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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 5 mai 1999

• 1536

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erié—Lincoln, Lib.)): La séance est ouverte et je remercie la ministre McLellan d'être venue comparaître à nouveau.

Bienvenue à vous, madame la ministre, ainsi qu'à vos collaborateurs Janice Charette, Morris Rosenberg, et M. Roy.

Madame la ministre.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada): Merci beaucoup. Je suis heureuse d'être ici pour partager avec vous les plans et priorités stratégiques du ministère de la Justice et pour répondre aux questions que vous aurez peut-être à cet égard.

Monsieur le président, étant donné que vous avez déjà présenté les hauts fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui, je m'abstiendrai de le faire.

Mon exposé cet après-midi sera bref afin de vous donner l'occasion de poser des questions au sujet du rapport et des plans et priorités du ministère de la Justice.

[Français]

Mon allocution de cet après-midi portera sur un certain nombre de secteurs stratégiques précis qui sont au coeur de nos efforts continus pour solidifier la confiance du public dans le système de justice.

Bien qu'au cours de la dernière année nous ayons mis l'accent sur la justice pour les jeunes, la prévention du crime et la mise en oeuvre de la Loi sur les armes à feu, de même que sur la réforme du Code criminel, nous sommes allés au-delà de ces initiatives en matière de justice pénale.

[Traduction]

Nous avons pavé la voie à un examen fondamental de la Loi canadienne sur les droits de la personne, cet instrument juridique qui reflète nos valeurs nationales et, grâce à votre collaboration, nous avons jeté les bases d'un tribunal de première instance à volet unique dans le nouveau territoire du Nunavut.

Permettez-moi de dire quelques mots au sujet d'autres aspects du programme de politiques du ministère de la Justice.

Premièrement, le renouvellement du système de justice pour les jeunes. Encore là, les travaux du comité précédent—celui de la justice et des affaires juridiques—ont constitué les assises de la stratégie que nous avons rendue publique en mai dernier. Le ministère a mené à ce sujet de vastes consultations dans tout le Canada dont le résultat est concrétisé par le projet de loi C-68, que j'ai déposé à la Chambre le mois dernier. J'estime que cette mesure confère aux provinces et aux territoires l'équilibre et la souplesse voulus pour répondre aux problèmes complexes liés à la criminalité chez les jeunes.

Pour éviter d'être trop longue, je me bornerai à aborder quelques points saillants. Premièrement, au cours de nos travaux, nous avons reconnu qu'il n'existe pas de solution unique applicable à tous les cas dans le domaine de la criminalité juvénile. Nous avons écouté attentivement les experts qui travaillent auprès des jeunes en difficulté et nous avons également écouté les Canadiens qui nous ont dit clairement que si les jeunes qui violent la loi doivent en subir les conséquences, il est préférable d'identifier et de régler leurs problèmes avant qu'ils n'entrent en contact avec le système de justice pénale. Pour cette raison, le succès de la mise en oeuvre d'un nouveau système de justice pour les jeunes exigera beaucoup de nous tous sur les plans suivants: ressources communautaires, engagement à l'égard de nos enfants et capacité d'aborder les problèmes avec créativité, compassion et détermination.

Cette approche communautaire en matière de justice pour les jeunes fait partie intégrante de notre stratégie de prévention du crime. En appuyant les jeunes à risque, nous assurons la prévention du crime dans nos collectivités. Bien qu'il n'existe pas de solution miracle à la criminalité juvénile, il y a des facteurs de risque connus qui font qu'un jeune a plus de chances d'avoir des démêlés avec la justice. Voilà pourquoi, dans notre stratégie, nous avons mis l'accent sur la sécurité et la prévention du crime dans la communauté, sur les collectivités démunies et en particulier, sur la sécurité personnelle des enfants et des jeunes, des Autochtones et des femmes.

