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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 février 1999

• 1554

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Je présente de nouveau nos excuses à nos témoins pour ce léger retard; nous devions régler quelques questions de cuisine. Souhaitons la bienvenue à MM. Brian T. Hodgson et Wayne Jeffery, de la Gendarmerie royale du Canada, et à M. Doug Lucas et à Mme Louise Deheut, de la Société canadienne des sciences judiciaires.

Voulez-vous présenter un exposé?

M. Brian T. Hodgson (expert scientifique en chef, Analyse alcoométrique, Direction du Service des laboratoires judiciaires, Laboratoire judiciaire central, Gendarmerie royale du Canada): Oui, monsieur le président. Mes deux collègues, Mme Deheut et M. Lucas, et moi-même représentons le Comité des analyses d'alcool de la Société canadienne des sciences judiciaires.

• 1555

Ce comité est un organisme national composé de scientifiques comme nous-mêmes, qui conseillent la ministre de la Justice sur des questions scientifiques et techniques se rapportant aux articles du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies. Plus particulièrement, nous faisons des recommandations sur les appareils et dispositifs dont l'utilisation par les corps de police canadiens, dans le cadre de la lutte contre la conduite en état d'ébriété, peut être approuvée en vertu du Code criminel. Nous faisons aussi d'autres types de recommandations.

Pour vous décrire davantage notre comité et pour vous donner l'historique des articles concernant la conduite avec facultés affaiblies, je donne la parole à mon collègue, Doug.

M. Doug Lucas (membre, Comité des analyses d'alcool, Société canadienne des sciences judiciaires): Merci, Brian.

Monsieur le président, membres du comité, mes collègues m'ont demandé de vous présenter l'historique des analyses d'alcool, des lois sur l'alcoolémie, etc. Comme je travaille dans ce domaine depuis 1957, je préfère ne pas appeler cela de l'histoire, puisque j'en ai vécu une bonne partie; je préfère parler d'un contexte. On nous a dit que vous aimeriez en savoir davantage sur les techniques, les lois et règlements, les chiffres, etc. C'est de cela que je vous parlerai. Mes collègues vous parleront ensuite davantage des techniques et, plus particulièrement, des progrès technologiques.

À notre avis, il est important que vous ayez ce genre de renseignements, parce que la technologie actuellement disponible est excellente et nous permet de faire bien des choses qu'on ne pouvait faire autrefois. Mais il est aussi important de comprendre que la technologie limite ce que l'on peut faire, parce qu'elle a ses propres limites, qu'il importe de comprendre.

Notre comité a été créé en 1967 parce qu'à l'époque on vivait un peu la même chose que maintenant. Votre comité, ou son prédécesseur, examinait des propositions de modifications législatives qui sont éventuellement devenues les lois sur les alcootests. Comme nous nous occupions d'analyses d'haleine et que nous étions responsables de l'administration et de la gestion des programmes d'analyses d'haleine, nous estimions important que le comité profite de nos conseils en matière de technologies, qu'il sache ce qu'on pouvait ou ne pouvait pas faire.

Tous nos membres, même aujourd'hui, font partie de programmes d'analyses d'haleine, principalement au Canada; nous avons aussi un membre américain, afin que nous soyons au courant de ce qui se passe aux États-Unis.

L'un de nos rôles les plus importants est de mettre au point des normes pour le matériel utilisé, mais ce qui compte encore davantage, puisque le matériel n'est qu'un aspect de la chose, c'est de préparer des lignes directrices pour la formation de ceux qui se serviront du matériel et des procédures qu'ils suivront, afin que leur travail constitue de bonnes pratiques de laboratoire. Il y a un contrôle de la qualité associé aux résultats, afin que les tribunaux puissent se fier aux résultats qui leur sont présentés.

Comme le disait Brian, nous évaluons le matériel, et vous serez contents d'apprendre que nous ne recommandons pas au ministre l'approbation de tout le matériel qui nous est présenté. Ainsi, pour les appareils servant à recueillir la preuve—les ivressomètres et leurs successeurs—12 sont actuellement approuvés, mais il faut dire que 10 autres ont été évalués et n'ont pas été approuvés, faute de satisfaire aux normes. Il y a cinq alcootests routiers qui n'ont pas été approuvés.

Il y a une chose dont on vous parlera et qui pourrait vous intéresser: les contenants pour les échantillons d'haleine, qu'on pourrait remettre à l'accusé. Nous avons jusqu'ici évalué 12 contenants, et aucun n'a été approuvé. Les exigences à leur sujet sont très rigoureuses, de même que pour les contenants destinés aux échantillons de sang.

Il n'y a rien de nouveau au sujet des analyses d'haleine pour l'alcool. C'est quelque chose de bien établi au Canada. Au sujet des justifications des analyses d'haleine, il faut dire qu'on sait que l'haleine porte de l'alcool depuis la fin du siècle dernier. On avait assez bien prouvé les raisons scientifiques des analyses d'haleine pour déceler le taux d'alcool dans le sang en 1930. Le premier appareil pour mesurer l'alcool dans l'haleine, l'ivressomètre, en anglais le «drunkometer», nom bien peu élégant, a été inventé et utilisé pour la première fois en 1938. Ce n'est donc rien de nouveau. En fait, cet ivressomètre était le premier instrument d'analyse d'haleine utilisé au Canada, et on s'en est servi à Vancouver à partir de 1953 environ.

• 1600

L'alcootest est l'instrument qui est le mieux connu au Canada et, d'ailleurs, dans le monde. Il a vraiment révolutionné le concept de l'analyse d'haleine, en en faisant un programme d'application large, qu'on a pu utiliser partout dans le monde. Il a été inventé en 1954, et on l'utilise toujours au Canada. On se sert toujours de la technologie des années 50, malgré l'approche du nouveau millénaire.

L'alcootest est arrivé au Canada en 1956, en Ontario, et son usage s'est répandu comme une traînée de poudre, dans tout le pays. En 1969, à la création de la première loi, c'était une chose courante. Il y avait des programmes d'analyse d'haleine répandus dans tout le pays. Les analyses se faisaient de façon volontaire, et les résultats d'analyse ne pouvaient être utilisés que pour une corroboration.

Sont venus ensuite les appareils électroniques, soit les alcootests routiers. Ils sortaient tout droit des programmes spatiaux américains. La technologie a été mise au point et utilisée dans les années 70. C'est autour de 1976 qu'on a commencé à s'en servir au Canada.

L'utilisation de la technologie plus moderne, fondée sur l'absorption infrarouge dont mon collègue vous parlera, a commencé au Canada vers 1994. Cette technologie est en train de se répandre dans tout le pays.

Il y a une chose qu'il faut bien garder à l'esprit quand on vous parle des techniques modernes et de leurs possibilités: l'analyse d'haleine, peu importe l'appareil avec lequel on la fait, n'est qu'un substitut pour l'analyse sanguine. La loi parle d'une alcoolémie de 80 milligrammes par 100 millilitres. Or, on n'analyse pas du sang, mais autre chose. Cela signifie qu'il faut faire un calcul et que ce calcul a ses limites. C'est l'instrument qui fait le calcul, mais il faut bien sûr rappeler qu'un calcul est fait. Le calcul repose sur une prémisse. Cette prémisse peut être fondée ou non, selon le moment.

En effet, les instruments actuels présument que 2100 millilitres d'haleine contiennent la même quantité d'alcool qu'un millilitre de sang. C'est assez près de la réalité. Cette prémisse existe depuis les années 40 et est assez bien établie. Pourtant, des travaux récents laissent entendre qu'il serait probablement préférable d'utiliser un rapport de 2 300 pour un. C'est une idée parfois invoquée devant les tribunaux. C'est une question technique, qu'on ne peut éviter lorsque l'on parle des appareils utilisés.

Je vais parler un peu de l'élaboration de la législation, particulièrement du point de vue de l'effet des données scientifiques et technologiques, puisque cela peut toucher votre réflexion, si vous décidez d'apporter des changements à la loi. Le Code criminel contient une infraction pour la conduite en état d'ébriété depuis 1921. Ce qui est intéressant, c'est qu'il n'y avait pas de fondement scientifique à cela. Personne ne savait vraiment que la conduite en état d'ébriété était plus risquée que la conduite en toute sobriété. Le gros bon sens nous le disait, toutefois, et on a appelé cela «la conduite en état d'ébriété» parce que c'est tout ce qu'on avait, la possibilité de constater l'ébriété de visu. On ne pouvait pas alors parler d'évaluation de l'alcoolémie. Ce n'était pas encore possible.

À l'époque, la peine minimale était de sept jours d'emprisonnement. En 1925, le Parlement a apporté un petit changement. Il a bien vite reconnu une faille, et la disposition sur la garde et le contrôle a été ajoutée. En outre, pour une raison ou pour une autre, c'est la même année qu'on a ajouté l'infraction sur la conduite sous l'influence d'un narcotique. On l'a ajoutée même s'il n'y avait aucune façon de faire des analyses pour déceler des drogues en 1925; c'est pourtant autour de 1925 que les analyses d'alcoolémie ont commencé à être disponibles au Québec.

En 1951, les données scientifiques ont évolué. D'après la recherche, il était préférable de dire «conduite avec facultés affaiblies», parce que cela représentait réellement ce dont on voulait parler, et c'est pourquoi on a présenté une loi sur la conduite avec facultés affaiblies. On l'a fait entre autres parce que le critère de conduite en état d'ébriété était trop élevé. Quand on peut constater l'ébriété d'une personne de visu, c'est que son alcoolémie est vraiment très élevée.

• 1605

Le deuxième problème, c'est que la peine était perçue comme trop sévère. J'étais là lorsqu'on parlait de conduite en état d'ébriété. Les agents de police disaient qu'ils ne voulaient pas porter d'accusation contre un homme pour ne pas l'envoyer en prison, ou alors, que s'ils portaient des accusations, le tribunal ne le condamnerait probablement pas, pour ne pas l'envoyer en prison. C'était la perception courante à l'époque. Je ne peux pas dire si c'est la même chose de nos jours.

En 1969, bien entendu, on a modifié la loi parce que les analyses d'haleine ont rendu possibles des programmes à grande échelle, en utilisant l'haleine. On a ajouté le concept permettant d'ordonner que soit donné un échantillon d'haleine et celui de l'alcoolémie minimale. Le concept du technicien qualifié, entre autres, a été ajouté en 1976.

