JURI Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 25 février 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous poursuivons aujourd'hui, 25 février, notre examen du projet de loi C-3 sur les empreintes génétiques, de même que du projet de loi C-104, qui a été déposé à la première session de la dernière législature et qui portait sur le dépistage ADN.
Nous entendrons aujourd'hui le Dr Peter Bridge, qui est membre du conseil d'administration du Collège canadien de généticiens médicaux. Bienvenue, docteur Bridge. Je sais que vous avez des choses à nous dire; nous allons d'abord entendre votre présentation, après quoi nous vous poserons des questions.
Dr Peter Bridge (membre du conseil d'administration, Collège canadien de généticiens médicaux): Merci.
Nous avons soumis l'an dernier un mémoire sur le projet de loi C-104 à la direction de l'analyse des politiques. J'en ai fait faire des copies à votre intention. Je ne m'y attarderai pas inutilement parce que la version révisée de ce projet de loi, qui est maintenant le projet de loi C-3, tient compte d'une bonne partie des commentaires que nous y avons présentés, du moins d'après ce que je peux voir. Nous en sommes très heureux.
Nous avons toutefois quelques autres observations à vous faire et nous avons préparé un document supplémentaire d'une page. Je ne sais pas si vous l'avez déjà en main.
La présidente: Il sera distribué demain quand la traduction en sera terminée.
Dr Peter Bridge: Dans ce cas, je vais vous le présenter en détail oralement.
Premièrement, pour vous donner une idée de la cause de nos préoccupations et de la nature de mes antécédents professionnels, je précise que le Collège canadien de généticiens médicaux est le groupe qui est chargé, au Canada, de superviser les analyses médicales servant au dépistage des maladies génétiques. Il y a certains membres de notre collège qui sont accrédités pour effectuer ce qu'on appelle des analyses de génétique moléculaire, qui consistent à examiner des fragments d'ADN provenant des membres d'une même famille afin d'identifier par exemple les porteurs de maladies génétiques. Ces gens sont hautement compétents pour interpréter les profils génétiques et faire des comparaisons entre personnes d'une même famille.
En ce qui concerne la prise d'empreintes génétiques et l'établissement éventuel d'une banque de données, je tiens à dire tout d'abord que nous appuyons le projet de loi parce que nous jugeons que c'est une bonne idée, de façon générale. Je voudrais toutefois vous faire part de quelques préoccupations à ce sujet, qui portent non pas tellement sur l'adoption du projet de loi en tant que telle, mais surtout sur son application subséquente.
Premièrement, on parle souvent d'«empreintes génétiques», mais ce terme prête à confusion. Évidemment, les empreintes digitales traditionnelles—ce que vous voyez sur le bout de vos doigts—représentent le point culminant de toute une série d'événements fortuits qui déterminent la croissance de vos cellules. La manière dont les cellules évoluent à la fin de cette chaîne d'événements fortuits produit un dessin particulier, propre à chaque individu.
Les empreintes génétiques, en revanche, ne sont pas dues au hasard. Elles sont propres à chaque individu, mais elles sont le fruit de l'hérédité, pas du hasard. Donc, elles proviennent pour moitié du père et pour moitié de la mère, et quand nous nous reproduisons, nous transmettons la moitié de nos propres gènes à chacun de nos enfants. Les permutations sont différentes d'un enfant à l'autre, mais les règles de l'hérédité dictent la manière dont les diverses composantes du profil génétique se transmettent dans la famille.
Par conséquent, quand nous établissons le profil génétique d'un individu, nous obtenons en même temps un profil partiel de toutes les personnes qui lui sont apparentées par le sang. Plus le degré de parenté est proche, plus les profils se ressemblent et plus le nombre de gènes communs est grand. Par exemple, si vous établissez mon profil génétique complet, vous connaissez du même coup 50 p. 100 des gènes de mon père, 50 p. 100 de ceux de ma mère, 50 p. 100 de ceux de mes enfants, et ainsi de suite.
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Donc, contrairement aux empreintes digitales, les empreintes
génétiques sont propres à chaque individu, mais elles ne sont pas
le fruit du hasard. Elles sont transmises par voie héréditaire.
Ce que cela signifie, dans le contexte pénal qui nous intéresse, c'est que ce projet de loi permettrait de prélever un échantillon d'ADN sur quelqu'un qui ferait l'objet d'une enquête au sujet d'un crime grave ou qui aurait été reconnu coupable de ce crime, et de déterminer son profil génétique à partir de cet échantillon. Ce serait donc un élément d'identification de cette personne.
Ce profil aurait toutefois aussi certaines ressemblances avec ceux des autres individus apparentés à cette personne par des ascendants communs. Donc, en poussant les choses à l'extrême, si vous établissiez par exemple mon profil génétique et que vous y trouviez trois variantes extrêmement rares—qu'on retrouve, disons, dans une personne sur mille—, il n'y aurait à peu près aucune chance que vous retrouviez quelque chose de semblable chez quelqu'un d'autre. Et si vous trouviez sur les lieux d'un crime des fragments d'ADN présentant les trois mêmes variantes extrêmement rares, mais ne correspondant pas exactement à mon profil complet, cela voudrait probablement dire que mon frère, mon père ou un de mes proches parents serait la source possible de ces fragments.
