le site RAMSAR?
Mme Marie-France Bérard: Vous voulez savoir si les activités...
M. Yves Rocheleau: Sont compatibles. Est-ce qu'on peut avoir les deux en même temps?
Mme Marie-France Bérard: D'accord. Je vous dirai qu'autant dans le cas du site RAMSAR que dans celui Plan d'action Saint-Laurent, cette activité n'est pas nécessairement compatible avec les objectifs et la récupération des usages.
M. Yves Rocheleau: Dans le cadre de l'étude d'impact à laquelle vous allez collaborer, le fait que le Service canadien de la faune a déjà pris position vous enlève-t-il une marge de manoeuvre ou si vous avez des coudées franches?
Mme Marie-France Bérard: Pas du tout. L'environnement est quand même assez vaste, et le rôle d'Environnement Canada est de s'assurer que les impacts sur l'environnement, à tous les niveaux, soient acceptables et minimaux.
Le président: Merci, monsieur Rocheleau.
[Traduction]
Monsieur Laliberte suivi de M. Casson.
M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Je tiens simplement à attirer l'attention sur cet exposé. Une pétition a été présentée au Parlement et le gouvernement a déposé sa réponse. La dernière ligne de la réponse du gouvernement me trouble. On y dit que les exigences énumérées dans la pétition ont déjà été satisfaites dans le cadre des procédures actuelles.
On demande dans la pétition que le Parlement prie le gouvernement de mettre un terme aux essais. Cela n'a pas été fait. Environ 3 000 personnes ont demandé qu'on mette fin aux essais. La raison invoquée est que nous respectons les niveaux accoustiques industriels dans un secteur agricole.
Le message est de mettre un terme aux essais dans cette région. Vous semblez dire que les frais de transport doivent être pris en considération. Il s'agit d'une mesure de rentabilité industrielle. Le Centre d'essais répond aux demandes de votre fournisseurs. Avant de stocker des obus, vous voulez vérifier leur efficacité, afin d'en avoir pour votre argent, façon de parler. Vous abordez le problème sous l'angle pratique.
C'était pratique en 1952. J'ignore quelle était la population dans la région alors. Il s'agissait peut-être d'un lac éloigné et peu profond.
Vous devez maintenant chercher ailleurs. Je crois que le message est on ne peut plus clair.
Je connais peu le dossier. Je viens d'en prendre connaissance et de vous écouter humblement. Mais on vous demande d'arrêter les tirs.
• 1025
J'ai fait de la politique municipale pendant quelques années.
Il y avait des champs de tir en bordure de la ville, de l'autre
côté de la décharge publique. Lorsque les quartiers résidentiels se
sont étendus dans cette direction, nous avons déplacé le champ de
tir. Voilà comment je vois le problème. Ce sont des zones
municipales. La population canadienne croît. Vous devez déplacer
votre champ de tir.
Est-ce parce qu'il se trouve à proximité d'une voie ferrée ou à proximité d'une voie maritime? Est-ce parce qu'il se trouve à proximité des routes? Vous allez peut-être devoir chercher ailleurs. Le message est clair. Ce sont peut-être les collectivités, la municipalité ou le gouvernement qui vont chercher à votre place, mais il serait très sage de votre part de commencer vos recherches et à faire des recommandations aux ministres.
La décision sera de nature politique, à cause du coût élevé, j'en suis sûr, que cela peut représenter dans votre budget. À des fins pratiques, vous devez respecter votre budget. Nous ne pouvons vous en tenir rigueur. Mais vous devez aussi disposer d'un plan B, c'est-à-dire que si vous devez déménager, si les pressions politiques... ou si les résidents de ces régions vous demandent de déménager—et la pétition est certainement une expression de la volonté populaire; le Parlement du Canada est à l'écoute de la population. Le message est clair. Il a été exprimé. Vous devez commencer à chercher ailleurs.
Cherchez-vous ailleurs, ou le temps est-il venu pour vous de commencer à le faire?
M. Gordon Hunter: Merci. Le message est très clair, comme vous le savez. Nous sommes en train de transférer nos activités du lac Saint-Pierre. Comme nous l'avons déjà dit, nous avons transféré plus de la moitié des tirs d'essai. Nous avons aménagé des buttes d'arrêt afin de réduire considérablement les obus qui aboutissent dans le lac, et nous poursuivons nos efforts en ce sens.
J'ai déjà dit que nous allons continuer de chercher activement à transférer nos activités du lac Saint-Pierre—certains types d'essais—lorsque nous le pouvons et lorsqu'il existe d'autres installations. Nous allons le faire. Nous collaborons avec Environnement Canada pour mener une étude en vue de caractériser le lac et nous allons nous assurer que la communauté participe à cette étude. Nous prenons bonne note de la préoccupation exprimée par le comité, à savoir que l'étude devrait examiner les répercussions sur les habitants, et nous allons nous efforcer d'y donner suite.
En résumé, même si nous n'avons pas de plan définitif pour cesser toutes nos activités à cet endroit, nous allons examiner toutes les solutions possibles pour le faire.
Le président: Merci, monsieur Laliberte.
Monsieur Casson, vous avez la parole.
M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas qui serait davantage en mesure de répondre à ma question, mais je crois avoir lu dans l'un de ces rapports que des obus non explosés peuvent dériver dans le fleuve... Le lac n'est en fait qu'un élargissement du fleuve, et les glaces se déplacent. Y a-t-il un risque que cela se produise?
M. Gordon Hunter: Il serait impossible de répondre par la négative, puisqu'un incident s'est produit en 1982, auquel M. Giroul a fait allusion dans son exposé. Il est extrêmement improbable que cela se produise aujourd'hui, car nous déployons beaucoup d'efforts pour récupérer les projectiles de la glace, beaucoup plus que par le passé, et il est extrêmement rare que nous n'arrivions pas à récupérer les obus. Lorsque nous n'y arrivons pas, c'est parce que le projectile a traversé la glace pour échouer au fond du lac, et non parce qu'il était prisonnier de la glace et qu'il a dérivé.
Je dirais donc, avec autant de certitude qu'on puisse en avoir dans l'environnement actuel, que nous avons pris des mesures pour y parer, mais il est impossible de dire que cela ne pourrait pas se produire dans certaines circonstances.
Le président: M. Giroul aimerait répondre.
[Français]
M. Philippe Giroul: Monsieur le président, il y a eu un mort à Nicolet en 1982. Dans le reportage de Radio-Canada, M. Bernard interviewait un petit garçon qui avait ramassé un obus à quelque 30 kilomètres de là. À Yamachiche, de l'autre côté du chenal, à sept ou huit kilomètres en ligne, des résidants nous ont dit avoir vu des obus au fond du lac. Cela veut dire que les glaces, au printemps, dans certaines conditions atmosphériques, peuvent traverser le chenal et aboutir de l'autre côté. Il y a une plage chez nous. Il se peut qu'un obus arrive là à un moment donné.
Le président: Monsieur Casson, vous avez une autre question?