On a compris que l'un des problèmes de la loi de 1969, c'est qu'elle n'avait pas changé les critères appliqués par les policiers. Avant 1969, ils devaient avoir des preuves de l'affaiblissement des facultés avant de pouvoir exiger un échantillon de sang. La loi de 1969 n'y avait rien changé. Les policiers devaient encore avoir des preuves avant de demander un échantillon. Le seul changement, c'est qu'il ne s'agissait plus seulement pour eux de demander, mais d'exiger un échantillon. Ce qui est intéressant, c'est que le taux de refus n'a pas vraiment changé. Avant 1969, il était de 5 p. 100 environ, et il est au même point après 1969. Avant que les policiers aient le droit d'ordonner que l'échantillon soit donné, ils arrivaient assez bien à convaincre les gens qu'il serait bon pour eux de fournir un échantillon d'haleine.

En 1985, le dernier grand changement a été la possibilité d'ordonner que soit fourni un échantillon de sang.

En terminant, j'aimerais simplement vous dire brièvement d'où vient le chiffre de 80 milligrammes. Est-ce un chiffre magique? Non, ce n'est pas un chiffre magique, mais il est tout de même arbitraire. Il n'a toutefois pas été choisi à la légère. Il est justifié. Ce choix est fondé en partie sur des études datant des années 50. En 1955, à l'Université de Londres, en Angleterre, le professeur Drew a fait des études avec un simulateur de conduite. Il a constaté que tous les sujets observés avaient les facultés affaiblies à une alcoolémie de 80 milligrammes par 100 millilitres. La même année, la GRC, ici même à Ottawa, a effectué une série de tests avec des conducteurs sur un circuit fermé. On a obtenu des résultats semblables. Environ 70 p. 100 des sujets avaient les facultés affaiblies dans la fourchette de 50 à 80 milligrammes.

Mais l'étude la plus importante, de loin, pour le choix du nombre de 80 milligrammes, est celle effectuée en 1964 par le professeur Borkenstein. C'est ce qu'on appelle l'étude de Grand Rapids, dont d'autres témoins vous parleront sans doute. Cette étude portait sur toute une année dans une ville: on étudiait chaque accident, et des échantillons d'haleine étaient pris pour voir quel était le rôle de l'alcool. Mais ce n'est qu'une partie de l'étude. La partie importante était celle qui étudiait les gens de la même ville, au même moment, qui n'avaient pas eu d'accidents. Si on ne voyait pas de différence dans le rôle joué par l'alcool, on n'aurait rien prouvé. L'étude a permis de constater que la probabilité d'être accidenté augmente très rapidement au-delà de 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang.

En 1965, la British Medical Association a recommandé au Parlement britannique d'interdire la conduite avec une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes par 100 millilitres. En 1967, la British Road Safety Act a été adoptée, et on y trouvait ce chiffre de 80. Je pense que voilà les raisons qui ont incité le Parlement du Canada à choisir ce même nombre.

Je dois vous dire en terminant que les choses n'ont pas beaucoup changé. Ce nombre de 80 est encore assez bon. Aussi récemment qu'en 97, le Committee on Alcohol and Other Drugs du U.S. National Safety Council, qui depuis longtemps appuyait l'infraction pour les alcoolémies supérieures à 80 milligrammes, a réitéré sa position:

    Toute personne, peu importe son expérience préalable en matière de consommation d'alcool, a les facultés trop affaiblies pour conduire si son alcoolémie est de 0,08 ou plus.

Et 0,08, cela revient à dire 80 milligrammes.

Voilà qui termine mon bref exposé du contexte. Mes collègues vont maintenant vous parler des aspects techniques.

M. Brian Hodgson: Monsieur le président, chacun de nous va présenter un exposé. Voulez-vous que nous continuions?

Le président: Oui, allez-y.

• 1610

M. Brian Hodgson: Pour revenir à ce que disait Doug au sujet des critères que doivent respecter les policiers avant d'ordonner une analyse d'haleine, précisons qu'il faut des motifs clairs, raisonnables et probables de croire qu'une personne a les facultés affaiblies ou que son alcoolémie est supérieure à 80 milligrammes pour 100.

C'est peu après l'arrivée de la loi de 1969 qu'on a constaté le besoin de modifier le Code criminel pour aider les agents de police à déterminer si une personne a ou non les facultés affaiblies; on a commencé à utiliser des alcootests routiers. On a ensuite élargi le concept, et nous appelons maintenant cela des appareils de détection approuvés simplement parce qu'ils peuvent être utilisés pour toute infraction relative à la conduite de trains, de véhicules à moteur, d'aéronefs, etc.

Les policiers appliquent des critères moins stricts pour l'utilisation d'appareils de détection approuvés que pour celle des alcootests. Les policiers n'ont qu'à soupçonner que le conducteur a consommé de l'alcool. Ce soupçon peut être suscité par une odeur d'alcool en provenance du conducteur ou de sa voiture, ou par l'aveu même du conducteur selon lequel il a bu ou consommé récemment des boissons alcooliques, et c'est sans doute le plus faible des critères exigés.

L'appareil de détection n'est destiné qu'à déterminer si la personne a une alcoolémie donnée. Il ne sert pas à déterminer un taux d'alcoolémie probant. C'est plutôt le rôle de l'alcootest.

Notre comité a tout de même des normes d'évaluation pour les appareils de détection approuvés. Comme le disait Doug, les appareils présentés au comité ne sont pas tous approuvés. Nous en avons rejeté simplement parce qu'ils ne satisfaisaient pas aux critères que nous exigeons pour un appareil de détection sur la route, permettant aux policiers de passer à l'étape suivante, soit d'ordonner que soit effectuée une analyse d'haleine.

Les normes d'évaluation déterminent la fiabilité de l'appareil. Elles évaluent aussi sa stabilité, pour que l'appareil puisse être utilisé par des policiers sur la route, dans toutes sortes de conditions environnementales, avec certaines limites. Ces appareils sont destinés à aider le policier. Les critères d'évaluation visent non seulement à voir si l'appareil respecte nos normes, mais aussi à vérifier les dires de son fabricant. Les fabricants, du fait qu'ils sont intéressés, ont tendance à faire au sujet de leur matériel des allégations qui ne résistent pas toujours à notre examen objectif. C'est à partir de cet examen que nous recommandons ou non les appareils.

Dans l'utilisation des appareils routiers, les policiers doivent respecter certains critères et, pour cela, suivre une formation. Cette formation n'est toutefois pas du même niveau que celle qui est exigée des techniciens—alcootest. Les appareils de détection sont censés être utilisés par des policiers affectés à la circulation, et, en général, ce sont des appareils d'une utilisation assez simple.

La technologie sur laquelle se fondent tous les dispositifs de détection approuvés utilisés au Canada est celle de la pile à combustible; c'est un terme dont vous avez déjà probablement entendu parler dans d'autres contextes. Comme Doug l'a indiqué, la technologie de la pile à combustible découle du programme spatial de la NASA, mais les piles à combustible sont particulièrement utiles pour la détection de l'alcool, qui est une substance volatile. Elles y sont très sensibles et sont donc très fiables.

Mais le dispositif doit être utilisé d'une certaine façon. Ainsi, pour être raisonnablement certain que l'alcool détecté provient bien du sujet, il faut que celui-ci souffle directement dans l'appareil. C'est pourquoi on a habilité les policiers à demander au conducteur qu'il souffle dans l'appareil de détection approuvé. Le refus de ce faire est une infraction au Code criminel, mais si le conducteur échoue le test, c'est-à-dire si le résultat du test indique que son alcoolémie est supérieure à la limite prévue par le Code criminel, cela ne constitue pas en soi un crime. Cela donne toutefois aux policiers les motifs raisonnables et probables de passer à l'étape suivante, soit demander au conducteur qu'il se soumette à un alcootest.

• 1615

J'ai apporté avec moi aujourd'hui deux appareils qui illustrent bien ceux qu'on utilise au Canada. Le premier est fabriqué par la compagnie Dreger et s'appelle l'Alcotest 7410. L'autre s'appelle l'Alco-Sensor IV. Ce sont deux des sept appareils de détection approuvés.

Vous connaissez peut-être les anciens appareils qui avaient un voyant. La fiabilité ou la précision sont la même, que l'appareil ait un voyant, un affichage numérique ou un affichage à lettres. La technologie a simplement changé un peu.

Ainsi, l'Alcotest 7410 n'indique plus qu'on a échoué le test à l'aide d'un voyant rouge, mais plutôt avec la lettre F, pour «fail». C'est la seule différence.

Ces appareils donnent un résultat rapidement dans l'une des trois zones. La première est celle de l'échec, qui indique que le sujet a une alcoolémie supérieure à la limite prévue par le Code criminel.

Le bip que vous entendez indique que l'appareil est prêt à recevoir un échantillon d'haleine si quelqu'un ici veut souffler dans l'appareil; j'ai avec moi des pièces buccales.

Une voix: Vous voulez savoir ce que nous avons pris ce midi?

Des voix: Oh, oh!

M. Brian Hodgson: La deuxième zone est celle de l'avertissement, le niveau intermédiaire. Elle est utile pour les provinces où, aux termes de la loi sur les véhicules à moteur, le critère de suspension du permis de conduire est une alcoolémie de 0,05, ou 50 milligrammes pour 100, comme c'est le cas en Ontario. Avec un tel résultat, l'agent de police a des motifs pour suspendre le permis de conduire en vertu de la loi sur les véhicules à moteur. La troisième zone est celle de la réussite, lorsque le sujet a une alcoolémie de 0 à 0,049, ou 49 milligrammes pour 100.

Dans cette zone, les dispositifs les plus récents donnent une lecture précise, et ce, parce que certaines provinces ont adopté des mesures législatives fondées sur ce qu'on appelle le principe de la tolérance zéro. Mais le zéro n'est pas le même d'une province à l'autre. Cela dépend de la façon dont il est défini. En Ontario, on peut aller jusqu'à 0,003, ou 3 milligrammes pour 100 Ailleurs, on accepte une alcoolémie allant jusqu'à 0,02.

En Ontario, ces dispositions de la Loi sur les véhicules à moteur visent les conducteurs débutants. Dans d'autres provinces, on juge que tout conducteur de moins de 21 ans ou de moins de 19 ans est un conducteur débutant. C'est prévu pour une raison précise à laquelle nous pourrions revenir plus tard.