• 1540

Depuis juin dernier, nous avons investi dans 396 projets de prévention du crime dans tout le Canada. Il a été fort gratifiant pour moi de participer au lancement, par exemple, du Centre de traitement des toxicomanies à Toronto et du programme Réussir avant six ans dans ma ville d'origine, Edmonton. Au premier coup d'oeil, ces deux projets semblent fort différents, mais leurs objectifs généraux sont les mêmes.

Le premier concrétise une démarche novatrice face à un problème apparemment insoluble dans le système de justice pénale, c'est-à-dire la toxicomanie et le taux élevé de récidivisme. Le second est un programme d'intervention précoce auprès d'enfants dont les familles sont à risque. Les enfants ainsi encadrés auront un meilleur départ dans la vie. Ces deux projets montrent que le système de justice pénale abandonne son approche réactive et coûteuse face à un comportement criminel et adopte des solutions de type communautaire plus efficaces. Ces deux projets accroîtront la sécurité du public et endigueront les pertes humaines et financières qui minent la cohésion sociale dans notre pays.

La prévention du crime vise à empêcher ce premier pas dans le système de justice pénale à titre de contrevenants, mais elle vise également à empêcher que d'aucuns deviennent des victimes, et bien que nous ayons une stratégie et des projets de prévention du crime axés sur le gros bon sens, il y aura malheureusement toujours des victimes. Les membres du gouvernement ont pris connaissance de votre rapport, intitulé Les droits des victimes—Participer sans entraver. C'est un domaine du système de justice qui devait faire l'objet d'un examen et je tiens à exprimer mes remerciements les plus sincères aux membres du comité pour leur excellent travail sur cette question.

Comme je l'ai dit lorsque j'ai comparu devant vous le 22 avril dernier, les victimes d'actes criminels méritent respect, dignité et compassion et par-dessus tout, une voix dans le système de justice pénale. Outre les changements législatifs énoncés dans le projet de loi C-79, le ministère de la Justice entend également créer un centre de politiques à l'intention des victimes qui, entre autres, permettra aux victimes d'apporter leur perspective à l'égard de la totalité des initiatives politiques et législatives du gouvernement.

Je suis fière du travail de mon ministère en matière de prévention du crime et de la sécurité et je considère que les efforts qu'il a déployés relativement à la nouvelle Loi sur les armes à feu est le prolongement de ce travail. Tous ceux qui sont ici dans cette salle et, en fait, tous les Canadiens ont une responsabilité pour ce qui est de contribuer à bâtir une culture plus solide de la sécurité et de la responsabilité entourant l'utilisation des armes à feu au Canada.

Tous les Canadiens souhaitent l'adoption de mesures qui contribueront à faire en sorte que les armes ne se retrouvent pas entre de mauvaises mains ou ne seront pas utilisées à des fins répréhensibles. Ce contrôle est en grande partie assuré par les diverses communautés dans tout le pays, où les propriétaires légitimes d'armes à feu entreposent déjà leurs armes de façon sécuritaire, en conformité avec la réglementation sur l'entreposage sécuritaire. Il s'agit là de la première étape en vue d'instaurer cette culture de la sécurité.

Mais les propriétaires et les vendeurs d'armes à feu ne peuvent tout faire à eux seuls, et c'est là que le nouveau système d'enregistrement des armes à feu prendra le relais. Je tiens à vous donner un ou deux exemples de réussite en matière de prévention du crime, particulièrement à la lumière des événements tragiques survenus récemment dans deux écoles, une au Colorado et l'autre ici, à Taber, en Alberta. La mesure que nous avons adoptée commence déjà à avoir un effet positif en matière de sécurité publique. Nous avons mis sur pied un système de transfert téléphonique qui permet de vérifier la validité d'un permis et de confirmer s'il est survenu des événements malheureux après qu'il a été délivré. En outre, il est possible de retracer l'arme pour voir si elle a servi à des activités illégales.