M. Rick Casson: Oui. Si c'est le cas, je pense que votre zone de tests de 23 kilomètres par 7 doit être agrandie considérablement.
Mais je parcours cette liste, où l'on explique la participation des ministères de la Défense et de l'Environnement. Nous allons déterminer l'historique des activités de tirs, fournir de l'information, fournir de l'expertise en déminage, collaborer à l'élaboration, interpréter et donner des avis, réviser les rapports, fournir une contribution financière. De son côté, le ministère de l'Environnement va coordonner, fournir de l'expertise, élaborer, suivre les travaux, faire le suivi, interpréter, informer, et rédiger des rapports. Quand quelqu'un va-t-il commencer à faire quelque chose, et qui va s'en charger? Quand allons-nous vraiment commencer à nettoyer le fond de ce lac, et à qui va-t-on confier cette tâche?
Lorsque deux ministères s'occupent d'un dossier—et c'est une chose que nous avons vue ici par le passé—tout le monde se renvoie la balle, et on a l'impression que... je ne sais trop. Hier, Joe Jordan, à propos d'un autre sujet, a dit que le nettoyage devrait peut-être incomber aux auteurs du problème. Pourquoi Environnement Canada serait-il responsable, je ne comprends pas bien.
Est-ce qu'on a un programme? C'est une opération qui va être terriblement dangereuse. Nous n'avons aucune idée du nombre même approximatif d'obus qui se trouvent dans le lac. Cela va être un travail énorme, mais il va falloir le faire, sinon tout le secteur devra être interdit à tout le monde. On estime qu'il y a 3 700 obus chargés au fond du lac, quand d'après vous va-t-on véritablement commencer à les récupérer?
M. Gordon Hunter: En même temps que nous étudierons les caractéristiques du lac, nous allons élaborer un plan d'action et déterminer la meilleure façon de procéder.
Je le répète, j'ai pris note de votre question. Nous n'avons pas de plan concret pour commencer à remettre le lac dans son état naturel. Je prends note de la nécessité d'élaborer un tel plan et de l'intégrer au plan environnemental du ministère et au plan de développement durable.
Cela dit, je pense que c'est une opération qui est moins dangereuse que coûteuse. Pour ne parler que d'un seul aspect, il est extrêmement coûteux de récupérer des obus quand on ne sait pas s'ils sont inertes ou pas. En effet, il faut considérer que chaque obus pourrait être un obus chargé. Il faut donc déterminer leur caractéristiques et en déduire les mesures à prendre, et de toute évidence, cela coûte très cher. Mais à la suite de notre étude, j'espère que nous aurons suffisamment d'information pour élaborer un plan approprié.
M. Rick Casson: Autrement dit, quand vous commencerez, il faudra que vous considériez tous les obus qui se trouvent au fond du lac comme des obus chargés.
M. Gordon Hunter: Jusqu'à preuve du contraire, c'est exact.
[Français]
Le président: Monsieur Brouillard.
M. André Brouillard: Monsieur le président, on a récupéré des obus au cours de la dernière décennie, mais imaginez-vous la quantité industrielle d'obus non explosés qu'il peut y avoir dans le lac, étant donné que pendant la période de la guerre froide, il y a eu des essais comme il n'y en avait jamais eu, comme l'ont dit les gens du ministère. Tous ces obus sont potentiellement dangereux pour les habitants autour du lac. Ces obus peuvent être déplacés par la glace. On sait que le lac Saint-Pierre est peu profond. Quand il gèle, il gèle jusqu'au fond. Vous savez ce qui arrive lorsqu'il gèle jusqu'au fond: les glaces récupèrent ce qu'il y a au fond. Quand l'eau monte, la glace se déplace, puis elle laisse tomber ces obus, qui peuvent descendre en aval. La preuve, c'est que les gens du ministère font des expertises avec un hélicoptère jusqu'à l'île d'Orléans. Ils nous l'ont dit eux-mêmes, et vous pourrez le leur demander. Ce ne sont pas les 10 dernières années qui nous inquiètent, mais les obus qui sont accumulés là. On nous a parlé d'un demi-million d'obus. On n'a pas les chiffres exacts parce que certains documents ont été détruits, nous a-t-on dit, mais on parle d'un demi-million d'obus. On peut supposer que le nombre réel est plus élevé. Tel est le problème qu'on vit actuellement. Est-ce qu'on va prendre le risque de tuer un enfant? On sait tous qu'il y a un problème. S'il arrive un accident et qu'un enfant meurt, il faudra dire qu'on le savait et qu'on n'a pas pris les moyens pour régler le problème. Ne l'oubliez pas. C'est tout ce que je voulais dire.
Le président: Merci.
Monsieur Giroul.
M. Philippe Giroul: Je vous signale que cela va coûter très cher. Dans 10 ans, 60 000 obus supplémentaires, cela va coûter beaucoup plus cher. J'apprécie beaucoup la proposition de M. Charbonneau, qui dit qu'il arrêter les tirs dès demain matin. Le moratoire, ça presse.
Le président: Merci.
[Traduction]
Je donne maintenant la parole à la secrétaire parlementaire.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): De toute évidence, M. Hunter sait qu'il y a beaucoup de gens dans la région qui ne sont pas très heureux de cette situation, et je suis en train de me demander...
Vous avez déjà déplacé ailleurs 50 p. 100 de l'opération. Qu'est-ce qui vous empêche d'aller vous installer ailleurs? Est-ce que ce sont les investissements que vous avez déjà effectués à cet endroit-là? À combien s'élèvent ces investissements et combien en coûterait-il d'aller s'installer ailleurs? Il y a des coûts de fonctionnement que vous avez déterminés. Combien de familles du ministère de la Défense vivent dans la région? Est-ce que c'est un problème? Est-ce que ces familles se plaignent du bruit et du reste? Où pourraient-elles s'installer?
M. Laliberte a parlé des pressions exercées par les collectivités et du développement des zones urbaines, de la nécessité de faire des changements. De toute évidence, depuis 10 ans vous avez eu l'occasion d'en faire. Vous avez découvert qu'il y avait des méthodes plus acceptables.
Vous avez parlé du coût du nettoyage, et il est nécessaire de considérer ce qui s'est passé depuis 50 ans. On a l'impression que vous essayez de compenser les coûts de nettoyage des 10 dernières années. C'est un problème qui existe depuis 50 ans. J'espère que vous prenez toutes les précautions nécessaires pour vous assurer que le personnel du ministère de la Défense ne court pas de risques, mais de toute évidence, on s'est aperçu de l'existence d'autres types de coûts. Laisser les choses comme elles sont coûte également très cher, et pas seulement sur le plan pécuniaire. Cela représente un coût pour l'environnement, pour notre santé, nous devons apprendre à mieux calculer.
Qu'est-ce qui vous empêche de réagir et de faire plus, et où pourriez-vous aller vous installer? Est-ce qu'il y a un autre site qui vous offrirait les conditions dont vous avez besoin?