En ce qui concerne les dispositions sur l'alcootest, l'un des critères les plus importants est la façon dont le test est fait. L'essentiel, c'est que l'échantillon d'haleine soit libre de tout contaminant, par exemple de l'alcool provenant d'un verre pris très récemment ou d'un atomiseur d'haleine ou de toute autre substance que la personne aurait pu mettre dans sa bouche, mais qui n'a aucune incidence sur l'alcoolémie. Pour cette raison, l'agent qui croit qu'il y a de l'alcool dans la bouche du sujet doit attendre un certain temps. Vous avez peut-être entendu parler de cette attente de 15 à 20 minutes. Cela permet à l'alcool présent dans la bouche de se dissiper.

Dans le cas des tests de détection routiers, le problème, c'est que l'échantillon doit être prélevé sur-le-champ. La Cour suprême du Canada a toutefois stipulé, dans l'affaire Bernshaw, que si un policier a des motifs de croire que l'échantillon pourrait être contaminé par de l'alcool se trouvant dans la bouche du conducteur ou provenant d'un verre qu'il a pris récemment, le policier peut attendre, à condition qu'il prévienne le conducteur qu'il y aura un temps d'attente. Cela nous apparaît absolument essentiel, et nous appuierons tout policier qui aura préféré attendre pour cette raison.

• 1620

Il y a un autre appareil dont je voulais vous parler, celui qu'on appelle le «détecteur passif», et dont vous avez peut-être entendu parler.

Le détecteur passif ressemble à l'appareil de détection. Il emploie aussi une pile à combustible, mais plutôt que de demander au sujet de souffler dans l'appareil, il suffit de le pointer près de lui dans l'espoir de détecter l'alcool. Cela peut servir dans les enquêtes sur une infraction présumée de conduite avec facultés affaiblies.

La difficulté—et Doug a fait allusion aux limites de la technologie—c'est que le policier doit s'assurer que l'alcool qui est détecté provient bien du conducteur, et non pas, par exemple, d'un passager qui se trouve dans la voiture. Pour ce faire, il faut approcher le détecteur passif du conducteur. Les études publiées disent que l'idéal, c'est de placer le détecteur à une distance de deux à quatre pouces de la bouche du conducteur. Pour ma part, j'estime que s'il faut être aussi près, aussi bien se servir de l'appareil de détection, car l'ajout d'une nouvelle technologie à la procédure a généralement pour effet de compliquer les choses.

Cela met fin à mes remarques. Dans le scénario que j'ai décrit ici, si cela s'était passé sur le bord de la route, si le policier avait demandé un échantillon d'haleine sur-le-champ parce qu'il soupçonnait que le conducteur avait bu, et si le conducteur avait échoué ce test, le policier aurait eu des motifs raisonnables de demander au conducteur de se soumettre à un alcootest aux fins de preuve.

Sur ce, je cède la parole à ma collègue, Mme Deheut.

[Français]

Mme Louise Deheut (membre, Comité des analyses d'alcool, Société canadienne des sciences judiciaires): D'entrée de jeu, je dois vous dire que mon employeur, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique du Québec, m'a autorisée à participer à cette réunion à la seule condition que j'exprime clairement dès le départ que je ne représente ni le laboratoire ni le gouvernement du Québec, mais que je suis ici simplement ici à titre de membre du Comité des analyses d'alcool de la Société canadienne des sciences judiciaires.

Ce message étant transmis, nous allons maintenant parler des alcootests approuvés. Ces instruments sont conçus pour mesurer l'alcoolémie exacte de l'individu au moyen de son haleine. La technologie qui existe à l'heure actuelle se divise en trois grandes catégories. La première catégorie est celle des analyses chimiques, soit l'instrument Breathalyzer qui a été conçu au milieu des années 1950. Cet instrument repose sur un principe de réaction chimique et utilise une solution qui a une certaine coloration jaune. Si l'haleine de l'individu contient de l'alcool, il y aura atténuation de cette coloration. Évidemment, plus il y a d'alcool, plus l'altération est importante. Cet instrument mesure donc la baisse de coloration.

La technologie plus récente est celle de l'infrarouge, dont nous avons apporté un exemple. Cet alcootest approuvé est cet instrument argenté appelé l'Intoxilyzer 5000 C ou le BAC Datamaster C. Cette méthode est basée sur un principe totalement différent. Bien qu'on analyse toujours de l'haleine, cette fois-ci, l'instrument mesure l'absorption d'énergie infrarouge. Plus l'alcoolémie est importante, plus l'atténuation de la lumière infrarouge sera importante.

L'autre catégorie d'instruments est composée de piles électrochimiques qu'on appelle fuel cells en anglais. Ce type d'instrument utilise encore une réaction, mais cette fois-ci, on mesure la production d'électricité ou d'électrons, qui est encore une fois proportionnelle à la teneur en alcool de l'haleine de l'individu. Plus l'alcoolémie est élevée, plus il y a production d'électrons. C'est ce que mesure cet instrument.

Quel que soit le type de technologie utilisé, tous les instruments doivent nécessairement être évalués par deux laboratoires différents au Canada et respecter les normes établies par le Comité des analyses d'alcool avant d'être éventuellement recommandés ou non au procureur général du Canada.

• 1625

Je ne veux pas décrire de façon détaillée toutes les normes qui sont utilisées, mais je mentionnerai qu'une d'elles sert à vérifier la précision et la linéarité de l'instrument. Autrement dit, on veut s'assurer que l'instrument est précis, qu'il donne des résultats reproductibles et que ces résultats sont reproductibles à différents niveaux.

Les différents niveaux évalués sont 50, 100, 150, 250 et 350 milligrammes pour 100 millilitres. La technologie nous permet d'être précis à un niveau aussi bas que 50 milligrammes pour 100 et à un un niveau aussi élevé que 350 milligrammes pour 100. Évidemment, ces tests sont faits in vitro; c'est-à-dire qu'on utilise un appareil qui contient de l'alcool dont on connaît la teneur et qu'on utilise cette teneur pour mesurer la précision de l'instrument. Il n'est pas question de faire consommer de l'alcool à des gens jusqu'à un niveau de 350 milligrammes pour 100; on risquerait de perdre certains clients. La technologie nous permet donc d'être précis à un taux aussi bas que 50 milligrammes pour 100.

La spécificité des instruments est un autre élément que nous vérifions lors de l'évaluation. Bien qu'on n'en parle pas régulièrement, il faut souligner qu'il est important que l'instrument nous donne une lecture représentant le niveau d'alcool dans le sang de l'individu, et non pas de toute autre substance volatile qui pourrait s'y retrouver. La substance endogène volatile la plus couramment présente est l'acétone, qu'on retrouve dans l'air alvéolaire des personnes atteintes du diabète. Il est important que l'instrument ne tienne pas compte, dans sa lecture, de cette acétone. Tous les instruments utilisés au Canada ont été vérifiés, et aucun d'eux ne donnera une lecture s'il y a présence d'acétone dans l'haleine de l'individu.

Il est également important de tenir compte de la précision de ces instruments. On a déjà parlé de leurs limites. On vous a dit qu'on utilisait de l'haleine et qu'on vous donnait un résultat du taux d'alcool dans le sang. Est-ce que la lecture de l'instrument est très précise ou est-ce qu'il peut y avoir une certaine marge d'erreur? Les appareils utilisés au Canada ont effectivement une marge d'erreur de plus ou moins 10 milligrammes pour 100. Ainsi, si j'obtiens un premier résultat à 100 milligrammes, je ne sais pas où se situe la vérité; elle se situe quelque part entre 110 et 90 milligrammes pour 100. Si un individu a une alcoolémie qui se situe à 110 milligrammes pour 100, le deuxième test qu'on effectuera pourra nous donner une lecture aussi élevée que 120 milligrammes pour 100, puisqu'on applique encore une marge d'erreur de plus 10 milligrammes pour 100. Il y a donc un écart de 20 milligrammes pour 100 entre le premier résultat à 100 et le second à 120. Si l'alcoolémie d'un individu se situe à 90 milligrammes pour 100, on peut obtenir une deuxième lecture aussi basse que 80 milligrammes pour 100, ce qui est encore attribuable à cette précision de plus ou moins 10 milligrammes pour 100. Si on a un premier test à 100 milligrammes pour 100 et un deuxième à 80 milligrammes pour 100, on a encore cette fenêtre de 20 milligrammes pour 100, ce qui est conforme aux limites de précision de l'instrument. Nous considérons donc que lorsqu'on obtient un écart de 20 milligrammes pour 100 entre deux tests, nous avons deux tests équivalents ou deux tests égaux.

Lorsqu'on utilise un simulateur pour s'assurer du bon fonctionnement de l'instrument, grâce à cette nouvelle technologie, on peut être précis à plus ou moins cinq milligrammes pour 100. Mais lorsqu'on parle de l'haleine d'un individu, on ne peut pas être plus précis que plus ou moins 10 milligrammes pour 100. D'ailleurs, le résultat d'une analyse ne peut pas être meilleur que la qualité de l'échantillon d'air qu'on va chercher. Il est important d'avoir des techniciens qualifiés, qui sont bien formés et qui sont capables d'aller chercher l'air des alvéoles pulmonaires, l'air du fond des poumons, parce que c'est cet air-là qui est en relation avec le sang. Étant donné qu'il y a beaucoup de variabilité dans la qualité de l'échantillon fourni, même si on obtient deux très bons échantillons, on ne peut pas obtenir une précision supérieure à plus ou moins 10 milligrammes pour 100.

Un autre élément important, dont Brian nous a parlé plus tôt, est celui de l'alcool résiduel au niveau de la bouche. On vous a dit qu'il fallait attendre au moins 20 minutes avant de faire souffler l'individu dans un alcootest approuvé. Il en est ainsi parce que si, pour une raison ou une autre, l'individu a de l'alcool au niveau de la bouche, les instruments ne sont pas capables de faire la distinction entre cet alcool et l'alcool qui provient du fond des poumons, par exemple des alvéoles pulmonaires, d'où la nécessité d'attendre une période qu'on estime à 20 minutes avant de procéder au premier test. Quand on attend pendant 20 minutes, on est certain que tout alcool résiduel au niveau de la bouche a été totalement éliminé.

