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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 février 1998

• 1112

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous sommes de retour et poursuivons notre étude de l'ADN.

Nos témoins d'aujourd'hui sont M. Steve Sullivan, directeur exécutif du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes; Mme Erin Hatfield, directrice de la recherche de Victimes de violence; et Mme Robyn Segal, qui représente le même groupe. Et de CAVEAT... Qui est donc cette personne? Nous ne l'avons encore jamais rencontrée. Mme Priscilla de Villiers.

Soyez les bienvenus. Je crois savoir que chacun d'entre vous a quelque chose à dire. Pourquoi ne pas suivre le même ordre? Nous allons commencer par vous, Steve, et terminer par Priscilla.

M. Steve Sullivan (directeur exécutif, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci, madame la présidente. Cela me fait toujours plaisir de comparaître devant le comité.

Avant de passer au projet de loi C-3, j'aimerais remercier le comité d'avoir accepté à l'unanimité de revoir les deux rapports de la Commission des libérations conditionnelles concernant Michael Hector et Raymond Russell. J'ai travaillé avec les familles et elles m'ont demandé de vous témoigner leur gratitude.

En guise d'introduction à mon mémoire, madame la présidente, j'ai cité ce que je considère comme un commentaire intéressant et poignant de la juge Claire L'Heureux-Dubé devant l'Association canadienne de justice pénale en 1997: «On aurait tort, quand on étudie la constitutionnalité de telles techniques»—et elle faisait allusion à l'ADN—«de supposer qu'une technique donnée n'est pas valide pour la simple raison qu'elle complique la tâche du criminel qui tente d'échapper aux recherches.»

Je pense que c'est tout à fait approprié lorsqu'on parle d'ADN, de constitutionnalité et de contestations fondées sur la Charte—puisque les preuves fournies par l'ADN permettront d'identifier les coupables et, comme nous l'avons vu, de disculper les innocents.

J'ai été très heureux lorsque j'ai entendu le ministre dire, lorsqu'il a comparu devant vous, qu'il était prêt à considérer des amendements à ce projet de loi et qu'il examinerait attentivement les recommandations du comité. Nous, les témoins, avons parfois l'impression que nous perdons presque notre temps, que le projet de loi est coulé dans le ciment. Mais, cette fois-ci, le ministre a dit clairement qu'il tiendra compte des recommandations, et nous en sommes très heureux.

Laissez-moi vous dire que nous sommes très heureux que le gouvernement ait jugé bon de proposer une loi en vue de la création d'une banque de données génétiques. Il a pris une initiative très positive, à mon avis, en essayant d'amener la technologie du système de justice au niveau de la science moderne.

Il y a cependant trois aspects du projet de loi actuel qui nous préoccupent. Il s'agit du moment du prélèvement des échantillons, de la rétroactivité et des dispositions d'exemption.

• 1115

Il faut bien commencer quelque part. Lorsque j'ai lu ce projet de loi, je me suis posé trois principales questions. Tout d'abord, une banque de données génétiques aidera-t-elle à élucider les crimes dont on n'a pas trouvé l'auteur? Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que oui. Aidera-t-elle à prévenir le crime? Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que oui. Permettra-t-elle, à long terme, d'économiser de l'argent? Je crois que nous sommes tous d'accord, encore une fois, pour dire que oui.

Malgré ce que le Comité canadien d'action sur le statut de la femme a dit lorsqu'il a comparu devant vous, ce projet de loi aidera les femmes. Il aidera à élucider des meurtres et des agressions sexuelles non résolus impliquant des femmes. Mais il permettra de faire plus encore. Le CCASF n'a pas mentionné les enfants. Ce projet de loi aidera à élucider les meurtres impliquant des enfants également. Dieu nous en protège, mais il pourrait même aider à élucider des meurtres dont des hommes ont été victimes. De toute évidence, c'est une chose qui ne préoccupe pas la CCASF, mais elle nous préoccupe à titre d'organisations qui représentent toutes les victimes.

Je soutiens que les preuves fournies par l'ADN ne sont pas vraiment différentes des empreintes digitales, sauf que les échantillons d'ADN peuvent nous renseigner sur les gens, ou pourront un jour nous renseigner. Mais ce n'est pas là l'objet de ce projet de loi. Il concerne plutôt l'utilisation des preuves fournies par l'ADN pour identifier des criminels.

Lorsqu'il a comparu devant vous, M. Scott a fait valoir que le prélèvement des empreintes digitales n'a pas la même incidence sur la vie privée que le prélèvement d'échantillons d'ADN. Il a ajouté qu'il y a des différences marquées entre la prise d'une empreinte digitale, et ce qu'elle peut révéler, et le prélèvement d'un échantillon génétique.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il n'y a pas vraiment de différence entre le prélèvement d'empreintes génétiques et la prise d'empreintes digitales, si ce n'est la notion que l'ADN pourra un jour nous renseigner sur les gens. Ce projet de loi n'a rien à voir avec ce que l'ADN pourrait nous révéler à propos des criminels et de leur matériel génétique. Il concerne uniquement l'identification des criminels.

Il y a eu de nombreuses vagues allusions, je pense, aux décisions de la Cour suprême selon lesquelles le prélèvement d'échantillons d'ADN constitue une intrusion beaucoup plus grande dans la vie privée que la prise d'empreintes digitales. En fait, j'ai lu certains des arrêts auxquels on a fait allusion et je n'arrive absolument pas à voir comment on a pu en venir à une telle conclusion.

Prenons le prélèvement des empreintes digitales. Je crois savoir qu'on va vous faire des démonstrations sur les différentes méthodes utilisées la semaine prochaine. Le prélèvement des empreintes digitales est un processus compliqué. Il faut imprégner les doigts d'encre noire et les poser sur une feuille de papier, après quoi il faut frotter pour tout enlever. Quant aux échantillons d'haleine—si vous avez déjà eu à en donner un ou si vous avez essayé les nouveaux appareils qu'on trouve à l'extérieur de certains restaurants ou bars, vous savez à quel point c'est ennuyeux.

La présidente: Quelle est au juste votre expérience de la chose, monsieur Sullivan?

M. Steve Sullivan: J'avais peur que quelqu'un me pose la question. Strictement à l'extérieur des bars...

La présidente: Je vois. Nous allons en prendre note.

M. Steve Sullivan: Si vous voulez avoir mes empreintes génétiques, je vais vous les offrir pour la banque de données, madame la présidente.

Pour obtenir une empreinte génétique, il suffit de piquer un doigt, d'arracher un cheveu ou de prélever un échantillon de salive à l'aide d'un coton-tige. Je ne vois pas comment on peut parler d'intrusion. Je comprends qu'on tienne à respecter la vie privée, mais regardons les choses en face. Ce n'est pas tellement plus compliqué que de prélever une empreinte digitale.

Si nous avons des inquiétudes à propos de ce que ce genre d'information pourra nous dire sur les gens, le matériel génétique, les liens chromosomiques possibles entre les criminels, alors nous devrions prendre des précautions pour empêcher les abus. Je crois que c'est ce que fait ce projet de loi. En réalité, il va même jusqu'à criminaliser le mauvais usage de l'information. Je ne vois pas comment nous pourrions aller plus loin encore, à moins de dire que nous n'utiliserons en aucun cas les preuves fournies par l'ADN. Et je ne pense pas que nous soyons prêts à le faire, madame la présidente.

J'ai eu le plaisir d'assister à de nombreuses séances du comité et j'ai trouvé tous les témoignages informatifs et fascinants. Il a souvent été question de la Cour suprême. Lorsque j'entends parler de tels jugements, je trouve toujours intéressant de les lire. Je pense entre autres à celui qui a été rendu dans l'affaire Stillman.

Ceux à qui cette affaire n'est pas familière voudront peut-être en savoir un peu plus long sur ce qui s'est passé. Elle concerne le meurtre d'une jeune fille de 14 ans. La police soupçonnait un jeune homme de 17 ans d'avoir commis ce crime. Elle l'a amené pour l'interroger, mais son avocat a dit qu'il ne ferait aucune déclaration et ne fournirait aucun échantillon pour le dépistage ADN. La police a attendu que son avocat soit parti et elle a menacé le jeune homme jusqu'à ce qu'il lui fournisse un échantillon de cheveux. Elle a prélevé un échantillon de poils du pubis et demandé à un dentiste de venir prendre des empreintes dentaires.

Il faut comprendre le contexte dans lequel la Cour suprême a fait allusion au dépistage ADN. C'était à l'époque où aucune loi n'autorisait la police à se procurer des mandats de perquisition. C'était avant le projet de loi C-104. À ce moment-là, la police essayait de justifier ses actes en invoquant le pouvoir de fouille consécutif à l'arrestation que lui conférait la common law.

• 1120

Je ne prétends pas être un expert constitutionnel ni en connaître plus que les profanes de la Cour suprême et, en toute justice, ils ont fait certaines observations assez poussées au sujet des preuves ADN. Ils ont parlé de l'atteinte de l'État à l'intégrité corporelle d'une personne. Ils ont dit que le prélèvement d'ADN constitue une intrusion dans la vie privée et menace l'inviolabilité du corps. Ils ont indiqué que les Canadiens considèrent leur corps comme une manifestation externe de leur être, comme une chose d'une importance unique qui leur appartient en propre.