Il faut bien comprendre que, même s'il est question dans tout le projet de loi de prélever des substances corporelles sur des individus et d'établir leur profil personnel, en génétique, on n'étudie pas des individus, on étudie des familles. Si vous obtenez ce genre d'information au sujet d'une personne, vous obtiendrez en même temps—peut-être même sans le savoir—de l'information sur les autres membres de sa famille. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose, mais vous devez être conscients du fait que, si vous me communiquez le profil génétique de quelqu'un, vous me donnez en même temps certaines indications sur les membres de sa famille.
Dans un contexte pénal, si quelqu'un a été condamné, c'est-à-dire s'il a été reconnu coupable d'un crime, ses parents ne sont pas tous coupables avec lui; ce sont des citoyens innocents, et pourtant ce processus permet de connaître certaines choses à leur sujet. Je pense qu'il faut se demander comment il serait possible de protéger ces renseignements pour éviter qu'ils soient utilisés de façon inappropriée, en ce qui concerne non pas la personne reconnue coupable du crime, mais les membres de sa famille.
Le deuxième point sur lequel je désire attirer votre attention, et qui a trait encore une fois à des détails techniques sur les méthodes d'établissement de ces profils, c'est que nous examinons généralement toute une série de facteurs génétiques différents. Il ne s'agit pas nécessairement de gènes, mais de ce que nous appelons les loci génétiques, c'est-à-dire l'emplacement des gènes sur les chromosomes. Ces loci doivent être très variables pour que les analyses soient concluantes; ainsi, si nous étudions un emplacement donné sur les chromosomes de 100 personnes différentes, nous allons probablement obtenir de nombreux résultats différents. Et si nous étudions un grand nombre d'emplacements chez 100 personnes différentes, nous allons obtenir 100 résultats différents. Pour employer un terme technique, ils doivent être polymorphes, ce qui signifie qu'ils doivent se produire sous de nombreuses formes.
Grâce à la recherche effectuée en génétique médicale, ces loci ont été isolés et étudiés simplement parce qu'ils étaient variables. Ils ont été choisis au hasard pour la simple raison qu'ils se manifestent sous différentes formes selon les individus. Cette recherche a de nombreuses applications médicales. La majorité des loci dont nous nous servons actuellement pour l'établissement des profils génétiques nous sont inconnus, et nous ne leur avons attribué aucune fonction particulière. Mais il y a actuellement un vaste projet scientifique en cours qu'on appelle le projet du génome humain, qui consiste à établir en quelque sorte la carte géographique de tous les gènes humains. Il n'est pas déraisonnable de penser que, d'ici cinq ou dix ans, nous connaîtrons la fonction de certains des loci génétiques que nous utilisons pour l'établissement des profils.
Donc, nous ne connaissons pas encore très bien l'ADN; nous savons seulement qu'il est variable et qu'il est utile pour établir un profil, mais dans cinq ans, nous saurons peut-être que cela fait partie d'un gène qui contrôle une fonction précise du corps.
Si c'est le cas, nous devons nous assurer que les éléments d'information que nous incluons aujourd'hui dans ces profils, et qui vont se retrouver dans la banque de données, ne permettront pas par inadvertance, dans cinq ans par exemple, de prédire l'état de santé d'une personne.
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Il se fait beaucoup d'efforts pour mettre au point des
méthodes d'analyse génétique permettant de prévoir l'état de santé
des gens. En médecine préventive, c'est un des aspects les plus
prometteurs de ces tests. Mais il ne faut pas que les profils
génétiques établis pour des fins d'identification des criminels, et
censément établis à partir de segments d'ADN pris au hasard,
puissent permettre un jour de prédire l'état de santé de la
personne visée ou peut-être des autres membres de sa famille. Comme
je vous l'ai déjà dit, les tests ne s'appliquent jamais uniquement
à une seule personne.
Je ne dis pas que nous ne devrions pas établir de profils ou que nous ne devrions pas nous en servir pour les enquêtes criminelles; nous devons simplement surveiller les méthodes d'entreposage de cette information et les applications ultérieures qu'elle pourrait avoir. Donc, ce qui nous préoccupe, ce n'est pas surtout l'adoption du projet de loi, mais son application ultérieure et l'administration de la banque de données.
Après ces considérations théoriques, permettez-moi de vous donner un exemple très concret sur ce dernier point. Il existe un gène appelé ApoE, qui servait dans le passé à établir les risques de maladies cardiovasculaires. Ce gène intervient en effet dans la régulation de la quantité de lipides dans le sang. Il y a bien des gens qui ont subi des tests touchant ce gène pour savoir s'ils couraient le risque d'avoir des quantités élevées de lipides dans le sang et, éventuellement, de faire une crise cardiaque. Cette information figure dans les dossiers médicaux de tous ces gens, et à ce moment-là, cela ne posait pas de problème. Le hic, c'est que quelqu'un a découvert depuis lors que les individus qui possèdent une variante particulière du gène ApoE, révélateur du taux de lipides dans le sang, ont une très forte prédisposition à la maladie d'Alzheimer.
Donc, nous nous retrouvons tout à coup avec une foule de dossiers médicaux contenant de l'information sur un élément permettant de prédire qui va souffrir de la maladie d'Alzheimer dans 10 ou 30 ans. Les généticiens médicaux fournissent ce genre d'information uniquement quand des gens la leur demandent expressément, et toujours avec la mise en garde suivante: «Êtes-vous certain de vouloir cette information? Savez-vous ce que vous allez en faire? Comprenez-vous parfaitement ce que cela peut représenter de savoir aujourd'hui, à l'âge de 40 ans, que vous avez de fortes chances de souffrir de la maladie d'Alzheimer dans un certain nombre d'années?»