• 1630

Les appareils de détection approuvés et les alcootests approuvés se distinguent du fait que ces derniers ne peuvent être utilisés que par un technicien qualifié, c'est-à-dire un policier ou un agent de la paix qui a reçu une formation spécialisée dans le domaine de l'analyse de l'haleine. Quant à l'appareil de détection approuvé, un policier qui a reçu une formation minimale peut l'utiliser. On exige aussi que le policier qui utilise un appareil d'alcootest approuvé effectue un test de contrôle à chaque analyse d'haleine afin de s'assurer que l'instrument fonctionne bien. C'est un autre élément important qui le distingue des autres appareils de détection. On doit aussi évidemment faire des tests à blanc pour s'assurer qu'il n'y a pas d'alcool dans la pièce et que l'indicateur de l'instrument indique bien zéro lorsqu'il y a zéro, ce qu'on n'est pas tenu de faire dans le cas d'un appareil de détection approuvé.

Je pourrais peut-être aussi souligner que les alcootests au Canada utilisent la relation de 2 100:1. C'est-à-dire que ces instruments sont conçus pour multiplier le contenu d'alcool dans l'haleine par un facteur de 2 100, alors qu'on sait que les études récentes nous démontrent que le facteur réel se situe davantage aux environs de 2 300:1. Lorsqu'on analyse l'haleine d'un individu pour faire la corrélation dans le sang, on sous-estime donc de façon générale d'environ 9 p. 100 l'alcoolémie réelle de l'individu. Bien que nos appareils soient précis, ils ont tendance à sous-évaluer l'alcoolémie réelle de l'individu.

Ainsi se termine l'aperçu que je voulais vous donner des alcootests approuvés. Brian a apporté un alcootest de la Gendarmerie. Avant que vous ne retourniez chez vous ce soir, on pourrait procéder à certaines analyses et vérifier si vous êtes bien en état de conduire.

[Traduction]

Le président: Monsieur Jeffery, avez-vous des remarques à faire?

M. Wayne Jeffery (Laboratoire judiciaire de Vancouver; président, Comité de la drogue au volant, Société canadienne des sciences judiciaires, Gendarmerie royale du Canada): Oui. Je m'appelle Wayne Jeffery. Je suis président du Comité de la drogue au volant, qui, comme le Comité de l'alcootest, fait rapport au ministère de la Justice.

Nous avons ici cinq articles scientifiques à vous présenter. J'ignore si vous les avez tous sous les yeux. Je crois que deux ont déjà été traduits.

C'est un fait scientifique bien connu que des substances autres que l'alcool peuvent affaiblir les facultés. Les deux premiers documents que nous vous avons remis intitulés A Report on the Incidence of Drugs and Driving in Canada et The Involvement of Drugs in Driving in Canada: An Update to 1994 décrivent le genre de drogues trouvées dans l'organisme des personnes ayant été impliquées dans des accidents de la route mortels et dans les cas de conduite avec les facultés affaiblies par la drogue où on a obtenu un échantillon de sang.

Les deux catégories de drogues les plus courantes sont le cannabis et les benzodiazépines. Le Comité de la drogue au volant de la Société canadienne des sciences judiciaires appuie la recommandation de la Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada selon laquelle l'article 256 du Code criminel devrait être modifié de façon à permettre l'émission d'un télémandat aux fins de détection de drogue lorsqu'on a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction à l'article 253 après avoir consommé une telle substance.

Toutefois, nous estimons que ce n'est pas assez pour prévenir la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue. La loi actuelle prévoit déjà l'infraction de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, mais ne permet pas aux policiers d'obtenir des preuves à l'appui d'une accusation pouvant se transformer en condamnation. Le policier doit prouver l'affaiblissement des facultés et la présence de drogue. Cela ne peut se faire qu'en administrant un test de sobriété sur place et, deuxièmement, par l'analyse d'un liquide organique indiquant la présence de drogue dans l'organisme. La loi actuelle ne permet pas aux policiers de demander à un conducteur de se soumettre à un test de sobriété ou de fournir un échantillon de liquide organique.

Il n'y a donc pas de mesure législative qui s'applique comme telle à la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue comme c'est le cas pour l'alcool. Pour prouver l'affaiblissement des facultés par la drogue, le policier doit administrer un test de sobriété et obtenir un liquide organique, que ce soit du sang, de l'urine ou de la salive. Dans un avenir rapproché, la salive pourrait très bien remplacer le sang.

L'ampleur de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue au Canada a été sous-estimée en raison du handicap que constitue pour les policiers la loi actuelle.

Le troisième article s'intitule Alcohol, Drugs, and Impairment in Fatal Traffic Accidents in British Colombia; dans cet article, on tente de répondre à cette question. On y indique que 9 p. 100 de tous les accidents de la route mortels survenus en Colombie-Britannique ont été provoqués par les drogues et que 10 p. 100 des accidents ont été causés par les effets combinés de petites quantités de drogue associées à de petites quantités d'alcool.

• 1635

Ce sont là les statistiques concernant les accidents de la route mortels. Pouvons-nous présumer que les conducteurs étaient drogués? Nous avons fait ce lien pour l'alcool. Des études scientifiques publiées un peu partout dans le monde ont démontré que de 10 à 40 p. 100 des conducteurs dont les facultés étaient affaiblies et dont l'alcoolémie était inférieure à 100 milligrammes pour 100 étaient drogués.

Aux États-Unis, on a réagi au problème de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue en créant des experts en reconnaissance des drogues. C'est ce que décrit le quatrième article The Drug-Impaired Driver: The Drug Recognition Expert Response. Le programme de reconnaissance des drogues comprend des tests de sobriété administrés sur place, des analyses biologiques et des analyses des liquides organiques. À l'heure actuelle, ce programme existe dans 41 États américains.

On a aussi commencé à le mettre en oeuvre en Colombie-Britannique grâce au soutien de la Insurance Corporation of British Columbia. Son succès a toutefois été limité en raison du peu de demandes de tests de sobriété sur place et des d'analyses de liquides corporels. Il a toutefois bien réussi à éloigner de la route les conducteurs aux facultés affaiblies qui se sont fait retirer leur permis de conduire pour 24 heures.

Lorsqu'on veut porter des accusations contre un conducteur dont les facultés étaient affaiblies par la drogue, la première étape n'est pas de déterminer la concentration de drogue dans le sang. Pendant l'administration sur le terrain d'un test normalisé de sobriété ou d'après les observations d'un expert en reconnaissance des drogues, on recueille des preuves indépendantes du comportement du conducteur puis, des analyses en laboratoire viennent confirmer qu'une drogue d'une catégorie particulière a affaibli les facultés du conducteur.

Notre comité de drogue au volant recommande que, pour lutter contre la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, on apporte les changements suivants à l'article 253—ces changements sont énoncés à la page 4 du dernier article que nous vous avons remis.

On pourra demander un échantillon de liquide organique, sang, salive ou urine, à des fins de test de détection des drogues, seulement dans les conditions suivantes. Le policier a des motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne commet ou a commis pendant les deux heures précédentes une infraction à l'alinéa 253a); qu'il existe des symptômes manifestes et précis de l'affaiblissement des facultés physiques et psychomotrices nécessaires pour la conduite automobile tels que la conduite s'écarte de façon marquée de la norme de la garde, du contrôle ou de la conduite d'un véhicule; qu'un test effectué avec un appareil de détection approuvé ou un alcootest a démontré que l'alcoolémie du conducteur était inférieure à la limite légale.

Afin de satisfaire aux deux premières conditions, on estime que les policiers devraient avoir une formation particulière semblable à celle des experts en reconnaissance des drogues américains des 41 États où ce programme existe, et que la loi devrait être modifiée de façon à permettre l'administration de tests de sobriété sur-le-champ. Ces mesures législatives ne toucheront pas les conducteurs qui prennent des médicaments selon la posologie à des fins thérapeutiques. L'usage correct de médicaments prescrits par un médecin et sous la surveillance d'un pharmacien n'entraîne pas l'affaiblissement des facultés. Ces mesures législatives s'appliqueraient à l'abus de drogues illicites et de médicaments, car il ne faut pas se limiter aux drogues illicites.

Le président: Merci. Nous passons maintenant à la période de questions. Chacun aura d'abord sept minutes.

Monsieur Harris, vous avez la parole.

M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je vous remercie de vos remarques, qui sont des plus intéressantes.

Ce que je trouve le plus frustrant, c'est de lire dans les journaux ou d'entendre des policiers me dire qu'ils ont fait tout ce qu'ils devaient faire, mais qu'un avocat de la défense a réussi à faire innocenter une personne qui avait conduit en état d'ébriété grâce à une subtilité judiciaire, en invoquant par exemple l'état de l'équipement ou la procédure suivie par le policier, qui a peut-être dit un mot qu'il n'aurait pas dû dire. Il me semble que si on peut marcher sur la lune, et si on peut envoyer des sondes au-delà de la lune, on devrait avoir une méthode sûre à 99,9 p. 100 pour détecter—au départ, sur place—l'alcool ou les drogues chez les conducteurs.

Sommes-nous bien loin de la perfection absolue—je sais qu'on ne peut l'atteindre—dans les appareils de détection?

• 1640

M. Brian Hodgson: La perfection absolue est impossible, monsieur Harris, parce qu'il s'agit ici d'un processus scientifique et que même les meilleurs instruments du monde comporteront toujours une marge d'erreur, comme l'a indiqué Louise.

Nous estimons avoir intégré au système actuel le plus de normes de contrôle de la qualité possibles et raisonnables dans les limites de ce qui est pratique, sans aller jusqu'à demander au Parlement de faire de la conduite avec les facultés affaiblies une infraction absolue, c'est-à-dire que l'infraction est commise dès qu'on dépasse la limite, et il n'y a pas de recours.

Je connais bien les arguments qu'on invoque devant les tribunaux, et il est difficile de comprendre ce qui se passe dans ces situations-là. Comme vous le savez sans doute, une des défenses les plus populaires en matière de conduite en état d'ébriété, c'est que la personne estime qu'elle ne pouvait absolument pas avoir dépassé la limite légale. C'est ce qu'on appelle la défense des deux bières.

Le Code criminel prévoit toutefois la preuve contraire; il incombe aux tribunaux canadiens de déterminer s'ils auront cette preuve crédible plutôt que de décider si l'accusé avait bien excédé la limite légale, ce que la Couronne, la poursuite, doit prouver.

Vous avez parlé des analyses d'haleine faites au bord de la route. Il existe maintenant des appareils approuvés en vertu du Code criminel, comme l'a mentionné Louise, qui pourraient servir d'appareils de détection routiers, mais ils ne sont pas aussi fiables que ceux qu'on utilise au poste de police. Ils doivent être assujettis aux mêmes critères de fonctionnement et aux mêmes normes de contrôle de la qualité que tout autre appareil.