Donc, la cour a indiqué clairement qu'elle prend très au sérieux le prélèvement d'échantillons d'ADN. Il reste que ces observations ont été faites à une époque où aucune loi n'autorisait de tels prélèvements. Selon la cour, aucune loi ne conférait le pouvoir de prélever des cheveux et des empreintes dentaires. Elle s'est reportée à l'affaire Legere:

    [...] le prélèvement par la force de parties d'une personne, en l'absence du pouvoir conféré par une loi, enfreint le droit à la sécurité physique [...]

    [...] toute violation du corps humain ne peut se faire qu'en accord avec les principes de justice fondamentale. Généralement, il faut que le pouvoir en soit conféré par une loi [...]

Si vous apportez au projet de loi les amendements que nous proposons, vous conférerez ce pouvoir à la police. La cour a rendu sa décision à une époque où personne n'avait le pouvoir d'effectuer de tels prélèvements. En conférant ce pouvoir dans le projet de loi, je crois que vous apaiserez les craintes de la Cour suprême à propos du caractère d'intrusion du dépistage ADN.

On a beaucoup parlé aussi de l'auto-incrimination et de la possibilité que le prélèvement d'échantillons d'ADN soit perçu comme une infraction aux dispositions de la Charte qui ont trait à l'auto-incrimination. Mais ils ne diffèrent pas des empreintes digitales à cet égard. Comme je l'ai mentionné, ils ne sont pas différents des échantillons d'haleine. Il ne faut pas oublier que lorsqu'elle parle d'intrusion, la cour fait allusion aux fouilles corporelles et à l'examen des cavités corporelles auxquels les douaniers peuvent procéder s'ils soupçonnent une personne d'avoir des drogues en sa possession. Ce sont des choses importantes qu'il ne faut pas perdre de vue quand on parle d'intrusion et d'auto-incrimination. Ces choses existent déjà. L'ADN n'est qu'un autre moyen d'obtenir de l'information.

Quelqu'un a mentionné aussi la décision de la Cour suprême dans l'affaire Borden, Josh Borden. Une femme de 69 ans avait été victime d'une agression sexuelle. Elle n'a pu identifier son agresseur de sorte qu'il n'a pas été arrêté. Peu de temps après, une deuxième femme a été victime d'une agression sexuelle. Elle a pu identifier Josh Borden. Les deux crimes n'étaient pas reliés—ils étaient très différents—mais les policiers ont pensé que Borden était peut-être l'agresseur de la dame âgée. Ils l'ont arrêté pour la deuxième agression sexuelle et lui ont demandé s'il pouvait leur fournir un échantillon d'ADN pour leurs enquêtes—et ils ont bel et bien utilisé le pluriel. Borden a fourni un échantillon aux policiers, croyant honnêtement que c'était pour la deuxième agression sexuelle. Ils s'en sont servi pour la première et se sont aperçus qu'il y avait concordance.

La Cour suprême a rejeté cette preuve parce que l'accusé, à son avis, n'avait pas donné son consentement en toute connaissance de cause. Si une banque de données génétiques avait existé à l'époque, voici comment les choses se seraient probablement passées. Josh Borden aurait été arrêté pour la deuxième agression sexuelle. Suivant les amendements que nous proposons au projet de loi, il aurait été soumis à un test de dépistage ADN au moment de son arrestation. L'échantillon aurait été comparé à ceux de la banque de données et on aurait obtenu une concordance pour la première agression sexuelle. Ainsi, Borden aurait été accusé et déclaré coupable des deux agressions.

Si vous attendiez que l'accusé ait été déclaré coupable, comme il est proposé dans le projet de loi, il serait accusé d'agression sexuelle, il serait peut-être libéré sous caution et, sachant que son ADN a été introduit dans la banque de données, il s'enfuirait probablement. Chaque année, au Canada, plus de 60 000 personnes violent les conditions de la liberté sous caution. Nous ne renvoyons pas souvent les délinquants dans la province qui a émis le mandat, à moins qu'il s'agisse de crimes très graves. Clifford Olson a été accusé d'agression sexuelle sur la côte Est, est retourné en Colombie-Britannique pendant qu'il était en liberté sous caution et n'a jamais été renvoyé parce que cela aurait tout simplement coûté trop cher.

Le fait est que, malgré ce qu'en dit le Commissaire à la protection de la vie privée, c'est un véritable problème. Il faut saisir l'occasion quand elle se présente. Si on ne leur met pas la main au collet à la première occasion, ces gens risquent de nous échapper et nous ne saurons jamais qui ils sont, ni ce qu'ils ont fait. C'est un point très important.

Si vous ne changiez qu'une seule chose à ce projet de loi, nous voudrions que ce soit le moment du prélèvement des échantillons. Les choses étant ce qu'elles sont actuellement, Kosh Borden est en liberté. Et même s'il était en prison, il ne serait pas dans la banque de données, puisqu'il n'a été reconnu coupable que d'une seule agression sexuelle, ce qui m'amène à parler de notre deuxième sujet de préoccupation, soit la rétroactivité de ce projet de loi.

Nous n'avons aucune difficulté à imaginer que des individus qui purgent actuellement une peine pour meurtre et homicide involontaire ont pu commettre d'autres infractions. D'après le témoignage de l'inspecteur Gary Bass, il y a plus de 600 cas qui n'ont pas été élucidés dans la seule province de la Colombie-Britannique. Le service de police de London, ici en Ontario, a créé une unité spécialisée chargée d'enquêter sur les meurtres dont on n'a jamais trouvé l'auteur.

Le fait est qu'il est très concevable que Clifford Olson, par exemple, soit l'auteur d'autres infractions, mais il est impossible en vertu de ce projet de loi d'obtenir un échantillon d'ADN. Les autorités en sont tellement certaines que le service correctionnel l'a autorisé à enregistrer sur bande vidéo dans l'espoir qu'il fournira plus d'information. La GRC l'a sorti de sa cellule à plusieurs reprises et l'a amené dans différentes provinces en espérant qu'il lui donnera des renseignements sur des crimes non résolus.

• 1125

Il reste que même si tout le monde est persuadé que Clifford Olson—et il n'est qu'un exemple—est l'auteur d'autres crimes, votre projet de loi ne permet pas que son ADN soit placé dans cette banque de données. Cela n'a pas tellement de sens. J'ai répertorié 15 ou 16 cas de ce genre sans me fatiguer les méninges.

En fait, un des rapports de la Commission des libérations conditionnelles que vous allez examiner concerne Raymond Russell. Il a assassiné une femme en 1981 et était en liberté conditionnelle en 1996 lorsqu'il en a tué une autre. Son ADN ne sera pas dans la banque de données, parce que celle-ci n'inclut pas les meurtriers. Elle permet aux autorités de prélever des échantillons uniquement auprès de ceux qui ont été déclarés criminels dangereux ou qui ont été reconnus coupables de plus d'une infraction sexuelle.

Clifford Olson n'a jamais été reconnu coupable d'une infraction sexuelle. Raymond Russell n'a jamais été reconnu coupable de plus d'une infraction sexuelle. Le fait est qu'on omet un tas d'individus dont l'ADN pourrait aider à élucider un certain nombre de crimes non résolus.

Si c'est une question d'argent, si vous avez peur qu'il en coûte beaucoup plus cher, je suggérerais au comité et au gouvernement de prendre en considération les fonds qui sont accordés au Comité canadien d'action sur le statut de la femme de Vancouver et de les utiliser à meilleur escient peut-être pour aider à élucider les crimes non résolus. Je ne sais pas si vous étiez ici, lorsque cet organisme a comparu, madame, mais je crois sincèrement que c'était un affront aux femmes qu'il prétend représenter et à tous les Canadiens.

En terminant, j'ajouterais qu'il ne faut pas oublier ce que tout cela revient à dire. Les seules personnes qui ont quoi que ce soit à craindre d'une banque de données génétiques sont celles dont l'ADN se trouvera dans le fichier des délinquants sexuels condamnés ou le fichier des scènes de crimes. Le Commissaire à la protection de la vie privée a fait allusion au fait que les Canadiens n'aiment pas se faire piquer ni se faire arracher les cheveux, et je suis tout à fait d'accord. En réalité, les Canadiens n'aiment pas non plus se faire agresser sexuellement ou assassiner. Si vous leur demandiez ce qui les inquiète le plus, je vous donne ma garantie qu'ils pencheraient pour la sécurité.

Si vous leur indiquiez le nombre d'agressions sexuelles et de meurtres perpétrés au Canada dont on n'a pas trouvé l'auteur, les Canadiens opteraient inconditionnellement pour la réalisation du plein potentiel de la banque de données génétiques. Et vous êtes ici également pour défendre leurs vues. Je pense que si vous tenez compte de ce que vos électeurs diraient, vous pencherez sûrement pour la sécurité.

Je vais m'arrêter ici, madame la présidente, en attendant de répondre à vos questions lorsque mes collègues auront terminé.

La présidente: Merci.

Madame Hatfield et madame Segal.

Mme Erin Hatfield (directrice de la recherche, Victimes de violence): Je vais vous lire un exposé qui a été préparé par Gary Rosenfeldt.

La présidente: Allez-y.

