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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 février 1999

• 0910

[Français]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-32, Loi visant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable.

Les attachés de recherche de notre comité me disent qu'il y aura une conférence sur l'environnement le 12 mars, à l'Université de Sherbrooke. Plusieurs sujets y seront abordés. Elle durera une journée entière. On va vous distribuer ce dépliant pour que vous en preniez connaissances. Je prie ceux qui sont intéressés à y participer de prendre contact avec notre greffier. C'est un conférence en français, naturellement. Ce sera une très bonne occasion de prendre contact avec des savants, des techniciens et des académiciens francophones. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet. Il s'agit d'un colloque annuel. Merci.

[Traduction]

Nous accueillons ce matin trois témoins: Inka Milewski, du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick, un ancien collègue et député de Skeena—si je me souviens bien de sa circonscription—M. Jim Fulton, qui représente la Fondation David Suzuki, et M. William Doubleday, de la Direction des sciences biologiques au ministère des Pêches et Océans. Si cela convient aux témoins, nous allons procéder dans cet ordre.

Fidèle à sa réputation parlementaire, M. Fulton veut soulever un point de procédure.

M. Jim Fulton (directeur exécutif, David Suzuki Foundation): Monsieur le président, je voudrais soulever brièvement une question de procédure, concernant les témoignages présentés cette semaine par l'Association des salmoniculteurs de Colombie-Britannique. Ils ont fait référence au document sur lequel j'ai fondé mon exposé de ce matin, à savoir un rapport intitulé Net Loss, de la Fondation David Suzuki. Il s'agit d'un rapport rédigé par un expert conseil professionnel en matière de pêche, M. David Ellis, et par un médecin. Il a été révisé par cinq experts de niveau doctoral, Rebecca Goldberg, Gordon Bell, Gordon Hartman, Parzival Copes et Gale Bellward, dont quatre sont d'anciens hauts fonctionnaires fédéraux spécialistes en biologie marine, tandis que le Dr Bellward est professeur en pharmacologie à l'Université de Colombie-Britannique.

Le rapport a été soumis aux salmoniculteurs, mais je voudrais faire référence au témoignage présenté lundi dernier par l'Association des salmoniculteurs de Colombie-Britannique:

    Vous allez entendre plus tard cette semaine un exposé d'un porte-parole de la David Suzuki Foundation, fondé sur son rapport intitulé «Net Loss». Je tiens à signaler que le Bureau d'évaluation environnementale de Colombie-Britannique a relevé des allégations de l'auteur dans l'examen sur l'aquaculture en Colombie-Britannique et que celles-ci ont été réfutées par des scientifiques indépendants.

Cette déclaration est fausse. Elle est trompeuse, mais c'est au comité qu'il appartient de déterminer si elle est délibérément trompeuse. Quoi qu'il en soit, je crois que c'est une affaire très grave et pour un témoin, c'est un outrage au Parlement que de venir ici et faire des fausses déclarations, en particulier contre quelqu'un qui n'est pas présent. Ces témoins seraient incapables de produire le document en question, qui n'existe pas et qui n'a jamais été rendu public. Aucun groupe de scientifiques indépendants n'a jamais réfuté notre rapport. C'est une étude parfaitement documentée en ce qui concerne les publications fédérales et provinciales. C'est un rapport de près de 200 pages.

Je dois dire que tout cela n'est pas nouveau. L'Association des salmoniculteurs de Colombie-Britannique s'est mise récemment à faire en public des déclarations délibérément fausses et trompeuses. Je le signale au comité.

Le président: Monsieur Fulton, ça n'est pas vraiment une question de procédure. Néanmoins, vous avez présenté votre argument et, à votre habitude, vous l'avez fait de façon très efficace. Vos propos ont été consignés. Nous allons voir maintenant comment vont réagir les témoins lundi, éventuellement par écrit, de façon que nous puissions avoir au dossier leur réponse à votre question de procédure, pour l'information des membres du comité et de tous les autres.

Madame Milewski, je suppose que vous n'avez pas de point de procédure à soulever, mais vous avez un sujet à traiter. Soyez la bienvenue. Si vous voulez commencer, je vous demande simplement, dans la mesure du possible, de ne pas dépasser 10 minutes.

• 0915

Mme Inka Milewski (ex-présidente du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président.

Je voudrais tout d'abord faire les présentations. Je m'appelle Inka Milewski et je suis l'ex-présidente du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick, qui existe depuis 1969. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif, régi par un conseil de 20 citoyens de la province, et qui s'efforce depuis 30 ans de contribuer à l'amélioration de la qualité environnementale et du développement durable au Nouveau-Brunswick, au niveau national et au niveau international.

Je suis biologiste des milieux marins. Depuis 22 ans, j'occupe des fonctions dans des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. C'est en tant que bénévole que j'ai présidé notre organisme, et c'est en tant que bénévole que je le représente ici.

Je voudrais remercier le comité permanent de la Chambre des communes de me permettre de comparaître aujourd'hui. Vous avez sans doute eu l'occasion de prendre connaissance de l'information que nous avons préparée à votre intention, avec les titres suivants: «After the Gold Rush: The Status and Future of Salmon Aquaculture in New Brunswick»; «Enforcement of Federal Environmental Legislation in Salmon Aquaculture in New Brunswick», un mémoire rédigé par Janice Harvey; «A Supplementary Brief on Salmon Aquaculture Waste/Nutrients», rédigé par moi-même; et «A Brief to the Federal/Provincial/Territorial Committee on Pest Management and Pesticides». Nous espérons également que vous recevrez aujourd'hui un document que nous avons rédigé à l'intention du World Wildlife Fund intitulé «Pesticide Use in Salmon Aquaculture in Southwest New Brunswick».

Avant de commencer mon exposé officiel, je voudrais commenter deux déclarations faites le lundi 1er février par des représentants de l'aquaculture. La première déclaration concerne des propos de M. Bill Thompson, de l'Association des salmoniculteurs du Nouveau- Brunswick, concernant les raisons pour lesquelles le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick aurait renoncé au contrôle environnemental des entreprises de salmoniculture. À deux reprises, M. Thompson a prétendu dans son témoignage que le ministère de l'Environnement avait décidé que les conséquences environnementales de la salmoniculture n'étaient pas suffisamment importantes pour justifier un programme de surveillance, et il a prétendu que l'industrie avait pris la relève des activités de surveillance. Cette explication est inexacte.

En fait, le financement du programme de surveillance au ministère de l'Environnement n'a pas été renouvelé, et la responsabilité de cette surveillance a été transmise au ministère des Pêcheries et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick, qui a lui-même délégué la responsabilité et le coût de ce programme à l'industrie.

Comme le contrôle est désormais financé par l'industrie, les dispositions de la Loi sur le droit à l'information du Nouveau- Brunswick sont telles que le gouvernement ne possède plus l'information sur ce sujet, qui n'est donc plus accessible au public.

Ce genre de partenariat entre l'industrie et le gouvernement est de plus en plus fréquent, puisque le gouvernement cherche à se décharger des coûts de la réglementation et de son application auprès de l'industrie, et de ce fait, une grande partie de l'information échappe à tout contrôle public.

La deuxième déclaration que je voudrais commenter est celle de M. Myron Roth à propos de la santé du saumon. M. Roth a déclaré, en réponse à une question de Mme Karen Kraft Sloan, que les médicaments vétérinaires sont soumis à des évaluations détaillées d'innocuité et d'efficacité par Santé Canada. Ils devraient du moins l'être en théorie.

En réalité, pendant toute la crise du pou de poisson, les autorités politiques provinciales et le ministère des Pêcheries et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick ont fait pression auprès de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire pour qu'elle accepte la procédure d'homologation du salmosan—c'est le pesticide dont on vous a parlé lundi dernier—afin de mettre des outils légaux et abordables entre les mains des salmoniculteurs. Alors qu'il faut normalement de trois à cinq ans pour faire homologuer une nouvelle substance chimique, le salmosan a été homologué en un temps record de huit mois, grâce à des données environnementales fournies par le fabricant et fondées sur des tests réalisés en Europe. En particulier, l'approbation a été accordée deux mois tout juste après qu'un fonctionnaire de l'ARLA eut écrit ceci:

    La demande d'homologation d'urgence de l'azamethiphos (salmosan) présentée par la province du Nouveau-Brunswick ne peut être accueillie, parce que l'ingrédient actif de ce produit n'est pas encore homologué au Canada et que le temps ne permet pas d'étudier l'information disponible de façon à permettre l'utilisation de ce produit dans des situations d'urgence.

• 0920

Il n'y a eu aucun test d'effectué au Canada avant l'approbation du salmosan. Pour plus de détails sur le salmosan et sur les autres traitements chimiques évoqués lundi dernier, je vous renvoie au mémoire que nous avons rédigé à l'intention du comité fédéral-provincial-territorial sur la lutte antiparasitaire et les pesticides. On devrait trouver également d'autres détails dans le document envoyé aujourd'hui même par le Fonds mondial pour la nature.

Dans le but de faire progresser ici l'étude de cet important sujet d'affaires publiques, il importe d'aller au-delà des pauvres arguments des salmoniculteurs, qui prétendent que des groupes comme le Conseil de conservation sont là pour faire disparaître des emplois. Ce point de vue est étroit, non constructif et inexact.

Nous avons soulevé la question des déversements de déchets de la salmoniculture très précisément parce que les emplois et l'environnement dont ils dépendent sont en jeu et sont actuellement menacés. Vous n'entendrez pas aujourd'hui le point de vue des pêcheurs traditionnels, mais les pêcheurs de hareng, de homards, de palourdes et de pétoncles dénoncent depuis la fin des années 80 les effets préjudiciables de la salmoniculture sur les zones de pêche traditionnelles. Ces pêcheurs savent bien que tous les poissons marchands qu'ils prennent dépendent de l'environnement marin littoral à un moment ou un autre de leur développement, qu'il s'agisse de zones de frai, d'éclosion ou de croissance. La santé des stocks dépend de la santé du bon fonctionnement des écosystèmes.

Malgré la diminution des stocks de poissons de l'Atlantique, la valeur de la pêche traditionnelle dans la seule région du sud-ouest du Nouveau-Brunswick égale ou dépasse la valeur de l'aquaculture de la province, et elle emploie davantage de travailleurs. D'après le ministère des Pêches et Océans, les pêches commerciales des stocks naturels au Canada ont atteint une valeur de 3,2 milliards de dollars en 1994. Malgré tout ce qu'on a entendu sur la diminution des espèces sauvages, les pêches de l'Atlantique ont atteint plus de 2,1 milliards de dollars en 1994 et elles ont employé 45 000 pêcheurs actifs, auxquels s'ajoutaient 61 000 travailleurs des usines de transformation. Contrairement à ce que l'on croit trop souvent, la pêche des espèces sauvages n'est pas morte.

Les pêcheurs du sud-ouest du Nouveau-Brunswick font état de zones de pêche devenues stériles, de problèmes de pollution causés par l'accumulation de nourriture pour saumons sur des fonds marins et de déversement de déchets de transformation du saumon. Les résidents du littoral font également état de substances graisseuses sur les rochers, de dépôts malodorants sur les bancs de coquillages et de la présence croissante d'algues dans l'eau, ce qui rend le littoral déplaisant pour les résidents aussi bien que pour les touristes.

L'ensemble de ces problèmes environnementaux n'a été constaté qu'après la soudaine apparition et l'expansion rapide de la salmoniculture. Les nombreux rapports d'études scientifiques mentionnés dans notre mémoire supplémentaire n'ont servi qu'à confirmer les observations minutieuses des pêcheurs et des résidents du littoral quant aux effets environnementaux de l'aquaculture.

Il faut savoir que les richesses et les avantages écologiques de l'environnement marin doivent profiter à tout le monde, et non pas uniquement à l'aquiculture. Le gouvernement a la responsabilité de gérer les ressources publiques pour le bénéfice de tous. Malgré cette obligation et malgré des milliers de tonnes de déchets déversés chaque année par les piscicultures, c'est qu'il n'existe aucune réglementation fédérale qui fixe des normes de rendement à cette industrie. Cela signifie que les déversements de substances toxiques et de nourriture excédentaire ainsi que la détérioration de l'habitat du poisson, qui relèvent de la compétence réglementaire du fédéral aux termes de la Loi sur les pêches et de la Loi sur la protection de l'environnement, ne sont pas réglementés.

L'industrie peut bien prétendre qu'il existe des règlements sur l'utilisation des pesticides et des médicaments, sur la fabrication des aliments, sur le nombre de poissons par cage et sur le nombre de piscicultures par site. Tout cela est vrai, mais elle ne subit aucune restriction concernant les déversements de pesticides ou de médicaments approuvés dans l'environnement marin. Ainsi, le traitement le plus courant du pouls de poisson est un bain pour lequel on utilise une bâche afin d'isoler chaque cage marine pour mieux contenir les pesticides. Une fois le traitement réalisé, on retire simplement le bain contenant le pesticide et celui-ci se dissipe dans l'environnement. Il n'y a pas de réglementation à ce sujet. On pourrait citer de nombreux autres exemples. Il en va de même pour les médicaments approuvés utilisés dans la nourriture de poissons. La nourriture non consommée qui contient des antibiotiques et différents autres médicaments se dépose sur le fonds marin et peut être consommée par d'autres poissons. Il n'existe aucun contrôle à ce sujet. Une fois que la nourriture est donnée aux saumons, ses effets sur l'environnement ne sont soumis à aucune réglementation ni à aucune norme.

• 0925

La seule obligation environnementale explicite des salmoniculteurs licenciés au Nouveau-Brunswick est de réaliser chaque année un programme de surveillance environnementale et d'en communiquer les résultats au ministre. Il n'existe aucun critère spécifique qui puisse amener le ministre provincial à exiger des changements dans les activités dont le programme de surveillance a démontré les effets négatifs. De surcroît, tout le monde, y compris les fonctionnaires locaux du ministère des Pêches et Océans, reconnaît que les conditions associées aux licences provinciales font en permanence l'objet d'infractions. Aucun exploitant n'a jamais été accusé d'avoir enfreint les conditions de sa licence et les autorités canadiennes n'ont jamais porté d'accusations aux termes de la Loi sur les pêches contre un salmoniculteur.

Comment se fait-il qu'on ait négligé la question des déversements de déchets des salmonicultures dans la formulation de la politique nationale? À mon avis, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont rangés au point de vue des pisciculteurs, qui prétendent que la préservation d'un environnement marin sain est essentielle à la survie de leur activité, et ces autorités comptent sur l'industrie pour qu'elle assure elle-même sa propre surveillance et son autoréglementation.

L'industrie nous a bien montré, au fil des années, qu'elle peut fonctionner dans une eau de mauvaise qualité et avec une incidence élevée de maladies. Les rapports de surveillance environnementale du ministère de l'Environnement du Nouveau- Brunswick signalent des effets environnementaux de modérés à élevés pour 37 des 48 sites aquicoles qu'il a contrôlés en 1991. Les épidémies ont été fréquentes chez les saumons d'élevage du sud- ouest du Nouveau-Brunswick. Il y a eu des épidémies d'une infection bactérienne appelée furonculose en 1985, 1988, 1990, 1993 et 1994. Des épidémies de Hitra, une autre infection bactérienne, se sont produites en 1989, 1993 et 1994. Il y a eu des infestations de poux de poisson en 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998. L'épidémie d'anémie infectieuse du saumon de 1997, dont il a été question lundi dernier, qui s'est produite dans la zone la plus exposée aux déchets de saumon du sud-ouest du Nouveau-Brunswick, à l'Etang Inlet, a nécessité l'abattage de centaines de milliers de poissons et a coûté des dizaines de millions de dollars aux contribuables en indemnisations versées aux pisciculteurs.

Il a fallu une situation de crise, avec l'épidémie d'ISA, qui a pris des proportions écologiques et économiques gigantesques dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick en 1997 et en 1998, pour forcer le gouvernement provincial à agir. Le directeur de l'aquaculture au ministère des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick a reconnu dans un article de septembre 1997 que l'attitude de son ministère jusqu'alors avait consisté à permettre à l'industrie de fixer ses propres règlements. Aujourd'hui, il déclare:

    Si l'on a pu avoir des doutes quant aux effets sur le poisson des effluents des usines de transformation (de saumon) [...] aujourd'hui, le doute n'est plus permis [...] De toute évidence, il faut envisager des mesures de contrôle plus sévères.

On a éliminé la salmoniculture dans une grande partie de l'Etang Inlet dans le but de permettre à l'environnement de récupérer. Les contrôles plus sévères évoqués par le directeur de l'aquaculture n'ont toujours pas été annoncés.

Les mesures et le manque de réglementation de l'aquiculture marine ont été préjudiciables à l'industrie, aux administrés et à l'environnement. Le scénario désastreux du sud-ouest du Nouveau- Brunswick montre bien que lorsque les autorités fédérales ou provinciales éludent leurs responsabilités en matière de réglementation environnementale, de contrôle et d'application de la loi dans la gestion des ressources publiques, personne n'en sort gagnant.

De nombreux rapports scientifiques et administratifs ont réclamé la réglementation exécutoire de la salmoniculture, y compris le rapport du groupe d'évaluation environnementale de la salmoniculture de Colombie-Britannique, que l'on cite très souvent. Ses recommandations sont explicites. La huitième recommandation demande que l'on évalue les piscicultures actuelles pour déterminer si elles ont des effets négatifs appelant des mesures correctives. La dixième recommandation demande l'élaboration et l'application de normes de qualité de l'eau pour les déversements de déchets dissous dans les exploitations à enclos flottants. La recommandation no 24 préconise l'adoption d'un règlement relevant de la Loi sur la gestion des déchets qui mette en place un modèle de gestion des déchets fondé sur le rendement. La recommandation no 25 préconise des critères concernant l'élaboration de normes sur les sédiments benthiques.

• 0930

Les eaux marines relèvent de la compétence fédérale. Il faut donc que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de réglementer les déversements des déchets de piscicultures dans l'environnement marin. Le conseil de la conservation demande instamment au comité permanent d'approuver les amendements proposés au sujet des substances nutritives dans le projet de loi C-32. À défaut de tels règlements, les déversements de déchets, déjà très élevés, vont encore augmenter, puisque l'industrie envisage de prendre de l'expansion, non seulement dans la production de saumon, mais aussi dans la production d'autres espèces de poissons de mer.

L'augmentation de la production de poisson implique une augmentation de la production de déchets. Les pisciculteurs affirment qu'ils utilisent les méthodes les plus efficaces pour nourrir leurs poissons et qu'ils sont toujours intéressés par de nouvelles méthodes plus efficaces, mais d'après les scientifiques, il sera beaucoup plus difficile, à l'avenir, de réduire la production de déchets.

L'expérience nous apprend que la réglementation environnementale est un facteur de changement technologique et qu'elle favorise l'adoption et la mise au point de nouvelles solutions technologiques. L'intérêt de la réglementation environnementale n'est pas de punir les industries coupables, mais de faire rattraper leur retard à celles qui en ont pris. Il est évident que si les piscicultures sont aussi performantes qu'elles le prétendent, elles n'auront aucune difficulté à se conformer à des normes de rendement environnemental relevant de la LCPE.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Milewski.

Monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: Merci, monsieur le président. Je voudrais, moi aussi, féliciter le comité du bon travail qu'il fait sur les questions de qualité de l'eau dans le contexte des substances nutritives et toxiques.

Il est manifeste que la salmoniculture de Colombie-Britannique rejette dans les eaux du littoral de l'île de Vancouver et du continent la même quantité d'eaux usées qu'une ville de 500 000 habitants. Ces eaux usées contiennent des substances nutritives, des médicaments—dont beaucoup sont toxiques—et des éléments pathogènes liés à des maladies qui peuvent se transmettre aux stocks de poissons sauvages.

