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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 juin 1998

• 1116

[Traduction]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour et bienvenue au comité.

La séance d'aujourd'hui pourrait être la dernière avant le congé d'été. Pour cette raison, avant d'accueillir et d'entendre nos amis et témoins d'aujourd'hui, j'aimerais porter à votre attention une question qui revêt une certaine importance, qui m'a été communiquée par lettre à mon bureau ce matin. Il s'agit de l'infrastructure d'information sur la biodiversité, chose qui n'est pas facile à dire.

Il semble qu'en ce moment au Canada on dispose d'une information fragmentée sur les divers aspects de notre biodiversité. Cette information existe dans les universités, elle se trouve quelque part dans des départements, et elle se trouve aussi dans certains musées que la question intéresse. D'une certaine manière, cette information est tellement éclatée que l'on me dit qu'il est impossible de dire si l'on gagne ou si l'on perd en matière de biodiversité, que nous n'avons pas les données biologiques voulues pour procéder à de bonnes évaluations environnementales des projets, et que nous ne pourrons pas déterminer les conséquences biologiques du changement climatique, des produits toxiques ou de l'appauvrissement de la couche d'ozone. En outre, nous avons beaucoup de mal à évaluer les services biologiques et à organiser le contrôle biologique de la pollution de l'eau étant donné que nous n'avons pas réuni de données taxonomiques sur les insectes aquatiques.

Tout cela peut vous paraître un peu technique, mais cela revêt néanmoins une certaine importance. Il est nécessaire de mieux comprendre ce problème avant que notre comité prenne position et fasse peut-être des recommandations.

Cette question a été portée à mon attention à l'origine par un de nos collègues, un membre de notre comité, M. Charbonneau. Il a organisé une réunion avec des représentants du Musée d'histoire naturelle ici à Ottawa. Cette rencontre a eu lieu il y a un mois. Depuis, il y a eu d'autres rencontres, qui nous ont mené aux conclusions que je viens de porter à votre attention.

Je soulève donc la question de nouveau aujourd'hui parce qu'il serait bon qu'à l'automne, notre comité prenne une journée, un après-midi ou un quelconque moment pour rencontrer les gens du Musée d'histoire naturelle, si vous êtes d'accord bien sûr, et nous pourrons ainsi mieux saisir la nature de ce problème particulier et voir si, en conséquence, il y a lieu de faire des suggestions constructives. Est-ce que j'ai votre accord pour aller de l'avant avec cela?

• 1120

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Monsieur le président, je ne veux pas intervenir sur cette question, je me préoccupe pour ma part de notre calendrier, parce que si nous ajournons aujourd'hui, cela veut dire que les deux semaines d'audiences que nous avions prévues devront être reportées à l'automne. Il se peut que l'on propose une loi sur les espèces en péril, et il y a la LCPE. C'est la question du temps qui me préoccupe. Aurons-nous le temps de faire tout cela?

Le président: Vous soulevez là une autre question, bien sûr, que j'allais soulever moi-même dans un instant étant donné que l'on ne peut pas organiser cette rencontre très rapidement. Il faut choisir le moment voulu, lorsque le comité aura le temps, sans que cela nuise à notre étude de la LCPE.

Oui, monsieur Jordan?

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Je note que si nous n'entendions pas le commissaire à l'énergie atomique, nous pourrions peut-être trouver le temps voulu.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Très bien. Étant donné que j'ai donc votre accord, avec l'aide du greffier, nous allons organiser une rencontre du comité pour étudier cette question.

Ce qui m'amène à la prochaine question, à savoir, si nous ajournons aujourd'hui, seriez-vous disposés à revenir à Ottawa la semaine prochaine ou plus tard, ou jugez-vous plus utile d'attendre jusqu'à septembre pour reprendre nos audiences.

Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Je pense qu'il vaut mieux attendre jusqu'à septembre pour reprendre nos audiences sur la LCPE.

Le président: Monsieur Herron.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Je suis d'accord avec M. Knutson pour dire que la LCPE est un texte de loi assez complexe, et chacun trouverait ainsi tout le temps voulu pour faire sa propre étude entre-temps.

Le président: Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour: Je voulais proposer la même chose. Ce qu'on pourrait peut-être faire, ce serait prendre quelques journées peu avant que la Chambre ne reprenne ses travaux. Mais c'est comme vous voudrez, ça dépend du calendrier et du temps libre de chacun. On pourrait prendre un jeudi et un vendredi avant que la Chambre ne reprenne...

Le président: Alors si vous le voulez bien, le greffier et moi-même nous réunirons et vous ferons parvenir une proposition.

M. Bill Gilmour: Ce n'était pas... Chose certaine, je ne vais pas...

Le président: Eh bien, le comité ne siégera pas si nous n'avons pas assez de monde.

M. Bill Gilmour: D'accord.

Le président: Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson: Si nous tenons absolument à en finir avec la LCPE, je préférerais que l'on réserve quelques pleines journées, et on pourrait peut-être travailler le soir les quelques premières semaines parce qu'en temps normal, les premières semaines à notre retour, après le 21 septembre, ne sont pas très chargées parce que chacun a eu le temps de se reprendre au cours de l'été. Donc, au lieu de revenir avant le 21 septembre, si nous consacrions à nos travaux toute la journée du mardi et peut-être du mercredi jusqu'au mercredi soir, nous nous rafraîchirions la mémoire et nous n'aurions pas à nous occuper d'un tas d'autres choses.

Le président: M. Gilmour proposait aussi que l'on siège le vendredi avant la reprise des travaux.

M. Bill Gilmour: J'ai déjà siégé le soir, et j'ai constaté que ma puissance de concentration était d'environ 20 p. 100 le soir.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): J'invoque le Règlement.

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Je suis très mal à l'aise à l'idée de discuter des travaux du comité alors que des témoins attendent.

Le président: Oui, je comprends, mais il faut faire ces choses. Donc nous allons conclure très rapidement.

Si je vous comprends bien, certains proposent que nous comprimions des séances et on suggère aussi une rencontre le vendredi précédant la rentrée parlementaire. La Chambre reprendra ses travaux. Donc le greffier et moi-même tâcherons de mettre au point une proposition et nous vous la posterons.

Madame Kraft sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Nous pouvons aussi nous retrouver dans une situation où le comité modifiera sa composition, donc il se peut que les décisions que nous prenons aujourd'hui ne tiennent pas parce que nous ne savons pas quelle sera la composition du comité à l'automne.

Le président: C'est fort possible. Néanmoins, on ne peut faire que de son mieux.

Bien. Y a-t-il d'autres suggestions?

• 1125

S'il n'y en a pas, j'aimerais souhaiter une bienvenue des plus chaleureuses à nos témoins qui sont venus de si loin, à Ottawa, pour rencontrer les ministres, les fonctionnaires et notre comité. Il s'agit de la communauté dénée de Deline. Comme vous voyez, on nous a accordé cette pièce afin que nos délibérations soient transmises à la télévision. Les Canadiens qui ont accès à la chaîne parlementaire pourront donc suivre nos délibérations.

À ces mots de bienvenue je tiens à ajouter une explication sur la façon dont vous pourrez intervenir ce matin. Je crois savoir que vous avez des interprètes, et que vous tenez à nous parler de votre rapport. Lorsque vous aurez terminé, comme d'habitude, nous vous poserons des questions, et je vous demande de garder à l'esprit le fait qu'il se peut que nous soyons interrompus vers midi et demi par la sonnerie annonçant le vote.

Encore une fois, bienvenue au comité.

Mme Cindy Kenny Gilday (présidente, Comité sur l'uranium de Deline, communauté dénée de Deline): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous, membres du comité, de nous avoir invités ici pour apprendre ce que les gens de Deline ont vécu et vivent toujours.

Je me propose de vous présenter notre délégation, après quoi je demanderai à notre aîné et chef traditionnel de vous parler et de vous communiquer la teneur de notre rapport. Je suis la présidente du Comité sur l'uranium qui a été créé par notre communauté et qui a pour mandat de discuter de cette question avec le gouvernement du Canada. Je demanderai ensuite aux deux autres membres de vous livrer aussi leurs réflexions.