Les vérifications sur les antécédents, qui sont effectuées pour la première fois maintenant pour toutes les ventes d'armes à feu, ont permis de bloquer jusqu'à 9 p. 100 des ventes au 22 avril dernier. De ce 9 p. 100, 8,8 p. 100, soit 95 cas, ont donné lieu à un refus en partie pour des raisons de sécurité publique. Jusqu'à maintenant, le Centre d'information de la police canadienne a fait plus de 10 000 vérifications sur des acheteurs d'armes à feu potentiels. Dans plus de 8 p. 100 des cas, on a jugé que la demande devait faire l'objet d'un examen plus sérieux de la part des contrôleurs des armes à feu provinciaux et 95 transactions ont été refusées.

De plus, les contrôleurs des armes à feu provinciaux ont révoqué 151 permis parce que leurs détenteurs ne respectaient plus les critères d'admissibilité. Le nombre total de révocations est trois fois plus élevé qu'au cours des cinq dernières années. Cette situation est directement attribuable à la capacité du nouveau système de fournir aux autorités de l'information en temps beaucoup plus opportun—par exemple, en ce qui a trait à l'interdiction de posséder une arme à feu imposée par le tribunal. Ces mesures se veulent aussi des piliers de la culture que nous voulons instaurer en matière de sécurité.

• 1545

Je signale que mon collègue, le solliciteur général, a récemment annoncé que le système du CIPC sera perfectionné, à un coût de 115 millions de dollars. Cette décision devrait atténuer les craintes exprimées par certains groupes, selon lesquels le CIPC ne serait pas en mesure d'appuyer le système d'enregistrement des armes à feu. Je suis convaincue qu'avec le nouveau système et la volonté des propriétaires légitimes d'armes à feu d'empêcher que les armes à feu tombent entre de mauvaises mains, la culture de la sécurité entourant la possession et l'utilisation des armes à feu au Canada se trouvera renforcée et qu'à long terme, son incidence sur la sécurité et le bien-être des Canadiens s'avérera positive.

L'une des réussites de l'année dernière qu'il vaut la peine de mentionner ici, pour la célébrer, a été la création d'un tribunal à palier unique au Nunavut, notre nouveau territoire septentrional. Le nouveau tribunal va simplifier la structure juridique, améliorer l'accessibilité, réduire les délais et écourter les périodes de déplacement des juges et des autres intervenants. Ce tribunal, conçu en partenariat avec le peuple du Nunavut, reconnaît qu'il est nécessaire que les Autochtones se prennent en main.

Une autre réussite, l'année dernière, a été l'adoption du projet de loi C-51, Loi de 1999 modifiant le Code criminel, qui a permis d'apporter des changements en réponse à des requêtes émanant des provinces ainsi que des ministères et agences du gouvernement fédéral. Entre autres choses, le projet de loi abroge la règle d'un an et un jour pour les homicides et infractions connexes et elle a précisé les conditions de la mise en liberté sous condition, les rendant plus efficaces et permettant aux tribunaux de sanctionner ceux qui y contreviennent.

Nous avons également modifié de fond en comble notre loi sur l'extradition en y apportant des correctifs et en éliminant des lacunes embarrassantes dans le régime d'extradition actuel. L'adoption de ce projet de loi nous dotera d'outils utiles pour lutter plus efficacement contre la criminalité, en particulier la criminalité transfrontalière organisée. En outre, cette nouvelle mesure législative nous permettra de respecter nos obligations internationales à l'égard du tribunal pénal international du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie.

Monsieur le président, avant de vous céder la parole, je tiens à mentionner quelques autres questions importantes en matière de justice qui font actuellement l'objet d'un examen. Ainsi, comme les membres de votre comité le savent pertinemment, la conduite en état d'ébriété est une plaie juridique et sociale de longue date et mes collaborateurs et moi-même sommes impatients de prendre connaissance de votre prochain rapport sur les dispositions criminelles concernant la conduite avec facultés affaiblies, et d'y répondre. Soyez sûrs que vos observations et recommandations sur la façon d'aborder ce problème de longue date, complexe et souvent tragique, alimenteront sérieusement notre réflexion.

