Passer au contenu

JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 mai 1998

• 0907

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous poursuivons notre examen du Budget des dépenses. Aujourd'hui, nous accueillons, du Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale, MM. Guy Goulard et Denis Guay, commissaire et sous-commissaire respectivement.

Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Avez-vous un exposé à faire?

M. Guy Goulard (Commissaire à la magistrature fédérale): Oui, nous en avons un.

La présidente: Je vous cède donc la parole.

M. Guy Goulard: Je précise au départ, madame la présidente, à quel point je me réjouis, quelques années plus tard, après les élections et tous les émois qui ont secoué la ville, de me retrouver ici, devant vous.

[Français]

Je m'appelle Guy Goulard et je suis commissaire à la magistrature fédérale depuis quatre ans. Je suis accompagné de Me Denis Guay, qui est sous-commissaire depuis 1989.

Nous sommes heureux d'avoir encore une fois l'occasion de venir vous informer du mandat et de la mission de notre organisation et de notre bureau.

Je me propose donc de vous faire une courte présentation concernant notre bureau et nos activités et de répondre ensuite à vos questions.

Le texte de cette présentation vous sera distribué, en français et en anglais, après ma présentation.

Nous sommes aussi accompagnés de M. Wayne Osborne, qui est notre chef des finances. Si vous avez des questions touchant plus particulièrement aux finances, il pourra nous aider à vous répondre.

[Traduction]

Notre bureau, tel que décrit à l'article 74 de la Loi sur les juges, a une triple mission. Il voit tout d'abord à l'application de la partie I de la Loi sur les juges, c'est-à-dire à l'administration des traitements et indemnités payés aux juges nommés par le gouvernement fédéral. Ensuite, il établit le budget et prend les mesures d'ordre administratif qui s'imposent pour la Cour fédérale, la Cour canadienne de l'impôt et le Conseil canadien de la magistrature. Enfin, le commissariat accomplit les missions que lui confie le ministre de la Justice, dans le cadre de sa compétence, pour assurer la bonne administration de la justice au Canada.

• 0910

Notre bureau est responsable d'administrer une enveloppe budgétaire d'environ 270 millions de dollars, représentant en grande partie les traitements et indemnités des juges nommés par le gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les juges. Nous avons un effectif de 50 employés environ répartis entre nos cinq grands secteurs d'activité.

Il y a le Secrétariat des nominations à la magistrature qui est la porte par laquelle entrent nos clients. La loi exige des candidats à la magistrature qu'ils soient membres en règle du barreau d'une province ou d'un territoire depuis au moins 10 ans ou qu'ils aient été membres d'un barreau et juge d'une cour provinciale pendant au moins 10 ans. Les intéressés doivent remplir «la fiche du candidat» fournie par notre bureau.

Les candidatures sont ensuite évaluées par un des quinze comités créés au Canada par le ministre de la Justice. En effet, il y a un comité consultatif dans chaque province et territoire, auxquels on a ajouté deux comités en Ontario et un autre au Québec en raison du grand nombre de candidatures dans ces provinces et du besoin d'assurer une meilleure représentation régionale.

Chaque comité est composé de sept membres, le ministre Rock en ayant ajouté deux lorsqu'il était responsable du portefeuille. Il comprend donc un juge, trois avocats et trois non-juristes. Le ministre en choisit trois, deux étant des non-juristes et un, un avocat. Dans chaque province, le juge en chef, le procureur général, la division provinciale de l'Association du Barreau canadien et le barreau de la province sont invités à fournir une liste de noms à partir de laquelle le ministre choisit les quatre autres membres.

Ces comités siègent périodiquement et, après un long processus de consultations auprès des membres de la magistrature, du barreau et du grand public, ils évaluent les candidats en fonction de quatre critères, soit la compétence en droit, l'expérience juridique, le caractère et le tempérament.

Après consultation et délibérations, les comités font, par l'intermédiaire de notre bureau qui agit comme secrétariat, une de trois recommandations au ministre: soit que la candidature est fortement recommandée, simplement recommandée ou qu'elle est rejetée. Bien que la loi ne les y oblige pas, les ministres précédents et la ministre actuelle ont nommé, depuis la mise en place du processus, seulement les candidats fortement recommandés ou recommandés, ou encore ils en ont conseillé la nomination.

Je signale à titre indicatif que pendant l'année 1997 nous avons reçu 317 demandes, dont 106 candidats ont été fortement recommandés ou recommandés et 167, non recommandés, ce qui donne un taux de rejet d'un peu plus de 61 p. 100.

Cette même année, il y a eu 37 nominations fédérales. Il est important de noter que, pour la première fois depuis plusieurs années, le nombre de demandes a diminué, passant de 353 en 1996 à 317, l'année suivante. Nous ne savons pas encore s'il faut y voir une tendance.

[Français]

Les services administratifs à la magistrature: Cette section s'occupe de tout ce qui concerne personnellement les juges, ce qui veut dire la préparation de tous les documents de base pour les arrêtés en conseil portant sur les nominations et les mises à la retraite, les congés, les périodes additionnelles pour les allocations et finalement tout ce qui touche aux comptes d'indemnité et au traitement des juges. Je pourrais mentionner que, l'an dernier, nous avons payé environ 20 000 comptes de dépenses.

[Traduction]

Les Services des politiques et de gestion regroupent nos divisions du personnel, des finances, des services informatiques et de l'administration. Ils sont aussi responsables d'élaborer de nouvelles politiques et de nouveaux programmes, tels que notre nouveau projet pilote de réseau électronique pour la magistrature, et de mettre en oeuvre le Programme national de consultation pour la magistrature et notre Programme de services de voyage à l'intention de la magistrature. Je vous reparlerai de ces programmes tout à l'heure.

• 0915

La quatrième section s'occupe de publier les motifs des jugements rendus par la Cour fédérale du Canada. Le ministre de la Justice, dans l'exercice des fonctions que lui confie la Loi sur la Cour fédérale, a nommé un de mes employés directeur officiel de la publication de ces recueils. Ce mandat date de 1978. Il faut mentionner aussi que les recueils de la Cour fédérale sont publiés sur l'Internet depuis août 1996.

[Français]

Finalement, la formation linguistique: Ce programme fut créé en 1978, lorsque la formation linguistique des juges est devenue la responsabilité de notre bureau après avoir été celle de la Commission de la fonction publique. L'objectif principal de ce programme consiste à permettre aux juges d'améliorer leur connaissance des deux langues officielles et, pour ce faire, à organiser des cours. Le programme comprend trois genres de cours: la formation en anglais juridique pour les juges francophones; l'inverse, c'est-à-dire la formation en français juridique pour les juges anglophones; et finalement, un programme de formation pour les juges francophones des provinces où le common law s'applique afin de les aider à se familiariser avec la terminologie juridique française. Ces juges ont reçu leur formation en anglais et ont souvent exercé leur profession en anglais.

En 1997-1998, 305 juges de nomination fédérale, donc à peu près un tiers des juges fédéraux, et 47 juges de nomination provinciale ont participé à ce programme.

C'était là un bref sommaire de nos domaines d'activité. J'aimerais maintenant ajouter quelques précisions concernant des projets entrepris récemment afin d'augmenter les services destinés aux membres de notre magistrature.

[Traduction]

Côté exploitation de la technologie, notre bureau a conçu et mis au point un Réseau électronique de la magistrature informatisé (REMI)—le JAIN en anglais—qui sert de projet pilote en vue de mettre en place un réseau beaucoup plus étendu de communication qui, en fin de compte, reliera entre eux tous les juges nommés par le gouvernement fédéral du Canada. Ce projet pilote est actuellement utilisé par un peu plus de 500 juges, c'est-à-dire par la moitié environ des juges de nomination fédérale. Il s'est révélé un moyen précieux d'échanger de l'information confidentielle. Il met également à leur disposition des groupes de discussion. On compte actuellement 10 groupes favorisant la discussion sur des sujets comme la déontologie judiciaire, le droit pénal, le droit familial.

Il offre aussi, en plus d'un service de courrier électronique, une bibliothèque virtuelle dans laquelle nous versons les documents préparés pour les programmes de formation de la magistrature et d'autres documents préparés par des juges ou par des professeurs de droit qui peuvent, selon nous, leur être utiles. Nous travaillons actuellement de concert avec des juges qui sont en train de rédiger des exposés au jury. Cette activité est susceptible de réduire le nombre d'appels, de procès et de dépenses qui en résultent. La nouvelle se répand vite au sein de la magistrature, et notre bureau doit faire face à une forte demande tant en ce qui concerne le niveau de service que le nombre de participants.

À ce sujet, je ferai remarquer que d'autres pays qui ont eu vent de l'existence du réseau, y compris les États-Unis, aimeraient énormément y avoir accès. Cela serait peut-être possible.

En ce qui concerne les vidéoconférences, étant donné la vaste étendue de notre pays et la répartition des magistrats, des juges sont très souvent obligés de se déplacer pour entendre une cause dont l'audience avait été ajournée ou qui est réglée, ce qui entraîne beaucoup de dépenses. Nous travaillons donc de concert avec les autorités fédérales et provinciales compétentes à la mise au point d'un système de vidéoconférences en raison de l'incidence qu'il pourrait avoir sur le coût des déplacements des juges dont nous sommes responsables.

• 0920

En sa qualité d'intervenant, le Bureau du commissaire s'est associé à certaines provinces pour faire l'essai des vidéoconférences à la Cour. Nous avons coordonné nos efforts avec ceux de Travaux publics Canada, d'Industrie Canada et—devrais-je ajouter—de Justice Canada en vue de faire passer la technologie à un stade qui permette de recueillir des données solides sur les économies qu'une utilisation générale de cette technologie pourrait produire. Si en fait les économies sont substantielles, comme nous nous y attendons, nous avons l'intention d'en communiquer les résultats à divers autres organismes, comme les tribunaux et d'autres cours.

Pour ce qui est de la restructuration des services communs centralisés, suite à des pourparlers avec des tiers du secteur privé, nous avons créé un service central de voyage pour les juges. Le système consiste à assurer la prestation de tous les services de voyage, y compris des billets d'avion, des réservations d'hôtel et du transport au sol. C'est essentiellement le même service que ce qu'offre actuellement Riders à la fonction publique fédérale.

Nous avons aussi obtenu pour les juges des cartes de crédit de voyage qui permettent d'obtenir des avances en espèces des guichets automatiques. Le but est de réduire ou d'éliminer la nécessité pour notre bureau de verser des avances de voyage.

Ces initiatives se traduisent déjà par des économies importantes en raison de la baisse des frais de voyage associés aux économies d'échelle ainsi que de la réalisation d'économies directes dues à la réduction du coût de financement des avances permanentes et des avances de voyage faites aux juges.

Dans le cadre de la même stratégie mais sur un autre front, nous avons conclu avec trois petits organismes un accord de prestation de services spécialisés qui leur permet de tirer profit de notre expérience, de notre expertise, et leur donne la possibilité de réduire au minimum leurs frais administratifs. Chacun de ces accords, qui prévoient la prestation de services en fonction du principe du recouvrement des coûts, se traduira pour ces organismes par des dépenses de fonctionnement beaucoup plus faibles que s'ils avaient leurs propres services administratifs.

L'avantage global proviendra des économies d'échelle. De son côté, notre bureau en profite pour accroître ses effectifs et, par conséquent, pour renforcer ses compétences dans des sphères où il était auparavant vulnérable.

[Français]

Voici quelques autres initiatives récentes. Il y a d'abord les mesures de sécurité. Je crois qu'au Canada, c'est une chance que nous ayons eu très peu d'incidents sérieux dans nos tribunaux, mais le risque qu'il s'en produise est certainement très grand. C'est pourquoi, à la suite de discussions portant sur la sécurité du lieu de travail des juges nommés par le gouvernement fédéral, la GRC s'est engagée à prêter son concours à la planification de mesures de sécurité et à faire des exposés en la matière aux juges de nomination fédérale.

Nous nous sommes mis en rapport avec trois provinces et avec la GRC en vue d'obtenir leur aide dans ce domaine. Nous avons aussi distribué à tous nos juges en chef un document préparé par le National Center for State Courts aux États-Unis intitulé Court Security Guide.

Finalement, notre bureau a conclu avec la Conférence canadienne des juges et Corporate Health Consultants Ltd. un accord tripartite qui met à la disposition de tous les juges nommés par le gouvernement fédéral un programme d'aide aux employés. Ce programme, entré en vigueur le 1er juillet 1995, a été bien accueilli par les juges et a été étendu aux juges de nomination provinciale moyennant le recouvrement des coûts.

Finalement, nous avons été amenés à jouer un rôle dans la coopération internationale en matière judiciaire.

[Traduction]

Le juge en chef du Canada nous a demandé de coordonner la participation des juges nommés par le gouvernement fédéral aux programmes et missions de coopération internationale, ce qui comprend souvent, également, des juges de nomination provinciale. La ministre de la Justice a approuvé cette intervention en vertu de l'article 74 de la Loi sur les juges à condition que tous les frais soient assumés par l'ACDI ou les autres organismes plutôt qu'imputés sur notre budget de fonctionnement.

• 0925

À la demande de l'ACDI, notre bureau a élaboré un projet concernant la participation canadienne aux efforts de réforme judiciaire de l'Ukraine. Nous examinons la possibilité d'avoir des programmes semblables dans d'autres pays, notamment en Russie et en Éthiopie pour l'instant.

Nous vous remercions une fois de plus, madame la présidente, de nous avoir donné l'occasion de rencontrer les membres du comité aujourd'hui. M. Guay et moi-même demeurons à votre disposition pour répondre aux questions.

La présidente: Je vous remercie.

Le premier à poser une question sera M. Forseth.

Chers collègues, je tiens seulement à vous faire remarquer que l'organisme reviendra témoigner lors de l'examen de la Loi sur les juges. Par conséquent, si les salaires des juges vous indignent, il vaudrait peut-être mieux attendre que nous examinions cette loi, car d'autres questions sont en jeu ici.

Monsieur Forseth, je vous en prie.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

Comme toile de fond, il faudrait d'abord souligner qu'en règle générale, le public ne fait pas beaucoup confiance à la magistrature. La façon dont les juges sont nommés est selon moi une des choses qui semblent mystérieuses à M. et à Mme Tout-le-monde.

Vous avez décrit comment votre bureau est responsable de l'administration du Secrétariat des nominations à la magistrature qui assure les services de soutien aux quinze comités consultatifs. Vous pourriez peut-être nous décrire simplement avec un peu plus de détails que dans votre exposé la façon dont les juges sont nommés. Vous avez mentionné brièvement quatre critères dont se servent les comités pour essayer d'évaluer les mérites de chaque candidature. Par contre, certains doutes planent quant aux comités comme tels et à leurs préventions en faveur de certains.