Nous avons avec nous Joe Blondin fils. Sa famille vivait de la terre à Port Radium, et il est membre du conseil des ressources renouvelables, qui s'intéresse aux questions et aux droits d'exploitation des ressources fauniques.

Gina Bayha est membre du conseil de bande. Elle est infirmière de formation, et elle compte aussi parmi les jeunes gens qui ont consacré beaucoup de temps à aider la communauté et moi-même à régler le problème que nous avons.

Paul Baton est notre chef depuis de très nombreuses années, et c'est lui qui a négocié les traités que nous avons conclus au fil des ans. Il a beaucoup travaillé avec la communauté, et il en a beaucoup à dire sur le problème qui nous préoccupe. Il est l'un des quatre travailleurs minéraliers encore en vie. Il y a deux semaines, il en restait cinq. Il en reste maintenant quatre. Il vous parlera de cette expérience.

Moi je suis Cindy Kenny Gilday. Je suis la présidente du Comité sur l'uranium. J'ai consacré presque toute ma vie aux questions environnementales—c'est-à-dire un bon 25 ou 30 ans—et j'aimerais donc vous faire connaître mes vues sur cette question aussi.

Voilà comment nous allons commencer. Est-ce que cela vous va? Merci.

Nous parlons une autre langue. Je suis désolée, mais comme nous n'avons pas d'interprète sur place, il faudra que l'un de nos délégués joue ce rôle. Ce n'est pas juste pour Gina, mais c'est elle qui fera le travail.

Une voix: Vous ne nous avez pas présenté Murray.

Mme Cindy Kenny Gilday: Ah, désolée. Vous savez, je tiens toujours mes auxiliaires pour acquis. J'imagine que c'est un honneur que je leur fais.

Voici Murray Klippenstein, notre conseiller technique, et je crois que nous n'aurions pas été bien loin sans lui. Je l'oublie parce qu'il vit ici. C'est notre conseiller technique, et il est également avocat. Il y a un autre monsieur du nom d'Andrew Orkin, qui n'est pas ici aujourd'hui, mais ces messieurs nous ont beaucoup aidés à donner à notre récit une forme que le gouvernement du Canada pourra comprendre.

Merci.

• 1130

M. Paul Baton (délégué communautaire, Communauté dénée de Deline) (interprétation): J'ai vécu plusieurs années au site de Port Radium dont nous parlons aujourd'hui. Aujourd'hui, nos gens sont affligés de plusieurs maladies différentes. Bon nombre de nos gens sont déjà morts et d'autres continuent de mourir. Nous sommes préoccupés par des problèmes de santé à cause des effets qu'ils ont eus sur nos gens et qu'ils continuent d'avoir sur nos gens. Nous nous préoccupons des générations futures: de nos enfants, des enfants de nos enfants et ainsi de suite. Nous voulons une bonne vie pour eux. Nous voulons leur transmettre une vie qui soit bonne.

Au fil des ans, nous avons vu augmenter ce genre de souffrance. Grâce aux médecins qui ont examiné bon nombre de nos gens, nous savons que c'est du cancer qu'ils souffrent. Nos efforts aujourd'hui visent à faire reconnaître le fait que nous voulons léguer quelque chose à nos générations futures. Nous savons que si nous ne faisons rien aujourd'hui, elles vont hériter de la situation que nous vivons aujourd'hui, à savoir des souffrances permanentes et les effets qu'elles ont sur les gens de Deline.

Nous reconnaissons aussi, en tant que peuple déné, que notre terre, notre eau, notre faune et tous les éléments naturels de notre environnement sont très importants pour nous.

• 1135

Mme Cindy Kenny Gilday: Je vous demanderais d'être patients parce que lorsque nous faisons un exposé sur une question aussi sérieuse à notre manière traditionnelle, il faut une heure d'explication ininterrompue. Donc avec cette histoire d'interprétation, il est très difficile pour lui de s'arrêter au milieu d'une explication importante qui doit être traduite. Il va falloir continuer comme ça. Nous nous arrêterons et nous reprendrons. D'accord?

M. Paul Baton (interprétation): Hier j'ai parlé des négociations entourant le Traité de 1921. Pendant trois jours, les chefs de la vallée du Mackenzie ont négocié avec les représentants fédéraux pour enfin signer le Traité 11 de 1921. Dans ce temps-là, à peu près personne chez nous ne comprenait l'anglais. Tous ces gens parlaient leur langue, et ils ne comprenaient ni ne parlaient l'anglais, si bien que les quelques personnes qui comprenaient l'anglais tâchaient de leur servir d'interprètes.

À l'époque, le peuple déné a décidé que la terre était très importante pour lui. Il a aussi fait savoir qu'il ne comptait que sur l'environnement pour sa subsistance—le poisson, le caribou, la faune en général et l'eau. Il craignait que ces négociations aboutissent à un échange de terres et qu'on ne nous donne en retour que le droit d'accéder à la terre et de l'utiliser.

• 1140

Dans ce temps-là, le peuple déné était très préoccupé par cette question parce qu'il avait compris qu'il allait permettre l'utilisation de la terre et des ressources et qu'il obtiendrait de l'argent en échange, et il a donc consulté l'évêque. S'il a consulté l'évêque, c'était parce qu'il pensait que l'évêque était un homme de Dieu et qu'il était plus près de Dieu de cette façon, il lui donnerait ainsi de bons conseils sur ce qu'il devait faire dans cette situation. Après la consultation, l'évêque a dit: «Oui, c'est un bon accord, et si vous le signez, le gouvernement promettra de s'occuper de vous, pas seulement aujourd'hui mais à l'avenir aussi.»

Donc, après la consultation avec l'évêque, celui-ci s'est fait leur interprète et leur a dit que c'était un bon accord parce qu'on ne prendrait pas leurs terres et que celles-ci ne seraient modifiées d'aucune façon. Il a dit: «Tout restera pareil; rien ne changera. Le gouvernement vous donnera de l'argent parce qu'à l'avenir, d'autres viendront chez vous et peupleront votre région. C'est pour ça que le gouvernement planifie l'avenir, et il s'occupera de vous. L'accord dit essentiellement qu'en échange de l'argent, si vous tombez malades, le gouvernement s'occupera de vous, et si vous avez besoin d'aide, d'aliments par exemple, il vous fournira aussi ce genre d'aide, et vous pourrez continuer de vivre comme vous vivez maintenant. Vous pourrez conserver vos habitudes culturelles, et continuer de chasser et de pêcher. Et cet accord restera. Il ne changera pas, même à l'avenir. Aussi vrai que l'herbe pousse, que le fleuve Mackenzie coule et que le soleil se couche, cet accord ne changera jamais.»

• 1145

Même aujourd'hui, nous honorons encore cet accord—cet accord que le gouvernement fédéral a conclu avec nous en 1921.

Au cours des années 30, à l'époque où il y avait des activités minières à Port Radium, nous vivions au site de Port Radium. Dans ce temps-là, comme il n'y avait que de petits avions, les gens qui exploitaient la mine ne pouvaient pas faire venir de quoi manger du Sud parce que c'était trop loin. Donc, pour manger, on chassait, on pêchait, et on vendait la viande de caribou et le poisson aux gens qui exploitaient la mine, pour nourrir les mineurs.

Nous avons vécu longtemps à Port Radium. Dans le temps, je me rappelle qu'il y avait plusieurs aînés. Dans le temps, les gens vivaient longtemps. Même s'ils étaient très vieux, ils étaient encore en excellente santé, et ils parcouraient de longues distances et poursuivaient toutes leurs activités de chasse et pêche de subsistance pour eux-mêmes et leur famille. Je me souviens que même s'ils étaient très vieux, ils étaient encore en santé, et ils continuaient de mener toutes ces activités pour leur propre survie.

Je ne me rappelle pas qu'on ait vu autant de maladies qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, tout ça a changé.

• 1150

Peu de temps après, tout le monde a su qu'il y avait des gens chez qui on avait diagnostiqué la tuberculose. Un grand nombre d'entre eux ont été envoyés dans des hôpitaux loin de chez nous. Certaines personnes ont refusé de se faire soigner. Tout le monde le savait, et certaines personnes étaient soignées et d'autres ne l'étaient pas.