Je suis également impatiente de connaître les vues du comité sur l'application de la mise en liberté sous condition. Nous savons que ce sujet est délicat à ce moment-ci. Je pense que tout le monde—le grand public, les membres du barreau et les autres professionnels de la justice, ainsi que tous les députés de la Chambre—trouveront instructives vos observations dans la perspective d'un débat élargi sur les enjeux en cause.

Sur un autre front, la réforme du droit de la famille, et particulièrement la garde et la visite des enfants, a été un autre dossier juridique et social difficile, qui a été examiné par un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes et, au fil des années, par mon ministère. Nous examinons attentivement le rapport du Comité mixte sur la garde et le droit de visite des enfants, intitulé Pour l'amour des enfants.

Je déposerai ma réponse au rapport du comité le 10 mai, mais dès aujourd'hui, je tiens à reconnaître le temps et l'énergie qu'ont consacrés tous les membres de ce comité à la tâche difficile et importante qui leur avait été confiée, soit évaluer la nécessité d'adopter une approche davantage axée sur les enfants dans les politiques et les pratiques régissant le droit de la famille. Permettez-moi de dire simplement que le gouvernement est déterminé à faire en sorte que la santé et le bien-être des enfants passent en premier et que les meilleurs intérêts de l'enfant demeurent le principe directeur de notre droit de la famille.

• 1550

L'année dernière, nous avons marqué le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Compte tenu des célébrations et des délibérations occasionnées par cet anniversaire, il a semblé particulièrement opportun d'annoncer le mois dernier qu'un comité de révision formé de professionnels éminemment qualifiés se pencherait sur la Loi canadienne sur les droits de la personne. De vastes consultations publiques auront lieu et nous donnerons suite aux recommandations qu'a faites le vérificateur général dans son rapport de 1998. À mon avis, cet examen est une étape logique dans nos efforts visant à instituer un système de justice moderne pour le XXIe siècle.

Monsieur le président, depuis ma comparution l'année dernière, le ministère a réalisé énormément de progrès en ce qui a trait à ces priorités. Le système de justice pour les jeunes, la prévention du crime et les besoins des victimes avaient été identifiés comme autant de priorités et, grâce à votre aide et à votre dur labeur, nous avons concrétisé nos engagements d'une façon qui, je l'espère, sera à la fois bien comprise et bien accueillie par les Canadiens.

Mais comme nous le savons tous, la justice demeure une oeuvre en devenir et lorsque nous parlons de progrès, il faut toujours avoir un oeil sur l'horizon. Il ne manquera pas de défis à relever l'an prochain ou les années d'après pour rendre notre système encore meilleur. Les dossiers relatifs à la justice jouent un rôle de premier plan dans les rapports du Canada avec le monde, et la criminalité internationale, les crimes de guerre et le terrorisme occupent déjà une grande place dans notre programme de politiques.

[Français]

Dans tous nos travaux, notre objectif est de veiller à ce que notre système de justice soit efficace, axé sur les citoyens et qu'il jouisse de la confiance de la population canadienne et témoigne de ses valeurs et de ses aspirations. Nous continuerons à communiquer avec les Canadiens pour les aider à saisir comment les initiatives en matière de justice étaient les vastes efforts que déploie le gouvernement pour répondre à leurs besoins et à leurs préoccupations.

[Traduction]

Enfin, en mon nom et au nom de mon ministère, je tiens à remercier le comité de son excellent travail au cours de l'année dernière. Je suis impatiente de continuer à travailler avec vous au cours de l'année qui s'annonce, puisque je sais très bien que l'intérêt montré par le président et les membres du comité continuera de servir au mieux tous les Canadiens.

Je vous remercie. Je suis maintenant disposée à répondre à vos préoccupations, suggestions et questions.

Le président: Merci, madame la ministre.

Pour ce qui est des questions, nous aurons des tours de sept minutes, ce qui nous devrait nous mener approximativement à 17 heures. La ministre a un autre engagement.

Monsieur Reynolds, allez-vous commencer?

M. John Reynolds (Vancouver-Ouest—Sunshine Coast, Réf.): Oui.

Le président: Merci.