Voilà le but des tests prédictifs. Les analyses génétiques peuvent être effectuées à n'importe quelle étape de la vie: au stade prénatal, à la naissance, dans la petite enfance, à 20 ans ou à 50 ans. Dans la mesure où il s'agit d'événements qui dépendent de la génétique, le même test permettra de les prédire quel que soit le moment du cycle de vie où il est effectué.
Il faut donc se demander quels sont les types de gènes utilisés pour établir les profils génétiques. Il faut s'assurer qu'il ne s'agit pas de gènes associés à une fonction donnée, du moins d'après ce que nous savons, de manière à éviter que les tests permettent de prédire l'état de santé futur des personnes auxquelles appartiennent ces profils ou celui des membres de leur famille.
Après l'adoption du projet de loi, le commissaire chargé d'administrer la banque de données devrait peut-être constituer un conseil consultatif quelconque composé de personnes qui ont l'expérience de l'étude génétique des familles—selon le principe de l'ex-braconnier. Des gens comme moi, qui ont la formation nécessaire pour retracer un gène dans une famille, pourraient également donner des conseils sur les moyens à prendre pour éviter que cette information serve à des fins qui ne sont pas prévues dans le projet de loi.
Donc, le projet de loi porte sur l'utilisation des profils génétiques à des fins d'identification, ce qui est une excellente idée et un outil extrêmement puissant.
Je vous signale également que c'est un excellent outil pour exonérer les innocents; les analyses génétiques sont peut-être les meilleures amies des innocents. Mais elles permettent aussi de recueillir, au sujet des individus et des membres de leur famille, des renseignements qui pourraient leur faire du tort un de ces jours.
L'administration de la banque de données, l'accès à son contenu et la nature de l'information qui y est consignée sont nos principaux sujets de préoccupation.
Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à toutes vos questions.
La présidente: Merci.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): J'avais trois questions à poser, et le témoin a répondu à toutes les trois. Je vais donc me contenter de le remercier.
La présidente: J'aime bien M. Cadman; il ne perd pas son temps en paroles inutiles.
Monsieur Lee.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Monsieur Bridge, votre témoignage nous oblige à nous poser au moins quelques questions.
Voulez-vous dire que les dispositions du projet de loi qui restreignent l'utilisation ou la diffusion des renseignements contenus dans la banque de données génétiques sont insuffisantes?
Dr Peter Bridge: Peut-être. Elles seraient très bien écrites si elles s'appliquaient aux empreintes digitales comme celles que vous voyez sur vos doigts, et qui n'appartiennent qu'à vous. Mais parce que l'information dont il est question ici se rattache aussi aux autres membres de votre famille et qu'elle peut d'autre part fournir des renseignements sur votre santé, selon les éléments utilisés pour établir votre profil, il faut prévoir des mesures de protection à cet égard-là également.
Je ne crois pas que les gens qui ont défini les modalités d'application du projet de loi, c'est-à-dire l'obligation d'obtenir un mandat du juge pour prélever du sang, et ainsi de suite... On pense toujours à une seule personne—le criminel—et on oublie que le profil génétique peut être lié à tout un groupe familial.
M. Derek Lee: Vous voulez dire «une seule personne—le suspect», je suppose?
Dr Peter Bridge: Oui.
M. Derek Lee: Mais le gros des renseignements figurant dans la banque de données seraient accessibles, et le produit qui serait diffusé ou rendu public serait essentiellement, à ce que je voix, établi en quelque sorte en langage binaire. Soit il y aurait concordance, soit il n'y en aurait pas.
Les profils pourraient être prêtés, empruntés, envoyés, télécopiés ou je ne sais quoi d'autre d'un organisme à l'autre et, comme vous l'avez dit, ils ne contiennent pas uniquement les renseignements permettant d'établir une concordance. Ils contiennent beaucoup plus de données que celles qui sont nécessaires pour l'usage prévu au départ.
Pensez-vous que nous devrions modifier d'une manière ou d'une autre la définition des profils génétiques dans le projet de loi, pour nous assurer que ces profils serviront uniquement à des fins d'identification et de comparaison, et rien d'autre?
Dr Peter Bridge: Oui, à des fins d'identification et de comparaison, et pour préciser que personne ne pourra examiner ces renseignements dans la perspective de... Vous parlez de langage binaire. La plupart des profils que je garde, et qui peuvent permettre par exemple d'établir la paternité de quelqu'un, se présentent sous la forme d'une série de chiffres, par exemple 120, 146. Supposons qu'on découvre que toutes les personnes dont le profil contient le chiffre 120 risquent d'avoir quelque chose, de contracter une maladie quelconque; il faudrait peut-être penser alors à un moyen de dire qu'il y a concordance sans indiquer de chiffre précis.
Donc, dans les communications entre organismes, il serait peut-être possible de dire seulement si les profils concordent ou pas, en répondant par oui ou par non, sans donner le code binaire exact, comme vous dites, ou les chiffres dont je vous ai parlé.
