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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mars 1999

• 0942

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à nos témoins de ce matin: de Tolérance zéro, M. Kenneth Roffel; de la famille Giroux-Talbot, Marjolaine Giroux et Lévis Talbot; et trois témoins qui comparaissent à titre personnel, Douglas Abernethy—excusez- moi, mais je demanderais au photographe de bien vouloir sortir...

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Réf.): Monsieur le président, n'y a-t-il aucun député ministériel?

Le président: Trois membres suffisent pour l'audition des témoins. La plupart des députés ministériels sont en voyage avec le sous-comité qui examine la LSCMLC.

Comme je le disais, nous aurons aussi des témoignages de la part de M. Doug Abernethy, Mme Sharleen Verhulst et Mme Jennifer Dickson. Je crois savoir que la famille Giroux-Talbot a un mémoire en français seulement, et que Sharleen Verhulst et Jennifer Dickson ont un mémoire en anglais seulement. Que souhaite faire le comité? Voulez-vous que ces mémoires soient distribués pour ensuite être traduits?

Une voix: Ce serait parfait.

Le président: Nous sommes d'accord?

M. Randy White: D'accord.

Le président: Madame la greffière, auriez-vous l'obligeance de faire distribuer ces documents? Merci.

Monsieur Roffel, je crois que vous voulez vous servir du rétroprojecteur. Je propose donc que vous soyez le dernier à témoigner. Nous entendrons d'abord les autres groupes, si cela vous va.

M. Kenneth William Roffel (représentant, Tolérance zéro): Cela me va, monsieur le président.

Le président: D'accord. Peut-être pourrions-nous commencer avec la famille Giroux-Talbot.

Voulez-vous commencer, monsieur Talbot?

M. Lévis Talbot (représentant, Famille Giroux-Talbot): Maintenant? Pourrions-nous d'abord distribuer notre mémoire?

Le président: C'est ce qu'on fait en ce moment. Merci.

Vous pouvez vous asseoir, si vous voulez, madame Giroux.

[Français]

Mme Marjolaine Giroux (représentante de la famille Giroux-Talbot): Bonjour, monsieur le président, messieurs et mesdames les députés et vous tous.

Nous sommes ici aujourd'hui dans le but de sensibiliser davantage nos dirigeants à l'alcool au volant et au délit de fuite dans l'espoir qu'ils accorderont une grande priorité à ce dossier.

La raison pour laquelle nous avons entamé cette démarche est que nous sommes des parents, comme tant d'autres, ayant perdu un enfant dans des circonstances qui se répéteront tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas trouvé les bonnes solutions à ce grave problème de l'alcool au volant.

À Saint-Henri-de-Lévis, le 11 juillet dernier, un accident tragique est survenu dans notre famille. À la suite d'une panne mécanique, notre fils Nicolas, âgé de 16 ans, décida de ne pas laisser son VTT dans le sentier qu'il empruntait couramment et d'aller plutôt le remiser chez un ami, tout près dans le village.

• 0945

Pour s'y rendre, il devait marcher sur le bord de la route principale. C'est en poussant son VTT en panne qu'il a été frappé mortellement par une personne en état d'ébriété, qui a pris la fuite. L'impact fut si violent que la voiture perdit un pneu, ce qui permit aux policiers de suivre la trace que la jante laissa sur la chaussée jusqu'au domicile de cette personne, deux kilomètres plus loin.

Appuyé par une caution de 5 000 $ et défendu par un bon avocat, ce chauffard reprenait la route 15 jours plus tard en attendant son jugement qui, si tout va bien, ne sera pas prononcé avant au moins un an.

À la suite de cet événement et de beaucoup d'autres cas semblables, nous avons vu à quel point les lois prévues pour ces délits étaient clémentes malgré tous les efforts fournis par nos gouvernements pour contrer ce fléau. C'est alors que nous avons pris la décision de demander aux instances gouvernementales québécoises, par le biais d'une pétition, de rendre plus sévères certains articles de loi du Code civil déjà en vigueur. Dans cette pétition, nous demandons que le permis soit suspendu sur-le-champ, jusqu'au jugement de la personne, et que tous les véhicules immatriculés au nom du contrevenant soient saisis durant toute la période de suspension du permis.

Ces changements ont pour but de protéger nos concitoyens et concitoyennes des conséquences graves, pénibles et irréparables qu'ils subissent à la suite d'accidents découlant de la conduite d'un véhicule routier avec facultés affaiblies.

Durant les quatre mois qui ont suivi le lancement de notre pétition, nous avons recueilli 140 600 signatures, dont 60 000 ont été recueillies de main à main par nous, nos familles et nos amis. Ce contact direct avec la population nous a permis de constater que plus de 90 p. 100 des gens en avaient assez de voir défiler le cortège funèbre des victimes de l'alcool au volant. Ils ont appuyé notre demande et plusieurs d'entre eux ont fait des suggestions puisqu'ils trouvaient que les nôtres n'étaient pas assez sévères.

Voici celles qui sont revenues le plus souvent: la peine de mort et l'emprisonnement à vie, que nous n'avons pas inscrits parce que nous trouvions cela vraiment très sévère; le retrait du permis de conduire à vie; le retrait à vie du privilège de posséder tout véhicule; le retrait du permis de conduire à vie pour toute personne trouvée coupable de délit de fuite; tolérance 0 p. 100 d'alcool au volant pour tout conducteur; dénonciation volontaire par tout citoyen de toute personne vue en état d'ébriété au volant de son véhicule; obligation d'installer un ivressomètre en permanence dans le véhicule d'une personne prise en état d'ébriété; Opération Nez Rouge à l'année; obligation aux chauffards pris en état d'ébriété d'aider les handicapés d'un centre de réhabilitation; présence policière accrue dans les milieux ruraux; identification du véhicule d'une personne prise en état d'ébriété à l'aide d'un autocollant fluorescent placé sur la plaque d'immatriculation, ce qui permettrait aux policiers d'effectuer une meilleure surveillance des contrevenants; utilisation du sabot de Denver pour réduire les coûts de remisage; peines graduelles en fonction du taux d'alcool.

Nous devons agir vite, car à toutes les cinq heures qui passent, un Canadien se fait tuer à cause de l'alcool au volant. Ce Canadien pourrait très bien être un de vos enfants, de vos parents ou de vos amis.

Selon les statistiques, l'alcool est responsable de la mort de plus de cinq Canadiens par jour et de 300 blessés, soit un mort aux cinq heures et un blessé aux cinq minutes, ce qui fait 1 700 Canadiens tués et 100 000 blessés chaque année.

Les accidents causés par les conducteurs en état d'ébriété représentent une perte de près de 7 milliards de dollars en productivité perdue, en répression et en frais de santé directs.

Le permis de conduire est, comme son nom l'indique, une permission, un privilège. Pour l'obtenir, on doit passer des examens et répondre à un certain nombre de critères d'admissibilité, tout comme le restaurateur doit répondre à certaines exigences telles que l'affichage de ses prix et la salubrité de ses cuisines. Si le restaurateur n'affiche pas ses prix, il se voit imposer une amende. Si son établissement est insalubre au point de mettre en danger la santé de ses clients, on lui enlève son permis sur-le-champ. Il devrait en être de même pour un conducteur qui met en danger sa vie et celle de ses concitoyens par la conduite d'un véhicule lorsqu'il a les facultés affaiblies par l'alcool ou par d'autres drogues.

Une personne qui conduit en état d'ébriété démontre par le fait même qu'elle ne répond plus aux critères d'admissibilité et que la permission qu'on lui a accordée devrait lui être retirée sur-le-champ.

Bien que la suspension du permis soit efficace, les statistiques de la SAAQ démontrent que 75 p. 100 des contrevenants continuent de conduire sans permis et font fi de la loi. Lorsqu'un enfant barbouille sur les murs avec un crayon, il n'est souvent pas suffisant de lui interdire de se servir du crayon de cette façon. Le moyen le plus efficace est de le lui enlever jusqu'à ce qu'il comprenne que ce merveilleux instrument ne doit pas servir à endommager la propriété d'autrui. On ne le lui remet que lorsqu'il est suffisamment raisonnable et responsable pour s'en servir convenablement.

• 0950

Il en va de même pour un conducteur qui ne fait pas un bon usage du véhicule qu'il a entre les mains. Il risque de causer des dommages matériels et corporels à ses concitoyens. La suspension du permis n'est pas suffisante pour empêcher la majorité des contrevenants de conduire leur véhicule, de sorte que sa saisie nous semble être un moyen de dissuasion beaucoup plus efficace.

Nous avons en effet constaté que la clause de notre pétition qui faisait le plus hésiter certaines personnes à signer était celle qui traitait de la saisie du véhicule. Le propriétaire de véhicule se doit d'en faire bon usage, car l'automobile peut facilement devenir une arme dangereuse.

Certaines personnes ont refusé de signer la pétition, prétextant qu'un durcissement des lois aurait un effet pervers sur le délit de fuite. En prenant connaissance de nos différentes lois, nous nous apercevons vite que ces gens n'ont pas tout à fait tort.

En effet, dans le cas d'un accident routier avec mort ou lésions corporelles, lorsqu'une personne est trouvée coupable de délit de fuite, elle est passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans, alors que si elle est retrouvée en état d'ébriété et qu'elle demeure sur les lieux pour porter secours aux blessés, elle est passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans. Il est facile de constater à quel point nos lois encouragent la non-responsabilisation et la non-conscience sociale.

Le délit de fuite, tel que nous venons de le décrire, est un acte doublement criminel. En effet, en plus d'avoir blessé ou tué une ou des personnes, le responsable s'enfuit en laissant dans le besoin celles qu'il a blessées et qui mourront peut-être pendant que cette personne en fuite aurait pu leur venir en aide. C'est donc bien que le délit de fuite soit considéré au Canada comme un acte criminel. Nous croyons cependant qu'il devrait aussi être considéré, à l'avenir, comme un refus de passer un alcootest.

La sanction applicable à toute personne ayant pris la fuite à la suite d'un accident mortel ou causant des lésions corporelles devrait être égale ou supérieure à la sanction maximale appliquée à une personne conduisant en état d'ébriété.

Nous recommandons que le ministère de la Justice du Canada révise les lois visant le délit de fuite et la conduite en état d'ébriété afin de mieux protéger les citoyens et citoyennes du Canada.

Les mesures que nous considérons les plus efficaces pour réduire les dommages corporels sont les suivantes:

- Suspension sur-le-champ du permis de conduire du contrevenant pour une période déterminée variant en fonction de son taux d'alcoolémie. Durant la période de suspension, le contrevenant devra suivre à ses frais des sessions de réhabilitation afin d'éviter la récidive. Après la période de suspension, le contrevenant devra suivre des examens de conduite et en défrayer les coûts. Le coût du permis devra également être haussé afin de tenir compte du fait que cette personne est plus à risque.

- Saisie sur-le-champ du véhicule et remisage, soit à une fourrière, soit, de préférence, dans la cour du contrevenant avec un sabot de Denver durant toute la durée de suspension du permis. Les coûts d'entreposage ou d'utilisation du sabot seraient aux frais du contrevenant, ainsi que les droits d'immatriculation.

- Emprisonnement durant des périodes variant en fonction du taux d'alcoolémie du contrevenant. Ces périodes devraient varier entre deux jours et trois mois ferme. Il ne s'agit pas d'encombrer les prisons. L'emprisonnement doit s'appliquer avec modération, mais s'appliquer quand même pour que les gens comprennent que la conduite en état d'ébriété est un acte criminel. Il a été démontré que l'emprisonnement est un moyen dissuasif à condition qu'il ne dépasse pas deux ans. Pour tout délit de fuite, la peine maximale devrait s'appliquer. À chaque récidive, les peines devront être du double de la précédente.

Par cette démarche, nous souhaitons que les dirigeants de notre pays se penchent encore une fois sur ce fléau national et étudient les suggestions proposées par la population. Les moyens utilisés doivent être dissuasifs, car mieux vaut prévenir que guérir. Nous pouvons vous assurer que guérir est très douloureux. La consommation d'alcool est peut-être une affaire personnelle, mais la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool est une affaire sociale.

En notre nom et au nom de notre famille et de nos compatriotes, nous vous remercions de nous avoir permis d'exprimer nos suggestions.

Le président: Merci, madame Giroux.

[Traduction]

Jennifer et Sharleen, vous avez la parole.

Mme Sharleen Verhulst (témoignage à titre personnel): Depuis quatre ans, Jennifer et moi-même consacrons de grands efforts à la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies. Grâce aux connaissances que nous avons ainsi acquises, nous avons trouvé quelques solutions. Nous sommes honorées de pouvoir en faire part à votre comité dont la mission est d'améliorer la sécurité sur les routes du Canada.

Je vous parlerai un peu de Jennifer. Elle est présidente de Drinking Driving CounterAttack, à l'Université de la Colombie-Britannique. À ce titre, Jennifer travaille sans relâche à réduire la conduite en état d'ébriété à Vancouver, surtout chez les étudiants.

Pour ma part, je suis conférencière. Je travaille pour la Insurance Corporation of B.C.. Je parcours la Colombie-Britannique où je prononce des conférences sur la conduite avec facultés affaiblies, surtout à l'intention des jeunes. D'ailleurs, les élèves et les étudiants nous font souvent des remarques intéressantes, dont certaines sont incluses dans notre proposition.

• 0955

Je suis aussi coordonnatrice à la GRC de Maple Ridge-Pitt Meadows. À ce titre, j'ai été sensibilisée à bien des questions relatives à l'application des mesures législatives concernant la conduite avec facultés affaiblies et les trois premières recommandations de notre mémoire décrivent certaines difficultés dont j'ai fait l'expérience relativement à l'application de la loi.

Jennifer et moi-même estimons représenter trois groupes de gens. Nous représentons les jeunes car nous faisons affaire avec des jeunes de toutes les régions de la province. De plus, au cours des quatre dernières années, j'ai travaillé avec différents services de police et différentes sections de la GRC un peu partout en Colombie-Britannique. Enfin, ayant moi-même perdu un être cher dans un accident provoqué par un conducteur ivre—j'ai perdu ma soeur jumelle en 1995—j'estime que bon nombre de nos propositions expriment les sentiments des victimes de tout le Canada qui ont aussi perdu un parent ou un ami dans un accident relié à l'alcool. J'ai d'ailleurs attaché à la dernière page de mon mémoire une photo de Cindy. Vous avez la photo. Je n'en dirai pas plus long.