Comme vient de le dire Mme Milewski, le Parlement a la responsabilité et l'obligation d'imposer des règlements concernant les eaux littorales, pour faire en sorte que ces eaux soient traitées correctement. J'aimerais aborder les motifs pour lesquels le ministère des Pêches et Océans ne prend pas de tels règlements en vertu des articles 35 et 36, car les membres du comité devraient savoir que la stratégie fédérale de développement de l'aquaculture produite par le ministère des Pêches et Océans en 1995—le greffier pourra vous en obtenir des exemplaires, c'est le document DFO\5066, réimprimé en 1995—indique clairement comment le gouvernement a été amené à intervenir. Le premier ministre Mulroney a amorcé les démarches en 1984 et a exigé que le ministère des Pêches et Océans devienne l'organisme fédéral responsable de l'apiculture. Le ministère s'est fait le champion de cette industrie mais il se trouve en conflit d'intérêts quand vient le temps d'aborder les problèmes de pollution. À maintes et maintes reprises, aussi bien dans l'Atlantique que dans le Pacifique, il y a eu des problèmes de pollution que le ministère a refusé d'aborder, parce que la politique gouvernementale en fait le champion de l'aquaculture.

Les salmoniculteurs des deux extrémités du pays se sont fait un plaisir d'empocher tous les bénéfices, les millions de dollars d'argent du contribuable, ils ont profité des légions de scientifiques fédéraux et du personnel du ministère des Pêches et Océans, du Bureau de diversification de l'économie de l'Ouest et des autres ministères qui ont travaillé sans relâche pour leur venir en aide. J'invite les membres du comité à se reporter à la page 13 du document. Après une énumération de tout ce que va faire le gouvernement fédéral pour venir en aide à la salmoniculture et augmenter sa rentabilité, on lit ceci:

    Le gouvernement fédéral va mettre au point une structure systématique pour effectuer des évaluations d'impact environnemental, pour définir des modèles d'évaluation du risque et des évaluations par catégories, conformément à la loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Ce comité fait précisément ce que les salmoniculteurs ont toujours considéré comme indispensable. Une promesse a été faite il y a quatre ans, et le comité est maintenant chargé de faire ce que le gouvernement fédéral et les salmoniculteurs ont toujours considéré qu'il fallait faire.

Le président: À quelle page?

M. Jim Fulton: À la page 13.

Le président: De quel document?

• 0935

M. Jim Fulton: C'est la stratégie fédérale de développement de l'aquaculture.

Le président: Merci.

M. Jim Fulton: De toute évidence, ils savent depuis le début que cette étude devait intervenir, qu'il allait y avoir des amendements portant sur les substances toxiques, sur les substances nutritives, sur les évaluations d'impact environnemental et c'est ce que m'a confirmé par écrit le ministre de l'Environnement du Canada il y a quelques mois.

Les salmoniculteurs, du moins en Colombie-Britannique...

Le président: Avez-vous des exemplaires supplémentaires de ce rapport?

M. Jim Fulton: Non, monsieur le président. Ils sont très difficiles à obtenir. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je vais donner la référence ISBN au greffier, parce qu'ils sont encore...

Le président: Nous allons faire circuler ici celui dont nous disposons.

M. Jim Fulton: Lorsque le Bureau d'évaluation environnementale de Colombie-Britannique...

Le président: C'est bien à la page 13, n'est-ce pas?

M. Jim Fulton: Oui, page 13.

Lorsque le Bureau d'évaluation environnementale de Colombie- Britannique eut terminé son étude de la salmoniculture le 26 août 1997, il a publié une déclaration d'une page où l'on peut lire, au paragraphe 3:

    Les recommandations aux ministres

—il s'agit des ministres fédéral et provincial—

    représentent un changement d'orientation en direction d'un système réglementaire de normes précises, objectives et applicables qui seront plus efficaces pour prévenir ou pour atténuer les impacts environnementaux négatifs et les conflits avec les autres utilisateurs de la ressource. Actuellement, les salmoniculteurs ne sont assujettis qu'à très peu de normes applicables.

C'était la conclusion...

Le président: Pouvez-vous nous redonner le titre du document et la page?

M. Jim Fulton: Oui. Je vais le laisser au greffier pour qu'il puisse...

Le président: Quel en est le titre?

M. Jim Fulton: C'est le Bureau d'évaluation environnementale de Colombie-Britannique. C'est l'édition du 26 août 1997. Je laisse ce document au greffier, monsieur le président.

Le président: Merci.

M. Jim Fulton: Il est évident—et évidemment, les salmoniculteurs des deux côtes ont essayé de dire le contraire lundi dernier, en prétendant qu'ils sont réglementés à outrance et qu'on leur rend la vie impossible.

Les auteurs de l'étude sur la salmoniculture ont aussi constaté—et je cite le paragraphe 2, page 82:

    Le système de gestion des échappés n'est pratiquement pas appliqué et il n'y a pas de mesures d'incitation et ou de dissuasion pour prévenir les échappés, à part les considérations économiques qui incitent les pisciculteurs à éviter toute perte de leur stock. Il y a eu au total plus d'un million d'échappés déclarés dans les piscicultures de Colombie-Britannique. L'intérêt économique des pisciculteurs et les règlements et politiques actuels de gestion concernant les échappés ne sont pas suffisamment efficaces pour régler ce problème.

On dit de cette étude que c'est la plus vaste évaluation environnementale jamais réalisée. Voilà ces principales conclusions, à savoir que les salmoniculteurs ne sont assujettis qu'à très peu de normes applicables. On sait déjà qu'en Colombie- Britannique et au Nouveau-Brunswick, le ministère des Pêches et Océans est le champion de l'industrie et se trouve en conflit d'intérêts lorsqu'il veut agir contre les échappés, même lorsque l'on constate que le Tsitika, le saumon de l'Atlantique, est en train d'envahir les eaux de Colombie-Britannique. D'éminents scientifiques, comme M. Noakes de Colombie-Britannique, affirment que ce n'est pas bien grave. En ce qui concerne les aliments pour poissons qui s'accumulent sur le fond de l'océan, et dont j'aimerais maintenant parler, on nous dit aussi que ce n'est pas bien grave.

L'un des témoins qui était ici lundi dernier, M. Stephen Cross, a déclaré dans son témoignage que les effets environnementaux benthiques étaient limités à un périmètre de 10 à 30 mètres de rayon autour de l'exploitation. M. Cross sait parfaitement—et je conteste son témoignage. Il sait qu'il nous a fallu quatre mois de démarches entreprises en vertu de la Loi sur l'accès à l'information en Colombie-Britannique, avec le fonds de défense juridique du Sierra Club, pour obtenir le rapport de données sur les sédiments de John Deniseger, un biologiste professionnel, et de Lloyd Erickson; il s'agit d'une étude du gouvernement de Colombie-Britannique publiée en juin 1998, qui a établi, monsieur le président, que l'on trouve des sédiments toxiques provenant des entreprises de salmoniculture dans un rayon de 100 mètres autour des installations.

Ils parlent toujours d'une petite empreinte. Ce n'est pas ce qu'affirment les études que le gouvernement et l'industrie ont essayé d'enterrer. On parle ici de 10 à 30 mètres, alors qu'en réalité, c'est 100 mètres.

Ils parlent de cette toute petite empreinte. Ils disent qu'ils ne veulent que quelques kilomètres de littoral. Vous avez déjà vu, dans l'édition du magazine Science que vous avez fait circuler lundi dernier auprès des membres du comité, que la superficie d'océan à exploiter représente 40 000 ou 50 000 fois la superficie des installations. C'est la superficie d'océan qu'il faut exploiter pour récolter suffisamment de poissons sauvages pour approvisionner... et c'est pourquoi j'ai voulu présenter ces documents aux membres du comité, pour leur donner une idée des proportions réelles du problème.

C'est la seule industrie qui, à ma connaissance, fait diminuer la quantité nette de protéines disponibles pour la consommation humaine. En réalité, on accapare d'importants volumes de poissons sauvages comestibles de très grande qualité, comme le maquereau, et on en prive ainsi des populations dont les carences en protéines sont très fortes, comme celles de Amérique du Sud, pour les acheminer vers des salmonicultures ici au Canada, dont les produits sont destinés aux restaurants huppés de New York, Los Angeles et Denver. Voilà un aspect moral de la question dont on ne peut faire abstraction.

• 0940

Le président: Monsieur Fulton, vous avez parlé de quatre graphiques. Pourriez-vous s'il vous plaît les expliquer au comité étant donné que nous avons reçu très peu de documentation écrite au sujet de ce dont vous parlez et que cela servirait peut-être à illustrer ce que vous êtes en train de nous dire.

M. Jim Fulton: Oui, avec plaisir, monsieur le président.

Laissez-moi tout d'abord signaler une autre erreur très importante du témoignage de lundi de M. Cross. Il termine le paragraphe en disant que le processus de récupération environnementale a été étudié et qu'il s'est produit, a-t-on constaté, entre le mois zéro et le mois 18. Pourtant, voici les conclusions d'une étude effectuée par M. Cross lui-même pour le compte du gouvernement de la Colombie-Britannique, que je vais d'ailleurs vous laisser:

    Les résultats d'une enquête préliminaire sur la récupération benthique provenant de la salmoniculture en Colombie-Britannique ne sont pas concluants jusqu'à maintenant (Anderson, 1992). D'après les résultats de l'étude, la récupération complète benthique peut prendre jusqu'à cinq ans après la cessation des répercussions environnementales dans les sites de la Colombie-Britannique.

Eh bien, je me demande comment un témoin peut soumettre un rapport au gouvernement de la Colombie-Britannique dans lequel il déclare qu'il faut entre un an et cinq ans et ensuite comparaître devant un comité du Parlement et déclarer que cela peut prendre entre zéro et 18 mois. Il n'est nulle part arrivé à la conclusion que cela prenait zéro mois, ou que cela prenait 18 mois. Cela a pris de un à cinq ans.

Je vous exhorte à demander à un recherchiste de parcourir les témoignages de lundi, y compris celui du Dr Gravel. J'étais outré qu'un haut fonctionnaire fédéral à la solde des contribuables du Canada ait pu donner ce genre de témoignage. C'est scandaleux.

Maintenant, pour visualiser les répercussions environnementales, j'invite les membres du comité à s'imaginer le fait d'une cage ouverte et des problèmes qui en découlent. Les oeufs de saumon de l'Atlantique sont importés, ce qui est contraire à l'article 8(h) de la Convention de Rio, comme vous le savez probablement, monsieur le président. Le Canada viole ainsi la Convention de Rio en continuant de le permettre. Les oeufs qui entrent au Canada contiennent aussi bien les infections virales que bactériennes. À l'heure actuelle, on n'utilise que des désinfectants superficiels. Or, aucun désinfectant superficiel n'est approuvé au Canada.

Vous savez peut-être que le ministre des Pêches et Océans, en juillet 1997, par décret et sans audiences publiques, a modifié les règlements visant l'importation de manière que des oeufs provenant d'emplacements infestés puissent être importés au Canada. On l'a fait, selon le document du Conseil privé, pour accroître la rentabilité du secteur piscicole.

L'importation d'oeufs et l'utilisation de médicaments exotiques devraient nous inquiéter à divers égards—et notamment parce que c'est contraire à la Convention de Rio. Je vais parler des médicaments plus tard dans mon témoignage aujourd'hui, étant donné que j'ai maintenant en main des échanges de correspondance avec le ministre de l'Agriculture et le ministre de la Santé au sujet de certains des médicaments toxiques qui sont utilisés par les pisciculteurs et qui ne sont pas approuvés par le Canada. Ils sont utilisés officieusement, sans étiquetage. Certains produits pharmaceutiques sont déversés dans l'environnement, et accessibles à nos populations sauvages. Certains poissons sauvages qu'on a capturés à l'extérieur de cages ouvertes affichaient des taux de produits médicamenteux plus élevés que ce qui est acceptable pour la consommation humaine.

Pour que tout soit bien clair, permettez-moi de répéter qu'il s'agit de cages ouvertes. On y déverse tout simplement les médicaments. Or, les poissons ne peuvent absorber que de 5 p. 100 à 10 p. 100 des médicaments contenus dans leurs aliments ou qui y ont été placés. Ainsi, 90 p. 100 des substances médicamenteuses s'échappent dans l'environnement sauvage. Ils sont absorbés par les populations sauvages. Les pêcheurs sportifs, autochtones et commerciaux peuvent capturer ces poissons à l'extérieur des cages. Il n'est pas question ici de poissons qui se seraient échappés. Ce sont plutôt les médicaments qui s'échappent dans l'environnement. Donc, à l'extérieur des cages, on a capturé des poissons qui contenaient des taux de médicaments dépassant le seuil acceptable pour la consommation humaine.

Il est clair que cela relève du mandat de votre comité. Il est clair que cela relève de la LCPE. C'est à cette loi que doivent être intégrées les modifications visant les éléments nutritifs, les substances médicamenteuses et les produits toxiques. En effet, comme je l'ai déjà dit, le ministère des Pêches et Océans a établi en 1984, par décret du premier ministre, une politique sur laquelle il n'est jamais revenu par la suite—ainsi, mon collègue, M. Doubleday, est tenu par son patron et par son ministère de défendre les intérêts de la pisciculture. Or, votre comité assume une responsabilité toute particulière pour ce qui est de la protection de l'environnement, des populations sauvages et de la santé humaine.

Vous constaterez que 90 p. 100 des produits pharmaceutiques et toxiques se dirigent tout simplement vers le fond. Et, d'après l'étude des sédiments, des pathogènes et des eaux usées—et n'oublions pas que, en Colombie-Britannique, les déversements correspondent aux eaux usées d'une ville de 500 000 personnes. Connaissez-vous un éleveur de porcs, de volaille, ou de bovins ici au Canada qui pourrait déverser autant d'eaux usées dans l'océan ou dans un cours d'eau? Il n'y en a pas. Les pisciculteurs rêvent en couleur un peu partout dans le monde s'ils s'imaginent qu'ils vont pouvoir continuer à déverser de telles quantités. Les poissons souffrent de maladies exotiques, il y a des pathogènes, il y a des substances médicamenteuses. Certaines espèces exotiques, possiblement envahissantes, sont introduites en contravention de la Convention de Rio signée en 1992 par le Canada.

• 0945

La deuxième page est tout simplement une carte donnant les emplacements des salmonicultures en Colombie-Britannique. Vous vous imaginiez peut-être qu'il s'agissait de petites exploitations artisanales, du genre que peuvent lancer certains agriculteurs de la Saskatchewan pour se désennuyer. En réalité, d'après ce que nous a appris notre étude, 36 sociétés seulement sont impliquées. J'aimerais vous communiquer le témoignage d'une délégation norvégienne devant le Comité de l'environnement en 1990. Ils ont voulu nous dire qui étaient ces gens qui nous venaient de Norvège et pourquoi ils venaient au Canada. Ils voulaient échapper à la réglementation norvégienne et ils venaient ici parce qu'il n'y avait pas de réglementation. Et, il faut bien le dire, monsieur le président, il n'y a toujours pas de réglementation au Canada.

Le prochain graphique porte sur la perte nette de protéines. Il s'agit d'un aspect for important pour le comité. En effet, les anchois et les maquereaux que l'on prélève en grande quantité au large des côtes de l'Amérique du Sud contiennent des protéines qui sont tout à fait essentielles dans la chaîne alimentaire humaine. Il s'agit ni plus ni moins d'un détournement.

L'autre graphique illustre l'origine des aliments et des oeufs et la destination du produit final.

Le président: Je vous demanderais maintenant de conclure.

M. Jim Fulton: En effet, monsieur le président, je passe en troisième vitesse.

J'aimerais maintenant citer le témoignage de la Délégation norvégienne, à la page 53:26, devant le Comité de l'environnement le 12/9/1990. Quelques extraits, tout simplement.

Tout d'abord, de M. Blankenborg:

    [...] c'était là le principal problème écologique qui préoccupait la Norvège, en tout cas le plus immédiat.

Il est question ici de salmoniculture et des problèmes constatés dans ce secteur.

    Je pense que le chiffre qui a été cité est juste, le parasite en question infeste environ 70 cours d'eau norvégiens.

À l'heure actuelle, le Parlement norvégien envisage l'empoisonnement complet de 17 nouvelles rivières norvégiennes pour combattre des parasites liés à la salmoniculture. On déverse du roténone, un produit antiparasitaire très puissant, en amont des rivières, ce qui empoisonne entièrement la rivière.

J'aimerais bien savoir si vous aimeriez, à titre de députés du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince- Édouard, de Terre-Neuve, du Québec, de la Colombie-Britannique, du Yukon ou des Territoires du Nord-Ouest comparaître en public devant un comité au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique ou au Québec et déclarer que vous comparaissez pour avertir les intéressés que vous allez déverser des substances toxiques dans les eaux de 17 rivières à cause d'épidémies attribuables à une absence de réglementation de la salmoniculture.

Voilà la réalité. Voilà ce qui se passe en Norvège. Le Parlement a déjà dépensé plus de 100 millions de dollars pour tenter d'enrayer le problème des maladies infectieuses résultant de la salmoniculture. Nous venons tout juste de consacrer 10 millions de dollars au Nouveau-Brunswick. Cet argent a dû venir du Fonds de secours national, de telle sorte que c'est le Parlement qui paie.

Permettez-moi de vous citer encore une fois la délégation parlementaire. Encore ici, il s'agit de M. Blankenborg:

    La situation devient tellement critique dans bon nombre de rivières norvégiennes [...] que nous devons agir. [...] nous ne pouvons pas nous contenter de palabrer pendant que le saumon meurt dans les rivières.

Et le dernier commentaire revient à M. Harkestad, qui a déclaré ce qui suit:

    En vertu de la loi, il faut une concession pour pouvoir être pisciculteur. Nous sommes extrêmement stricts sur toutes les questions de défense de l'environnement. Voilà pourquoi certains pisciculteurs se sont installés au Canada. Ils voudraient travailler sur une plus grande échelle, et cela leur est impossible. J'imagine que c'est un sujet brûlant.

M. Harkestad termine en disant ce qui suit:

    Nous avons donc adopté une législation très stricte, mais peut-être sommes-nous encore trop indulgents. La législation doit être appliquée de façon très rigoureuse en Norvège, mais également au Canada, et dans le reste du monde.

Merci, monsieur le président.

• 0950

Le président: Merci, monsieur Fulton.

Monsieur Doubleday.

M. William G. Doubleday (directeur général, Direction des sciences halieutiques et océaniques, ministère des Pêches et Océans): Merci, monsieur le président. Je vais vous donner un bref aperçu, en expliquant les points de vue du MPO au sujet de la modification proposée à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement visant à définir les aliments du poisson comme éléments nutritifs.

Pour un certain nombre de raisons, nous ne jugeons pas nécessaire ou pertinent de réglementer la nourriture pour poissons comme étant des éléments nutritifs aux termes de la LCPE.

J'ai fait distribuer une copie des transparents aux membres du comité. J'espère que chacun a la sienne.

Le président: En effet, nous l'avons.

M. William Doubleday: Je tiens tout d'abord à dire, monsieur le président, que la nourriture pour poissons est une substance naturelle, constituée essentiellement de produits naturels que l'on trouve dans l'environnement marin: par exemple, du hareng et d'autres espèces de petits poissons, de la moulée de poisson, et des huiles de poisson. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, le hareng de la Baie de Fundy et du plateau Scotian peut être une composante de la nourriture pour poissons.

La présence de déchets de la pêche au hareng n'est pas nouvelle. Avant que n'existe l'aquaculture, la pêche au hareng pour la rogue produisait une quantité considérable de carcasses, dont on pouvait disposer grâce à des permis de déversement océanique. L'environnement marin recevait donc des quantités importantes de substances du genre. Également, les populations assez considérables de hareng de la Baie de Fundy et de la zone adjacente du plateau Scotian déversent dans l'environnement, par mortalité naturelle, environ 80 000 tonnes, soit une quantité supérieure à celle que déversent les piscicultures dans l'écosystème marin.