Nous avons un problème du même genre dans nos services de consultation génétique, quand nous faisons des analyses visant des familles. Par exemple, si quelqu'un nous demande s'il est porteur de la fibrose kystique, nous lui faisons passer des tests, de même qu'aux autres membres de la famille. Quand je prépare mon rapport sur cette personne, je dois me concentrer uniquement sur elle, même si j'ai recueilli de l'information sur le reste de la famille.
En fait, il est très difficile en génétique de rédiger des rapports sur une seule personne, qui est en quelque sorte l'unité de mesure habituelle en médecine, sans donner de renseignements collatéraux sur le reste de la famille. Nous essayons de répondre par oui ou par non—«oui, vous êtes porteur» ou «non, vous ne l'êtes pas»—sans entrer dans les détails.
M. Derek Lee: Parallèlement à ce qui se passe au sujet de l'utilisation de l'ADN pour l'identification des criminels, il va se passer une foule d'autres choses dans notre société qui mettront en cause des processus semblables et pour lesquelles, si je comprends bien, il n'y a pour le moment aucune restriction. Si j'obtiens un échantillon de votre matériel génétique, par exemple, je peux très bien le soumettre à des tests, le vendre et en parler à la première page du Toronto Star. Donc, je suppose que vos préoccupations au sujet de l'utilisation des profils génétiques couvrent également toutes ces autres possibilités, et pas seulement la banque de données génétiques.
Dr Peter Bridge: Oh oui, bien sûr.
M. Derek Lee: Avez-vous une suggestion à nous faire au sujet des moyens que nous pourrions prendre pour mieux protéger les profils génétiques qui vont être versés dans le fichier de criminalistique et dans celui des condamnés? Je pense que c'est le terme juste. Y a-t-il des mesures à prendre pour assurer une meilleure protection, ne serait-ce que pour le secteur restreint qui nous intéresse?
Dr Peter Bridge: Je n'ai pas de solution facile; c'est un problème qui n'est toujours pas résolu ni en génétique médicale, ni pour ce dont il est question ici.
Il faut deux éléments pour que les profils puissent servir à des fins d'identification: le nom de la personne, ce qui signifie que l'échantillon doit être identifié, et une information codée sous une forme ou sous une autre, qu'il s'agisse d'un long code binaire ou d'un tableau de chiffres. Je ne pense pas qu'il soit question d'une image, mais plutôt des résultats des tests.
Les personnes qui administreront la banque de données pourront s'en servir pour répondre aux questions par oui ou par non. Est-ce que l'échantillon concorde avec celui ou ceux qui ont été recueillis sur les lieux du crime, oui ou non? Il est possible de répondre à cette question par oui ou par non sans expliquer dans les détails pourquoi les échantillons concordent.
Il serait possible d'indiquer une probabilité, par exemple dire que les chances de concordance sont de 99,999 p. 100. Mais si l'affaire se rend devant les tribunaux, il est toujours possible que le profil complet soit présenté en cour. Les éléments de ce profil pourraient alors se retrouver dans le domaine public.
Encore une fois, cela pourrait permettre de prédire des maladies futures.
M. Derek Lee: Un accusé pourrait certainement soulever la question de la présumée concordance devant le tribunal et évoquer ensuite la question de toutes ces autres données.
Dr Peter Bridge: Oui.
M. Derek Lee: Si nous avions une disposition, par exemple, selon laquelle il serait interdit de se servir d'un profil établi en vertu des dispositions de la loi pour une fin autre que l'identification d'un individu, à moins d'avoir la permission expresse du commissaire de la GRC, est-ce que cela réglerait le problème en partie?
Dr Peter Bridge: En bonne partie.
Mais il faut aussi prévoir que la situation peut changer; il faudrait tenir le commissaire au courant des progrès de la recherche touchant les analyses génétiques et des conséquences de cette recherche sur les connaissances médicales, de manière à ce qu'il soit informé le plus rapidement possible de tout changement qui pourrait signifier qu'il est possible de tirer de nouveaux renseignements d'un profil, pour veiller à ce que l'information diffusée soit aussi limitée que possible en tout temps.
M. Derek Lee: Mais il s'agirait seulement de dire s'il y a concordance ou pas. Le système est conçu uniquement pour dire «oui, cela concorde» ou «non, cela ne concorde pas», à moins qu'il y ait un contre-interrogatoire ou que le résultat de la comparaison des empreintes soit contesté, auquel cas toute l'histoire d'une personne pourrait être rendue publique.
Dr Peter Bridge: Toute l'information serait divulguée, dans ces conditions, et je pense qu'il faudrait alors informer le suspect des conséquences possibles de cette divulgation.
M. Derek Lee: D'accord, merci.
La présidente: Merci.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, madame la présidente, et merci également au Dr Bridge. Votre témoignage nous aide beaucoup à examiner cette question dans une perspective scientifique.
Je voudrais revenir sur quelques-unes des questions posées par M. Lee. Au sujet de l'utilisation des données, je regrette de vous citer cet exemple, mais nous nous souvenons tous du fiasco du procès d'O.J. Simpson, pendant lequel les avocats de la poursuite brandissaient de grandes pancartes portant de l'information relative à l'ADN du suspect. Je suppose que c'est le genre de chose que vous avez en tête quand vous dites que cette information pourrait être rendue publique.
Ma question est la suivante: outre le fait que cette information pourrait être rendue publique et que quelqu'un, d'après ce que vous nous avez dit aujourd'hui, pourrait prédire une maladie future soit chez le suspect, soit chez un membre de sa famille, y aurait-il d'autres façons d'utiliser cette information à mauvais escient? Quels pourraient être les problèmes du point de vue de la protection de la vie privée?