Jennifer et moi, ensemble, représentons des gens bien ordinaires et nous en sommes venues à la conclusion que le problème de la conduite avec facultés affaiblies comporte plusieurs facettes qui appellent une solution à volets multiples. Je vous la décris étape par étape.

En ce qui concerne le nombre important de dossiers dont doit traiter la police et l'engorgement des tribunaux, nous avons examiné le libellé du Code criminel. Nous avons constaté que la façon dont le Code criminel a été formulé a créé ce que nous appelons des échappatoires et a complexifié son application. Nous avons des recommandations à faire à ce sujet.

Pour ce qui est de la société en général, nous estimons qu'une bonne partie de la solution réside dans la modification de la perception du public. À ce chapitre, bien des gens se demandent si c'est la perception du public qui influe sur la loi ou le contraire. Nous, nous espérons que c'est la loi qui exerce une influence sur la perception du public et que le public saura accepter un durcissement de certaines lois, qu'il refusera de tolérer plus longtemps la conduite avec facultés affaiblies. C'est là notre objectif lorsque nous recommandons des peines plus lourdes.

Nous voulons que les Canadiens comprennent enfin que la conduite avec facultés affaiblies est une infraction très grave, qu'elle peut avoir des conséquences mortelles et qu'elle ne devrait pas être tolérée. C'est là notre objectif en formulant ces recommandations.

En matière d'application de la loi, d'après mon expérience ave la police, la situation est très complexe. Cela a mené à une baisse des accusations qui sont portées et à une surcharge de travail pour les tribunaux. Nous recommandons notamment que le Code criminel prévoie le consentement unanime, à savoir que, dès que vous choisissez de conduire, vous donnez votre consentement implicite à une analyse de votre haleine par la police. Nous ne croyons pas que la police se mettra à arrêter les gens sans raison pour exiger qu'ils se soumettent à un alcootest—ne serait-ce qu'en raison du manque de ressources policières—mais cela réduirait l'énorme fardeau de la prépondérance des preuves pour justifier l'administration de l'alcootest. D'après ce que j'ai pu voir, cette exigence entraîne le retrait d'un nombre important d'accusations. Souvent, le conducteur était manifestement ivre mais la police n'a pu justifier sa demande d'alcootest.

Par ailleurs, les policiers devraient pouvoir disposer de plus de temps pour prélever des échantillons d'haleine. D'après ce que j'ai pu voir, l'accusé peut invoquer cette disposition pour jouer de petits jeux, changer d'avocat, etc. Dès que deux heures se sont écoulées, pour obtenir une condamnation, la police doit faire témoigner un expert qui confirmera que le résultat de l'alcootest indique bien ce qu'était l'alcoolémie du conducteur trois heures plus tôt, par exemple, et dans la plupart des régions rurales, on ne fait même pas témoigner d'experts. Les policiers nous ont dit qu'ils aimeraient bien disposer non pas de deux heures, mais de quatre heures.

Dans notre mémoire, nous parlons aussi un peu du processus de la divulgation. Nous jugeons alarmant qu'il y ait tant d'accusations de rejetées en raison d'un mot qui manque ici, d'une erreur qui a été commise là ou d'un oubli sur le certificat de l'analyste. Ces petites choses ne constituent pas des violations des droits de l'accusé, mais entraînent le rejet des accusations précisément pour ce motif. Nous en parlons plus en détail dans notre mémoire.

Nous abordons aussi la question de l'alcoolémie. Nous avons fait de longues recherches et avons conclu que l'alcoolémie légale de 0,08 est trop élevée. Nous avons voulu savoir ce qu'était l'alcoolémie légale dans d'autres pays. Nous aimerions donc que le Canada adopte une alcoolémie légale de 0,02. Nous sommes tout à fait d'accord avec Ken Roffel, qui préconise la tolérance zéro. Nous avons suggéré une alcoolémie légale de 0,02, car nous pouvions la justifier, mais nous appuyons Ken dans ses démarches. En Suède et au Japon, c'est 0,02. Nous avons fait des recherches à ce sujet.

• 1000

Nous avons aussi examiné les programmes de permis pour les nouveaux conducteurs qui, en général, prévoient la tolérance zéro. Nous avons étudié des rapports médicaux et juridiques qui disent que 50 p. 100 de la population a les facultés affaiblies à un niveau de 0,04—nous voyons mal pourquoi l'alcoolémie légale est donc de 0,08. Nous avons aussi examiné des sondages menés auprès du public et de la police.

D'ailleurs, Jennifer et moi avons mené notre propre expérience au détachement de la GRC de Maple Ridge. Nous voulions savoir ce que représentait 0,08 et 0,02. Dans un environnement contrôlé, au détachement, Jennifer et moi avons bu de l'alcool et constaté que nous étions encore en deçà de la limite légale alors que nous pouvions à peine nous mettre debout. Nous en avons été alarmées, car malgré l'affaiblissement de nos facultés, nous aurions pu conduire aux termes de la loi. Nous pourrions y revenir plus tard, si vous le souhaitez.

Pour ce qui est des passagers, l'une des choses que nous avons réclamées et dont il est souvent question... Bon nombre de personnes qui montent à bord de véhicules conduits par des personnes avec facultés affaiblies sont elles-mêmes tuées ou blessées. Pour protéger ces gens, nous aimerions que le fait de monter à bord d'un véhicule conduit par une personne en état d'ébriété soit considéré comme une infraction. À notre avis, dans ce genre de situation, les passagers sont parties à une infraction. Nous visons trois objectifs en faisant cette recommandation.

Premièrement, cette mesure permettrait de réduire les décès et les blessures qui sont attribuables au fait de monter à bord d'un véhicule conduit par une personne avec facultés affaiblies. Nous pensons aussi qu'elle aura un effet dissuasif sur ces conducteurs dans la mesure où personne ne voudra monter à bord de leur voiture et que personne ne les encouragera à conduire dans cet état. Nous espérons qu'ils seront ainsi incités à opter pour un autre mode de transport comme ceux qui refusent de monter à bord de leur voiture. Troisièmement, la création d'une infraction soulignerait la gravité de ce comportement. Nous pensons que considérer comme une infraction le fait de monter à bord d'une voiture conduite par une personne aux facultés affaiblies soulignera la gravité de cette infraction et ses graves conséquences sociales.

Le quatrième élément sur lequel nous nous sommes penchés est la question de la peine. On a déjà mentionné le fait qu'on peut attribuer à la conduite avec facultés affaiblies un décès toutes les cinq heures et vingt minutes et une blessure aux cinq minutes. Or, les gens décident de conduire même s'ils ont bu. Malgré le grand nombre de tragédies, la peine moyenne qui est imposée aux personnes coupables d'avoir conduit en état d'ébriété va de zéro à trois ans. En fait, la peine en Colombie-Britannique est de 18 mois. Certaines des personnes qui ont été reconnues coupables dernièrement d'avoir tué quelqu'un lorsqu'elles conduisaient une voiture en état d'ébriété se sont vu imposer des peines allant de six à huit ans d'incarcération. Cela représente moins de 1 p. 100 des peines imposées pour ce genre d'infraction au Canada.

Nous pensons cependant que c'est un pas dans la bonne direction et c'est pourquoi nous demandons l'imposition d'une peine minimale de sept ans lorsque la conduite en état d'ébriété cause la mort et une peine minimale de deux ans lorsqu'elle cause des blessures corporelles.

Nous nous sommes reportées au droit codifié pour fixer des peines minimales pour ces deux types d'infractions. Nous nous sommes aussi reportées au projet de loi C-201, présenté à la Chambre l'an dernier, qui réclamait une peine minimale de sept ans. Cette proposition a recueilli un large appui auprès de la population. Nous réclamons également une peine maximale d'incarcération à vie lorsqu'un décès est dû à la conduite en état d'ébriété étant donné que c'est la peine prévue en cas de négligence criminelle causant la mort au moyen d'une arme à feu. Nous considérons un véhicule conduit par une personne en état d'ébriété comme une arme.

Nous considérons qu'il s'agit d'une infraction grave parce qu'elle entraîne la mort de quelqu'un. J'ai moi-même perdu un être cher aux mains de quelqu'un qui conduisait une voiture en état d'ébriété... Je ne veux pas m'étendre là-dessus, mais ce sont des gens comme ma jumelle dont les jours sont abrégés dans ce genre de circonstances. À 18 ans, Cindy parrainait un enfant en Haïti et faisait beaucoup de bénévolat. Ce qui est triste, c'est que je ne suis pas la seule à me retrouver dans cette situation. Beaucoup de Canadiens ont aussi perdu un être cher de cette façon. C'est ce qui est arrivé à Ken. Au moment du prononcé de la peine pour la personne qui a tué ma soeur, le juge s'est levé dans la salle d'audience et a dit: «Quelle grande perte.» Qui sait ce qu'elle serait devenue. M. le juge William Stewart a prêté attention à tout ce qu'on lui a dit au sujet de ma soeur Cindy.

Il a imposé une peine d'incarcération allant de six à huit ans à l'homme qui a été reconnu coupable d'avoir tué ma soeur. Cela m'amène à réfléchir à la gravité de l'infraction et au fait que la peine prévue dans le Code criminel ne la reflète pas. Ce qui s'est passé dans la salle d'audience reflète la gravité de cette infraction au Code criminel.

• 1005

Les gens que nous perdons, ce sont des gens comme Cindy.

Un autre aspect important a trait à la manière de dire les choses. Souvent, il arrive que les gens me disent qu'ils ont entendu dire que ma soeur avait été tuée dans un accident d'automobile. Je me sens toujours obligée de les corriger, du fait que, pour moi, la conduite en état d'ébriété est une tout autre chose qu'un accident. C'est évitable à 100 p. 100 selon moi. La possibilité de prévention est de 100 p. 100. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un ne pourrait pas rentrer chez lui en toute sécurité. Ceux qui n'ont pas prévu de le faire avant de quitter la maison doivent tout simplement s'abstenir de boire.

Donc, je corrige toujours en disant que, d'après moi, il s'agit d'une collision et non pas d'un accident. Je suis même tentée de demander qu'on change le mot «accident» dans le Code criminel pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies. Ça ressemble peut-être à de la sémantique, mais je suis convaincue que la société voit les choses en fonction d'étiquettes. Nous parlons de «conduite avec facultés affaiblies causant la mort»... Aux États-Unis, on parle plutôt d'«homicide commis au volant d'un véhicule automobile. Ça semble beaucoup plus grave. Ça ressemble davantage à l'infraction commise. Pourtant, au Canada, nous parlons d'un «accident». C'est une question de mots, mais c'est un aspect qui, d'après moi, est important.

Jennifer et moi nous sommes lancées dans une autre tâche. Nous comprenons fort bien que la conduite avec facultés affaiblies n'est pas tout simplement une question d'ordre législatif, une simple question d'application de la loi. Il serait illusoire de supposer qu'une loi réglera le problème. Sachant cela, nous nous sommes rendues à divers endroits en Colombie-Britannique—et nous souhaitons aller à l'extérieur de notre province—pour parler à des étudiants et des agents de police. Après mon exposé, je leur demande de promettre qu'ils vont prendre une initiative, une seule, pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Et nous leur demandons de formuler leur projet par écrit.

Et, avec cela, nous avons récolté—je les ai toutes ici—2 000 promesses venant de personnes qui se sont engagées à prendre une initiative pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies. Ce sont les promesses de toutes les personnes de la Colombie-Britannique qui ont participé. Dans certains cas, on sent que cela vient du coeur; certaines de ces promesses sont merveilleuses et certaines personnes vont jusqu'à parler d'un resserrement des lois. Ils nous disent que c'est ce qu'ils souhaitent.

Notre objectif consiste à mobiliser tous les Canadiens de manière à ce qu'ils assument le problème. Nous souhaitons que tous prennent la chose au sérieux. Et, d'après nous, il y a un premier pas important à faire sur le plan législatif. Ce serait merveilleux que le gouvernement reconnaisse l'importance du problème et apporte ces changements. Il nous serait alors plus facile de convaincre le public de la nécessité de prendre ce problème au sérieux et de mettre un terme à ce comportement—qui est trop fréquent, justement parce qu'on ne le prend pas suffisamment au sérieux. Voilà donc ce que nous avons fait, entre autres. Et notre objectif consiste à poursuivre dans la même voie.

Jennifer et moi-même souhaitons vous manifester notre reconnaissance, à vous qui nous avez donné l'occasion de nous exprimer et de vous expliquer quelle est notre position au sujet de la conduite avec facultés affaiblies. Notre mémoire contient davantage de détails. En bref, donc, nous avons parlé de l'origine de nos recommandations, de la jurisprudence et des statistiques dont nous avons pris connaissance.

Cela dit, je vous remercie à nouveau de nous avoir donné cette possibilité de nous exprimer.

Le président: Merci, Sharleen. Nous nous sommes très reconnaissants de votre exposé. Et nous comprenons à quel point il a pu être difficile pour vous de nous le livrer.

Monsieur Roffel.

M. Ken Roffel: Monsieur le président, puis-je avoir un instant?

Le président: Monsieur Abernethy, voulez-vous commencer tout d'abord?

M. Doug Abernethy (témoignage à titre personnel): Les personnes qui conduisent en état d'ébriété sont responsables d'une véritable hécatombe sur les routes du Canada. L'ivresse au volant cause davantage de décès et de blessures que les meurtres et les vols mis ensemble.

À titre d'exemple, disons que, en 1991, 734 700 accusations ont été portées aux termes du Code criminel du Canada. De ce nombre, le pourcentage le plus élevé avait trait aux incidents de la circulation. Les incidents de conduite en état d'ébriété rapportés par la police en 1991 ont été au nombre de 132 377, soit 61 p. 100 de l'ensemble des incidents de la circulation visés par le Code criminel. En 1991, la conduite en état d'ébriété a été un facteur contributif dans le cas de 1 800 décès et de 60 000 blessures. Il en a coûté 20 milliards de dollars à la société en frais d'hospitalisation, en temps passé en prison, en amendes, en perte d'emplois et en programmes de réhabilitation.