En deuxième lieu, monsieur le président, je tiens à signaler que la pisciculture est une entreprise extrêmement compétitive. La baisse progressive des prix mondiaux incite les producteurs à devenir de plus en plus efficaces. La nourriture pour poissons constitue l'une des principales composantes, soit de 40 p. 100 à 70 p. 100 du coût de l'exploitation piscicole. Compte tenu de cela, on a cherché à améliorer constamment l'efficacité en réduisant la quantité de nourriture pour poissons nécessaire pour produire un kilogramme de saumon.

À l'heure actuelle, le taux de conversion alimentaire est environ de 1,15 kilogrammes d'aliments secs pour produire 1 kilogramme de saumon. Il s'agit là d'une efficacité de conversion trois fois supérieure à celle des années 70, soit l'époque où la pisciculture en était à ses débuts au Canada. Bien que les gains en efficacité les plus importants aient déjà été effectués, on a lieu de croire que les indices de conversion vont continuer à s'améliorer et à être inférieurs à 1 d'ici 2010.

Voici, monsieur le président un graphique fondé sur des données canadiennes et norvégiennes qui illustrent l'amélioration constante des indices de conversion de la nourriture pour poissons de 1975 à 1998. Certaines des analyses au sujet de l'importance du déversement d'éléments nutritifs dans l'environnement marin dont le comité a pu être informé s'appuient sur des données qui reflètent les pratiques des années 70 et 80, à une époque où il fallait une plus grande quantité de nourriture pour poissons qu'aujourd'hui pour assurer la même production.

On a modifié et on continue de modifier le contenu nutritif de la nourriture pour poissons et sa composition. La ration alimentaire donnée aux piscicultures est riche en énergie et elle est adaptée à l'âge, la taille et bien entendu l'espèce de poisson. La composition de la ratio alimentaire influence le taux de croissance. Les poissons sains qui ont une alimentation qui stimule leur croissance ont bon appétit, ce qui signifie moins de déchets, moins de matières fécales et des poissons en meilleure santé.

• 0955

Les modifications apportées au régime alimentaire des poissons ont réduit l'incidence sur l'environnement. La composition nutritive de la nourriture pour poissons s'est améliorée de telle sorte qu'elle est maintenant plus facile à digérer; il y a moins de gaspillage. Cela est compté comme une amélioration de l'efficacité. Les moulées sont désormais fabriquées pour qu'elles tombent plus lentement au fond des cages, et ainsi les poissons ont plus de temps pour l'absorber avant qu'elles ne tombent sous la cage.

On procède aussi à la surveillance des habitudes d'alimentation sous l'eau. Il y a eu aussi amélioration des techniques de répartition de la nourriture—c'est-à-dire la façon dont la nourriture est étalée dans les cages—pour qu'elle soit présente partout dans la cage sans concentration exagérée dans un coin ou un autre.

On se livre actuellement à des recherches pour mettre au point de nouveaux types de parcs en filet, en particulier grâce à des technologies de nouveaux sacs, permettant de remplacer par des sacs en matière plastique fermés les actuels parcs en filet ouvert. Les prototypes qui existent actuellement ne sont pas encore utilisés à l'échelle commerciale.

Monsieur le président, on a accusé la nourriture pour poissons d'être une source d'eutrophication du milieu marin. Au ministère, nous nous sommes penchés sur la question, et d'après les études effectuées à la baie de Fundy et en Colombie-Britannique, nous en avons conclu que la nourriture pour poissons n'est pas une cause significative de la prolifération d'algues, pas plus qu'elle n'est une source importante, voire décelable, dans les fonds marins. Dans la baie de Fundy, la marée produit environ 20 fois plus d'azote naturel et 40 fois plus de phosphore naturel que l'aquaculture. En Colombie-Britannique, 360 fois plus d'azote est déversé dans le détroit de Georgia en provenance de sources océanique, riveraine et humaine que par l'aquaculture.

Le principal facteur qui limite la croissance des planctons dans la baie de Fundy, si je ne m'abuse, est la turbidité de l'eau, la présence de lumière nécessaire à la croissance des plantes. Le deuxième facteur qui intervient est la basse température de l'eau. Nous n'avons pas pu constater que la présence d'éléments nutritifs constituait un facteur limitatif significatif dans la baie de Fundy ou dans le détroit de Georgia.

Quant à la nourriture pour poissons, le principal effet est l'accumulation de la nourriture non consommée et des matières fécales des poissons sous les cages. La zone où sont ressentis ces effets se trouve en général de 10 à 30 mètres sous la cage, mais on peut parfois en déceler jusqu'à 150 mètres.

Pour ce qui est du rétablissement des conditions antérieures, nous avons constaté à l'emplacement d'une des cages au Nouveau- Brunswick, déplacée en raison de la navigation et de conflits liés à la pêche du homard... nous avons pu rétablir les conditions antérieures en six mois. Il faut généralement moins de 18 mois pour rétablir les conditions antérieures aux activités de la pisciculture. Toutefois, dans les endroits faibles en énergie, là où les transformations ont été importantes, le retour aux conditions préalables peut prendre jusqu'à quatre ans.

Les modifications techniques au cours des dix dernières années sont spectaculaires. Les connaissances et l'expérience quant aux exigences relatives aux sites et aux effets de la pisciculture ont augmenté. Désormais, les sites du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique sont surveillés. Cette surveillance se fait par caméra vidéo, où c'est possible, et elle s'accompagne d'un échantillonnage de sédiments. L'examen de la salmoniculture en Colombie-Britannique a permis de conclure que le dépôt de sédiments sous les cages marines avait diminué de 50 p. 100 dans les piscifactures les mieux situées et les mieux surveillées.

Je tiens également à signaler que la technologie de pisciculture joue un rôle important sur le plan de la protection des espèces vulnérables. Vous savez sans doute que certains stocks de saumon du Pacifique et de l'Atlantique sont très bas. On craint qu'ils ne disparaissent. Nous avons choisi dans ces stocks certains sujets que nous avons élevés dans des parcs marins afin d'en maintenir la diversité génétique, si bien que l'on peut dire que la technologie de l'aquaculture joue un rôle positif dans le rétablissement des stocks vulnérables.

• 1000

L'incidence de l'aquaculture sur l'environnement est régie par certaines dispositions législatives et règlements, comme les dispositions sur l'habitat de la Loi sur les pêches. Il existe des règlements pour la gestion du site en vertu de la Loi sur l'Aquaculture et de celle de la Nouvelle-Écosse de même que des règlements de contrôle des déchets d'aquaculture en vertu de la Loi sur la gestion des déchets de la Colombie-Britannique. Il y a également d'autres lois qui visent d'autres aspects de l'aquaculture, pour ce qui est de la lutte contre les parasites et du contrôle des aliments et des médicaments, mais elles ne sont pas directement liées à la question des éléments nutritifs.

Nous sommes d'avis que si les sites sont choisis avec soin, et cela se fait de plus en plus, les déchets de l'aquaculture vont causer moins de problèmes à l'avenir. Les règlements qui existent permettent de réduire l'incidence des dommages au besoin. Une surveillance à intervalles réguliers permettra d'établir la performance d'un site, et en laissant des sites inexploités on favorisera le retour aux conditions préalables. Grâce à de meilleures techniques d'alimentation des poissons, on constate désormais qu'il y a moins de perte de nourriture par les filets.

En conclusion, monsieur le président, nous constatons que la nourriture pour poissons peut constituer un élément nutritif influençant l'environnement marin, mais son effet n'est pas significatif pour l'instant ou pour l'avenir immédiat. La Loi sur les pêches prévoit des dispositions limitant ou interdisant le déversement de certaines substances qui pourraient être délétères sur l'habitat du poisson. Des règlements provinciaux visent la gestion des sites d'aquaculture et selon nous, des règlements supplémentaires qui seraient pris en vertu des dispositions de la LCPE ne sont pas nécessaires.

Merci.

Le président: Merci.

Comme d'habitude, nous allons commencer la période de questions. Monsieur Gilmour, et ensuite Mme Kraft Sloan, Mme Carroll et M. Charbonneau.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur le président.

Bienvenue, messieurs, bienvenue madame Milewski.

Monsieur Fulton, il faut reconnaître que d'entrée de jeu, vous avez critiqué vertement nos témoins d'il y a quelques jours, qualifiant leur témoignage de scandaleux. Eh bien, quant à moi, je trouve que votre témoignage l'est dans certains cas. Vous vous présentez ici muni de très peu de documents, de quatre photos rutilantes, proférant des accusations à droite et à gauche. Je dirais, monsieur, que si le secteur se trouvait aussi mal en point que vous le dites, vos collègues du gouvernement NPD de la Colombie-Britannique auraient mis fin à ses activités il y a longtemps. Ce mois-ci, en fait, on envisage de maintenir les choses telles quelles ou de donner de l'expansion à ce secteur.

Il faut reconnaître que les propos alarmistes que vous avez tenus aujourd'hui n'aident en rien la cause de la salmoniculture sur la côte Est comme sur la côte Ouest. Vous avez très peu parlé des dispositions du projet de loi C-32, dont nous sommes saisis aujourd'hui. Je dois vous dire que je n'ai pas du tout apprécié la façon dont vous avez présenté votre témoignage. En fait, vous avez attaqué M. Doubleday à trois reprises en prétendant qu'il était en conflit d'intérêts.

Voilà pourquoi je voudrais poser une question à M. Doubleday. En tant que directeur scientifique au ministère des Pêches et Océans, estimez-vous qu'il y a en fait conflit d'intérêts?

M. William Doubleday: Le ministère des Pêches et Océans joue deux rôles concernant l'aquaculture. Essentiellement, nous avons des objectifs de développement durable. Je dirais qu'une grande partie de notre travail porte sur la protection de l'environnement marin contre toute activité de l'homme. Nous axons nos efforts vers la prévention de l'introduction ou de la diffusion de maladies dans les stocks de poissons et sur la protection de l'habitat des poissons contre toute menace éventuelle.

Selon moi, il n'a pas de conflit d'intérêts. Il nous faut trouver un juste milieu, une position fondée sur des faits concrets. Nous ne ménageons rien pour protéger l'habitat au besoin, et pour limiter l'introduction ou le mouvement de poissons ou d'oeufs de poisson qui risqueraient de propager des maladies.

• 1005

M. Bill Gilmour: Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autre question.

M. Jim Fulton: Puis-je répondre à ce qu'a dit M. Gilmour?

Le président: Certainement.

M. Jim Fulton: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, pour ce qui est de M. Doubleday, je suis sûr qu'il est au courant de la stratégie de développement de l'aquaculture du gouvernement fédéral. Elle figure dans un document du ministère des Pêches et Océans. Il s'agit d'un document de politique dont il s'inspire dans ses fonctions depuis quatre ans. Permettez-moi de le citer:

    Le gouvernement fédéral développera [...] un cadre systématique pour effectuer des évaluations sur l'incidence environnementale, élaborer des modèles d'évaluation de risque et des évaluations de classe, en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

M. Doubleday vient de témoigner, avec l'aval de son ministre, je suppose, et il affirme qu'il n'est pas nécessaire de modifier la LCPE. Cela contredit carrément la politique du gouvernement fédéral telle qu'énoncée par le cabinet du premier ministre.

Pour ce qui est des autres affirmations de M. Gilmour, j'ai cité des documents publics que je compte déposer auprès du greffier du comité.

Pour ce qui est de mes propos alarmistes, je prie M. Gilmour de se reporter à ce qu'ont dit MM. Noakes et Davis, du ministère des Pêches et Océans de la Colombie-Britannique. Il s'agit de leur déclaration concernant les Tsitika et les autres aspects de la salmoniculture. Allez y voir vous-même et vous constaterez qui a les arguments scientifiques les plus solides.

Le président: Monsieur Fulton, pouvez-vous vous adresser au président?

M. Jim Fulton: Merci, monsieur le président.

Le président: La parole est à Mme Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup.

J'ai lu un article dans le numéro d'octobre 1998 de la revue Science Magazine. Certains auteurs de cet article sont à l'Université Stanford, à l'Université Stirling, à l'Institut d'aquaculture, à l'Université Stockholm, au département de zoologie de l'Université de l'État d'Oregon, au Centre international de la gestion des ressources aquatiques vivantes, à Manille, aux Philippines. Voilà donc une équipe de chercheurs provenant d'institutions plutôt bien respectées de par le monde. Ces auteurs disent qu'en 1997 le rapport entre les poudres de poisson et le produit de l'élevage de poissons, l'indice de conversion, était de 2.8:1, et non pas 1.15:1. Comment se fait-il que ce chiffre ne soit pas le même?

M. William Doubleday: Monsieur le président, permettez-moi de répondre.

Le président: Volontiers.

M. William Doubleday: Si je ne m'abuse, ces auteurs font une comparaison avec le poids du poisson vivant pêché. Les chiffres que j'ai cités se réfèrent au poids sec de la nourriture pour poissons. Quand on transforme du poisson cru en moulée sèche, il y a une importante déperdition d'eau.

Je ne peux pas affirmer si le ratio présenté dans cet article est exact ou non, mais il me semble tout à fait raisonnable. Près de 80 p. 100 du poisson qui entre dans la composition de la moulée pour poissons correspond à de l'eau, et dans la transformation, l'eau est essentiellement retirée. Ainsi, la contradiction apparente est due au fait que dans un cas il s'agit de poisson séché et dans d'autres de poisson cru.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais quand vous calculez le poids du poisson tiré de l'élevage, s'agit-il d'un poisson séché, déshydraté également?

M. William Doubleday: Non. La tendance indiquée sur le graphique est valable parce que la nourriture pour poissons dans chaque cas est séchée, et le produit d'élevage est hydraté.

Mme Karen Kraft Sloan: Ainsi, le poisson contient un petit peu d'eau, n'est-ce pas?

M. William Doubleday: Tout à fait.

Mme Karen Kraft Sloan: Ce n'est pas que nous comparions deux choses différentes, n'est-ce pas?

M. William Doubleday: La tendance est tout à fait valable. Par rapport aux années 70, il faut pour produire un kilogramme de poisson d'élevage, moins d'un tiers de poisson séché.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais vous ne contestez pas le ratio de 2.8:1, pour la production du poisson d'élevage, n'est-ce pas?

M. William Doubleday: Je ne conteste pas que ce soit de cet ordre-là.

Mme Karen Kraft Sloan: D'accord.

Monsieur Fulton, vous...

M. Jim Fulton: Je pense que vous avez soulevé une question très importante. Vous avez tout à fait raison: les chiffres généralement acceptés sont ceux qui figurent dans la revue Science Magazine, car ce sont en fait les mêmes chiffres qu'utilisent l'organisme Worldwatch, l'institut des ressources mondiales, la FAO, les Nations Unies, etc.

• 1010

Il est intéressant de constater que les éleveurs de saumon utilisent le même argument que M. Doubleday, pour tenter de prouver qu'en pratique une livre de poisson à l'état naturel permet de produire une livre de poisson d'élevage. Ce n'est tout simplement pas vrai, et cela induit le public en erreur.

En fait, d'autres études récentes, comme celle de Carl Folke et de Nils Kautsky—dont je veux laisser copie auprès du greffier du comité—signale ce qui suit:

    L'élevage du poisson en cage exige un apport de nourriture pour poissons, et on a évalué à 5,3 tonnes de poissons la nourriture nécessaire pour produire une tonne de saumon d'élevage en cage, et dans la mer Baltique et dans la mer du Nord, il faut environ un kilomètre carré de surface pour cette production. La surface nécessaire à cette production correspond à 40 000 à 50 000 fois la surface des cages.

C'est un élément important qu'il faut prendre en compte.

Il y a un deuxième élément important du point de vue des modifications à la LCPE que nous réclamons nous-mêmes aujourd'hui, et il est signalé dans la même étude:

    Les poissons vivant à l'état sauvage sont attirés par l'abondance de la nourriture à proximité des cages et on a constaté qu'ils s'alimentent directement à même les déchets des élevages de poissons et peuvent par conséquent, comme d'autres organismes vivant à l'état sauvage qui consomment des aliments médicamenteux, devenir les hôtes de bactéries pathogènes nouvelles et plus résistantes.

N'oublions pas que 90 p. 100 des médicaments contenus dans les aliments médicamenteux vont se loger sous les parcs en filet dans l'environnement où ils sont consommés par des vertébrés et des invertébrés, qui poursuivent leur chemin. Comme je l'ai dit plus tôt, on a pêché des poissons à l'extérieur de ces parcs en filet où on a trouvé des niveaux élevés de médicaments, rendant leur consommation insalubre pour les humains.

Dans le même article, on signale:

    En outre, les vitamines utilisées dans la nourriture pour poissons comme la biotine sont responsables des diroflapyellés toxiques contenus dans les eaux rouges.

Ainsi, le comité doit envisager des amendements non seulement pour ce qui est des éléments nutritifs, mais également pour les médicaments car on ne nous a pas renseignés comme il se doit sur ces derniers. Aujourd'hui, au cours de la séance, je me ferai un plaisir de vous décrire tous les médicaments utilisés dans cette industrie, y compris certains médicaments qui ne sont pas homologués par Santé Canada, et qui sont extrêmement puissants et toxiques.

Il y a en outre la toxicité que ces médicaments peuvent créer, mais l'article précise que l'apparition de la vibriose en eau froide, «... causée par une bactérie du gène Vibrion est due à l'environnement pollué des élevages de poissons ayant recours à des éléments nutritifs enrichis».

On constate donc que le ministère des Pêches et Océans ne réglemente pas la toxicité de l'environnement sauvage, ni son incidence sur les stocks de poissons vivant à l'état sauvage et sur la santé des humains. L'examen de la salmoniculture en Colombie- Britannique a mis cela au jour. Ce sont là des motifs impérieux exigeant le recours à la LCPE.

C'est très important. Si M. Doubleday ne donne pas d'explications, ce sera peut-être au ministre des Pêches d'expliquer pourquoi son propre ministère s'est montré aussi généreux depuis quatre ans—aide pécuniaire, subventions directes, dégrèvements fiscaux, personnel, études scientifiques.

Permettez-moi de vous dire où le travail sérieux sur les éléments nutritifs se fait au Canada. Ce travail se fait au laboratoire du ministère des Pêches et Océans à Vancouver-Ouest. Les scientifiques là-bas sont ceux... Permettez-moi de citer le titre de l'étude pour qu'il soit consigné au compte-rendu. Voici «Les stratégies nutritionnelles pour la production rentable du saumon». Dave Higgs du ministère des Pêches et Océans, direction scientifique en est l'auteur. Monsieur le président, je n'ai pas obtenu cette étude auprès du ministère. Je l'ai obtenu des délibérations du premier symposium conjoint Corée-Canada sur les biosciences aquatiques, et voici ce que l'on trouve sur la page couverture:

    Depuis 10 ans, le ministère des Pêches et Océans, dans son laboratoire de Vancouver-Ouest, a mené à bien essentiellement cinq stratégies de recherche nutritionnelles visant à intensifier le rendement de l'élevage du saumon.

Le ministère de M. Doubleday s'emploie, grâce à des deniers publics, à trouver cinq stratégies de recherche nutritionnelle au bénéfice de l'industrie. Permettez-moi de...

Le président: Ça suffit, monsieur Fulton.

Merci, madame Kraft Sloan.

Monsieur Herron, suivi de Mme Carroll.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi d'aborder les choses sous un angle différent de mon collègue de l'extrême droite, qui est absent pour l'instant.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Et comment le décrirez-vous lui?