Mme Erin Hatfield: Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité.

Victimes de violence est une organisation nationale qui s'est donné pour mission de venir en aide aux victimes de crimes de violence dans le cadre d'un programme d'entraide. Un grand nombre de nos membres sont des parents, des amis ou des membres de la famille de victimes de meurtre.

Le meurtre est le plus odieux de tous les crimes. Il a une incidence sur toute la famille, condamnant de nombreux membres des familles des victimes à une vie de souffrance. Ces gens doivent faire face non seulement à la perte d'un être cher, mais aussi à la manière dont cet être cher a perdu la vie, bien souvent dans les circonstances les plus inhumaines qui soient.

Si l'auteur du meurtre a été appréhendé, les membres de la famille d'une victime se sentent obligés de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que justice soit faite. Nombreux sont les membres de la famille d'une victime qui assistent au procès pour présenter leur déclaration de la victime, essayant ainsi de décrire l'être aimé au tribunal et de lui montrer l'incidence de sa perte sur la famille. Il n'y a pas de mots pour décrire le sentiment de perte ou la souffrance que la famille éprouve, mais elle fait tout cela pour se sentir partie intégrante du processus par lequel justice sera rendue à l'être cher.

Lorsque l'auteur du meurtre n'a pas été appréhendé, la douleur et la souffrance des membres de la famille de la victime sont d'autant plus intenses qu'ils savent que justice n'a pas été faite et que l'auteur du crime, s'il est toujours en liberté, pourrait causer autant de douleur et de souffrance à d'autres. Ils suivent de près chaque meurtre, se demandant si l'auteur est celui qui a assassiné l'être qui leur était cher. Nombreux sont ceux qui passent leur vie à chercher et à s'interroger sur les circonstances de la mort de l'être qu'ils aimaient.

Des chiffres ont déjà été présentés au comité concernant le nombre d'homicides non résolus au Canada et nous ne reviendrons pas sur ces chiffres, mais nous tenons à souligner que derrière chaque homicide qui n'a pas été élucidé se cache une famille anéantie et bouleversée—des parents, des frères et soeurs, des grands-parents, des oncles, des tantes, des cousins et des cousines. Tous ces gens ont été marqués par le meurtre insensé d'un être cher. Il y a des milliers et des milliers de Canadiens d'un océan à l'autre dont la vie a été bouleversée par un meurtre et qui attendent anxieusement le jour où ils obtiendront réparation.

• 1130

La création éventuelle d'une banque de données génétiques au Canada pourrait redonner espoir à toutes ces familles. Elles y voient un moyen de traduire devant la justice le criminel qui leur a ravi un être cher et d'obtenir réparation. Cet être cher ne leur sera pas rendu, mais la personne responsable de sa mort pourrait leur fournir des réponses aux questions qui les hantent.

Victimes de violence serait tout à fait en faveur d'une banque de données pour laquelle des échantillons d'ADN seraient prélevés au moment de l'arrestation et, sur déclaration de culpabilité, la police serait autorisée à maintenir ces échantillons exactement de la même manière qu'elle le fait actuellement pour les empreintes digitales.

Certains invoqueront comme argument le coût d'une telle banque de données. À notre avis, le coût réel des crimes de violence est celui que doivent assumer les victimes de ces crimes et leurs familles. Aucune somme d'argent ne peut remplacer un être cher, mais si l'argent est bien dépensé, il peut aider à élucider l'affaire et ainsi atténuer la douleur et la souffrance.

D'autres invoqueront comme argument les droits de l'accusé en disant qu'on ne peut pas forcer une personne accusée d'un crime à subir des prélèvements aux fins de dépistage ADN. Cet argument est ridicule, puisque les échantillons d'ADN permettront aussi de disculper ceux qui ont été accusés à tort d'un crime. Si une personne est innocente, elle sera heureuse que des échantillons soient prélevés pour prouver son innocence au-delà de tout doute.

Une banque de données nécessite des données et, selon nous, l'idéal serait de commencer par ceux qui ont déjà été déclarés coupables d'un crime et qui purgent une peine dans nos établissements fédéraux.

Nous croyons comprendre que la loi proposée ne permettra pas de prélever d'échantillons d'ADN auprès de Clifford Olson, reconnu coupable du meurtre de 11 enfants innocents en 1981. Parce qu'Olson est en prison pour le moment, doit-on oublier ce dont il a été capable dans le passé? Doit-on présumer qu'il ne s'enfuira jamais de prison?

Avant de commettre ces meurtres en 1981, il a fait de multiples séjours en prison et il avait à son actif 94 condamnations et sept évasions. À son audience conformément à l'article 745 l'an dernier en Colombie-Britannique, tous les experts ont insisté sur le fait qu'il y aurait de plus grandes chances qu'il commette des meurtres aujourd'hui que s'il avait été libéré au moment où il a été incarcéré il y a seize ans. Autrement dit, il a été jugé plus dangereux en 1998 qu'il l'était en 1981.

Cela dit, il faut se demander pourquoi cette loi n'autoriserait pas le prélèvement de ses empreintes génétiques s'il était remis en liberté. Les familles de victimes de nombreux homicides non résolus dont on le soupçonne d'être l'auteur pourraient trouver réponse à leurs questions si ses empreintes génétiques pouvaient être prélevées. Ses droits sont-ils plus importants que ceux des familles qui veulent savoir qui est responsable du meurtre d'un être cher?

Depuis plusieurs décennies, le système de justice canadien met l'accent sur la réadaptation des contrevenants et fait peu de cas des droits des victimes et du droit de la société d'être protégée contre les criminels.

Un changement en profondeur s'est opéré ces quelques dernières années pour les victimes de crimes. Nous demandons au comité de tenir compte des droits des victimes et du droit de la société d'être protégée contre les criminels, lorsqu'il fera ses recommandations au sujet du projet de loi sur l'ADN.

Je vous remercie et je serai heureuse de répondre à vos questions.

La présidente: Merci.

Madame de Villiers.

Mme Priscilla de Villiers (présidente, Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation (CAVEAT)): Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs.

Je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte de comparaître devant vous pour prêter notre appui au centre de ressources pour les victimes. Comme organisations de défense des droits des victimes, nous partageons à peu près les mêmes points de vue, et je suis ici pour vous présenter notre optique en tant que victimes de la violence et appuyer les vues exprimées par le centre de ressources pour les victimes.

«Puisse la mort de l'un des nôtres nous aider à prolonger de nombreuses vies.» C'est la devise du coroner. J'ai passé près de six mois assise au tribunal à regarder cette devise pendant l'enquête sur la mort de l'homme qui a tué ma fille et Karen Marquis et attaqué au moins huit autres femmes. C'est dans cet esprit que je comparais devant vous.

Je comparais à nouveau devant vous pour vous exhorter à tirer une leçon des tragédies passées afin qu'elles ne se reproduisent plus jamais. Ma fille Nina a été assassinée le 9 août 1991 par Jonathon Yeo, un prédateur sexuel qui avait attaqué huit femmes, qui a par la suite assassiné Karen Marquis et qui a ensuite essayé de kidnapper une autre jeune femme avant de s'enlever la vie durant une chasse à l'homme.

Jonathon Yeo a été identifié à l'aide d'une empreinte digitale qu'il a laissée sur la fenêtre de la maison de Karen Marquis. Il avait déjà été accusé d'avoir en sa possession un pistolet de départ et on avait à ce moment-là prélevé ses empreintes digitales. Si ses empreintes ne s'étaient pas trouvées dans le système du CIPC, personne ne sait combien d'autres jeunes femmes il aurait attaquées. Si un échantillon d'ADN avait été prélevé lors d'une arrestation précédente, il aurait été considéré comme un récidiviste après l'attaque de la joggeuse, Mlle S, et Nina et Karen, et lui-même peut-être, seraient encore en vie aujourd'hui.

• 1135

Je devrais ajouter que ce n'est qu'après la création de l'ADN d'un enfant femelle de mon mari et de moi-même que Yeo a enfin été identifié, après une année complète, comme étant l'assassin de ma fille.

Les victimes de crimes et leurs familles ainsi que la société en général trouvent très offensant qu'on persiste à dire dans certains milieux que le prélèvement de salive ou d'un cheveu constitue une intrusion dans la vie privée dont le respect est garanti par la Charte des droits et libertés. Nous avons la chance de pouvoir établir dans notre pays une banque de données qui nous permettra non seulement de mettre à profit les technologies les plus récentes, mais aussi de suivre le rythme des progrès de cette science qui évolue rapidement. Essayez d'imaginer à quel point la vie de Guy Morin et de David Milgaard aurait été différente si une base de données aussi utile nous avait permis de prouver l'innocence et la culpabilité rapidement et avec exactitude.

CAVEAT préconise depuis longtemps l'établissement d'une base de données génétiques. Les participants à SafetyNet '94 et SafetyNet '95, deux conférences multidisciplinaires nationales organisées par CAVEAT, ont fait les recommandations suivantes au sujet de l'ADN:

    Il est recommandé que les alinéas 2b) et 2c) de la Loi sur l'identification des criminels soient modifiés de manière à permettre l'obtention et le prélèvement d'échantillons d'ADN auprès des personnes accusées des infractions énumérées dans ladite loi.