M. Gordon Hunter: S'il existait une solution évidente, il est certain que nous l'aurions adoptée. Nous n'avons pas d'installations capables d'accueillir ce type d'activité.
Nous avons 40 employés à Nicolet. En fait, pour l'instant il y en a moins de 12, et bientôt il n'y aura plus que trois ou quatre employés de la Défense nationale. La majorité des gens sont en fait des employés de SNC IT, une firme que nous avons engagée pour effectuer des test de conformité sur les munitions.
En ce qui concerne les immobilisations, les coûts d'un déménagement ne seraient pas prohibitifs. La majeure partie du matériel peut être déménagée et la construction de batteries de tir et de buttes d'arrêt est assez coûteuse, mais pas prohibitive.
Ces dernières années, nous avons écouté attentivement les plaintes de la collectivité, et on a peut-être l'impression que tout le monde est contre nous, mais en fait, le nombre des plaintes est relativement limité et quand nous en recevons, nous réagissons très rapidement.
Cela dit, j'ai déjà reconnu, et votre comité l'a expliqué clairement, que nous devons reconsidérer nos options et réduire énormément nos tirs dans ce lac, sinon y mettre fin complètement. Nous allons considérer les options très rapidement.
Mme Paddy Torsney: Est-ce que tous les pays font cela? Est-ce le seul moyen de tester les munitions?
M. Gordon Hunter: Il n'existe pas de méthodes non destructives exactes pour tester les munitions.
Oui, tous les pays de l'OTAN, et en fait, d'autres pays qui n'appartiennent pas à l'OTAN mais qui sont des alliés, l'Australie, etc, font des tests de conformité, et nous utilisons tous des échantillonnages semblables. Nous devons être absolument certains que les munitions que nous fournissons aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes et des Forces alliées fonctionneront lorsqu'on les utilisera. La seule méthode reconnue pour établir cela, ce sont ces tests par échantillonnage, et c'est la raison pour laquelle nous le faisons.
• 1040
Avec nos alliés nous sommes en train d'étudier la possibilité
de réduire la taille des échantillonnages. En effet, ces dernières
années, la technologie s'est améliorée et la qualité des munitions
est meilleure qu'auparavant, ce qui devrait nous permettre de
réduire la taille des échantillonnages, et par conséquent de
réduire les tirs d'essai dont nous avons besoin pour nous assurer
de la qualité du produit. C'est donc ce que nous faisons.
[Français]
M. Philippe Giroul: À ce sujet, nous avons demandé à M. Brian Emmett, le commissaire à l'environnement et au développement durable, de faire une enquête sur la désuétude du matériel utilisé, qu'il avait soulevée dans un de ses rapports antérieurs, de même que le surstockage. Pourquoi surstocker encore davantage? Est-ce pour vendre des armes aux pays du tiers monde? On a parlé de l'anachronisme de toutes ces activités. Il s'agirait de faire vérifier ça par le ministère de la Défense nationale. Actuellement, d'après les rapports du vérificateur général et du commissaire, ils sont loin d'avoir fait ces études. Ils disent qu'ils vont étudier, examiner, faire des recherches, etc., mais que se passera-t-il demain?
Le président: Merci. Madame Torsney, une autre question?
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: Quels types de recherche faites-vous, soit en collaboration avec nos alliés, soit indépendamment, pour trouver de nouvelles méthodes d'essais? Cela semble être le problème, et pas seulement une question de quantité. Quelque soit les quantités, il faut pouvoir garantir l'efficacité des munitions. En effet, nous ne voudrions pas que notre personnel militaire se trouve coincé dans une situation avec des munitions qui sont censés de fonctionner et qui ne fonctionnent pas ou encore qui ne sont pas sécuritaires.
Au cours des 50 dernières années on aurait pu trouver d'autres méthodes. Il doit y avoir des exercices de simulation, des modèles qui permettent d'atteindre les mêmes résultats. Il doit y avoir un autre moyen, ou peut-être des recherches sont-elles en cours pour trouver un.
M. Gordon Hunter: En plus du programme de munitions, j'ai plusieurs autres responsabilités. Je suis responsable de l'assurance de la qualité au ministère de la Défense nationale, et cela concerne la qualité de tous les produits et services fournis aux Forces canadiennes.
En fait, les munitions sont le seul produit que nous achetons et que nous devons tester pour acquérir la certitude dont nous avons besoin. Dans tous les autres domaines, nous utilisons le système d'assurance de la qualité du fournisseur. Nous contrôlons et évaluons les procédés qu'ils utilisent et nous partons de l'hypothèse que s'ils observent bien ces procédés, s'ils appliquent leur système d'assurance de la qualité de façon efficace, ils produiront des articles de qualité et nous ne serons pas forcés de les vérifier.
Dans le monde entier, lorsqu'il s'agit de munitions, on considère généralement qu'il n'est pas possible d'avoir entièrement confiance sans soumettre chaque échantillonnage à un tir d'essai. La fabrication des munitions est un véritable art, pas seulement une science. Si l'on s'écarte tant soit peu du procédé, cela peut avoir une influence sur la qualité du produit fini. Pour avoir la confiance dont nous avons besoin, nous faisons donc des tests de conformité.
Malheureusement, personne n'a encore trouvé de meilleure solution.
Mme Paddy Torsney: Combien de lots renvoyez-vous chaque année?
M. Gordon Hunter: Nous avons une statistique à ce sujet, et ce n'est pas zéro.
Mme Paddy Torsney: Est-ce 10 p. 100, 20 p. 100, 5 p. 100?
M. Gordon Hunter: Je n'ai pas le chiffre sous la main.
Le président: Merci.
Avant de passer à un second tour très rapide, j'aimerais faire l'observation suivante.
Depuis une heure et demie, en écoutant la discussion, on peut se demander si l'artillerie n'est pas en train de devenir une forme d'armement dépassée. Si c'était véritablement un élément clé, j'imagine que les généraux de l'OTAN auraient déjà déployé de l'artillerie au Kosovo. Le fait qu'ils aient préféré d'autres technologies signifie que l'artillerie n'est plus considérée comme une arme stratégique clé en cas de conflit.
Il est fort possible que l'artillerie soit en train de devenir périmée, à tel point que c'est une ressource ultime en matière de stratégie militaire. Qui sait? Je ne suis pas expert en la matière, mais c'est certainement une question qui mérite d'être examinée.
• 1045
S'il y a lieu de penser que l'artillerie n'est plus une arme
tactique de premier plan, on peut s'interroger sur la validité et
la nécessité de ces tirs d'essai. Évidemment, c'est une décision
d'ordre politique qui n'est pas du ressort de notre comité.
Toutefois, c'est une question qui mérite d'être discutée, et peut-
être, plus particulièrement, discutée au sein du ministère de la
Défense nationale.
D'autre part, notre comité pourrait également envisager d'adopter une motion demandant au ministère de la Défense nationale de comparaître devant lui pour justifier ces tests à l'avenir. Ce serait une décision parfaitement acceptable et cela permettrait peut-être de mieux cerner les développements les plus récents en matière de tactique militaire. De toute évidence, il faut éviter de livrer la prochaine guerre avec les armes de la guerre précédente. C'est quelque chose qui n'est pas nouveau dans l'histoire des guerres.