M. John Reynolds: Je vous remercie d'être venue, madame la ministre.

Mme Anne McLellan: J'en suis ravie.

M. John Reynolds: Je vous ai écrit une lettre au sujet du cas de Leonard Peltier...

Mme Anne McLellan: Oui.

M. John Reynolds: ...et je voudrais la citer:

    En 1995, votre prédécesseur au ministère de la Justice, M. Allan Rock, a demandé un examen de toute l'information gouvernementale entourant

l'extradition aux États-Unis de Leonard Peltier, un Amérindien recherché pour avoir tué deux agents du FBI. M. Rock

    a demandé à l'honorable Warren Allmand d'effectuer cet examen et de lui faire rapport.

Comme vous le savez, M. Allmand dirige à l'heure actuelle le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.

    Ayant prêté serment au Conseil privé, M. Allmand ne peut rendre public le contenu de sa lettre à M. Rock,

lettre dans laquelle il réitère ses conclusions au sujet de l'extradition de M. Peltier.

    M. Allmand a cependant déclaré en public et à mon bureau [...] que l'extradition de M. Peltier, en 1976,

reposait uniquement sur l'information du «faux affidavit» d'une dénommée Myrtle Poor Bear. C'est la raison invoquée par le Canada pour extrader M. Peltier.

Étant donné que vous-même, votre ministère, le gouvernement du Canada et tous les autres intervenants de près ou de loin dans l'affaire Peltier sont au courant de cette erreur judiciaire perpétrée aux dépens de M. Peltier, pouvez-vous dire au comité, particulièrement à la lumière du rapport de M. Allmand, pourquoi vous n'avez pas cherché une réparation pour M. Peltier?

Comme vous le savez, il croupit dans un pénitencier au Kansas. Quelles mesures prenons-nous, si tant est que nous en prenions?

Mme Anne McLellan: Monsieur Reynolds, je vous remercie tout d'abord de votre lettre et de m'avoir avertie que vous soulèveriez cette question aujourd'hui au comité. Je vous en suis reconnaissante.

Comme vous l'avez dit, mon prédécesseur, M. Allan Rock, a exigé un examen du dossier de M. Peltier. Cet examen formel n'a pas été effectué par M. Allmand, bien que ce dernier ait été autorisé à consulter le dossier par le ministre de l'époque, M. Allan Rock.

• 1555

Cet examen est terminé et j'ai eu l'occasion d'en analyser les résultats en détail. D'ailleurs, nous rendrons public le contenu de cet examen. De nombreuses raisons expliquent pourquoi nous ne l'avons pas fait auparavant, la principale étant que nous voulions respecter les critères de la Loi sur l'accès à l'information et consulter le Commissaire à la protection de la vie privée quant à d'éventuels problèmes entourant la diffusion du rapport.

Ces consultations ont eu lieu et si vous êtes au fait des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, vous savez qu'une disposition précise interdit la divulgation du contenu des communications de gouvernement à gouvernement. De toute évidence, étant donné que l'extradition est une décision de l'exécutif, il y avait dans ce dossier des communications entre les États-Unis d'Amérique et le gouvernement du Canada.

Afin de permettre une divulgation aussi complète que possible, monsieur Reynolds, j'ai demandé à mes collaborateurs de communiquer avec leurs homologues américains.

Si je ne m'abuse, monsieur le sous-ministre, ce n'est qu'aujourd'hui que nous avons obtenu une réponse.

M. Morris Rosenberg (sous-ministre, ministère de la Justice): Nous avons reçu une confirmation verbale.

Mme Anne McLellan: Nous avons reçu une confirmation verbale nous autorisant à rendre publics ces documents.

Par conséquent, je suis très heureuse de pouvoir annoncer aujourd'hui au comité que nous pourrons sous peu communiquer à la population et aux parties intéressées le contenu de l'examen concernant l'affaire Peltier. Il va de soi qu'une fois qu'elles auront pris connaissance du dossier et lu la correspondance, les parties concernées pourront agir comme bon leur semble.