Pendant ces explications, j'aimerais que vous nous disiez comment on pourrait améliorer le système en vue peut-être d'accroître la participation directe du public ou d'injecter un peu plus de transparence dans le processus de nomination. Je vous le demande parce que, si le public comprend vraiment comment sont nommés les juges, les nombreux obstacles qu'ils doivent surmonter et les freins et contrepoids qui sont en place, il tiendra peut-être la magistrature en plus haute estime.

Vous avez peut-être des observations utiles à nous faire au sujet de tout ce processus.

M. Guy Goulard: Je suis extrêmement heureux que vous m'ayez posé la question. Je suis entièrement d'accord avec vous que le grand public ne comprend pas comment les juges sont nommés et ne sait pas ce que font les juges. Il ne connaît pas le rôle qu'ils jouent dans notre société. En fait, non seulement le public ne sait pas, mais bien souvent les membres eux-mêmes du barreau l'ignorent, tout comme les parlementaires, malheureusement.

Dans ce domaine, nous n'avons pratiquement rien dépensé pour informer le public du rôle joué par ce troisième organe du pouvoir. C'est quelque chose que notre bureau aimerait vraiment faire. Il contribuerait ainsi à mieux faire comprendre le gouvernement aux Canadiens. Si votre comité peut faire une recommandation en ce sens, nous lui en saurions gré.

Pour ce qui est du fonctionnement des comités, j'aimerais souligner que les sept membres de chacun des quinze comités donnent généreusement de leur temps et qu'ils le font très souvent. Durant certaines consultations, ils communiquent, par téléphone ou autrement, avec 12 à 15 personnes. Il faut aussi qu'ils se préparent pour des réunions—ils y apportent habituellement leurs propres notes manuscrites—et qu'ils assistent à des réunions qui peuvent durer des heures, souvent tard la nuit, en vue de discuter à fond des candidatures.

Il arrive que les candidats soient des candidats idéaux, et leur candidature est vite approuvée, ou qu'ils soient absolument nuls et qu'ils soient rapidement rejetés. Mais, la plupart du temps, les candidatures font l'objet d'un long débat. Les membres des comités iront jusqu'à suspendre leurs travaux pour obtenir plus de renseignements. Le processus fonctionne donc bien. Étant donné la composition du comité qui assure une assez bonne représentation générale, y compris les trois non-juristes, nous sommes convaincus que les choix sont valables.

• 0930

Bien sûr, il y a toujours moyen d'améliorer le processus. Nous avons le droit de rencontrer les candidats, de les interviewer. Jusqu'ici, nous ne l'avons pas fait. Nous n'avons pas encouragé les comités à le faire en raison du coût. Si nous invitions les candidats à assister à une réunion, il serait juste de les dédommager de leurs frais. Chaque année, nous recevons entre 300 et 400 candidatures. Il ne serait pas équitable d'en interviewer seulement certains. On aurait une assez bonne idée de ce qui se passerait.

M. Paul Forseth: Puis-je vous interrompre pour un instant? Ai-je bien entendu qu'il est possible de nommer un candidat sans même l'avoir rencontré?

La présidente: Paul, nous le faisons tout le temps. C'est un moyen de concentrer le pouvoir entre les mains de quelques-uns et de mieux garder le secret. Qui plus est, on ne leur dit même pas si leur candidature a été approuvée ou pas. Ils posent leur candidature—c'est à la présidence de fulminer un peu ce matin—, puis on décide si elle est recommandée, rejetée ou chaudement recommandée. Le candidat lui-même n'en est jamais informé. Pire encore, il n'y a pas de procédure d'appel.

Continuez, je vous prie.

M. Paul Forseth: Certains des...

La présidente: C'est un peu comme le Saint des Saints de la nomination à la magistrature.

M. Paul Forseth: Voilà entre autres ce qui me préoccupe.

La présidente: Un demi de un pour cent des candidatures reçues à Toronto a été rejeté non pas par le comité actuel, mais par son prédécesseur. Qui sait quelles raisons ont motivé ces rejets?

M. Paul Forseth: C'est justement ce dont je parle. J'ai entendu quatre critères. Je me demande s'il existe quelque part, par écrit, une norme quelconque qu'appliquent les divers comités d'un peu partout au pays.

Vu sous l'angle politique qui est le mien, c'est-à-dire sous celui du Parti réformiste, tout ce processus de nomination... Nous essayons toujours d'injecter un peu plus de transparence et d'imposer une certaine obligation de rendre des comptes publics. Bien sûr, pour la Cour suprême du Canada, nous avons préconisé l'établissement d'un comité parlementaire pour en quelque sorte confirmer les nominations. C'est là un point de vue strictement politique.

Sans vouloir jeter le bébé avec l'eau du bain, je tenais à obtenir un peu plus de détails sur le processus et j'aurais aimé que vous nous donniez une idée de ce qui peut être fait pour vraiment améliorer le processus. Comme l'a dit la présidente, le processus semble se résumer à la présentation des candidatures, puis à leur recommandation ou à leur rejet. C'est tout.

La présidente: Ils ne savent même pas si elle est acceptée ou rejetée, Paul. Ils n'en sont pas informés.

M. Paul Forseth: Ils n'obtiennent tout simplement pas de réponse.

La présidente: Ils n'obtiennent absolument rien. On les informe que leur candidature est évaluée dans le cadre d'un processus dont on ne sait rien, auquel participent plus de magistrats et de barreaux que tout autre. C'est un petit cercle fermé.

M. Paul Forseth: D'accord. Souhaitez-vous répondre à certaines de ces observations?

M. Guy Goulard: J'essayerai.

Tout d'abord, je précise que le processus ne comprend pas la Cour suprême du Canada. Je ne commenterai donc pas les nominations à cette cour.

Il est vrai qu'actuellement, les candidats ne sont pas interviewés et ne sont pas informés de la décision. Ils en ont été avisés à un stade antérieur du processus d'évaluation en comité.

La présidente: Cependant, il n'y a pas de procédure d'appel.

M. Guy Goulard: Ceux dont les candidatures ont été rejetées et qui avaient de bonnes relations ont manifestement réagi, et nous avons reçu des demandes de révision.

Certaines possibilités existent. Il est déjà arrivé que nous fassions une révision à la demande du ministre quand il estimait que le comité ne disposait pas de tous les renseignements voulus pour faire son évaluation.

Pour ce qui est de rendre le processus plus transparent ou d'informer les candidats du résultat de l'évaluation, cette décision appartient au ministre; nous ne sommes que le secrétariat. Il faudrait peut-être en parler au ministre. Cela déborde du cadre de notre mandat.

La présidente: Je semble disposer de renseignements privilégiés à cet égard. Laissez-moi vous dire, monsieur, que, bien que la décision relève peut-être du ministre, c'est vous qui administrez le processus.

M. Guy Goulard: C'est juste.

La présidente: Les membres de la magistrature prennent plaisir à dire à d'éventuels candidats que leur nom figure sur ce qu'on appelle la liste restreinte, liste qui n'existe pas. Ils prennent plaisir à informer ces personnes que leur candidature a été acceptée ou recommandée par le comité. D'autres membres du comité ou du barreau ne demandent qu'à informer leurs partenaires de ce qui se passe.

Par conséquent, tout cela finit par se savoir. Vous confirmerez, selon moi, que la raison pour laquelle l'information a été tenue secrète au départ était que les membres du comité ne souhaitaient pas que le processus soit public et qu'ils fassent l'objet de démarches de la part de leurs collègues du barreau.

• 0935

En fait, toutefois, tout finit par se savoir. Les gens apprennent de la manière la plus cruelle que leur candidature n'a pas été jugée acceptable dans le cadre de ce petit processus secret—et sans entrevue. Vous leur envoyez une lettre pour les informer que leur candidature a été évaluée. Vous ne leur dites pas si elle a été recommandée ou rejetée, ni comment en appeler. Vous leur annoncez simplement qu'elle a été évaluée. Vous demandez donc aux gens de se soumettre à un processus secret qui comporte autant de trous qu'une passoire.

M. Guy Goulard: Fort bien. C'est vrai qu'il y a eu des fuites, certaines bien connues.

La présidente: Il y a toujours des fuites. Il y en a pour chaque candidature. Chaque jour, je reçois des appels de personnes auxquelles un membre du comité a dit que leur candidature avait été acceptée ou rejetée.

M. Guy Goulard: Il faudrait que notre bureau fasse enquête, car on souligne constamment l'importance de la discrétion. J'espère que, le plus souvent, il n'y a pas de fuite, mais nous sommes conscients qu'il existe un problème à cet égard.

Très souvent, les candidats ont des amis au sein des comités qui se composent après tout de sept membres. C'est un problème, malgré le fait que nous soulignons l'importance de demeurer discret et la cruauté, comme vous dites, d'apprendre la nouvelle par d'autres.

La question sera examinée lors d'une rencontre des présidents de comité. À notre suggestion, la ministre a invité les quinze présidents à une rencontre en vue d'examiner certains points. Un des principaux points abordés sera certainement l'absolue nécessité d'être discret. Nous examinerons diverses options. Soyez assurés que la communication des résultats en sera une.

À la suite de cette rencontre, la ministre demandera peut-être une révision du processus. Comme je l'ai déjà mentionné, nous sommes le secrétariat. Nous pouvons donc recommander des changements à la politique à la ministre, mais c'est à elle qu'il appartient de prendre la décision.

M. Paul Forseth: Je me contenterai de poser une dernière question, ce tour-ci, avant de céder la parole à d'autres. Je vous la pose directement.

Vos bureaux ont-ils produit des normes écrites pour le processus de sélection, des critères? Sont-ils mis par écrit pour que le comité en Colombie-Britannique suive à peu près les mêmes critères que le comité de la Région atlantique du Canada? Avez-vous de la documentation qui permet à ces comités d'évaluer les candidats?

M. Guy Goulard: Oui. La trousse que nous remettons à tous les membres du comité renferme des lignes directrices sur le processus. Il y a également un formulaire, que nous révisons de temps à autre, sur les critères proposés. Je sais que le formulaire est utilisé par au moins certains membres lors de leurs consultations. Chacun des quatre principaux critères comporte des subdivisions.

Par exemple, sous compétence et expérience professionnelles, nous avons une vingtaine de subdivisions comme compétence en droit, aptitude à exercer un rôle, rédaction d'articles ou spécialisation. Sous caractéristiques personnelles, nous avons honnêteté, intégrité, capacité de prendre des décisions et fiabilité.

Il y a aussi la conscience sociale. Nous accordons plus d'attention que jamais à la question de la conscience sociale, c'est-à-dire déterminer si le candidat est sensibilisé aux questions d'égalité sexuelle et sociale.

Ensuite, nous examinons les obstacles possibles, comme la toxicomanie ou l'alcoolisme, les problèmes de santé, et le manquement aux obligations de soutien financier de la famille. Le document renferme une question précise sur le manquement aux obligations de soutien financier de la famille.

Donc, pour répondre à votre question, oui nous fournissons ce type de documentation et de temps à autre nous revoyons les critères.

M. Paul Forseth: S'agit-il d'un document public auquel les candidats ont accès?

M. Guy Goulard: Oui, il est remis à chaque candidat. Il fait partie de la trousse que le candidat ou n'importe qui peut recevoir.

M. Paul Forseth: Très bien, je vous remercie. Je cède la parole à mon collègue.

La présidente: Je vous remercie.

Je suis désolée de... Il est tôt le matin, la salle est petite et c'est un sujet que je déteste au plus haut point.

M. Guy Goulard: Levons la séance, madame la présidente.

La présidente: Non, je pense que nous allons rester. J'ai quelques questions. Je vais commencer par M. Maloney. Puis M. Lee, vous avez des questions vous aussi.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Vous avez dit que l'égalité sexuelle et sociale fait partie de vos critères de sélection. Comment, en tant que membre du comité, puis-je me faire une idée de l'attitude d'un candidat envers l'égalité sexuelle ou sociale?

• 0940

La présidente: Comment savez-vous qu'ils font partie d'une minorité visible? Vous ne les voyez pas.

M. Guy Goulard: Je sais que la question est posée, au moins par certains membres du comité lors de leurs consultations, à savoir si le candidat est au moins conscient de cet aspect. Nous avons des membres de notre...

M. John Maloney: À qui cette question est-elle posée?

M. Guy Goulard: Aux personnes qui sont consultées.

M. John Maloney: Le barreau, la magistrature, ou le grand public?

M. Guy Goulard: Le barreau, la magistrature, et le public—oui.

M. John Maloney: Je pourrais être un réactionnaire de la pire espèce dans ma tête, mais de toute évidence pour ne pas compromettre ma pratique...

La présidente: Un réactionnaire de la pire espèce, qui cache bien son jeu.

M. John Maloney: Oui, si j'étais un réactionnaire de la pire espèce, qui cache bien son jeu. Comment arrivez-vous à savoir s'il y en a qui ont des préjugés...?

M. Guy Goulard: C'est un problème lorsqu'ils cachent bien leur jeu. Mais j'ose dire que nous les connaissons. Tout le monde connaît des gens qui ne sont même pas conscients des questions d'égalité sociale ou raciale. Certains sont réactionnaires, et je pense que le comité s'efforce de déterminer ceux susceptibles de l'être. C'est tout ce qu'il peut faire, bien entendu. Il ne peut pas faire une évaluation psychologique de chaque candidat mais on essaie au moins de faire ressortir ce genre de choses.

M. John Maloney: Devrions-nous faire une évaluation psychologique de chaque candidat? Nous voulons les meilleurs candidats pour la magistrature.

M. Guy Goulard: Nous devrions d'abord évaluer ceux qui feraient l'évaluation. J'espère que nous n'en arriverons pas à devoir faire l'évaluation sociale non seulement des membres de la magistrature mais des membres de la fonction publique ou du Parlement.

C'est une question difficile mais au moins il existe maintenant un effort en ce sens et un programme est en train d'être mis au point par l'Institut national de la magistrature pour offrir un cours de perfectionnement psychosocial à tous nos juges une fois qu'ils sont nommés.

M. John Maloney: Cette formation est-elle obligatoire?

M. Guy Goulard: Non, elle ne l'est pas. Aucune formation judiciaire n'est obligatoire. La démarche consiste à présenter, dans la plupart des programmes offerts un peu partout au pays, un aspect qui traite de la sensibilisation à ces questions. Je ne peux qu'applaudir cette initiative. Elle n'émane pas de mon bureau mais de l'Institut national de la magistrature. J'ai vu certains de leurs programmes et ils sont extrêmement bien faits.