Depuis les 25 dernières années, on ne parle que de cancer chez nous. La majorité de nos gens qui sont morts sont décédés du cancer. Nous, les Dénés, savons aujourd'hui que c'est à cause de notre exposition à l'uranium. Nous pensons que nos animaux, nos caribous, notre poisson, notre eau et notre environnement ont été contaminés, et nous en souffrons à notre tour parce que nous consommons ces éléments.

J'étais l'un des travailleurs minéraliers affectés au transport du minerai au site de Port Radium. Comme il n'y avait pas de machine dans ce temps-là, tout le transport se faisait à bras.

Dans ce temps-là, beaucoup de gens travaillaient au site de Port Radium ainsi qu'à tous les grands sites de transport le long du Grand lac de l'ours et du fleuve Mackenzie jusqu'à Tulita et plus loin. Il y avait beaucoup de Dénés qui travaillaient au transport de ce minerai.

• 1155

Pour ce qui est des gens qui travaillaient dans la mine et dans le transport, et pour ce qui est de ceux qui étaient capitaines de bateau et qui travaillaient sur les bateaux, tous sont morts. Même les non-Autochtones qui travaillaient sont morts aussi.

Voilà ce qui est arrivé, et voilà pourquoi nous vous racontons notre histoire aujourd'hui.

Pour ce qui est de la découverte du gisement d'uranium à Port Radium, ce qui est arrivé, c'est que l'un des Dénés chez nous, le père de Victor Beyonnie, est celui qui a découvert le minerai d'uranium là-bas. Lorsqu'il a découvert cette pierre à l'air inhabituel, il l'a rapportée et il l'a donnée à un Blanc qu'il avait rencontré. C'était l'un des premiers trappeurs blancs de la région. Il le lui a donnée et lui a demandé ce que c'était.

Plus tard, le père de Victor Beyonnie a demandé à cet homme de s'informer pour savoir quel genre de roche c'était. Il a donné cette roche à cet homme qui a ensuite descendu le Mackenzie au printemps suivant. Peu de temps après, l'homme a demandé au père de Victor Beyonnie de la lui donner en échange d'un sac de farine, de trois livres de saindoux et de la poudre à pâte. Il a fait cela trois fois pendant un certain temps. Il n'était pas sûr si c'était en échange de la roche qu'il avait donnée à cet homme.

• 1200

Je voulais seulement vous donner un bref aperçu de ce qui est arrivé dans le temps. Je tiens à dire que ce rapport que nous avons produit contient les mots mêmes des gens de Deline. La personne qui est assise à côté de moi nous a aidés à mettre notre texte en forme, mais ce sont nos mots à nous. Vous pouvez remettre des copies de ce rapport aux personnes qui sont ici.

Le président: Nous remercions vivement M. Baton de nous avoir raconté dans ses propres mots ce qui est arrivé et les événements qui ont eu lieu chez lui. Nous allons étudier son rapport.

Maintenant, s'il est d'accord, les membres du comité aimeraient lui poser des questions dans la demi-heure qui suivra.

Mme Cindy Kenny Gilday: Monsieur le président, étant donné que nous manquons de temps et étant donné que les députés n'ont pas eu la chance de lire notre texte, je pourrais vous expliquer quelque peu le contexte de la déclaration de M. Baton. Je sais que vous ne connaissez pas la région du Grand lac de l'Ours, je sais que vous ne connaissez pas les gens qui l'habitent, et je sais que vous n'avez pas été informés de la question qui nous occupe. Donc, si vous me le permettez, j'aimerais faire une déclaration moi-même. J'aimerais aussi que l'on puisse poser des questions à notre aîné, mais auparavant je vais vous expliquer quelque peu le contexte.

Port Radium, sur le Grand lac de l'Ours, a été le site de la première mine d'uranium du monde. Une tribu vivait au Grand lac de l'Ours à l'époque, et c'est d'elle que parlait M. Baton. On y a trouvé une roche qui a été donnée à ce Blanc qui vivait chez eux.

Dans le contexte qui précède les années 50, il n'y avait pas de village en tant que tel. Les gens vivaient autour du lac. C'est en importance le cinquième lac du Canada et le neuvième du monde. Il n'y avait qu'une seule tribu qui vivait autour du lac. Chaque famille avait droit à son territoire de chasse traditionnel par roulement. On y pratiquait le développement durable depuis des milliers d'années.

• 1205

Il y a beaucoup de légendes qui courent quant au moment exact où ils sont tombés sur cette pierre. Gilbert LaBine est venu au Grand lac de l'Ours et il a commencé à étudier sérieusement la possibilité d'y exploiter le radium et l'uranium. Puis, au fil des ans, la mine a commencé à entrer en exploitation.

Il n'y avait qu'une seule exploitation industrielle et une seule tribu. Il n'est pas possible de ne pas faire le lien direct entre les deux. Ce n'est pas comme dans les Grands Lacs, plus au sud, où on trouve toutes sortes de substances chimiques, de sorte qu'il est difficile de faire le lien.

La mine est entrée en exploitation dans les années 30 puis, avec l'effort de guerre, on a commencé à exploiter plutôt le radium que l'uranium. Pour les gouvernements britannique, canadien et américain, c'est le Canada qui a pris la relève et a pris entièrement en charge l'extraction de l'uranium. Cela, c'était à la fin des années 30 et au début des années 40.

À Deline, il n'y a plus que 700 habitants maintenant. Tout cela est clairement étayé. Les hommes de la tribu avaient été engagés pour porter les sacs de matériau radioactif qui pesaient 100 livres. Ils les chargeaient sur des péniches qui en assuraient le transport jusqu'à l'autre côté du lac. Ces hommes dormaient sur les sacs. Il y avait toute une série de points de chargement où c'était le cas.

L'un de ces principaux points de chargement est situé à cinq kilomètres de l'emplacement actuel du village. Les gens commencèrent à s'y installer. Le mot «Deline» signifie «là où coule l'eau» parce qu'il y a à cet endroit une rivière qui prend sa source directement dans le Grand lac de l'Ours. Ces gens vivaient donc à cinq kilomètres du principal point de chargement.

Lorsque les hommes de la tribu passaient d'un endroit à l'autre pour transporter le minerai, ils étaient accompagnés par leur famille, conformément à une tradition vieille de plusieurs milliers d'années. Lorsque les hommes rentraient chez eux le soir, ils avaient de la poussière dans les cheveux et sur leurs vêtements, et cette poussière se retrouvait dans les maisons.

Dans les années 70, les hommes ont commencé à mourir.

Nous parlons ici d'un village en crise. Cette seule et unique tribu du Grand lac de l'Ours allait-elle pouvoir survivre? Nous parlons ici de diversité culturelle et de diversité biologique.

La semaine dernière, nous avons encore assisté à des funérailles, celles d'un homme de la tribu. Ce qui est effrayant, c'est que cet homme appartient à ma génération. La plupart de ceux de la génération de Paul et de celle de mon grand-père, ceux qui ont porté le minerai, qui ont dormi sur les sacs et qui ont respiré la poussière sont morts du cancer après une longue agonie. Ils sont morts du cancer des os, du cancer des poumons et de tous ces autres cancers qui sont dus au rayonnement radioactif comme l'a prouvé la médecine.

Il y a peu de choses que nous savons. Tous les gens du village sont extrêmement inquiets. C'est ce que Paul vous a dit. Tous ces gens vivent dans l'incertitude car ils ne savent pas ce qui se trouve dans leurs aliments. Ils vivent dans cette incertitude due au fait que la mine Eldorado, qui était une société de la Couronne, a déchargé 1,7 million de tonnes de matières radioactives dans le Grand lac de l'Ours. La lixiviation se poursuit, comme nous venons récemment de le constater.

Les conséquences de tout cela sont phénoménales pour une tribu qui essaye de survivre. C'est un village de veuves. La moitié des 700 habitants du village sont des enfants. Un quart des habitants sont des femmes. Les plus vieux... Joe Blondin a 53 ans, et il est considéré comme un aîné.