Dr Peter Bridge: J'appuie sans réserve l'idée d'établir des profils pour des fins d'identification. Je pense que c'est une bonne idée parce que c'est un outil de poursuite très efficace, et extrêmement utile pour les gens qui ne sont pas coupables. En ce sens, j'appuie le projet de loi.
Pour ce qui est du mauvais usage de cette information, à part ce dont nous avons déjà parlé, par exemple sa divulgation à une personne non autorisée...
M. Peter MacKay: Mais si cette information était communiquée à une personne qui avait de mauvaises intentions, qu'est-ce qu'elle pourrait en faire?
Dr Peter Bridge: Je ne suis pas certain qu'il soit exact de parler de «mauvais usage». Il est certain que c'est un indice permettant de connaître la vie de quelqu'un. Pour le moment, nous nous servons de certains éléments que nous jugeons peu importants. Tout ce que je dis, c'est que nous pourrions fort bien découvrir dans quelques années que ces éléments ne sont pas aussi négligeables que nous le pensions.
Vous avez parlé des avocats de la poursuite qui brandissaient des pancartes dans l'affaire O.J. Simpson. Que se serait-il passé si une personne travaillant pour une compagnie d'assurances avait reconnu cette configuration et avait su que cela démontrait sans l'ombre d'un doute que l'inculpé avait une maladie ou qu'il allait la contracter, et si la compagnie avait refusé d'assurer ses enfants à cause de cela? Plus on diffuse d'information qui devient publique, plus les risques de ce genre sont grands.
C'est une information très lourde de conséquences; je suis d'accord pour qu'on s'en serve à des fins d'identification des criminels, mais il faut nous assurer que nous avons la situation bien en main. Il faut que cette information serve uniquement aux fins prévues, et nous devons être très conscients du fait qu'elle pourrait révéler d'autres renseignements. Il ne s'agit pas nécessairement de choses que nous connaissons maintenant, mais nous pourrions les connaître dans cinq ans, par exemple, ce qui est très long en génétique. Il pourrait y avoir une explosion de connaissances qui pourrait nous faire prendre conscience que nous avons nui d'une manière ou d'une autre à quelqu'un ou à des membres innocents de sa famille. C'est ce qui nous inquiète le plus, mais si les données sont conservées sous stricte surveillance dans une banque de données, si personne ne voit jamais les données originales et si les résultats de la comparaison sont indiqués uniquement par oui ou par non, ce serait une façon d'atténuer les risques.
Je ne suis pas certain que ce soit acceptable du point de vue pénal, qui est évidemment celui du projet de loi. Dans la mesure où les gens qui administreront la banque de données sont conscients des possibilités... Je ne parlerais pas de mauvais usage du système, mais plutôt du fait que la banque de données pourrait contenir de l'information que nous ne comprenons pas pour le moment, mais qui serait facilement déchiffrable une fois rendue publique. Et une fois qu'elle aurait été rendue publique, il serait trop tard.
M. Peter MacKay: Donc, vous insisteriez dans le projet de loi sur l'importance des mesures de protection visant l'usage de cette information. M. Lee a suggéré de préciser que les profils ne pourraient être rendus publics ou utilisés que pour certaines fins approuvées par le commissaire. Il serait également possible d'interdire complètement la publication des données recueillies en vue de l'utilisation de l'ADN à des fins d'identification, et de prévoir des moyens de protéger l'accusé contre toute utilisation de cette information en dehors du tribunal.
Dr Peter Bridge: Ce serait une solution raisonnable.
M. Peter MacKay: Je voudrais poser une dernière question au sujet de la possibilité que quelqu'un modifie un échantillon d'ADN ou qu'il en réduise la fiabilité d'une façon ou d'une autre, à l'étape du prélèvement, je suppose. Une fois qu'on est en possession d'empreintes génétiques prélevées par diverses méthodes, est-il possible de les modifier? La génétique est-elle une science assez exacte pour qu'il soit possible de détecter une modification d'un échantillon d'ADN?
Dr Peter Bridge: Il serait extrêmement difficile de modifier les propriétés d'un échantillon d'ADN.
M. Peter MacKay: Difficile, mais pas impossible.
Dr Peter Bridge: Je vous dirais que ce serait impossible à faire sans endommager l'échantillon à un point tel qu'il ne pourrait plus être soumis à aucun test. Ce qui serait plus inquiétant, du point de vue de la sécurité, c'est que le tableau de chiffres ou le code binaire inscrit dans un ordinateur pourrait être modifié. Par conséquent, cela doit évidemment se faire sous la supervision de gens suffisamment qualifiés et dignes de confiance pour que nous soyons certains qu'ils ne le feront pas.
M. Peter MacKay: Donc, comme n'importe quoi d'autre, c'est un processus faillible en ce sens que quelqu'un pourrait intentionnellement modifier la combinaison de chiffres décrivant ou représentant l'ADN.
Dr Peter Bridge: Il est impossible de changer la configuration de l'ADN, mais il serait toujours possible de modifier les chiffres entrés dans la base de données informatiques, effectivement.
M. Peter MacKay: Et la contamination? Est-ce que c'est un facteur qui peut influer sur l'échantillon lui-même? Est-ce que cela peut fausser les résultats?