M. John Maloney: Un candidat sera coté comme fortement recommandé, recommandé ou sans recommandation, et vous choisissez parmi les deux premières catégories. Pourquoi ne pas choisir uniquement des candidats qui se classent dans la toute première catégorie, c'est-à-dire fortement recommandé?

M. Guy Goulard: Pour un certain nombre de raisons. On pourrait avoir besoin d'un juge à Sudbury, ma ville natale, qui, de préférence, devrait être bilingue et une femme parce qu'ils n'ont que des hommes, par exemple. Dans ce cas, le seul candidat fortement recommandé ne correspondrait pas forcément à ce profil bien qu'un candidat recommandé puisse être très bon et correspondre aux autres catégories.

Il est important que la ministre ait cette marge de manoeuvre. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'une nomination du Cabinet sur la recommandation de la ministre. Je ne voudrais donc pas recommander que nous limitions le choix de la ministre à un seul nom. C'est une raison importante.

Puis, comme il s'agit d'un choix subjectif au niveau du Cabinet, il est aussi parfois subjectif, même s'il fait très bien son travail, au niveau du comité. La loi prévoit un mode de nomination des juges, c'est-à-dire par le Cabinet. Nous ne devrions pas imposer au Cabinet ou à la ministre seulement une poignée de candidats. C'est mon opinion.

M. John Maloney: Existe-t-il des programmes destinés à solliciter la candidature d'avocats autochtones pour la magistrature? Nous avons parlé de formation linguistique. Y a-t-il d'importants programmes concernant nos langues autochtones, les Inuits ou les Dénés, ou la diversité des langues empêche-t-elle de faire quoi que ce soit à cet égard?

• 0945

M. Guy Goulard: Nous avons communiqué avec un certain nombre d'associations autochtones et offert de prendre la parole devant leurs groupes. Nous avons publié des annonces dans leurs propres publications sur le processus de nomination à la magistrature, en soulignant l'importance d'axer nos efforts sur des groupes qui ne sont pas représentés ou qui ne sont pas suffisamment représentés. On s'est donc efforcé de le faire.

Malheureusement, le nombre d'avocats autochtones possédant au moins 10 années d'expérience reste extrêmement faible. Très souvent, ils exercent déjà le droit dans leur collectivité et sont encore relativement jeunes. Il est donc difficile de les attirer vers cette profession, aussi difficile que de recruter des femmes il y a une vingtaine d'années. Lorsque j'ai été convoqué au Barreau, il n'y avait qu'une poignée de femmes sur les 250 personnes présentes. Aujourd'hui, elles en représentent la moitié. Il n'est donc pas étonnant que le pourcentage de femmes dans la magistrature augmente. La ministre actuelle et ses prédécesseurs se sont occupés de ce problème en essayant de recruter des candidats parmi des groupes sous-représentés.

M. John Maloney: Quel est leur nombre à l'heure actuelle?

M. Guy Goulard: Dans la magistrature à l'heure actuelle?

M. John Maloney: Oui.

M. Guy Goulard: À l'heure actuelle, nous avons un total de 990 juges dont 185 sont des femmes, ce qui équivaut environ à 30 p. 100.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Combien sont des membres de minorités visibles?

M. Guy Goulard: Parfois, il n'y a aucune façon de déterminer s'il s'agit d'un membre d'une minorité visible. Parfois, c'est clair. Cependant, par exemple, j'ai assisté récemment à une réunion d'un comité où j'ai eu l'occasion de rencontrer le juge en chef de la province pendant la journée, qui m'a dit «En passant, nous savons qu'une avocate de la région a posé sa candidature. Elle est d'origine chinoise et c'est une très bonne avocate».

Le comité a donc tenu sa réunion et cette candidate a été recommandée, et personne... Les candidats sont invités à indiquer s'ils appartiennent à une minorité visible. Cette personne ne l'avait pas indiqué, par choix, et personne à la réunion n'en était conscient. Donc après la réunion, j'ai soulevé la question. «N'est-elle pas...?» «Ah oui, elle est d'origine chinoise.» J'ai donc proposé que le comité le souligne car cela est important pour la ministre.

Nous n'avons donc pas cela. Nous savons que nous avons quelques juges d'origine chinoise, quelques juges de race noire. Nous avons quelques Autochtones, mais ils sont très peu nombreux.

Mme Eleni Bakopanos: J'ai une petite observation—sur le formulaire il y a...

M. John Maloney: Madame la présidente?

Mme Eleni Bakopanos: Je suis désolée.

La présidente: Vous pourriez peut-être laisser M. Maloney terminer.

Mme Eleni Bakopanos: Je poserai ma question après. Je poursuivais sur ma lancée. Je suis désolée.

M. Guy Goulard: J'aimerais simplement ajouter à nos chiffres du 1er avril. J'aimerais vous donner aussi les chiffres au 1er août 1995, pour vous permettre de faire la comparaison. À cette date, nous avions 979 juges dont 145 femmes. Nous avons donc une vingtaine de juges de plus au total et le pourcentage de femmes...

La présidente: Il est nettement inférieur à 30 p. 100.

M. Guy Goulard: Le pourcentage actuel? Quel est-il à l'heure actuelle?

La présidente: Il est d'environ 20 p. 100.

M. Guy Goulard: Il a donc augmenté puisqu'il était de 12 p. 100 il n'y a que quelques années. Nous nous efforçons donc d'augmenter ce pourcentage.

M. John Maloney: Comment une plainte d'inconduite judiciaire est-elle déposée devant le Conseil canadien de la magistrature? Quelle est votre interprétation de l'inconduite judiciaire et quels sont vos pouvoirs pour traiter ce genre de cas?

M. Guy Goulard: J'ai le plaisir de dire que je n'ai aucun pouvoir. Toute cette question de déontologie judiciaire relève exclusivement du Conseil canadien de la magistrature. La loi prévoit que n'importe qui peut déposer une plainte auprès du Conseil de la magistrature. Elle doit être présentée par écrit. Bien que nous fournissions les ressources au Conseil de la magistrature, nous n'avons absolument aucun rôle à jouer dans l'évaluation d'une plainte.

M. John Maloney: Êtes-vous au courant de leurs activités? Que considèrent-ils comme des cas d'inconduite judiciaire, et quels pouvoirs ont-ils?

M. Guy Goulard: Je ne...

M. John Maloney: Vous ne pouvez pas y répondre.

M. Guy Goulard: Je ne connais pas bien...

M. John Maloney: C'est très bien.

• 0950

M. Guy Goulard: On nous demande de rester totalement à l'écart des activités du Conseil. C'est donc une question qu'il faudrait poser au Conseil.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Madame la présidente, je pense que c'est l'occasion tout indiquée de rendre publiques certaines informations qui ne semblent pas connues.

Au cours de mes années ici, j'ai reçu de nombreuses demandes de renseignements et la plupart des renseignements que j'ai réussi à fournir sont simplement anecdotiques. Donc, si nous faisons notre travail correctement ce matin, nous pourrons citer les sources sûres que nous assurent ces délibérations.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais poser quelques questions au sujet du comité consultatif. Pourquoi y a-t-il 15 régions, ou 15 comités?

M. Guy Goulard: Tout d'abord, nous en avons un par province et territoire, ce qui fait douze, puisque chaque Barreau est différent, évidemment. Un autre comité a été ajouté pour le Québec et deux autres pour l'Ontario, essentiellement à cause du nombre. Comme les membres du comité sont des bénévoles, si un seul comité s'occupait de toutes les demandes en Ontario, il devrait siéger plusieurs fois par mois.

M. Derek Lee: Est-ce que tous les membres qui siègent au secrétariat sont des bénévoles? Ils ne reçoivent aucune rémunération?

M. Guy Goulard: Aucune rémunération. Nous payons leurs dépenses.

M. Derek Lee: Donc, vous payez leurs dépenses.

M. Guy Goulard: Oui.

M. Derek Lee: Et qui nomme les membres du Secrétariat des nominations à la magistrature? Est-ce le nom exact?

M. Guy Goulard: Le Comité consultatif sur les nominations à la magistrature fédérale.

M. Derek Lee: Qui nomme ces bénévoles à ce comité?

M. Guy Goulard: Ils sont tous nommés par la ministre...

M. Derek Lee: La ministre de la Justice.

M. Guy Goulard: Mais elle doit en choisir quatre à partir de listes fournies par le juge en chef de la province, le bureau provincial du Barreau canadien, l'ordre provincial des avocats et le procureur général de la province. Donc, ces cinq personnes ou institutions fournissent des listes. Certaines listes ne contiennent qu'un seul nom, et la ministre doit alors demander d'autres noms si elle le souhaite.

Les trois autres sont choisis par la ministre. Deux de ces trois membres choisis par la ministre ne sont pas de la profession et l'un est avocat.

M. Derek Lee: Je vous remercie. Si quelqu'un voulait être juge, comment procéderait-il pour en faire la demande officielle? Je sais qu'il n'existe pas de processus officiel de demande, mais disons qu'une personne soumet sa candidature à un poste de juge.

M. Guy Goulard: Il s'agit d'une procédure formalisée. Nous n'appelons pas ça une demande mais une fiche d'antécédents personnels. La personne communique avec notre bureau et nous envoyons au candidat les formulaires ainsi que les lignes directrices, un document qui décrit le processus et une copie des critères d'évaluation. Le candidat remplit alors la fiche et nous la renvoie.

Nous vérifions auprès de l'ordre des avocats si le candidat possède 10 années d'expérience au Barreau et s'il fait l'objet de mesures disciplinaires de la part de l'ordre des avocats.

M. Derek Lee: Excusez-moi. Cela a lieu après que le candidat vous a renvoyé les documents.

M. Guy Goulard: C'est exact.

M. Derek Lee: Et cela a lieu avant que sa candidature soit soumise au comité.

M. Guy Goulard: C'est exact. Une fois que nous avons fait la vérification auprès du Barreau, une copie de la fiche d'antécédents personnels est remise à chaque membre du comité. Lorsqu'on a un nombre suffisant de candidats, le comité tient une réunion.

Je tiens à souligner que cela est habituellement le processus qui est suivi. Nous recevons parfois une lettre ou un appel d'un avocat, d'un juge ou même d'un membre de la collectivité. Je me rappelle qu'un archevêque nous a écrit pour nous dire qu'il connaissait un excellent avocat et qu'étant donné qu'il était membre d'une minorité visible, il serait un juge remarquable.

Nous communiquons alors avec la personne en question pour lui dire que sa candidature nous a été recommandée. Si cette personne le souhaite, elle peut alors nous renvoyer les formulaires—ce que d'ailleurs nous l'encourageons de faire.

• 0955

M. Derek Lee: Donc, à votre avis, la trousse qui est envoyée est détaillée? Est-ce qu'on y précise tous les renseignements génériques qui doivent être fournis, ou demande-t-on simplement certains renseignements de base en laissant le candidat libre d'envoyer toute autre information qu'il souhaite fournir?

M. Guy Goulard: Elle est assez complète en ce qui concerne le processus, mais on n'y décrira pas en quoi consistera le travail.

M. Derek Lee: Pourrais-je vous demander de fournir une copie de cette trousse au comité?

M. Guy Goulard: Oui, bien sûr.

La présidente: Je pense que M. Lee voulait savoir—je pense qu'il y a eu un malentendu ici, Monsieur Lee—non pas quelle est l'information que vous fournissez au candidat, mais quels sont les renseignements que le candidat est tenu de fournir sur la fiche. J'ai lu la fiche et elle est assez vague.

M. Guy Goulard: Je pense que cette fiche a maintenant 13 pages. On y pose des questions sur leurs antécédents généraux, comme le type de droit qu'ils exercent, des questions pour déterminer s'ils ont des difficultés financières, si le candidat a déjà été condamné pour une infraction criminelle, s'il existe certaines informations qui risqueraient de mettre le candidat, la magistrature ou la ministre dans une situation difficile si elles n'étaient pas mentionnées. Nous songeons à la situation qui s'est produite au Québec. Puis on demande aux candidats pourquoi ils veulent devenir juges; c'est une question à développement.

Ce n'est donc pas complet, mais nous avons amélioré la fiche et nous continuons de l'améliorer. Nous serons heureux de vous en remettre un exemplaire.

M. Derek Lee: Oui, je pense qu'il serait utile de la fournir au comité.

M. Guy Goulard: Et si vous êtes un avocat avec 10 ans d'expérience, nous vous en donnerons un exemplaire supplémentaire.

M. Derek Lee: Nous voudrons peut-être examiner plus attentivement le document et le processus. Ces fiches et cette trousse sont renvoyés au comité, je suppose, et examinés par le comité. Que faites-vous de ces documents une fois que le travail est terminé? Est-ce que vous vous en débarrassez, vous les détruisez, ou les gardez-vous pendant une centaine d'années?

M. Guy Goulard: L'année dernière, nous avons mis sur pied un processus pour détruire les documents. L'évaluation est bonne pour trois ans. Nous avions l'habitude à la fin de ces trois ans d'informer les candidats que l'évaluation n'était plus valable et nous les invitions à soumettre à nouveau leur candidature. Maintenant nous leur disons que cette évaluation est bonne pour trois ans et que c'est à eux de nous relancer. Si nous ne recevons pas de nouvelle demande après les trois ans, nous détruisons le dossier.

M. Derek Lee: Vous avez décrit le protocole ou ce qui se passe lorsque le comité prend une décision et je suppose qu'il avertit le candidat qu'on a étudié sa candidature, un point c'est tout. Est-ce exact?

M. Guy Goulard: C'est exact.

M. Derek Lee: Puis, à un certain moment, il pourrait y avoir un appel téléphonique de quelqu'un indiquant qu'une nomination est en cours ou est imminente. Et il n'y a pas encore eu nécessairement de contact entre le comité et le candidat ou la ministre de la Justice et le candidat. Est-ce exact?

M. Guy Goulard: C'est exact.

M. Derek Lee: Donc, nous procédons à l'aveuglette puisque nous n'avons pas vu le corps, si je puis dire. C'est tout à fait le contraire d'un habeas corpus. Est-ce exact?