Deuxièmement, Environnement Canada va devoir, un jour ou l'autre, prendre une décision d'ordre politique. Ce programme d'étude m'intrigue; évidemment, il convient de se demander ce qu'on entend accomplir au cours des trois prochaines années avec une telle démarche. Mme Labelle, dans les notes d'information, a annoncé aux membres de ce comité que le lac Saint-Pierre a été désigné zone humide aux termes de la Convention de Ramsar en 1998. C'est bien exact?
Mme Christine Labelle (attachée de recherche du comité): Oui.
Le président: Ce n'est pas négligeable. En fait, c'est une désignation très importante. La Convention de Ramsar est particulièrement importante, elle a pour but de préserver les habitats des terres humides du monde entier. Cette désignation signale toutes sortes de recours très attrayants qui pourraient être invoqués. En fait, certains ont même proposé de faire de toute cette région désignée par la Convention de Ramsar un parc national. Je me demande si les gens de la région ont discuté de cette possibilité, il serait intéressant de savoir ce qu'ils en pensent, et également de l'idée de transformer la région en parc national, avec toutes les implications que cela aurait.
Comme d'autres députés l'ont déjà dit avant moi, je ne vois vraiment pas comment on pourrait envisager de prolonger cette étude jusqu'en mars 2002, pour l'amour du ciel.
J'imagine que l'échantillonnage est une opération difficile, une opération qui peut être dangereuse, mais pourquoi l'étaler sur une période de 18 mois? Pourquoi ne serait-il pas possible de procéder à l'échantillonnage et de rédiger le rapport au cours des trois prochains mois, ce qui permettrait de comprimer toute l'étude dans les six prochains mois? S'il y a une raison de prolonger le programme d'étude, ce serait probablement pour examiner le potentiel de la Convention de RAMSAR et également la possibilité de créer un parc national.
Cela dit, nous allons commencer un second tour et voir si les membres du comité auront une motion à proposer. Je reprends le même ordre que pour le premier tour, et je commence par Mme Girard-Bujold qui sera suivie de MM. Lincoln, Charbonneau, Gilmour, Herron, Rocheleau, Laliberte, Casson, la secrétaire parlementaire et le président.
[Français]
Mme Jocelyne Girard-Bujold: J'ai constaté, lors de vos réponses, messieurs de la Défense et de l'Environnement, que vous étiez peut-être prêts à faire de petits pas vers le bon sens.
• 1050
Cependant, ce
qu'a dit M. Hunter tout à l'heure m'a beaucoup déçue.
Vous avez fait preuve d'une certaine ouverture, et
on vient nous parler de gros sous.
Pour moi, quand il est question de
l'environnement, les gros sous n'ont pas d'importance.
Il faut redonner
l'environnement à nos gens. Je partage l'avis de M. Lincoln,
qui dit qu'il va
falloir penser à redonner ce site privilégié aux gens
qui vivent autour du lac Saint-Pierre. Pour le
faire, vous allez devoir faire preuve d'une
certaine ouverture quant à un partenariat avec les gens
qui travaillent sur ces sites, parce qu'il y a des
gens qui y travaillent. Il y a des familles dont le
chef ou la femme travaille à l'intérieur
de ces sites. Vous allez devoir
envisager un partenariat ou une table
régionale qui va impliquer des individus, qui
auront leur mot à dire quand il s'agira de prendre les bonnes
décisions en matière de santé. Ce que Mme
Kraft Sloan a dit tout à l'heure au sujet de la santé
m'interpelle énormément en tant que femme. Nous
avons toutes des enfants.
Nous sommes peut-être un peu jeunes et nous n'avons
jamais participé à la guerre, mais quand nous
entendons...
Je demeure à Jonquière, où on entend très souvent les F-18 passer au-dessus de nos têtes. On fait chaque fois le saut. Ils essaient de ne pas passer au-dessus de nous, mais ils passent quand même chez nous. Cela a un impact sur notre corps.
J'aimerais que votre étude comporte un volet sur les impacts de ces activités sur la santé humaine qui ont été décelés chez les femmes, les hommes et les enfants.
Je voudrais également que soit créé un comité composé de riverains et de gens d'Environnement Québec, d'Environnement Canada, de la Défense nationale et de la MRC. Il doit y avoir une MRC qui regroupe tous les intervenants des villes à l'intérieur de ce périmètre.
Je veux vous faire comprendre qu'il est important d'agir présentement pour plus tard. Je ne peux pas défaire ce qui a été fait dans le passé, mais je voudrais qu'on pose dans le présent des gestes qui vont faire en sorte qu'à l'avenir, tous ces gens puissent jouir d'une bonne santé et atteindre leur plein potentiel de développement.
J'aimerais aussi que vous envisagiez la création d'un parc national. Je trouve que c'est une excellente suggestion de la part du comité.
Étant donné qu'il s'agit d'un site RAMSAR, reconnu au point de vue international, je pense que la Défense nationale doit faire un petit bout de chemin. Aujourd'hui, ce n'est plus le moment de tester de petits obus. On se dirige vers un nouveau millénaire et on a des façons de faire différentes. Les gens de la Défense nationale ont fait preuve d'une certaine ouverture ce matin, et je les en remercie, mais il va falloir qu'ils fassent preuve d'une ouverture d'esprit encore plus grande. Les guerres, personne n'en veut aujourd'hui. La paix, il faut la cultiver par les actes qu'on pose quotidiennement. Merci.
Le président: Merci, madame. Pouvez-vous répondre brièvement, s'il vous plaît?
[Traduction]
M. Gordon Hunter: Je suis heureux que vous reconnaissiez notre franchise et que vous nous encouragiez à persévérer dans cette voie. Nous avons fort bien compris la position du comité. Nous allons examiner toutes les options dont nous disposons avec la plus grande diligence. Cela dit, il n'y a pas de solution immédiate, mais nous allons envisager toutes les possibilités.
Merci.
[Français]
Le président: Merci, madame Girard-Bujold.
Monsieur Lincoln, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Clifford Lincoln: Puis-je céder ma place à M. Charbonneau; je parlerai après lui, si vous voulez bien?
[Français]
M. Yvon Charbonneau: Monsieur le président, j'aimerais faire un petit commentaire avant de faire une proposition.
Tout à l'heure, on nous a dit que le coût de l'étude envisagée était de l'ordre de 500 000 $ à 600 000 $ sur trois ans, si j'ai bien compris. Cela représente environ 200 000 $ par année ou encore 17 000 $ par mois en moyenne. Comme ce sujet comporte de nombreuses facettes, d'après moi, cette étude ne sera pas très profonde ou de très grande envergure. J'ai quelque connaissance des coûts que comportent les études d'impact d'envergure et lorsqu'on me parle d'un budget de 500 000 $ ou 600 000 $ échelonné sur trois ans, je me demande ce qu'on va accomplir, si ce n'est regarder la surface des choses, d'autant plus qu'à mon avis, monsieur le président, le mandat de cette étude n'est même pas suffisant. Mme Girard-Bujold parle des aspects relatifs à la santé. Lorsqu'on fait une étude d'impact, on ne doit pas se limiter aux aspects physiques, chimiques et techniques; il faut regarder l'impact sur la population et sur les espèces. Il faut également se préoccuper des aspects biologiques.