Et la recommandation 53, intitulée «Protection du public»:

    La protection du public contre un délinquant à risque élevé est de la plus haute importance. Les droits et libertés des contrevenants ne doivent pas être placés avant la sécurité, les droits et les libertés des victimes, de leur entourage et du grand public.

    Il est recommandé que soit établie une banque de données nationales qui serait obligatoire pour les délinquants violents dès leur arrestation.

Ces deux recommandations proviennent de deux groupes de travail complètement différents où CAVEAT n'avait qu'une seule voix et qui regroupaient un grand nombre de figures de proue des domaines de la prévention du crime et de la justice au Canada, y compris des victimes. Je dirais donc que les opinions à ce sujet se rejoignent pas mal depuis un certain temps déjà.

Ceux qui font valoir la protection de la vie privée craignent que l'État ne devienne le gardien des dossiers génétiques de certains segments de la société. Il semble y avoir des préoccupations à propos d'une utilisation à mauvais escient de l'information génétique et une crainte du danger que peut présenter la technologie elle-même, qui pourrait être utilisée à d'autres fins, comme l'établissement de profils génétiques criminels. Pour reprendre les propos de M. Steve Sullivan:

    On semble moins craindre les abus dans le cadre du système de justice pénale que l'utilisation possible des données à des fins autres que la simple identification.

Si on regarde l'ensemble du tableau, on s'aperçoit que le prélèvement d'échantillons d'ADN est un prolongement naturel, étant donné que notre technologie s'améliore, de la prise d'empreintes digitales et de photographies d'un suspect. L'ADN est une forme avancée d'empreintes digitales. Si on pousse plus loin l'analogie, des échantillons d'ADN devraient être prélevés dans le cas de tout acte criminel. Cela devrait faire partie de la procédure de mise en détention pour que ceux que nous cherchons le plus à appréhender ne passent pas entre les mailles du filet.

Nous prenons la photographie, les empreintes digitales et parfois même le poids des suspects mis en détention. La Cour suprême a déclaré que la prise et la comparaison d'empreintes digitales se défendent sur le plan constitutionnel. Quel argument probant peut-on invoquer à l'appui de la thèse que la prise d'échantillons d'ADN constitue une procédure intrusive? Il semble que le seul argument valable est que l'ADN fournit plus de données sur le contrevenant en ce sens qu'il contient une information génétique complexe. Par conséquent, nous devons nous assurer que le gardien du système se sert de ces données uniquement aux fins prévues.

La loi doit comporter des garanties adéquates. À l'heure actuelle, nous avons entre autres des banques de données, des banques de tissus et des banques de spermes. Des tests de dépistage de l'anti-VIH ne peuvent pas être effectués sans consentement, ce qui ne veut pas dire que des échantillons de sang ne peuvent pas être prélevés. De toute évidence, il existe des mécanismes qui protègent les renseignements personnels confidentiels.

• 1140

Dans une décision majoritaire rendue le 20 mars 1997, la Cour suprême du Canada a exprimé son indignation parce que des enquêteurs de la GRC ont forcé un homme du Nouveau-Brunswick reconnu coupable de l'horrible meurtre sexuel d'une jeune fille de 14 ans à s'arracher lui-même des poils du pubis et à fournir une empreinte dentaire.

Depuis, le Parlement a adopté une nouvelle loi qui autorise explicitement la police à obtenir des échantillons corporels comme du sang ou des cheveux aux fins de dépistage ADN pour certains crimes.

La cour a indiqué qu'on ne peut tout simplement suspendre l'application de la Charte des droits et libertés, qui garantit des droits fondamentaux à tous les Canadiens, lorsque la police se trouve en présence de personnes soupçonnées d'avoir commis des crimes graves. Nous convenons que l'application de la Charte ne doit pas être suspendue. Cependant, la collectivité tient à s'assurer que les droits d'un individu ne l'emporteront pas sur le droit du public à la protection contre des délinquants violents. Il revient à chacun d'entre vous de faire en sorte que la loi proposée règle ce problème.

Les ressources étant limitées, il est normal qu'on ait des préoccupations financières. Lors d'une consultation antérieure, le solliciteur général d'alors avait estimé les dépenses à 5,8 millions de dollars pour la partie biologie du nouveau laboratoire judiciaire central prévu, à 1,2 million de dollars pour le démarrage du programme et à 2,2 millions de dollars pour les frais d'exploitation annuels, d'où un coût estimatif total de 9,2 millions de dollars. Toutefois, il faut aussi considérer cette somme comme un minimum étant donné que 11 milliards de dollars sont consacrés à l'application de la loi chaque année au Canada.

Pour replacer ce coût dans son contexte, il n'y a qu'à se rappeler que, dans l'affaire Bernardo, l'enquête aura à elle seule—juste l'enquête—coûté environ 10 millions de dollars. Il s'agit là du coût de notre banque de données génétiques pour l'année. En fait, une telle banque peut être considérée comme une mesure efficace de réduction des coûts puisqu'elle contribuerait à l'efficacité et à la rapidité des enquêtes policières.

Dans le cas des crimes violents, une bonne partie des ressources affectées à l'enquête sont consacrées à l'identification des individus, souvent à l'aide des dossiers de condamnations pour des infractions semblables. Ce n'est qu'après avoir éliminé tous les autres suspects que la police peut obtenir un mandat. Une banque de données cernerait le petit nombre nettement démesuré de criminels responsables d'un nombre démesurément grand de crimes. De plus, si l'innocence pouvait être prouvée dès le départ, il serait possible d'éviter des frais de justice énormes et la tragédie que représente une condamnation injustifiée.

Nous allons maintenant vous présenter quelques-unes des recommandations du centre de ressources pour les victimes. La première est de modifier l'article 487.051 de sorte qu'il soit possible de prélever des échantillons au moment de l'arrestation. Cela devrait englober le pouvoir de saisir des échantillons biologiques dans le cas des suspects ainsi que des personnes accusées d'infractions graves et arrêtées. En outre, des lignes directrices claires devraient régir la saisie de ces échantillons par la police. J'ai pris cela dans un bulletin de la GRC qui remonte à 1993. C'est donc dire qu'on en parle depuis longtemps.

Étant donné les dispositions concernant la mise en liberté sous caution, la décision rendue dans l'affaire Askov, les pardons et la popularité grandissante des programmes parallèles de règlement des différends et de déjudiciarisation, qui ne sont nullement restreints aux infractions mineures, nous avons de bonnes raisons de craindre que ceux qui ne passent pas par le système ne seront pas inclus dans la banque de données. En réalité, il se pourrait qu'une personne accusée de voies de fait mineures ait commis un grand nombre d'autres infractions plus graves. Tous ceux d'entre vous qui ont vu le casier judiciaire de criminels très violents, notamment de criminels dangereux, savent qu'il est parsemé de plus petites infractions qui se perdent parmi des crimes plus graves.

La deuxième recommandation est de supprimer le paragraphe 487.051(2), qui autorise des exemptions à l'ordonnance de fournir un échantillon. Pour avoir du succès, toute banque de données doit être exhaustive et englober tous les contrevenants; sinon, nous perdons notre temps. C'est ce que j'ai entendu dire à maintes et maintes reprises dans les salles d'audience, lors des enquêtes de coroners et dans les laboratoires scientifiques de toutes les régions du pays. Je ne suis pas du métier, mais je peux vous dire que c'est gravé dans mon coeur. Cette banque doit être exhaustive, sinon c'est une perte de temps.

• 1145

La société sera mieux protégée si cette technique d'identification peut être utilisée selon son plein potentiel. Nous avons appris à nos dépens dans le cas d'autres lois, dont celle sur le contrôle des armes à feu, que toute porte de sortie ou exemption dans une loi en affaiblit le sens et l'efficacité. C'est pourquoi nous réclamons une banque de données rétroactive.

Il y a actuellement dans nos prisons un tas de criminels violents et de délinquants sexuels qui ne seraient pas visés par cette loi. Steve vous en a mentionné quelques-uns. Nous savons qu'il est dans la nature des délinquants sexuels de récidiver. La perte de cette précieuse information biologique menacera sérieusement la sécurité de nombreuses victimes, notamment des femmes et des enfants.

Voici un extrait du rapport du juge Archie Campbell dans l'enquête Bernardo:

    Il est de notoriété publique que les prédateurs sexuels en série récidivent à moins d'êtres morts ou en prison. Comme un observateur l'a dit: «Nous nous demandions tous où il était passé. Nous savions qu'il ne pourrait pas s'arrêter. Il était évident qu'il tuerait probablement.» Au dire d'un autre observateur: «N'importe serait arrivé à la conclusion qu'il allait tuer quelqu'un.»

Voici un autre extrait du même rapport:

    Le test auquel l'échantillon d'ADN de Bernardo a été soumis le 1er février 1993 a mené à son arrestation et l'a empêché de violer ou de tuer de nouveau.

Je crois savoir qu'il n'a même pas été accusé. Dans ce cas-là, c'est lui qui a fourni l'échantillon.