M. Guy Goulard: C'est exact.

M. Derek Lee: Également, je tiens à préciser que dans le Règlement de la Chambre des communes, ce comité n'a pas non plus le mandat d'examiner les nominations à la magistrature. Il est expressément exempté de ce rôle général. Cela ne veut pas dire que le comité ne chercherait pas d'autres moyens d'examiner ce genre de choses à un certain moment si nous décidions d'être créatifs. C'est donc un processus assez fermé, sauf dans le cas mentionné par la présidente: le problème des membres du comité consultatif, de certains membres, qui communiqueront les résultats des délibérations du comité—qui les communiqueront de façon informelle. Je suis sûr qu'ils ne le feront pas par écrit.

Donc, vous avez reconnu qu'il y a des fuites dans certains cas, n'est-ce pas?

M. Guy Goulard: Oui, effectivement.

M. Derek Lee: Le Conseil canadien de la magistrature ou le secrétariat ou qui que ce soit ont-ils déjà donné suite à ces fuites pour rappeler ces gens à l'ordre?

M. Guy Goulard: Oui, nous l'avons fait.

• 1000

M. Derek Lee: Pouvez-vous me donner un exemple de la façon dont vous avez tâché de remédier à ce problème?

M. Guy Goulard: Nous espérons avoir remédié jusqu'à un certain point à la situation. Il y a eu entre autres un cas flagrant, puisque le candidat parlait à tous ceux qu'il rencontrait, même à son ministre local, du rejet de sa demande. Cette information était publique avant même que nous ayons communiqué nos résultats à la ministre.

Dans ce cas, le candidat savait essentiellement ce que chaque membre du comité avait dit.

La présidente: Cela se produit constamment, monsieur Goulard. Constamment.

M. Guy Goulard: Ce cas était pire, à mon avis.

La présidente: Cela se produit constamment.

M. Guy Goulard: Pour finir de répondre, je suis me suis rendu, accompagné d'un conseiller judiciaire de la ministre, dans la ville en question et je me suis entretenu avec chacun des membres du comité, individuellement, pour leur expliquer qu'il s'agissait d'un réel problème et qu'il fallait resserrer la sécurité. Tout le monde savait qui était le membre du comité qui avait parlé. Avant qu'ait lieu la deuxième réunion, ce membre du comité avait donné sa démission.

Dans ce cas, je crois que nous avons mis le doigt sur le problème et que nous l'avons réglé. Cependant, nous n'avons trouvé aucun moyen d'assurer que chacun des sept membres des 15 comités...

M. Derek Lee: Vous n'avez trouvé aucun moyen, mais la meilleure solution à laquelle je peux penser consiste simplement à les remercier de leur service, à les renvoyer. Pourquoi ne serait-ce pas possible?

M. Guy Goulard: Dans le cas dont nous avons parlé cela a marché, mais il arrive à l'occasion que nous ne savons pas quoi faire. Des indiscrétions sont commises au sein du Comité. Il y a nécessairement des fuites à des échelons plus élevés.

Nous pouvons simplement imaginer qu'un député essaie d'exercer des pressions sur la ministre pour qu'elle nomme un candidat et que celle-ci ne puisse dire qu'elle ne peut nommer ce candidat. Eh bien! quelqu'un pourrait commettre une indiscrétion et dire que la ministre ne peut nommer le candidat et, à cause de cela le candidat n'est pas recommandé. Il se peut que rien n'ait été dit tout comme il se peut que des choses aient été inventées.

Soixante et un pour cent ne sont pas recommandés. Il y a un problème de fuites d'information que j'aimerais à coup sûr régler.

M. Derek Lee: Remet-on aux membres de ces comités consultatifs un protocole écrit qui leur permet de reconnaître d'emblée si les candidats ont la capacité nécessaire?

M. Guy Goulard: Oui. On le précise à la première réunion. Et on le fait souvent aux réunions courantes. On le souligne plus particulièrement lorsqu'une indiscrétion a manifestement été commise.

M. Derek Lee: D'accord.

La présidente: Puis-je greffer une question à la précédente?

Vous pouvez préciser tout ce que vous voulez, mais un juge qui siège au sein du comité pourrait penser: «Cela ne veut pas dire que je peux pas le dire à mon chef»—

M. Guy Goulard: Non.

La présidente: Laissez-moi terminer—ou un représentant du barreau de l'Ontario siégeant au sein du comité pourrait penser: «Cela ne veut pas dire que je ne peux pas le dire au trésorier ou à mes collègues du Barreau», ou un membre de l'Association du Barreau canadien pourrait penser: «Cela ne veut pas dire que je ne peux pas leur dire».

Le fait est que vous avez ici affaire à un processus secret ou prétendu secret et à ce qui me semblerait un processus fondamentalement injuste pour le candidat. Je vous dis que des indiscrétions sont commises partout.

Je peux vous dire—et je ne tiens pas cette information du cabinet de la ministre ou d'une instance politique de son cabinet, mais du commun des mortels—quels sont ceux dont le nom figure sur la liste à Windsor. Je parie que je peux vous donner le nom de chaque candidat et que je peux vous dire quels sont les commentaires. Tant pis pour la confidentialité! monsieur Goulard.

Je n'accepte pas que la fuite d'information n'entraîne que des problèmes mineurs. Je sais que des problèmes énormes se posent lorsqu'un avocat vient me voir et me dit qu'il sait qu'il a été accepté ou qu'il sait que son nom figure sur la soi-disant courte liste.

Je vous dis, monsieur, qu'un problème sérieux se pose. Cela m'arrive tout le temps parce que je préside le Comité de la justice et que les gens pensent que je participe pour une raison ou pour une autre au processus, ce qui n'est pas le cas. Croyez-moi, je ne suis pas partie au processus.

Le juge en chef de leur région leur a dit que leur figure sur la courte liste. Comment le sait-il? Il ne siège même pas au sein du comité. Il le sait parce qu'un de ses amis le lui a dit. C'est ainsi qu'il le sait. Ils croient tous avoir un rôle à jouer en ce qui a trait à la nomination de ces juges.

• 1005

M. Guy Goulard: Madame la présidente, je vous remercie de partager vos connaissances avec moi.

La présidente: Je l'ai déjà fait.

M. Guy Goulard: Avec moi?

La présidente: Oui, l'année dernière.

M. Guy Goulard: J'en parlerai non seulement à la ministre mais aux 15 présidents de comité que nous rencontrerons à la fin du mois.

La présidente: Nous savons tous que ce sont les comités qui veulent que le processus reste secret. Nous savons tous qu'ils ne veulent pas avoir à faire face à un candidat. Ils ne veulent pas que Derek Lee qui porte sa candidature à un poste de juge se présente devant eux parce que, à Dieu ne plaise, ils devraient répondre de cette décision.

Si les présidents de comité veulent que le processus reste secret, ils devraient peut-être le réexaminer et se demander s'ils veulent ou non siéger au sein du comité. Le processus est peut-être en train de devenir arbitraire.

M. Guy Goulard: Nous disons à chaque membre de comité, qu'il s'agisse d'un juge ou d'un représentant du barreau, que le processus est secret et qu'aucune indiscrétion ne doit être commise. Je sais qu'il y a une différence entre ce que nous leur disons et ce qu'ils en retiennent.

La présidente: Il y a une énorme différence. La politique intervient ici et je ne parle pas des politiques libérales et conservatrices. Il y a aussi la politique du barreau qui est inexplicable et vraiment répréhensible.

M. Derek Lee: C'est peut-être que peu importe le processus...

La présidente: Il y a peut-être un médicament que je peux prendre.

Des voix: Oh, oh!

M. Derek Lee: ... qui est retenu et mis en place, il y a toujours des vainqueurs et des perdants, des candidats retenus et des candidats défaits. Quelqu'un doit prendre la décision et, en fin de compte, la nomination relève de la ministre de la Justice et du Cabinet et non du comité.

Voici la question que j'aurais peut-être dû poser en premier lieu: comment le grand public apprend-il qu'un poste de juge est à pourvoir? N'oubliez pas que ces nominations devraient être—elles le sont du point de vue de la structure et ne sont pas considérées l'être—les plus publiques qu'il puisse jamais y avoir. La personne retenue réglera les litiges pendant un long moment. Même si les juges ne participent à la vie de la communauté ou n'y tiennent pas la vedette politiquement, en ce qui a trait au rôle prépondérant au sein de la collectivité, il s'agit bien sûr d'une nomination très publique.

Par conséquent, le processus qui vise à inciter des candidats à se présenter devrait être relativement public. Dites-moi s'il vous plaît comment le grand public est mis au courant d'un poste à pourvoir au sein de la magistrature.

M. Guy Goulard: Il n'existe pas de processus pour informer le grand public d'un poste à pourvoir au sein de la magistrature fédérale.

M. Derek Lee: Très bien. Votre groupe n'a-t-il jamais fait remarquer qu'il pourrait s'agir d'une lacune possible du système? En tant que député, je dirais de prime abord qu'il s'agit d'une faiblesse.

M. Guy Goulard: Nous n'avons jamais considéré qu'il s'agissait d'une faiblesse. En Ontario, à l'heure actuelle, il doit y avoir plus de 300 personnes dont la candidature a été approuvée, ce qui inclut les juges provinciaux qui présentent leur candidature et ne sont pas soumis à une évaluation. Leur nom est versé automatiquement dans le répertoire.

Nous n'avons pas songé à solliciter de candidatures pour un poste vacant donné. Je ne dis pas que nous ne devrions pas le faire. C'est ainsi que procède la magistrature provinciale dans une certaine mesure.

M. Derek Lee: J'ai l'impression qu'il y a du travail à faire. Il se peut que nous ayons l'occasion, à titre de comité, de faire avancer les choses. Il se peut que nous ayons tous vécu cette expérience, mais je me souviens plus particulièrement de celle-ci. Un juge—une personne qui a été nommée publiquement juge—est venue me demander ce qu'était le processus. J'en connaissais les grandes lignes, mais je me sentais mal à l'aise du fait qu'une personne qui avait toujours respecté les règles du jeu—cette personne en particulier—n'était pas au courant ou n'avait pas été mis au courant ou encore aurait eu de la difficulté à être mise au courant du processus de nomination à une autre charge judiciaire.

Il s'agit-là d'une observation au sujet de ce que nous avons ici et dont a parlé d'un autre point de vue la présidente. Il ne s'agit pas assurément pas d'un processus très bien connu. J'estime qu'il y a une faiblesse et que nous devons la corriger.

• 1010

C'est une tâche que nous accomplirons un autre jour. Peut-être voulez-vous faire des commentaires. Je n'ai plus d'autres questions.

M. Guy Goulard: Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que le grand public et les milieux juridiques font preuve d'une ignorance incroyable, non seulement en ce qui a trait au processus de nomination en particulier mais du système judiciaire en général. C'est un énorme problème. J'aimerais obtenir des crédits pour mettre en place un programme d'information du public. Il faudrait que j'en fasse la demande et que la ministre me confie cette mission, mais c'est une question que je vais aborder avec elle.

Je suis heureux de voir qu'il y aura dans le prochain numéro de La revue du Barreau canadien, qui est distribuée à tous les membres, un article sur le processus de nomination à la magistrature fédérale. Bravo. Enfin. Mais cela a pris beaucoup de temps. Lorsque le journaliste est arrivé à mon bureau pour m'interviewer, je lui ai dit qu'il pourrait écrire une demi-douzaine d'articles sur le système judiciaire. J'espère qu'il va tenir compte de ma suggestion.

Maintenant que j'ai eu l'occasion de rencontrer des membres du système judiciaire de divers pays, je n'ai aucun doute que notre système est le meilleur au monde. Mais j'aimerais que le public sache pourquoi notre système est le meilleur au monde.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente: Combien de candidatures le comité antérieur, et non pas le comité actuel à Toronto, a-t-il rejetées?

M. Guy Goulard: Vous voulez dire à Toronto ou au Canada?

La présidente: À Toronto. L'Ontario compte trois comités, n'est-ce pas? Un pour le centre-sud, un pour le nord et l'autre pour l'est. Il y a un comité qui siège à Toronto et qui examine essentiellement les candidatures de Toronto. Je voudrais savoir combien de candidatures ont été rejetées par le comité antérieur—non pas le comité actuel.

M. Guy Goulard: Il faudrait que je vérifie les données.

La présidente: Pouvez-vous le faire pour moi? J'ai entendu dire qu'il a rejeté près de 80 p. 100 des candidatures.

M. Guy Goulard: Je peux vous donner les données pour 1997, mais ce n'est pas ce que vous voulez.

La présidente: D'accord. Donnez-moi les données pour 1997 et dites-moi combien de candidatures ont été rejetées.

M. Guy Goulard: Vous voulez les données pour le Grand Toronto ou pour le secteur sud? Il y a trois comités.

La présidente: Je pensais qu'il y avait trois comités pour l'ensemble de la province.

M. Guy Goulard: Oui. Il y en a un pour Toronto, un pour le sud et l'ouest, et l'autre pour l'est et le nord.

La présidente: Je veux uniquement les données pour Toronto.

M. Guy Goulard: Nous n'avons reçu que 41 demandes dans le Grand Toronto en 1997.

La présidente: Vous n'avez reçu que 41 demandes.

M. Guy Goulard: Oui. Il y a eu une baisse radicale du nombre de demandes à Toronto, l'année dernière.

La présidente: C'est ce que je voulais savoir. Combien ont été rejetées?

M. Guy Goulard: Vingt-trois.

La présidente: Et l'année précédente?

M. Guy Goulard: Je n'ai pas les données pour l'année précédente.

La présidente: Certains des meilleurs avocats du monde travaillent pour de grands cabinets à Toronto, parce qu'ils peuvent se permettre de les payer. Des gens qui sont payés 400 000 $ pour diriger des cabinets d'avocat, des femmes qui gagnent 300 000 $ ou 400 000 $ par année pour gérer des cabinets d'avocat ont vu leur candidature rejetée par le comité. D'où proviennent ces renseignements? De fuites.

J'ai été très étonnée d'entendre le nom de certaines des personnes dont la candidature a été rejetée, non pas par le comté auquel vous faites allusion, mais par le comité antérieur. J'ai été très étonnée.

J'aimerais voir les données, depuis 1993, pour l'ensemble des comités de l'Ontario. Je veux savoir combien de personnes ont présenté une demande, et combien de candidatures ont été rejetées.

M. Derek Lee: J'aimerais savoir si par «rejetées», vous voulez dire non recommandées.

La présidente: Mais cela équivaut à un rejet, parce que, depuis 1993, aucun ministre de la Justice n'a demandé à ce que l'on procède à un examen. Les Conservateurs l'ont toujours fait, mais pas nous. Ils ne soumettent pas leur candidature à nouveau.