• 1210

C'est une société pour laquelle les éléments fondamentaux de la survie étaient le père, l'oncle et le grand-père. L'oncle était chargé de corriger le comportement des enfants en leur donnant quand il le fallait une tape sur la main. Le grand-père transmettait le savoir spirituel et culturel afin de protéger la relation entre le père et le fils pour que le fils puisse à son tour assumer la responsabilité de la survie de la société.

Nous avons donc maintenant cet énorme trou noir du génocide culturel dans une culture qui a toujours assuré l'intendance de la terre et de l'eau de l'un des lacs les plus vastes du Canada et du monde.

Voilà donc le contexte. Nous ne parlons pas ici d'une compagnie privée, mais bien d'une société de la Couronne. C'est la raison pour laquelle M. Baton a dit qu'aussi longtemps que la rivière coulerait, que l'herbe pousserait et que le soleil poursuivrait sa course normale dans le ciel, le gouvernement canadien serait responsable tout comme d'ailleurs tous les Canadiens.

J'aimerais encore une fois vous dire comment, dans ma propre optique, on pourrait faire quelque chose pour régler ce problème. Vous lirez ici l'histoire du peuple. Je vais donner aux deux autres la possibilité de prendre la parole, mais, j'en conviens, vous devriez également interroger M. Baton sur sa version.

Je vous remercie.

Le président: Merci. Il est effectivement très utile que vous nous ayez donné cette perspective.

Nous pourrions peut-être sans plus attendre donner la parole à M. Gilmour, selon notre façon habituelle de procéder.

M. Bill Gilmour: Bienvenue et merci d'être venu comparaître.

Étant donné que cette situation fait intervenir plusieurs ministères dont les Affaires indiennes, la Santé et les Ressources naturelles pour n'en citer que quelques-uns, comment a réagi le gouvernement jusqu'à présent? Depuis que vous avez fait valoir ce dossier, combien de temps a-t-il fallu pour qu'il y ait une réaction?

Mme Cindy Kenny Gilday: Comme nous ne vous avons pas encore donné l'intégralité de notre présentation, je pensais que ces questions s'adresseraient plutôt à M. Baton. Je serais tout à fait heureuse de répondre après l'intervention des autres témoins. Nous avons rencontré les ministres hier.

M. Bill Gilmour: Mais combien de temps s'est-il écoulé depuis?

Le président: Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais il faut néanmoins selon moi procéder dans les règles. J'aurais une question à poser à l'aîné Baton, pourvu toutefois que l'opposition...

Le président: Il y beaucoup de gens qui veulent intervenir. Que proposez-vous, madame Gilday?

Mme Cindy Kenny Gilday: Au départ, je pensais que nous aurions deux heures et c'est la raison pour laquelle nous avons pris tant de temps au début. Nous devrions peut-être donner à Gina et à Joe la possibilité de dire quelques mots, après quoi nous pourrons répondre aux questions en commençant par celle de M. Gilmour.

Le président: Parfait, allez-y. Pourriez-vous être assez succinct?

M. Joe Blondin fils (délégué de la communauté dénée de Deline): Je m'appelle Joe Blondin fils. Je suis ici comme représentant de la population pour parler des affaires de la collectivité. Ce qu'on dit dans ce livre c'est la vérité. Il y a 14 éléments. Ce sont nos propres paroles.

• 1215

J'ai grandi aux alentours d'Echo Bay depuis que j'étais tout petit, et j'ai tout vu, j'ai vu tous les déchets qui avaient été immergés, les déchets miniers et tout ce qui a empoisonné l'eau. C'est pour cela que nous sommes ici.

C'est dans cette maison-ci que réside le pouvoir et tout ce qui s'ensuit, c'est ici que les décisions sont prises. J'ai dit à ma fille et à mon fils que demain, j'allais parler au gouvernement. Ils m'ont serré dans leurs bras et ils m'ont dit bonne chance.

Mes parents sont morts du cancer. Mon frère George Blondin, ses fils et son épouse sont morts du cancer. Mes collègues ici ont tous parlé des gens qui mourraient du cancer. Ils ont travaillé là environ un an. Sept ont été affectés: cinq sont morts du cancer, deux autres viennent de mourir et il y a un autre aîné qui a été charcuté à Edmonton ou à Yellowknife, j'ignore où exactement, et nous ne savons pas combien de temps il lui reste encore à vivre. Tout cela est donc extrêmement important. C'est la terre, c'est l'eau, c'est l'homme, ce sont les animaux, la flore et la faune dont nous parlons ici.

Hier, nous étions extrêmement heureux. Nous avons travaillé tant d'années ensemble et je vous disais qu'hier, notre aîné Paul Baton était si heureux d'avoir entendu ce que le ministre nous avait dit. Il a dit que nous allions travailler ensemble. Qu'est-ce que nous étions soulagés. Nous sommes donc ici, et c'est un excellent point de départ. Merci donc énormément de nous avoir écoutés. Merci beaucoup de nous avoir consacré votre temps.

Le président: Merci, monsieur Blondin.

Voudriez-vous ajouter quelque chose?

Mme Gina Bayha (déléguée de la collectivité dénée de Deline): Étant donné ce qui a été dit jusqu'à présent, je voudrais simplement ajouter que, comme Paul vous l'a dit, cela fait 30 ans que cette histoire dure. Lorsque les gens de la collectivité ont commencé à voir à quel point la santé de la collectivité se dégradait, c'était dans les années 70, mais leur régime alimentaire n'a pas changé.

Aujourd'hui, la confusion règne et on fait toutes sortes de supputations. Lorsqu'on dit aux gens ailleurs qu'il y a énormément de cas de cancer et d'autres maladies chez nous, on parle invariablement de changements au mode de vie et ainsi de suite. Mais lorsque les gens ont commencé à mourir, c'était dans les années 70, c'était pourtant des Autochtones qui, jusque-là, avaient été en bonne santé.

Comme Paul vous l'a dit, il est normal pour quelqu'un de vivre jusqu'à 90 ou 100 ans, et ces gens auraient sinon continué à travailler. Ils auraient continué à subvenir aux besoins de leurs familles. Ils se déplaçaient sans cesse et étaient en excellente santé. Jadis, lorsque les gens devenaient très vieux et devenaient un fardeau pour la tribu, une tribu qui était nomade, celle-ci les abandonnait à leur sort parce que les gens vivaient très vieux. C'était normal à l'époque, c'était la coutume.

Lorsque les hommes ont commencé à mourir dans les années 70, c'est alors que les gens ont commencé à remarquer qu'il y avait quelque chose qui n'était pas normal. Encore une fois, le mode de vie était resté le même, le régime alimentaire des gens aussi. Les gens de la tribu savaient donc qu'il y avait autre chose qui les frappait, en plus de tous les autres changements.

Ils nous ont relaté comment, à plusieurs reprises, ils avaient essayé de faire connaître ce qui se passait de toutes les façons, et elles étaient nombreuses, qu'ils pouvaient utiliser. Ils en ont saisi les gouvernements locaux et les divers responsables qui auraient pu les aider aux ministères de la Santé, de l'Environnement, mais également des Affaires indiennes.

Mais souvent, nous avons pu voir que leurs efforts avaient été vains. À chaque fois, on leur disait, écoutez, il n'y a pas de quoi s'inquiéter, ce n'est pas cela qui peut être la cause... En fait, tout le monde a minimisé les choses en disant qu'il n'y avait pas vraiment de quoi s'inquiéter.

Comme Paul l'a dit avant notre arrivée, nous racontons notre histoire depuis 30 ans. Il est temps maintenant que nous fassions connaître cela, que les Canadiens écoutent notre version des choses dans l'espoir qu'ils nous aideront à faire valoir cela pour que quelque chose soit fait.

• 1220

Je pense qu'il vous a également parlé de l'un des éléments les plus importants compte tenu de ce qui se passe aujourd'hui—simplement pour vous éclairer un peu sur la situation actuelle à Deline, et je pense que Cindy vous en a parlé déjà, où il n'y a plus que 700 habitants environ dont la moitié sont des enfants.