Je voudrais cependant corriger une méprise. Il s'agit d'une chose que vous avez répétée aujourd'hui mais que j'ai aussi pu lire dans certains articles de journaux. En fait, Leonard Peltier n'a pas été extradé uniquement sur la foi d'un affidavit prétendument frauduleux. Il y avait d'autres preuves importantes qui ont justifié son extradition. En fait, je pense qu'il en a été ainsi décidé par la Cour d'appel fédérale. Ensuite, la Cour suprême du Canada, en pleine possession de tous les faits et de toute la preuve, lui a refusé l'autorisation d'interjeter appel.

Je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail de ces autres éléments de preuve qui, selon moi et selon la cour, justifiaient qu'il soit arrêté pour extradition et qu'il soit au bout du compte extradé du pays. Quoi qu'il en soit, cela fait partie du dossier et vous y aurez accès.

Mais je tiens encore une fois à remettre les pendules à l'heure à cet égard: il y avait suffisamment d'autres éléments de preuve, mis à part l'affidavit prétendument frauduleux, pour justifier l'incarcération de M. Peltier.

M. John Reynolds: Merci.

Mon collègue, M. Ramsay, a une autre question sur le sujet, mais comme il ne me reste que deux minutes, j'en poserai une autre.

Hier, à la Chambre, la ministre des Affaires indiennes aurait dit que selon l'article 35 de la Constitution

    les droits des Autochtones ne sont pas supérieurs aux nôtres, mais différents du fait qu'ils étaient ici les premiers.

Comme vous le savez, la loi de la Colombie-Britannique précise qu'advenant tout changement à la Constitution, la population de la province doit être consultée par voie de scrutin.

Je m'adresse à vous à titre de première légiste du pays. Vos fonctionnaires vous ont-ils remis des rapports au sujet de l'affaire Nishga, en avez-vous discuté et êtes-vous arrivées à une conclusion? Cela modifie-t-il la Constitution d'une manière quelconque? Si c'est le cas, comme nous le savons tous, il faudra que ces changements fassent l'objet d'un vote en Colombie-Britannique. Personne ne semble savoir à quoi s'en tenir dans toute cette affaire. Est-ce un changement? Si vous avez reçu des rapports à ce sujet, peuvent-ils être communiqués aux députés de la Chambre et aux membres du comité?

Mme Anne McLellan: Nous avons effectivement examiné cette question. D'après nos meilleurs experts juridiques, le traité Nishga ne représente pas un changement à la Constitution aux termes de la loi référendaire de la Colombie-Britannique.

Si je ne m'abuse, monsieur le sous-ministre, nous avons sollicité des avis à l'extérieur du ministère à ce sujet. Au moins un constitutionnaliste éminent...

M. Morris Rosenberg: C'est exact.

Mme Anne McLellan: ...s'est penché sur cette question, outre nos propres avocats spécialistes de la Constitution. Vous avez raison. C'est une question qui nous a intéressés au plus haut point. D'après nos plus brillants juristes, le traité ne représente pas un amendement à la Constitution qui exigerait le déclenchement d'un référendum en Colombie-Britannique, aux termes de la loi référendaire.

• 1600

M. John Reynolds: Mais que veut dire la ministre lorsqu'elle affirme que selon l'article 35, les droits des Autochtones ne sont pas supérieurs aux nôtres, mais simplement différents? Comment pouvons-nous avoir des droits différents à l'intérieur du même article de la Constitution? Je trouve que cela prête à confusion.

Mme Anne McLellan: En fait, il est toujours dangereux pour quiconque d'interpréter les propos d'un collègue. Cela dit, je pense qu'elle essayait d'expliquer que les droits des Autochtones ont été définis ou sont en voie d'être définis par les tribunaux et qu'en fait, ils ne sont d'aucune façon supérieurs ou inférieurs aux droits des autres Canadiens.