Je veux également savoir pour quels motifs ces candidatures ont été rejetées. J'aimerais savoir, monsieur Goulard, si les candidats ont été rejetés parce qu'ils n'avaient pas, entre autres, d'expérience juridique, ainsi de suite. Après tout, il s'agit ici de la Division générale de la Cour de l'Ontario. Une personne qui gagne 400 000 $ par année et qui gère un grand cabinet d'avocats pourrait sans doute apprendre, en quatre semaines environ, comment instruire un procès. Je veux donc savoir pour quels motifs les candidatures sont rejetées. Je ne veux pas savoir pourquoi un candidat en particulier a été rejeté, mais pourquoi tous ont été écartés.

• 1015

J'aimerais également savoir combien de candidates ont vu leur demande rejetée, combien de femmes présentent une demande, afin que nous puissions déterminer s'il y a un plus faible pourcentage de femmes admissibles qui présentent une demande. Lorsqu'une femme vient me voir pour obtenir des renseignements au sujet du processus de nomination à la magistrature, je n'hésite pas à lui dire à quel point le processus est injuste.

Et j'estime que c'est à cause du comité en place à Toronto qu'il n'y a eu que 41 demandes l'année dernière. Je trouve cela absolument aberrant.

M. Guy Goulard: Je vais être en mesure de vous indiquer, pour chacune des années, combien de demandes ont été reçues et combien de candidatures ont été rejetées. Les données ne sont pas ventilées par sexe.

La présidente: Pourquoi pas?

M. Guy Goulard: Nous calculons le total, par sexe, mais le pourcentage de candidats non recommandés, par sexe...

La présidente: Eh bien, monsieur Goulard, si seulement 41 candidatures ont été soumises...

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Mais sur quelle planète vivez-vous?

M. Guy Goulard: Sur la planète Mars.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Monsieur Goulard, s'il n'y a eu que 41 demandes l'année dernière, vous pouvez savoir combien ont été présentées par des femmes.

M. Guy Goulard: Si nous n'avons pas ces données, c'est parce que l'identité du candidat pourrait, dans certains cas, être dévoilée. Il faut que je consulte le ministre à ce sujet.

Pour ce qui est des motifs, je ne peux pas vous fournir ces renseignements. Cela...

La présidente: Non, je ne veux pas savoir de façon précise pourquoi telle candidature a été rejetée. Je veux tout simplement savoir quels sont les motifs invoqués de manière générale. Je veux une idée générale, monsieur Goulard, pas des précisions. Je veux une réponse générale.

M. Guy Goulard: D'accord. C'est simple. C'est parce qu'ils ne remplissent pas les critères. Mais,...

La présidente: Non, monsieur Goulard, ce n'est pas ce que je veux entendre.

M. Guy Goulard: Je le sais.

La présidente: Je veux savoir si l'on trouve dans les dossiers des commentaires du genre, «n'a pas d'expérience juridique», ou «manque de maturité», ou encore «manque de jugement. Je veux également savoir s'il y a dans les dossiers des commentaires du genre, «malhonnête» ou «attitude qui laisse à désirer» ou «manque de professionnalisme à l'égard de ses collègues». Je veux savoir quel genre de commentaires on retrouve dans les dossiers. Je ne veux pas savoir ce qu'on a dit dans des cas précis; je veux des exemples généraux. Et vous pouvez faire cela pour l'ensemble du Canada, si vous voulez.

M. Guy Goulard: Oui, je peux vous fournir tous ces renseignements.

La présidente: Je ne veux pas savoir quels ont été les motifs invoqués par chacun des comités. Je veux tout simplement avoir une idée des commentaires que l'on fait.

Vous pouvez voir à quel point je me méfie du processus.

M. Guy Goulard: C'est ce que je constate.

La présidente: Et je ne dis pas que c'est votre faute. C'est plutôt à cause de la façon dont le comité a été mis sur pied par le gouvernement qui nous a précédés, et à cause aussi de notre manque de vigilance.

Je m'excuse. Est-ce que quelqu'un d'autre voulait poser une question?

Eleni, vous aviez une question.

M. Guy Goulard: J'aimerais dire, à la décharge du comité, que le processus n'est pas parfait, loin de là. Je suis tout à fait d'accord avec vous: des améliorations s'imposent. Toutefois, la situation s'est beaucoup améliorée, même si elle est encore loin d'être parfaite.

La présidente: Eh bien, vous savez quoi? En dernière analyse, qui est responsable quand un juge commet des erreurs? Le Premier ministre et le ministre de la Justice.

M. Guy Goulard: C'est exact.

La présidente: À mon avis, si nous ne pouvons pas exercer notre pouvoir discrétionnaire quand vient le temps de nommer des personnes, nous risquons de mettre tout le système en péril. Donc, je ne sais pas vraiment si le système, aujourd'hui, est mieux, mais j'aimerais travailler avec vous pour l'améliorer.

Vous voulez invoquer le Règlement, monsieur Lee?

M. Derek Lee: Je voudrais, encore une fois, clarifier un point.

En ce qui concerne les 41 demandes, je pense qu'il serait plus juste de dire que, à cause du délai de trois ans, il faut examiner les données sur trois ou quatre ans avant d'avoir une idée du volume de demandes reçues.

La présidente: C'est vrai, Derek, mais s'il n'y a eu que 41 demandes l'année dernière, c'est qu'il doit y avoir une raison.

M. Derek Lee: Eh bien, il se peut qu'un candidat ait choisi de ne pas présenter de demande cette année-là parce qu'il l'avait déjà fait deux ans plus tôt.

La présidente: Oui, ou peut-être parce qu'il ne voulait pas subir une inquisition...

M. Derek Lee: C'est vrai.

Le témoin a également indiqué qu'il y a des renseignements qu'il ne serait pas en mesure de nous fournir. Comme j'ai l'habitude de le faire...

La présidente: Allez-y.

M. Derek Lee: ... je tiens tout simplement à lui dire qu'un témoin ne peut refuser de fournir des renseignements au comité. C'est ce que précise le Règlement de la Chambre des communes. Le comité convient, tout comme le témoin, qu'il y a certains renseignements qui ne doivent pas être divulgués au public, mais c'est le comité qui décide, conformément au pouvoir que lui confère la Chambre, si ces renseignements doivent ou non être divulgués.

• 1020

Alors je me range à son avis.

M. Guy Goulard: Je pense que nous avons clarifié...

La présidente: Je ne veux pas de précisions, mais seulement les raisons en général, et je n'ai pas l'intention de lâcher prise.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Eleni, cela vous dérangerait de poser vos questions à la fin? Cela vous donnerait le temps de vous préparer.

Madame Finestone.

L'hon. Sheila Finestone: Voulez-vous poser vos questions, monsieur Forseth?

M. Paul Forseth: Non, allez-y.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Merci beaucoup.

J'aimerais savoir quel genre de services vous comptez fournir au Tribunal canadien des droits de la personne en vertu du nouveau projet de loi S-5. Allez-vous être appelé à lui fournir des services?

M. Guy Goulard: Il faudra voir à ce moment-là. Nous ne le savons pas. Nous allons devoir réexaminer les services que nous offrons. Ils n'ont qu'une très petite section pour l'instant. Ils estimaient pouvoir obtenir de meilleurs services de gestion pour leur personnel. Nous nous occupons, pour eux, des questions touchant le personnel et les finances. Nous assurons la tenue de leurs livres, ce qui fait qu'ils ne sont pas obligés d'embaucher des agents du personnel et des finances.

Ils vont peut-être vouloir s'occuper de ces tâches eux-mêmes s'ils prennent de l'expansion.

L'hon. Sheila Finestone: Nous avons de nombreux tribunaux au Canada, que ce soit pour les ports, les transports, ainsi de suite. Vous a-t-on déjà demandé d'assurer la formation des juges qui président ces tribunaux, ou même d'administrer ces tribunaux?

M. Guy Goulard: Il n'en a jamais été question. La seule formation que nous assurons, c'est la formation linguistique. Fait intéressant, j'ai parlé récemment au directeur de ce programme et je lui ai fait part de la possibilité d'offrir la formation à d'autres commissions ou tribunaux, à d'autres avocats du ministère de la Justice ou aux procureurs généraux provinciaux.

Le bilinguisme est officiel au Canada, et ces comités, du moins au palier fédéral, appliquent les lois fédérales. Tous les tribunaux et procureurs provinciaux sont assujettis au Code criminel. J'ai un parti pris, mais je crois qu'ils devraient tous, à tout le moins, avoir la possibilité d'améliorer leur connaissance de la langue seconde.

J'aimerais donc étendre ce programme, en appliquant un système de recouvrement des coûts, aux autres commissions et tribunaux. C'est une option que nous envisageons.

L'hon. Sheila Finestone: Merci. Cela m'amène à ma question suivante.

En tant que présidente du comité des langues officielles, j'aimerais d'abord savoir s'il est nécessaire pour un juge d'être bilingue. Est-ce que la question «Êtes-vous bilingue» figure sur le formulaire de demande?

M. Guy Goulard: Cette question figure sur le formulaire de demande. Nous leur posons des questions au sujet de leur connaissance du français, de l'anglais et «d'autres langues».

L'hon. Sheila Finestone: J'allais vous poser une question au sujet des langues autochtones.

M. Guy Goulard: Nous leur demandons s'ils s'identifient comme des Autochtones.

L'hon. Sheila Finestone: Ce n'est pas ce que je vous demande.

M. Guy Goulard: Les langues? Non. Cela fait partie des «autres langues». Nous posons des questions précises uniquement au sujet du français et de l'anglais.

L'hon. Sheila Finestone: Est-ce que la personne qui veut présenter une demande doit, monsieur, être obligée de parler les deux langues?

M. Guy Goulard: Non.

L'hon. Sheila Finestone: Est-ce qu'elle est obligée, pour pouvoir être nommée, de maîtriser les deux langues?

M. Guy Goulard: Non.

L'hon. Sheila Finestone: Ne croyez-vous pas qu'il serait souhaitable, compte tenu du fait que le Canada, de par sa Constitution, est un pays bilingue, qu'il y ait au moins deux juges sur trois qui soient bilingues? Deux sur trois, ce n'est quand même pas négligeable.

M. Guy Goulard: Ce serait souhaitable. Mais est-ce un objectif réaliste? J'en doute.

L'hon. Sheila Finestone: Ce qui m'amène à conclure, comme l'a proposé mon collègue Derek Lee, que nous devrions examiner ce formulaire et faire des recommandations très précises au ministre.

À mon avis, si vous ne maîtrisez pas les deux langues, vous ne méritez pas d'être nommé juge. Je ne crois pas que vous devriez être nommé. Vous devez être en mesure de communiquer avec les Canadiens, peu importe la région dans laquelle ils vivent. Il y a, au Canada, 1,5 millions de francophones qui ont droit à notre respect, tout comme y ont droit aussi le quelque un million et plus d'anglophones qui vivent au Québec. Vous dites que cela ne fait pas partie de vos critères, ou que cela n'est pas essentiel.

• 1025

Ma deuxième question est la suivante: comment révoque-t-on les juges nommés par le gouvernement fédéral? Je prends l'exemple du juge du Québec. J'aimerais d'abord savoir pourquoi nous n'avons pas su que ce juge avait commis un délit, pour ne pas dire plus, et pourquoi vous n'avez pas de processus qui vous permet de relever ce genre de choses. Pourquoi n'a-t-il pas été révoqué par votre bureau ou par le Parlement? Comment révoque-t-on un juge qui a commis une infraction?

La présidente: Madame Finestone, ce juge a été nommé par le gouvernement provincial, de sorte que nous n'avons aucun pouvoir sur lui. Toutefois, si la même chose s'était produite... Savez-vous à qui elle fait allusion, monsieur Goulard?

M. Guy Goulard: Il y a quelques cas qui me viennent à l'esprit.

La présidente: Je pense qu'elle parle de... Je ne me souviens plus de son nom.

L'hon. Sheila Finestone: Je ne veux pas nommer...

M. Guy Goulard: Le juge du Québec qui a été impliqué dans la crise de 1970?

La présidente: Oui, la crise du FLQ. Le juge Therrien.

M. Guy Goulard: Je ne tiens surtout pas à parler de ce cas, parce que cela ne relève pas de ma compétence, mais...

La présidente: Mais si la même chose se produisait au palier fédéral, qu'arriverait-il?

M. Guy Goulard: D'abord, pour ce qui est de la langue, et c'était votre première question, comme je l'ai déjà dit, ce ne serait pas réaliste de notre part de penser que nous pourrions attirer les meilleurs candidats à Toronto, Vancouver ou Halifax si nous exigions qu'ils soient bilingues.

C'est tout autre chose, aussi, que d'être bilingue dans le domaine juridique. Je suis Franco-Ontarien. Ma langue d'origine est le français. J'ai étudié le droit au Osgoode Hall et, pendant des années, j'ai pratiqué le droit en anglais seulement. Je ne me considère donc pas bilingue sur le plan juridique. J'ai encore beaucoup à apprendre.

[Français]

L'hon. Sheila Finestone: Est-ce que cela veut dire que vous ne pourriez pas entendre un témoin qui aurait comparu devant la cour et qui pourrait vous expliquer son cas? Par exemple, si j'étais le témoin, nous pourrions tous les deux nous exprimer en franglais.

M. Guy Goulard: Sans aucun problème, Dieu merci! Par contre, rédiger un jugement dans un français correct serait un défi. Entendre une cause technique, disons en matière de radiodiffusion, où les seuls termes que j'ai toujours entendu employer étaient en anglais, serait également un défi.

Mon collègue, Me Guay, qui est dans le domaine du droit civil, aurait probablement le même problème en anglais, bien que nous soyons tous les deux parfaitement bilingues.

Ne solliciter la candidature que de personnes vraiment compétentes dans les deux langues diminuerait leur nombre. La solution est d'offrir un meilleur programme de formation linguistique.

Nous avons plusieurs juges, de l'Ouest entre autres, qui étaient unilingues à leur entrée dans notre programme et qui président maintenant des procès dans leur langue seconde, des procès avec jury. Nous avons des juges capables de le faire. Une juge, en Alberta, me disait récemment qu'elle venait de terminer un procès pour meurtre, avec jury, qui s'était tenu en français. Nous avons fait beaucoup de progrès.

Par contre, à cause de la diminution des ressources, on a dû limiter un peu notre programme au lieu de lui faire prendre de l'expansion, ce que nous souhaitions faire. De plus, les juges provinciaux, qui s'occupent entre autres du droit pénal, de la Loi sur les jeunes contrevenants et des pensions alimentaires, se sont de plus en plus retirés de notre programme à cause du manque de financement.