• 1015

M. John Herron: Quand les représentants des ONG comparaissent devant le comité, à mon avis, ils se doivent pour jouer leur rôle d'insister sur l'élaboration de la politique publique. Il nous faut une double perspective, celle du ministère tout puissant et celle des ONG. Parfois, je trouve plus positif de cesser de pérorer—les deux côtés s'adonnent à l'occasion à ce genre de sport.

Cela dit, je pense que personne ici ne songe à attaquer personnellement qui que ce soit sous prétexte qu'il ou elle adopte un point de vue particulier.

Mme Inka Milewski: Puis-je dire quelque chose à propos de la conception du rôle des ONG?

M. John Herron: Volontiers.

Mme Inka Milewski: Au Nouveau-Brunswick les comités d'aquaculture ont été constitués par le gouvernement sans qu'y soient invitées les organisations non-gouvernementales, et j'entends ici les organisations non-gouvernementales qui sont distinctes des organisations au sein de l'industrie, comme par exemple le consortium sur la santé du saumon. Les organisations de pêcheurs n'ont jamais siégé au Comité d'élaboration de la politique. En fait, nous avons demandé à la province de nous donner accès aux renseignements sur le développement de l'aquaculture, mais le nom des fonctionnaires qui siègent à ces comités avait été retranché des rapports qu'on nous a envoyés. Ces gens sont rémunérés grâce à des deniers publics, mais on ne nous a pas permis de connaître leur identité.

M. John Herron: Cela me donne une bonne transition pour poursuivre mes questions.

Je ne suis pas favorable aux modifications à la LCPE dont nous sommes saisis. En voici les raisons et j'aimerais en discuter davantage. Je suis convaincu que les pêcheurs qui pêchent des espèces vivant à l'état sauvage doivent être consultés, que les ONG ont un rôle à jouer dans l'élaboration de la politique publique, tout comme les représentants de l'industrie.

Cela dit, vous préconisez un cadre systématique pour traiter avec les représentants de l'industrie. Au départ, la LCPE ne visait pas à réglementer un secteur industriel en particulier. Nous avons parlé brièvement des réalisations de M. Mulroney sur le plan de l'environnement car c'est quand il était premier ministre que le plan vert a été instauré, en vue de régler le problème des effluents de l'industrie des pâtes et du papier. Nous avons alors veillé à moderniser les règlements et les dispositions législatives visant cette industrie.

Je pense qu'il serait imprudent d'avoir recours à la LCPE à cet égard, car le projet de loi vise à réglementer l'utilisation des toxines, et son objectif n'est pas d'aborder la question plus générale des ONG, de l'industrie, des pêcheurs, du ministère des Pêches et Océans et des intervenants provinciaux.

Voici ma question: Plutôt que d'avoir recours à LCPE à cet égard, pensez-vous qu'il serait plus judicieux de procéder à un examen indépendant de l'industrie? Le rôle de la LCPE n'est pas de réglementer une industrie en particulier. Nos délibérations sont limitées.

Mme Inka Milewski: Si c'était à refaire, si l'aquaculture était un projet dont on étudierait les tenants et les aboutissants, ce serait la voie à suivre. Il y aurait donc des dispositions législatives pour tenir compte expressément de l'incidence de l'aquaculture sur l'environnement marin. Toutefois, nous n'avons plus le choix.

Nous sommes soumis à un impératif car les représentants de l'industrie exercent des pressions énormes auprès du gouvernement pour que leur secteur puisse prendre de l'expansion. On a cité des chiffres: des milliards de dollars, des milliers d'emplois. Voilà un outil dont nous disposons et je pense qu'il convient qu'il relève de la LCPE. Il s'agit de substances toxiques déversées dans l'environnement. Elles se trouvent dans la nourriture pour poisson. Voilà une façon de les réglementer, et je ne vois pas d'autre moyen d'y parvenir que grâce à la LCPE.

M. John Herron: Monsieur le président, puis-je poursuivre?

Le président: Oui.

M. John Herron: Merci.

• 1020

Cela dit, il faut reconnaître que quand Julie a comparu devant le comité, nous discutions de l'impossibilité pour le gouvernement de faire respecter ses propres règlements en matière d'environnement et nous nous demandions quel palier de gouvernement était le mieux à même d'intervenir. Par ailleurs, Julie a choisi de prendre l'aquaculture comme cas de figure.

Permettez-moi de me montrer un peu cynique car je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait la capacité—car le ministère est passé du 27e rang au 21e rang du point de vue de ses effectifs—de se charger de faire respecter des règlements supplémentaires.

Je suis moi-même du Nouveau-Brunswick et ma circonscription rejoint la côte de la baie de Fundy, et je dis que si les choses étaient faites correctement et en vertu d'un nouveau protocole d'entente—ou même du protocole actuel—nous pourrions permettre aux intéressés que j'ai cités tout à l'heure d'intervenir à l'échelon provincial, car en fin de compte, c'est pour les provinces que l'enjeu est le plus élevé, car il s'agit de leur environnement.

S'agissant de pisciculture, en particulier de salmoniculture, même si les océans nous appartiennent à tous, c'est quand même une question qui intéresse la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick au premier chef. Je trouverais cela plus facile si je pouvais dire que la question relève de la compétence de la province et si la LCPE n'avait rien à voir. Il importe davantage de voir les choses sous l'angle plus global de la politique publique mais il faudrait sans doute que ce soit à l'initiative des provinces.

Mme Inka Milewski: Le ministre des Pêches et de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick, l'honorable Danny Gay, a reconnu que les pouvoirs de la province en matière de réglementation et d'exécution dans le domaine de l'environnement étaient limités. Après la diffusion du rapport de votre comité, le Telegraph Journal dans un article de son numéro du 28 mai rapporte que le ministre affirme que le ministère des Pêches et de l'Aquaculture ne devrait pas être le ministère responsable de l'incidence des activités du secteur sur l'environnement. Voici les propos du ministre:

    On nous a souvent reproché d'être à la fois les prometteurs d'une industrie et les responsables de l'application des critères environnementaux. Nos compétences ne comportent pas la principale responsabilité d'exécution à cet égard. Cela devrait incomber à un ministère à vocation environnementale, fédéral ou provincial, peu m'importe, dans la mesure où le travail est bien fait.

Je pense que cela vient renforcer ce que Jim Fulton disait tout à l'heure, à savoir que le ministère des Pêches et des Océans se trouve coincé. Il doit défendre ardemment cette industrie, mais en même temps il est responsable de l'exécution de la loi. On constate qu'un ministre provincial a perçu ce conflit et préconise qu'un autre ministère provincial ou provincial doit être chargé de l'aspect environnemental. Bien entendu, les provinces vous diront qu'elles n'ont pas l'argent nécessaire, mais je pense que la LCPE serait l'instrument idéal car il n'y a pas d'enjeu, pas de défense des intérêts d'une industrie en particulier.

M. John Herron: Vous avez fait allusion à la crise qui a provoqué la perte d'une espèce, et au fait que les pisciculteurs avaient été dédommagés pour leur perte grâce à une caisse de secours national.

Mme Inka Milewski: Soit dit en passant, ce n'était pas la première fois qu'on leur venait en aide.

M. John Herron: Je n'y vois pas d'inconvénient, étant conservateur soucieux des finances publiques. Il s'agit là d'un produit agricole qui doit être considéré comme tous les autres produits agricoles, qu'il s'agisse de bovins ou de porc; autrement dit, quand les autres producteurs subissent des pertes massives, ils ont droit à des programmes de soutien du revenu agricole pour les aider à surmonter des situations catastrophiques comme celle- là.

J'ai fait remarquer l'autre jour que certains aspects de l'aquaculture relèvent, dans une certaine mesure, du ministère de l'Agriculture. Il s'agit plutôt d'une observation que d'une question, mais vous pouvez y répondre.

• 1025

Je ne m'inquiète pas tellement pour le contribuable à cet égard, mais il y a une observation à laquelle je voudrais obtenir une réponse. Je suis un peu préoccupé par une observation que M. Fulton a faite: je n'ai pas vraiment d'opinion sur le sujet; je voudrais simplement avoir plus d'information.

Il semble qu'on utilise dans les piscicultures des médicaments qui ne sont pas approuvés par Santé Canada. Vous dites que nous rejetons des médicaments dans notre environnement—que nous, les Canadiens, les importons, ces médicaments, et que nous les rejetons dans notre environnement sans qu'ils soient assujettis à quelque réglementation que ce soit.

Quand j'entends des affirmations comme celle-là, je crains que le problème ne se limite pas aux piscicultures. Dites-vous que l'importation de médicaments qui n'ont fait l'objet d'aucune homologation gouvernementale est un phénomène généralisé? J'aimerais bien que vous répondiez à la question, et peut-être que M. Doubleday pourrait y répondre aussi. Merci.

Mme Inka Milewski: En réponse à ce que vous avez dit au sujet du revenu agricole, je constate que M. Thompson, de la Salmon Growers Association, est d'avis que les pisciculteurs devraient relever du ministère de l'Agriculture aux fins du revenu agricole, au même titre que les autres producteurs. Permettez-moi de vous signaler que le ministère de l'Agriculture du Nouveau-Brunswick a fait adopter la nouvelle Loi sur les pratiques aux opérations agricoles. Je ne crois pas que l'industrie piscicole pourrait répondre aux normes fixées pour la gestion des déchets dans l'industrie.

Il faut notamment avoir un plan d'urgence en cas de déversement de déchets entreposés. À l'heure actuelle, la gestion des déchets du bétail constitue un investissement énorme pour le producteur agricole. Les pisciculteurs ne veulent pas d'un tel investissement. C'est pourquoi ils s'opposent à la LCPE.

M. Jim Fulton: Je remercie le député de sa question.

J'invite les membres du comité à se reporter à deux documents. Le premier est un article qui a été publié il y a un peu plus d'un an avec pour manchette «Le poisson d'élevage peut être source d'infection pour les humains». Le titre m'a frappé et j'ai cru bon de jeter un coup d'oeil rapide à l'article. J'invite aussi les députés à se rapporter à un article du New England Journal of Medicine. Il y est question d'une étude du Dr Low, ce chercheur médical canadien bien connu qui se spécialise dans les maladies infectieuses. Il signale l'existence d'un lien avec les infections envahissantes, notamment les infections au streptococcus iniae. Je vous épargne les détails, mais le Dr Low a eu un patient qui est presque mort à la suite d'une infection contractée avec un poisson d'élevage. Le saumon est aussi en cause. J'exhorte les députés à lire l'article. Il se trouve dans le New England Journal of Medicine, volume 337, numéro 9, à partir de la page 589.

Le député a posé une question très importante au sujet des médicaments. Vous avez entendu des témoignages selon lesquels les salmoniculteurs ont quatre médicaments homologués qu'ils utilisent. Nous avons demandé à un médecin d'examiner la question pour nous, en fait de perte nette; l'étude a été revue par le docteur Gale Bellward, qui est professeur de pharmacologie à l'Université de la Colombie-Britannique. Voici la liste des médicaments qui sont utilisés: oxytétracycline, bétryl, érythromycine, gallomycine, ivomec, ivermectine, tribrysine, aquaflore, phleurophenocol, romet- 30, memec...

M. John Herron: Ont-ils été homologués par Santé Canada?

M. Jim Fulton: Non, j'y arrive. J'ai ici une lettre du ministre de la Santé, M. Rock, en date du mois dernier.

Ils se servent des anesthésiques TMS-222, marinyle et tricaine. Ils se servent aussi de désinfectants—le chlore, bien entendu, dont on pourrait penser qu'il n'est pas trop dangereux, mais il l'est pour le milieu marin—ovodine, kilfor, chloromine-T, formaldéhyde, oruine, dustabane et iodifor. Ce n'est là qu'une liste partielle.

Permettez-moi de vous donner un exemple qui devrait, selon moi, alarmer les membres du comité. Aux termes de l'accès à l'information et après une bataille longue et acharnée, nous avons appris que la salmoniculture avait utilisé plus de 100 kilogrammes d'ivermectine dans les exploitations salmonicoles du Canada. C'est le Dr Bill Bowie, ancien président pour le groupe des médecins canadiens de la Société canadienne des maladies infectieuses qui s'en est rendu compte. Il est maintenant directeur des maladies infectieuses à l'hôpital général de Vancouver. Il a cherché à obtenir de l'information de la B.C. Salmon Farmers Association qui la lui a refusée. Si le Dr Bowie voulait utiliser moins d'une fraction d'un gramme d'ivermectine—il s'agit d'un médicament très puissant, d'un médicament de dernier recours contre l'infection chez les personnes à qui on a administré tous les antibiotiques connus—pour sauver par exemple un patient de la bactérie mangeuse de chair à l'hôpital général de Vancouver—la bactérie qui s'était attaquée à un ancien député, M. Bouchard—, il lui faudrait entrer directement en contact avec le sous-ministre de la Santé ou avec Santé Canada pour obtenir l'autorisation voulue. Voilà donc ce que doit faire le médecin qui veut se servir d'une fraction d'un gramme de ce médicament pour sauver une vie.

• 1030

L'industrie fait un usage très répandu de ce médicament dans le milieu marin. Le médicament est toxique. Il est pratiquement non biodégradable. Une fois qu'il est dans le milieu marin, il agit comme une balle qui tue à répétition. C'est l'un des plus puissants pesticides qu'on connaisse au monde.

J'ai donc pensé faire enquête et, il y a six mois, j'ai écrit à notre ministre des Pêches. Il m'a répondu en disant:

    Je réponds à la lettre que vous avez adressée à l'honorable David Anderson en date du 25 juin 1998, en ce qui a trait à l'utilisation de l'invermectine dans les exploitations salmonicoles de la Colombie-Britannique. Comme vous le savez, M. Anderson m'a fait tenir copie de votre lettre.

Il poursuit en parlant de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, de la Division de la santé et des productions animales, de la Loi relative aux aliments du bétail, etc. Tout cela pour dire enfin ceci:

    En outre, la Division du poisson, des fruits de mer et des produits de l'ACIA assure le respect des règlements pris en vertu de la Loi sur l'inspection du poisson, qui régit le déchargement, l'entreposage, la manutention, le transport, la transformation et l'étiquetage du poisson et des produits du poisson, y compris les produits aquicoles destinés à l'exportation interprovinciale et internationale.

N'oublions pas qu'il s'agit ici de la nourriture donnée aux poissons et au bétail et des essais effectués sur le poisson et la viande préalablement à leur exportation et à leur consommation par les humains. Il s'agit notamment des essais effectués sur les produits aquicoles afin de vérifier que les résidus des médicaments thérapeutiques et des pesticides utilisés ne dépassent pas les limites maximales fixées par Santé Canada. Aimable comme il est, le ministre de l'Agriculture m'a dit que c'était à Santé Canada et à l'Agence de réglementation de la lutte antiparisitaire qu'il appartient d'autoriser l'utilisation efficace de médicaments et de pesticides. Il me renvoie donc à M. Rock.

M. Rock me répond très aimablement dans une belle lettre en date du 5 janvier 1999, dont je laisserai copie au comité:

    Monsieur,

    Je vous remercie pour votre lettre concernant l'utilisation de l'ivermectine comme pesticide dans les exploitations salmonicoles de la Colombie-Britannique. Je suis désolé de n'avoir pas pu vous répondre plus tôt [...] Le pesticide en question n'a toutefois pas été approuvé pour être utilisé dans les exploitations aquicoles.

Permettez-moi de répéter: «... le pesticide en question n'a pas été approuvé pour être utilisé dans les exploitations aquicoles».

    L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), qui fait rapport au Parlement par l'entremise du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, est l'organisme responsable de surveiller la présence de résidus d'ivermectine dans les produits aquicoles. Je transmets donc copie de notre correspondance à l'honorable Lyle Vanclief [...]

Il envoie tout cela. J'écris une lettre. Le ministre des Pêches prend six mois pour envoyer la lettre au ministre de l'Agriculture. Le ministre de l'Agriculture m'écrit pour me dire que c'est du domaine du ministre de la Santé. Le ministre de la Santé m'écrit pour me dire que c'est du domaine du ministre de l'Agriculture. Dans l'intervalle, le plus puissant antibiotique utilisé pour sauver des vies au Canada... L'Association des salmoniculteurs de la Colombie-Britannique a refusé de transmettre l'information à l'ancien président de la Société canadienne des maladies infectieuses.

Voyons un peu ce qui se passe dans cette industrie. Allons voir.

Ils disent qu'il ne faut pas que la LCPE s'applique. Or, seule la LCPE peut réglementer une toxine comme celle-là. C'est dangereux. C'est irresponsable. Je ne demande pas mieux que de citer les propos d'autres médecins qui sont furieux contre le MPO et l'industrie pour le tort qu'ils causent à la santé humaine—des gens comme le directeur de la microbiologie à l'Université de la Colombie-Britannique.

Le président: Merci, monsieur Herron.

Vous avez quelque chose à dire, monsieur Doubleday?

M. William Doubleday: Dans les piscicultures, les agents thérapeutiques sont administrés par des vétérinaires qui, en règle générale, sont soumis à la réglementation provinciale.

D'après ce que j'en sais—les lettres sont exactes—, les organismes fédéraux inspectent le poisson destiné à la consommation humaine et veillent à ce que les résidus des agents thérapeutiques utilisés ne dépassent pas les normes acceptables. Ce sont toutefois des vétérinaires, qui sont des professionnels soumis à la réglementation provinciale, qui administrent généralement les agents thérapeutiques dans les piscicultures.

Le président: Merci.

Vous avez la parole, madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai besoin de me remettre dans l'état d'esprit où j'étais quand j'ai demandé à figurer sur la liste des intervenants.

Je voudrais que Mme Milewski et M. Fulton m'aident à me sortir d'un dilemme.

J'ai écouté ce qu'a dit M. Gilmour au sujet des discours alarmistes—il suit en cela une longue tradition—, et il n'est pas surprenant qu'il n'ait pas réussi à s'entendre avec le gouvernement de la Colombie-Britannique. Je ne pense pas que je vivrai assez longtemps pour assister à une solution de compromis là-bas. Par ailleurs, c'est bien un compromis que je recherche ici ce matin, car notre tâche n'est ni de faire la promotion ni de sonner le glas de quelque industrie que ce soit. Notre tâche consiste à examiner un projet de loi qui vise à assurer la protection de l'environnement. Revenons donc à ce qui nous concerne, c'est-à-dire aux amendements qu'on propose d'apporter à la LCPE. Je vous demande donc si ces amendements suffiront, selon vous, à répondre à vos préoccupations.

• 1035

Je me reporte à la page 4 de votre mémoire. Je regarde le paragraphe qui est là et je vous demande encore une fois si les amendements proposés sont suffisants pour dissiper vos craintes.

Mme Inka Milewski: D'après la lecture que j'en fais, l'amendement qui est proposé ne vise que la nourriture pour poissons. Je voudrais pour ma part qu'il s'applique aussi aux déchets de poisson, notamment aux excréments, au rejet d'excréments.

Dans le mémoire supplémentaire que j'ai soumis, j'ai inclus des calculs. Il y a une certaine quantité de nourriture pour poissons non ingérée qui aboutit dans l'environnement, mais les poissons mangent la nourriture qu'on leur donne et la rejettent sous forme d'excréments. Le volume de leurs excréments, de leur fumier, si vous voulez, par analogie avec le fumier terrestre, est égal, sinon supérieur au volume de la nourriture non ingérée.

Dans un monde idéal, je voudrais donc que l'amendement s'applique non seulement à la nourriture pour poissons mais aussi aux excréments de poissons et à tous les produits chimiques qu'on ajoute à la nourriture pour poissons. J'élargirais donc la portée de l'amendement.