Dr Peter Bridge: Dans le cas du fichier des condamnés, cela ne devrait pas poser de problème parce qu'il s'agirait d'échantillons de sang frais prélevés sur ces personnes dans des conditions idéales. Les seuls échantillons qui pourraient être contaminés sont ceux qui seraient recueillis sur les lieux d'un crime et qui seraient restés quelque temps par terre, par exemple.
La plupart du temps, s'il y a contamination, il va en résulter un faux négatif. Cela va exclure quelqu'un, mais cela ne peut pas entraîner une fausse concordance, comme on l'a vu dans la fameuse affaire O.J. Simpson. On ne peut pas obtenir une concordance simplement parce que l'échantillon a été contaminé, mais on peut certainement dire qu'il n'a rien à voir avec le suspect.
M. Peter MacKay: La preuve par l'ADN qui a été présentée lors de ce procès, et le procès lui-même, semblent avoir démontré que ce n'est peut-être pas la solution ultime pour résoudre les crimes. C'est une pièce du casse-tête, qui n'aura pas nécessairement dans tous les cas autant d'influence que nous pourrions le croire. Êtes-vous d'accord?
Dr Peter Bridge: Je dirais que, dans un monde idéal où les échantillons seraient prélevés et traités correctement, ce devrait être un outil à peu près infaillible. Mais comme pour tous les autres tests, il est possible que le travail soit mal fait, qu'il soit bâclé. On peut supposer que cet outil sera utilisé pour résoudre des crimes graves, auquel cas il y aura quelqu'un qui prendra le temps nécessaire et fera les efforts voulus pour bien faire le travail; cela devrait être à peu près infaillible à ce moment-là. Nous parlons ici de combinaisons qui ne devraient pas se retrouver sur plus d'une personne sur Terre.
La présidente: Monsieur Maloney.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Mon profil génétique ne devrait être qu'à moi, et à personne d'autre. Mais vous avez dit aussi que nous tenons la moitié de ce profil de notre mère et l'autre moitié de notre père. Qu'est-ce que j'ai de différent de mes frères et soeurs? D'après votre raisonnement, pourquoi n'ont-ils pas le même profil génétique que moi?
Dr Peter Bridge: Quand le père se reproduit, il transmet la moitié de ses gènes. Quand la mère se reproduit, elle transmet la moitié des siens. Les combinaisons varient selon les enfants.
M. John Maloney: Ce n'est pas toujours la même moitié.
Dr Peter Bridge: Non. En moyenne, les frères et soeurs ont la moitié de leurs gènes en commun, mais... Vous possédez deux exemplaires de chaque chromosome, un de votre mère et un de votre père. En moyenne, deux frères n'en ont aucun en commun le quart du temps, un seul la moitié du temps, et les deux le quart du temps. La moyenne est donc de la moitié entre frères et soeurs.
Mais—et c'est pourquoi je parlais tout à l'heure de la possibilité que les analyses soient mal faites—il faut faire des tests approfondis pour le savoir. Les frères et soeurs devraient toujours avoir un profil différent.
M. John Maloney: Comment est-il possible d'effectuer les analyses plus ou moins bien? En quoi consistent ces analyses?
Dr Peter Bridge: Il s'agit d'une série de tests indépendants. Pour établir un profil génétique, on examine jusqu'à dix gènes différents, dont chacun peut donner un résultat semblable pour environ 10 p. 100 de la population. Si vous et moi subissions tous deux des tests touchant un seul gène, les chances de concordance seraient de 10 p. 100. Mais si les tests étaient effectués sur deux gènes, les chances de concordance entre nous deux ne seraient plus que de 1 p. 100 environ. S'ils portaient sur dix gènes, les chances que les gènes soient identiques pourraient être réduites à une sur 10 milliards. Plus le nombre de gènes analysés est élevé, plus les résultats sont probants. Mais si vous êtes une société privée qui n'est là que pour faire de l'argent, et si vous n'effectuez que le minimum de tests pour augmenter vos profits, il est possible que vous obteniez une fausse concordance et que la probabilité ne soit pas extrêmement forte. Mais si vous faites les choses comme il faut, vous allez probablement analyser dix gènes différents, et les chances d'une fausse concordance vont se situer aux alentours d'une par milliard.
Si vous voulez faire mieux, vous n'avez qu'à analyser plus de gènes. Si vous en analysez 20, vous obtenez une probabilité d'un million de fois un million de fois un million de fois un million... Vous pouvez aller aussi loin que vous le voulez, à condition d'avoir l'argent nécessaire.
M. John Maloney: Si je suis votre raisonnement, six personnes différentes qui analyseraient le même échantillon de sang devraient théoriquement arriver au même résultat.
Dr Peter Bridge: Si vous voulez parler de tests normalisés effectués dans des laboratoires de qualité comparable, le résultat devrait effectivement être le même. Et c'est là qu'il est intéressant de pouvoir communiquer un profil à quelqu'un d'autre, pour savoir s'il y a concordance ou pas.
M. John Maloney: Pour obtenir des échantillons, il est possible de procéder à un prélèvement de gorge, de prendre un follicule pileux ou de faire une prise de sang, et il pourrait y avoir d'autres méthodes à mesure que la technologie évoluera. À l'heure actuelle, laquelle de ces trois méthodes est la meilleure? Devrions-nous toujours employer la meilleure? Quels inconvénients y a-t-il à prendre par exemple un follicule pileux plutôt qu'un échantillon de sang?