Je vais faire au ministre la recommandation de prévoir plus de ressources financières afin qu'il nous soit permis d'améliorer notre programme de formation linguistique plutôt qu'il nous soit imposé de le réduire.

L'hon. Sheila Finestone: Vous êtes en train de me dire que dans les cas de divorce, où il y a procès pour...

[Traduction]

J'oublie comment on dit «custody»

[Français]

M. Guy Goulard: Garde d'enfant.

L'hon. Sheila Finestone: ...garde d'enfant, ils se sont retirés parce qu'ils manquaient de formation, de services ou de quoi d'autre?

M. Guy Goulard: Par manque de financement.

L'hon. Sheila Finestone: Financement de quoi?

M. Guy Goulard: Les juges provinciaux, qui s'occupent souvent de garde d'enfant, de pensions alimentaires, etc. ont dû se retirer de nos programmes de formation linguistique parce que les provinces ne voulaient pas financer leur participation.

L'hon. Sheila Finestone: Je pourrais formuler ma question d'une autre façon. Croyez-vous qu'à l'avenir, il serait possible de s'assurer de nommer une personne jugée compétente dans tous les aspects juridiques qui n'aurait pas suivi un cours de sensibilisation, de tolérance, de formation sur les questions ayant trait à la diversité culturelle, qui ne posséderait pas les deux langues officielles, en lui accordant une année pour suivre de tels cours? Après cela seulement, on suggérerait son nom en disant que cette personne est prête à...

• 1030

Est-ce quelque chose de complètement hors du réel, du domaine du rêve, ou si c'est quelque chose d'envisageable?

M. Guy Goulard: Ce n'est certainement pas impossible. Dans d'autres pays, les nouveaux juges reçoivent des mois de formation. En France, le système est différent, mais un nouveau juge, dès le début, reçoit 30 mois de formation quand il sort de la faculté de droit. C'est un autre système.

Nous pourrions certainement améliorer les programmes que nous offrons non seulement à nos nouveaux juges, mais aussi aux juges en exercice depuis déjà quelques années.

[Traduction]

L'hon. Sheila Finestone: Dernière question, madame la présidente, si j'en ai le temps, j'aimerais vraiment...

M. Guy Goulard: Je n'ai pas entièrement répondu à votre question.

L'hon. Sheila Finestone: D'accord, désolée.

M. Guy Goulard: Je n'ai pas abordé la question de discipline. Un juge ne peut être révoqué que sur approbation de la Chambre des communes et du Sénat, des deux Chambres du Parlement. C'est la seule façon de révoquer un juge canadien, un juge nommé par le gouvernement fédéral, et cela doit se faire après enquête et sur recommandation du Conseil canadien de la magistrature à la ministre; la ministre en fait alors état au Parlement.

L'hon. Sheila Finestone: Cela ne s'est-il jamais produit?

M. Guy Goulard: Cela ne s'est jamais produit; récemment...

La présidente: Cela a failli arriver.

M. Guy Goulard: Oui, effectivement; une révocation a été recommandée pour la première fois depuis qu'existe le Conseil canadien de la magistrature.

La présidente: Cela s'est produit lors de la dernière législature.

M. Guy Goulard: Il s'agit de l'affaire Bienvenue, du Québec. Le juge en question avait atteint l'âge de la retraite et il a par conséquent pris sa retraite. C'est donc le processus.

L'hon. Sheila Finestone: Merci. Je m'intéresse également au versement de la pension au conjoint survivant. J'aimerais savoir si l'argent ainsi versé correspond à celui qui serait versé au conjoint survivant en vertu du Régime de pensions du Canada?

M. Guy Goulard: Il n'y pas de comparaison.

L'hon. Sheila Finestone: Quelles sont les différences?

M. Guy Goulard: Je ne suis pas sûr de ce que prévoit le Régime de pensions du Canada pour les conjoints survivants. Je peux vous dire ce qu'il en est pour le conjoint survivant d'un juge.

L'hon. Sheila Finestone: C'est une question de principe, à vrai dire; j'aimerais comprendre pourquoi le conjoint d'un juge reçoit plus ou moins que le conjoint d'un parlementaire ou d'un fonctionnaire.

M. Guy Goulard: Il peut y avoir similarité. Est-ce que le conjoint survivant d'un parlementaire reçoit la moitié de la pension du parlementaire?

L'hon. Sheila Finestone: Je crois qu'il en reçoit 60 p. 100.

M. Guy Goulard: Le parlementaire s'en sort donc mieux. Est-ce 60 p. 100 de la pension?

L'hon. Sheila Finestone: Oui, 60 p. 100 de la pension.

M. Guy Goulard: Le conjoint survivant d'un juge reçoit la moitié de la pension du juge. À la retraite, un juge reçoit deux tiers de son dernier traitement; s'il devait mourir le mois suivant, son épouse recevrait la moitié de cela, 50 p. 100.

L'hon. Sheila Finestone: C'est deux tiers du dernier traitement.

M. Guy Goulard: Le juge reçoit deux tiers du dernier traitement.

La présidente: C'est la moitié de deux tiers.

L'hon. Sheila Finestone: Madame la présidente, j'aimerais avoir une analyse comparative de la pension et des indemnités versées au conjoint survivant d'un juge par rapport à celles versées à un conjoint survivant en vertu du Régime de pensions du Canada et dans le contexte de la Fonction publique.

La présidente: Nous allons recevoir ces chiffres au cours de l'étude du projet de loi C-37, qui va se faire sous peu et qui traitera, en autres choses, des traitements et indemnités des juges.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Merci beaucoup.

La présidente: M. Goulard vous a bien entendu.

M. Guy Goulard: Tout ce que je peux indiquer, c'est ce que reçoit le conjoint survivant d'un juge. C'est facile.

L'hon. Sheila Finestone: Ne pensez-vous pas que vous devriez savoir si vous respectez la norme applicable aux fonctionnaires canadiens? Entre un sous-ministre qui prend sa retraite et un juge, y a-t-il beaucoup de différences?

M. Guy Goulard: Oui. Cela dépend de la durée de l'affectation du sous-ministre, du genre de pension qu'il a accumulée. Dans mon cas personnel, si je venais à mourir, mon épouse recevrait la moitié de ma pension, comme vous le dites. Mais la moitié de ma pension dépendrait de la durée de mon affectation. Pour un juge, cela correspond à la moitié de la pension du juge et le montant est fixé le jour de sa nomination.

La présidente: Monsieur Goulard, Mme Finestone pose une question légitime et peut-être pourriez-vous demander à vos contacts au ministère de la Justice d'obtenir ces renseignements pour nous, car vous allez comparaître sous peu au sujet du projet de loi C-37.

M. Guy Goulard: Oui, je le ferais avec plaisir.

• 1035

L'hon. Sheila Finestone: Cela peut-il s'appliquer aux juges surnuméraires et à tout le reste?

La présidente: Oui, absolument tout. Nous devons savoir ce qui se passe, car nous allons devoir l'examiner en profondeur. C'est par pure coïncidence que le budget et le projet de loi C-37 arrivent à peu près en même temps.

Vouliez-vous poser vos questions maintenant, madame Bakopanos?

Mme Eleni Bakopanos: Non, je peux attendre, pas de problème.

La présidente: D'accord. Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci. D'après votre témoignage d'aujourd'hui, il apparaît très clairement que c'est à la ministre de jouer. Il est question ici de l'intégrité du processus des nominations, de la transparence ou de l'absence de transparence et, en général, de la confiance du public à l'égard de ce processus—tout ce qui fait que les juges reflètent la société canadienne et représentent également ce qu'il y a de mieux au Canada.

Je crois que c'est également autour de cette table que nous avons convenu qu'il s'agit en quelque sorte d'un club exclusif qui se perpétue et dont les membres affichent une certaine supériorité, tout en faisant preuve d'égocentrisme.

Vous dites qu'effectivement le changement s'impose, mais vous dites également que cela dépend du gouvernement. Je me demande simplement si vous pourriez remettre au comité un document de discussion ou une liste des améliorations qu'il serait possible d'apporter au processus des nominations, dans votre perspective interne, ainsi que des mesures à prendre pour rehausser la confiance du public à l'égard de la magistrature.

Je pense qu'il faut absolument élargir le débat; le public doit y participer davantage et il faut également prêter plus attention à la composition des comités de sélection—il ne s'agit donc pas d'examiner uniquement le produit final, mais aussi l'intégrité du processus, ainsi que le fonctionnement de ces comités.

À mon avis, il faut grandement améliorer le processus des nominations pour en assurer la crédibilité et je crois que c'est ce que souhaitent les membres du comité. Je demande simplement ce que vous pouvez faire pour nous aider à réaliser ce projet.

Non seulement décrivez-vous les opérations quotidiennes de votre Bureau, mais vous en faites également l'analyse. Il faut continuer à évaluer ce qui se fait et donner à la ministre et au comité certaines options. Je pense simplement que le public est très cynique à l'égard de la magistrature et c'est ce qu'il faudrait éviter. C'est à nous de montrer la voie à suivre et il ne s'agit pas simplement de réagir et de se défendre.

M. Guy Goulard: Si je comprends bien, vous me demandez un document de conception?

M. Paul Forseth: Eh bien, peut-être pourriez-vous faire quelques observations à ce sujet.

La présidente: Il vous demande ce que vous en pensez, je crois. Avez-vous des propositions précises susceptibles de rendre le processus plus juste et plus transparent?

M. Guy Goulard: Je pourrais y penser, effectivement. Aujourd'hui, non, je ne suis pas prêt à... Je ne m'attendais pas à ce genre de question, mais nous pourrions certainement nous y arrêter et faire rapport à la présidente.

La présidente: Eh bien, peut-être que M. Forseth vous posera la même question, lorsque vous comparaîtrez au sujet du projet de loi C-37. Cela vous va-t-il, Paul? Ce n'est pas très loin.

M. Paul Forseth: Peut-être pourriez-vous considérer mes préoccupations et certains des autres points de vue exprimés par les membres du comité aujourd'hui comme une notification en bonne et due forme, ce qui vous permettra de vous préparer à nous répondre.

M. Guy Goulard: Oui. J'ai déjà parlé du secret ou de l'absence de secret dans ce processus; je peux dire que nous avons les mêmes préoccupations. Je vais y penser, bien sûr.

M. Paul Forseth: Une dernière observation. La présidente a bien sûr donné son avis au sujet du désordre généralisé, des fuites, etc. Ce genre de chose arrive lorsque le processus central n'est pas adéquat. Lorsque vous avez un processus administratif bien organisé, des règles et des paramètres clairement établis, vous évitez ce genre de pagaille et de fuites. Un système organisé et qui fonctionne assez bien ne donne pas lieu à des fuites, contrairement à un système mal organisé. Les faits bien connus, cités par la présidente, témoignent peut-être clairement de l'absence de tout processus ordonné.

Merci.

La présidente: Monsieur Bellehumeur, avez-vous des questions à poser? Non?

Monsieur Goulard, vous avez dit au début que les comités s'appuient sur un document dressant la liste des critères. Je me demande si vous pourriez le déposer pour que nous puissions l'examiner.

M. Guy Goulard: Oui, je vais vous envoyer une trousse complète, qui comprend les critères.

• 1040

La présidente: C'est parfait.

Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Elle est distraite, elle est ailleurs, vous n'avez rien à craindre. Allez-y.

Mme Eleni Bakopanos: On garde toujours la secrétaire parlementaire pour la fin, monsieur Goulard, à tout hasard.

M. Guy Goulard: D'accord, je me posais des questions.

Mme Eleni Bakopanos: Ceci étant dit, merci beaucoup pour cette information. J'aimerais reprendre certains des points soulevés par mon collègue, Derek Lee.

À mon avis, il est très important que le processus soit bien connu. Je sais également par expérience que la présidence se fait beaucoup critiquer au sujet des nominations, tout comme je vais l'être en ma qualité de secrétaire parlementaire de la ministre. J'ai reçu la trousse en question et je l'ai d'ailleurs examinée. Cela m'a donné quelques idées pour aider certaines des personnes intéressées à connaître davantage le processus.

Je tiens à répéter ce qui, à mon sens, est très important, car il semble que l'on ait l'impression qu'il n'y a pas de non-juristes au sein de ces comités. Vous avez dit qu'il y en a deux, nommés par la ministre.

M. Guy Goulard: Il y a trois non-juristes, trois avocats et un juge.

Mme Eleni Bakopanos: Des gens ordinaires, qui ne sont pas nécessairement des avocats, siègent au sein du comité de sélection.

M. Guy Goulard: C'est exact.

Mme Eleni Bakopanos: Ils sont nommés par la ministre.

M. Guy Goulard: Deux sont nommés par la ministre et le troisième est le représentant du procureur général de la province.

Mme Eleni Bakopanos: Les gens ordinaires ont donc voix au chapitre dans ce processus.

M. Guy Goulard: Certainement.

Mme Eleni Bakopanos: Pensez-vous qu'il faudrait prévoir plus de non-juristes?

M. Guy Goulard: Non, je n'en vois pas la nécessité. Il y en a trois sur sept. Il y en a autant qu'il y a d'avocats, même si le juge est avocat également.

J'aimerais que vous vous rendiez bien compte de l'apport de ces non-juristes. Dans la plupart des comités, ils jouent un rôle très actif et font beaucoup de consultations. Il peut s'agir de comptables, de médecins, de professeurs, de gens d'affaires à la retraite ou en activité. Toutes les couches de la société sont donc très bien représentées, ce qui permet aux comités de tirer parti des spécialités de ces non-juristes.

Mme Eleni Bakopanos: Si j'insiste là-dessus, c'est à cause des critiques formulées par ceux qui n'ont pas nécessairement réussi à arriver au bout du processus. Selon eux, si l'on ne participe aucunement aux activités du barreau ou si l'on n'est pas connu des anciens, on n'a vraiment jamais la possibilité d'être recommandé, en dépit de tous les autres facteurs. Il importe donc de dire qu'il y a des non-juristes qui n'ont aucune relation dans la profession juridique ou au barreau et dont l'apport est tout aussi important que celui des autres membres du comité.

Nous avons parlé plus tôt des minorités visibles, des minorités culturelles, selon la terminologie employée. Au Québec, on parle de «minorité culturelle»; nous parlons de «minorité ethnique» ou «minorité visible» dans le reste du Canada. Sur le formulaire, la personne a le choix d'indiquer si elle appartient à un tel groupe.

Ne serait-il pas important d'indiquer qu'il s'agit, d'une certaine façon, d'un avantage? Peut-être faudrait-il le préciser. Le fait est que nous n'avons pas beaucoup de membres de minorités visibles au sein de la magistrature et que nous recherchons donc de tels candidats. Je sais que ce n'est qu'un petit trait gris qui permet de se présenter ainsi.