Nous savons—et je pense que nous reconnaissons tous—que certains droits autochtones découlent d'une histoire différente et de circonstances différentes. En fait, la Constitution... nos représentants élus, au cours du processus de 1980-1981 et de l'élaboration de la Charte des droits, ont reconnu les droits autochtones, ainsi que les traités ancestraux. Ce faisant, ils ne visaient aucunement à conférer à un groupe de la société un statut supérieur ou inférieur à celui de n'importe qui d'autre. On voulait simplement reconnaître... Je pense que les représentants élus de la population—un grand nombre de Canadiens—à l'époque comme maintenant, reconnaissent qu'un ensemble de droits se rattache aux peuples autochtones du Canada et que ces derniers peuvent les exercer.

Le président: Merci, monsieur Reynolds.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Madame la ministre, vous avez mentionné dans vos remarques d'introduction qu'une de vos priorités était les jeunes et vous avez mentionné que

[Traduction]

il n'y a pas de «solution unique applicable à tous les cas» pour régler le problème de la criminalité chez les jeunes

[Français]

ou quelque chose comme cela. Vous avez aussi mentionné que la mise en place de la nouvelle Loi sur les jeunes contrevenants allait nécessiter l'intervention de tous les intervenants.

Comment peut-on affirmer une telle chose, et on vous a questionnée en Chambre à de nombreuses reprises là-dessus, alors que les avocats, les policiers et les travailleurs sociaux du Québec ont fait consensus autour du fait que le projet de loi que vous avez déposé menace l'approche québécoise en matière de jeunes contrevenants, qui fonctionne bien? Comment peut-on espérer une implication enthousiaste alors que ces gens se sont déclarés contre votre projet de loi?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: En fait, loin de menacer l'approche du gouvernement du Québec dans le dossier de la justice pour les jeunes, la loi sur le système de justice pour les adolescents... quiconque veut vraiment s'informer et prend la peine de lire attentivement le projet de loi sur le système de justice pour les adolescents ne peut que constater que ce projet de loi est fondé sur des principes de base et rédigé dans une optique qui, d'après tout ce que j'ai entendu, sont appuyés énergiquement par le gouvernement du Québec.

Par exemple, la prévention du crime est l'un des trois piliers de notre projet de loi. En fait, j'espère bien que le gouvernement du Québec et les Québécois sont d'accord pour dire que la meilleure façon de lutter contre le crime chez les jeunes, c'est de faire de la prévention.

M. Richard Marceau: D'accord, mais...

Mme Anne McLellan: J'espère que le gouvernement du Québec reconnaît—et il semble que ce soit le cas, d'après ce que j'ai lu et entendu—que même après qu'un adolescent a enfreint la loi et causé du tort à une autre personne, il est important de réadapter cet adolescent et de lui fournir le soutien nécessaire pour réintégrer la société.

M. Richard Marceau: Mais...

Mme Anne McLellan: Or, pour la première fois, nous mettons clairement l'accent là-dessus dans notre projet de loi sur le système de justice pour adolescents.

• 1605

[Français]

M. Richard Marceau: Madame la ministre, vous avez dit dans votre présentation—je traduis librement—que quiconque veut s'informer verra que... Que je sache, les avocats comme vous et moi, qui ont lu la loi, les policiers, à qui il importe peu que cela vienne d'Ottawa ou de Québec pourvu que le système des jeunes contrevenants fonctionne, les travailleurs sociaux, qui ont aussi lu la loi, disent qu'il y a quelque chose qui ne na pas là. Je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez à dire que c'est ce que le gouvernement du Québec et tous les intervenants du Québec veulent. Vous dites que ce que vous lisez appuie votre position, mais je lis exactement l'inverse, à moins qu'on ne lise pas les mêmes journaux.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Mais j'ai justement posé la question et on ne m'a donné aucun exemple convaincant de cas dans lesquels le gouvernement du Québec serait empêché, après l'adoption de ce projet de loi, de faire ce qu'il fait actuellement, que ce soit dans les tribunaux ou à l'extérieur des tribunaux, dans le traitement des jeunes contrevenants. Si l'on pouvait me présenter des cas de ce genre en termes concrets, et non pas en termes politiques et rhétoriques, comme la question m'a été présentée jusqu'à maintenant, du moins par certains intervenants de la province de Québec, je les examinerais très certainement de près.