Il est très rare de nos jours qu'on puisse voir ce genre de choses, c'est l'une des toutes dernières collectivités traditionnelles dont tous les membres parlent encore le slave. Nous avons une société très traditionnelle où l'économie traditionnelle de subsistance est encore la norme. Mais la majorité des membres de la tribu sont des femmes et des enfants. Sur le plan économique, les temps sont durs chez nous parce que nous n'avons plus beaucoup d'hommes. Les hommes qui, jadis, subvenaient aux besoins de leurs familles ne sont plus là, et les quelques rares hommes qui restent ont beaucoup trop de travail. Nous continuons à partager beaucoup, c'est notre culture. C'est ainsi que nous pouvons continuer à nourrir les veuves et les enfants de la collectivité.

L'une des choses les plus importantes—et je sais que Paul en a déjà dit quelques mots—c'est notre relation par rapport à la terre, parce que nous avons besoin de la terre pour survivre et pour exister. Toute notre identité culturelle, toute notre spiritualité résident dans la relation que nous avons avec la terre. C'est cela l'enseignement qui nous a été transmis par les aînés, par nos prophètes d'antan, nos prophètes spirituels, et c'est terriblement important. Tout cela a maintenant été transmis aux plus jeunes.

Mais actuellement, les membres de nos collectivités s'interrogent sur cette relation à cause précisément de la question de la contamination. Et à cause de cela, cela devient tout à fait critique car c'est de la terre que vient notre identité et notre spiritualité, cette relation avec la terre, avec l'eau, avec l'environnement et avec les animaux.

Je pense que comme Paul vous l'a dit, c'est la première fois que nous racontons notre histoire à ce niveau-ci, et nous espérons que quelque chose en découlera.

Je vous remercie.

Mme Cindy Kenny Gilday: Merci beaucoup.

Je ne sais pas si vous voulez encore entendre d'autre chose de notre part, mais peut-être Murray voudrait-il ajouter quelques mots, après quoi nous pourrons répondre aux questions.

M. Murray Klippenstein (conseiller, Communauté dénée de Deline): Merci, Cindy.

Monsieur le président, puisque vous êtes du sud de l'Ontario et que vous avez visité la collectivité, que vous avez eu l'honneur d'entendre les aînés et les veuves vous parler dans la salle communautaire et vous raconter longuement l'histoire dont parle ce livre, vous qui voyez et entendez maintenant notre délégation qui a fait des milliers de kilomètres pour venir vous parler, je vous demanderais simplement d'écouter très attentivement ce qu'ils ont à dire et de lire tous ces témoignages qu'ils ont donnés lors des assemblées communautaires, et je vous demande enfin d'écouter leur appel à l'aide.

En réponse à une question du député, et comme l'a dit d'ailleurs Joe Blondin, cette délégation a eu le privilège de rencontrer hier après-midi trois ministres pour leur raconter notre histoire. Peut-être faudrait ajouter que cela a également été un privilège pour les ministres de l'entendre. Les ministres ont exprimé avec sincérité leur compassion et leur préoccupation, mais également le souhait de travailler en partenariat. Vous avez entendu je crois l'aîné Blondin vous dire tout ce que cela représentait pour lui et pour sa délégation.

Je vous demanderais de vous en souvenir, je vous demande également votre aide afin que ces promesses et ces manifestations d'intérêt portent fruit parce que, pour être franc avec vous, il n'est pas certain que ce soit le cas. C'est un départ prometteur, certes, mais la délégation a déjà bien souvent entendu ce genre de promesses d'aide qui ne se sont jamais concrétisées, et pour certains membres de la collectivité qui n'ont plus guère d'années à vivre, le temps presse.

• 1225

Même s'il est merveilleux de pouvoir entendre les ministres exprimer leur compassion et leur préoccupation comme ils l'ont fait hier, qu'il me soit permis d'ajouter qu'il faut néanmoins signaler qu'au moment même où ils se rencontraient, un dossier documentaire composé par le gouvernement fédéral a été distribué—malheureusement je n'en ai pas d'exemplaires ici—aux médias pendant et après la réunion. Cette documentation disait entre autres que «les études conduites sur le site de Port Radium en 1981, 1984, 1985, 1994 et 1995 n'ont révélé aucun risque notable du point de vue de l'environnement ou de la santé.» Si c'était vrai, ce serait effectivement très encourageant pour la collectivité.

Nous vous avons donné un relevé. Vous pourriez peut-être à un moment donné, à temps perdu, jeter un coup d'oeil sur le paragraphe 132 qui note qu'il y a 14 ou 15 ans, une analyse des déchets miniers des mines d'uranium et de radium de Port Radium a révélé que ces activités entraînaient le lessivage de substances radioactives dans les eaux du Grand Lac de l'Ours à des niveaux supérieurs aux normes fixées par Environnement Canada pour l'eau potable, et que les eaux de ruissellement du site de la mine proprement dite contenaient des substances radioactives en quantités supérieures aux directives d'Environnement Canada concernant l'eau potable.

La question n'est pas qu'on a une image parfaitement claire de la contamination du Grand Lac de l'Ours, parce que cette image n'existe pas, mais vous constaterez à plusieurs reprises dans le rapport en question que les Dénés ont demandé des compléments d'information et d'étude afin qu'ils puissent savoir s'il y a un risque, et de quel ordre de grandeur, pour la santé, et pas seulement pour ceux qui sont déjà décédés, mais pour les enfants aussi.

Ce qu'il y a, c'est que si le gouvernement du Canada déclare, dans un communiqué diffusé hier pendant une réunion ministérielle, qu'il n'y a aucun risque du point de vue de l'environnement ou de la santé, alors même que les normes d'Environnement Canada sont complètement bafouées dans le cas du Grand lac de l'Ours, vous pardonnerez peut-être aux membres de la collectivité s'ils continuent à s'inquiéter et à douter de la véracité de ce qu'on leur dit.

Lorsqu'ils demandent, comme ils le font dans ce rapport, qu'on leur envoie des experts indépendants, c'est une demande qu'ils formulent de façon très sérieuse. Je pense que lorsque vous lirez ici ce qu'ils disent pour demander de l'aide et des experts indépendants, peut-être jugerez-vous bon de les épauler dans la mesure de vos moyens.

Enfin, pourrez-vous également comprendre leurs préoccupations si vous avez l'occasion de lire le document intitulé Rapport d'évaluation sur les contaminants dans l'Arctique canadien, qui a été publié l'an dernier par le gouvernement fédéral dans le cadre du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, et qui portait également sur les substances radioactives. Vous constaterez que ce rapport ne parle pas la mine de Port Radium ni de la contamination du Grand Lac de l'Ours, pas plus que de tout ce que vous avez entendu aujourd'hui. On n'y mentionne nullement ces questions, on n'y parle pas du 1,7 million de tonnes de déchets radioactifs qui se trouvent dans le Grand Lac de l'Ours et sur ses rives. Vous comprendrez alors leurs préoccupations et peut-être comprendrez-vous qu'ils vous demandent d'appuyer ce premier pas qui a été fait hier par les ministres.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Klippenstein.

Étant donné l'intérêt très vif manifesté par les membres du comité présents, leur désir de pouvoir poser des questions et le temps limité qui nous est imparti, je me demande si nous ne devrions pas rompre avec la tradition et demander à chaque député de vous poser leurs questions tour à tour après quoi vous tenterez d'y répondre en succession. Sinon, vous pourrez toujours fournir vos réponses d'une autre façon si nous devons interrompre nos travaux étant donné que la liste est très longue, car si toutes ces questions étaient traitées individuellement, tous les députés n'auraient pas la possibilité d'intervenir et vous n'auriez donc pas la possibilité non plus de les entendre. Est-ce que cela vous convient?

Mme Cindy Kenny Gilday: Tout à fait.

• 1230

Le président: Dans ce cas, si cela convient également aux membres du comité, je vais procéder de la façon habituelle. Tout le monde semble indiquer... Je souhaite également la bienvenue à un collègue du comité de la santé, M. Earle, qui a eu la gentillesse de venir se joindre à nous. Nous avons en effet invité les membres de son comité ainsi que ceux du comité des ressources naturelles.

Je vais donc faire un tour de table en vous demandant de poser vos questions pour mémoire, après quoi nous tenterons de tirer le meilleur parti possible du temps qui nous reste.