Il se peut que certains hésitent à cocher, mais s'ils savaient que cela représente un avantage—puisque la magistrature ne compte pas assez de membres des minorités—ils seraient peut-être plus enclins à le faire. Peut-être pourrait-on le signaler aux candidats, sur le formulaire ou oralement. Je ne sais pas; je n'ai pas de solution.

Je sais par contre que beaucoup hésitent à cocher. J'ai eu la même expérience à la fonction publique au Québec, où les chiffres étaient très bas. Il suffisait de vérifier le nom—c'est un indice—l'appartenance religieuse ou la langue maternelle pour arriver à des statistiques différentes par rapport à ce qui était coché. Je me permettrais donc de dire qu'il faudrait davantage se pencher sur la question.

M. Guy Goulard: Pour encourager les gens à se présenter comme tels.

Mme Eleni Bakopanos: Oui, c'est cela.

M. Guy Goulard: Nous cherchons toujours à éviter toute infraction de la Charte des droits.

Mme Eleni Bakopanos: Oui, je le comprends.

L'hon. Sheila Finestone: La question a été posée cette fois-ci.

Mme Eleni Bakopanos: Effectivement.

M. Guy Goulard: C'est vrai. La question posée est la suivante: «Compte tenu de l'objectif visé, soit une magistrature plus représentative, veuillez indiquer votre statut, si vous le désirez; vous n'êtes toutefois pas tenu de le faire.» On peut alors cocher la case «minorité visible», «autochtone», «handicapé», «origine ethnique/culturelle» et «autres». Nous invitons donc les candidats à se présenter, mais...

Mme Eleni Bakopanos: Le sexe est également indiqué, soit dit en passant.

M. Guy Goulard: Le sexe est partout, effectivement.

Mme Eleni Bakopanos: Plus tôt, c'est vrai. Vous ne tenez toutefois pas de statistiques, autant que je sache, pour savoir si ce sont des membres de minorités visibles ou ethniques qui présentent des demandes. Mais vous pourriez le faire.

M. Guy Goulard: Nous le pourrions, maintenant que nous avons cette question. Elle est relativement récente.

Mme Eleni Bakopanos: Oui, je le comprends; elle remonte à deux ans?

M. Guy Goulard: Deux ans, je crois.

Mme Eleni Bakopanos: Je le comprends.

• 1045

M. Guy Goulard: À partir de là, nous pourrions effectivement dire combien présentent des demandes, même si cela ne permet pas nécessairement de connaître le nombre de candidats d'origine chinoise, comme je l'ai dit plus tôt.

Mme Eleni Bakopanos: Je le comprends.

M. Guy Goulard: Ce n'était pas le cas plus tôt.

Mme Eleni Bakopanos: Effectivement. Vous pourriez toutefois nous donner des statistiques sur le nombre de ceux qui présentent une demande et le nombre de ceux qui arrivent au bout du processus.

M. Guy Goulard: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: D'accord, cela m'intéresserait.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Tout en sachant que cela pourrait être fort trompeur...

Mme Eleni Bakopanos: Bien sûr. Nous savons tous que le système n'est pas parfait, mais il serait intéressant d'examiner les chiffres.

Les candidats doivent-ils également présenter des lettres de référence?

M. Guy Goulard: Non, pas des lettres, seulement des références.

Mme Eleni Bakopanos: Les candidats doivent donner une référence et ensuite...

M. Guy Goulard: Ils doivent donner quatre références au moins.

Mme Eleni Bakopanos: Si je comprends bien, ces références sont vérifiées.

M. Guy Goulard: Effectivement, nous communiquons avec elles.

La présidente: Ce n'est pas toujours le cas, monsieur Goulard, croyez-moi. Nous pourrons en parler plus tard et je vous dirai quand exactement, mais elles ne sont pas toujours vérifiées, certainement pas à Toronto.

Mme Eleni Bakopanos: Des références sont cependant données et elles représentent les personnes qui connaissent le mieux le candidat, j'imagine.

M. Guy Goulard: D'accord. D'après le candidat, il s'agit des personnes à consulter.

Mme Eleni Bakopanos: Il est plus que probable qu'elles feraient une recommandation favorable.

M. Guy Goulard: Oui, mais à l'occasion...

Mme Eleni Bakopanos: Oh, ce n'est pas toujours le cas.

M. Guy Goulard: Exactement. Certaines ne savent pas qu'elles sont données comme références et il arrive alors qu'elles émettent des réserves; c'est déjà arrivé.

Mme Eleni Bakopanos: Ça en dit long sur le candidat.

M. Guy Goulard: Je sais que les références n'ont pas été vérifiées dans tous les cas. Quand le candidat est recommandé, ce n'est pas grave, mais quand il ne l'est pas, nous demandons aux membres des comités de vérifier toutes les références, en toute équité. Mais je vous écoute.

La présidente: Voulez-vous dire qu'on consulte les personnes données en référence une fois la décision prise, monsieur Goulard?

M. Guy Goulard: Non. Si les membres du comité pensent qu'ils vont s'entendre pour ne pas recommander le candidat...

La présidente: Alors, ils consultent les références...

M. Guy Goulard: ... ils doivent à tout le moins avoir consulté les références au préalable.

La présidente: ... une fois la décision prise. Le petit groupe restreint qui, en toute collégialité, a décidé de ne pas recommander Derek Lee, se dit que, pour assurer ses arrières, il est mieux d'appeler Shaughnessy Cohen, qui a favorisé sa candidature.

M. Guy Goulard: J'aimerais pouvoir assurer...

La présidente: Je sais que vous l'aimeriez.

M. Guy Goulard: ... qu'ils ont étudié à fond le dossier du candidat.

La présidente: Voilà le problème. C'est décevant pour bien des gens compétents qui ont risqué gros pour se porter candidats et qui estiment aujourd'hui avoir été traités de façon cavalière et injuste, sans avoir de recours. Un jour, la ministre recevra une demande d'examen judiciaire et vous répondrez qu'il aurait fallu vérifier les références.

Mme Eleni Bakopanos: J'aimerais revenir à l'égalité des sexes dont on a parlé plus tôt. N'est-il pas possible de savoir combien de femmes ont posé leur candidature dans les 15 régions, depuis le début du mandat du présent gouvernement, en 1993, ou y a-t-il des raisons particulières qui vous empêchent de fournir des chiffres à ce sujet?

M. Guy Goulard: Ce n'est pas un problème.

Mme Eleni Bakopanos: Vous allez donc nous fournir ces chiffres. Ça ne pose pas de problème. J'avais cru comprendre que ça pouvait en poser un.

M. Guy Goulard: Je ne voulais pas indiquer le nombre de femmes qui n'avaient pas été recommandées dans une ville ou une région de peur que vous puissiez identifier un candidat.

L'hon. Sheila Finestone: Je veux simplement savoir combien de femmes ont posé leur candidature.

M. Guy Goulard: Très bien. Nous sommes d'accord sur les renseignements à fournir et je pense que la présidente est satisfaite.

Mme Eleni Bakopanos: Je voulais simplement savoir quel était le problème. Vous pensez que s'il y avait eu deux femmes, nous aurions pu savoir laquelle avait été rejetée.

M. Guy Goulard: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Mais elles n'ont peut-être pas été rejetées. Elles ont peut-être été fortement recommandées. C'est bon de le préciser, parce qu'il y a trois possibilités. Il est possible qu'une candidate recommandée ait été écartée par la ministre au profit d'une candidate fortement recommandée.

M. Guy Goulard: C'est possible.

Mme Eleni Bakopanos: Ça ne veut pas nécessairement dire qu'elles n'ont pas été recommandées et qu'elles n'ont pas franchi les étapes du processus. Vous ne seriez pas en mesure de nous le dire.

M. Guy Goulard: C'est ça.

Mme Eleni Bakopanos: Bon, pour être bien clairs ici, il est donc possible qu'on ait recommandé un grand nombre de candidates qui n'ont pas été nommées.

M. Guy Goulard: Je ne veux simplement pas avoir à identifier de candidat.

Mme Eleni Bakopanos: D'accord.

Il y a autre chose. Comme certains de mes collègues, je trouve qu'on attribue beaucoup de responsabilité à la ministre. Même si 80 ou 90 p. 100 du processus de sélection ne dépend pas entièrement d'elle, la lettre envoyée au candidat—et j'en ai vu une—donne clairement l'impression que c'est la ministre qui a décidé de ne pas retenir sa candidature, quand elle a été rejetée.

• 1050

Entre vous et moi, j'ai signalé à la ministre que je trouvais très injuste qu'il ne soit question que d'elle dans la lettre sans... Même si le candidat connaît sans doute le processus de sélection, il ne veut peut-être pas l'accepter, ce qui est un autre facteur dont nous pouvons tenir compte.

J'avais proposé de reformuler la lettre de façon à bien indiquer qu'il y a tout un processus en place.

La présidente: Les lettres sont affreuses, Eleni.

Mme Eleni Bakopanos: Oui. Je pense qu'il faut reformuler autant la lettre qui est envoyée au départ au candidat que celle qui lui est adressée à la fin du processus.

Pour ce qui est du délai de trois ans, j'ai constaté que beaucoup de candidats pensaient qu'après trois ans—même si j'imagine qu'on le précise dans la lettre qu'on leur envoie—leur candidature était automatiquement prise de nouveau en considération, qu'ils n'avaient pas à recommencer tout le processus encore une fois.

M. Guy Goulard: La lettre le précise.

Mme Eleni Bakopanos: Maintenant.

M. Guy Goulard: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Ce n'était pas le cas par le passé, apparemment.

M. Guy Goulard: Non, auparavant, la lettre envoyée indiquait que le délai de trois ans prenait fin et que c'était le moment de présenter de nouveau sa candidature.

Mme Eleni Bakopanos: Mais maintenant les candidats doivent le faire de leur propre initiative.

M. Guy Goulard: Maintenant, la première lettre qui leur est adressée précise que leur candidature prendra fin à telle date et qu'ils pourront alors reposer leur candidature s'ils le désirent.

Mme Eleni Bakopanos: Bon.

J'aimerais aussi...

La présidente: Puis-je vous aider? J'ai une certaine appréciation de la question.

Mme Eleni Bakopanos: Certainement.

La présidente: Envoyez-vous la même lettre dans toutes les régions du pays?

M. Guy Goulard: Oui.

La présidente: Nous devrions obtenir cette lettre.

Mme Eleni Bakopanos: Oui.

La présidente: Il faut prendre connaissance de toute la correspondance que vous envoyez à un candidat, du début à la fin.

M. Guy Goulard: Bien.

Mme Eleni Bakopanos: Bonne idée.

J'aimerais parler de la formation. La question de la formation des juges est revenue très souvent sur le tapis au cours des travaux du Comité mixte sur la garde et le droit de visite des enfants. Je pense que la formation devrait être obligatoire.

Vous avez déjà répondu à une question à ce sujet sans nous dire toutefois si vous pensiez que c'était une nécessité absolue. Pour moi ça l'est. Même si vous avez travaillé pendant 10 ans comme avocat au tribunal de la famille, la perspective est différente quand vous êtes juge. Je trouve que la formation doit être obligatoire. Dans certains pays elle l'est d'après ce que je crois comprendre.

M. Guy Goulard: Dans certains pays elle l'est ou l'a été. En France, les juges devaient suivre une formation de 10 jours au cours des cinq premières années suivant leur nomination, mais ils ont cessé de le faire.

On me dit que les juges recommencent à suivre le programme. Vous pourriez peut-être examiner toute la question de la formation des juges. Qu'est-ce qui est offert? Combien de juges se prévalent de ce qui est offert? Pourquoi ne s'en prévalent-ils pas?

Je pense qu'il vaut mieux s'interroger là-dessus que sur la question de savoir si la formation devrait être obligatoire. La formation peut être obligatoire, mais s'avérer inutile, et il peut y avoir des programmes très bien faits auxquels personne ne s'inscrit.

Mme Eleni Bakopanos: D'après ce que certains nouveaux magistrats m'ont dit, les séances de formation seraient en fait très utiles.

M. Guy Goulard: Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Même s'ils pratiquent depuis 10 ou 15 ans dans un domaine donné. La plupart d'entre eux m'ont dit qu'ils accepteraient que la formation soit obligatoire.

D'autres m'ont dit que les magistrats qui suivent la formation font de meilleurs juges. Ce sont ceux qui hésitent le plus à suivre le cours qui en fait ont... je ne veux pas dire de préjugés, mais un certain blocage au sujet de certaines questions de société.

M. Guy Goulard: Je suis tout à fait d'accord. J'ai assisté récemment au nouveau programme de formation offert aux juges nommés par le gouvernement fédéral—l'école des cancres comme on l'appelle—et au même programme offert aux juges provinciaux.

Mme Eleni Bakopanos: Je vois ce que vous voulez dire.

M. Guy Goulard: Je crois que la plupart des juges nommés au cours de la dernière année... et c'est offert seulement une fois par an. L'Institut national de la magistrature offre aussi une formation d'à peine quelques jours, trois ou quatre fois par an, aux juges fédéraux et aux juges provinciaux. On n'a pas besoin de forcer la plupart des juges. Ils y vont d'eux-mêmes. Les deux programmes ont une excellente réputation et les juges y participent volontiers.

La remarque qu'on a faite, du moins au sujet du programme provincial de cette année, c'est qu'il est trop court. Il dure cinq jours.

Mme Eleni Bakopanos: Oui.

M. Guy Goulard: Je suis tout à fait d'accord. J'ai passé par là. J'ai été juge. Et c'était bien pire à l'époque. La formation se résumait à observer les travaux du tribunal pendant quelques jours. Après, on était assermenté et ça y était. Ce n'est pas juste, ni pour la population ni pour le juge.

Il faut réexaminer la formation des juges. Qu'est-ce qui est offert? Comment pourrait-on améliorer la situation?

L'hon. Sheila Finestone: Où obtenir ces informations?

• 1055

M. Guy Goulard: Pour les juges nommés par le gouvernement fédéral, c'est facile. Mon bureau a l'information, parce que nous payons les factures. Même s'il y a un certain nombre de bons programmes... Je pourrais vous renseigner sur la formation offerte actuellement aux juges nommés par le gouvernement fédéral.

L'hon. Sheila Finestone: Madame la présidente, j'aimerais obtenir ces renseignements.

La présidente: D'accord.

Mme Eleni Bakopanos: J'ai une dernière question à poser au sujet de la formation.

La présidente: Très bien.