La raison en est simple. M. Doubleday a parlé de la quantité d'azote qui provient d'autres sources, mais je tiens à attirer votre attention sur une étude réalisée par le MPO au début des années 90 qui portait sur la quantité d'azote, de phosphore et de carbone provenant d'autres sources: les usines d'épuration des eaux usées, les pisciculteurs, le ruissellement, la pollution atmosphérique, etc. Vous constaterez d'après ces données que le volume d'azote, de carbone et de phosphore—c'est-à-dire les éléments nutritifs qui ont un effet délétère parce qu'ils causent un enrichissement local—provenant de l'aquiculture est énorme.

Nous pouvons dire exactement quelle est la source de ces éléments dans un milieu en particulier, et ils sont loin d'être négligeables, si bien qu'il nous faut commencer à limiter les rejets de ces éléments provenant des exploitations aquicoles.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Monsieur Jim Fulton, vous avez manifestement beaucoup d'information et de graves préoccupations au sujet de l'industrie comme telle, mais vous êtes aussi venu à Ottawa aujourd'hui pour parler des amendements proposés—du moins, je suppose que vous êtes là pour cela. Quel est donc votre point de vue?

M. Jim Fulton: Mes opinions ressemblent beaucoup à celles que vous venez d'entendre. Je conseille au comité de considérer les amendements dont il est saisi en tant que strict minimum et de solliciter l'avis de l'éminent avocat que le Parlement met à votre disposition pour veiller à ce que le libellé soit d'application aussi globale qu'on avait voulu à l'origine avec la LCPE.

À la réflexion, la question soulevée par M. Herron est importante et elle a été abordée par le président lundi, c'est-à-dire que l'autorité constitutionnelle relativement à ce dossier réside nettement au niveau fédéral. Elle est profondément enracinée. L'une des premières lois adoptées par le Parlement était la Loi sur les pêches. Elle a rarement été modifiée depuis ce temps-là, et si on examine les mémoires d'entente en matière d'aquaculture, elle engage toutes les provinces maritimes à l'est et à l'ouest du Canada et les deux territoires. Il est évident, en l'occurrence qu'on a atténué la portée des articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches, probablement par ordre du sous-ministre, pour ne pas enfreindre la politique fédérale d'aquaculture.

La LCPE est évidemment l'instrument approprié. Le ministère des Pêches et Océans l'a reconnu il y a bien des années. L'intention avait toujours été que ce comité fasse ce que vous faites, et vous avez d'excellentes raisons sur le plan constitutionnel pour le faire, afin d'assurer des règles du jeu équitables pour que l'industrie soit assez concurrentielle parmi toutes les provinces du Canada. Autrement on assistera à une course au plus petit commun dénominateur. Il y aura des provinces qui continueront à abaisser les niveaux relatifs à la qualité de l'eau, la sédimentation et les éléments nutritifs pour attirer l'industrie dans leurs eaux, sous leur juridiction, qui sont des eaux canadiennes. Ce sont des eaux canadiennes et elles le resteront.

• 1040

Certaines provinces ne cesseront de faire valoir que les questions du sous-fonds océanique, etc. relèvent de leur compétence. Même la Colombie-Britannique défend ce point de vue absurde entre l'Île de Vancouver et le continent. Mais les Canadiens en général, et je crois que cela s'applique d'une mer à l'autre, croient que la protection de la colonne d'eau et de la faune qui y habitent sont de compétence fédérale. Cela est surtout vrai dans l'eau salée, mais, comme le président l'a signalé, sur le plan constitutionnel c'est vrai également pour les cours d'eau et les lacs.

C'est une compétence, une responsabilité fédérale, et c'est l'une des situations où souvent seul le Parlement a assez d'envergure et qui est aussi grand et aussi distancié pour absorber l'impact du lobbying que les industries utilisent souvent lorsqu'elles réclament, invoquant que la solution à la pollution est la dilution, d'aller déposer leurs déchets où elles veulent et peu importe les niveaux de toxicité.

Celle-ci est une industrie toxique. Elle s'en défend. C'est la seule industrie au Canada qui a le droit chaque jour de déverser la même quantité d'eaux usées que peut-être un million de Canadiens ou plus. Aucune autre industrie agricole ne peut le faire. C'est très différent d'un parc d'engraissement où vous avez du bétail, des poulets, des porcs ou quoi que ce soit; on parle ici de l'environnement marin. Je vous encourage à aller encore plus loin et à présenter des sous-amendements qui précisent clairement qu'il s'agit d'un tout indissociable, qu'on parle de l'introduction d'oeufs, d'alevins, de poisson juvénile, de poisson mûr, d'éléments pathogènes tant viraux que bactériels; d'éléments nutritifs qu'on va chercher dans d'autres régions du monde... Je vous encourage de lire Scientific American. Des prions et des protéines amyloïdes ont été trouvés dans le cerveau des saumons reproducteurs à Alert Bay.

Mme Aileen Carroll: Un moment; je veux simplement être un peu plus précise. Monsieur Fulton, vous avez mentionné la Norvège, des comparaisons entre les règlements appliqués en Norvège et au Canada où c'est beaucoup plus facile de votre point de vue, ce qui a créé un exode de la Norvège au Canada. Là vous parliez de 1990.

Je crois que c'est M. Smith—je suis venu sans mes notes—qui a comparu plus tôt cette semaine. Il a une grande expérience universitaire et professionnelle dans ce domaine. On décrit la Norvège comme un pays très réglementé, et cela tient peut-être au fait que neuf ans se sont écoulés et c'est la raison pour laquelle j'ai insisté sur la période de 1990 à 1999. Il a soutenu que la réglementation dans ce pays porte sur certains aspects de l'industrie plutôt que sur l'environnement.

Êtes-vous d'accord? Est-ce bien la situation en Norvège?

M. Jim Fulton: Je n'ai pas fait d'analyse particulière. Je ne suis sans doute pas la personne idéale à qui poser la question.

Mme Aileen Carroll: Vous dites que les entreprises ont quitté la Norvège pour venir s'installer au Canada. Mais si elles l'ont fait, d'après M. Smith, ce n'est pas à cause de la réglementation environnementale mais plutôt d'une réglementation industrielle. C'est quelque chose que je m'explique mal.

M. Jim Fulton: Si vous prenez connaissance du compte rendu de l'audience en entier, vous verrez qu'il s'agissait d'une délégation multipartite du Parlement norvégien qui a comparu devant le Comité de l'environnement. Elle est venue nous prévenir qu'il y avait un exode de grandes exploitations salmonicoles de la Norvège au Canada parce que la Loi sur les concessions était invoquée et qu'elles devaient tenir leur élevage à une certaine distance des voies migratoires, des estuaires et des réseaux hydrographiques. Dès ce moment-là, la Norvège votait des crédits pour mettre fin à l'empoisonnement des réseaux hydrographiques, attribuable à l'apparition de maladies causées par ces élevages.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Une dernière question, monsieur Doubleday. Vous avez une longue expérience. Vous avez entendu beaucoup de crainte. Outre ce que nous avons entendu, j'ai moi-même entendu pour la première fois exprimer cette crainte par une des provinces, par le ministre responsable du secteur, à savoir que cette responsabilité n'est pas la leur, qu'elles n'ont pas les ressources, qu'elles ne répondent pas aux critères. Elles veulent que le gouvernement fédéral intervienne. Elles veulent que le gouvernement fédéral se sente concerné. Qu'en pensez-vous?

M. William Doubleday: Je pense que les lois en place peuvent être appliquées pour lutter contre les véritables problèmes environnementaux de l'aquaculture.

• 1045

Je pense qu'il vaudrait mieux, si on le souhaitait, d'imposer des restrictions supplémentaires aux pesticides ou aux produits curatifs, qui nuisent à l'habitat des poissons, de recourir à la loi qui vise ces activités précises plutôt que de créer une nouvelle réglementation en vertu d'une autre loi.

Mme Aileen Carroll: Mais cela ne vous dérange pas de communiquer avec M. Danny Gay et de lui dire que vous n'avez aucune inquiétude à propos de la LCPE: «Je vous téléphone du ministère des Pêches et des Océans, et nous avons toute la réglementation nécessaire pour intervenir et corriger le problème que vous avez au Nouveau-Brunswick.»

M. William Doubleday: Si j'ai bien compris la citation du ministre Gay, ses propos portaient sur l'autorité d'application plutôt que sur la nature de la loi. Dans le cas des substances nocives, toxiques pour le poisson, c'est le ministère de l'Environnement qui applique cette partie de la loi sur les Pêches.

Mme Aileen Carroll: C'est le ministère de l'Environnement qui applique cette partie de la Loi sur les pêches?

M. William Doubleday: Oui.

Mme Aileen Carroll: Est-ce le ministère de l'Environnement qui a la responsabilité première?

M. William Doubleday: Oui.

Mme Aileen Carroll: Il n'a donc pas à attendre, dans le cas dont vous parlez, que toute la série d'événements décrite par M. Fulton ait lieu avant de réagir.

M. William Doubleday: Effectivement.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur Doubleday.

Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous allons entendre M. Laliberte, M. Charbonneau et M. Jordan, suivis du président, à moins qu'un autre député veuille la parole, après quoi nous ferons un deuxième tour. Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Merci, monsieur Caccia.

J'aimerais revenir sur les amendements. De la façon dont ils ont été pensés, la nourriture pour poissons est la question principale. Il s'agit donc d'éléments nutritifs par opposition aux médicaments. Il n'est donc pas du tout question de produits pharmaceutiques ou chimiques dans l'industrie. On dit que les substances nutritives favorisent l'écosystème aquatique, mais aussi qu'elles peuvent perturber son fonctionnement. C'est ce que disent les amendements. Mais les questions que vous, vous soulevez—les inquiétudes d'ordre environnemental et sanitaire, sont passées sous silence, n'est-ce pas? Ces amendements n'y répondent pas. Vous nous invitez à aller plus loin pour inclure les toxines et les produits pharmaceutiques. Ça n'y figure pas.

D'après vous, que devrait-on ajouter? Je ne sais pas si avant l'étude article par article vous aurez le temps de nous répondre, soit maintenant, soit plus tard par écrit.

Il y a aussi le problème de la réglementation contradictoire. Dans ma province, l'aquaculture relève de l'agriculture parce que ce sont les agriculteurs qui s'y adonnent. Ils défendent l'intérêt de l'industrie. Mais la réglementation relève du CERM, un organisme de gestion de l'environnement et des ressources. On pourrait peut- être en faire autant ici et diviser les responsabilités. La stratégie du MPO s'applique à l'aquaculture. Je n'ai pas encore vu le document. J'attendais qu'il circule jusqu'ici. Voilà la situation. On est tombé là-dessus en abordant la question de la LCPE.

Je m'inquiète beaucoup du fait qu'on ne s'occupe pas des toxines et des produits pharmaceutiques dans les amendements. Il est question des règlements environnementaux de la LCPE—vous en avez parlé—et de la réglementation du MPO. Les liens existent par écrit. Mais certaines des déclarations que vous avez faites—que vos antécédents sont bons, que vous n'hésitez pas à intervenir... Peut-être pourriez-vous à un moment donné, monsieur Doubleday, nous donner des exemples de mesures que vous avez prises pour réglementer l'aquaculture.

• 1050

M. William Doubleday: Monsieur le président, je suis expert du mouvement des poissons et des règlements de protection de la santé du poisson. Je me suis moi-même opposé au transfert des oeufs de poissons parce qu'ils risquaient de contaminer l'habitat proposé.

En ce qui concerne les exploitations aquacoles, nous avons récemment avisé un salmoniculteur qu'il contrevient aux exigences de son permis. Dès que nous recevrons sa réponse, nous verrons quelles mesures sont à prendre.

La principale raison pour laquelle aucune décision n'a été prise à propos de la nourriture pour poissons comme substance nutritive c'est qu'il n'y a aucun élément probant indiquant qu'il existe un grave problème à régler actuellement. On peut montrer, en théorie, que la nourriture pour poissons est une substance nutritive et on peut montrer de façon expérimentale que cette nourriture peut provoquer la croissance d'algues, mais il y a peu d'indices pour prouver qu'il s'agit d'un problème important à l'heure actuelle. Et à moins qu'il n'y ait une menace grave pour le poisson ou son habitat, rien ne justifie que nous prenions des mesures.

Le président: Si M. Keizer veut ajouter quelque chose, je l'invite à le faire.

M. Paul Keizer (gestionnaire, Sciences environnementales marines, région des Maritimes, ministère des Pêches et Océans): J'ajouterai que nous effectuons pas mal d'études environnementales, en particulier dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick. C'est la région que je connais le mieux. Par exemple, en ce qui concerne les substances nutritives, comme Mme Milewski l'a déjà dit, nous avons réalisé des études là-bas et nous continuons de le faire. Nous ne manquons pas de nous occuper des préoccupations relatives aux effets environnementaux de l'industrie. Nous ne sommes pas entièrement partisans du développement.

Le président: Merci.

Mme Inka Milewski: Je voudrais revenir sur certaines choses qu'ont dites Paul Keizer et Bill Doubleday. Entre autres, dans l'étude dont j'ai parlé, réalisée par les scientifiques du MPO dans la Crique de l'Étang, l'une des conclusions de ce rapport, où l'on a noté l'apport du carbone, de l'azote et de substances nutritives phosphorées dans la Crique, était parce qu'elles existaient en si grand nombre, ils ont mis en doute la décision imminente du gouvernement du Nouveau-Brunswick d'autoriser de nouveaux élevages. Ils étaient d'avis que si ces exploitations supplémentaires étaient approuvées, cela aurait de graves conséquences pour la Crique de l'Étang. Ils ont fait preuve de prévoyance. Ils avaient raison. C'est ce qui a été fait.

En ce qui concerne la recommandation qu'ils ont faite dans l'étude pour que l'on songe sérieusement à ne pas créer de nouveaux élevages dans la Crique de l'Étang, six ans plus tard cet emplacement est vide à cause de problèmes de nitrification, les problèmes d'enrichissement de la Crique de l'Étang. On a aujourd'hui enlevé la plupart des enclos ou cages à saumon de la Crique de l'Étang.

Voilà donc un exemple où des scientifiques du gouvernement donnent des conseils que personne ne suit. On y en a un autre exemple: les huit emplacements que le Comité de l'aquaculture, fédéral-provincial, a présentés pour être approuvés. Le ministère des Pêches et Océans a déclaré que sept de ces emplacements n'étaient pas appropriés. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a passé outre et les huit emplacements ont été approuvés. La question qu'il faut se poser ici, est: «Qui commande?» Cela relève du ministère des Pêches et Océans. Dans le protocole d'accord, il y a une clause dérogatoire qui aurait dû permettre d'annuler la décision du gouvernement du Nouveau-Brunswick. J'imagine que la décision prise par MPO au sujet de ces emplacements est qu'ils étaient soit nocifs pour l'habitat du poisson... Et si c'est le cas, le ministère aurait dû intervenir, mais il ne l'a pas fait.

• 1055

Le président: Merci, monsieur Laliberte.

M. Charbonneau a la parole, suivi de M. Jordan et du président.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le président, nous sommes devant des propositions d'amendement qui portent sur les substances nutritives dans le cas de l'aquaculture, dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il ressort de nos échanges que, si problèmes il y a, ils sont bien plus importants que ce seul problème des substances nutritives. Il y a tout le problème du choix de l'emplacement des projets de salmoniculture ou d'aquaculture en cage. Il y a aussi tout le problème du traitement des déchets et beaucoup d'autres problèmes qui ont été mentionnés.

D'un côté, certains nous disent que la Loi sur la protection de l'environnement ne devrait pas s'occuper de la question des substances nutritives. D'un autre côté, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup plus que le problème des substances nutritives.

Je voudrais savoir une chose. Lorsqu'un promoteur ou une entreprise veut établir une salmoniculture en cage dans un endroit donné, son projet doit-il obligatoirement faire l'objet d'une étude d'impact, avec audiences publiques, soit en vertu de la Loi sur la protection de l'environnement, soit en vertu de la Loi sur les pêches ou d'autres lois? Est-ce qu'on doit passer par là? Quel est l'état de la législation à cet égard?

[Traduction]

M. William Doubleday: Dans le cas du Nouveau-Brunswick, je crois que sous la direction de la province, il y a une évaluation environnementale de tout nouveau site d'aquaculture. Je ne pense pas que ce soit normalement étudié par un groupe d'experts et je ne sais pas dans quelle mesure il y a des audiences publiques.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Ça, c'est pour le Nouveau Brunswick. Dans votre réponse, vous parlez du Nouveau-Brunswick. Qu'en est-il en Colombie-Britannique ou au Québec quand il y a un projet d'aquaculture quelque part? Est-ce assujetti à une étude d'impact selon les règles de l'art, avec audiences publiques, etc.? Vous me rassureriez si vous me disiez que de tels projets sont assujettis à une étude d'impact. À ce moment-là, tout le monde s'explique, tous les facteurs sont pris en considération, et ensuite on décide. Comment les choses se passent-elles? Disons que je veux implanter une salmoniculture sur une rivière ou une baie au Québec, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs. À quelles règles du jeu suis-je assujetti? Du lobbying ou des audiences publiques?

[Traduction]

Le président: Il faudra que les réponses soient courtes parce que nous sommes à court de temps.

[Français]

M. William Doubleday: Dans le cas de la Colombie-Britannique, il y a un moratoire sur les nouveaux sites d'aquaculture depuis des années. La province vient de terminer une étude à grande échelle sur les effets environnementaux de l'aquaculture.

Dans la province de Québec, ce sont les ministères provinciaux qui s'occupent des permis d'aquaculture. Je ne suis pas en mesure de vous donner aujourd'hui les détails, mais si vous le voulez, nous vous ferons parvenir une réponse écrite.

[Traduction]

M. Jim Fulton: La question du député tombe à pic. Le problème dans les provinces maritimes de l'Atlantique et du Pacifique, c'est qu'il n'y a pas de processus d'évaluation environnementale acceptable. Je ne cesse de revenir sur ce document, mais on y lit que le gouvernement fédéral développera un cadre systématique pour la réalisation de l'évaluation environnementale. Le MPO ne le fait pas.

Le président: Pourriez-vous nous dire à nouveau de quel document il s'agit.

M. Jim Fulton: Il porte le titre suivant: «The Federal Aquaculture Development Strategy of Canada», ministère des Pêches et Océans, document 5066, 1995.

Le président: Merci.

Madame Milewski.

Mme Inka Milewski: Ce que nous savons du processus d'examen des exploitations, c'est que lorsque quelqu'un présente une demande pour ouvrir une pisciculture, il est intéressant de noter que le processus n'est pas ouvert à l'examen public. Il a fallu faire une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir le compte rendu tiré des rapports des comités, et des passages sont caviardés.

• 1100

J'ajouterai qu'il n'y a pas de normes. Il faut savoir ce que représente une exploitation piscicole. C'est entre 200 000 et 300 000 poissons. Si quelqu'un veut élever entre 200 000 et 300 000 poissons, en fonction de quels critères les gouvernements fédéral et provinciaux doivent-ils se demander si l'environnement peut absorber ces déchets et s'il y a lieu de refuser la demande?

Il n'y a pas de normes. Même s'ils disent qu'il y a une méthode, en fonction de quoi évaluent-ils les demandes d'exploitation, en vertu de quelles normes environnementales? Il n'y en a pas.

Le président: Merci.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: J'ai une deuxième question à poser aux représentants de Pêches et Océans.

J'aimerais savoir de quels moyens ils disposent pour faire appliquer les lois ou les règlements dont ils sont responsables en ces matières. Quels moyens avez-vous pour surveiller l'évolution de la situation? Avez-vous intenté des poursuites dans certains cas? Il semble que, même exceptionnellement, selon ce que vous dites, il y aurait eu quelques problèmes à gauche et à droite. Est-ce qu'il y a eu des poursuites? Est-ce qu'il y a eu des condamnations? Quels moyens avez-vous pour faire appliquer vos règlements? Est-ce que ces moyens sont en train de diminuer ou d'augmenter, ou si ça va très bien?