J'ignore si on arrivera à un point où il sera impossible d'invoquer un argument contre la preuve d'alcoolémie fournie par un alcootest. Les policiers doivent suivre une procédure rigoureuse, et si les tribunaux estiment qu'on n'a pas suivi la procédure, il y a bien peu que les scientifiques puissent faire, sauf soulever la question de savoir s'il s'agit d'une erreur capitale ou d'une simple déviation de la procédure qui ne porte pas à conséquence.

M. Doug Lucas: Si nous nous attendons à la perfection, nous serons fatalement déçus. Nous pouvons aspirer à la perfection, et je crois que c'est ce que tout le monde fait.

Les procédures existent, et la technologie est telle que lorsque les policiers font ce qu'ils sont censés faire—et je crois que dans la grande majorité des cas ils le font—les résultats sont valides, et c'est le mieux que nous puissions faire.

La façon dont les tribunaux interpréteront ces résultats, c'est une autre histoire. C'est là qu'interviennent certaines des frustrations dont vous avez parlé et que nous éprouvons, puisque nous devons faire affaire avec les tribunaux chaque jour. Cependant, le revers de la médaille, c'est que s'il faut qu'il y ait doute raisonnable et application régulière de la loi, il est inévitable que certaines causes ne satisferont pas à ces critères, ou pas du moins aux yeux du tribunal. Je pense que c'est inévitable, mais que nous pouvons nous attendre à des résultats valides lorsque le processus est suivi comme il doit l'être.

M. Wayne Jeffery: J'ai simplement un commentaire concernant les stupéfiants et l'alcool. Bien des gens déterminent s'il y a facultés affaiblies en fonction d'un chiffre, et grâce aux alcootests administrés lors de contrôles routiers, qui sont très utiles pour déterminer la conduite avec facultés affaiblies, dans bien des tribunaux à l'heure actuelle, l'accusé n'a pas à subir ce genre de procédures. L'une des mesures qui sont très valables dans le cas de l'alcool, et non seulement dans le cas des stupéfiants, c'est le test de sobriété administré lors de contrôles routiers. On ne peut en faire qu'une utilisation restreinte dans le cadre de la loi actuelle. Si une telle procédure était autorisée, elle serait utile dans de nombreux aspects différents des tests de détection.

M. Dick Harris: J'ai juste une autre question, qui s'adresse peut-être à M. Jeffery. Il s'agit de l'exigence voulant qu'un agent de la paix ait des motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction et est en droit de demander un alcootest. J'ai vérifié auprès de nombreux avocats de la Couronne, qui m'ont dit que dans bien des cas l'existence de motifs raisonnables et probables avait été établie de façon adéquate et que la personne qui avait subi le test avait nettement dépassé la limite légale. Cependant, parce qu'un policier a peut-être eu des doutes à propos de quelque chose qui n'a absolument aucun rapport avec le fait que la personne présente des facultés affaiblies ou non, la défense a soutenu que si le policier n'arrivait pas à se rappeler s'il y avait trois, quatre, cinq ou six personnes dans le véhicule, comment pouvait-il avoir des motifs raisonnables pour demander un alcootest, même si le premier test de détection avait établi qu'il avait effectivement des motifs raisonnables? C'est une situation qui devient très frustrante lorsqu'on dispose du matériel de détection, que tout marche bien et que pourtant, à cause d'un simple vice de forme, tout est remis en question.

• 1645

M. Brian Hodgson: Cela dépend de l'importance que le tribunal souhaite accorder à la pertinence du nombre de gens présents dans le véhicule—autres que le conducteur—en ce qui concerne la personne accusée de l'infraction. Je pense que le policier devrait se concentrer sur le conducteur, parce qu'il s'agit de l'auteur de l'infraction, et s'en tenir à des observations sur le conducteur en question, particulièrement en ce qui concerne les indices de facultés affaiblies dans la conduite d'un véhicule automobile.

Ma propre opinion, c'est que le nombre d'autres personnes présentes dans la voiture n'a absolument aucune importance. Je demanderais au tribunal: «Comment pouvez-vous accorder du poids à ce facteur si vous devez en faire un élément de votre détermination dans le cadre de la preuve?»

M. Dick Harris: Très bien.

Le président: Je vous remercie, monsieur Harris.

Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Ma première question sera dans la foulée de celle de M. Harris.

Lorsque les individus contestent devant les tribunaux, ont-ils tendance à gagner dans beaucoup de cas? Dans quelle proportion gagnent-ils? Avez-vous des chiffres là-dessus?

Mme Louise Deheut (membre, Société canadienne des sciences judiciaires): On n'a pas vraiment de chiffres à ce sujet, mais comme mes collègues et moi allons souvent à la cour, je peux vous dire que, lorsque l'individu conteste, c'est une question de crédibilité. Si le juge croit l'accusé et que le procureur de la Couronne est incapable de mettre en doute la crédibilité de l'accusé, le juge n'a pas le choix. Il est pratiquement tenu d'acquitter la personne, à moins d'avoir une preuve de facultés affaiblies, mais une preuve de facultés affaiblies n'est pas facile à faire.

Lorsqu'on a des niveaux moyens, c'est-à-dire 80, 100 ou 110, il arrive souvent que les symptômes ne sont pas très apparents. On ne peut pas alors condamner la personne pour capacité de conduite affaiblie. Si le juge décide de croire la personne qui dit qu'elle avait pris seulement deux bières, ce qui ne peut pas donner 120, eh bien, c'est fini: la personne sera acquittée.

Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui contestent qui sont acquittés, mais je n'ai pas de statistiques précises. Comme vous le dites, c'est extrêmement frustrant. Évidemment, nous travaillons principalement du côté de la Couronne. D'une part, nous voyons un policier et un technicien qualifié qui a utilisé un appareil approuvé, qui a fait ses tests de contrôle et qui a eu deux résultats à l'intérieur de 20 milligrammes. Il n'a aucune raison de fausser les résultats, et tout est bien fait. D'autre part, nous voyons l'individu qui, curieusement, se rappelle exactement ce qu'il a bu et l'heure à laquelle il l'a bu. Il était évidemment sous l'effet de l'alcool, mais il a quand même une assez bonne mémoire pour se rappeler tous ces événements et il les raconte à M. le juge. Dans la grande majorité des cas, les gens sont acquittés.

M. Pierre Brien: Voici ma deuxième question. Elle a trait au conducteur qui est impliqué dans un accident, qui quitte le lieu et qu'on retrouve après un certain temps. Pendant combien de temps après l'accident est-il raisonnable de faire subir un test à un individu pour mesurer son taux d'alcoolémie? Dans de tels cas, est-il pertinent ou possible de faire des tests de dépistage d'alcool ou si on doit oublier ça?

[Traduction]

M. Doug Lucas: En ce qui concerne le temps qui est raisonnable, pour ce qui est du métabolisme de l'alcool, qui est un problème, la loi actuelle prévoit deux heures, et ici encore il s'agit d'un chiffre arbitraire, mais non capricieux. Nous savons qu'il y aura un changement dans le taux d'alcoolémie dans une période de deux heures, mais on partait du principe que dans cette période de deux heures nous pouvions obtenir des résultats raisonnablement précis. Plus on dépasse cette période de deux heures, en raison des variations au niveau du métabolisme, plus les résultats risquent d'être incorrects.

• 1650

Donc, une période de deux heures n'est pas déraisonnable. On pourrait la dépasser, mais alors le problème qui se pose, c'est l'importance que l'on pourra accorder aux résultats.

En ce qui concerne l'autre partie de votre question, comme vous avez indiqué qu'il s'agit d'un conducteur qui quitte les lieux d'un accident, le conducteur n'a pas eu de contact avec la police. Il peut automatiquement invoquer comme moyen de défense qu'il n'a bu qu'après avoir quitté la scène de l'accident, et à cet égard la technologie n'est d'aucune utilité.

Le président: Merci.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le président, je vais changer de place avec mon collège, M. MacKay, qui est un homme très occupé et qui vient de recevoir un important appel téléphonique, mais il me garantit qu'il n'a qu'une brève question à poser, si vous êtes d'accord.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je remercie mon collègue. En tant qu'avocat de la défense, il est très aimable de sa part de céder son tour à un avocat de la Couronne.

M. Peter Mancini: Comme toujours.

M. Peter MacKay: Je pense qu'il est très clair d'après le ton des questions qu'il y a beaucoup de frustration, et je pense que les lois sur la conduite avec facultés affaiblies et l'avènement de la Charte ont été une vache à lait pour les avocats pendant longtemps.

L'aspect scientifique se résume, comme je l'ai constaté dans quelques cas, à une sorte de duel entre scientifiques et à ceux qui peuvent produire le meilleur expert, sans compter l'interprétation de ce qui constitue un doute raisonnable. C'est un long préambule.

M. Peter Mancini: Je ne suis pas sûr que j'aurais dû vous laisser mon tour.

M. Peter MacKay: Ma question est la suivante: on utilise de plus en plus l'ADN pour prévenir et résoudre des crimes. Envisagez-vous la possibilité qu'un jour l'ADN puisse intervenir dans l'équation de la conduite avec facultés affaiblies? Peut-on détecter la présence de stupéfiants ou d'alcool grâce à l'ADN? C'est une question que je me suis toujours posée.

M. Brian Hodgson: Dans le cas de l'alcool, la réponse est non. En fait il s'agit d'une question tout à fait distincte. L'ADN concerne le bagage génétique d'une personne. L'alcool est une substance étrangère présente dans le corps, substance qu'une personne consomme. Elle se trouve donc dans le corps en tant que substance étrangère et est facilement détectée et mesurée en tant que telle. Je ne vois absolument aucun lien entre l'ADN et les analyses d'alcool.

En ce qui concerne les stupéfiants, je céderai la parole à Wayne.

M. Wayne Jeffery: Oui, c'est la même chose dans le cas des stupéfiants. Il n'existe absolument aucun lien.

M. Peter MacKay: Très bien. C'était ma question. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini: Tout d'abord, monsieur Jeffery, si j'ai bien compris votre témoignage, il est très difficile de déterminer la conduite avec facultés affaiblies causée par l'ingestion de stupéfiants.