Mme Eleni Bakopanos: Je me demande si vous allez rencontrer les finissants des universités. Je sais que c'est prématuré mais peut-être que, dans 10 ou 15 ans, la magistrature les intéressera. Ne leur serait-il pas utile de savoir ce dont ils ont besoin pour faire de bons juges?

M. Guy Goulard: Oui, je rencontre les étudiants de première année, et non les finissants, pour leur donner une idée générale du métier d'avocat et leur expliquer ce que fait le juge et comment on devient magistrat, du moins au fédéral. Ces rencontres sont généralement fructueuses; c'est quelque chose que j'aime faire et qui plaît aux jeunes. Mais il n'existe pas de programme formel à l'intention des facultés de droit ou des associations d'avocats pour expliquer le travail du juge et l'intérêt de cette fonction. C'est dommage.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Monsieur Bellehumeur, j'aimerais que vous teniez compte du fait que nous n'avons plus que quelques minutes. Nous avons d'autres travaux au programme et nous devrons poursuivre cet après-midi. Monsieur Bellehumeur, je vous prie.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le commissaire, je voudrais revenir au processus de nomination dont on a couvert plusieurs aspects. Si je comprends bien, les comités qui sont formés comptent sept membres. Parmi ceux-là, la ministre en choisit un parmi une liste de noms fournie par divers groupes, dont l'Association du Barreau canadien. Est-ce bien ainsi?

En tout cas, c'est ce que je lis:

    La ministre sélectionne un nom dans chaque groupe et finalement nomme trois autres membres à sa discrétion.

Cela signifie que la ministre peut choisir ces noms n'importe où.

    Deux non-juristes et un avocat sont choisis par la ministre.

Cela aussi peut être à sa discrétion. Donc, théoriquement, sur sept membres, six peuvent relever du choix de la ministre elle-même.

M. Guy Goulard: Ah, non! Quatre doivent être choisis parmi les listes qui lui ont été fournies: le juge, d'une liste fournie par le juge en chef; un avocat dont le nom est fourni par l'Association du Barreau canadien; un nom fourni par le Barreau provincial et le...

[Note de la rédaction: Inaudible], ce qui fait quatre.

M. Michel Bellehumeur: Mais que veut dire ce qui est écrit à la page 3 de votre texte: «La ministre sélectionne un nom dans chaque groupe...»?

M. Guy Goulard: Oui, ce qui fait quatre.

M. Michel Bellehumeur: Donc, dans les quatre groupes que vous avez énumérés précédemment.

M. Guy Goulard: Oui.

M. Michel Bellehumeur: Finalement, elle nomme trois autres membres à sa discrétion.

M. Guy Goulard: C'est ça.

M. Michel Bellehumeur: Ce qui fait déjà sept.

M. Guy Goulard: C'est un comité de sept.

M. Michel Bellehumeur: Mais pourquoi, plus loin, lit-on la mention «deux non-juristes et un avocat sont choisis par la ministre»? Est-ce une répétition?

M. Guy Goulard: Non. Ce sont les trois.

M. Michel Bellehumeur: Les mentions «fortement recommandé», «recommandé» ou «sans recommandation» doivent-elles être unanimes pour que le choix s'effectue?

M. Guy Goulard: Non.

M. Michel Bellehumeur: Donc, cinq sur sept membres pourraient dire «fortement recommandé».

M. Guy Goulard: Oui.

M. Michel Bellehumeur: Ou même quatre sur sept pourraient dire «fortement recommandé» et trois, «sans recommandation».

M. Guy Goulard: Oui.

M. Michel Bellehumeur: Et cette nomination serait considérée comme «fortement recommandée».

M. Guy Goulard: Je ne dis pas que c'est arrivé, mais c'est possible.

M. Michel Bellehumeur: C'est plausible. Est-ce que le ministère de la Justice lui-même vous soumet des noms à examiner?

M. Guy Goulard: Non.

M. Michel Bellehumeur: Jamais?

M. Guy Goulard: Non. Chaque candidat doit soumettre son nom.

M. Michel Bellehumeur: Pourtant, vous dites qu'un évêque, à un moment donné, vous a envoyé une lettre disant qu'il connaissait M. Untel, qui ferait un excellent juge, etc., que vous avez communiqué avec lui et qu'il y a...

M. Guy Goulard: Nous avons envoyé un formulaire à la personne dont le nom nous avait été suggéré et, par la suite, la personne a soumis sa candidature. La candidature n'est pas vraiment venue de l'évêque dans ce cas-là. Depuis les quatre années que je suis en fonction, je n'ai jamais reçu une proposition ou une suggestion de nom provenant d'un ministère fédéral ou provincial.

M. Michel Bellehumeur: D'accord. Est-ce qu'il arrive qu'un juge soit nommé ou qu'une personne soit pressentie pour la fonction de juge avant même que le comité ait pu examiner son nom?

M. Guy Goulard: Non, c'est impossible.

M. Michel Bellehumeur: Pouvez-vous alors m'expliquer les événements suivants? Je suis avocat moi-même et j'ai exercé ma profession pendant huit ans. J'appartenais à l'époque à un bureau conservateur. Dans ce bureau, deux personnes ont été nommées juges parce que les conservateurs étaient au pouvoir. J'imagine qu'aujourd'hui—je n'ai pas suivi cela de près—, ce sont des juges d'allégeance libérale qui sont nommés.

• 1100

Quand ce sont les bleus qui sont au pouvoir, ce sont des bleus qui sont nommés. Quand ce sont les rouges qui sont au pouvoir, ce sont des rouges. En tout cas, étrangement, c'est une belle coïncidence si on tient compte du fait que le processus de nomination semble absolument sans reproche. Le problème, monsieur le commissaire, quant à la perception qu'en a la population ne viendrait-il pas de là?

M. Guy Goulard: C'est possible, mais c'est une question qu'on devrait adresser à la ministre.

M. Michel Bellehumeur: Je sais. Je vous le dis sans façon...

M. Guy Goulard: Nous faisons notre évaluation et c'est ensuite soumis au côté politique.

M. Michel Bellehumeur: Parlons d'une autre chose que vous avez effleurée plus tôt, le cas du juge Bienvenue. Dans une société démocratique comme celle du Canada, qui a beaucoup évolué depuis plusieurs années sur le plan social, politique et culturel—nous sommes plus ouverts, etc.—, ne trouvez-vous pas que la procédure de destitution des juges est devenue archaïque? Il faut une résolution de la Chambre des communes et du Sénat pour destituer un juge. Est-ce que la décision ne doit pas être unanime, en plus? Je pense qu'elle doit être unanime.

M. Guy Goulard: Je ne le crois pas et je ne le sais pas.

M. Michel Bellehumeur: Dans le cas du juge Bienvenue...

M. Guy Goulard: J'ai la réponse. Ce sont les deux tiers.

M. Michel Bellehumeur: Les deux tiers?

M. Guy Goulard: Les deux tiers.

M. Michel Bellehumeur: Ne pourrait-il pas y avoir une procédure accélérée? Je vais vous donner un autre exemple, qui est fédéral. On pourrait, bien sûr, s'étendre sur ce qui se passe dans la province de Québec, où je ne prétends pas que c'est mieux.

M. Guy Goulard: C'est semblable.

M. Michel Bellehumeur: Mais ici, nous sommes au palier fédéral. L'avenir me réserve peut-être autre chose et je ferai alors ce qui m'incombera. Mais actuellement, il y a un juge qui est accusé de blanchiment d'argent et de fréquentations pas trop catholiques. Il a été nommé par le fédéral. Si jamais il était trouvé coupable, est-ce qu'il va de soi qu'il serait destitué?

M. Guy Goulard: Non. La procédure à suivre serait quand même celle qui est en place. Il faut...

M. Michel Bellehumeur: Il faudrait revoir les règles de nomination et de destitution. Il y a quelque chose qui fonctionne mal. Et, je le répète, la perception des gens vis-à-vis de la justice est très négative à l'heure actuelle.

Quand j'étais avocat, on me disait parfois que je n'avais pas de chance car je faisais le métier le moins estimé et le moins admiré par les gens. Ils ont de moins en moins confiance aux avocats. Quand on a su que je me dirigeais vers la politique, on a dit que j'avais encore moins de chance, parce que les avocats venaient quand même, par ordre, avant les politiciens. Ces derniers étaient les moins estimés.

Des voix: Ah! Ah!

La présidente:

[Note de la rédaction: Inaudible].

M. Guy Goulard: Il faut terminer cette carrière en devenant juge!

M. Michel Bellehumeur: Ne trouvez-vous pas que ce sont peut-être les deux éléments les plus susceptibles d'améliorer la perception qu'on a des juges et du système juridique? Au départ, les nominations pourraient être plus transparentes et le processus de destitution pourrait être accéléré dans le cas où un juge censé être sans reproche, dont le passé a été examiné, se révèle par la suite vulnérable.

Je suis sûr que si le comité avait un appui du commissaire, aucun ministre de la Justice ne resterait insensible à cela. Je suis persuadé que cela pourrait accélérer la procédure et améliorer la perception que les gens ont de la justice.

Certains clients employaient l'expression «palais de l'injustice» tellement ils trouvaient que ce n'était qu'une patente organisée. Les juges sont amis entre eux et avec tout le monde. Il me semble qu'on devrait d'abord se pencher sur les processus de nomination et de destitution afin de les rendre plus transparents et, par le fait même, améliorer la perception qu'en ont les gens.

M. Guy Goulard: Je vous ferai deux commentaires. Le processus en place est un processus imposé par la loi. Encore là, je suggérerais que ce soit porté à l'attention de la ministre. Elle doit comparaître devant votre comité la semaine prochaine, je crois. Modifier la loi relève de la ministre.

Je reviens d'un pays où un juge peut être destitué à un mois d'avis. C'est très rapide; un juge peut être mis dehors à un mois d'avis.

M. Michel Bellehumeur: Selon certaines...

M. Guy Goulard: C'est pécher par un autre excès. Entre ces deux situations opposées, il y a sans doute place à de l'amélioration. Je suggérerais de porter la chose à l'attention de la ministre.

M. Michel Bellehumeur: Vous, à titre de commissaire, trouvez-vous qu'il y a place à de l'amélioration?

M. Guy Goulard: Il y a toujours place à de l'amélioration.

• 1105

M. Michel Bellehumeur: Mais vous, personnellement, qui êtes commissaire...?

[Traduction]

La présidente: Excusez-moi, monsieur Bellehumeur, mais le temps est écoulé, et M. Lee aimerait conclure.

M. Derek Lee: Je ne sais pas si je vais conclure. Je suis surpris de la candeur avec laquelle le commissaire nous a répondu sur les questions de politique. C'est inusité.

J'ai aussi été surpris d'apprendre que le Bureau est en quelque sorte un organisme indépendant. J'aimerais vous demander à qui le Bureau doit rendre des comptes.

M. Guy Goulard: À la ministre. Selon la loi, j'ai le niveau et le statut—pour ce que ça veut dire—de sous-ministre. Par conséquent, mon patron est la ministre.

M. Derek Lee: Mais vous êtes aussi indépendant.

M. Guy Goulard: De quoi? Je suis nommé à titre amovible. Je dois marcher droit.

M. Derek Lee: Le Bureau est indépendant.

La présidente: C'est probablement la grande confiance qu'il a en la ministre actuelle qui lui permet d'être aussi candide avec nous.

M. Guy Goulard: Peut-être. Quoi qu'il en soit, à une exception près, le processus de destitution est le même que le processus de nomination. Je suis nommé par le Cabinet, sur la recommandation de la ministre après consultation avec le conseil judiciaire. Il faudrait remonter la filière.

M. Derek Lee: Mais qu'en est-il du Bureau? Est-il indépendant, à qui doit-il rendre des comptes?

M. Guy Goulard: Mon bureau?

M. Derek Lee: Oui, votre bureau, le Bureau du commissaire.

M. Guy Goulard: Le Bureau, c'est moi. Tout est là. Je rends des comptes à la ministre. La ministre signe ma présentation budgétaire. Si je produisais un rapport annuel—ce qu'on ne m'a jamais demandé—je le remettrais à la ministre. C'est elle mon patron. C'est à elle que je rends des comptes.

M. Derek Lee: Sur une base quotidienne?

M. Guy Goulard: Oui. Selon l'entente que j'avais avec le ministre qui m'a nommé, Allan Rock, je l'appelais quand j'avais un problème. Si je n'en ai pas, je fais mon travail.

Ça fonctionne et ça fonctionne bien. Essentiellement, je suis un administrateur. Nous payons les factures. Nous mettons en oeuvre différents projets pour améliorer l'accès des juges et la technologie.

M. Derek Lee: Mais si un changement est apporté aux politiques, à l'administration, vous est-il communiqué par la ministre?

M. Guy Goulard: Oui.

M. Derek Lee: Quel service du ministère surveillerait ce que vous faites?

M. Guy Goulard: C'est un problème. Le ministère de la Justice n'a rien à voir avec mon bureau.

M. Derek Lee: C'est là où je veux en venir.

M. Guy Goulard: En théorie, il n'a rien à voir avec mon bureau, c'est pourquoi le Bureau du commissaire à la magistrature a été créé.

M. Derek Lee: De toute façon, j'aimerais beaucoup examiner cela plus longuement, seulement d'un point de vue administratif...

M. Guy Goulard: Moi aussi.

M. Derek Lee: J'en suis sûr. Je vais laisser faire pour l'instant et y revenir peut-être quand nous examinerons les modifications apportées à la Loi sur les juges, à moins que des membres du comité veuillent en débattre. J'ajouterais simplement que le seul véritable mécanisme de reddition des comptes se trouve peut-être ici au Parlement, vu la façon dont cet organisme indépendant a évolué.

Nous en reparlerons plus tard.

La présidente: Vous y reviendrez probablement d'ici une dizaine de jours, de toute façon. Je suis sûre que nous continuerons d'en parler, vous verrez, quand nous étudierons le projet de loi C-37.

Nous sommes tous attendus dans nos bureaux. Nous allons lever la séance, je pense, et reprendre plus tard où nous en sommes.

M. Guy Goulard: Madame la présidente, au nom de mes collègues, je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous.

On a parlé de candeur. Pour moi, votre comité est un allié. J'aimerais améliorer la situation de l'appareil judiciaire canadien. J'aimerais informer la population au sujet de nos magistrats. Hélas, je ne dispose pas des ressources nécessaires pour le faire, et c'est quelque chose dont nous devrions discuter un moment donné.

La présidente: Merci.

M. Guy Goulard: Je vous remercie.

La présidente: La séance est levée.