M. William Doubleday: Nous avons fait plusieurs études sur les effets environnementaux des fermes de poissons, mais jusqu'à présent, ces études n'ont pas indiqué qu'il était nécessaire de prendre une action décisive. La Loi sur les pêches nous donne les moyens d'intervenir quand il y a une réduction d'habitats de poissons. Jusqu'à présent, nous ne sommes pas intervenus.

M. Yvon Charbonneau: Donc, ce n'est pas trop... [Note de la rédaction: inaudible].

Le président: C'est bien traduit en anglais?

[Traduction]

Ce sera votre dernière question.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Pouvez-vous nous dire pourquoi vous n'êtes pas allés plus loin quand vous avez constaté des anomalies ou des infractions? Pourquoi n'êtes-vous pas allés plus loin? Pourquoi n'avez-vous pas intenté des poursuites pour obliger ces gens à s'expliquer devant les tribunaux?

M. William Doubleday: Nous avons reçu de temps à autre des plaintes ou des observations. On nous disait que quelque chose se passait. Nous avons fait des enquêtes ou des recherches, mais les résultats ne justifiaient pas une intervention en vertu de la loi.

[Traduction]

Le président: Soyez bref, s'il vous plaît.

Mme Inka Milewski: En 1991, lorsque le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick effectuait le contrôle des enclos, des piscicultures, dans huit cas il a constaté la présence, de moyenne à forte, de bulles de gaz. Il s'agissait de méthane, de gaz de sulfate. Il a relevé des accumulations de nourriture pour poissons et de matières fécales. Il est clair qu'il s'agit là de piètre qualité d'eau. Je ne sais pas de quel autre indicateur le ministère des Pêches et Océans avait besoin pour faire dégager le secteur ou réduire le nombre de poissons, mais pour moi cela aurait dû suffire pour que le ministère intervienne.

Le président: Merci, monsieur Charbonneau.

Nous entendrons maintenant M. Jordan, Mme Girard-Bujold, le président et, si nous avons le temps pour un deuxième tour, Mme Kraft Sloan.

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Doubleday.

En réponse à une question de M. Herron, vous avez parlé de l'équilibre que votre service doit toujours rechercher. J'imagine que d'un côté il y a votre mandat—si vous me passez l'expression—de protéger la biodiversité des voies fluviales.

• 1105

Dans votre diapositive 4, vous dites que l'industrie est très concurrentielle. Peut-être faut-il ajouter que la réglementation fait augmenter les coûts pour l'industrie. Peut-être voudrez-vous évaluer un alourdissement de la réglementation en fonction de ses effets économiques sur l'industrie. Cela fait peut-être partie de l'équilibre que vous recherchez.

Sur la dernière page de diapositive, on dit que la LCPE ne devrait pas s'en occuper et vous soutenez que les lois existantes sont suffisantes. M. Fulton a tenu des propos assez percutants, mais il y a quand même du vrai dans ce qu'il a dit à propos du rejet de cet antibiotique potentiellement très toxique. Cela dit que la Loi sur les pêches prévoit des mesures destinées à limiter ou interdire le rejet de toute substance dans l'habitat des poissons. Vous avez dit que cela est l'affaire des vétérinaires provinciaux.

Lorsque vous dites qu'il n'est pas nécessaire d'adopter d'autres règlements en vertu de la LCPE, de quel côté de la balance penchez-vous? Êtes-vous du côté des économies ou du côté de l'environnement? Y a-t-il quoi que ce soit dans le cas évoqué par M. Fulton aujourd'hui, y compris les lettres des ministres, qui amènerait le MPO à intervenir? Avez-vous l'intention de faire quoi que ce soit à ce propos?

M. William Doubleday: Je ne peux pas m'étendre, monsieur le président, sur les particularités...

M. Joe Jordan: C'est une réponse.

M. William Doubleday: ...de l'emploi de l'ivermectine. Si on devait constater que le produit est néfaste pour le poisson ou son habitat, des accusations pourraient être portées en vertu de la Loi sur les pêches.

M. Joe Jordan: D'accord, mais montrez-moi comment. Qui va vérifier?

M. William Doubleday: Normalement, quelqu'un porte la chose à l'attention du ministère et il y a une enquête. Dans le cas d'une substance toxique, l'enquête est normalement effectuée par Environnement Canada. Si les faits le justifient, des mesures sont prises en vertu de la loi.

Lorsque je parlais des lois actuelles qui portent sur ces questions, je ne voulais pas dire que le système actuel est idéal, mais si le problème est celui de l'application de la réglementation existante, Peut-être la solution est-elle une meilleure application des règlements plutôt que d'ajouter une nouvelle réglementation en vertu d'une autre loi qui, elle aussi, pourrait être difficile à appliquer.

Le président: Merci, monsieur Jordan.

Madame Girard-Bujold.

M. Jim Fulton: Monsieur le président, pourrais-je ajouter une phrase au compte rendu?

Le président: Très brièvement, oui.

M. Jim Fulton: C'est tiré du document Salmon Aquaculture Review du Bureau d'évaluation environnementale dont j'ai parlé tout à l'heure dans la recommandation destinée aux ministres. Permettez-moi de lire à nouveau la conclusion: «à l'heure actuelle, les salmoniculteurs sont assujettis à très peu de normes applicables». C'est précisément là le problème de l'ivermectine.

M. Doubleday sait que cela ne fera pas l'objet d'une enquête du MPO, même s'il s'agit d'une plainte qui a été déposée directement au Parlement. Ils vont continuer d'employer l'ivermectine.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Girard-Bujold.

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le président, permettez-moi d'être en désaccord avec le Dr Doubleday, qui a dit tout à l'heure que les règlements étaient actuellement suffisants pour contrer cette chose. Moi, je ne le pense pas. Les ONG sont venus nous faire part de faits très troublants qui se passent présentement, et je pense qu'il y a vraiment un grand besoin. Je constate que les règlements actuellement en vigueur sont plus que désuets. Il y a des gens qui ne sont pas encore rendus en 1999. Ils ne tiennent pas compte de la nouvelle façon de faire en aquaculture. Comme les gens sont venus nous le dire hier, cette nouvelle façon de faire est en continuelle expansion. Je lisais même que les spécialistes de l'aquaculture au Canada voulaient une réglementation solide, adaptée à leur contexte. Ils disent eux-mêmes que la réglementation n'est pas adaptée à leur contexte. Je ne pense pas que c'est en inscrivant une plus grande responsabilité dans une autre loi, comme la LCPE, qu'on va trouver des solutions.

Je constate aussi qu'en 1998, on a nommé un commissaire au développement de l'aquaculture relevant de Pêches et Océans Canada. Quel est son rôle? Est-ce qu'il doit moderniser les règlements? Est-ce qu'il doit faire en sorte qu'ils soient plus acceptables?

• 1110

Je me demande aussi pourquoi les ONG ne pourraient pas siéger au Comité consultatif sur la politique d'inspection des produits de la mer qui a été établi par le gouvernement fédéral. Pourquoi n'y aurait-il pas une place pour les ONG à ce comité?

Ce sont trois questions que je me pose.

M. William Doubleday: Je trouve les questions un peu compliquées, mais je vais essayer d'y répondre.

Pour nous, il s'agit du développement durable de l'aquaculture. Mon ministère s'occupe de la protection de l'environnement, surtout de l'habitat du poisson. Nous nous occupons aussi de minimiser ou d'éliminer la possibilité d'introduire des maladies. C'est une partie importante de notre rôle.

Quant au nouveau commissaire à l'aquaculture, son rôle est de promouvoir l'industrie de l'aquaculture et de s'assurer que l'industrie ait les moyens de progresser, comme toute autre industrie au Canada.

Au niveau fédéral, les moyens d'inspection du poisson suffisent à garantir que le saumon peut être mangé sans crainte de résidus de pesticides ou autres.

Est-ce que la mise en application des lois est assez vigoureuse? On peut en discuter, mais il me semble que le cadre législatif est déjà établi et que, s'il y avait des lacunes, il serait plus approprié de modifier les règlements des lois actuelles que de mettre en place toute une autre réglementation d'une nouvelle loi.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Est-ce un mandat du commissaire? Vous dites qu'il a été nommé pour promouvoir et faire progresser l'industrie.

M. William Doubleday: Oui. Au niveau fédéral...

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Avant de faire progresser l'industrie et de la promouvoir, il faut régler les problèmes. Selon ce que les ONG nous ont dit, il y a des problèmes.

M. William Doubleday: Oui. Au niveau fédéral, il y a plusieurs ministères qui s'occupent du dossier de l'aquaculture: la Santé, l'Agence d'inspection des aliments, Pêches et Océans, l'Environnement et d'autres. Chaque ministère joue son propre rôle. Le commissaire à l'aquaculture a été nommé pour promouvoir le développement durable de l'aquaculture.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Ma dernière question est celle-ci. Pourquoi un ONG ne pourrait-il pas siéger au comité, comme je vous l'ai demandé? Dans cela, il y a des partenaires. Il y a des représentants du secteur de l'aquaculture, du comité consultatif, de l'industrie et des ministères. Pourquoi un représentant des ONG ne pourrait-il pas siéger à ce comité?

M. William Doubleday: Je ne peux pas répondre directement à cette question. Le comité a été mis en place il y a un certain temps, et je ne me souviens pas pourquoi on avait choisi une telle composition.

[Traduction]

M. John Herron: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Puisque le commissaire est dans la salle, pourrait-on l'inviter à la table pour répondre à cette question?

Le président: Si le commissaire veut bien venir à la table, bien sûr.

• 1115

Je vais profiter du rappel au Règlement pour vous informer qu'il pourrait y avoir un deuxième tour de questions grâce à notre collègue, M. Guy St-Julien, qui a eu l'amabilité d'organiser sa réunion prévue ici pour 11 heures dans une autre salle. Il pourra donc y avoir un deuxième tour complet.

Le commissaire est M. Bastien. Je vous souhaite la bienvenue au comité. Peut-être voudrez-vous répondre aux questions.

Y a-t-il un autre rappel au Règlement.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Vu ce que vous venez de dire, sait-on quand la séance sera levée?

Le président: Dès que nous aurons terminé le deuxième tour de questions, dans une vingtaine de minutes.

Mme Paddy Torsney: Très bien. Merci.

[Français]

Le président: Bienvenue au comité. Veuillez répondre à la question de Mme Girard-Bujold.

[Traduction]

M. Yves Bastien (commissaire au développement de l'aquaculture): Je n'étais pas préparer. Je vais donc répondre en français, si cela ne vous dérange pas.

[Français]

Pour répondre à votre question, je viens d'être nommé. Je suis entré en fonction le 25 janvier. Il est évident que le rôle que je vais jouer va se développer au fur et à mesure que les actions seront entreprises. J'ai de l'expérience dans le développement de l'aquaculture. Je suis un écologiste. J'ai travaillé dans les parcs nationaux, au Canada, et j'ai été gestionnaire des ressources au gouvernement du Québec, lorsque le Québec avait la juridiction des pêches québécoises. Je suis très heureux de vivre dans un pays qui a à coeur la protection de l'environnement et qui désire avoir une société qui protège son environnement.

D'un autre côté, il est bien évident qu'après tout ce que j'ai vécu dans l'aquaculture et dans la gestion des pêches, mon rôle sera de trouver le juste milieu entre les impacts sur l'environnement et le développement d'une industrie qui, à mon point de vue, est quand même très respectueuse de l'environnement. Une de mes priorités personnelles, et c'est également un objectif du ministère des Pêches et des Océans du Canada, est de développer ce qu'on appelle en anglais un legal framework, c'est-à-dire un contexte législatif et réglementaire qui va bien encadrer le secteur et l'aider à se développer. C'est une de mes priorités.

Il est très possible qu'on retrouve un jour devant le Parlement un projet de loi sur l'aquaculture qui réunira différents éléments de réglementations et de lois qui existent actuellement, comme la Loi sur les pêches. On pourra alors avoir une loi sur l'aquaculture.

Le président: Vous voulez poser une question, madame?

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous devez travailler dans le cadre du protocole d'entente que vous avez signé avec les provinces.

M. Yves Bastien: Pêches et Océans Canada a signé des ententes de fonctionnement avec chacune des provinces, et ces ententes seront certainement respectées. Ce sera fait dans le contexte du cadre législatif canadien et dans le respect des juridictions provinciales, qui sont très importantes.

Le président: Merci, monsieur Bastien.

[Traduction]

Soyez bref, parce que nous voulons terminer nos travaux.

M. Jim Fulton: Ce sera bref, monsieur le président. Cela découle de la question soulevée par le député.

Je pense que les députés devraient examiner la genèse de la LCPE et l'usage qui en a été fait dans le cas des usines de pâte. La réaction du MPO face aux problèmes des organochlorés et des dioxines a tout simplement été de fermer des centaines de mille carrés de plages où l'on récoltait des crustacés et des coquillages en Colombie-Britannique. Des pêcheries ont également été fermées dans l'est du pays.

La LCPE a été très efficace si l'on considère les alertes à la santé, les risques de cancer chez les humains causés par les dioxines venant des usines de pâte. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le président, qu'un des éléments qui a fait évoluer la LCPE c'est que la LCPE l'a étudié, puis des règlements de portée nationale ont été adoptés et nous avons vu une réduction spectaculaire des dioxines jusqu'à un niveau où nous rouvrons actuellement des zones de ramassage de crustacés et de coquillages, de crabes, et d'autres, dans bien des régions du pays.

La LCPE est peut-être un instrument très utile, surtout lorsque les dispositions de la loi sur les pêches, comme les articles 33, 35 et 36 sont impuissants parce qu'en ce qui concerne la politique fédérale, le sous-ministre ordonne aux fonctionnaires de haut en bas non pas d'appliquer la loi mais de promouvoir l'industrie. C'est ce qui arrive dans cette industrie. Ça ressemble beaucoup à l'affaire des usines de pâte et des dioxines. Le ministère des Pêches et Océans fait la promotion d'une industrie qu'elle sait être polluante et source de transmission de maladies aux espèces sauvages, etc. Et la LCPE est, comme le député le sait...

• 1120

Je souhaite du succès au nouveau commissaire dans de nouvelles fonctions très exigeantes.

Le président: Madame Milewski, brièvement.

Mme Inka Milewski: Je voudrais répondre à la question du député adressée au MPO—et aussi à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et au Bureau des médicaments vétérinaires—à propos des organisations non-gouvernementales. Je fais une distinction ici entre ce que j'appelle, comme le Conseil de la conservation, une organisation non gouvernementale... Salmon Health, qui est une organisation de l'industrie, elle aussi s'appelle une organisation non gouvernementale. Il y a donc une distinction entre les groupes de consommateurs, de protection de la santé, de conservation, les groupes non gouvernementaux, et ces groupes de l'industrie—l'industrie des pâtes et papier, les salmoniculteurs.

Lorsque le gouvernement fédéral ou la province rassemble des groupes non gouvernementaux, il rassemble des associations de l'industrie, tandis que nous sommes rarement invités. J'aimerais déposer comme pièce, un document que fait actuellement circuler l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, un projet de document préconisant la gestion intégrée du pou du poisson. Le comité ne comptait aucun représentant de ce que j'appellerais des groupes de consommateurs, de santé ou de conservation. Il comptait des groupes de l'industrie. Le document décrit très mal le problème du pou du poisson.

Le président: On le fera circuler. Merci.

Nous pourrons prochainement commencer le deuxième tour, qui sera composé de Mme Kraft Sloan, M. Herron, Mme Carroll et M. Laliberte. Auparavant, j'aimerais toutefois poser une ou deux questions. Elles s'adressent surtout à M. Doubleday, que je voudrais féliciter pour son exposé clair et concis de ce matin.

Sous le titre «Apaiser les préoccupations environnementales», monsieur Doubleday, vous parlez d'un contrôle suivi. Pourriez-vous nous dire qui s'occupe de ce contrôle?

M. William Doubleday: Je crois savoir que le contrôle est effectué à la fois au niveau provincial et au niveau fédéral. Comme je l'ai dit au début de mon témoignage...

Le président: Par quels ministères?

M. William Doubleday: Le ministère des Pêches et des Océans fait un peu le contrôle, et dans le cas du Nouveau-Brunswick, il s'agit du ministère des Pêches et de l'Aquaculture qui s'occupe du contrôle, qui est en fait effectuer par l'industrie au Nouveau-Brunswick.

Le président: Au niveau fédéral, combien d'inspecteurs effectuent le contrôle?

M. William Doubleday: Le contrôle que nous avons fait, monsieur le président, se fait dans le volet scientifique du ministère, et non par un agent des pêches.

Le président: Vous parlez de votre service?

M. William Doubleday: Oui. Plusieurs études ont été faites chaque année pour contrôler les effets environnementaux de l'aquaculture...

Le président: Oui, mais je vous demande combien d'inspecteurs vous avez sur le terrain.

M. William Doubleday: Je ne peux vous donner qu'une indication approximative du nombre de scientifiques qui participent à ces projets à l'échelle nationale. Je dirai qu'il y en a sans doute une vingtaine.

Le président: Ce sont des scientifiques.

M. William Doubleday: Des scientifiques et des techniciens, oui.

Le président: Sur le terrain?

M. William Doubleday: Oui, sur le terrain.

Le président: Ils visitent les exploitations?

M. William Doubleday: Oui.

Le président: De quel budget dispose-t-on pour cela?

M. William Doubleday: Le total des dépenses dans ce domaine est important. Il faut faire le total d'un certain nombre de projets pour obtenir la somme. J'imagine que c'est environ 3 millions de dollars par an.

• 1125

Le président: Ces inspecteurs ont-ils des pouvoirs autres que de visiter? Peuvent-ils mettre fin à des pratiques qu'ils jugent indésirables?

M. William Doubleday: Non. S'ils constatent des pratiques indésirables, le cas doit être soumis à un agent des pêches—quelqu'un autorisé en vertu de la loi sur les pêches à porter une accusation.

Le président: Dans ce cas, qui ferait quoi?

M. William Doubleday: Ils feront enquête et si les faits le justifient, ils pourront porter une accusation en vertu de la loi sur les pêches.

Le président: Il aurait donc deux enquêtes; une par votre scientifique et une autre ensuite par un inspecteur des pêches.

M. William Doubleday: Oui. Il s'agit vraiment d'une question hypothétique, monsieur le président.

Le président: Quel est l'intervalle entre les deux visites?

M. William Doubleday: Je crains qu'il s'agisse d'une question hypothétique à laquelle je ne peux vraiment répondre. Cela dépend de la nature du problème et des autres éléments qui touchent les pêches au même moment.

Le président: Y a-t-il un rapport qui indique à combien de reprises, le cas échéant, vos scientifiques ont signalé des activités illégales aux inspecteurs des pêches, sur une base annuelle, au cours des dix dernières années?

M. William Doubleday: Je n'ai jamais vu de rapport de ce genre.

Le président: Un rapport de ce genre est-il exigé?

M. William Doubleday: Non.

Le président: Pourquoi est-ce qu'il n'y en a pas un?

M. William Doubleday: Nous nous préoccupons davantage de l'exécution des programmes et de prendre les mesures qui s'imposent que d'établir des listes des rapports et des contacts qui ont eu lieu.

Le président: Autrement dit, vous ne voulez pas voir les statistiques. En tant que scientifique, croyez-vous que ce soit une bonne pratique que de ne pas vouloir consulter les statistiques?

M. William Doubleday: Je ne peux pas vous donner une réponse détaillée concernant le système de rapport des agents de pêches, mais il y a un système qui prend note de la façon dont les agents de pêches emploient leur temps.

Le président: Savez-vous où ces rapports sont publiés?