• 1055
Monsieur le président, j'aimerais présenter une
proposition qui comporte deux éléments, dont le premier
est le suivant: que le comité demande qu'il y ait un moratoire
sur les essais effectués par le ministère de la Défense
nationale jusqu'à ce que nous ayons reçu les résultats de l'étude que
s'apprêtent à mener les deux ministères.
Le deuxième élément de la proposition est celui-ci: que cette étude que vont mener les ministères de la Défense nationale et de l'Environnement soit élargie pour porter non seulement sur les aspects techniques ou physiques du dossier, mais également sur les aspects humains—j'incorpore ici l'idée de Mme Girard-Bujold—, y compris la dimension de la santé, les aspects sociaux et les aspects biologiques.
Si vous avez une suggestion amicale à me faire au sujet d'un autre terme, monsieur le président, j'apprécierais que vous m'en fassiez part.
Le président: La diversité biologique.
M. Yvon Charbonneau: Oui. Je souhaite que dans le cadre de cette étude, on tienne compte de l'aspect de la diversité biologique. Je voudrais qu'on incorpore cette dimension à l'étude et qu'on ajuste les budgets en conséquence afin qu'on puisse faire une étude sérieuse.
En quelques mots, voici le coeur de la proposition: d'abord un moratoire, puis un élargissement de la portée de l'étude afin de toucher les aspects sociaux, de la santé et biologiques.
Le président: Les délais seraient-ils les mêmes?
M. Yvon Charbonneau: Oui.
Le président: D'accord, merci. Le prochain intervenant sera M. Lincoln.
M. Clifford Lincoln: Nous serions disposés à appuyer la proposition de M. Charbonneau, mais nous proposerions que le délai accordé à la réalisation de cette étude soit réduit d'au moins deux tiers. De plus, il ne serait peut-être pas possible que ce moratoire commence tout de suite et nous pourrions accorder un mois ou deux aux fonctionnaires du ministère de la Défense pour prendre les dispositions nécessaires.
[Traduction]
Monsieur Hunter, j'ai une ou deux questions à vous poser; je vous prie d'ignorer le ton que j'ai adopté tout à l'heure, c'est simplement que ces questions-là me tiennent très à coeur, mais ce n'est absolument pas dirigé contre vous personnellement. Je sais qu'il n'est pas facile de comparaître devant un comité, nous avons tendance à vous lancer des obus, mais j'espère que vous réussirez à récupérer ces obus-là.
Qu'est-ce qu'un échantillonnage de 12 000 obus par rapport au total annuel des ventes de la SNC? Autrement dit, quel échantillonnage vous vendent-ils quand vous testez 12 000 obus?
M. Gordon Hunter: Par définition, la taille des échantillonnages varie. Je ne pense pas qu'il y ait une réponse unique.
M. Clifford Lincoln: Mais je croyais vous avoir entendu dire que vous deviez respecter une norme minimum en ce qui concerne l'échantillonnage.
M. Gordon Hunter: Oui.
M. Clifford Lincoln: Y a-t-il une norme en ce qui concerne l'échantillonnage? Devez-vous tester 10 p. 100, 15 p. 100 ou bien 20 p. 100 des munitions?
M. Gordon Hunter: Est-ce que quelqu'un parmi nous a une réponse rapide à cette question? Si vous nous donnez un instant, mes collègues vont vous donner une réponse approximative.
M. Clifford Lincoln: Il me semble que le chiffre de 12 000 indique déjà une certaine norme. Si l'échantillonnage à Val-Bélair était de 6 000, qu'est-ce que cela changerait? À moins de commencer à comparer les deux, si vous arrêtiez les tests à Nicolet, si vous faisiez l'échantillonnage uniquement à Val-Bélair... autrement dit, la moitié ou les deux tiers...
M. Gordon Hunter: Je comprends.
M. Clifford Lincoln: ...avec le temps, cela vous donnerait des résultats sur l'impact du total des munitions. S'il n'y avait pas de variations, cela résoudrait votre problème.
M. Gordon Hunter: Oui, mais je précise que les activités que nous avons transférées de Nicolet à Val-Bélair ne sont pas des tests de conformité, mais plutôt des tests de génie, entre autres. Jadis, à Nicolet et au CEE nous avions deux types d'activités différentes: les tests de conformité, soit un échantillonnage des lots de production, et d'autre part, des tests de génie sur les munitions, pour détecter les défauts de fabrication, etc. Nous avons transféré approximativement la moitié des opérations, c'est-à-dire les tests de génie. Tous les tests de conformité sont effectués. Nous n'avons pas de tests d'échantillonnage dans d'autres sites où on pourrait utiliser un échantillonnage moindre, par exemple, ou encore comparer les résultats. Ce n'est pas la même chose.
M. Clifford Lincoln: Revenons à la question posée par Mme Torsney. Ne pouvez-vous pas faire ces essais de conformité—en d'autres termes, procéder à ces tirs d'obus—ailleurs?
M. Gordon Hunter: Si, monsieur. C'est d'ailleurs ce que nous faisons déjà un peu. Nous procéderons à des essais de ce genre à Gagetown, à Petawawa...
M. Clifford Lincoln: À combien d'essais procédez-vous à Gagetown, à Petawawa?
M. Gordon Hunter: Cela dépend de la nature des munitions, des lots de production et du pourcentage à tester.
Pour répondre à votre première question sur la taille de l'échantillon, en règle générale, c'est 10 tirs d'essai par lot de 5 000. Cela varie en fonction du genre de munitions, mais c'est généralement 10 tirs par lot de 5 000. Environ 10 p. 100 de nos tirs d'essai se font soit à Gagetown soit à Petawawa.
M. Clifford Lincoln: Monsieur Hunter, 10 p. 100 ce n'est rien. Soit vous essayez d'augmenter ce pourcentage... faites-le passer à 100 p. 100 et vous n'aurez plus tous ces gens sur le dos; et nous vous ficherons la paix.
C'est ma dernière question. Les 3 700 obus dont vous admettez la présence toujours possible quelque part au fond du lac, plus les 100 autres depuis 1995, à peu près—quelle est votre estimation...? M. Giroul avance le chiffre d'un demi-million; la vérité se situe peut-être quelque part entre les deux, nous ne le savons pas, mais vous vous dites 3 700. Combien coûtera la récupération de ces 3 700 obus, et combien de temps vous faudrait-il si on vous intimait de commencer dès demain?