M. Wayne Jeffery: Tout à fait.

M. Peter Mancini: J'aimerais simplement être sûr de bien comprendre. D'après mon expérience, dans la plupart des cas la police accuse quelqu'un en vertu des dispositions du code, relatives à la capacité de conduite affaiblie, mais elle l'accuse également en vertu des dispositions du code relatives à la garde et au contrôle.

Je pense que vous avez raison lorsque vous dites que les statistiques sont faussées en ce sens que le nombre de personnes avec facultés affaiblies est plus élevé que ne l'indiquent les statistiques en vertu des dispositions relatives à la capacité de conduite affaiblie. Mais ne croyez-vous pas comme moi que les statistiques sont également faussées parce que ces personnes seraient reconnues coupables dans la plupart des cas en vertu des dispositions du Code criminel relatives à la garde et au contrôle? Je ne sais pas si cela fausserait les statistiques, mais ne convenez-vous pas avec moi qu'elles tomberaient dans cette catégorie? Ai-je raison?

M. Wayne Jeffery: Non.

M. Peter Mancini: Très bien.

M. Wayne Jeffery: Vous n'avez pas raison en ce qui concerne cet aspect pour la bonne raison que la police a beaucoup de difficulté à déclarer qu'une personne a des facultés affaiblies à cause de la présence de stupéfiants. Si vous l'accusez en vertu des dispositions relatives à la garde et au contrôle, il reste à prouver que les stupéfiants en étaient la cause, et s'il n'existe aucun mécanisme pour en établir la cause, la police ne pourra pas alors porter cette accusation.

Il n'en reste pas moins qu'il y a certains cas de conduite avec facultés affaiblies qui relèvent des dispositions relatives à la garde et au contrôle, mais cela ne fausse pas vraiment les statistiques. Il y a en fait très peu de cas de conduite avec facultés affaiblies causés par des stupéfiants qui sont traités en vertu des dispositions relatives à la garde et au contrôle parce qu'il y a très peu d'accusations portées dans ce genre de cas en raison du libellé de la loi actuelle.

M. Peter Mancini: Très bien, c'est intéressant. J'aimerais voir ces statistiques. C'est peut-être simplement la façon dont ils fonctionnent en Nouvelle-Écosse, mais d'après mon expérience... il ne fait aucun doute qu'en tant qu'avocat de la défense il faut toujours examiner l'aspect capacité de conduite affaiblie, mais il ne faut pas laisser échapper l'aspect garde et contrôle, parce qu'il est presque inévitable que cela serait suivi d'une inculpation.

M. Wayne Jeffery: Non, cela ne correspond pas à mon expérience.

M. Peter Mancini: Très bien. Pour revenir à la question de M. Harris lorsqu'il a parlé de toutes ces questions de forme et de leur application stricte par les tribunaux, n'êtes-vous pas d'accord avec moi pour dire que cette application stricte par les tribunaux est en partie attribuable aux faits que nous avons affaire à des appareils, et à des appareils très sensibles, de sorte que si par exemple le tube n'est pas propre, s'il y a un problème dans l'administration du test, cela expliquerait pourquoi les tribunaux exigent que le policier suive à la lettre la méthode?

M. Brian Hodgson: Oui, parce que le tribunal a devant lui une personne accusée d'une infraction criminelle. Au Canada, il s'agit d'une infraction qui relève du Code criminel. Donc, si en fonction de cette technologie, de ces appareils, la personne est accusée d'avoir dépassé la limite légale, par exemple, le tribunal doit, en fonction des chiffres qui lui sont présentés comme preuve, décider s'il y a lieu de déclarer la personne coupable de l'infraction criminelle. Nous souscrivons entièrement à la notion selon laquelle il doit exister des normes de contrôle de la qualité très strictes en ce qui concerne cette technologie.

• 1655

Le président: Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci beaucoup.

[Traduction]

Tout d'abord, monsieur Lucas, vous avez indiqué que vous trouvez regrettable qu'on utilise le terme «drunkometer». Je suis sûr que c'est la partie «mètre» qui ne vous plaît pas, n'est-ce pas?

Je ne suis ni avocat ni scientifique, donc vous voudrez bien excuser mon vocabulaire très général.

[Français]

Vous dites qu'au poste de police, vous attendez pendant une vingtaine de minutes pour vous assurer que le test d'haleine qu'on prend correspond à l'air qui est dans les poumons et non pas à l'air qui est dans la bouche.

Quel est l'effet de cette attente de 20 minutes sur le taux d'alcoolémie réel de la personne soupçonnée? Autrement dit, est-ce qu'en 20 minutes, il peut y avoir une telle déperdition du taux d'alcoolémie que ça fausse le résultat en bout de ligne?

Mme Louise Deheut: Normalement, l'élimination de l'alcool se fait en moyenne à un taux de 15 milligrammes pour 100 à l'heure. Donc, si on attend 20 minutes, ce n'est pas beaucoup. Ça fait une différence de 4 ou 5 milligrammes, pas plus. Ce n'est pas significatif. Le préjudice causé par une lecture possiblement erronée est beaucoup plus important que la perte. Et là, il s'agit uniquement des personnes en phase descendante au moment des tests, parce que la personne peut également être dans une phase stable, qui s'appelle la phase plateau.

M. Jacques Saada: La phase plateau.

J'ai trois questions, mais elles sont courtes. Voici la seconde.

Vous avez fait allusion à une marge d'erreur de plus ou moins 10 p. 100. Quels sont les risques que cette marge de 10 p. 100 puisse être suffisante pour éliminer une majorité des cas qui seraient dans cette fourchette-là devant les tribunaux? Autrement dit, à quoi cette marge de 10 p. 100 correspond-elle dans la réalité, concrètement parlant? Est-ce qu'on peut avoir une idée du nombre de personnes qui ont été arrêtées et qui, à cause de cette marge de 10 p. 100, s'en sortent, alors qu'au moment où elles ont été arrêtées, il y avait de grandes chances qu'elles soient effectivement en état d'ébriété?

Mme Louise Deheut: D'emblée, je vous dirai que ce n'est pas vraiment 10 p. 100 mais 10 milligrammes pour 100. Si on applique 10 p. 100 à un taux de 150, on arrive à 15 milligrammes.

M. Jacques Saada: C'est 10 milligrammes pour 100.

Mme Louise Deheut: Oui. Plus ou moins 10 milligrammes pour 100.

Maintenant... J'ai perdu le fil.

[Traduction]

M. Brian Hodgson: Pourquoi cette marge d'erreur existe-t-elle? Quel est le risque?

[Français]

Mme Louise Deheut: Ah, oui. Je n'ai pas les statistiques ici, mais je crois que la majorité des gens qui sont amenés au poste pour souffler dans un appareil ont déjà des alcoolémies nettement supérieures à 90 milligrammes pour 100.

M. Jacques Saada: Donc, le risque d'écart entre les deux est relativement limité.

Mme Louise Deheut: C'est cela. C'est assez rare qu'il y ait des taux inférieurs à 90 milligrammes pour 100.

M. Jacques Saada: J'ai une dernière question qui est très, très large. M. Harris et M. Brien ont fait allusion à la frustration qu'on peut éprouver à voir des gens qui ne devraient pas être en train de conduire, qui ont été pris et qui s'en sortent quand même.

Est-ce qu'il y a des choses concrètes qui pourraient être envisagées en termes d'amendements à la loi actuelle, qui faciliteraient le travail, ou est-ce qu'on a atteint la limite de ce qu'on peut faire dans le cadre de la Charte des droits?

[Traduction]

M. Brian Hodgson: Non.

Est-ce que vous vouliez soulever cet aspect?

M. Doug Lucas: Il y a quelques questions, mais je pense qu'il y en a une qui pourrait être utile. Comme je l'ai mentionné au début, dans la loi on parle de sang, mais nous mesurons l'haleine. Nous devons faire ce calcul, et il existe cette variante quant à savoir si le ratio est de 2 100:1 ou de 2 300:1. C'est une différence de 9 p. 100.

Ce qui s'est passé dans certains pays, surtout au Royaume-Uni et dans plusieurs États aux États-Unis, c'est qu'au lieu de codifier l'infraction en tant que quantité dans le sang, ils la codifient en tant que quantité dans l'haleine. Donc, au Royaume-Uni, c'est une infraction d'avoir plus que 35 microgrammes d'alcool pour 100 millilitres d'haleine. Cela élimine l'une des variables.

• 1700

C'est une bonne chose, car la plupart des recherches faites sur les facultés affaiblies et les effets de l'alcool ont été faites en ce qui concerne l'haleine, et les études font la conversion de l'haleine au sang et l'inverse à nouveau devant les tribunaux. Donc je pense que c'est une mesure qui a un certain mérite.

L'inconvénient, bien entendu, c'est que cela représenterait un énorme problème au niveau de l'information publique, parce que vous vous trouveriez à changer maintenant le chiffre. Bien des gens ont suffisamment de difficulté à comprendre ce que signifie le chiffre 80; donc si vous vous mettez à parler de 35, ou d'un autre chiffre, cela complique les choses.

Au Royaume-Uni, c'est l'une des choses qu'ils ont faites. Leur loi énonce que constitue une infraction le fait de conduire avec un taux d'alcoolémie de plus de 80 milligrammes d'alcool dans 100 millilitres de sang, soit 35 microgrammes d'alcool dans 100 millilitres d'haleine, les deux étant équivalents. Ils utilisent le ratio de 2 300:1 pour effectuer la conversion. Donc c'est une possibilité que vous pourriez envisager.

Quant aux autres mesures qui me viennent à l'esprit qui pourraient être envisagées, une autre—et je pense qu'elle présente des difficultés considérables—c'est qu'au lieu de parler de concentration dans le sang ou de concentration dans l'haleine, on parle de la lecture d'un instrument approuvé. De cette façon, vous pouvez éviter les problèmes qui se rattachent à cette marge d'erreur de 10 milligrammes pour 100, le problème que pose la lecture de l'haleine, etc. Ce pourrait être un moyen valable. Il est utilisé dans certains pays. Mais je reconnais que ce serait un énorme précédent que d'établir une infraction en vertu du Code criminel en fonction des résultats fournis par une boîte noire. C'est donc une possibilité qu'il faudrait étudier très soigneusement.

Ce sont deux moyens qui pourraient être envisagés.