Dr Peter Bridge: Personnellement, quand nous faisons des analyses génétiques pour détecter des maladies, je préfère toujours prendre du sang.
M. John Maloney: Mais il est question ici d'identification.
Dr Peter Bridge: Oui. Je pense que le sang est supérieur. Évidemment, il faut piquer quelqu'un avec une aiguille pour l'obtenir, ce qui est plus effractif qu'un prélèvement par grattage. Je préférerais personnellement me servir du sang, parce qu'on sait qu'il provient bien de la personne visée. Les possibilités de contamination de cellules obtenues par grattage sur une joue sont minimes, mais elles existent.
M. John Maloney: Et les follicules pileux?
Dr Peter Bridge: Encore là, les follicules pileux devraient permettre d'établir un profil propre à la personne visée, dans la mesure où il faut tirer fort pour les obtenir et où on ne se contente pas de prendre des cheveux ou des poils se trouvant sur la personne en question. Mais la quantité d'ADN qu'il est possible d'en tirer est limitée. Elle est beaucoup plus élevée quand on prend du sang; c'est donc une meilleure substance pour ces fins.
M. John Maloney: Si le sang est préférable, devrions-nous effectuer les analyses uniquement avec des échantillons de sang?
Dr Peter Bridge: Je ne dirais probablement pas qu'il faudrait prendre uniquement des échantillons de sang, mais j'aurais certainement tendance...
M. John Maloney: À établir certaines limites?
Dr Peter Bridge: À mon avis, il faut laisser à ceux qui administrent la chose le soin de prendre leurs propres décisions. Je préférerais que les analyses soient faites avec du sang. Mais si les seules preuves recueillies sur les lieux du crime sont des poils, il serait possible non seulement d'établir un profil génétique à partir des cellules provenant de la racine d'un de ces poils, mais également de comparer la morphologie d'un poil prélevé sur le suspect à celle d'un poil trouvé sur les lieux du crime. Donc, en ce sens, cela pourrait être un meilleur matériau de comparaison.
M. John Maloney: Devrions-nous prendre les trois substances?
Dr Peter Bridge: À mon avis, un échantillon de sang serait certainement suffisant. Je ne vois vraiment pas ce qui pourrait nous échapper si nous analysions du sang.
M. John Maloney: Merci, madame la présidente.
La présidente: Est-ce que mes frères, qui sont des jumeaux identiques, ont le même ADN?
Dr Peter Bridge: S'ils sont jumeaux identiques, oui. Le seul cas où le profil génétique est semblable est celui des jumeaux identiques.
La présidente: Ils sont tous les deux entrepreneurs de pompes funèbres.
Monsieur Marceau.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Je voudrais d'abord remercier Mme la présidente de la question qu'elle vient de poser car j'allais justement la poser moi-même, étant très intéressé par ce sujet.
J'ai été également très intéressé par la présentation, particulièrement par l'aspect scientifique du problème. La première chose qui m'a frappé dans votre exposé, c'est qu'on peut analyser l'ADN de toute une famille lorsqu'on analyse l'ADN d'un seul membre de la famille.
Étant donné que le but du projet de loi est de protéger la vie privée d'un individu, je pense qu'il faudrait aller plus loin et protéger aussi la vie privée des autres individus composant la famille.
• 1620
Ma préoccupation principale étant la protection de
cette vie privée, je voudrais avoir votre point de vue
professionnel de généticien médical. Est-ce que
l'administration d'une banque de données d'ADN ne
devrait pas être confiée à une agence indépendante de
la police plutôt qu'aux
policiers eux-mêmes?
[Traduction]
Dr Peter Bridge: Le profil génétique dont j'ai parlé est propre à chaque personne, mais les personnes qui lui sont apparentées en partagent certains éléments. Il n'y a pas de concordance parfaite entre mon profil et celui de mon frère ou de mon enfant, mais en moyenne, ils correspondent à 50 p. 100. Il y a donc un certain chevauchement.
Quant à savoir si la banque de données devrait être administrée directement par la police ou s'il faudrait confier cette tâche à un autre organisme, je vous renvoie au document que nous avons déjà soumis. Je sais que certains membres du collège que je représente en ont déjà parlé.
Nous avons écrit l'an dernier que, si les échantillons biologiques étaient conservés, ils devraient être confiés à un organisme indépendant, mais je pense que le projet de loi a été modifié à cet égard. Il prévoit maintenant la destruction des échantillons biologiques une fois le profil établi.
Je m'excuse; je ne trouve rien ici. Je vais donc vous répondre en mon nom personnel, plutôt qu'au nom de mon organisme. Si ce que je dis diffère de ce qui se trouve dans le document écrit, je vous prie de vous en tenir à ce document, parce que je suis ici pour représenter un organisme qui a exprimé une opinion collective sur papier; ce ne sont pas mes idées personnelles qui priment.
Personnellement, je n'ai pas d'objection à ce que la police administre la banque de données. Je pense que c'est un choix évident et que les policiers sont tout à fait qualifiés pour le faire. Tout ce que j'ai dit aujourd'hui, c'est qu'ils doivent comprendre exactement ce qu'ils administrent et quels renseignements supplémentaires cette banque de données peut receler. Mais je pense que les scientifiques de la GRC seraient tout à fait qualifiés pour assumer cette tâche.