M. Gordon Hunter: À propos des chiffres différents qui sont avancés—ce demi-million correspond à une estimation du nombre d'obus qui ont été tirés à Nicolet depuis l'ouverture en 1952. Tous ces obus n'ont pas atterri dans le lac; ils ont atterri dans des buttes d'arrêt et nous avons utilisé d'autres techniques pour les empêcher de tomber dans le lac. Ce chiffre de 500 000 correspond donc au nombre total d'obus tirés.
Pour ce qui est du coût du nettoyage du lac, je n'ai pas vraiment une estimation que j'aimerais vous proposer mais il est clair qu'il faut que nous en fassions une, que nous fassions une évaluation de ce que représentera le nettoyage du lac et c'est ce que nous allons faire. Cela n'a pas encore été fait.
M. Clifford Lincoln: Est-ce que ce sera inclus dans l'étude d'Environnement Canada ou est-ce que c'est quelque chose dont vous vous occuperez séparément?
M. Gordon Hunter: Non, ce ne sera pas inclus dans son étude. Environnement Canada s'intéressera avant tout à l'état géologique du lit du lac. C'est une compagnie du secteur privé qui fera une estimation industrielle et une évaluation du coût que pourra représenter ce nettoyage. Nous n'avons donc pas ces chiffres.
M. Clifford Lincoln: Pourrez-vous nous les communiquer, s'il vous plaît?
M. Gordon Hunter: Je ne sais pas. Si c'est possible, nous le ferons. Je ne sais pas si nous y sommes autorisés.
Le président: Merci.
Monsieur Gilmour, s'il vous plaît.
M. Bill Gilmour: Monsieur le président, je cède mon tour pour donner aux représentants du Québec une chance de plus de poser des questions.
Le président: Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Je voudrais commencer par vous dire que notre parti souscrit à la proposition de M. Charbonneau. À la suite de ses propos, nous nous interrogeons aussi sur le budget alloué à cette étude et croyons qu'une analyse est peut-être nécessaire.
J'aimerais demander aux fonctionnaires du ministère de la Défense quel lien existe entre leur ministère et SNC-Lavalin. Quel est le statut de cette entreprise? Est-elle le maître d'oeuvre ou un simple consultant?
Comme l'indiquait le député Charbonneau, ces essais ne portent pas sur des outils de haute technologie. Pourquoi les documents sont-ils si confidentiels et pourquoi est-il si difficile d'obtenir de l'information de votre ministère?
• 1105
En ma qualité de député et à la demande des
représentants du GAR, j'ai demandé à SNC-Lavalin de me
fournir certains renseignements. Si ma mémoire est bonne,
on m'avait répondu que, pour des raisons de
confidentialité, je ne pouvais les obtenir. Si
ces renseignements ne portent que sur le contrôle de la
qualité des obus, ils ne devraient pas être
confidentiels.
Pourquoi y a-t-il tant d'opacité dans le dossier, aussi
bien de la part
du ministère de la Défense que de SNC-Lavalin?
[Traduction]
M. Gordon Hunter: Pour répondre à la première partie de votre question, SNC Industrial Technologies Inc., une filiale de Lavalin, a racheté au gouvernement canadien en 1986, je crois, ou en 1987 les arsenaux du Canada. C'est notre principal fabriquant de munitions pour les munitions conventionnelles de toutes tailles, allant du petit au gros calibre. SNC IT est la compagnie que nous avons engagée pour tester nos munitions et elle a accès pour cela au champ de tir de Nicolet. Nous lui donnons aussi l'accès, quand c'est nécessaire au champ de tir de Gagetown ou à celui de Petawawa pour leurs tests de conformité.
J'aimerais demander à Monsieur Tony Downs, notre directeur général responsable de l'environnement à la Défense nationale, de vous dire quelques mots sur le point de vue du ministère sur ces questions. Monsieur Downs.
M. Tony Downs: Monsieur le président, c'est avec plaisir que j'interviens.
La stratégie de développement durable soumise au Parlement par le MDN en décembre 1997 énonce les principes généraux que nous avons l'intention d'appliquer pour protéger l'environnement. C'est une procédure rigoureuse suivant un ordre prédéterminé, et nombre de nos centres d'entraînement et de nos zones d'essais en particulier font l'objet d'études intensives—des études sur la flore et la faune, l'inventaire des stocks, nos méthodes et leur impact. Comme on l'a déjà dit, Nicolet ne figure pas spécifiquement sur cette liste; c'était notre première liste.
Lorsqu'il y a des problèmes, nous faisons tout ce qu'il faut pour les résoudre. C'est le cas en l'occurrence. Je crois que M. Hunter a également signalé que les recherches menées par Environnement Canada pourront être étendues à certains autres sites. C'est ce qu'avait suggéré le Groupe d'action des riverains et c'est ce que nous ferons.
Nous estimons que si beaucoup de ces lieux comme RAMSAR ont pu être transformés en zones protégées, c'est à cause d'une présence du MDN qui a empêché toute autre sorte d'utilisation. Je sais que c'est un argument que vous avez peut-être déjà beaucoup trop entendu, mais je crois qu'il dénote un degré de responsabilité...
Le président: Sans doute, mais je ne suis pas certain qu'il soit judicieux de s'en resservir.
M. Tony Downs: Je veux simplement dire que ce n'est pas toujours pour cette raison qu'on s'adresse à nous. Vous savez peut-être que le Fonds mondial de la nature nous a demandé de protéger une zone de Suffield parce que s'y trouvait de la prairie à herbe courte qui n'existe nulle part ailleurs et qui depuis a été désignée réserve nationale de faune. C'est le Prince Philip qui l'a inaugurée.
Nous avons d'autres exemples comme à Shilo au Manitoba. Le gouvernement manitobain nous a demandé de désigner la zone d'entraînement de Shilo comme zone spéciale conformément à leur loi. Encore une fois, c'est en partie parce que nous sommes là et parce que nous sommes tout à fait disposés à accéder à leur demande à condition de pouvoir poursuivre nos activités comme avant.
Ce que je veux dire, c'est qu'à quelques nuances près, nous sommes tout à fait parvenus à respecter les objectifs et les intentions de certaines de ces zones protégées.
Le président: Très bien, merci.
[Français]
Monsieur Rocheleau, est-ce que vous avez terminé votre intervention?
M. Yves Rocheleau: Selon vous, est-ce qu'on pourrait s'attendre à ce qu'on fasse preuve de plus de transparence et qu'on entoure cette question de moins de secret?
[Traduction]
M. Gordon Hunter: Nous respectons pleinement la Loi sur l'accès à l'information. Je m'informerai sur ce qui vous a été refusé car je ne suis pas au courant. Si vous voulez, c'est ce que je ferai. Bien sûr, cela remonte à un certain temps, mais tout ce que nous pouvons divulguer au du public conformément aux règlements du ministère et du gouvernement, nous le faisons, et pour ce que nous ne pouvons pas, pour certaines raisons, nous ne le faisons pas.
• 1110
La loi n'est pas ma spécialité, mais nous sommes aussi
transparents et ouverts que possible dans les limites permises. Si
vous avez un exemple précis à me confier, je me ferai un plaisir de
vérifier.