• 1010

Dans une étude, la National Highway Traffic Safety Association a pu établir qu'une personne peut conduire en état d'ébriété entre 200 et 2 000 fois avant d'être interpellée une seule fois et que la majorité de ceux qui sont mis en état d'arrestation pour conduite en état d'ébriété agissent de la sorte quatre ou cinq fois par semaine depuis plusieurs années avant leur arrestation.

Des évaluations plus poussées d'auteurs d'une première infraction permettent de constater que 80 p. 100 au moins des personnes reconnues coupables de conduite en état d'ébriété étaient des alcooliques ou des personnes ayant des problèmes d'alcool. De tels résultats me convainquent encore davantage qu'il faut dissiper le mythe selon lequel l'auteur d'une première infraction est un buveur mondain qui a fait une erreur. La menace de sanctions juridiques et autres ne dissuade pas la plupart des gens—tout particulièrement les personnes qui se targuent de prendre leurs responsabilités sur le plan social—de la conduite en état d'ébriété.

Cependant, bon nombre de personnes continuent de conduire même si elles ont bu, et il faut donc accroître l'effet dissuasif. On doit se pencher en priorité sur le récidiviste endurci pour régler le problème de la conduite avec facultés affaiblies au Canada.

Dans mon mémoire, j'ai formulé à votre intention quatre recommandations et je vous prie de les évaluer avec le plus grand soin.

Pour vous donner un peu d'information à mon sujet, je me suis réveillé un jour dans l'unité de traumatologie d'un hôpital, où on m'a dit que mon frère de quinze ans, qui était passager dans mon véhicule, était mort. Il a été tué par un conducteur en état d'ébriété qui nous a frappés de plein fouet. L'alcoolémie de cette personne était deux fois plus élevée que la limite légale. La collision en question a eu lieu il y a 17 ans, et nous continuons encore aujourd'hui à tenter de résoudre le problème de la conduite en état d'ébriété.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Abernethy. Je vous suis reconnaissant d'être venu ici ce matin.

Monsieur Roffel.

M. Kenneth Roffel: Merci, monsieur le président. Pouvez-vous m'accorder quelques instants pour préparer le rétroprojecteur? Merci.

Honorable président et membres du comité, je m'appelle Kenneth William Roffel. J'habite Langley, en Colombie-Britannique avec mon épouse Eileen, ainsi que mes deux enfants, Robert et Christopher.

Le 13 mars 1996, un chauffard ivre dont l'alcoolémie était deux fois supérieure à la limite légale a tué mon aîné qui avait 23 ans à l'époque. Le chauffard avait déjà été impliqué plus tôt ce même jour dans un accident lié à la consommation d'alcool et on lui avait permis de rentrer chez lui, où il a continué à boire avant de reprendre le volant plus tard dans la soirée. À 20 h 30, le conducteur en question n'a pas respecté un arrêt. Il roulait à environ 150 kilomètres/heure quand il a traversé l'intersection et il a tué mon fils Mark, sur le coup.

Après la mise en terre de mon fils, je me suis mis à étudier les articles du Code criminel qui portaient sur la conduite en état d'ébriété et j'ai concentré mon attention sur la limite actuelle du taux d'alcool de 0,08 p. 100.

Que signifie au juste ce taux de 0,08 et comment peut-on savoir si on l'a atteint? De plus, comment une personne qui consomme de l'alcool peut-elle savoir à tout moment quel est son taux d'alcool? Je voulais savoir, en fin de compte, si j'étais le seul Canadien à ne pas savoir, au moment de consommer de l'alcool, s'il pouvait conduire en toute légalité ou si ses facultés étaient affaiblies selon la définition du Code criminel.

J'ai travaillé avec un groupe de recherche local et j'ai demandé à ces gens par la suite de mener une enquête auprès des Canadiens en leur demandant quelle était la quantité d'alcool qu'une personne devait consommer pour atteindre le taux de 0,08. Les résultats ont été stupéfiants. Plus de 68 p. 100 des Canadiens n'ont aucune idée de la quantité d'alcool qu'ils doivent ingurgiter, sous une forme ou sous une autre, pour atteindre un taux de 0,05 ou de 0,08. Nous avons obtenu toutes sortes de réponses. Selon certains, il fallait consommer trois ou quatre bières à l'heure ou trois verres de vin à l'heure. D'autres répondants se demandaient si une bouteille de bière contenait autant d'alcool. Un fort pourcentage des répondants n'étaient pas en mesure de dire si le contenu en alcool de ces trois verres de vin était différent si le vin contenait 7 p. 100 on 11 p. 100 d'alcool par volume.

Nous avons interrogé 750 Canadiens, et nous leur avons posé toute une série de questions sur l'alcool et la conduite automobile. Je vous transmettrai les résultats complets de cette enquête plus tard au cours de ma présentation.

• 1015

Dans les émissions de radio auxquelles j'ai participé, des gens nous ont appelés pour demander une modification du Code criminel imposant la tolérance zéro. On assiste, au Canada, à une évolution de l'opinion publique à cet égard. À Toronto, nous sommes arrivés avec notre campagne au poste CFRB, et toute la journée les animateurs ont demandé aux gens de venir au poste pour signer la pétition en faveur de la tolérance zéro. Quand j'ai participé à l'émission du matin de Charles Adler, toutes les personnes qui ont téléphoné appuyaient notre campagne. Des Canadiens de Vancouver à Terre-Neuve ont signé la pétition.

La recherche a démontré que des modifications aux articles 253, 254 et 255 du Code criminel assureraient une plus grande sécurité sur les routes au Canada et qu'une grande majorité de Canadiens étaient en faveur de ces modifications comme en témoignent les signatures sur la pétition transmise à la Chambre des communes.

Le 1er septembre 1996, j'ai commencé à parler aux Canadiens de la pétition sur la tolérance zéro, et j'ai parcouru le pays d'un bout à l'autre, m'arrêtant dans de nombreuses villes de toute taille pour y recueillir des signatures. Le 27 avril 1998, nous avons traversé le Canada, recevant un fort appui dans toutes les villes et tous les villages que nous avons visités. Les médias locaux étaient au courant de notre périple, ils nous ont consacré de nombreuses heures, nous accordant du temps d'antenne pour parler de cette campagne sur la tolérance zéro.

Fort des résultats de la recherche faite, je savais que les Canadiens étaient en faveur de notre campagne et qu'ils étaient prêts à signer notre pétition. Le 11 mai 1998, j'ai présenté un nombre important de pétitions dûment signées à la Chambre des communes. À 15 heures cet après-midi-là, Randy White les a déposées officiellement à la Chambre. Depuis ce moment historique, j'ai continué de recueillir des signatures.

Notre pétition demande à la Chambre des communes de modifier la disposition du Code criminel autorisant un taux d'alcool de 0,08 p. 100, en interdisant complètement la consommation d'alcool pour tous les conducteurs quel que soit leur âge. Notre pétition demande également que l'on prévoie des peines d'emprisonnement minimales pour les première, deuxième et troisième infractions, sur déclaration sommaire de culpabilité. Nous demandons également que les personnes qui conduisent en état d'ébriété se voient immédiatement retirer leur permis de conduire, et qu'elles soient poursuivies en vertu des dispositions qui seront établies par la Couronne.

La loi n'a pas protégé mon fils. La Tolérance zéro permettra de sauver des vies. J'aimerais pouvoir vous faire tout mon exposé au complet, c'est-à-dire vous faire part des résultats de deux ans et demi de travail auprès des Canadiens, avec lesquels je me suis entretenu, recueillant les histoires de ces vies brisées et de ces tragédies dues au fait que certains prennent le volant alors que leurs facultés sont affaiblies. J'ajoute que toutes ces personnes m'ont appuyé dans ma démarche.

N'oublions pas que, dans le secteur public et dans le secteur privé, bon nombre de secteurs d'activité ont adopté le principe de la tolérance zéro. J'en citerais quelques-uns. Il y a les lignes aériennes, où l'on interdit aux pilotes de boire 24 heures avant de prendre l'air. Je demande d'ailleurs souvent aux personnes que j'interroge si elles aimeraient beaucoup prendre l'avion en sachant que le pilote a un taux d'alcool de 0,05 ou 0,08 p. 100. Il y a aussi les travailleurs du secteur de la santé, les officiers de police, et bien d'autres auxquels on interdit de boire, et pourtant nous continuons à tolérer que certains prennent le volant sans très souvent savoir quel est leur taux d'alcool, alors qu'ils vont prendre la route et mettre des vies en danger.

Les lois actuelles sont-elles justes? La réponse est non. Lorsque quelqu'un a bu, comment peut-il mesurer son taux d'alcool? Montons dans une voiture pour étudier le fonctionnement d'une loi que l'on considère généralement juste. Après cette réunion, certains d'entre vous vont prendre le volant. Vous verrez, sur la route, que la vitesse est limitée à 60 km/h. Pour vérifier si vous respectez cette limite de vitesse, il vous suffit de jeter un coup d'oeil sur le compteur, qui vous donne tout de suite l'indication de vitesse. Si vous décidez de faire du 80 km/h et qu'un policier vous arrête, vous aurez une contravention. Cela semble juste. Vous avez choisi de franchir la limite prévue par la loi, on vous impose une amende ou une contravention.

Mais les conducteurs qui ont bu n'ont aucun moyen de savoir quel est leur taux d'alcool dans le sang, lorsque la police les arrête. Lorsqu'un agent s'approche du véhicule, s'il perçoit une odeur d'alcool, il demande au chauffeur s'il a bu, et dans l'affirmative, il demande quelle quantité d'alcool a été consommée. La plupart des conducteurs donnent une réponse qu'ils croient juste, mais la vérité est qu'ils n'ont aucune idée de leur taux d'alcool. Le policier peut alors utiliser un appareil assez simple pour vérifier, ou même demander que l'on fasse un test d'alcoolémie à partir d'une prise de sang. Ce que je viens de dire illustre parfaitement à quel point le code actuel est parfaitement injuste. C'est-à-dire que la loi avec le taux d'alcool prescrit de 0,08 est un dispositif purement juridique qui ne défend pas les intérêts des Canadiens. Lorsque vous avez bu, vous n'avez effectivement aucun moyen de savoir quel est votre taux d'alcool.

• 1020

Dans la partie orange de mon exposé, nous expliquons pourquoi seule la tolérance zéro doit être appliquée. L'adoption de mesures législatives exigeant le niveau de tolérance zéro est une mesure politique correcte, et on doit notamment viser les récidivistes, ces tueurs ne devant en aucun cas pouvoir prendre la route. Le récidiviste chronique sait que les lois actuelles tolèrent un taux d'alcool de 0,08 mg dans le sang, et il pense également qu'il ne dépassera jamais la limite autorisée s'il ne fait que boire quatre ou cinq bières.

L'établissement d'une norme universelle en matière d'alcoolémie, qu'elle prévoit un taux de 0,08 ou de 0,05 p. 100, ne tient nullement compte du vaste éventail de facteurs et de variables dont il faut tenir compte lorsque l'on parle de quelqu'un qui a bu de l'alcool. La conception que l'on peut avoir de la vie, et par voie de conséquence l'aptitude à conduire après avoir bu deux ou trois bières au cours d'un repas pris avec des amis sont une chose, avoir absorbé la même quantité de bière en réfléchissant à la meilleure façon d'assassiner son épouse en est une autre. Les chiffres seuls ne tiennent pas compte des différences qu'il peut y avoir d'une situation à l'autre.

La meilleure façon de poser la question à chaque fois que j'en parle en comité serait peut-être celle-ci: comment peut-on savoir jusqu'où ne pas aller lorsque l'on boit de l'alcool, et comment sait-on que l'on a atteint le seuil d'alcoolémie des 0,08 p. 100?

Si vous passez maintenant à la partie violette de mon exposé, le résumé, monsieur le président, vous y retrouverez ce qui fait l'objet de ma recommandation. Dans mon exposé, j'ai essayé de démontrer qu'une ou plusieurs consommations alcoolisées peuvent suffire à affaiblir les facultés du conducteur. Cela commence dès que l'alcoolémie atteint 0,05 p. 100, parfois avant. À 0,08 p. 100 les facultés sont gravement affaiblies. C'est chez les jeunes de 16 à 24 ans que l'on trouve le taux d'accidents mortels au kilomètre parcouru le plus élevé, pour raison de conduite en état d'ébriété, et on sait que par ailleurs ces jeunes conducteurs sont moins expérimentés que leurs aînés.

Puisque les êtres humains ne réagissent pas de la même façon aux effets de l'alcool, pour des raisons purement physiologiques, il est presque impossible de fixer un taux d'alcoolémie qui permettrait de garantir une conduite «sûre». Il y a plusieurs facteurs en jeu, le poids, la taille, et il est donc pour ainsi dire impossible de déterminer avec précision un taux d'alcool applicable à tous.

Les provinces et les territoires ont adopté toutes sortes de mesures en vue de tenter de dissuader les personnes qui boivent de prendre le volant. Les campagnes de sensibilisation, les amendes, les peines d'emprisonnement, les programmes de traitement et autres mesures n'ont donné aucun résultat. Pourquoi? Parce que bon nombre de contrevenants et de récidivistes savent que le Code criminel permet une alcoolémie de 0,08 p. 100 dans le sang.

Selon les données recueillies un peu partout au monde, nous constatons que lorsqu'on réduit les limites autorisées, on réduit en même temps le nombre de décès et de blessures graves attribuables à la conduite en état d'ébriété. Dans certains États des États-Unis, l'alcool au volant n'est plus la première cause de décès chez les jeunes conducteurs. Trente-sept États américains sur 50 ont adopté une politique de tolérance zéro appliquée aux mineurs de 21 ans. La vitesse et le manque d'expérience y sont maintenant la première cause d'accidents mortels chez les jeunes de 16 à 21 ans.