Monsieur Gilmour, voudriez-vous ajouter quelque chose à votre première question?

M. Bill Gilmour: Certainement, et je serai bref puisque le temps presse.

Merci de ce que vous avez dit au sujet des ministres. C'était d'ailleurs ma question: les avez-vous rencontrés? Vous en avez rencontré trois.

Ensuite, j'appuie l'idée d'une évaluation indépendante. J'y suis entièrement favorable. Vous avez mentionné l'eau potable, mais il y a également les poissons du lac, les caribous, les baies et les fruits sauvages et ainsi de suite. Y a-t-il eu des études sur ce sujet? Dans la négative, vous a-t-on donné l'assurance qu'il y en aurait?

Je m'arrêterai là pour que nous puissions faire le tour.

Le président: Merci, monsieur Gilmour. Tout le monde vous saura gré de votre brièveté.

Monsieur Laliberte, voudriez-vous poser vos questions?

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Je voudrais commencer par offrir mes condoléances aux membres de votre famille et de la collectivité. Vous avez connu une tragédie due à la naissance de l'ère nucléaire et aussi à l'incertitude de ses incidences. Maintenant, les preuves commencent à surgir.

L'étude indépendante et les 14 points que vous mentionnez procèdent d'une excellente intention. Vous mentionnez la responsabilité globale, le deuil et tout ce fardeau qui vous affligent et qui sont dus à la fabrication des bombes, à tous les impacts sur les générations futures... Tout cela part d'excellentes intentions et je voudrais vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous et que je vous félicite pour ce qu'a fait votre collectivité pour nous aider et nous guider étant donné que puisqu'il s'agit du gouvernement fédéral et d'une société de la Couronne qui sont à l'origine de tout cela, un risque majeur est ainsi survenu. Lorsqu'il y a risque, il y a responsabilité, et c'est cela que vous demandez, que cette responsabilité soit assumée et qu'on dise aux Dénés...

[Note de la rédaction: M. Laliberte parle dans sa langue autochtone]

Nous devons bien comprendre cela dans la langue de notre peuple, parce que cette langue est la source du savoir et de la connaissance et, si elle est traduite et comprise au niveau communautaire, à ce moment-là les gens peuvent parler de ces questions. Je pense que c'est également ce que vous demandez, que les gens soient francs et honnêtes. S'il y a un organisme indépendant qui peut jeter la lumière sur tout cela, vous pourrez être rassurés quant aux incertitudes qui résident dans tous les messages que les ministères vous adressent et qui essaient précisément de les cacher. On pourra faire la lumière sur cela si quelqu'un d'autre vous donne son avis ou vous livre une analyse.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Laliberte.

Monsieur Herron, auriez-vous des questions?

M. John Herron: J'aurais plutôt une ou deux observations. Pour commencer, je voudrais exprimer un certain remords à ce que nous, représentants élus, ayons à traiter de ce genre de choses. Je suis un peu embarrassé de devoir le faire.

J'aurais néanmoins une question concernant votre aîné. Lorsque les membres de la bande transportaient les sacs d'uranium, on peut lire dans le rapport dont j'ai pris connaissance que les ouvriers non autochtones prenaient une douche après le travail. Votre aîné s'est-il jamais demandé pourquoi ils le faisaient? A-t-il jamais soupçonné qu'il y avait de quoi s'inquiéter?

• 1235

En second lieu, vous avez dit quelque chose—je pense que vous alliez faire une présentation à ce sujet—au sujet de ce que nous faisions à propos de la responsabilité à court terme, pour que vous puissiez avoir l'impression qu'il y a moins de danger pour vos collectivités. En fin de compte, à plus long terme, que devrions-nous faire selon vous?

Je vous remercie.

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je voudrais remercier la délégation d'être venue nous parler aujourd'hui. L'histoire qu'elle nous a relatée est assurément tragique, et je pense qu'il appartient au gouvernement d'en assumer la responsabilité.

Pour commencer, j'aimerais savoir si la délégation a une idée des raisons pour lesquelles il a fallu si longtemps—plus de 55 ans—depuis le début de tout cela. Je suis convaincu que dans les années 70, les taux de mortalité au sein de la collectivité donnaient déjà une idée relativement claire de la situation. De toute évidence, dans les années 80, le gouvernement fédéral a conduit des études à ce sujet, mais pourquoi a-t-il fallu tellement de temps pour qu'on commence à faire quelque chose?

Mon autre question... Je sais qu'on a commencé à procéder récemment à des opérations de décontamination dans la collectivité et il semblerait qu'on ait répété les erreurs d'antan, notamment en ne prévoyant pas de vêtements protecteurs. J'aimerais savoir ce qu'il en est exactement.

Je voudrais également savoir s'il y a des fonctionnaires ministériels qui ont pu prendre connaissance des documents que vous nous avez remis et s'ils ont déjà offert des commentaires préliminaires à ce sujet.

En outre, je voudrais savoir à quand remontent les analyses radiologiques les plus récentes sur l'eau, les aliments et le sol.

Une dernière question pour conclure: les membres de la collectivité ont-ils eu l'occasion...? Je sais que les Navajos dans les États du sud-ouest américain ont connu des problèmes semblables. Avez-vous pu vous entretenir avec des représentants des Navajos pour savoir ce que le gouvernement avait fait en réponse à cela et quel était leur plan d'attaque pour obtenir une intervention dans ce dossier?

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Pratt. Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson: Tout comme M. Laliberte, je voudrais exprimer mes condoléances à la collectivité pour cette tragédie. Je n'ai pas de questions à poser, j'aurais plutôt un commentaire.

Si après un certain temps vous avez le sentiment que le gouvernement n'est pas de bonne foi avec vous, qu'il atermoie ou que son intention se disperse, je vous invite à écrire aux membres du comité. Les députés libéraux pourront à leur tour en saisir leur caucus, et l'opposition pourra en parler à la période de questions. J'aimerais néanmoins que vous puissiez me dire en quelques mots si vous pensez avoir retenu l'attention du gouvernement et si à votre avis le gouvernement vous traite de bonne foi.

Le président: Merci. Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais remercier les représentants du peuple déné qui sont venus de si loin pour s'entretenir avec nous. Je vous remercie de nous avoir relaté votre histoire. Il vous a fallu énormément de courage pour le faire et je vous respecte d'autant plus.

La plupart des questions que je voulais poser l'ont déjà été. J'ai bien hâte d'entendre vos réponses.

Le président: Merci. Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci.

Monsieur Baton, nous sommes très honorés de vous accueillir aujourd'hui. J'ai été très émue par ce que vous avez dit. Je veux aussi remercier les membres de la délégation qui vous accompagnent.

J'aimerais vous poser une question. Je suis très préoccupée par la santé de nos enfants et les effets des contaminants de l'environnement sur nos enfants. Dans le cadre de mon travail de parlementaire, j'en ai appris de plus en plus sur les effets terribles des contaminants sur les populations du Nord, en particulier sur la santé des enfants.

• 1240

Que vous ont dit les enfants à ce sujet? Quels sont leurs préoccupations et leurs sentiments à ce sujet? Peut-être pourriez-vous aussi nous parler de leurs problèmes de santé. Je vous en saurais gré.

J'ai une deuxième question à laquelle l'un ou l'autre membre de la délégation pourra répondre. Il s'agit du rapport sur les contaminants dans l'Arctique canadien; j'aimerais savoir si on a consulté des membres de votre collectivité avant de rédiger ce rapport.

Merci.

Le président: Merci, madame Kraft Sloan.

Monsieur Jordan, vous avez la parole.

M. Joe Jordan: Je tiens à faire écho au regret exprimé par mes collègues et à souhaiter bonne chance à vos familles. J'aimerais en quelque sorte vous demander pardon pour cette situation. Comme M. Laliberte l'a déjà dit, c'est une tragédie.

Je vous félicite de ce document. Notre comité est souvent en butte à ce problème. On a l'idée ridicule qu'on peut trouver le juste milieu entre l'environnement et l'économie, qu'on peut jouer à ce jeu, qu'on peut analyser les risques et prendre des décisions sans tenir compte de la durabilité et de la protection de l'environnement. Ça ne fait qu'un an que je suis député, mais il me semble que nous nous retrouvons constamment devant cette attitude. Les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui prouvent bien que cette idée est absurde.