Je cite encore le rapport:

    Ce qui est tragique, c'est que Bernardo, durant les 25 mois et demi qu'il aura fallu pour procéder à l'examen de son ADN, a violé quatre jeunes femmes et en a violé, torturé et assassiné deux autres. Rétrospectivement, il est clair qu'on aurait pu prévenir ces viols et ces meurtres si un échantillon de Bernardo avait été analysé dans les 30 ou même les 90 jours qui ont suivi le test sérologique du 13 décembre 1990.

La lecture de ces extraits me brise le coeur, parce que je connais certaines des victimes de ces viols de même que les familles des jeunes filles assassinées. Je connais chacune des jeunes filles qui ont été attaquées et j'ai beaucoup entendu parler des deux jeunes filles qui ont été assassinées. Si nous faisons le compte, il aurait été possible de prévenir au moins huit viols et quatre meurtres dans une même région, en quatre ans, si l'utilisation d'une banque de données de ce genre avait fait partie de la routine, si elle avait contenu de nombreuses données génétiques et si le dépistage ADN avait été considéré comme un outil d'enquête essentiel. Nous ne pouvons pas permettre qu'une telle chose se reproduise.

La troisième recommandation est d'élargir la portée de l'article 487.055 aux personnes qui sont coupables d'une infraction figurant sur la liste des infractions primaires désignées.

La quatrième recommandation est de modifier le paragraphe 487.055(4) de manière à autoriser la détention simple d'une personne en liberté conditionnelle en vue de faire un prélèvement.

La cinquième recommandation est d'abroger l'alinéa 487.053a). Il faut enlever au procureur le pouvoir discrétionnaire qu'il a de déterminer qu'un profil d'identification génétique n'est pas nécessaire. Steve en parle abondamment dans son mémoire. Il est difficile d'imaginer les circonstances dans lesquelles le procureur pourrait exercer ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque je regarde tous les pouvoirs discrétionnaires qui ont été accordés à la Couronne dans nos tribunaux, je m'aperçois qu'ils sont exercés très arbitrairement. C'est inadmissible. Une banque de données exhaustive ne devrait pas dépendre du maintien discrétionnaire d'échantillons d'ADN.

Voici une autre recommandation, de CAVEAT uniquement cette fois-ci. Il est essentiel d'un point de vue scientifique que des échantillons soient conservés en plus du profil d'identification génétique. La technologie évolue tellement rapidement dans le domaine de l'ADN qu'il se pourrait fort bien que dans dix ans les deux méthodes utilisées actuellement pour les prélèvements soient désuètes. Il est primordial que nous conservions des échantillons d'ADN, en plus d'un échantillon de sang, si nous voulons nous adapter à tout nouveau langage des futures banques de données.

• 1150

À deux endroits, un aux États-Unis et un autre en Europe, l'ADN doit être détruit. Les laboratoires ont perdu leur banque de données au complet, puisqu'ils n'avaient conservé aucun échantillon de sang pour mettre leurs données à jour et que le type de test utilisé par le passé n'a pu être adapté à la nouvelle technologie.

Une version britannique de la banque de données établie en 1995 a fourni de l'information sur 100 cas au cours des six premiers mois. Plus près de chez nous, les services de police de l'Ontario enquêtent sur une centaine de meurtres de femmes du sud de l'Ontario, qui n'ont pas encore été élucidés et dont certains remontent à cinquante ans, dans le cadre d'Operation Angel. Grâce aux progrès de la technologie et au dépistage ADN, il sera possible de dénouer de nombreuses tragédies et de débloquer des ressources policières essentielles.

Bien des gens s'interrogent sûrement sur l'importance de tout cela. Pourquoi est-il important d'élucider un meurtre commis il y a cinquante ans, trente ans ou même cinq ans? Je sais que dans le cas des crimes graves, surtout des homicides, l'affaire n'est jamais classée. Mais je dois dire qu'il est essentiel pour la famille, les amis et la communauté, lorsqu'il y a eu un homicide, que l'affaire soit réglée. La confiance de la communauté dans son système de justice en dépend.

En général, notre expérience du système de justice se borne à un crime qui nous touche de près, qu'il s'agisse d'un voisin, d'un ami ou de quelqu'un qui vit dans la même ville. Les recherches ont montré assez clairement en Europe—et très clairement en Hollande d'après les documents que j'ai en main—que lorsque les crimes semblent impossibles à résoudre, le taux des mises en accusation et le taux des condamnations baissent. Donc, pour qu'un plus grand nombre de crimes soient signalés et leurs auteurs condamnés, il faut qu'il y ait des résultats tangibles. Sinon, la communauté cessera de signaler les crimes. Cela a été montré très clairement. J'en parle dans mon document, mais je peux vous fournir les études en question si vous voulez.

C'est un fait bien connu et il a en réalité débouché sur la création de services d'aide aux victimes très perfectionnés dans de nombreux pays d'Europe qui se sont aperçus qu'en venant en aide aux victimes et en élucidant les crimes, on augmente la confiance du public et les chances de succès non seulement des enquêtes, mais aussi des poursuites en justice. Il y a de toute évidence un effet d'entraînement et il est absolument essentiel qu'il ne manque aucun maillon à la chaîne.

Il ne fait guère de doute qu'une banque de données exhaustive est un outil essentiel de nos jours à l'application de la loi. Nous avons l'occasion de mettre en oeuvre un système de collecte et de stockage d'ADN qui nous permettra de réaliser rapidement des progrès au chapitre du testage et de la mise en mémoire de données biologiques. Le taux des condamnations pour de nombreuses infractions graves pourrait augmenter en conséquence de sorte que la communauté aurait davantage confiance en l'efficacité du système de justice, ce qui, comme nous le savons, l'amènerait à signaler un plus grand nombre de crimes.

Nous sommes dans l'ensemble en faveur de la loi proposée puisqu'elle nous offre une occasion unique de nous doter d'un système exhaustif et perfectionné de prélèvement d'ADN et de stockage de données génétiques qui pourrait s'inspirer, entre autres, du modèle britannique. Nous pourrons ainsi mettre bien des personnes vulnérables à l'abri des méfaits de criminels violents et augmenter leur qualité de vie.

Merci.

La présidente: Merci.

Je rappelle à mes collègues que j'ai décidé de bouleverser un peu l'ordre des questions aujourd'hui. Donc, si vous voulez en poser, dites-le-moi. Il y a une seule personne qui m'a demandé la parole jusqu'ici.

Je vais donc commencer par M. Cadman.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): J'ai seulement une petite question à poser à Mme de Villiers.

Comme vous le savez, nous avons entendu le témoignage du Comité canadien d'action sur le statut de la femme. Ses porte-parole nous ont suggéré de nous débarrasser du projet de loi C-3, de le retirer complètement, parce que la constitution d'une banque de données génétiques pourrait revictimiser les victimes d'agressions sexuelles. J'aimerais savoir, madame de Villiers, si vous avez songé à cet aspect de la question en tant que représentante d'une grande organisation de défense des victimes; quelles sont les préoccupations des victimes à cet égard? Est-ce qu'il y a effectivement un risque de revictimisation?

• 1155

Mme Priscilla de Villiers: Je n'étais pas là lors de la présentation d'hier. Mais, bien franchement, je ne comprends pas. Je connais les préoccupations du CCASF. Personnellement, et à titre de présidente de CAVEAT, qui représente non seulement des femmes et des enfants, mais aussi des hommes—nous représentons l'ensemble de la population canadienne—, je ne comprends pas. Je sais que la presse a fait écho de certaines inquiétudes au sujet du fait que les ressources pourraient être consacrées à cela plutôt qu'à la violence conjugale.

Je tiens à dire que ma fille a été victime de violence parce qu'elle était une femme. J'ai passé six mois dans la salle d'audience et j'ai vu défiler l'une après l'autre les victimes qui étaient encore en vie et qui sont venues raconter leur histoire. J'ai donc une vue d'ensemble de la situation.

Je trouve difficile d'accepter que les crimes commis contre ces jeunes femmes, contre ma fille et contre Karen Marquis auraient pu ne jamais être résolus simplement parce que nous n'avons pas investi dans un outil d'enquête très important; je pense vous avoir démontré que c'est un élément critique dans ce genre d'affaires.

Les jeunes dont je m'occupe, et particulièrement les parents des jeunes qui ont été victimes d'agressions sexuelles extrêmement violentes, n'ont souvent pas d'autres preuves que celles des empreintes génétiques. C'est extrêmement important. De plus, les personnes handicapées, et en particulier les jeunes femmes, courent deux fois plus de risques d'être attaquées, violées et tuées, très souvent, que les femmes qui ne sont pas handicapées. Et dans bien des cas, quand elles sont lourdement handicapées, elles ne sont pas capables de se défendre elles-mêmes.

Comme le disait le coroner dont il a été question tout à l'heure, nous devons essayer d'appliquer les leçons que nous pouvons tirer de ces tragédies pour tenter d'éviter qu'elles se reproduisent.

Je suis absolument convaincue que, très souvent, lorsqu'une femme est victime de violence et que le suspect est un partenaire intime, et que cette femme ne peut plus se défendre soit parce qu'elle est morte, soit parce qu'elle est inconsciente, il faut recueillir un échantillon d'ADN. Je pense à quelques cas d'agressions extrêmement violentes, en Colombie-Britannique, pour lesquels il a fallu établir une preuve. Je pense en particulier à un cas de «femmicide» conjugal.