Permettre à ceux qui ont 21 ans ou plus de prendre le volant lorsqu'ils ont bu, reviendrait à dire qu'avec l'expérience on supporte mieux l'alcool au volant. En quelque sorte vous devenez un meilleur conducteur au fur et à mesure que vous avez plus d'expérience de la consommation d'alcool. Dans certaines régions du Canada, les hommes de 35 à 54 ans sont les premiers responsables des accidents mortels dus au fait qu'ils avaient bu, et les données recueillies démontrent que ces conducteurs soi-disant expérimentés ont parfois été condamnés 12 fois pour conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool dépassant les 0,08 p. 100.

Au cours de ma campagne sur la tolérance zéro, j'ai eu la chance de rencontrer l'un des scientifiques de recherche travaillant à ce projet pour la Chambre des communes en 1967. Il m'a remis une partie des résultats de l'étude présentée à la Chambre. Deux milles volontaires ont bu chacun quatre verres de bière. Cinquante-deux pour cent des volontaires ont atteint la limite permise de 0,08 p. 100 alors que les autres avaient atteint des niveaux plus élevés, certains allant même jusqu'à 0,30 p. 100 après avoir consommé quatre verres de bière en une heure. Le test a démontré que le taux d'alcool dans le sang de 52 p. 100 des volontaires s'était élevé rapidement et que pour les autres, c'est- à-dire 48 p. 100, il n'était que de 0,08 p. 100 à la fin du test. Ce seul résultat a permis de convaincre les chercheurs que nous réagissons tous de façon différente lorsque nous consommons de l'alcool et qu'il serait dangereux de permettre une consommation aussi minime soit-elle à une personne qui doit conduire un véhicule automobile.

Je sais que la politique de tolérance zéro permettra de sauver des vies et j'ai pu constater chaque semaine au cours de mes entretiens avec des Canadiens d'un peu partout que ces derniers sont prêts à nous appuyer pour rendre nos routes plus sûres. Cela n'a rien de sorcier. Il s'agit de la protection de nos enfants et de nos familles. Les gens qui conduisent en état d'ébriété ne nous laissent pas le choix.

• 1025

Avec tout ce qui se passe dans nos vies quotidiennes, nous devons pouvoir nous protéger contre les conducteurs qui pensent savoir combien d'alcool ils ont dans le sang. La plupart des Canadiens sont stupéfaits de constater la quantité d'alcool qu'une personne peut consommer avant d'atteindre un taux d'alcool de 0,08 p. 100. Lorsqu'ils se rendent compte que cela signifie que certains d'entre eux peuvent consommer jusqu'à quatre bières ou un autre alcool en une heure, bon nombre de Canadiens sont horrifiés à la pensée que ces gens peuvent prendre le volant.

En modifiant les articles 253, 254 et 255 du Code criminel pour faire disparaître la limite permise de 0,08 p. 100 et la remplacer par une interdiction absolue, la loi sera très claire pour tous et tous les Canadiens et les nouveaux arrivants la comprendront sans difficulté. Nous demandons également qu'on prévoie une peine minimale de sept jours de prison pour une première infraction, de 14 jours pour une deuxième infraction et de 90 jours pour une troisième infraction, le tout étant basé sur une déclaration sommaire de culpabilité.

Nous avons essayé d'augmenter les amendes, les primes d'assurance et les suspensions ponctuelles, de mettre les véhicules en fourrière et de soumettre les pires contrevenants à un traitement. Essayons maintenant de nous concentrer sur la personne plutôt que sur ses biens. Notre recherche a également permis de démontrer que bon nombre de Canadiens sont d'avis que l'on devrait à tout le moins prévoir une peine d'emprisonnement minimale et qu'en sensibilisant davantage le public canadien, bon nombre de Canadiens laisseraient leurs clés à la maison et prévoiraient un autre moyen de transport lorsqu'ils pensent consommer de l'alcool.

Une simple amende de 300 $ n'a pas empêché des gens de mourir ou d'être gravement blessés par des contrevenants ou des récidivistes qui arrivent à convaincre le tribunal que leur travail est plus important et qu'ils doivent purger leur peine pendant les fins de semaine. Encore une fois, la recherche démontre que cette attitude a changé elle aussi. Notre pétition demande une peine d'emprisonnement minimale.

Plusieurs Canadiens m'ont demandé s'il était acceptable de prendre quelques consommations. Ma réponse est la suivante: si tous les Canadiens ne prenaient que quelques consommations et savaient toujours quelle est la concentration d'alcool dans leur sang, je ne serais pas ici en train de faire campagne pour une politique de tolérance zéro et de demander au comité de recommander à la Chambre des communes d'apporter des modifications au Code criminel.

Enfin, monsieur le président et membres du comité, comme pour toute nouvelle chose, nous devons apprendre à développer nos paradigmes, apprendre à sortir de notre «boîte». Nous devons apprendre à penser plus loin que notre système de valeurs actuel et comprendre qu'en modifiant le Code criminel, les résultats permettront rapidement de constater que la décision d'adopter une nouvelle attitude face à la conduite avec facultés affaiblies permettra d'empêcher que d'innocentes victimes soient grièvement blessées ou meurent. Nous pouvons mettre fin à cette série de quatre vies en moyenne perdues chaque jour en raison de l'alcool au volant.

Je vous remercie de m'avoir permis de présenter mon exposé sur la tolérance zéro à chacun d'entre vous.

Le président: Je vous remercie, monsieur Roffel.

Nous passons à des tours de sept minutes, en commençant par M. Harris.

M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je tiens à remercier les témoins de leurs exposés. Je sais qu'il vous est difficile, comme toujours, de comparaître ici aujourd'hui.

J'aimerais faire quatre commentaires puis poser une question générale. À mon avis, vous avez abordé des aspects dans vos exposés qui méritent d'être répétés.

Mme Giroux et M. Talbot ont parlé de l'injustice qu'ils ont constatée personnellement dans le système de détermination de la peine et de l'appareil judiciaire.

M. Abernethy nous a rappelé que bien qu'il y ait chaque année au Canada 132 000 inculpations pour conduite avec facultés affaiblies—je crois que c'est le chiffre—il faut en fait environ 16 millions d'infractions pour obtenir ces 132 000 inculpations. Autrement dit, nous ne pouvons pas imaginer le danger dans lequel vit notre société à cause de tous ces contrevenants qui ne sont pas arrêtés.

Monsieur Roffel, vous avez fait valoir un argument que nous tâchions d'avancer hier. Comment peut-on se qualifier de buveur responsable si l'on prend un ou deux verres puis qu'on s'installe au volant sans savoir si nos facultés sont affaiblies? L'exemple que vous avez donné d'examiner le compteur de vitesse est probablement le meilleur exemple que j'aie entendu. Vous le savez immédiatement. Mais si vous avez bu un, deux ou trois verres, dans quelle mesure vos capacités sont-elles affaiblies?

• 1030

Jennifer et Sharleen, vous avez soulevé un aspect—parmi les excellents arguments que vous avez présentés—que j'ai déjà entendu, à savoir la loi du consentement implicite: lorsque vous acceptez votre permis de conduire, vous consentez en fait implicitement à ce que la police vérifie si vous conduisez avec des facultés affaiblies.

Ma question générale est la suivante: compte tenu de l'incroyable appui de la part du public pour que l'on mette fin à ces tragédies, à l'hécatombe sur nos routes, qui est absolument atterrante—je le sais, vous le savez, tout le monde ici présent le sait—si nous devons croire que la politique gouvernementale est fondée dans une grande mesure sur l'opinion publique, pourquoi à votre avis nous a-t-il fallu tant de temps pour modifier les dispositions du Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies afin de mettre fin à l'hécatombe sur nos routes? Pourquoi a-t-il fallu tant de temps au gouvernement pour écouter ceux qu'il représente? Y en a-t-il parmi vous qui ont une réponse à cette question?

M. Kenneth Roffel: Si vous me le permettez, je commencerai. Si je me souviens bien, il y a probablement 10, 12 ou 15 ans, on a lancé une vaste campagne de réconciliation entre les familles et les contrevenants. Je pense que cette campagne a donné certains résultats, mais le revers de la médaille c'est qu'elle a laissé le problème persister sans que l'on cherche vraiment à déterminer ce que l'on entend par facultés affaiblies et comment déterminer qu'il y a facultés affaiblies, comme vous l'avez mentionné.

C'est ce que je constate d'après les groupes un peu partout au pays qui ont essayé de réunir les familles et les contrevenants, le résultat étant... mon opinion c'est que l'on fait preuve de plus d'empathie à l'égard du contrevenant et je pense que cela a peut-être influencé les tribunaux. Jusqu'à présent, nous avons essayé toutes sortes de méthodes pour mettre fin à l'hécatombe sur les routes et aucune d'entre elles n'a fonctionné.

Le président: Monsieur Talbot, avez-vous un commentaire à faire à cet égard?

[Français]

M. Lévis Talbot: À l'origine, les gens du peuple québécois et du peuple canadien conduisaient des chevaux. Je le sais parce que j'ai moi-même des chevaux. Lorsque les gens conduisaient après avoir pris un coup, le cheval rentrait directement à la maison. Je pense qu'on a encore cette mentalité. On croit que l'auto rentre toute seule à la maison, qu'elle nous conduit toute seule à la maison.

Il y a quand même des pas qui ont été faits. On a amélioré le système judiciaire. Quand j'étais jeune, on ne se posait même pas de questions. On allait dans un bar, on en sortait, puis on rentrait à la maison en auto.

Je n'ai pas une réponse parfaite. Une société évolue à petits pas. Des pas ont déjà été faits par le passé. Je lisais, par exemple, que M. Harris avait déposé une proposition en 1997, mais je ne sais pas s'il y a eu beaucoup d'amélioration depuis ce moment.

Tout le monde ici présent demande qu'on fasse encore un autre pas. Ce n'est pas la mer à boire. Tout ce qu'on demande, c'est que les lois soient améliorées afin que la population du Canada soit mieux protégée.

[Traduction]

Le président: Allez-y.

Mme Sharleen Verhulst: Il est vraiment difficile de commenter là-dessus. Jennifer et moi-même nous sommes posé la question lorsque nous avons constaté que la législation sur la conduite avec facultés affaiblies n'avait pas été modifiée depuis 1985. Nous nous sommes demandé pourquoi. J'aurais aimé poser la même question: pourquoi ne l'a-t-on pas modifiée, étant donné qu'il s'agit d'un problème reconnu de longue date?

Les gens m'ont dit—car Jen et moi-même sommes trop jeunes pour le savoir—que les perceptions ont apparemment beaucoup changé au cours des trente dernières années. Je suppose qu'il faut du temps pour que les perceptions changent et pour que les gens reconnaissent que c'est un problème grave et qui entraîne la mort de Canadiens.

• 1035

Je pense que c'est simplement qu'il a fallu beaucoup de temps avant que l'on arrive à cette constatation. Nous sommes très heureuses maintenant. Il est très positif qu'on en soit arrivé à cette constatation, mais je ne crois pas que nous puissions donner une réponse bien précise quant à savoir pourquoi on n'en est pas arrivé à cette constatation plus tôt. C'est une très bonne question.

M. Richard Harris: Je crois que nous avons une chose à ajouter.

Le président: Très rapidement.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): J'ai juste une brève question à poser à Sharleen. Je sais que vous travaillez beaucoup auprès des étudiants, auprès des jeunes. Je me demande si vous avez remarqué une différence dans l'attitude et dans les façons de voir des jeunes et des dinosaures qui se trouvent parmi nous.

Mme Sharleen Verhulst: Oui, et c'est en fait très positif. Je rencontre des étudiants qui tiennent des propos décourageants à savoir que c'est «cool» de boire, mais j'essaie d'adapter les exposés que je fais dans les écoles de façon à amener les jeunes... Je veux dire que je crois être «cool» moi aussi. Les choses semblent évoluer. Je dois dire que la réaction des étudiants me paraît très positive.

J'ai constaté, en travaillant avec la police, aux barrages routiers, que ce sont les jeunes que l'on trouve entassés dans des voitures dont le conducteur s'est abstenu de boire et que, bien souvent, les gens que la police arrête à ces barrages routiers sont âgés de 30 à 40 ans. C'est donc une bonne chose que nous exercions une influence auprès des jeunes et je crois qu'on a fait beaucoup d'efforts pour aller dans les écoles rejoindre ces membres de la société avant qu'ils ne deviennent notre avenir et qu'ils ne connaissent les mêmes problèmes que nous. C'est une bonne question. Je crois que la façon de voir des jeunes évolue de façon très positive.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): À mon tour, je voudrais dire aux témoins qu'ils font preuve de beaucoup de courage en faisant cette démarche. Dans tous les cas, un de vos proches est décédé. C'est très difficile pour vous et je vous félicite d'avoir tenu bon jusque-là.

Étant du Québec, je vais adresser ma question surtout aux citoyens de mon comté, M. Lévis Talbot et Mme Giroux. Vous ne nous demandez pas tous nécessairement la même chose. Dans certains cas, vous mettez l'accent sur le taux d'alcoolémie et dans d'autres, vos revendications portent surtout sur la récidive et le délit de fuite. J'aimerais vous donner l'occasion d'en parler un peu.

Il y a des cas de gens qui récidivent plusieurs fois. Le cas que vous signalez est un de ceux-là, mais on en a vu d'autres. Toutes les campagnes de sensibilisation et tous les moyens d'éducation populaire ne régleront jamais ces cas précis. Ces personnes, qui sont quand même assez nombreuses, ont causé des décès. C'est sur cela que vous voulez attirer l'attention des membres du comité, n'est-ce pas, madame Giroux ou monsieur Talbot?

Mme Marjolaine Giroux: On a parlé du délit de fuite parce qu'on considère qu'une personne qui fait un délit de fuite commet deux actes criminels quand elle est responsable de l'accident, le premier étant d'avoir conduit sa voiture en état d'ébriété et blessé ou tué une personne, et le deuxième étant d'avoir laissé mourir la personne en prenant la fuite. Donc, à notre avis, les gens qui commettent des délits de fuite devraient être punis pour deux actes criminels. Actuellement, le Code criminel prévoit une peine de cinq ans pour la personne qui reste sur les lieux et qui est en état d'ébriété. C'est vraiment ridicule, car cela encourage les gens à prendre la fuite et à abandonner les gens que l'on aime sur le bord des routes.