M. William Doubleday: Je n'ai pas vu les rapports publiés, monsieur le président.

Le président: Monsieur Doubleday, vous avez répondu plus tôt à Mme Carroll que les lois peuvent être appliquées. Croyez-vous que l'application est adéquate?

M. William Doubleday: C'est certainement quelque chose dont on pourrait discuter.

Le président: Nous ne voulons pas en discuter. Je crois que nous aimerions avoir une réponse à la question—une réponse honnête.

M. William Doubleday: Je ne peux pas vous donner de réponse définitive à cette question. Personnellement, je n'ai pas de preuve que des problèmes importants se posent dans les habitats des poissons du fait de l'aquaculture, ni dans mes consultations avec des collègues qui s'occupent de la gestion des habitats.

Le président: Vous dites «les lois peuvent être appliquées» plutôt que «les lois sont appliquées». Pourquoi choisissez-vous de dire «peuvent être appliquées»?

M. William Doubleday: C'est que, d'après les renseignements, il s'agit de problèmes en puissance, mais qui ne se sont pas manifestés en tant que problèmes importants nécessitant une action.

Le président: Étant donné ce qui a été dit dans cette salle ce matin, croyez-vous qu'il s'agit de problèmes susceptibles de se produire mais non actuels?

M. William Doubleday: Pour ce qui est de la nourriture pour poissons en tant qu'élément nutritif dans le milieu marin, je crois que ce qui a été dit ce matin est toujours valable. C'est le fruit d'une recherche considérable par mon ministère et d'un examen de la documentation. Pour ce qui est des agents thérapeutiques et des pesticides, je ne peux pas me prononcer à ce sujet aujourd'hui.

Le président: Quand pourrez-vous vous prononcer?

• 1130

M. William Doubleday: Ces questions relèvent d'autres organismes.

Le président: Tels que?

M. William Doubleday: Les agents thérapeutiques et les pesticides sont du ressort de Santé Canada, alors je proposerais que le comité s'adresse à Santé Canada pour des questions liées à l'utilisation d'agents thérapeutiques et de pesticides.

Le président: Monsieur Doubleday, dans une réponse à Mme Girard-Bujold, vous avez dit que l'application pourrait peut-être être améliorée. Pouvez-vous nous donner plus de précisions à cet égard?

M. William Doubleday: Je parlais en termes généraux. Pour ce qui est de l'amélioration du système de réglementation liée à l'aquaculture, de telles améliorations pourraient être apportées de préférence grâce aux lois existantes et à l'application de la réglementation existante. Je ne songeais pas à d'exemple précis.

Le président: Cela correspond à ce que vous avez dit ce matin. Croyez-vous que vous avez suffisamment de ressources pour vous charger de l'application?

M. William Doubleday: C'est une question assez intéressante. Cela me donne sans doute l'occasion de demander plus d'argent.

Nous faisons la meilleure utilisation des ressources que nous avons en fonction des priorités. Si on avait plus de ressources, on pourrait améliorer l'application.

Le président: Avez-vous dit ça à vos supérieurs?

M. William Doubleday: Je ne suis pas personnellement responsable de l'application de la loi, mais je sais qu'on essaie toujours d'améliorer l'utilisation de nos ressources consacrées à l'application, et la gestion du ministère essaie continuellement d'améliorer l'efficacité des efforts d'application.

Le président: Qu'est-ce que cela veut dire? Ne croyez-vous pas que vous êtes déjà tout à fait efficaces, compte tenu des compressions que vous avez dû subir? Est-ce qu'on ne vous demande pas continuellement de toujours faire plus avec moins?

M. William Doubleday: Nous avons conservé environ 500 à 550 agents des pêches, ce qui fait que nous avons un bon nombre d'agents sur le terrain.

Le président: Croyez-vous que ce nombre suffit?

M. William Doubleday: Nous essayons de faire la meilleure utilisation des ressources disponibles?

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

De brèves observations, s'il vous plaît, car nous voulons commencer une deuxième ronde.

M. Jim Fulton: Juste pour mémoire, je tiens à dire que le ministère des Pêches et Océans possède le document dont je parlais concernant la salmoniculture et le programme d'échantillonnage de sédiments de l'archipel Broughton. Il a conclu que le gouvernement admettait que les déchets de la pisciculture s'accumulaient plus vite qu'ils ne se décomposaient; c'est-à-dire qu'ils créent de la pollution.

Considérez le fait que des conditions d'anoxie benthique existent tant 10 p. 100 des exploitations, jusqu'à 50 mètres de la pisciculture; qu'il existait des concentrations de zinc élevées dans 20 p. 100 des exploitations échantillonnées; que dans le cas d'une exploitation il y avait des concentrations de zinc élevées à l'intérieur du périmètre de l'exploitation—c'est-à-dire, au-delà de 50 mètres; et j'en passe. Ces exemples représentent tous une violation des articles 33, 34, 35 et 36 de la Loi sur les pêches. Les agents d'application ne se sont pas présentés et n'ont rien fait. On n'a porté aucune accusation.

J'ai discuté de cela avec mes collègues ici. Nous ne sommes pas au courant du fait que le ministère a fait une enquête, porté des accusations, ou n'a appliqué aucune application des dispositions qui existent à l'heure actuelle en vertu de la loi concernant l'environnement la plus puissante au Canada, la Loi sur les pêches, depuis 20 ans par rapport à cette industrie. C'est invraisemblable.

Le président: Est-ce que c'est une nouvelle pour vous, monsieur Doubleday?

M. William Doubleday: Je ne suis pas au courant de ce rapport.

M. Jim Fulton: Le ministère est en possession du rapport depuis l'examen de la salmoniculture il y a deux ans.

Le président: Est-ce que vous vous engagez à l'examiner et à faire part à notre comité de vos conclusions?

M. William Doubleday: Je peux vous fournir une réponse écrite du ministère après avoir examiné le rapport.

Le président: Ce serait utile.

Dans la deuxième ronde, c'est le tour maintenant de Mme Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup.

• 1135

Monsieur Doubleday, vous avez dit au président que vous avez une vingtaine de scientifiques sur le terrain qui visitent les sites. Quel type de renseignements y recueillent-ils?

M. William Doubleday: Cela dépend du projet. M. Keizer peut vous donner plus de détails à ce sujet.

M. Paul Keizer: Les scientifiques en général examinent ce qui se passe et l'effet de l'accumulation de matériaux sous les cages, ainsi que les effets de ces substances. Il y a un grand éventail d'études qui mesurent les concentrations d'éléments nutritifs dans l'eau et aussi l'importance de l'accumulation de substances sous les cages. Certaines études dont M. Fulton a parlé sont en cours au ministère. On examine un large éventail d'incidences de l'industrie.

Mme Karen Kraft Sloan: Est-ce que ces scientifiques font des inspections en vue de faire appliquer la loi, ou se contentent-ils de prélever des échantillons?

M. Paul Keizer: Il ne s'agit pas de l'application de la loi, non.

Mme Karen Kraft Sloan: Ce n'est pas une activité liée à l'application de la loi. Alors si les scientifiques estiment qu'il y a un problème à un site, ils communiquent avec un agent d'inspection.

M. Paul Keizer: Oui, ils se mettraient en contact avec la gestion. Ça pourrait être la gestion des pêches ou la gestion des habitats.

Mme Karen Kraft Sloan: Dans toutes les années d'opération, est-ce qu'il n'y a pas eu de sites qui ne se conformaient pas à la loi?

M. Paul Keizer: Cela devient très compliqué.

Mme Karen Kraft Sloan: Je ne vois pas en quoi cela serait compliqué. Je croyais poser une question assez simple. Est-ce qu'on s'est conformé à la réglementation à tous ces sites? Il s'agit de répondre par oui ou par non.

M. Paul Keizer: Au Nouveau-Brunswick, nous avons abordé la question par l'entremise d'un groupe appelé le New Brunswick Aquaculture Environmental Coordinating Committee.

Mme Karen Kraft Sloan: Et qui c'est ça?

M. Paul Keizer: C'est le ministère de l'Aquaculture du Nouveau-Brunswick, le ministère de l'Environnement et le ministère des Pêches et des Océans. Nous discutons des problèmes, et nous proposons des mesures correctives pour des sites où il y a des difficultés.

Mme Karen Kraft Sloan: Et si le site éprouve des difficultés, cela veut-il dire qu'il se conforme à la loi ou non?

M. Paul Keizer: Comme l'ont indiqué Mme Milewski et M. Fulton, il n'y a pas de normes définitives de conformité.

Mme Karen Kraft Sloan: Et c'est aussi votre avis?

M. Paul Keizer: Oui.

Mme Karen Kraft Sloan: La question est donc de savoir s'il faut réglementer un aspect d'une activité qui concerne les aliments pour poissons, mais certains prétendent qu'il n'y a pas lieu de le faire, car la question relève de diverses autres lois. Or, j'entends parler de préoccupations concernant certaines normes; on se demande si les sites se conforment ou non à la loi, car les normes manquent de précision. Est-ce que je me trompe?

M. Paul Keizer: Je vais essayer de ne pas compliquer les choses. Les systèmes comportent de nombreuses variables naturelles, et il faut donc digérer cette information dans le contexte de toutes ces variables naturelles. Si les chiffres dépassent un certain montant, le site n'est plus conforme. La fixation du maximum rend toute interprétation difficile.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais dans le cas des usines de pâtes et papier, on permet une certaine quantité d'effluents ou de déversements dans les écosystèmes; on pourrait s'attendre à trouver une solution semblable pour les piscicultures. On constate toutes sortes de phénomènes naturels, mais on peut néanmoins déterminer que certaines usines de pâtes et papier sont ou ne sont pas conformes aux normes. Essayez-vous de me dire qu'il n'est pas véritablement possible de déterminer si ces piscicultures sont ou non conformes aux normes?

• 1140

M. William Doubleday: Dans le cas des usines de pâtes, il existe des règlements précis qui relèvent de la Loi sur les pêches. On effectue des tests précis. Si l'on effectuait les mêmes tests dans les piscicultures, on pourrait déterminer si elles sont conformes, mais ces tests ne sont pas très pertinents. Dans une usine de pulpe, on vérifie si les effluents tuent immédiatement le poisson, mais cela ne concerne pas les problèmes posés par les piscicultures.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais il n'existe pas de règlements pour les piscicultures?

M. William Doubleday: Non.

Mme Karen Kraft Sloan: Il n'y a pas de règlements pour les piscicultures.

M. William Doubleday: On pourrait en adopter en vertu de la Loi sur les pêches, mais il n'y en a pas maintenant.

Mme Karen Kraft Sloan: Il n'y a donc pas de règlements applicables aux piscicultures, mais vous pensez qu'il n'est pas nécessaire d'intervenir dans ce domaine en vertu de la LCPE pour imposer des règlements visant spécifiquement la protection de l'environnement et de la santé humaine, au lieu de s'en remettre à un ministère qui, d'après ce qu'on nous dit, est favorable au développement de l'industrie. Je suis heureuse d'apprendre que vous n'êtes pas entièrement de cet avis, car de tels commentaires me semblent assez inquiétants.

Vous dites qu'il n'y a pas de règlements. Est-ce pour cela qu'on ne trouve jamais de piscicultures non conformes? Le problème, ce n'est pas l'application de la loi, c'est le fait qu'il n'y a pas de loi à appliquer.

M. William Doubleday: Il existe quelques règlements relevant de la Loi sur les pêches qui visent certaines industries, notamment l'industrie minière et les pâtes et papier. Du moins, ce sont les règlements que je connais; je n'en connais pas d'autres.

La loi permet d'intervenir lorsqu'une substance délétère est déversée dans l'habitat du poisson ou si cet habitat est détruit physiquement, mais on n'a pas besoin de règlements pour intervenir. Cependant, il faut montrer que la substance est délétère ou que l'habitat du poisson a été endommagé ou détruit à cause de l'activité, quelle qu'elle soit.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais aucune mesure n'a été prise.

Monsieur le président, après deux jours de témoignages et après une journée de témoignages de l'industrie, j'ai du mal à croire qu'aucune question n'ait été posée à propos du fait que les substances déversées dans ces cages à poisson et qui s'écoulent ensuite dans l'environnement ne sont pas exactement des substances non toxiques, ou qu'il s'agit de substances qui vont avoir un effet délétère.

J'aimerais savoir quel genre de tests on fait sur les coquillages et les poissons qui se trouvent à l'extérieur des cages. Est-ce qu'on fait des tests pour détecter les résidus des pesticides et des médicaments qui sont ajoutés à la nourriture des poissons? Est-ce que c'est le genre de tests que votre ministère fait actuellement?

M. William Doubleday: Lorsqu'on a utilisé l'asaméthiphos pour se débarrasser des poux de poissons il y a quelques années, nous avons effectué une étude sur les invertébrés. Je crois qu'il y avait des crevettes et des homards à proximité immédiate des installations où des traitements ont été effectués. Nous voulions savoir si l'asaméthiphos détruit ces crustacés, mais il ne les détruit pas.

Mme Karen Kraft Sloan: Est-ce qu'on fait des tests régulièrement? Ce produit ne les détruit pas, mais je voudrais savoir si l'on fait des tests pour examiner les tissus des coquillages et des poissons qui vivent en dehors des cages, tout d'abord pour voir s'ils contiennent des résidus des pesticides et autres produits ajoutés à la nourriture des saumons. Est-ce que ces tests sont faits régulièrement? Est-ce qu'on fait des tests génétiques pour détecter d'éventuels changements d'une génération à l'autre chez les poissons et les crustacés qui vivent à l'extérieur des cages?

M. William Doubleday: Il y a deux programmes en cours de réalisation actuellement qui portent sur ces questions.

Mme Karen Kraft Sloan: Il n'y a pas de tests réguliers.

Dr William Doubleday: Non.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Le président: Mme Milewski voudrait faire un bref commentaire.

Mme Inka Milewski: Oui, ce sera très bref.

Le président: Nous aimerions clore cette réunion avant midi.

• 1145

Mme Inka Milewski: Mon commentaire concerne les études sur l'azaméthiphos. Il y a eu deux études réalisées en 1995—1996 par le ministère des Pêches et Océans et par le Centre des sciences de la mer Huntsman. En voici les résultats. La première étude de 1995 comportait deux essais sur le terrain visant à mesurer la mortalité aiguë des invertébrés non ciblés, de homards adultes, de crevettes adultes, de pétoncles mijes qui étaient retenus dans des cages qui étaient situées à proximité des cages traitées à l'azaméthiphos. Tous les homards enfermés dans les cages sont morts au cours des deux essais, mais il n'y a pas eu de mortalité chez les autres animaux. En dehors des cages, entre 5 et 120 crevettes sont mortes pendant les essais.

M. Jim Fulton: J'aimerais soumettre un autre élément au ministère des Pêches et Océans. Il s'agit de la même étude, réalisée il y a tout juste deux ans:

    Les essais biologiques de toxicité sur les amphipodes indiquent que 68 p. 100 des sites échantillonnés dans 24 des 30 piscicultures étaient toxiques. Dix pour cent des échantillons toxiques ont été prélevés à 100 mètres des installations piscicoles.

Il y a des gens qui récoltent des coquillages dans les zones que le ministère des Pêches et Océans considère comme contaminées par des produits toxiques.

Le président: Monsieur Herron, suivi par Mme Carroll.

M. John Herron: Merci, monsieur le président.

Encore une fois, je voudrais remercier les témoins de leur présence. Cette séance nous a beaucoup appris. Je voudrais aussi ajouter que si l'on consultait la transcription de ce débat une fois qu'il sera terminé, on verrait qu'environ 85 p. 100 des échanges que nous avons eus jusqu'à maintenant ne concernent pas l'amendement dont nous sommes saisis.

Je voudrais dire ensuite que notre objectif est d'élaborer une bonne politique nationale, et non pas d'intervenir au coup par coup. On nous a présenté des commentaires très intéressants et tout à fait crédibles concernant l'application de la réglementation environnementale. Mais nos amendements ne concernent pas vraiment cette question.

On nous a proposé des commentaires concernant les tests effectués sur des invertébrés et des mollusques vivant à l'extérieur des cages d'élevage. Les amendements ne portent pas non plus sur cette question. On nous a même fait des commentaires concernant certains pesticides. Je considère qu'ils sont valides et qu'ils doivent être pris en considération, mais encore une fois, on a dit aussi que le comité devrait peut-être s'intéresser à la Loi sur les pesticides.

Avant de venir ici aujourd'hui, j'étais d'avis qu'il faudrait, dans l'intérêt d'une bonne politique publique, aborder ces questions dans un projet de loi distinct, ou peut-être au moyen des règlements provinciaux. C'est ce que j'avais l'intention de recommander.

J'aimerais faire un autre commentaire. J'ai posé une question à la période des questions concernant des évaluations environnementales dans le cas d'une exploitation de crustacés et de coquillages qu'on propose de mettre sur pied à Tatamagouche. J'ai posé la question au nom d'un collègue, le député de Cumberland—Colchester. Pour les habitants de la région, les crustacés et les coquillages constituent un nouveau type de pisciculture. Il s'agit aussi d'une des plus grandes exploitations piscicoles de la région. La population locale voudrait une évaluation environnementale: montrez-nous quel serait l'impact et les répercussions pour nous en ce qui concerne nos activités actuelles et la valeur des propriétés le long de la rive. Il y avait un besoin de sensibilisation du public.

Somme toute, je suis encore plus persuadé aujourd'hui qu'il faut traiter ces questions grâce à un projet de loi distinct ou au niveau provincial, au lieu d'adopter une approche ponctuelle en vertu de LCPE.

Il y a une autre observation que j'aimerais faire. L'industrie reconnaît qu'il faut effectivement avoir un environnement sain pour avoir un produit sain. On nous a déjà dit cela à plusieurs reprises. Cela étant dit, je crois que les ONG écologiques ont soulevé des questions sur lesquelles il faut se pencher. Il est important de consulter les ONG écologiques et l'industrie dans le but de mettre au point une politique publique appropriée. Si vous vous sentez exclus sous cet angle-là, je pense que vous avez tout à fait raison.

• 1150

Nous avons abordé d'autres questions aussi. Dans la Crique de l'Étang, la surexploitation est sans doute ou peut-être la cause du problème. Les modifications proposées ne régleraient pas la question de la surexploitation. Mon avis là-dessus c'est donc...

Le président: Monsieur Herron, vous faites un excellent résumé de la situation, à l'envie du président du comité. Auriez-vous la bonté de poser votre question?

Mme Paddy Torsney: Il voulait tout simplement voir s'ils étaient d'accord avec lui.

M. John Herron: Tout à fait.

J'aimerais dire qu'il importe à mon avis que les ONG reconnaissent le fait—et j'aimerais entendre vos commentaires sur cette question—qu'il y a des permis qui fixent des normes pour chaque exploitation dorénavant mise sur pied en ce qui concerne la taille des opérations, l'envergure de l'exploitation. Le permis précise aussi la profondeur des eaux de marée, ce qui est très important au Nouveau-Brunswick. Je crois qu'il est très constructif pour les ONG de dire qu'il s'agit d'un produit et d'une industrie qui doit croître. Il faut cependant travailler en collaboration avec l'industrie aussi de ce point de vue-là. Il n'y a pas lieu de tirer à boulets rouges sur l'industrie.

Mme Inka Milewski: J'aimerais déposer à l'intention des membres du comité un exemplaire du New Brunswick Telegraph Journal du samedi 30 janvier en réponse au dernier commentaire de M. Herron; M. Keizer, qui est ici à la table aujourd'hui, écrit dans cet article que l'industrie de l'aquaculture dans chaque province est, et je cite, «proche du point de saturation».

L'idée selon laquelle l'industrie de l'aquaculture au Canada est compétitive au niveau mondial est donc erronée. En Norvège, on prévoit un million de tonnes de saumon d'élevage d'ici 10 ans. Dans l'Est du Canada, on produit 18 000 tonnes. On est loin d'être compétitifs sur le marché mondial.