Dans votre analyse et votre demande de réponse, vous avez décrit la situation—encore une fois, M. Laliberte en a touché un mot—de façon à renforcer la crédibilité de votre argument. Vous cherchez des solutions qui permettront d'améliorer la qualité de vie future de votre peuple. Dans certains cas, il s'agit de qualité de vie matérielle, mais vous mettez aussi l'accent sur la guérison spirituelle qui est nécessaire.

Cela me rappelle l'histoire de Salomon. Vous avez préférez qu'on ne partage pas l'enfant. Vous avez renforcé les valeurs de la bonne intendance de l'environnement. Je tiens à vous en féliciter, vous et l'attaché de recherche, parce que vous avez bien saisi cela et avez su présenter l'information de façon très frappante.

J'ai une question pour l'aîné, car j'estime que ses souvenirs des événements sont importants. Les pêcheurs et les chasseurs ont-ils parlé entre eux? Les animaux ont-ils aussi changé? A-t-on trouvé des tumeurs chez les caribous? Les poissons présentaient-ils des indications du genre de transformations qu'ils auraient pu subir, comme les gens?

Le président: Merci.

Monsieur Earle, qui sera suivi du président.

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

D'abord, je tiens à préciser que je suis membre du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Nord; je suis heureux d'avoir pu me joindre à ce comité pour discuter de ce sujet très important.

Je tiens aussi à présenter mes condoléances à votre communauté pour la perte tragique qu'elle a subie par suite de cette tragédie. Je vous félicite d'être venus nous raconter votre histoire. C'est certainement très douloureux, mais très nécessaire aussi.

Je crois savoir que vous avez rencontré trois ministres hier. Qu'attendiez-vous de cette rencontre? Quels résultats pratiques attendiez-vous de cette rencontre?

Merci.

Le président: Merci, monsieur Earle.

Pour terminer, nous sommes reconnaissants à la CBC—du moins, je suis reconnaissant à la radio de CBC—de m'avoir permis de mieux connaître votre peuple, votre village et votre histoire des 50 dernières années. Je crois savoir aussi, d'après ce que vous dites dans votre mémoire, que la CBC a réalisé une émission de télévision intitulée «The Village of Widows» qui est disponible sur demande, je suppose.

• 1245

Dans votre mémoire, on trouve assez longue motion qui a été adoptée par l'Assemblée des premières nations le 3 novembre 1997. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé depuis l'adoption de cette résolution en novembre dernier, à Québec? Elle a été signée par le grand chef national, Phil Fontaine. C'est le grand chef Rod Bushie de l'Assemblée des chefs du Manitoba qui l'avait présentée, appuyée par le chef John Dantouze.

Ma deuxième question porte sur la partie de votre document qui traite du médecin hygiéniste des Territoires du Nord-Ouest. C'est le point 226. On y parle des 14 hommes dénés qui ont travaillé à l'extraction, au broyage ou au transport du radium et de l'uranium et qui figurent au registre du conseil des Territoires du Nord-Ouest. A-t-on décelé les mêmes symptômes et a-t-on déterminé si le cancer qui a provoqué leur mort était du même type, c'est-à-dire la leucémie, le cancer des os, ou d'autres formes de cancer? Autrement dit, quelles conclusions peut-on tirer des documents médicaux?

Si vous voulez répondre à nos questions maintenant, je vous en prie, faites-le. Nous sommes ici jusqu'à ce que la sonnerie se fasse entendre.

Mme Cindy Kenny Gilday: Je commence au début? Non, je préfère commencer par la question qui me semble la plus cruciale pour nous et les Canadiens.

Voilà maintenant 67 ans que la tribu de Deline est dans cette situation. Les gens souffrent et meurent à un taux tel que, si cela se poursuit... Je fais des recherches au sein de cette collectivité depuis un an, et pendant cette année, sept nouveaux cas de cancer sont apparus. Pour un petit village, c'est très sérieux. Si cela se poursuit, la tribu dénée du lac du Grand Ours survivra-t-elle?

Le Dr David Schindler, de l'Université de l'Alberta, est l'un des principaux experts de l'étude des Grands Lacs. Il se demande pourquoi il n'y a pas de données sur le lac du Grand Ours, le neuvième lac en importance au monde. C'est ce que confirme ce rapport. Que tente-t-on de cacher?

C'est la question à laquelle je suis confrontée. Je suis donc allée consulter les résolutions. Au niveau national, j'ai constaté que les habitants de Deline réclament des réponses aux questions relatives à la contamination par l'uranium et à ses incidences sur la santé sur les habitants depuis longtemps, depuis que les hommes ont commencé à mourir à la fin des années 70. La première résolution en ce sens à être inscrite au niveau national est la résolution 1982. Voilà longtemps que les Dénés réclament du gouvernement canadien qu'il assume ses responsabilités.

Mais parce que cette tribu est si isolée, elle ne parle que la langue slave et n'a pas accès à ce que les autres Canadiens tiennent pour acquis. On a complètement négligé cette tribu. On a fait fi de ses appels au secours.

• 1250

L'an dernier, tout récemment, on m'a remis deux rapports. Le premier a été fait en 1993, l'année où la tribu a signé son entente de règlement de revendications territoriales avec le gouvernement du Canada. Il y avait aussi un petit rapport sur l'ancien site militaire appelé Sawmill Bay. On m'a demandé d'examiner ces rapports et de tenter d'y trouver des réponses aux questions des habitants de Deline.

J'ai lu ces rapports. J'ai été horrifiée. Les habitants n'ont jamais été appelés à contribuer. Les lignes directrices scientifiques du Canada et des Territoires du Nord-Ouest prévoyaient la participation locale à toute recherche qui les touchait directement. Ces lignes directrices n'ont pas été respectées. Les rapports ne contiennent pas de réponses aux questions que se posent les habitant de Deline. Cela a été notre point de départ.

J'ai eu une réunion avec la communauté et j'ai commencé à courir comme une folle dans tous les sens au Canada pour essayer de trouver des gens que cette histoire intéressait. Tout c'est fait sur une base bénévole car ces gens n'avaient accès à aucun fonds pour avoir des avis indépendants sur quoi que ce soit. On leur a dit de ne pas s'inquiéter. On leur a dit qu'il n'y avait pas de raison de s'inquiéter sans rien savoir.

Nous avons recruté des gens comme Andrew Orkin et Murray Klippenstein, qui par pure bonté d'âme nous ont fait cadeau de leurs services d'avocats pour examiner le dossier. Nous avons recruter des universitaires pour fouiller dans les archives et des médecins que cette question intéressait.

C'est la tradition orale qui est en partie responsable. Les traditions orales ne sont admises par les tribunaux que par la grâce de la Constitution canadienne. Ils demandent oralement au gouvernement du Canada qu'une véritable enquête soit menée sur cette question depuis la fin des années 70. Il n'y a des documents écrits qu'à partir de 1982, mais il y a ces témoignages oraux qui pour eux sont traditionnels. Personne ne veut les entendre ni écouter leurs problèmes.

Monsieur le président, vous dites en avoir entendu parler à la radio de Radio-Canada. David McLauchlin a fait un reportage. Il a passé beaucoup de temps avec nos gens pour faire ce reportage. Lorsqu'il a été diffusé, le médecin hygiéniste en chef des Territoires du Nord-Ouest a dit à la radio nationale qu'il n'y avait pas de différence avec les autres villages; le taux de cancer est élevé dans le Nord. C'est le genre de réponse qui a été donnée sans autre forme d'enquête.

J'ai donné tout mon temps et je me suis retrouvée sans argent. Beaucoup de Canadiens ont donné de leur temps. La bande s'est endettée pour préparer ce rapport afin que le gouvernement l'écoute.

Pour finir, nous avons été entendus hier grâce à l'aide du chef national de l'Assemblée des premières nations. M. Roch est aussi venu. Nous vivons une crise sanitaire et nous vous supplions de nous aider.