M. Lévis Talbot: Je voudrais ajouter que la peine pour un délit de fuite est de beaucoup inférieure à celle prévue pour la conduite en état d'ébriété. La personne qui a un accident et cause des dommages corporels ou la mort a avantage à fuir le lieu de l'accident, cela pour deux raisons.

• 1040

Premièrement, il y a la question de l'alcootest. L'alcootest doit être pris dans un délai assez court. Le résultat d'un alcootest administré trois ou quatre heures après l'accident risque d'être irrecevable en cour, et il se peut que la personne soit libérée de l'accusation de conduite en état d'ébriété. Deuxièmement, étant donné que la sentence pour le délit de fuite est inférieure, si jamais elle ne se fait pas pincer ou se fait prendre beaucoup plus tard et qu'on ne peut pas prouver qu'elle était en état d'ébriété, on lui donne la sentence minimum.

Nous demandons donc dans notre mémoire qu'une personne qui fuit les lieux d'un accident soit considérée comme une personne qui refuse de subir l'alcootest et reçoive la peine maximale qu'on impose à quelqu'un qui a causé un accident en conduisant en état d'ébriété. Merci.

Le président: Pierre Brien.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Je ne veux pas qu'on parle trop spécifiquement de vos cas, mais j'aimerais savoir s'il y a eu des accusations de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort.

Mme Marjolaine Giroux: Dans le cas de M. Pichette?

M. Pierre Brien: Oui.

Mme Marjolaine Giroux: Oui.

M. Pierre Brien: Est-ce actuellement devant les tribunaux?

Mme Marjolaine Giroux: Oui. Il vient de passer l'étape préliminaire et le procès aura probablement lieu dans six ou sept mois.

M. Pierre Brien: Au Québec, au cours de la dernière année, il y a eu plusieurs cas de personnes qui avaient des antécédents de conduite avec facultés affaiblies. Il y a même des critères de remise en liberté qui, par exemple, n'interdisent pas la possession d'un permis de conduire. Souhaiteriez-vous que nous nous penchions aussi sur les conditions de remise en liberté de ces conducteurs?

Mme Marjolaine Giroux: Dans notre cas, nous nous sommes adressés au Québec pour la suspension du permis et le retrait de la voiture, mais nous aimerions que le Code criminel prévoie que ce soit fait automatiquement. Parlons du monsieur qui a tué notre fils. Le lundi matin, le juge aurait pu lui enlever son permis, mais non: il lui a laissé permis. Nous aimerions qu'on enlève automatiquement leur permis à ces personnes au lieu de laisser au juge le soin de décider s'il doit laisser ou non à la personne son permis.

M. Pierre Brien: Il y a un cas très semblable au vôtre, malheureusement, qui est arrivé à Taschereau, près de chez nous. Très souvent, dans ces cas-là, la conduite avec facultés affaiblies, une action présumée, est très difficile à prouver. Je ne sais pas si vous avez eu des renseignements là-dessus ou des contacts avec les gens de la Couronne, mais l'accusation est très, très difficile à prouver. Il y a eu, au Québec, le cas de Ron Carrière, qui a été très médiatisé. Il y a eu des négociations entre avocats, puis un plaidoyer de culpabilité pour le délit de fuite en échange du retrait des accusations de conduite en état d'ébriété. Est-ce qu'une telle chose vous inquiète?

Mme Marjolaine Giroux: Je vais vous dire que j'ai été très bouleversée. Je me dis que de telles négociations n'ont aucun sens. Nous demandons qu'à partir du moment où une personne commet un délit de fuite, elle soit considérée comme une personne qui a conduit en état d'ébriété. On ne se poserait plus la question.

M. Lévis Talbot: Il s'agit d'un cas limite. Quand on peut négocier un taux d'alcool élevé en échange d'un délit de fuite, cela prouve justement que la peine pour le délit de fuite est inférieure. Ce type a écopé 18 mois de prison, mais on sait qu'il va purger environ le sixième de sa peine. Il fera à peu près trois mois de prison pour avoir tué une personne.

Mme Marjolaine Giroux: Et l'avoir laissé mourir sur le bord du chemin pendant une demi-heure. Je vous dis qu'en tant que parent, ce n'est pas facile à accepter.

M. Lévis Talbot: Le jeune garçon qui avait été frappé est mort au bout de son sang. Si la personne était restée sur les lieux, s'il n'y avait pas eu délit de fuite, ce garçon aurait peut-être pu survivre.

Le président: Peter MacKay.

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

• 1045

Je voudrais également vous remercier pour vos exposés, qui étaient très convaincants et très sincères, étant donné que vous parlez au nom d'êtres chers que vous avez perdus, des enfants, des parents ou des frères et soeurs. Ce sont là les meilleurs arguments qui puissent être invoqués pour nous convaincre que nous n'avons d'autre choix que de changer les choses. Nous avons entendu de très nombreux témoignages, mais je crois que vos exposés d'aujourd'hui étaient les plus convaincants en ce qui concerne les répercussions de la loi actuelle et de certaines de ses lacunes, dirais-je, faute d'un meilleur mot.

Certaines des observations ou des questions que nous formulons sont sans doute répétitives, mais je voudrais vous rapporter des propos que j'ai entendus. J'ai souvent comparu devant un juge de Nouvelle-Écosse en tant que procureur de la Couronne dans ma ville de New Glasgow où le juge Clyde MacDonald comparait tout conducteur reconnu coupable de conduite avec facultés affaiblies à quelqu'un qui aurait pointé une arme à feu sur chaque automobile qu'il croisait sur la route.

J'estime que c'est là une très bonne analogie qui se rapporte à ce que vous avez dit, Sharleen, quant à la gravité de la conduite avec facultés affaiblies. Curieusement, la société ne considère pas qu'il s'agit d'un acte criminel aussi grave que les autres, mais il a pourtant des répercussions toutes aussi graves sur la vie des personnes touchées, sinon plus graves étant donné le résultat. Je serais certainement pour l'inclusion dans le Code criminel de «l'homicide commis au volant d'un véhicule automobile».

L'un des principaux problèmes que nous avons constatés est celui que vous avez abordé, madame Giroux, quand vous avez comparé le milieu rural et le milieu urbain en mentionnant que les autres modes de transport n'étaient pas aussi disponibles dans les régions rurales du pays. Autrement dit, vous ne pouvez pas prendre un taxi, un autobus ou un train si vous résidez dans une localité rurale. Pour cette raison, les gens semblent malheureusement plus enclins à conduire en état d'ébriété.

Cela me porte à croire que l'une des questions sur lesquelles nous devrions centrer notre attention est celle des obstacles physiques qui peuvent empêcher quelqu'un de prendre le volant. L'antidémarreur, le dispositif surtout utilisé en Colombie-Britannique, je crois, semble être une solution vers laquelle nous devrions nous diriger. Ces dispositifs sont maintenant plus abordables et il semble également plus facile de s'en procurer.

Compte tenu de cette solution et de la possibilité de saisir les véhicules et de les mettre à la fourrière, l'option que l'Ontario a choisie récemment, pensez-vous qu'il faudrait inscrire ces deux mesures dans le Code criminel afin de les rendre obligatoires? D'autre part, la latitude laissée aux juges pour rendre les sentences semble causer un problème plus sérieux. Faudrait-il inscrire cela dans le Code criminel?

Mme Sharleen Verhulst: Pour ce qui est de saisir les véhicules—nous savons que cela se fait aux États-Unis—Jennifer et moi-même venons de découvrir qu'à New York on saisit les véhicules au même titre que l'on confisque une arme sur les lieux d'un crime. Un véhicule conduit avec facultés affaiblies constitue une arme et ailleurs qu'au Canada la loi permet de le confisquer au même titre qu'une arme.

Pour ce qui est des régions rurales, c'est ce qu'on me dit souvent dans les écoles du nord où je prends la parole. On me dit qu'il n'y a pas d'autobus ou de taxis et les jeunes me demandent comment ils sont censés rentrer chez eux. Je peux seulement leur dire que c'est une bonne excuse pour ne pas rentrer à la maison... Je leur dis toujours qu'ils ont des amis qui habitent dans le coin et que, tant pis s'ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils n'ont qu'à s'abstenir de boire. C'est une réponse bien simple. Je crois qu'il faudrait le dire plus souvent: ceux qui prennent des risques pour rentrer chez eux n'ont aucune excuse. Il est sans doute plus facile de faire entendre ce message que d'essayer de trouver une solution en ce qui concerne les régions rurales.

Par ailleurs, pour ce qui est de l'application de la loi dans les régions rurales, le fait de porter à quatre heures le délai actuel de deux heures pour le prélèvement d'un échantillon d'haleine va faciliter les choses, car dans les régions rurales, le délai de deux heures ne suffit pas toujours aux policiers pour amener le conducteur au poste afin de lui faire subir l'alcootest. Cela ne laisse pas non plus le temps de faire venir un expert.

Voilà comment je vois les choses en ce qui concerne les armes et les régions rurales.

• 1050

Mme Jennifer Dickson (témoignage à titre personnel): Si vous le permettez, je voudrais également aborder la question de l'antidémarreur. C'est une bonne idée, mais je crois qu'il faudrait mettre l'accent sur la responsabilité de l'acte. Nous avons déjà parlé des différences entre les jeunes et les conducteurs plus expérimentés. J'ai notamment constaté que les jeunes étaient beaucoup moins portés à invoquer des excuses comme: «Je n'avais pas d'autre moyen de transport, il fallait que je prenne la voiture». Nous savons qu'il existe toujours une autre solution. Les conducteurs expérimentés ont davantage tendance à demander ce qu'ils doivent faire s'il n'y a pas d'autre moyen de transport à leur disposition. La réponse que Sharleen a donnée est: «Il ne faut jamais conduire. Vous devez planifier et il existe toujours un autre moyen de rentrer chez soi. Rien n'excuse la conduite en état d'ébriété. La question de la responsabilité est très importante, je crois, et l'intéressé a la responsabilité, même en l'absence d'antidémarreur, de ne pas perdre ce principe de vue avant de prendre le volant.

[Français]

Le président: Monsieur Talbot.

M. Lévis Talbot: Je crois qu'il y a deux points dans votre question. Le premier est la saisie du véhicule.

Nous croyons que la saisie du véhicule est une mesure extrêmement dissuasive pour deux raisons. Tout d'abord, on se rend compte que, lorsque le permis de conduire est retiré, il y a 75 p. 100 des contrevenants qui continuent à conduire. En deuxième lieu, lorsqu'on a fait circuler notre pétition de 140 600 signatures, beaucoup de personnes hésitaient à la signer parce que sa deuxième clause traitait justement de la saisie du véhicule. On veut que le véhicule soit saisi. Il nous semble que c'est le point qui a fait le plus réfléchir les gens. C'est ce qui, en fin de compte, affecte le plus les gens.

C'est peut-être emmerdant pour une femme dont le mari a subi un alcootest et s'est fait saisir le véhicule de la famille. Par contre, je pense que chaque membre de la famille subit un peu le comportement des autres membres de la famille et peut influencer le comportement des autres membres de la famille. Si c'est l'homme qui conduit en état d'ébriété, les enfants et la femme peuvent exercer des pressions sur l'homme afin qu'il cesse ce comportement.

Deuxièmement, il y a l'antidémarreur. Dans la documentation sur l'antidémarreur, on a vu que c'est un système extrêmement efficace tant et aussi longtemps que le système est sur le véhicule. Aussitôt que le système est retiré du véhicule, les personnes retombent dans leurs anciennes habitudes.

Donc, on n'en a pas traité dans notre mémoire, mais, à notre avis, s'il devait y avoir un antidémarreur, il faudrait pratiquement qu'il fasse partie de l'équipement de série des véhicules. Cela répondrait peut-être aussi à la question de M. Kenneth Roffel. On a un odomètre sur la voiture et on sait à quelle vitesse on conduit. Avec un antidémarreur, on saurait aussi quel est notre taux d'alcoolémie avant de prendre le volant. C'est une question dont on doit discuter sur le plan économique parce que ça occasionnerait des coûts à tout le monde et non seulement à ceux qui en auraient vraiment besoin.

Mme Marjolaine Giroux: Puis-je ajouter une chose?

[Traduction]

Le président: Très rapidement, madame Giroux.

[Français]

Mme Marjolaine Giroux: Comme Mme Verhulst, je trouve qu'il est important que la mentalité des gens change. Les antidémarreurs sont des béquilles. Il faudrait que les gens, dans leur tête, en viennent un jour à penser qu'il ne faut jamais conduire en état d'ébriété.

Si on est en milieu rural et qu'on n'a pas la chance d'avoir quelqu'un pour se faire conduire chez soi, eh bien, on ne boit pas. C'est aussi simple que ça. De toute façon, ça devrait être ainsi, qu'on soit en milieu rural ou non.

[Traduction]

Le président: Merci. Monsieur John McKay.

• 1055

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos exposés. C'était très intéressant.

Monsieur Roffel, je voudrais vous poser une question au sujet de votre proposition concernant la tolérance zéro. Prenons M. White comme exemple. M. White a bu un verre hier soir, il est monté dans sa voiture et il s'est fait arrêter.

Une voix: Pas ce M. White.

M. Randy White: Pas ce M. White. Il ne boit pas.

Des voix: Oh, oh!

M. John McKay: Non, prenez plutôt mon cas. Ce que je veux savoir, c'est qu'est-ce qui arrive si on m'arrête, qu'on applique un programme de tolérance zéro et que j'ai un taux d'alcool dans le sang de 0.02. Selon votre proposition, la police me prend alors en flagrant délit, mais ce que je ne comprends pas c'est ce que vous avez dit à propos d'une condamnation sur déclaration sommaire et d'une période d'emprisonnement. Il n'y a pas nécessairement de lien. Pouvez-vous expliquer ce que comporte votre proposition?