M. Wayne Jeffery: Simplement pour ajouter un commentaire, en ce qui concerne le conducteur dont la capacité de conduite est affaiblie à cause de stupéfiants, j'ai recommandé deux choses dans le rapport. L'une, c'est de procéder à des tests de détection de la sobriété sur le terrain pour permettre aux policiers de procéder à des tests uniformisés pour déterminer la présence de stupéfiants. Dans un tel cas, il faudrait que soit autorisé le prélèvement d'échantillons de sang, de salive ou d'urine pour établir la présence du stupéfiant. Donc ce pourrait être deux mesures importantes à prendre dans le cas d'un conducteur qui conduit sous l'influence de stupéfiants.

[Français]

M. Jacques Saada: Est-ce que j'ai encore du temps?

Le président: C'est tout.

M. Jacques Saada: Merci.

[Traduction]

Le président: Le deuxième tour est un tour de trois minutes, c'est-à-dire assez de temps pour une question et une réponse.

Monsieur Harris.

M. Dick Harris: J'ai simplement une question.

J'ai vu une annonce à la télévision l'autre soir concernant un nouveau type de test de glucose pour les diabétiques. Ce test ne perce pas la peau. C'était, je pense, comme un test au laser. Je me demande si on envisage ce type de test, c'est-à-dire simplement poser un instrument sur la peau d'une personne et appuyer sur le bouton, sans qu'il y ait pénétration. Est-ce qu'on envisage ce genre de chose?

M. Brian Hodgson: Peut-être, mais il s'agit de recherche de pointe. En fait on n'en est qu'au stade de la recherche. Vous faites allusion à un système—et j'en ai entendu parler lors de conférences—de mesure du taux d'alcoolémie dans le sang en se servant simplement du doigt de la personne et en mesurant la concentration d'alcool dans le sang. C'est vraiment un concept tout à fait révolutionnaire dans notre domaine qui n'en est qu'au stade de la recherche. Je sais qu'une entreprise aux États-Unis examine cette possibilité de très près. Ce qui en résultera bien entendu... Lorsque l'on fait de la recherche pure, bien sûr, on ne sait jamais quels en seront les résultats et combien de temps cela prendra.

Je pense que pour l'instant la meilleure solution pour ce qui est de déterminer le taux d'alcoolémie demeure les analyses d'haleine. En ce qui concerne le commentaire du député à propos des mesures que nous pourrions prendre, si nous prenons la proposition de M. Jeffery, dans le cas de la présence de stupéfiants, de prélever un échantillon de liquide organique, et de procéder de façon complètement séparée à des analyses d'haleine pour déterminer la présence d'alcool, on se trouverait alors à avoir un double effet.

M. Doug Lucas: Pourrais-je ajouter quelque chose à cette réponse, monsieur le président?

Comme Brian le dit, c'est possible. Cependant, je ne crois pas que ce soit la panacée. Je pense qu'il ne faut pas oublier les limites des contrôles routiers dont les résultats seront utilisés comme preuve dans des causes criminelles graves. Les normes pour ce genre de preuve sont élevées; c'est pourquoi il faut tenir compte de l'environnement. Quel est l'effet de l'environnement sur cet appareil? Il peut très bien fonctionner en laboratoire, mais fonctionnera-t-il lorsqu'il fait dix sous zéro ou trente degrés au-dessus de zéro? Comment fonctionne-t-il? Doit-il être branché ou peut-il être utilisé à l'aide d'une pile, et quelle sorte de pile? Y a-t-il quelque chose dans l'air qui pourrait avoir une influence? Pouvez-vous le calibrer sur les lieux, ou en vérifier le calibrage?

• 1705

Ce sont tous ces aspects du contrôle de la qualité que je considère—et je crois que mes collègues sont d'accord avec moi—comme importants en raison du poids de ce genre de preuve dans une cause criminelle grave. Ce sont donc des aspects dont il faut tenir compte, peu importe l'appareil que vous utilisez, si vous l'utilisez dans un environnement ou un milieu autre qu'un milieu confiné.

M. Dick Harris: Donc, en bref, si je vous comprends bien, vous considérez que ce serait un grand pas en avant si les instruments dont nous nous servons à l'heure actuelle pour effectuer des tests étaient plus fiables... donc, ce dont nous avons besoin, c'est de rendre plus fiables les instruments qui servent à produire les preuves proprement dites.

M. Doug Lucas: Pour la fiabilité de ce résultat, oui. Maintenant, cela dit, j'avoue que j'ai une formation scientifique, et je crois que si je fais bien les choses en appliquant cette technologie j'obtiendrai probablement un résultat meilleur que celui qui serait fondé sur une estimation établie en fonction de la quantité d'alcool consommée par quelqu'un. Mais je reconnais aussi qu'il y a des gens qui ont une formation différente et qui ne partagent pas nécessairement ce point de vue.

Le président: Merci, monsieur Harris.

Madame Bakopanos, avez-vous une question?

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci. En fait, c'est dans la même veine.

On parle d'air, mais aussi de différents métabolismes, c'est-à-dire le métabolisme comparé des hommes et des femmes. J'ai lu récemment une étude sur la métabolisation de l'alcool chez la femme. Une femme peut avoir moins d'alcool dans son système et dépasser quand même la limite beaucoup plus rapidement. Cela a été scientifiquement établi. Je ne me rappelle plus le nom du scientifique qui a fait cette étude.

Personnellement, j'ai le sentiment que nous avons effectivement un processus. Comme vous l'avez dit, c'est un crime grave; ce n'est pas un crime mineur. Je pense qu'il faut insister là-dessus: c'est une condamnation criminelle. Nous devons établir dans le système le plus possible de poids et de contrepoids. Nous ne sommes pas dans une situation étroitement contrôlée: cela se fait dehors, dans un poste de police, etc.

Mon collègue a posé la question de savoir quelles recommandations vous feriez quant aux changements que l'on pourrait apporter dès maintenant pour permettre à la police de présenter au juge la meilleure preuve possible. En fin de compte, et ce qu'il faut faire, c'est laisser libre cours au processus d'application de la loi. Nous devons laisser à la magistrature un certain pouvoir discrétionnaire pour juger de la crédibilité du témoin.

Je voulais faire cette observation, me fondant sur le fait que l'erreur est humaine de part et d'autre, dès que des humains sont en cause quand il s'agit de consommation d'alcool.

M. Brian Hodgson: Oui, c'est tout à fait vrai. Et vous avez raison de dire qu'il y a une différence entre les hommes et les femmes. C'est une question de physiologie. Ce n'est pas sexiste; c'est purement physiologique.

Mme Eleni Bakopanos: On ne pourra donc jamais avoir le test parfait. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, mais il n'existe pas de test parfait.

M. Brian Hodgson: Eh bien, je pense que chaque test mérite examen.

Mme Eleni Bakopanos: Pas de boîtes roses et bleues. Ce n'est pas ce à quoi je faisais allusion, non. Nous ne pouvons pas agir comme cela.

M. Brian Hodgson: Je ne pense pas qu'un test scientifique quelconque soit à l'abri de l'examen. Tout test devra toujours être examiné de près pour vérifier que la procédure a été correctement suivie.

Mme Eleni Bakopanos: Bien. Merci.

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai eu de la difficulté à trouver une question à poser, ayant moi-même été assujetti à tout le processus déjà une fois, bien que je m'en sois sorti sans aucune accusation. J'ai décidé de cesser de courir des risques et j'ai donc renoncé à la bouteille.

Avez-vous une idée quelconque de ce qu'il arrive s'il y a un écart entre le test subi au bord de la route et un autre test subi plus tard, dans un cas où le policier est convaincu, d'après les résultats du test fait au bord de la route, que le type en question doit subir l'épreuve de l'alcootest, et si l'on constate par la suite qu'il n'est pas vraiment en état d'ébriété?

• 1710

M. Brian Hodgson: Oui, en fait, c'est un facteur crucial, car on fait subir l'épreuve du bord de la route au conducteur au moment de son arrestation, et le test subi à ce moment-là mesure la concentration d'alcool dans le sang telle que mesurée par l'haleine à ce moment précis.

S'il y a le moindre retard, disons par exemple une heure, avant l'administration de l'alcootest, une partie de l'alcool a maintenant été éliminée—comme Louise l'expliquait, il s'est écoulé une heure de métabolisation. Si le conducteur était tout juste au-dessus de la limite à ce moment-là, au bord de la route, il est fort possible qu'au moment de subir l'alcootest il se situe en bas de la limite. Il peut être à 80 milligrammes, par exemple, ce qui n'est pas supérieur à 80 milligrammes.

C'est l'un des facteurs dont nous demandons aux policiers de tenir compte, à savoir qu'il peut y avoir une différence entre les deux. Mais n'oubliez pas que c'est seulement un facteur dans les cas limites. Si le conducteur est le moindrement au-dessus de ce seuil limite, alors même une heure plus tard il sera encore au-dessus de la limite égale telle que mesurée par l'alcootest ou l'instrument approuvé.

M. Ivan Grose: J'avais une autre question, mais elle m'a été volée par un autre député, au sujet de la recherche sur le test routier afin de le rendre...

Le président: Monsieur Grose, je crois que l'on n'a pas fini de répondre à votre première question.

M. Ivan Grose: Oh, je m'excuse.

M. Doug Lucas: Il y a un autre facteur, au sujet de l'écart entre le test fait au bord de la route et celui de l'alcootest. C'est que les appareils utilisés au bord de la route ne sont pas tous calibrés au même niveau; cela dépend du territoire où l'on se trouve. En certains endroits, je pense qu'on les règle à 80 milligrammes, mais ailleurs, c'est 100 milligrammes. J'ai entendu dire récemment que dans un certain endroit on les règle même encore plus haut que cela. Donc, l'écart entre les deux dépend du seuil de réussite exigé. Enfin, c'est une décision prise par le service policier en question.

M. Ivan Grose: Merci. Cela répond à mon autre question.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Monsieur DeVillers:

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): J'ai une brève question.

Une des suggestions que M. Lucas a faites était de mesurer l'haleine au lieu du sang. Vous avez parlé d'un programme d'information du public. Aux yeux du grand public, n'est-ce pas le nombre de verres qui compte? Si la limite ne change pas, est-ce que les gens ne se disent pas qu'ils peuvent boire un, deux ou trois verres? Serait-ce vraiment un grave problème?

M. Doug Lucas: Vous avez tout à fait raison. Je pense que le public voit cela en effet en nombre de verres que l'on peut boire, ce qui est une façon très risquée de mesurer, soit dit en passant, parce que cela dépend énormément de la grandeur des verres en question et du temps qu'on met pour les boire. Louise nous a dit la semaine dernière qu'elle a trouvé chez son dépanneur une bouteille de bière de trois litres. Une seule bouteille de bière.