Le mandat de ce groupe concerne ces 14 points. Nous n'avons cessé de les passer en revue lors de nos réunions communautaires, pas plus tard qu'il y a encore deux jours. Ces gens sont retournés dans la communauté et ont demandé aux gens si c'était ce qu'ils voulaient. Ils ont répondu oui.

Cela a été fait je ne sais combien de fois sn slave sans ressources. Nous réclamons une aide immédiate depuis le début d'avril. Nous avons soumis un budget au ministère des Affaires indiennes pour qu'il nous aide car monter ce dossier demande beaucoup d'argent. Je ne pense pas pouvoir continuer à titre bénévole.

Les ministres présents hier nous ont écoutés avec beaucoup de sympathie. Si vous demandez ce que je rapporte chez moi, je vous répondrai l'attention sympathique des ministres. Je rentre avec la promesse que des fonctionnaires étudieront la question, les 14 points contenus dans notre dossier.

• 1255

Le deuxième point réclame une évaluation globale des problèmes de santé, des problèmes sociaux et environnementaux. Il nous faut maintenant des opinions indépendantes. Nous ne pouvons plus nous fier aux spécialistes du gouvernement car cela fait trop longtemps qu'ils mentent à la communauté. Nous avons besoin de ressources pour le faire. Je crois que les ministres l'ont reconnu en disant qu'il fallait aux Dénés les ressources nécessaires pour établir un constat et pouvoir participer sérieusement à des négociations.

J'emporte cette promesse avec l'espoir que les fonctionnaires fédéraux comprendront que cela nous a coûté beaucoup de temps et d'argent. Je crois que financer nos efforts passés et à venir sert l'intérêt de tous les Canadiens.

Mon espoir est donc très grand mais je ne sais s'il se réalisera. Je crois que je peux dire que j'emporte avec moi un espoir modéré. Comment évoluera-t-il, cela reste à voir. Nos deux techniciens vont rencontrer des fonctionnaires fédéraux. Je suivrai leurs discussions. J'espère qu'ils aborderont les 14 points avec le sérieux qu'ils méritent et que ces discussions seront suivies d'actions. Si elles ne le sont pas, je prendrai votre offre très au sérieux et je vous informerai de ce qui est ressorti de ces discussions. J'ai l'impression que nous n'avons atteint que le premier arrêt d'un long voyage en autocar, et j'espère que vous continuerez à nous écouter avec votre coeur.

J'aimerais déposer la demande que nous avons faite hier aux ministres, petit point de départ minimum pour entamer la discussion sur les 14 points.

J'ai pris note de toutes vos questions et nous vous répondrons par écrit.

Merci beaucoup.

Le président: Pendant le temps qu'il nous reste, voudriez-vous commenter pour la gouverne du comité certains de ces 14 points? Pas tous, mais ceux qui vous semblent le plus urgent.

Monsieur Herron.

M. John Herron: J'aimerais faire une recommandation. Elle s'adresse au greffier. Pourriez-vous communiquer aux témoins un exemplaire de la transcription de notre réunion? Cela leur facilitera la tâche pour répondre à nos questions.

Le président: Ce sera fait, monsieur Herron. Merci.

Madame Kraft Sloan.

Mme Karen Kraft Sloan: Comme cette audience est télévisée, si le greffier pouvait faire aussi une copie de la vidéo, cela aiderait la communauté.

Le président: Très bien, ce sera fait.

Mme Cindy Kenny Gilday: Comme il ne reste peut-être plus que quelques minutes, je tenais simplement à soumettre la déclaration que nous avons faite aux ministres hier. Je demanderais à Gina de le faire, car c'est elle qui a fait cette déclaration. Je crois qu'il est vraiment important de la répéter afin qu'elle figure au compte rendu de votre réunion car nous apportons le message de la communauté à vous qui êtes responsables du Canada, de l'environnement, de la durabilité à long terme de l'environnement, de sa population et de tout ce qui y vit.

Le président: Je vous en prie.

Mme Gina Bayha: Nous sommes ici au nom de la communauté de Deline pour vous parler des 14 points qui ont été présentés hier à la réunion avec les ministres.

Certaines des idées des ministres pendant cette réunion, telle que la nomination d'un enquêteur indépendant pour étudier la question, sont intéressantes et pourraient être considérées dans le contexte général des 14 points. Cependant, nous aimerions qu'un représentant nommé par les ministres et accepté par nous vienne discuter, avec les ressources suffisantes, avec nous d'une procédure sérieuse et globale pour répondre aux 14 points. Finalement, nous avons besoin d'une aide immédiate conformément au budget que nous avons soumis au début d'avril 1998.

• 1300

Mme Cindy Kenny Gilday: J'aimerais donner aux membres la chance de lire ce document et d'y réfléchir quand vous posez des questions sur les 14 points car ce contexte est important au niveau de notre demande. Je me ferai également un plaisir d'y répondre par écrit.

J'aimerais maintenant que notre ancien fasse une déclaration car je crois que le temps presse.

M. Paul Baton (interprétation): Comme je l'ai dit lors de la réunion avec les ministres hier, je voudrais vraiment que nous rentrions avec un plan d'action répondant à notre requête, la requête que nous avons présentée hier au gouvernement concernant les 14 points. Pour répondre à ces propositions, comment vont-ils procéder?

Jusqu'à présent les ministres nous ont répondu qu'ils nous écoutaient d'une oreille très sympathique, mais il reste encore à voir ce qu'ils feront vraiment. C'est avec cet espoir que je vais rentrer dans la communauté. J'espère que quelque chose de concret sortira de ces discussions.

Je tiens à vous remercier de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer et de vous raconter notre histoire.

Une des leçons qui m'a été donnée est que lorsqu'on est assis dans une pièce avec des gens, avoir un dialogue, être entendu, savoir qu'on est écouté et raconter son histoire puis écouter celle de l'autre partie, n'est pas toujours facile mais j'ai le sentiment que nous sommes arrivés à quelque chose cette fois-ci. C'est à la fois un privilège et un honneur.

Je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir écoutés et d'avoir pris acte de notre témoignage. Merci.

Le président: Vous pouvez assurer votre ancien que chaque membre du comité a écouté avec très grande attention ce matin, et je suis sûr que le souhait unanime du comité est de donner une suite à vos présentations d'hier par l'envoi d'une lettre à la ministre, lui indiquant notre intérêt et notre espoir que cette question soit examinée et réglée avec célérité comme vous l'avez indiqué hier lorsque vous avez rencontré la ministre. Comme je viens de le dire, cela sera fait d'ici quelques jours par une lettre envoyée à la suite de cette réunion particulière.

Nous vous sommes aussi très reconnaissants d'être venus nous voir et de nous avoir donné la possibilité de comprendre les valeurs, les préoccupations et l'histoire tragique de votre communauté.

• 1305

Nous aimerions que vous retourniez dans votre village et que vous transmettiez à votre peuple le fait que nous mesurons à sa juste valeur le long voyage que vous avez fait pour nous mettre au courant des derniers développements de cette question et que vous les assuriez que dans la mesure des pouvoirs limités de ce comité nous ferons le maximum pour donner des suites à vos représentations, comme vous l'avez dit, au nom de tous les Canadiens car nous partageons vos croyances et vos valeurs et nous aimerions vous faire la démonstration que notre système de gouvernement fonctionne et fonctionne bien.

La sonnerie retentit. Comme vous le savez, elle nous appelle pour un vote et il nous faut donc lever la séance.

Nous souhaitons à votre ancien et à vous tous un retour sans encombres dans votre village.

Merci beaucoup.

[Français]

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Est-ce que nous pourrions continuer à siéger à huis clos pour trois minutes, une fois que les témoins seront partis?

[Traduction]

Le président: Oui.

Une voix: Monsieur Laliberte?

Le président: Monsieur Herron, est-ce que vous pouvez rester un instant?

[Français]

Nous avons seulement sept ou huit minutes. Vous voulez commencer?

[Traduction]

Monsieur Charbonneau.

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Nous siégeons à huis clos maintenant n'est-ce pas?

[Traduction]

Le président: Par consentement unanime, notre comité siège à huis clos pour étudier une demande d'un de ses membres.

[La séance se poursuit à huis clos]