[Français]
M. Richard Marceau: Le projet de loi parle d'inaccessibilité des fichiers des condamnés dans les cas d'annulation de déclaration de culpabilité, d'absolution et dans d'autres cas. Selon vous, ne devrait-on pas parler de destruction des fichiers des condamnés en cas d'annulation de déclaration de culpabilité ou d'absolution au lieu d'inacessibilité, car, comme vous l'avez dit, l'information qui sera gardée pourra servir à autre chose dans un avenir qui pourrait être très proche?
[Traduction]
Dr Peter Bridge: Oui. Je suis d'accord avec vous.
[Français]
M. Richard Marceau: Nous savons tous que vous êtes un professionnel de la santé, et je voudrais que vous nous donniez votre avis. À l'heure actuelle, le projet de loi prévoit que ce sera un officier de la paix, un policier qui prélèvera les échantillons. On parle de sang, bien sûr, mais on pourrait aussi parler de cheveux, de salive ou d'autres fluides. Serait-il préférable, d'après vous, que ce soit un professionnel de la santé qui prélève les échantillons plutôt qu'un policier qui n'est pas nécessairement entraîné ou qui n'a pas la même technique qu'un professionnel de la santé?
[Traduction]
Dr Peter Bridge: Il me semble que le projet de loi prévoit que le policier peut soit prélever les échantillons lui-même, soit demander à un professionnel de le faire sous son autorité, auquel cas il fera office de témoin.
[Français]
M. Richard Marceau: Mais vous croyez qu'un policier pourrait physiquement faire la prise de sang et qu'un entraînement sommaire suffirait pour que le policier puisse le faire? Ne pensez-vous pas qu'il vaudrait mieux que ce soit un infirmier ou une infirmière?
[Traduction]
Dr Peter Bridge: Pour le genre d'échantillon dont il est question dans le projet de loi, il faut d'abord nettoyer la peau, la piquer avec un instrument pointu appelé «lancette» et prélever du sang à la surface de la peau. Je pense qu'un policier pourrait le faire avec un entraînement sommaire.
Mais s'il faut piquer une aiguille dans le bras de quelqu'un, je pense qu'il faut une formation un peu plus poussée, surtout si la personne sur laquelle le sang doit être prélevé n'est pas particulièrement coopérative—quoique le fait d'avoir une aiguille dans le bras soit une bonne raison de rester tranquille. Évidemment, il ne faut surtout pas blesser cette personne en faisant le prélèvement.
Pour ce qui est des prélèvements prévus dans le projet de loi, je pense que les policiers pourraient certainement les faire eux-mêmes; mais il me semble qu'ils peuvent quand même demander à une infirmière ou à un phlébotomiste professionnel de les faire sous leur supervision.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Marceau.
Monsieur Telegdi.
M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente. Je suppose que nous savons maintenant pourquoi vos frères avaient le dessus sur vous quand vous étiez petits.
La présidente: Ils ont été adoptés.
Des voix: Ah, ah!
M. Andrew Telegdi: Vous avez parlé des possibilités d'abus; or, je me rends compte que nous n'avons aucune loi empêchant de se servir des profils génétiques à mauvais escient. Quand vous avez dit qu'un agent d'assurances pourrait y voir un outil très utile pour déterminer les risques, je suppose que cela pourrait aussi s'appliquer à quelqu'un qui chercherait un nouvel employé.
Puisque les possibilités de la science augmentent de manière exponentielle, ou explosive pour reprendre votre propre terme, serait-il sage que nous adoptions une loi visant à protéger la vie privée à cet égard? La situation pourrait tourner au cauchemar un de ces jours.
Dr Peter Bridge: Absolument. J'ai témoigné l'an dernier, à peu près à la même époque, devant un comité itinérant qui examinait les questions liées à la protection de la vie privée. Il s'agissait d'une commission de la vie privée et des droits de la personne, ou quelque chose du genre; j'oublie son nom exact. On nous avait envoyé à l'avance trois scénarios comme base de discussions. Un de ces scénarios portait sur quelqu'un qui, après une analyse génétique, avait perdu son emploi, le droit d'assurer sa maison, et ainsi de suite.
Effectivement, nous avons grand besoin d'une loi portant sur toutes ces questions. Il y en a déjà eu plusieurs ébauches. La Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a présenté un excellent rapport, mais seules quelques-unes de ses recommandations ont été mises en oeuvre, habituellement à la suite d'une crise. Nous ne faisons rien jusqu'à ce que quelqu'un clone une brebis et, tout à coup, nous nous dépêchons d'adopter des recommandations soumises trois ans plus tôt.
Oui, nous avons désespérément besoin d'une loi sur l'ADN et la protection de la vie privée. J'en ai vu des ébauches ici et là à bien des endroits.
Si vous me demandez ce que le gouvernement devrait faire, je dirais qu'il devrait voir à ce que toutes ces ébauches venant de plusieurs gouvernements différents soient menées à terme de manière à ce que nous ayons quelque chose en place le plus tôt possible.
M. Andrew Telegdi: Merci.
Pour consultation future, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Telegdi.
Y a-t-il d'autres questions?
Docteur Bridge, je vous remercie beaucoup de votre contribution, qui nous a été très utile. Nous pataugeons un peu, dans ce domaine. Votre témoignage était fascinant, et nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.
Dr Peter Bridge: Merci.
La présidente: La séance est levée.