L'information publique à laquelle je songeais s'adresserait probablement plutôt aux personnes directement intéressées, c'est-à-dire les tribunaux, les juges, la police, et les avocats, et non pas au grand public, car je pense que vous avez raison de dire que pour le grand public, c'est plutôt le nombre de verres qui compte.

M. Paul DeVillers: Ils sont mal informés, mais ils ont quand même un système de pensée...

M. Brian Hodgson: Je voudrais ajouter à cela que le seuil auquel nous songeons pour l'haleine est l'équivalent de la même concentration dans le sang, c'est-à-dire 80. Donc, quand vous parlez du nombre de verres, cela ne change rien...

M. Paul DeVillers: Cela ne changerait rien; on est tout autant dans son tort.

M. Brian Hodgson: Tout à fait.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): J'ajoute que le chef Chambers, à Vancouver, s'imaginait lui aussi pouvoir prendre trois verres de vin.

Le président: Je voudrais poser une question à Mme Deheut. Vous avez dit qu'il y a une limite de deux heures et que le test doit être subi dans cet intervalle. Mais si mon haleine est très supérieure au seuil et que cela fait deux heures et quart ou deux heures et demie... Pourquoi cette limite de deux heures? Qu'est-ce qui ferait que le résultat serait alors erroné?

Mme Louise Deheut: Je m'excuse, je n'ai pas tellement bien compris. Parlez-vous de quelqu'un qui se situerait au-delà de ce créneau de 20 milligrammes?

Le président: Non, je parle de quelqu'un qui aurait dépassé la limite de deux heures. Vous devez administrer l'alcootest dans les deux heures après l'accident ou l'arrestation. Mais si j'atteins quand même un niveau très élevé, pourquoi rejetterait-on cela? Pourquoi cette limite de deux heures?

Mme Louise Deheut: Peut-être que Doug pourrait...

M. Doug .Lucas: Le résultat ne serait pas rejeté. Vous pouvez quand même présenter la preuve après deux heures. Mais il n'y a plus présomption. Il y a présomption dans le Code criminel que si l'on fait bien les choses et si les deux tests présentent des résultats très proches, alors on suppose que le résultat représente fidèlement la situation au moment de la conduite. C'est d'ailleurs tout à fait hypothétique, car c'est de la fiction scientifique. Le résultat ne sera pas vraiment le même, mais cela permet une certaine simplicité dans les tribunaux.

• 1715

Après deux heures, vous ne pouvez plus invoquer cette présomption. Toutefois, vous pouvez toujours en faire la preuve. Vous pouvez faire appel à un toxicologue qui interprétera quelle était la concentration d'alcool dans le sang au moment de la conduite automobile. Toutefois, plus le temps passe, plus le calcul perd en précision et inspire moins confiance. Il s'agit alors de savoir quel poids le tribunal accordera à ces chiffres. La cause n'est pas automatiquement perdue parce qu'il s'est écoulé plus de deux heures. Vous pouvez toujours faire votre preuve, mais c'est plus difficile.

[Français]

Mme Louise Deheut: Ce critère de deux heures a été établi parce qu'on sait que l'alcool bouge continuellement dans l'organisme. On voulait trouver une valeur. Comme on le disait plus tôt, ce n'est pas un chiffre magique, mais c'est quand même représentatif. On peut avoir confiance que le taux mesuré dans un délai de deux heures représente vraisemblablement le taux d'alcool au moment de la conduite.

La situation qui est la meilleure pour l'accusé et la pire pour la poursuite, c'est quand un individu était franchement en phase d'élimination au moment de l'accident. À ce moment-là, dans une période de deux heures, on aurait une perte d'alcool pouvant aller jusqu'à 30 milligrammes pour 100. Cependant, lorsqu'arrive un accident ou lorsqu'on fait une interception, on ne sait pas si l'individu a consommé 15 minutes ou deux heures plus tôt. C'est pour cela qu'on a établi cette limite de deux heures.

[Traduction]

Le président: J'aimerais demander à M. Jeffery s'il peut me le réexpliquer. Vous avez mentionné que vous pouviez proposer quelques améliorations au système de détection des drogues. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?

M. Wayne Jeffery: Plus précisément, deux aspects sont très importants. Si une personne est accusée de conduite en état d'ébriété ou si un agent de police soupçonne quelqu'un de conduite en état d'ébriété, il demande à la personne de souffler dans l'ivressomètre portatif ou un autre appareil semblable, et on obtient un taux d'alcool inférieur à 100 milligrammes pour 100. Que fait alors l'agent de police? À l'heure actuelle, il a les mains liées.

Aux États-Unis, à ce moment-là, on demande à la personne soupçonnée d'ivresse de se prêter à quatre exercices normalisés en vue d'établir la sobriété, sur place. On décèle ainsi les signes physiques de l'ivresse. Si la personne réussit ces exercices physiques, on la relâche. Si elle ne les réussit pas, on la conduit devant un agent de police indépendant qu'on appelle un agent expert dans la reconnaissance des drogues, un agent qui a la formation voulue pour faire des analyses d'une façon plus scientifique. Il peut déceler sept différentes catégories de drogues par les symptômes physiques. S'il décèle une de ces catégories de drogues, ce n'est qu'alors qu'il est autorisé à exiger du liquide organique. C'est vraiment une démarche en trois étapes afin de protéger la personne. Le taux d'alcool doit être inférieur à 100 milligrammes pour 100, il doit y avoir des signes physiques d'ébriété et la drogue doit être décelée par un agent de police indépendant pour qu'on puisse exiger du liquide organique.

Le président: Quels États procèdent ainsi?

M. Wayne Jeffery: Quarante et un États ont cette procédure. Cela relève de la National Highway Traffic Safety Administration du gouvernement américain. Ce sont les mesures prises pour lutter contre la conduite sous l'influence de stupéfiants. Ce programme a commencé à Los Angeles en 1984 et existe maintenant dans presque tous les grands États.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Si je reviens à cette

[Français]

marge d'erreur de 10 milligrammes pour 100, sur le plan purement mathématique, cette marge est-elle aussi importante si on a une limite de 0,8 que si on a une limite de 0,4? Est-ce que l'impact de cette marge est le même, peu importe la limite?

Mme Louise Deheut: Oui, parce qu'il y a la question de la qualité de l'échantillon de l'air alvéolaire. Il est difficile d'avoir deux échantillons d'air alvéolaire qui soient identiques d'une fois à l'autre. L'individu ne souffle pas nécessairement avec la même force, la même vigueur et ne fournit pas nécessairement la même qualité d'échantillon. C'est là qu'est le problème.

M. Jacques Saada: Ou bien je n'ai pas compris votre réponse, ou bien je n'ai pas bien exprimé ma question. Il y a certains endroits où la limite est de 0,8 et d'autres où elle est de 0,4. Cette marge d'erreur à laquelle vous faites allusion a-t-elle la même incidence, qu'on ait un plancher de 0,8 ou un plancher de 0,4 de plancher?

Mme Louise Deheut: Vous voulez dire, par exemple, que si on avait une limite de 40 milligrammes, cela pourrait aller de 30 à 50?

• 1720

M. Jacques Saada: Est-ce aussi précis, qu'on ait un plancher de 0,8 ou de 0,4, ou si plus la limite est basse, plus l'impact de cette marge donne des doutes?

Mme Louise Deheut: L'impact devient plus important de façon proportionnelle. Si vous avez 10 milligrammes d'écart à un niveau de 50, l'impact est deux fois plus important que 10 milligrammes d'écart à un niveau de 100.

M. Jacques Saada: Donc, ai-je raison de croire que plus la limite imposée est basse, plus la preuve est difficile à faire?

Mme Louise Deheut: Voici où le problème peut se poser avec une limite inférieure. Comme on le disait, la preuve contraire est déjà relativement facile à faire avec un scénario de consommation. Maintenant, dans certains cas où la personne présente énormément de symptômes, on peut toujours invoquer la capacité de conduite affaiblie. Le juge gobera plus difficilement la question des deux bières dans le cas d'un individu qui avait un langage mal articulé ou des problèmes au niveau de la démarche. Par contre, si vous descendez à un taux aussi bas que 50 milligrammes pour 100, il arrive souvent que les individus ayant un taux de 50 milligrammes pour 100 n'aient pas de symptômes extérieurs ou apparents.

M. Jacques Saada: Est-ce qu'on peut aller au bout de la logique? Cela me paraît très important. Est-ce que ça veut dire qu'au fond, quand on baisse la limite de 0,8 à 0,4—je suis généraliste, bien sûr, et il faut être prudent, mais je pose la question de façon extrême—, on donne l'apparence d'une plus grande rigueur, mais que dans les faits, on se limite davantage quant à la possibilité de condamner les infractions?

Mme Louise Deheut: Si cette limite était abaissée à 40 milligrammes pour 100, vous donneriez plus de travail aux experts en défense, parce que ce serait encore plus facile de faire une preuve contraire.

M. Jacques Saada: Je comprends. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Vous avez très bien répondu à nos questions. Y a-t-il quelque chose que vous souhaitez ajouter qui pourrait nous aider à améliorer les lois sur la conduite avec facultés affaiblies?

M. Brian Hodgson: Je pense qu'on y a déjà fait allusion ici, monsieur le président, et je veux parler de la preuve contraire—les dispositions de l'article 258 du Code—où tout est acceptable. Comme l'a mentionné premièrement M. Harris, on peut invoquer toutes sortes de choses comme preuve contraire. Votre comité, et en dernier ressort, le Parlement pourraient peut-être songer au degré de restriction de l'interprétation qu'ils souhaitent faire de la preuve contraire. Veut-on resserrer l'interprétation afin d'éliminer ces nombreux arguments injustifiés présentés devant les tribunaux, surtout l'éternelle défense des deux bières? C'est probablement l'argument qui crée le plus de difficulté.

Le président: Très bien. À moins qu'il n'y ait d'autres questions rapides, je vais mettre fin à cette inquisition officielle. Je suis heureux que vous ayez apporté un ivressomètre; je suis persuadé que certains membres du comité voudront voir comment cela fonctionne, si on peut vous demander de rester un peu.

M. Jacques Saada: J'ai déjeuné il y a plus de deux heures.

Le président: La séance est levée.