M. Kenneth Roffel: C'est une question qu'on nous pose souvent depuis que nous avons lancé cette campagne de tolérance zéro il y a deux ans et demi. Qu'est-ce que c'est qu'un seul verre? La société de recherche que j'ai embauchée a interrogé 750 personnes. Les données recueillies montrent clairement l'émergence d'une nouvelle tendance chez les Canadiens à l'aise et assez instruits pour qu'on ne tienne pas compte de la consommation d'un verre avec le repas du soir s'il s'agit d'un verre de vin. Le tout est de savoir combien d'alcool contient cette consommation, quelle est la taille du verre. Comme vous le savez, si c'est un grand verre, on consomme naturellement beaucoup plus d'alcool.

Dans notre pétition, nous demandons qu'on empêche sur-le-champ un automobiliste de conduire et ce afin de redonner du pouvoir à la police, afin que, comme on l'a entendu au cours de témoignages lundi et hier, on ne revoie pas à nouveau cet individu sur la route une dizaine ou une douzaine d'heures plus tard, comme cela se passe maintenant. La recherche qu'a effectuée tolérance zéro montre que les dispositifs de blocage, le retrait des véhicules et des permis de conduire ne donnent pas de résultat. Ce qui fonctionne, c'est de retirer cette personne du système.

Pour ce qui est des condamnations sur déclaration sommaire de culpabilité, on est toujours passible, s'il y a eu mort ou blessure... la campagne de tolérance zéro demande qu'on interdise aussitôt à quelqu'un de conduire un véhicule. Ce serait le meilleur moyen de dissuasion: Plus question de conduire. La procédure légale normale suivrait ensuite son cours.

M. John McKay: Je ne pourrais donc plus conduire et je devrais comparaître en cour. Suis-je passible d'emprisonnement pour cette infraction?

M. Kenneth Roffel: Non, pas s'il n'y a pas eu de blessures ni de décès. Selon la pétition, pour une première infraction, on demande un emprisonnement de sept jours. Pour une deuxième infraction, s'il n'y a toujours ni blessures, ni décès, l'emprisonnement est de quatorze jours. S'il y a récidive, sans qu'il y ait blessures ni décès...

M. John McKay: Sept jours de quoi, s'il vous plaît?

M. Kenneth Roffel: D'emprisonnement—sept jours de prison.

M. John McKay: Sept jours pour un verre.

M. Kenneth Roffel: C'est cela. C'est la tolérance zéro.

M. John McKay: Oui, je comprends. Je veux simplement que les choses soient bien claires.

Des témoins nous ont dit que pour chaque mise en accusation il doit bien y avoir plus de 200—si je me souviens bien—incidents de conduite en état d'ébriété. Avez-vous cherché à savoir quel effet aurait l'application de votre programme de tolérance zéro sur le nombre d'incidents et sur le nombre de mises en accusation et sur la façon dont cela influerait sur le système de justice criminelle?

M. Kenneth Roffel: Oui. Hier nous avons entendu parler de la Suède, où le taux d'alcool dans le sang est de 0.02.

M. John McKay: C'est juste.

M. Kenneth Roffel: On a omis de mentionner qu'en Suède les sanctions sont parmi les plus strictes au monde. Maintenant, à la première infraction, vous êtes passible d'un an de prison.

• 1100

Les travaux de notre groupe de recherche ont montré que les Canadiens estiment qu'un an de prison c'est une sanction trop lourde, mais ils accepteraient une période d'emprisonnement de sept jours. Si l'on voit ce qui se fait à l'échelle mondiale en matière de tolérance zéro ou de tolérance presque zéro... À mon avis, 0.02 c'est presque la tolérance zéro. Récemment, j'ai appris que le dispositif de mesure qu'utilise la police décèle des taux de 0,03; on peut donc le mesurer. Nous avons aussi entendu dire...

M. John McKay: Quel est le rapport? Je n'étais pas là hier mais j'étais là avant-hier et le souvenir que j'ai de ce témoignage—j'ai oublié le nom du témoin—est que le modèle suédois n'est vraiment pas le bon, qu'il ne permet pas de retirer de la circulation ceux qui devraient l'être.

M. Kenneth Roffel: Dans mon document, vous constaterez que l'exemple suédois est utilisé. La Suède est passée de 80 milligrammes à 50 milligrammes et la différence au niveau des blessures et des morts n'a été que de 1,14 p. 100. Mais en passant de 0,05 ou 50 milligrammes—à 0,02, elle est passée au numéro quatre pour le nombre de conducteurs en état d'ébriété et le nombre de blessés et de morts a diminué de 375 p. 100. Encore une fois, c'est un point qui est négligé à propos de la Suède.

Si vous prenez toutes les statistiques—et, bien sûr, comme vous le savez, elles peuvent être manipulées dans n'importe quel sens pour corroborer un argument—si vous regardez ce qui marche, le 0,02 en Suède marche. Les morts ou les blessures provoqués par des chauffeurs en état d'ébriété sont au niveau quatre. Les collisions à grande vitesse...

M. John McKay: Ce qui m'inquiète ce sont les conséquences perverses de votre proposition. Pour me reprendre comme exemple, disons que je me suis fait prendre. Je vais essayer de tout faire pour me disculper. Je vais retenir les services du meilleur avocat, du plus grand, du plus cher. Je vais faire traîner les choses. Je vais tout faire pour éviter une condamnation au criminel. J'appartiens à la classe moyenne et l'impact sur ma vie dépasse de loi l'incident et d'après moi, c'est débattable, je n'étais même pas en état d'ébriété. Même si on sert de vos tableaux, j'aurais été tout à fait en état de jouer au football ce soir-là si j'avais voulu.

J'aimerais simplement savoir si vous avez fait des études sur l'incidence perverse, les conséquences non intentionnelles de votre proposition sur le système de justice criminelle de notre pays. Je crains effectivement qu'une multiplication des affaires de ce genre risque e bloquer tout le système judiciaire. Est-ce que vous avez des données?

M. Kenneth Roffel: Les données que j'ai montrent le contraire. Les personnes questionnées—un sondage par téléphone de 15 minutes auprès de 750 Canadiens, incluant les résidents des territoires—montrent dans leurs réponses... Nous ne leur avons pas demandé: «Est-ce que vous avez l'intention de boire?» ou «Avez-vous l'intention de vous défendre si vous vous faites prendre après avoir bu un verre?» car on ne peut se fonder sur une simple éventualité. Ce sont les chiffres qu'il faut prendre en compte, les données existantes qui montrent qu'une peine de sept jours aurait un caractère suffisamment dissuasif pour marcher. Nous n'avons pas été plus loin.

S'attaquer à ce seuil du 0,08 est nouveau pour moi, tout comme pour vous, et si vous pouvez honnêtement me dire quel est votre degré d'alcool dans le sang après un ou deux verres...

M. John McKay: C'est un des bons arguments de votre document.

M. Kenneth Roffel: C'est le reflet du sentiment de beaucoup de Canadiens et de Canadiennes. D'après les données, les femmes ont tendance à être plus favorables à la tolérance zéro. Encore une fois, il y a plus de femmes qui sont en faveur de cette tolérance zéro que d'hommes. Quand on pose la question au Canada, les Canadiens et les Canadiennes y sont favorables, mais les femmes légèrement plus favorables.

M. John McKay: Pour une personne comme...

Le président: Monsieur McKay, je crois qu'il nous faudra vous redonner la parole.

Monsieur White, votre tour de trois minutes.

M. Randy White: Merci, monsieur le président.

Je crois que M. McKay aurait pu éviter ces frais juridiques s'il avait commencé par ne pas boire avant de prendre le volant. C'est comme ça que je verrais la chose.

J'aimerais poser une toute petite question suivie d'une question plus générale. J'aimerais demander à Sharleen combien d'accidents, selon elle, sont provoqués par l'alcool au volant.

• 1105

Mme Sharleen Verhulst: Zéro, Randy. Je me permets de répéter que je ne considère pas les collisions provoquées par l'alcool au volant ou par la trop grande vitesse comme des accidents. Ce ne sont pas des accidents. Ces situations sont évitables à 100 p. 100. Prendre le volant est une décision cognitive. Il n'y a aucune place pour la pitié pour quelqu'un qui boit et qui prend le volant. C'est un acte égoïste. C'est dire à la collectivité: je veux rentrer chez moi, je veux rentrer avec ma voiture, c'est tout ce qui m'intéresse. C'est ignorer l'incidence sociale de la conduite en état d'ébriété. C'est la raison pour laquelle je préfère parler de collision plutôt que d'accident.

Pour ce qui est du nombre de collisions, il y en a des milliers.

M. Randy White: Merci.

Mme Sharleen Verhulst: Merci, Randy.

M. Randy White: J'aimerais remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui. Je sais qu'il est très difficile de parler d'événements vécus mais vous êtes ici pour promouvoir une cause, une très bonne cause.

Nous savons que des changements sont nécessaires. Vous êtes au seuil du lieu qui décide ce genre de changements. Dans une certaine mesure, pour vous, c'est la dernière étape de la procédure menant à un changement législatif. Très peu de gens au Canada ont la possibilité de faire avancer leur cause aussi loin. Je tiens à vous féliciter et j'aimerais que vous nous disiez chacun, très rapidement... Vous avez presque 5 p. 100 de la Chambre dans cette salle et j'aimerais que vous nous disiez ce que vous attendez de ce comité. Sauf erreur, ce comité est censé déposer un rapport la semaine prochaine. Une loi sera préparée. Que souhaitez-vous que ces députés ici présents fassent après vous avoir écoutés?

Le président: Madame Verhulst.

Mme Sharleen Verhulst: Ma seule demande qui, je crois, est universellement partagée par tout le monde est que tout changement reflète la gravité du délit. Tout ce qui a été dit sur le durcissement de la loi, l'abaissement du niveau d'alcool, tout ce qui a été mentionné l'a été pour rappeler la gravité du délit.

Permettez-moi de revenir à l'argument selon lequel la législation offre l'énorme possibilité de modifier la perception du public. Les gens demandent ce qui va se passer au niveau des tribunaux, disent que nos prisons vont être surchargées, mais—je pèche peut-être par idéalisme—j'espère que nos tribunaux ne seront pas surchargés et que nos prisons ne seront pas pleines car les gens comprendront la gravité du problème et feront ce qu'il faut pour que cela n'arrive pas.

M. Randy White: Est-ce que vous pourriez tous ajouter quelque chose, brièvement?

Mme Jennifer Dickson: Ce que Sharleen et moi-même aimerions également c'est qu'à la suite de cette étude faite par votre comité, le Canada joue un rôle de chef de file dans ce domaine sur la scène internationale.

Mme Sharleen Verhulst: Oui.

Mme Jennifer Dickson: Je sais que la Suède est à 0,02. La Suède et le Japon sont à l'avant-garde. Ils sont tout seuls et je ne vois rien de mal à ce que les Canadiens les rejoignent et, comme Sharleen le dit, parlent de la gravité de ce problème et disent qu'il est temps de montrer l'exemple au plan international pour que cela change.

M. Randy White: Merci.

M. Kenneth Roffel: J'aimerais que ce comité fasse trois choses. Premièrement qu'il nous débarrasse de ce 0,08 et qu'il le remplace par 0,00. J'aimerais aussi demander à votre comité qu'il impose des peines plus sévères aux conducteurs condamnés pour conduite en état d'ébriété. Aussi—c'est dans mon document—j'aimerais que votre comité facilite la tâche à la police, avec un seul formulaire à remplir plutôt que ces deux ou trois heures de paperasse à remplir et à jouer au jeu des charades avec les conducteurs en état d'ébriété sur le bord de la route.

Merci.

M. Doug Abernethy: J'aimerais dire une chose. J'ai un rapport de la Fondation de recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie intitulé Assessing the potential impact of lowering the legal blood-alcohol limit to 50 milligrams in Canada (Évaluation de l'impact potentiel d'un abaissement de la limite légale d'alcoolémie à 50 mg au Canada). Permettez-moi de vous lire très rapidement la fin d'un paragraphe:

    Il y a très peu de recherche sur d'éventuelles conséquences négatives de l'abaissement de la limite d'alcoolémie de 80 à 50 mg. Il y aura des coûts et des conséquences qu'il faudra prendre en considération. Un facteur qui pourrait réduire au minimum tout impact négatif serait l'entérinement de toute nouvelle loi par le public, la police et les autorités judiciaires. Sinon, il pourrait y avoir un risque de divergence au niveau des pratiques judiciaires et d'application.

• 1110

    Par ailleurs, si l'opinion publique est défavorable à la loi, celle-ci n'aura pratiquement aucun effet dissuasif. Mais si l'on décide d'abaisser le seuil du taux d'alcool, on risque de perdre tous les avantages d'une telle mesure si la police n'est pas dotée des ressources nécessaires pour appliquer la loi.

Il y a eu également un rapport du Conseil canadien de la sécurité qui se dit défavorable à un abaissement du taux d'alcool à 50 milligrammes. Il est favorable à un taux de 80 milligrammes, considérant que si ce niveau était appliqué, on parviendrait à sauver des vies. Dans mon résumé, à la recommandation no 1, je préconise des pénalités graduelles fondées sur l'alcoolémie. Ma recommandation no 2 porte sur les dispositifs de blocage de l'allumage, ma recommandation no 3 concerne l'évaluation obligatoire et la réhabilitation, tandis que la recommandation no 4 concerne les détecteurs passifs d'alcool.

[Français]

M. Lévis Talbot: J'aimerais d'abord que les députés de la Chambre prennent connaissance de nos documents et de nos interventions et les étudient. J'aimerais même qu'ils aillent un peu plus loin. J'ai un peu manqué de temps ou je n'avais peut-être pas toute la compétence nécessaire pour faire une étude assez approfondie des lois qui existent afin de trouver les moyens, pas nécessairement les plus coûteux, mais les plus dissuasifs pour empêcher les personnes de conduire en état d'ébriété, alléger le système prévu pour l'alcootest et prolonger la période légale pour faire cet alcootest afin d'empêcher le plus possible les délits de fuite.