Le président: Monsieur Rocheleau, monsieur Brouillard et monsieur Giroul, s'il vous plaît.
[Français]
M. André Brouillard: Monsieur le président, je voudrais revenir sur un sujet qui nous préoccupe beaucoup: le bruit. On a parlé de sonomètres permanents et de sonomètres mobiles. On reconnaît que certaines améliorations ont été apportées dans ce domaine. Bien qu'on ait mesuré les dB(A), les décibels acoustiques, qui sont plus près de l'oreille, au lieu des dB, il y a au moins un an qu'on réclame qu'on règle le problème particulier du souffle à la sortie des canons et surtout des gros calibres. Les problèmes à ce niveau ne sont pas détectés par les sonomètres, bien qu'ils soient à la source des secousses que subissent nos maisons et du fait que nos vitres se descellent. Nous attendons toujours qu'ils tiennent leurs promesses, fassent ce travail et embauchent des experts pour régler ce problème que les outils actuels ne réussissent pas à enregistrer.
Je reviens à la charge là-dessus et je me permets de souligner que les sonomètres ne règlent pas tout, et surtout pas les problèmes de basse fréquence. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse et nous tenons mordicus à ce qu'on trouve une solution. Enrayer le bruit est notre priorité. Nous concédons que certaines améliorations ont été faites, mais on n'a rien fait quant aux conséquences que nous jugeons les plus nuisibles, soit les vibrations que subissent nos maisons et que ne peuvent enregistrer les sonomètres dB(A). Les spécialistes pourront vous confirmer nos dires. Merci.
Le président: Merci, monsieur Brouillard. Monsieur Giroul, s'il vous plaît.
M. Philippe Giroul: J'aimerais revenir à la question de confidentialité qu'a soulevée M. Rocheleau. Comme j'y ai fait allusion rapidement un peu plus tôt, en janvier, me prévalant des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, j'ai présenté une demande au ministère de la Défense nationale afin d'obtenir une copie du contrat qu'il avait signé avec les Technologies industrielles SNC. Lors d'une conversation téléphonique, M. Lagacé m'avait informé que cela ne posait aucun problème. Deux semaines plus tard, on me disait qu'il était impossible d'accéder à ma demande parce que ce dossier faisait l'objet d'une enquête, et qu'on me retournerait les 5 $ que j'avais déboursés. «Revenez dans six mois», m'a-t-on dit. Qu'est-ce qui se passe en-dessous de tout ça? On ne le sait pas.
Le président: Merci, monsieur Giroul.
[Traduction]
Monsieur Hunter, vous avez des commentaires à ce sujet?
M. Gordon Hunter: J'aimerais apporter une précision à ce que j'ai répondu tout à l'heure à M. Rocheleau. On m'informe que la voie à suivre, si vous n'êtes pas satisfait des renseignements fournis, est de vous adresser au Commissaire à l'information du gouvernement. Vous pouvez lui faire part de vos plaintes et il prendra en charge les suites à y donner. Je tiens simplement à ce que vous sachiez que nous essayons d'appliquer les politiques de manière impartiale, ouverte et transparente dans tous les cas.
Pour ce qui est de la demande de M. Giroul d'une copie du contrat avec Technologies industrielles SNC, je ne suis au courant ni des détails ni du statut. M. Lagacé vérifie et vous contactera ultérieurement.
Merci.
Le président: Merci.
J'aimerais conclure maintenant au cas où il y aurait un vote dans 29 minutes. On a peut-être le quorum. Il y a M. Laliberte et...
Mme Paddy Torsney: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
[Français]
Le président: Madame la secrétaire parlementaire.
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. Il y a une question qui ne cesse d'être posée et qui n'a pas encore reçu de réponse—et vous l'avez vous-même posée. Pourquoi cette étude ne peut-elle être plus serrée? Les témoins pourraient-ils nous dire si oui ou non ils peuvent faire cette étude?
Le président: Ce n'est pas un rappel au Règlement.
Mme Paddy Torsney: C'est un rappel au Règlement en ce sens que vous avez posé cette question et que j'aimerais avoir une réponse.
Le président: Cela n'a rien à voir avec mes petits intérêts. Ce n'est tout simplement ps un rappel au Règlement. Quand ce sera votre tour de poser une question, vous aurez tout le loisir de le faire—dans un instant.
Monsieur Laliberté.
M. Rick Laliberte: Cela concerne plus, je suppose, notre comité. Une recommandation de moratoire a été faite mais votre suggestion d'inviter le ministre devrait également être envisagée.
Le président: Madame Torsney, s'il vous plaît.
Mme Paddy Torsney: Oui. Pourrions-nous demander aux témoins de répondre à la question que vous avez posée tout à l'heure et qui n'a pas encore reçu de réponse.
Le président: J'avais l'intention d'inviter Mme Bérard à faire un commentaire si elle le souhaite.
Je vous en prie.
[Français]
Mme Marie-France Bérard: Nous sommes conscients de l'urgence d'agir, et le débat que nous tenons ce matin ne fait que la confirmer. Lorsqu'on songe à rapprocher l'échéance, il faut tenir compte de contraintes techniques et biologiques. Notre échéancier prévoit que le rapport préliminaire sera publié en septembre 2001, soit dans moins de trois ans. Cet échéancier tient compte de certaines contraintes au niveau de la biodiversité. On veut avoir les échantillons les plus représentatifs possible. Il faut environ trois mois pour obtenir des résultats des laboratoires. Il faut également faire une validation statistique de nos données.
• 1115
De plus, comme vous avez pu le constater dans notre
tableau intitulé «Organisation du projet», nous voulons
miser sur la participation de nos partenaires, y
compris la communauté, dans cette démarche.
Il faut accorder aux gens le temps nécessaire pour
prendre connaissance des rapports afin qu'à la fin de
cette étude, nous arrivions à une approche et à des
résultats concertés et que nous n'ayons pas à négocier les
options qui seront mises sur la table, puisqu'elles
auront préalablement été approuvées par les partenaires.
Le président: Madame Bérard, cela dit, ne pourrait-on pas réduire les délais?
Mme Marie-France Bérard: Nous pouvons faire notre possible à cette fin, mais il serait difficile de faire ne sorte que les conclusions soient acceptées par tous avant septembre 2001.
Le président: Monsieur Brouillard, s'il vous plaît.
M. André Brouillard: Monsieur le président, j'aimerais demander à M. François Guibert, qui est une de nos personnes ressources en environnement et l'ancien directeur régional d'Environnement Québec, de nous dire brièvement quelques mots sur la possibilité d'un parc national et sur son impact sur la population.
Le président: Monsieur Guibert.
M. François Guibert (conseiller en environnement, Groupe d'actions des riverains): Je m'appelle François Guibert et je suis biologiste. J'ai été directeur de l'environnement pour le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche pendant plusieurs années et j'ai oeuvré dans ce domaine pendant 25 ans. Dans le cadre de mon mandat, j'ai été responsable de certains parcs du Québec et de réserves fauniques. J'agis à titre de personne ressource auprès du groupe.