Je ne comprends pas; honnêtement, je ne comprends pas. Je ne peux pas appuyer cette position. Mais je dois répéter pour le compte rendu que je n'étais pas là hier pour entendre les arguments du CCASF.

M. Chuck Cadman: Merci.

La présidente: Madame Bakopanos, avez-vous une question sur le même sujet?

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Oui, j'aimerais poursuivre dans la même veine. Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup de votre témoignage.

Je veux poursuivre parce que, même si je n'étais pas d'accord avec le CCSAF sur tous les points, je pense que ses porte-parole ont soulevé une préoccupation tout à fait valable, en ce sens qu'elles jugent, à tort ou à raison, que le système judiciaire exerce une discrimination systémique contre les femmes et que, une fois réglée la question de l'identification, c'est la question du consentement qui va devenir cruciale devant les tribunaux. Nous avons eu récemment des causes—et ce n'étaient pas les premières du genre—dans lesquelles les juges ont donné leur propre interprétation du consentement dans des cas d'agression sexuelle et de viol. C'est pourquoi il faudra prendre en considération la question soulevée par le CCSAF. Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet?

Mme Priscilla de Villiers: Je pense que c'est un élément très important; évidemment, la grande majorité des gens dont nous nous occupons tous les jours sont des femmes, et c'est un problème. Mais c'est un problème distinct. Autrement dit, il faut se pencher sur la question du consentement, parce que c'est un problème. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mais il faut considérer cela comme un problème distinct. Personnellement, je ne peux pas mettre la question du consentement dans le même sac que ce qui est en réalité un outil d'enquête scientifique.

• 1200

Mme Eleni Bakopanos: En ce qui concerne le centre de ressources, monsieur Sullivan, le fait que les femmes sachent qui est leur assaillant dans 80 p. 100 des cas et que, d'après le CCSAF, leur témoignage n'ait que très peu de valeur dans le système judiciaire... Je dis bien «d'après le CCSAF»; je ne dis pas que je suis d'accord à 100 p. 100, mais je pense que c'est un argument valable. Qu'en pensez-vous?

M. Steve Sullivan: Je suis d'accord sur bien des points avec le CCSAF, à savoir que les tribunaux ont souvent du mal à résoudre la question du consentement et que le fardeau de la preuve revient effectivement aux femmes. Il y a des problèmes dans le système, c'est évident.

Mais je ne suis pas d'accord pour mettre de côté les victimes assaillies par des étrangers, comme si ce n'était pas aussi important. Le problème qui les intéresse, c'est la violence contre les femmes, autant celles qui connaissent leur agresseur que celles qui ne le connaissent pas. Mais cet outil, c'est une tout autre histoire. Il aidera à identifier les agresseurs et à résoudre les crimes. C'est une bonne chose. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas nous préoccuper de la question du consentement. C'est un problème qui n'est toujours pas résolu. Nous reconnaissons que cela entraîne certaines difficultés, mais je ne pense pas que nous puissions les résoudre en supprimant le projet de loi.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Évidemment, si un homme tue sa femme et qu'il n'y a pas de témoins, il faudra peut-être un échantillon d'ADN pour le faire condamner.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci. Je voudrais ajouter moi aussi ma petite pierre à l'édifice, en poursuivant dans la même veine que Mme Bakopanos.

Les porte-parole du CCSAF ont dit aussi autre chose qui mérite considération, à mon avis; c'est que le système judiciaire semble également faire preuve de discrimination systémique envers les personnes de couleur, envers les pauvres, et pas seulement envers les femmes.

Cela dit, puisque nous parlons de victimes—et je vous remercie de votre présentation—, je pourrais aussi vous raconter des histoires de victimes qui ont comparu devant les tribunaux et dont les droits fondamentaux ont été violés. Leur vie a changé du tout au tout. Ce sont aussi les victimes tragiques d'un système. Je le dis parce que je pense qu'il faut examiner certains des éléments de ce projet de loi du point de vue des droits de la personne. Je vous invite donc à éclairer ma lanterne sur ce point.

Premièrement, madame de Villiers, quand vous avez proposé que les substances soient prélevées au moment de l'arrestation, vous avez dit que c'était défendable parce que, même si nous devons respecter la Charte des droits, les droits du criminel—je pense que je vous cite correctement—n'ont pas préséance sur ceux du grand public. Mais vous reconnaîtrez sûrement qu'au moment de l'arrestation, il n'y a pas de criminel; il n'y a qu'un suspect.

Mme Priscilla de Villiers: Absolument.

M. Peter Mancini: Devrions-nous dire alors que les droits du suspect n'ont pas préséance sur ceux du grand public? Parce qu'il n'y pas encore de criminel à ce moment-là; il n'y a qu'un suspect qui bénéficie d'une présomption d'innocence.

Mme Priscilla de Villiers: Absolument. Mais nous prenons systématiquement des empreintes digitales et des photos, et pourtant, il n'y a certainement pas eu de déclaration de culpabilité au moment où nous le faisons. Nous nous fondons sur les motifs probables et raisonnables qui ont donné lieu à l'arrestation.

Le barreau est certainement très dynamique, mais dans notre système, il n'y a personne pour faire valoir les intérêts du public, alors que l'accusé a quelqu'un pour assurer sa défense. Il me semble que ces mesures de protection sont souvent appliquées aux dépens... Je ne devrais pas dire que c'est toujours aux dépens d'une condamnation, mais c'est peut-être souvent le cas.

Donc, je conviens que c'est un problème, mais il me semble que nous avons déjà établi que c'était possible en vertu de la Loi sur l'identification des criminels. Et si des prélèvements sont effectués un jour par des moyens répréhensibles, comme cela s'est produit au Nouveau-Brunswick, la Cour suprême va se montrer aussi dure qu'elle l'a été dans cette cause. C'est pourquoi je vous en ai parlé. Autrement dit, les juges estimaient que c'était injustifié, que c'était une intrusion dans la vie privée et que c'était contraire aux droits fondamentaux. Donc, malgré la gravité de l'affaire, l'inculpé a eu droit à un nouveau procès, si je me souviens bien.

• 1205

Je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est très important. J'ai réfléchi très longuement à cette question. Comme je crois passionnément à la nécessité d'établir un équilibre et d'en arriver à une conclusion heureuse qui mette l'action sur la prévention, je pense que nous avons bel et bien établi au fil des années que nous pouvons faire des prélèvements à des fins d'enquête, par exemple prendre leurs empreintes digitales, ou encore peser les suspects ou les photographier, par exemple.

Est-ce que cela répond à votre question?

M. Peter Mancini: Oui. Cela alimente ma réflexion.

Je voudrais poser une question sur le même point à M. Sullivan. Au sujet du prélèvement de substances sur des gens qui sont déjà en prison, avant qu'il y ait eu une arrestation, simplement parce que ces gens ont déjà été reconnus coupables d'autre chose... Encore là, je vous pose la question parce que je pense que cela pourrait être contestable. La présomption d'innocence est une des pierres angulaires de notre système de justice pénale. Donc, ce dont il est question ici, c'est d'effectuer des prélèvements sur quelqu'un qui a déjà été reconnu coupable d'une infraction, mais qui n'a pas encore été mis en accusation pour l'infraction qui fait l'objet de l'enquête. Pensez-vous que cela peut poser un problème, à cause de la présomption d'innocence? Pensez-vous que, même si une personne n'a pas été mise en accusation et si elle n'est pas en état d'arrestation, l'État a le pouvoir de prélever des substances à volonté, simplement parce que cette personne a déjà été reconnue coupable d'autre chose?

M. Steve Sullivan: Je suis absolument convaincu que cela sera contesté au nom de la Charte.

M. Peter Mancini: Nous sommes d'accord sur ce point.

M. Steve Sullivan: Il faut se rappeler que les gens qui sont en prison peuvent être appelés à fournir un échantillon d'urine n'importe quand s'ils sont soupçonnés de passer de la drogue; et pourtant, ils bénéficient de la présomption d'innocence. Ils peuvent être soumis à une fouille corporelle, à un examen des cavités corporelles, par exemple. Je pense que c'est raisonnable.

Le projet de loi prévoit que certains types de contrevenants peuvent être soumis à des tests ou à des prélèvements de substances. Nous suggérons d'élargir ces dispositions. Je pense que c'est raisonnable. Si les empreintes génétiques concordent, par exemple, il y aura des accusations, et l'inculpé bénéficiera alors de la présomption d'innocence. Ce n'est pas parce que les empreintes concordent que l'accusé est automatiquement déclaré coupable; il est toujours présumé innocent. Je pense que c'est un compromis raisonnable.

M. Peter Mancini: D'accord.

Mme Priscilla de Villiers: Je voudrais ajouter que nous avons eu récemment une affaire qui a fait sensation, dans laquelle une personnalité en vue dans notre ville avait été accusée d'agression sexuelle. Cet homme était très amer parce la presse avait mentionné régulièrement, pendant trois ans, son nom et les accusations portées contre lui. Il a dit que, quel qu'ait été le résultat, tout le monde était absolument convaincu que c'est ce qu'il avait fait.