Pour ce qui est du délit de fuite, notre dernier point est le plus important. Nous recommandons que la peine pour délit de fuite équivaille à la peine maximale qui serait appliquée pour conduite en état d'ébriété afin de décourager le plus possible les délits de fuite.

Mme Marjolaine Giroux: Je pense comme Lévis.

Le président: Merci.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci de vos présentations. Je ne vais pas tomber dans la facilité et parler de la difficulté des présentations et ainsi de suite, mais je suis très heureux que vous ayez eu le temps, l'occasion et le courage de les faire.

Si vous me le permettez, je voudrais commencer par répondre brièvement à la question de mon collègue Harris. Comment se fait-il qu'il ne ne se soit rien fait? En fait, Sharleen a déjà commencé à répondre à la question.

Il y a quelques années, on n'aurait jamais pensé au concept de chauffeur désigné, designated driver. Maintenant, ça fait un peu partie des coutumes; pas suffisamment, mais ça fait partie des coutumes. Dès qu'il y a un accident sur la route, les médias qui parlent de l'accident disent d'entrée de jeu qu'il est question qu'il y ait de l'alcool en cause ou qu'il n'y a pas d'alcool en cause. Le simple fait de faire systématiquement état de cela est déjà un changement de mentalité. La campagne québécoise «L'alcool au volant, c'est criminel» a beaucoup marqué les gens, en particulier les jeunes. Il y a donc un problème grave. On a encore 1 400 morts sur les routes annuellement au Canada à cause de l'alcool et on a un problème grave à régler, mais je ne veux pas être entièrement pessimiste comme mon collègue risque de le laisser entendre, parce qu'il y a quand même des progrès sociétaux qui se sont faits.

Je pense qu'il y a effectivement des changements à faire, mais j'ai deux problèmes à propos des présentations qui ont été faites. On parle de renforcer les peines à imposer. On sait que le Code criminel prévoit actuellement jusqu'à 14 ans de prison pour un crime de cette nature, mais on n'arrive jamais à ça dans les jugements. Est-ce que le fait de prévoir une peine maximale de 25 ans va changer les choses? Autrement dit, est-ce que le renforcement des sanctions est la réponse? Je n'en suis pas sûr.

D'un autre côté, on parle de tolérance zéro. Partons du principe, qui a été confirmé relativement fréquemment par les témoins, que la plupart des accidents où il y a une situation de facultés affaiblies sont imputables à des récidivistes.

• 1115

[Traduction]

Les gens qui restent insensibles aux campagnes de sensibilisation, qui ignorent la loi et sur lesquels les sanctions n'ont aucun effet dissuasif, qui continuent à conduire après avoir bu pour toutes sortes d'autres problèmes qui n'ont rien à voir avec la sensibilisation à l'aspect criminel... ces gens-là resteront totalement hors de portée d'une politique de tolérance zéro, de tolérance 0,02 ou de tolérance 0,08. Si l'on passe à la tolérance zéro, on va certainement sensibiliser un plus grand nombre de Canadiens à la nécessité d'éviter ce genre de comportement, qui deviendra une infraction criminelle, mais je ne pense pas qu'on résoudra les deux tiers du problème.

Voici la question que je vous pose. Disons que vous êtes des députés. Vous avez recueilli non pas un, ni trois, mais une cinquantaine ou une soixantaine de témoignages, vous avez reçu des mémoires et toutes sortes d'informations et vous avez toutes sortes d'indications contradictoires sur les avantages des différentes formules. Mais en tant que députés, vous voulez bien faire, vous voulez prendre les bonnes décisions et vous voulez être efficaces. Si vous avez une priorité à choisir, laquelle choisirez-vous à titre individuel, sachant que votre solution comporte elle aussi ses inconvénients? Sur quoi voudriez-vous insister? La répression contre les récidivistes?

M. John McKay: Les perdants.

M. Jacques Saada: Les perdants.

Mme Sharleen Verhulst: Vous avez soulevé trois arguments. Tout d'abord, l'emprisonnement maximum est de 14 ans et personne n'est véritablement condamné à 14 ans. Quant au minimum de sept ans, je crois qu'il va être augmenté un peu, car c'est la tendance actuelle en matière de détermination de la peine, et même si les juges ne condamnent pas à perpétuité, je pense qu'il serait bon de leur donner l'occasion de le faire. Ce serait leur prérogative.

Vous avez également parlé des récidivistes et de la façon de les appréhender. En ce qui concerne l'opinion publique, il ne s'agit pas simplement d'arrêter les délinquants, il faut inciter les autres à intervenir. Si quelqu'un récidive alors que tous les autres membres de la société prennent la chose au sérieux... Il y a maintenant des gens qui interviennent auprès des récidivistes, des gens qui évitent de pousser à la consommation lors des événements sociaux et des réunions d'affaires. Il y a des gens qui interviennent activement auprès des récidivistes. Il s'agit de mobiliser tout le monde autour d'eux, au lieu de ne s'en prendre qu'à eux.

M. Jacques Saada: Oui. Si vous me le permettez, je voudrais faire un bref commentaire. J'ai oublié de dire que j'ai été très impressionné par deux de vos propositions qui, sauf erreur de ma part, ne nous avaient encore jamais été soumises.

La première concerne le passager qui pourrait être accusé de complicité. Je ne sais pas quelles sont les conséquences de cette proposition, et je ne suis pas certain d'être d'accord, mais je trouve la formule tout à fait intéressante.

La deuxième concerne l'expression «homicide commis au volant» qui remplacerait le mot «accident». Je ne veux pas dire pour autant que votre proposition ne m'a pas impressionné, mais je voudrais voir du concret, et non pas un symbole, car nous en avons déjà un.

[Français]

La campagne «L'alcool au volant, c'est criminel» qu'on a eue au Québec avait justement un but sociétal, c'est-à-dire sensibiliser non seulement ceux qui conduisaient ou qui voulaient conduire ou qui risquaient de conduire avec facultés affaiblies, mais aussi tous ceux qu'il y avait autour. La société n'acceptait plus la conduite avec facultés affaiblies. Donc, c'est déjà fait, mais cela n'a pas été suffisant. Je cherche donc une solution qui aille plus loin.

Mme Marjolaine Giroux: Je vais vous en donner une.

M. Jacques Saada: Oui.

Mme Marjolaine Giroux: «Pas de permis, pas d'auto.». Finalement, c'est l'auto qui est le problème. On peut boire autant qu'on le veut; si on ne prend pas sa voiture, on n'aura pas de problème, au point de vue social, naturellement.

Quand on démontre qu'on n'est pas assez sensibilisé pour ne pas conduire en état d'ébriété, on se fait enlever sa voiture et on ne peut plus conduire. Je pense que c'est le moyen, parce que le problème est à la source.

Il n'y a personne qui est un criminel ici. Certaines personnes boivent. La prison ne les touche pas parce qu'elles se disent qu'il est impossible qu'elles tuent un jour quelqu'un. C'est ce qu'on a dans notre tête en réalité. Tu bois, mais tu ne penses pas que tu pourrais aller jusqu'à tuer une personne en conduisant ta voiture après avoir bu. Je ne pense pas que cela touche la population. Cependant, si tu te dis que tu n'auras plus d'auto demain si tu conduis en état d'ébriété, cela va te toucher. Cela te touche toi, ton petit moi. À cette époque-ci, on vit beaucoup pour soi-même; on est très individualiste. Quant à moi, c'est la solution.

• 1120

[Traduction]

Le président: Merci.

Le député du Bloc, monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: J'aimerais faire un petit commentaire sur une remarque de M. Saada, en tout respect.

Les paragraphes 255(2) et 255(3) du Code criminel prévoient les peines suivantes: facultés affaiblies causant des lésions corporelles, 10 ans; causant la mort, 14 ans; délit de fuite, 5 ans. Il y a quand même un jugement de valeur du législateur dans le degré des sanctions. Si j'étais juge, je prendrais en considération l'intention du législateur. Quand on accorde une sentence maximale de 10, 14 ou 5 ans, il y a quand même un degré de gravité qui est indiqué par la sentence maximale. Les gens nous disent qu'il faut augmenter le degré de gravité. Je pense qu'on va pouvoir se rejoindre là-dessus.

M. Jacques Saada: J'aimerais, si vous me le permettez, rendre hommage au travail que M. Brien fait systématiquement à l'égard de cet aspect spécifique du délit de fuite. C'est une des questions importantes qui ont été soulevées depuis le début des audiences. On n'est pas en contradiction.

M. Pierre Brien: Non. Je voulais simplement le préciser.

J'aimerais poser une question à Jennifer et Sharleen. Vous avez fait l'expérience de l'alcootest et vous avez dit qu'il avait fallu que vous consommiez beaucoup pour arriver à une certaine limite. J'aimerais que vous nous parliez plus concrètement de ce que vous vous rappelez de cet événement-là.

[Traduction]

Mme Sharleen Verhulst: Ah, oui. Ce fut une expérience très intéressante. Jennifer et moi sommes allées voir mon chef au détachement de la GRC et, essentiellement, nous lui avons demandé si nous pouvions boire au travail, demande qui lui a paru singulière. Pour ce qui est de savoir la quantité d'alcool que nous avons bu, nous avons en fait un texte sur cette expérience, nous pouvons donc vous en donner une copie. Nous en étions littéralement au point où nous voyions double, nous étions étourdies, et nous ne pouvions pas nous lever de nos chaises, et nous n'en étions encore qu'à la mention «avertissement», qui se situe entre 0,03 et 0,05. À un moment donné, nous étions de toute évidence en état d'ébriété et nous avions encore une note de passage à l'alcootest. Quand l'expérience s'est terminée—nous nous étions en fait trompées dans notre expérience et avions consommé 13 onces d'alcool en 35 minutes, ce que nous n'avions pas l'intention de faire—Jennifer soufflait encore 0,09, soit juste un peu plus que la limite de 0,08, même si elle avait consommé la quantité d'alcool équivalente.

D'accord, nous sommes petites, et il est vrai que les résultats varient d'une personne à l'autre, mais le fait est que nous étions pas mal ivres et que nous étions sous la limite légale, ce qui nous a vraiment ouvert les yeux pour ce qui est de la limite légale qui existe actuellement.

[Français]

M. Pierre Brien: Il y a deux groupes qui ont insisté particulièrement sur l'abaissement de la limite. Il y a une espèce de perception sociale—et je serai le premier à l'admettre—voulant que .08 équivaille à une consommation moyenne. Vous nous dites que .08 équivaut à une consommation très élevée.

Si on abaissait la limite actuelle, j'ai l'impression que ce ne serait peut-être pas accepté au plan social parce que les gens ont l'impression que .08 est un critère satisfaisant. Il me semble qu'on aurait d'abord un travail d'information à faire sur ce que .08 représente véritablement. Il y aurait une première étape à franchir avant même de pouvoir abaisser la limite. Il faudrait que les gens prennent conscience de ce que représente .08. Donc, il y aurait une étape à franchir avant d'en arriver à abaisser la limite. Est-ce que vous êtes d'accord sur cela?

[Traduction]

Mme Sharleen Verhulst: C'est une des choses sur lesquelles nous avons fait des recherches. Il existe un livre qui s'intitule Medicolegal Aspects of Alcohol, qui est l'oeuvre collective de juges et d'avocats qui ont longuement étudié la question de savoir si la limite du 0,08 est raisonnable ou non. Les auteurs ont constaté que 50 p. 100 de la population est en état d'ébriété à compter de 0,04. Vous avez parfaitement raison de dire que les gens pensent que 0,08, ce n'est pas beaucoup. Ils pensent que ça va.

Mais vous devez consommer beaucoup d'alcool avant d'atteindre 0,08—et j'ai vu ces gens qui ont été arrêtés. Ça fait maintenant quatre ans que je travaille au détachement. J'ai vu des conducteurs en état d'ébriété entrer, j'en ai vu qu'il fallait aider à se tenir debout, j'en ai vu qu'il fallait transporter, je les ai tous vus souffler en bas de 0,08. Ce que vous dites au sujet des recherches sur la signification du 0,08 et sur le fait de dire à la population que le 0,08, c'est beaucoup, est à mon avis une étape très importante dans la campagne qu'il faut mener auprès des gens pour faire abaisser le taux d'alcool.

• 1125

Mme Jennifer Dickson: De même, dans le livre que Sharleen a mentionné, on dit aussi que l'état d'ébriété peut commencer dès le 0,01. On tenait compte ici de la vision, de la perception et d'autres choses aussi, mais si l'état d'ébriété est atteint aussi rapidement, et que 50 p. 100 de la population est dans un état d'ébriété élevée à 0,04, alors le 0,08... C'est une limite beaucoup trop vague qui ne tient pas compte de toute la population et des divers niveaux d'ébriété.

Le président: Merci, monsieur Brien. Monsieur McKay.

M. John McKay: Je veux revenir à la question de savoir comment vos exposés influenceront cette bande de hors-la-loi dont parlait M. Saada. Essentiellement, 1 p. 100 des conducteurs cause deux tiers des problèmes. Je ne vois tout simplement pas comment l'abaissement de la limite légale à 0,00 ou à 0,02 ou à 0,05 aura le moindre effet sur cette bande-là. Pouvez-vous me donner une réponse ici? J'aimerais vraiment savoir comment tout ce que vous dites pourrait avoir un effet sur ces gens-là.

Je vais commencer par vous, monsieur Roffel.

M. Kenneth Roffel: Quand j'ai examiné la limite de 0,08—et Sharleen vous a dit la quantité d'alcool pour l'atteindre—j'ai fait des recherches. J'inviterais le comité, s'il le peut, avant de faire ses dernières recommandations, à réunir un groupe témoin de récidivistes endurcis et à faire des recherches sur ce groupe pour déterminer les mesures dissuasives qui auraient un effet réel. Que savent-ils au sujet de l'alcool? Que savent-ils au sujet des effets de l'alcool sur eux? C'est la seule façon de procéder à une évaluation raisonnable. Faites des recherches sur ce groupe.