Notre région est un site très rare et menacé. Soixante-dix pour cent des terres humides du Saint-Laurent ont disparu, bien que cette région ait su résister à l'avancement de l'industrialisation et de l'agriculture. Auparavant, il y avait peut-être une cinquantaine de fermes sur ce territoire de 22 kilomètres carrés. Nous ne recommandons pas nécessairement qu'on y établisse un parc national. On pourrait songer à un territoire protégé qu'on exploiterait pour la chasse ou la pêche. D'ailleurs, pendant trois ou quatre semaines à chaque année, quelque 70 000 personnes s'adonnent à l'observation des oiseaux migrateurs, des oies qui viennent longer le territoire du ministère de la Défense nationale. Ce n'est pas le territoire de la Défense nationale qui les attire, mais plutôt les terres agricoles inondées qui sont en dehors du périmètre de la Défense nationale.
Si je me permets de citer ce chiffre, c'est que je veux souligner le fait que le lac Saint-Pierre est un lieu habité qui se trouve au coeur du Québec, à proximité de Trois-Rivières, de Drummondville, de Montréal et de Québec. Nos visiteurs viennent de Québec, des États-Unis et des autres provinces. Ce site a un très grand potentiel à titre de site protégé.
Avant de songer à toute autre vocation pour ce lac, il est nécessaire de faire une étude afin d'évaluer la pollution causée par les obus, cela même s'il y a un moratoire sur le tir. Le seul fait de jeter une ancre à l'eau pourrait être le dernier geste de pêche de votre vie parce que l'ancre ne s'accrochera pas; elle va voler.
• 1120
C'est un endroit extrêmement dangereux et ce n'est pas
tout le monde qui en est conscient. Des gens
circulent sur ce territoire et même de petits
avions le survolent de temps en temps.
On a parlé du transport par les glaces; les glaces ramassent
les pierres et les obus au fond et les transportent
à l'île d'Orléans et même jusqu'à Rivière-du-Loup.
On en a entendu parler au procès de 1982.
Il est très nécessaire qu'Environnement Canada fasse une étude, et cette étude devrait aussi porter sur l'épaisseur des sédiments. S'il y a 500 000 obus de 10 livres au fond de l'eau, c'est une mine de plomb ou d'acier inestimable. Je ne sais pas si cela pourrait être recyclé.
Mais, peu importe la qualité des sédiments, la présence d'obus vivants et de métal à cet endroit est inacceptable et très dangereuse. L'avenir d'un futur parc national dépendra de la décontamination et du déminage de cette surface. C'est la même chose pour les 22 kilomètres carrés de terre. Il y a peut-être eu des essais de mines ou de différentes sortes d'obus vivants, et ces obus sont encore là. Il faudra mener une étude avant d'envisager de faire un parc, mais cette idée est un bel objectif et les gens du milieu seraient sûrement très heureux d'en avoir un.
Il faut surtout penser, comme je le disais tout à l'heure, que tant la population environnante que celle qui vient de loin sont concernées. C'est un site exceptionnel. On en trouve rarement de semblables autour du Saint-Laurent à l'heure actuelle. Il y a là un potentiel très grand.
Le président: Merci, monsieur Guibert.
Pourrait-on discuter de la motion de M. Charbonneau? Veut-on faire d'autres commentaires? Sinon, j'invite M. Charbonneau à proposer une motion très précise sur le moratoire et sur l'élargissement de l'étude. Je prie notre greffier de nous lire la motion.
Le greffier du comité:
-
Que le Comité permanent de l'environnement et du
développement durable de la Chambre des communes exige
un moratoire sur les essais de tir du Centre
d'essais et d'expérimentation de Nicolet le plus tôt possible,
cela jusqu'à ce que les résultats de l'étude d'impact
d'Environnement Canada et de la Défense nationale
soient disponibles;
-
Que l'étude d'impact prévue par Environnement Canada et
la Défense nationale soit élargie pour y inclure
une étude des impacts humains et sociaux ainsi
qu'une étude des impacts sur la biodiversité;
-
Que la
durée de l'étude soit reconsidérée et raccourcie si
possible.
Le président: Avez-vous des commentaires ou des questions? Madame Girard-Bujold.
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Je crois que M. Charbonneau avait aussi inclus des montants additionnels pour l'étude. Je ne vois pas cela dans la proposition.
Le président: Cela poserait une question de procédure délicate pour l'admissibilité de la motion. Il serait préférable de la laisser...
Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci, monsieur le président.
M. Yvon Charbonneau: [Note de la rédaction: Inaudible] ...motion quant au montant disponible et prévu, surtout si on élargit le mandat. Je pense que si les gens responsables acceptaient la mise en oeuvre d'une telle proposition, ils seraient tenus d'ajuster le budget en conséquence.
Le président: Merci.
Madame la secrétaire parlementaire.
[Traduction]
Mme Paddy Torsney: Il y a deux questions. Pour commencer, je suppose que cette motion sera mise aux voix lors de la prochaine réunion, et deuxièmement...
Le président: Je ne sais pas.
Mme Paddy Torsney: Nous n'avons pas le quorum.
Le président: Nous n'avons pas le quorum, oui.
Mme Paddy Torsney: Deuxièmement, je me demande pourquoi dans cette motion il n'y a rien à propos d'une invitation faite au ministre de la Défense nationale de venir devant notre comité pour nous parler, peut-être, de cette question afin de mieux cibler notre démarche.
Le président: Cela fera l'objet d'une autre motion. Elle pourra tout à fait être proposée pour étude par un autre membre du comité. Je suggérerais d'en faire une motion distincte.
Malheureusement, nous n'avons pas le quorum pour pouvoir prendre une décision aujourd'hui mais c'est la proposition que nous ferons lors de notre prochaine réunion aussitôt que nous aurons le quorum requis.
Le greffier nous rappelle que la prochaine réunion portera sur les sites contaminés, coïncidence aussi étrange qu'intéressante. Ce sera peut-être le bon moment dans le bon contexte.
Au nom des membres du comité, j'aimerais remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous aujourd'hui et qui nous ont permis de mieux comprendre la situation.
Cette réunion a été des plus intéressante. Nous avons beaucoup appris, moi, en tous les cas, et nous vous reverrons avec plaisir, si ce n'est dans six mois, peut-être dans douze mois, en espérant que d'ici là ce problème aura connu une conclusion heureuse. Nous sommes très reconnaissants aux citoyens du lac St. Pierre d'avoir suivi cette question avec autant d'attention, d'avoir préparé ces mémoires, y compris celui qui n'a pas été distribué mais qui devrait l'être, le mémoire d'André Brouillard, «Au-delà de la pointe de l'iceberg», dont la lecture est forte instructive. J'encourage vivement le greffier à le distribuer.
J'aimerais également remercier bien entendu les fonctionnaires de leur participation ainsi que toutes les personnes présentes dans la salle.
La séance est levée. Merci beaucoup.