Je crois que, lorsqu'il y a prélèvement de substances... il est évident que, dans certains cas où il est approprié de prendre des empreintes génétiques, il est très facile de montrer que cela n'a rien à voir et que l'enquête ne mènera nulle part; dans ces cas-là, il n'y a même pas d'accusations. Ce que je veux dire, c'est que l'enquête se résume alors à cela. Donc, bien franchement, que les enquêteurs examinent votre passé, qu'ils posent des questions à vos voisins au sujet de vos amis ou qu'ils prennent d'autres moyens de ce genre pour pouvoir porter des accusations, ou alors qu'ils fassent des prélèvements et qu'ils sachent tout de suite si c'est oui ou si c'est non, il me semble que cela ne peut qu'être très utile pour éviter que des gens soient accusés à tort et qu'ils aient à en subir toutes les conséquences que cela implique en termes d'angoisse, de coûts, et ainsi de suite.

M. Peter Mancini: D'accord.

J'ai une autre question pour M. Sullivan, si vous me le permettez. Au sujet du prélèvement de substances au moment de l'arrestation, vous avez dit notamment que, s'il fallait attendre la déclaration de culpabilité et si l'inculpé savait que les empreintes génétiques risquaient de concorder, il pourrait très bien s'enfuir, quitter la ville, aussitôt qu'il aurait été libéré sous caution. Mais le premier motif sur lequel le juge se fonde pour déterminer s'il y a lieu d'accorder une libération sous caution, c'est si l'inculpé va rester sur place, ou s'il va échapper à la surveillance dont il fait l'objet et quitter la ville. Donc, le juge serait certainement saisi de l'argument que vous avez invoqué devant nous aujourd'hui, à savoir qu'il ne faudrait pas libérer l'inculpé sous caution parce qu'il y aura un prélèvement d'ADN, que les autres preuves sont accablantes et qu'on craint que l'inculpé se sauve. C'est ce que le procureur de la Couronne avancerait, et le juge refuserait alors de libérer l'inculpé sous caution. Il me semble que c'est à ce moment-là qu'il faudrait faire valoir cet argument, au cours de l'enquête sur le cautionnement, non?

• 1210

M. Steve Sullivan: Je suppose que, si la loi demeure telle quelle, c'est effectivement l'argument que la Couronne pourrait invoquer.

Mais, si vous avez un inculpé, comme Josh Borden, par exemple—le deuxième crime n'était pas violent; il n'y a pas eu de rapport sexuel. Je ne veux pas minimiser ce qui est arrivé à cette dame, mais c'était la première infraction de Borden, du moins à ce que je sache.

Vous avez parlé du droit à la présomption d'innocence. Il faut des motifs sérieux pour refuser une libération sous caution. Et je ne pense pas que les juges la refuseraient à quelqu'un simplement parce qu'il pourrait perpétrer d'autres agressions sexuelles tout à fait hypothétiques.

M. Peter Mancini: Non, mais si le juge pense que l'inculpé va quitter la région, c'est le principal motif de refus. Et si, comme vous l'avez dit, les preuves risquent d'être suffisamment claires pour justifier au moins une inculpation ou même une déclaration de culpabilité... Si les preuves sont tellement accablantes, l'inculpé aura d'excellentes raisons de partir. Et ce serait une raison, hypothétique bien sûr parce que nous n'en savons rien en réalité, pour refuser la libération sous caution à ce moment-là.

M. Steve Sullivan: Alors, ce qui se produira probablement, c'est que personne ne pourra être libéré sous caution et que tous les inculpés seront gardés en prison tant qu'ils n'auront pas été reconnus coupables; il sera alors possible d'obtenir un échantillon de leur ADN de toute façon. En supposant que cela se produise—je ne pense pas que ce soit possible, mais si cela se produisait, il faudrait refuser la libération sous caution à des gens qui ne seraient pas fichés dans la banque de données et qui n'auraient aucune raison de partir.

M. Peter Mancini: Merci.

La présidente: Monsieur Mancini, comme nous avons d'autres invités, je dois m'assurer que M. MacKay aura le temps de poser ses questions.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier tous nos témoins. Votre participation et vos commentaires sont extrêmement précieux. En tant que nouveau membre du comité, je suis de plus en plus reconnaissant d'avoir ici une tribune à laquelle nous pouvons entendre les gens touchés par les lois que la Chambre adopte.

Je vais essayer de vous poser des questions aussi concises que possible. Je suis d'accord avec vous sur bien des points, qui me tiennent beaucoup à coeur à moi aussi, comme à tous les membres du comité. Je trouve particulièrement important que vous nous présentiez vos recommandations.

La question des ressources, qui est peut-être l'élément le plus rationnel de ce débat chargé d'émotivité, me semble également importante. Vous avez dit que l'enquête visant Bernardo avait coûté à elle seule quelque 10 millions de dollars, ce qui couvrirait les coûts d'administration d'une banque de données génétiques pendant un an. J'aimerais savoir quelles devraient être à votre avis les priorités du gouvernement au sujet de l'application de ce plan d'action, comparativement à celle de la loi sur les armes à feu, qui devrait coûter environ 500 millions de dollars; j'aimerais savoir quelles devraient être les priorités, à votre avis.

Mme Priscilla de Villiers: Je ne pense pas que ce soit une question de priorités. L'un n'exclut pas l'autre. D'un côté, nous avons un outil d'enquête scientifique très important, qui a fait ses preuves dans de nombreux pays. À ma connaissance, cette méthode est utilisée depuis quatorze ans dans beaucoup d'États américains, et depuis six ans en Grande-Bretagne. Nous sommes des chefs de file dans le monde de la technologie, en particulier de la technologie informatique; il n'y a donc aucune raison pour que nous ne montrions pas la voie dans ce domaine et que nous ne mettions pas en place un système tellement perfectionné que nous pourrions le vendre et récupérer l'argent investi.

C'est un des aspects de la question, et il est très important. Il s'agit d'un outil de diagnostic et d'enquête. La loi sur les armes à feu est quant à elle un outil de coercition et de prévention. Il ne faut pas comparer des pommes et des oranges. Pour prendre une analogie dans le monde médical, c'est comme si on se demandait s'il faut mettre du chlore dans l'eau ou avoir des salles d'opération d'urgence.

En fait, on reconnaît dans le monde entier—je le sais parce que je m'intéresse à la question au niveau international tout autant que local—que la violence est le problème de santé numéro un sur la planète. J'ai participé la semaine dernière à une rencontre des experts de l'Organisation mondiale de la santé à ce sujet-là. Et le contrôle des armes à feu est un des moyens les plus importants pour prévenir la violence.

• 1215

Je ne suis pas ici pour discuter de la loi sur le contrôle des armes à feu; je veux que ce soit clair. Mais je pense que l'un n'exclut pas l'autre.

Les coûts liés aux soins médicaux, au manque à gagner, aux problèmes de santé mentale et aux autres conséquences de ce genre, quand une tragédie se produit, sont bien connus. Mais nous devons aussi nous préoccuper de la qualité de la vie, et de la préservation de la vie. Et je peux vous dire que, pour la plupart d'entre vous—heureusement—, quand nous venons ici vous parler de tragédies, c'est comme si vous lisiez un roman ou que vous voyiez une image floue. Mais, pour un trop grand nombre d'entre nous, ce sont des visages que nous voyons, des voix que nous entendons; c'est une douleur que nous connaissons bien. Et je crois que, dans un pays comme le Canada, nous devons adopter toutes les lois susceptibles d'améliorer notre qualité de vie.

Si je comparaissais devant un groupe de spécialistes des ressources humaines, ce ne serait pas la même chose. Il y a l'aspect prévention, et aussi l'aspect diagnostic. Je pense que les deux sont extrêmement importants.

M. Peter MacKay: Puis-je poser une petite question, rapidement?

La présidente: D'accord.

M. Peter MacKay: Merci, madame la présidente.

Les représentants d'un certain nombre de groupes nous ont parlé de la possibilité d'entreposer les échantillons d'ADN provenant des victimes séparément de ceux qui sont prélevés sur des contrevenants ou qui sont recueillis sur la scène d'un crime. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette suggestion, puisque vous représentez les victimes; est-ce nécessaire à votre avis?

Mme Priscilla de Villiers: Je ne savais même pas que les échantillons prélevés sur les victimes devaient être inclus dans la banque de données.

M. Steve Sullivan: Je suppose qu'ils seraient recueillis sur les lieux du crime...

M. Peter MacKay: Ils seraient recueillis sur les lieux du crime.

Mme Priscilla de Villiers: Sur les lieux du crime. Je l'ignorais. Je ne peux pas répondre à cette question. Je n'en sais rien.

M. Steve Sullivan: Je ne pense pas que ce soit particulièrement préoccupant. Évidemment, il y a la question du respect de la vie privée si on recueille des échantillons d'ADN de la victime sur les lieux du crime, mais je ne m'y connais pas assez sur le plan technologique pour entrer dans les détails, si c'est identifié ou...

M. Peter MacKay: Je me demandais seulement si quelqu'un, au cours de vos discussions avec les gens que vous représentez, vous avait déjà fait part de cette crainte, à savoir que des échantillons de leur ADN à eux aussi pourraient être prélevés et entreposés.