Je n'ai pas toutes les réponses parce que je n'ai pas parlé à un grand nombre de récidivistes. J'ai parlé à plusieurs personnes qui sont des amis de Bill Wilson chez les AA, et qui, lorsqu'elles ont atteint le fond du baril, se sont rendu compte de ce qu'elles avaient fait. De toute évidence, le récidiviste n'a pas encore atteint le fond du baril. Mais je pense que la réponse à votre question réside peut-être dans une étude sur ce récidiviste que vous pourriez commander et qui vous permettrait de déterminer comment l'on peut arrêter ce récidiviste, et quelle loi vous pourriez adopter pour protéger les Canadiens contre ce récidiviste.

M. John McKay: On peut donc dire que l'essentiel de vos propositions s'adresse en fait à l'autre tiers, aux personnes qui sont éducables, aux personnes qui seraient influencées par l'abaissement du taux d'alcoolémie, ou l'augmentation des amendes ou l'allongement des peines de prison.

M. Kenneth Roffel: Non. Mon exposé intéresse tous les Canadiens. Il y a environ un mois, le permis de conduire du chef de police de Vancouver a été suspendu à la suite d'un contrôle routier. Il a dit qu'il ne savait pas combien d'alcool il avait dans son sang. C'est pourtant un chef de police. J'ai pris une vue dégagée de la chose, lorsque j'ai parlé à son adjoint, j'ai demandé... Quand on voit ça, quelle est la tolérance zéro pour tous les Canadiens...

M. John McKay: Avez-vous fait des recherches sur les appareils qui pourraient servir? Il n'y a pas une seule personne ici présente qui, lors d'une activité sociale, ne s'est pas demandé combien d'alcool elle avait dans le sang. Franchement, il devrait y avoir moyen de trouver plus aisément ce genre d'appareil qui est aiderait les gens à prendre des décisions informées. Est-ce que l'on peut trouver facilement ce genre d'appareil? Est-ce que cela pourrait faire l'objet d'une recommandation de la part de notre comité?

M. Kenneth Roffel: J'ai entendu des exposés qui ont été faits devant votre comité et qui portaient sur des appareils numérisés... Encore là, s'il y a tolérance zéro, vous ne vous soucierez pas de votre alcoolémie. Si vous comptez prendre un verre, ne comptez pas prendre votre voiture.

M. John McKay: Mais à certains égards, la virginité fait que l'on n'a pas à se soucier non plus de la grossesse.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Dernière question, monsieur McKay, s'il vous plaît.

• 1130

M. John McKay: Ma dernière question porte sur le temps que prend la police. En fait, vous voulez augmenter la limite à quatre heures.

Mme Jennifer Dickson: C'est exact.

M. John McKay: Nous avons entendu des témoins qui ont dit qu'entre l'interpellation et l'inculpation, il s'écoulait quelque chose comme 8,5 heures du temps de l'agent, ce qui, pour n'importe qui, semble considérable. Dans quelle mesure votre proposition aurait-elle un effet sur cette statistique?

Mme Sharleen Verhulst: Le temps qu'il faut consacrer dépend en partie de la procédure de mise en détention et de la conduite de l'inculpé, mais le gros de ce temps est occupé par la paperasserie, donc il n'y aura pas d'effet sur les formalités que les policiers devront quand même remplir.

La limite de quatre heures aurait pour effet de diminuer la charge de travail des agents de police du fait que si l'on dépasse les deux heures—ce qui arrive assez souvent—, ils n'auront pas à faire venir un expert et ils n'auront pas à obtenir des certificats différents qui disent que c'est trois heures au lieu de deux. Ce sera en fait beaucoup plus simple pour les policiers de passer de deux heures à quatre.

Le président: Monsieur Abernethy, voulez-vous intervenir?

M. Doug Abernethy: Oui, j'aimerais dire quelque chose sur l'augmentation de la limite de deux heures à quatre heures. Pour autant que je sache, le refus de se soumettre à l'alcootest constitue une infraction criminelle. Je sais que bon nombre de conducteurs en état d'ébriété qui sont emmenés au poste de police veulent d'abord appeler leur avocat, avant de se soumettre à l'alcootest. Je dis qu'il faut supprimer la limite de deux heures. Que la personne appréhendée se soumette d'abord à l'alcootest, après quoi qu'on lui permette de téléphoner à son avocat.

Le président: Merci, monsieur Abernethy. Monsieur Peter MacKay.

M. John MacKay: Merci, monsieur le président. Il y a longtemps que je réfléchis à tout cela. Il me semble que l'on parle de deux choses distinctes. On parle de dissuasion, qui est le processus après coup, et malheureusement, ce n'est pas en agissant «après coup» qu'on ramène les gens. Les mesures de dissuasion, j'imagine, ont un effet général et particulier. Elles peuvent corriger la conduite de la personne qui a été arrêtée et la dissuader de recommencer, et elles peuvent, j'imagine, servir d'exemple lorsqu'on fait savoir au grand public ce qui est arrivé à cette personne qui a agi ainsi.

Ensuite il y a la question de la réinsertion du délinquant, l'aspect thérapie. Je pense que vous avez tous beaucoup fait pour sensibiliser le public. Les choses bougent, mais il faut tout de même un certain temps avant que tout cela débloque.

Comme vous êtes des personnes qui participez à cette sensibilisation du public, je vous proposerais notamment de parler de ces incidences à des juges, si vous avez l'occasion de leur parler, puisqu'ils vivent dans des tours d'ivoire. Peu importe les règles que nous fixons ou les changements aux règles qui résultent de nos délibérations, il incombera toujours aux juges de les appliquer. Il ne convient pas que des juges comparaissent devant nous, mais ce sont eux, au bout du compte, qui se servent des outils que nous leur fournissons, de même que les policiers, les procureurs et les avocats de la défense. Je dis cela en passant.

Pour revenir aux propos de John McKay et aux vôtres, au sujet de la simplification de la procédure, il me semble que c'est un domaine où nous pouvons avoir un effet. Nous pouvons au moins entreprendre d'éliminer certains des obstacles relatifs à la preuve, ou d'alléger le fardeau administratif auquel sont confrontés chaque jour les agents de police et les procureurs de la Couronne qui veulent recueillir des preuves à présenter devant les tribunaux. On a parlé de remettre le pouvoir entre les mains des policiers. En leur donnant le pouvoir de suspendre immédiatement le permis, nous leur donnons la possibilité de confisquer ce qui pourrait causer la mort. Ils peuvent prendre le véhicule et le retirer des mains du délinquant.

J'aimerais qu'on formule d'autres commentaires sur les complications inhérentes à la loi et que nous pouvons éliminer. Il y a tout un labyrinthe à suivre, particulièrement quand le procureur doit faire un retour en arrière, pour fournir des preuves parce qu'on a dépassé le délai de deux heures.

Quelles expériences ou connaissances pouvez-vous partager avec nous au sujet des complications inhérentes à la loi actuelle et se rapportant à la présentation de la preuve, quand il s'agit de tenir quelqu'un responsable de ses actes? C'est une chose d'augmenter le nombre d'arrestations de ceux qui commettent cette infraction, mais une fois qu'ils se sont fait prendre, il me semble qu'il y en a encore beaucoup qui n'ont pas à répondre de leurs gestes ou à en assumer la responsabilité, à cause de la manière que la loi actuelle est faite.

• 1135

[Français]

M. Lévis Talbot: Actuellement, pour un test d'ivressomètre, le contrevenant est amené au poste de police. L'agent de police lui demande s'il veut appeler son avocat et ensuite il passe l'ivressomètre. Ça prend en général environ trois heures. Actuellement, on a des techniques modernes et les alcoomètres sont beaucoup plus fiables qu'ils l'étaient il y a plusieurs années. On a aussi des téléphones cellulaires qui assurent une certaine discrétion au niveau de la communication. On devrait donc permettre aux policiers d'effectuer le test d'alcool sur-le-champ, dans leur véhicule automobile. Le policier pourrait offrir au contrevenant l'usage du téléphone cellulaire de la police pour qu'il puisse appeler directement son avocat. Je pense que cette façon de faire pourrait réduire énormément le temps requis pour faire les tests d'alcool.

Je veux revenir sur un point dont vous parliez plus tôt. Vous suggériez de sensibiliser les juges, de leur en parler. C'est une chose, mais on pourrait aussi retirer aux juges leur pouvoir discrétionnaire quant à certains points de la loi, par exemple pour le retrait du permis de conduire. Actuellement, c'est à la discrétion du juge. S'il croit que la personne peut conserver son permis de conduire après l'infraction, il le lui laisse. Dans certains cas, pour certains articles de loi, vous pourriez retirer aux juges ce pouvoir discrétionnaire parce que vous êtes arrivés à la conclusion, à la Chambre des communes, qu'il y a certains points de loi qui doivent être appliqués d'une façon plus ferme.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Allez-y, Sharleen.

Mme Sharleen Verhulst: Je serai brève.

Au sujet de l'ivressomètre dans la voiture de patrouille et de l'utilisation du téléphone cellulaire, c'est malheureusement impossible, puisque le test à l'ivressomètre doit se faire dans une salle spéciale. C'est pour cette raison qu'on ne peut porter des accusations en fonction du résultat d'un alcootest routier. Par ailleurs, il faut pouvoir communiquer avec son avocat, en privé, et sans délai. Je présume qu'«en privé», cela signifie que vous êtes seul dans une pièce, et non pas simplement dans une voiture, avec un téléphone cellulaire. Je ne sais pas si cela serait accepté.

Le bureau du procureur général de la Colombie-Britannique, pour accélérer le traitement des dossiers relatifs à d'autres chefs d'accusation, a souvent recours à une liste de vérification. D'après un sondage auprès des agents de police, 62 p. 100 des dossiers sont rejetés en raison d'erreurs administratives. Je pense que la simple présentation d'une feuille de vérification, demandant à ces services de police s'ils ont vérifié ceci, ou cela, avant d'envoyer le dossier au procureur... La disposition sur le consentement tacite va vraiment alléger le fardeau administratif des policiers, au sujet de la preuve et des complications qui l'entourent.

Troisièmement, nous avons vraiment beaucoup examiné la question de la divulgation. En fait, en Colombie-Britannique, il faut compter 25 semaines pour traiter un dossier pour lequel l'accusé a plaidé coupable. C'est notamment parce que les avocats de la défense sont très inventifs. Ils ont vraiment des trouvailles incroyables.

Je comprends sur quoi repose notre système. Nous ne pouvons pas dire que la défense doit tout dévoiler au procureur, même si c'est ce que je souhaiterais fort. Mais au sujet de la divulgation et lorsqu'il s'agit de divulguer une erreur sur un certificat, par exemple, ou ce genre de défenses qui n'enfreignent en rien les droits de l'accusé et n'enlèvent rien au processus accusatoire, mais qui apportent toutes sortes de complications et de chinoiseries parce que la défense a trouvé... J'ai entendu des avocats prétendre que le plancher de la salle où se font les tests à l'ivressomètre avait été lavé avec un nettoyant de la marque X, qui avait une certaine teneur en alcool et que cela avait influencé le résultat de l'alcootest. Il a fallu que la Couronne fasse des recherches là-dessus. Je pense que ce genre de choses pourraient être réglementées par la procédure de divulgation. Cela éliminerait beaucoup de...

M. Peter MacKay: Le cas classique de la quasi-infraction.

Mme Sharleen Verhulst: Oui, bien sûr, et la paperasserie et...

Le président: Merci. Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, mais...

Le président: C'est le dernier tour de table.

• 1140

Mme Aileen Carroll: Oui.

Comme mes collègues, je vous remercie pour votre courage et pour toutes les difficultés que vous avez surmontées pour venir nous présenter votre point de vue.

Il me semble que la discussion de ce matin nous montre bien que nous nous occupons des deux bouts de la procédure. Nous nous penchons sur les conséquences d'une action et aussi, comme nous l'ont bien montré ces jeunes femmes, sur le début du processus, soit le changement d'attitude, qui est bien plus difficile à effectuer. De bien des façons, quand des législateurs comme nous sont devant un dilemme, il est bien plus facile de s'en prendre farouchement aux conséquences que de revenir en arrière, s'attaquer aux causes du comportement pour trouver la solution.

J'attire votre attention sur l'échec de la campagne de lutte contre les toxicomanies «Just Say No!» aux États-Unis. C'est un échec d'après toutes les études qui ont été faites. C'est un échec parce qu'on ne sait pas s'attaquer aux causes du problème.

Par ailleurs, au sujet d'un projet de loi émanant d'un député et portant sur le tabagisme, des critiques ont été formulées parce qu'on avait consacré beaucoup d'argent à une campagne publicitaire. Je ne dis pas que nous n'avons pas besoin de sensibiliser le public. Il faut le faire, mais on court à l'échec si c'est le seul outil dont on se sert. Toujours au sujet du tabagisme chez les jeunes, il faut se demander pourquoi les adolescents fument. Beaucoup d'études ont constaté que lorsqu'on s'attaque aux causes du décrochage chez les jeunes, leur estime de soi est améliorée et il y a une réduction du tabagisme.

En essayant de préparer le meilleur rapport possible, je pense qu'il faut penser à la fois aux conséquences et au comportement. Les statistiques citées par M. MacKay, que vous semblez tous connaître—c'est-à-dire que 1 p. 100 des automobilistes causent les deux tiers des problèmes—, montrent la taille du problème, un problème colossal qui est celui du comportement et de la façon de le modifier.

Je dirai à ces deux jeunes femmes qu'elles offrent une partie de la solution lorsqu'elles parlent de s'adresser aux jeunes et de discuter avec eux de planification. Il faut planifier. Il faut envisager les conséquences de la soirée. Il faut prendre des mesures, à l'avance. Il faut penser aux comportements qui nous feront agir d'une certaine façon et à la façon dont on peut les modifier.

C'était un excellent témoignage, très édifiant, je vous en remercie.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Voulez-vous répondre aux commentaires de Mme Carroll?

En ce cas, permettez-moi de dire aux témoins que nous apprécions beaucoup leur présence ici ce matin. Votre expérience personnelle avec des conducteurs aux facultés affaiblies a certainement eu un effet sur nous aussi. Vos exposés de ce matin porteront fruit, nous l'espérons. Merci.