Je l'ai déjà dit aux représentants de l'industrie. Il est époustouflant que l'industrie ne se rend pas compte qu'elle doit se transformer en industrie concurrentielle, en misant sur le marché de pêche organique. Pour cela, il faudrait adopter des pratiques durables en matière d'environnement, c'est-à-dire l'utilisation de cages à terre, ce qui réduit l'usage des pesticides et des antibiotiques. C'est de cette façon-là que l'industrie va rendre sa production rentable.

M. John Herron: Je vais aborder cette question sous un autre angle. Je crois qu'il serait prudent pour nous d'avoir une politique publique globale, un projet de loi dans ce domaine. Ne serait-il pas utile que le Canada consulte les autres pays qui pratiquent la pisciculture—la Norvège, l'Irlande, le Chili—afin de s'assurer que nous avons tous les mêmes normes environnementales pour éviter la dégradation de nos océans? À mon avis, il serait bon de travailler en collaboration avec nos partenaires pour établir des règles équitables. Merci.

Le président: Pourquoi n'organisez-vous pas une conférence dans votre circonscription sur toutes ces questions? Cela pourrait être très utile.

Madame Carroll, suivie de M. Laliberte et du président.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.

Monsieur Doubleday, je ne sais pas si vous avez besoin de plus d'argent pour faire appliquer la loi, mais vous méritez d'être bien payé pour défendre votre position tout seul ici aujourd'hui.

Je suis heureuse que M. Bastien soit venu, puisque j'avais mal compris son rôle en lisant qu'il était Commissaire à l'aquaculture. Je n'avais pas bien compris. J'ai pensé—et j'aurais dû vérifier—que cela relevait du Commissaire du développement durable au sein du Bureau du vérificateur général, mais il est évident que ce n'est pas le cas.

J'ai lu en diagonale la fiche d'information, qui est en fait une description de tâches. La fiche parle de

[Français]

améliorer le profil de l'aquaculture, promouvoir les intérêts de l'industrie, encourager la mise au point de nouveaux produits de l'aquaculture, encourager la recherche et le développement pour aider à la commercialisation, etc.

[Traduction]

Et je ne vois pas d'autres éléments. En voici un autre:

[Français]

déterminer les obstacles au développement de l'industrie.

[Traduction]

Peut-être que vous savez maintenant, comme je l'ai appris aujourd'hui, qu'il existe effectivement des obstacles, et que ces obstacles se situent au niveau de l'environnement.

Je vais conclure et je ne vais pas prendre la même approche que M. Herron.

• 1155

L'industrie existe depuis 20 ans, comme ses représentants nous l'ont dit, en réclamant au comité de leur donner un peu de latitude. «Nous sommes là depuis seulement 20 ans. Nous en sommes à nos débuts.»

J'habitais autrefois dans les Maritimes et j'ai vu, comme les autres Canadiens, les répercussions du manque de gestion de la part des gouvernements et de l'industrie, y compris les pêcheurs et la destruction sur toutes nos côtes, de la pêche traditionnelle. J'ai perçu l'aquaculture comme étant la belle voie d'innovation qui allait combler le manque à gagner pendant la période de récupération et jusqu'à ce qu'on ait des textes législatifs qui désormais empêcheraient à jamais la destruction des océans.

Ce que j'ai appris au cours des deux dernières séances de ce comité, c'est qu'il existe des problèmes. Cela ne veut pas dire que je voudrais que l'industrie plie bagages ou que ses mains soient liées, mais il faut un juste équilibre. Comme je l'ai mentionné au début, je veux que le gouvernement fédéral puisse se doter de textes législatifs qui obligent l'industrie à respecter des normes qui feront en sorte qu'aucune nouvelle industrie ne fera un usage abusif de nos océans comme l'ont fait les anciennes industries.

Que la législation relève d'un ministère ou d'un autre... Monsieur Doubleday, vous n'êtes pas le seul responsable, et même vous n'êtes sans doute pas du tout responsable. Mais il ne me plaît pas d'écouter des groupes qui demandent des remèdes à des problèmes qu'ils observent dans l'environnement naturel et qui doivent écrire à toute une série de ministères.

Comme je l'ai dit en commençant, nous vous avons demandé de venir ici et nous avons aussi demandé à l'industrie de nous aider à élaborer la meilleure politique publique possible, à faire en sorte que la LCPE contiendra les règlements nécessaires pour édifier une industrie solide et pour contribuer à un produit dont la production ne nuit pas à l'environnement.

Au fond, je n'ai pas de question. Je suppose que j'ai fait exactement comme M. Herron, j'ai fait un résumé.

Le président: Monsieur Fulton.

M. Jim Fulton: J'aimerais bien y répondre, puisque je crois que la députée est allée au vif du sujet, en disant qu'il faut un équilibre.

En ce moment, les Canadiens fournissent d'énormes subventions écologiques et économiques à cette industrie. Je proposerais que le comité demande aux attachés de recherche de trouver le montant exact de la subvention économique, puisqu'il s'agit de quelques dizaines de millions de dollars, voire de 100 millions de dollars au MPO. Il y a des chercheurs scientifiques qui travaillent à temps plein pour trouver de nouveaux types de nourriture, de nouveaux vaccins, des modifications génétiques, etc. J'aimerais vous citer un exemple du manque d'équilibre au sein du MPO.

J'attire votre attention sur le décret en conseil 1997-1080, pris le 25 juillet 1997 par Son Excellence le gouverneur en conseil. L'étude d'impact de la réglementation dit, et j'en cite un extrait:

    En vertu du règlement actuel, les oeufs cultivés vivants et les poissons et les oeufs d'espèces sauvages de poisson ne peuvent pas être importés au Canada ou transportés entre les provinces si on détecte à la source une maladie ou un vecteur de maladie qui se figure sur la liste de l'annexe II du règlement.

Ce qu'on fait dans ce cas-ci, c'est qu'on modifie le règlement pour permettre aux agents locaux de protection de la santé du poisson d'approuver l'importation d'oeufs de poisson d'une source où une maladie ou un vecteur de maladie est présent. Il importe de noter qu'il n'y a aucun produit chimique enregistré au Canada pour la désinfection des oeufs de salmonidé.

Selon l'étude d'impact exigée du Conseil privé en vertu de la nouvelle structure de celui-ci, il faut indiquer les avantages. Je vais vous citer l'avantage principal qui y est énoncé:

    [...] des installations où avaient déjà été repérés des vecteurs de maladies bactérielles ou parasitiques (des installations qui ne pouvaient donc pas être «certifiées» selon le règlement actuel) pourraient devenir dorénavant des sources d'oeufs qui pourraient être exportés au Canada ou transportés entre des provinces. Cela pourrait créer de nouvelles possibilités d'affaires pour certaines entreprises du secteur privé dans le domaine de l'élevage des salmonidés.

Soit que nous sommes tous fous ou que ce ministère est hors de contrôle. On a adopté un règlement qui permet à des oeufs porteurs de maladies d'être importés au Canada, sans qu'il y ait d'agent de désinfection approuvé dans ce pays. Le Bureau du Conseil privé et le ministère des Pêches et des Océans, qui ont apporté ce changement, le justifient en disant qu'il créera des possibilités d'affaires pour des éleveurs de salmonidés qui pourront amener des maladies au Canada et d'une province à l'autre. C'est extraordinaire.

• 1200

Le président: M. Bastien a demandé d'intervenir et de faire un commentaire, mais je vois que M. Doubleday voudrait faire une remarque tout de suite.

M. William Doubleday: Je voudrais soulever un point que M. Fulton n'a pas souligné dans son intervention. Il est permis d'introduire des oeufs de poisson seulement entre régions où l'état de santé du poisson est le même. En d'autres termes, si la maladie en question est déjà présente là où on voudrait amener les poissons, le règlement modifié permet l'importation.

Il ne s'agit pas d'introduire une nouvelle maladie ou de laisser se répandre une maladie dans une région où elle n'existait pas avant. Les sites doivent être d'un statut semblable.

Le président: Monsieur Bastien.

M. Yves Bastien: Je voudrais d'abord dire quelque chose à propos de ma description de tâches. Vous ne l'avez pas lue en détail, puisqu'on indique dans la première partie que je coiffe les dix-sept organismes fédéraux qui regroupent des services ou des règlements dans le domaine de l'aquaculture. Je joue donc ce rôle au niveau fédéral et non seulement au MPO, c'est clair. C'est indiqué dans le document que vous veniez de lire.

Mme Aileen Carroll: Que j'ai reçu il y a seulement quelques minutes.

M. Yves Bastien: Il n'y a qu'une chose que je tiens à signaler. Plus récemment, nous avons discuté de la mise en application des règlements, mais j'aimerais demander aux membres de ce comité qui va donner effet aux amendements dont le comité est saisi. Ce sera sans contredit le ministère de l'Environnement. Ce ministère a-t-il un budget plus important pour mettre en application les règlements que le ministère des Pêches et des Océans et tout autre ministère fédéral? Le problème sera le même. Donc, vous ne résoudrez pas le problème en intégrant une nouvelle réglementation dans une nouvelle loi, à moins qu'elle ne soit pas mise en application comme il se doit. La réglementation existe.

En dernier lieu, j'aimerais tout simplement dire qu'on a fait état ici d'un cas de furonculose. Eh bien, la furonculose est endémique partout au Canada, et elle existait longtemps avant qu'on pratique l'aquaculture. Il est donc erroné de dire que l'aquaculture est responsable de l'apparition de cette maladie.

Mme Inka Milewski: Je n'ai pas dit que l'aquaculture était responsable. J'ai dit qu'il y avait eu beaucoup de cas dans les salmonicultures qui ont coûté très cher aux salmoniculteurs. Et nous savons pourquoi il y a des cas de furonculose: on retrouve cette maladie dans les zones où il y a beaucoup de matériel organique.

M. Yves Bastien: Il y a apparition de la maladie dans les rivières à chaque année, des rivières naturelles.

Le président: Merci, monsieur Bastien.

Madame Carroll, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Aileen Carroll: Monsieur Bastien, comme je l'ai dit tantôt, la fiche d'information vient de m'être remise ici aujourd'hui.

Premièrement, je suis ravie d'entendre que vous chapeauterez 17 organismes. C'est exactement le genre de coordination que je préconise toujours. Je suis très contente que vous ayez ce pouvoir.

Deuxièmement, je conviens tout à fait avec vous qu'il est absolument ridicule d'adopter des lois qui ne peuvent pas être mises en application, que ce soit au niveau municipal, lorsque j'étais en politique municipale, ou à tout autre palier de gouvernement. En fait, vous constaterez sans doute que ce comité a étudié la question en détail dans un rapport sur la mise en application, où nous avons dit que nous croyons fermement ne pas avoir suffisamment de ressources pour appliquer les lois qui existent déjà.

Toutefois, il nous incombe de continuer à chercher à élaborer de bonnes politiques publiques, de continuer à essayer de faire adopter les meilleures lois possible et en même temps, de façon parallèle, d'essayer de faire en sorte que les ressources soient disponibles pour que tout cela donne des résultats.

Je vous remercie de nous avoir fait part de votre point de vue.

M. Jim Fulton: Vous me permettez une remarque sur la furonculose, monsieur le président?

Le président: Monsieur Laliberte, suivi de la présidence et ensuite nous terminerons.

M. Rick Laliberte: Premièrement, pour M. Doubleday, et pour le commissaire également je suppose, vous êtes tenus de suivre cette stratégie qui établit la marche à suivre, n'est-ce pas?

M. Yves Bastien: Voulez-vous que je réponde?

M. Rick Laliberte: Je veux simplement mettre ça en relief.

La réglementation entraîne des frais pour les exploitants. C'est ce qu'ils nous ont dit. Il s'agit d'une question de nature économique. Ensuite on dit que le gouvernement fédéral identifiera et enlèvera, le cas échéant, les contraintes au développement de l'aquaculture—et cela selon le cadre réglementaire—et facilitera un accès accru au capital du secteur privé en établissant un cadre réglementaire et politique plus propice à l'investissement.

• 1205

Donc il s'agit d'un investissement—supprimer la réglementation pour augmenter les chances d'investissement. Et si telle est la situation... Il n'y a pas suffisamment de réglementation provenant du ministère des Pêches et des Océans. Leur recommandation est que la LCPE n'est pas nécessaire pour avoir plus de réglementation.

Il ne s'agit ici que de nourriture pour poissons. Nous ne traitons pas des médicaments et produits chimiques qui sont introduits dans ces piscicultures. Mais on s'est quand même interrogé sur le manque de documentation dans la présentation de M. Fulton. Pourrait-on lui permettre d'étayer par écrit sa recommandation à ce sujet? Il s'agit ici de nourriture pour poissons, mais avec son expérience de l'évolution de la LCPE dans notre pays, il a peut-être la possibilité de recommander le libellé qui devrait être inclus dans cette disposition.

Nous traitons de l'article 116 dans la partie 7. C'est la seule porte qui nous est ouverte, d'après ce que je comprends. Si quelque chose de précis devrait être inclus... Les partisans de l'industrie et le ministère lui-même nous disent que nous n'avons besoin de rien. Ils nous disent de retirer les amendements. Mais je mets M. Fulton au défi de nous mettre par écrit ce qui devrait être inclus si effectivement nous devrions inclure quelque chose à ce sujet.

Le président: Un instant. M. Fulton a déjà fait une intervention concernant les sous-amendements désirables. Ceux qui comparaissent devant ce comité ont tout le loisir de présenter des propositions au comité pour étude ce qui inclurait l'idée de M. Fulton concernant le libellé du sous-amendement.

Avez-vous des commentaires?

M. Jim Fulton: Oui. Plutôt que d'essayer de rédiger—je n'ai jamais été un très bon rédacteur juridique, comme vous le savez, monsieur le président—j'encouragerais le comité à demander à un des très compétents conseillers parlementaires de rédiger un sous- amendement qui reflète le témoignage reçu par le comité aujourd'hui quant à l'absence de réglementation. À mon avis, cela n'a été contesté ni par le témoignage de l'industrie ni par celui du ministère des Pêches et des Océans.

Dans une telle situation, il me semble qu'il faut prendre une approche globale. Comme je l'ai dit plus tôt, elle doit se servir de la définition du cycle complet pour le stock, pour tous les stocks indigènes, c'est-à-dire de l'oeuf à l'âge adulte à la récolte. Elle doit traiter des vecteurs de maladie et des maladies elles-mêmes, parce que, comme nous venons de l'entendre, la question de la furonculose est importante. Si un moratoire a été décrété en Colombie-Britannique, c'est en raison d'une furonculose triple antibiorésistante. Ce ne fut pas le cas dans les stocks indigènes ou résidents. C'était l'application des antibiotiques qui a changé la maladie. Donc, il faut examiner les maladies et les vecteurs, les substances nutritives et leur impact sur les systèmes sauvages et résidents, ainsi que les médicaments, parce que certains d'entre eux sont toxiques.

Je crois que si un rédacteur juridique prenait tout simplement cette approche et produisait un sous-amendement pour le comité, pour son étude, afin que ce soit un amendement global tout comme les amendements qui avaient été rédigés relativement à la LCPE sur la dioxine et les organochlorés...

Comme signal, ce genre de mesure réglementaire découlant de la LCPE est une bonne chose pour l'industrie. Elle uniformise les règles du jeu dans toutes les régions maritimes en eau salée. Lorsqu'il en a été question pour l'industrie des pâtes et papiers, ils ont hurlé. Ils ont dit que cela leur coûterait des milliards de dollars et qu'ils feraient tous faillite s'ils arrêtaient de déverser des substances carcinogènes dans notre environnement. Ils sont maintenant tout aussi concurrentiels et le fait est qu'ils peuvent vendre plusieurs de leurs produits comme étant sans dioxine ou organochloré.

Donc, de bonnes choses peuvent se produire dans le marché suite à des amendements intelligents et bien rédigés qui protègent les stocks sauvages, comme l'a dit Mme Carroll, ce qui est très important. De telles mesures protègent l'environnement sauvage et naturel et permettent également à l'industrie de fonctionner dans un cadre réglementaire connu.

Le président: Merci.

Des derniers commentaires? Monsieur Doubleday ou monsieur Keizer?

M. William Doubleday: Non, merci, monsieur le président.

Mme Inka Milewski: Eh bien, mon seul commentaire serait qu'il est tout à fait de mise que la LCPE se penche sur le rejet de déchets, et j'élargirais cette définition pour inclure la nourriture pour poissons, parce qu'il s'agit d'un site précis. On voit le flagrant délit. On peut évaluer l'impact et établir des normes. Ça, c'est clair. Et d'après ce que je peux comprendre, c'est exactement ce que fait la LCPE. Or, je crois qu'il est tout à fait de mise que cela se fasse sous l'égide de la LCPE et soit retiré du champ de compétence du ministère des Pêches et des Océans, qui a de toute évidence été incapable de mettre en application, d'élaborer ou de réglementer des normes environnementales.

• 1210

Le président: Bon. Avant de remercier les témoins, je tiens à dire que notre discussion de ce matin a été plutôt animée. Elle nous a également permis de rencontrer le nouveau commissaire à l'aquiculture en personne alors qu'on ne s'y attendait pas. Nous lui souhaitons la bienvenue et bonne chance dans ses démarches pour coordonner non pas un, ni deux, ni 10 mais bien 17 organismes, ce qui mettra sûrement à l'épreuve ses compétences, ses talents de diplomate et sa patience. Nous sommes heureux de sa nomination et d'avoir eu l'occasion de le rencontrer en personne.

Je pense qu'un fait assez révélateur a résulté de la question de Mme Kraft Sloan: il ne semble pas y avoir de réglementation pour la pisciculture—que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral—et nous ne savons donc pas ce qui fait qu'une pisciculture est conforme aux règles.

Je trouve assez déconcertante la déclaration visant à atténuer les craintes environnementales, au troisième point de la page 14. On y lit: «La surveillance régulière signifie que nous évaluerons le rendement des sites et que nous laisserons les sites inexploités pour favoriser le retour aux conditions antérieures à l'installation des cages». Je me demande ce que signifie «favoriser le retour aux conditions antérieures»? Qui va la favoriser et comment y arrive-t-on dans un tel vide, pour ainsi dire? C'est une affirmation fort énigmatique, parce qu'elle soulève de nombreuses questions auxquelles il nous faudrait consacrer quelques heures.

Nous sommes tous très reconnaissants à nos témoins d'avoir inclus dans leurs commentaires l'amendement dont est saisi le comité. Il est devenu clair lundi que cet amendement était inadéquat. Aujourd'hui, il l'est encore plus, pour diverses raisons. Nous avons hâte de recevoir vos suggestions et commentaires sur la façon d'améliorer cet amendement, que ce soit de la part de l'industrie, des ONG ou des ministères. Nous serons certainement reconnaissants à quiconque veut nous donner un coup de main.

Nous étions loin de nous imaginer l'ampleur que prendrait la question. Nous n'avions jamais pensé que cela pouvait être aussi complexe et d'une si grande portée. Nous avons donc dû assimiler énormément de nouvelles connaissances. Dans cet esprit, je tiens à vous remercier, madame Milewski, monsieur Fulton, monsieur Doubleday, monsieur Keizer, pour votre comparution—ainsi que vous, monsieur Bastien. Nous reverrons les bleus et nous utiliserons à bon escient l'information que vous nous avez fournie ce matin.

Il est maintenant assez tard—c'est l'heure du déjeuner. Je vous remercie beaucoup. Les membres du comité se reverront lundi; nous déjeunerons avec les négociateurs de la Convention sur la biosécurité. Ce déjeuner a été soigneusement organisé par notre greffier, et il sera très peiné et déçu si vous nous faites faux bond.

Sur ce, la séance est levée.