M. Steve Sullivan: Pas à moi.

Mme Priscilla de Villiers: Les seules personnes qui ont exprimé des craintes au sujet des échantillons d'ADN sont des gens qui, comme la plupart des Canadiens—et je m'inclus là-dedans—, ne savent vraiment pas de quoi il s'agit. Quand nous pensons à l'établissement de profils criminels à partir de l'ADN, d'après ce que j'ai pu glaner en assistant à d'innombrables procès et à d'innombrables enquêtes, et en fréquentant beaucoup trop d'experts médico-légaux—ma pauvre tête est sur le point d'éclater—, nous en avons cette image effrayante qui date en fait de notre jeunesse et qui n'a pas grand-chose à voir avec la technologie moderne. Ce qu'on fait avec l'ADN, d'après ce que j'ai pu voir, c'est qu'on se concentre sur une toute petite partie de l'échantillon pour déterminer le type génétique. Autrement dit, il y en a une énorme portion qui n'est pas touchée lors de ces analyses génétiques.

Donc, honnêtement, d'après ce que je comprends—et j'ai vu beaucoup de codes et d'autres éléments informatiques du même genre—, il y a dans l'ordinateur un code tout à fait incompréhensible qui porte uniquement sur une chose, à savoir le profil d'identification génétique. Mais la plupart des gens, avec l'arrogance que donne l'ignorance, sont prêts à rejeter toute cette technologie parce qu'ils ne la comprennent tout simplement pas.

La présidente: C'est très courant ici.

Mme Priscilla de Villiers: Je ne visais personne.

La présidente: Nous le savons, et nous sommes présumés innocents. Nous en sommes conscients. Mais je ne sais pas si cette présomption s'applique ici. C'est tout ce que je voulais dire.

Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): À propos de la présomption d'innocence—et je ne voudrais pas que mes propos me fassent paraître plus sévère que je le suis en réalité—, cet argument me semble futile parce que le prélèvement d'un échantillon d'ADN, pas plus que la prise d'empreintes digitales, ne peut pas entraîner d'erreur judiciaire. Tout ce que cela permet de faire, lorsqu'il a été possible de prélever de l'ADN sur la scène d'un crime, c'est d'identifier quelqu'un qui a commis le crime ou de lever les soupçons qui pèsent sur lui.

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Si la prise d'empreintes génétiques au moment de l'arrestation ou de l'inculpation supprimait la présomption d'innocence, ce serait déjà le cas pour la prise d'empreintes digitales. Or, ce n'est pas le cas, et la présomption d'innocence persiste bien au-delà de l'inculpation, jusqu'à la déclaration de culpabilité... En fait, elle est même maintenue à tous les niveaux d'appel. Donc, la présomption d'innocence est toujours protégée, et le droit d'exprimer cette présomption existe toujours.

Je ne veux pas me lancer dans une discussion sur le projet de loi C-68 parce que tout le monde sait ce que nous en pensons, mes collègues et moi, mais on nous disait toujours que si le projet de loi C-68 permettait de sauver ne serait-ce qu'une seule vie... C'est l'argument qui était avancé—et il est très valable. Mais quand on l'applique dans ce cas-ci, c'est beaucoup plus profond. C'est ce que nous ont dit les témoins aujourd'hui. C'est ce que nous ont dit aussi d'autres témoins qui ont comparu devant nous pour nous parler de ce projet de loi, surtout quand on se rend compte qu'il aurait été possible d'empêcher des gens comme Clifford Olson de commettre de nouveaux crimes. Nous aurions pu prévenir d'autres crimes et sauver d'autres vies—comme on nous l'a dit aujourd'hui—si la police avait eu plus de pouvoirs pour appliquer et perfectionner cette technologie.

Nous voulons appuyer ce projet de loi. J'espère que les députés du gouvernement vont examiner les modifications que vous avez proposées.

Je ne sais pas trop quoi penser de l'utilité d'en élargir les dispositions pour permettre le prélèvement d'échantillons d'ADN au moment de l'arrestation. Si je comprends bien ce que vous demandez, la police a actuellement le pouvoir d'obtenir des échantillons en vertu du projet de loi C-104, mais à certaines conditions. Il doit y avoir des traces d'ADN sur les lieux du crime. La police doit avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu'ils sont liés au suspect. Et elle doit obtenir un mandat avant de pouvoir recueillir un échantillon.

Ce que vous demandez, si je comprends bien, c'est qu'il soit possible de prélever des substances au moment de l'arrestation ou de l'inculpation de personnes qui n'entrent pas dans cette catégorie, en cas de crimes graves, lorsqu'on veut soumettre les échantillons aux diverses étapes du système.

Cela ne risque pas de supprimer la présomption d'innocence ou d'entraîner un déni de justice. Il n'y a aucun risque de ce genre. J'attends qu'on me présente d'autres arguments à cet égard, parce que je n'ai pas d'opinion précise. Il est possible à mon avis que cela permette de sauver des vies, sans pour autant menacer l'administration de la justice à d'autres égards.

Voilà donc ce que j'en pense. J'aimerais avoir votre avis. Monsieur Sullivan, vous pouvez répondre puisque c'est vous qui avez soulevé la question.

M. Steve Sullivan: Je vais répondre brièvement. Les chefs de police ont dit très clairement, et l'inspecteur Bass également, que même quand l'échantillon d'ADN concorde avec ce qui se trouve dans la banque de données, ce n'est qu'une preuve parmi d'autres. Cela facilite l'identification. On ne peut pas apporter ce bout de papier au juge et lui dire: «Maintenant, Votre Honneur, condamnez-le.» Il faut quand même faire une enquête.

Il serait théoriquement possible qu'une femme ait été tuée après avoir eu une relation sexuelle consensuelle avec quelqu'un et qu'on trouve en elle un échantillon de sperme sur la scène du crime, mais que l'homme avec qui elle a eu cette relation sexuelle ne soit pas celui qui l'a tuée. Pourtant, cet échantillon aurait été trouvé sur les lieux. Par conséquent, la police ne pourrait pas inculper quelqu'un simplement parce que les échantillons d'ADN concordent. Il devrait y avoir une enquête, comme pour tout autre crime.

Nous ne devons donc pas prétendre que les empreintes génétiques sont une panacée. C'est un outil à la disposition de la police. Je pense qu'il peut les aider à faire leur travail. Il n'y a aucun doute à mon avis que cela peut sauver des vies.

M. Jack Ramsay: J'aimerais faire un autre commentaire.

Nous avons parlé de l'autorisation de prélever des substances; or, à mon avis, l'échantillon de sang est le plus important, en ce sens qu'il est le plus concluant pour établir une concordance. Pourtant, dans certains hôpitaux, dans certaines provinces, les médecins prélèvent du sang sur des bébés, des nouveau-nés, pour certaines fins. Qui les y autorise? Ces échantillons sont-ils conservés? Y a-t-il une banque de données? Je n'en sais rien, mais je sais qu'il y a des prélèvements. Et Mme de Villiers a mentionné que d'autres banques ont également été établies.

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Je pense que nous accordons trop d'importance à toute cette question de l'autorisation dont la police a besoin pour recueillir des échantillons afin de protéger la société. Quand un médecin fait des prélèvements sur un nouveau-né, à quelle fin le fait-il? C'est pour protéger le bébé, pour voir s'il souffre d'une maladie quelconque ou pour d'autres raisons de ce genre. C'est à l'avantage de cet enfant, et non à son détriment. S'il existe des garanties suffisantes pour s'assurer que cette information n'est pas utilisée de manière à exploiter cet être humain, personne ne devrait dire au médecin qu'il ne doit pas prélever d'échantillons à la naissance de l'enfant.

Plus nous entendons parler de ces préoccupations, plus je suis convaincu qu'elles sont légitimes et que nous devons les examiner. Mais j'ai de plus en plus l'impression que nous ne sommes peut-être pas réalistes en ce qui concerne les obligations ou les obstacles que nous imposons quant à l'usage de cet outil par la police afin de protéger les membres de notre société.

C'est tout.

M. Steve Sullivan: Rapidement, madame la présidente, il me semble que cette préoccupation est fondée sur la perception selon laquelle ces échantillons pourraient peut-être révéler un jour de l'information supplémentaire. La police vous a dit très clairement qu'elle n'avait rien à faire de cette information supplémentaire. Son travail consiste à identifier les coupables. C'est ce qu'elle fait, et c'est pourquoi elle a besoin de ces renseignements.

M. Jack Ramsay: Le coroner nous a dit hier que cela ne peut rien révéler d'autre.

Mme Priscilla de Villiers: Puis-je ajouter quelque chose? Il y a eu des cas—je n'entrerai pas dans les détails—où la police a suivi des suspects, ramassé leurs mégots de cigarettes, leurs mouchoirs de papier et d'autres objets de ce genre, et obtenu des échantillons d'ADN de toute façon. C'est la première chose.

La deuxième, c'est que j'ai demandé l'avis de deux avocats de droit constitutionnel avant de venir, pour être certaine de ne pas vous dire de bêtises. Ils m'ont dit tous les deux que cette méthode était comparable à la comparaison des empreintes digitales, qui a été jugée défendable.

La présidente: Je vous remercie beaucoup d'être venus nous voir et de nous avoir fait profiter de vos conseils.

Nous allons nous interrompre quelques minutes. J'espère que mes collègues vont rester parce que nous avons des invités pour le déjeuner.

La séance est levée.