M. Richard Marceau: D'accord.

Mme Anne McLellan: Mais une chose est très claire, et c'est que nous avons travaillé extrêmement fort. Nous avons travaillé très fort avec mon ancien collègue Serge Ménard et avec d'autres afin de bien tenir compte de la diversité des préoccupations et des approches au Canada.

Il me semble que, de tous les partis, le Bloc devrait reconnaître que nous vous accommodons et tenons compte de votre diversité, mais que vous devez aussi reconnaître qu'il faut tenir compte des circonstances diverses des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut, de la province d'Ontario...

M. Richard Marceau: D'accord...

Mme Anne McLellan: ...qui doivent relever les défis de la justice pour les adolescents.

[Français]

M. Richard Marceau: Je ne remets pas du tout cela en cause. Vous me demandez un exemple concret. À moins que je ne me trompe, le projet de loi que vous avez déposé a entre autres pour objectif l'uniformisation des sentences.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non, pas du tout.

[Français]

M. Richard Marceau: Ah, non?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non. Je sais que votre collègue M. Bellehumeur a abordé cette question. En fait, ce n'est pas du tout le cas. La disposition à laquelle il fait allusion traite de sentences semblables. C'est une disposition du code dont la plupart connaissent l'existence et ceux qui connaissent cette disposition du code savent qu'elle n'a absolument pas empêché la variation régionale. Je suis sûre que M. MacKay et M. Mancini se feront un plaisir de vous mettre au courant de leurs expériences à cet égard.

Je trouve qu'il est dommage que certains—et je ne veux nullement vous viser personnellement—choisissent de simplement reformuler la loi; ce n'est pas du tout la terminologie du projet de loi. Le mot «uniforme» ne figure nulle part dans le projet de loi, pas plus que le mot «harmonisé». Je trouve bien triste que certains choisissent de présenter les choses de cette façon alors que ces mots n'y figurent pas et que ce n'est pas du tout l'intention.

[Français]

M. Richard Marceau: C'est un peu la réponse à laquelle je m'attendais. Vous dites que les gens qui ont parlé contre votre projet de loi veulent récrire la loi...

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non.

[Français]

M. Richard Marceau: ...alors que ce n'est pas cela qu'ils veulent faire. Cela fait curieux. Je vais passer à autre chose. Il s'agit d'un sujet très intéressant, mais on est aussi ici pour étudier les crédits.

Pourriez-vous nous dire combien coûterait la mise en vigueur du projet de loi que vous voulez faire adopter par la Chambre?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: En fait, nous avons discuté avec les autorités des provinces, encore une fois avec M. Ménard, le prédécesseur de mon homologue du Québec, et nous avons eu des entretiens avec les procureurs généraux des provinces et des territoires. Tous, sans exception, ont dit clairement qu'ils voulaient des ressources additionnelles pour le système de justice pour adolescents et pour la mise en oeuvre des changements apportés à la loi. En fait, j'ai réussi à obtenir des ressources additionnelles à hauteur de quelque 206 millions de dollars dans le budget de 1999 pour les aider à mettre en oeuvre les changements découlant du projet de loi à l'étude.

• 1610

En fait, ces sommes supplémentaires vont aider la province de Québec à renforcer ce qu'elle fait déjà actuellement et je crois qu'il est juste de dire que cet argent donnera probablement à la province les ressources voulues pour renforcer les stratégies, en particulier la stratégie de déjudiciarisation, que la province utilise et qui sont de plus en plus appliquées dans toutes les provinces d'un bout à l'autre du pays.

Ce n'est pas une nouvelle approche face à la justice pour les jeunes dans notre pays et c'est une méthode qui est de plus en plus répandue. Nous comprenons que les provinces trouvent important que le gouvernement fédéral leur accorde des ressources additionnelles. Nous voulons qu'elles mettent davantage l'accent sur des stratégies communautaires dans leurs services aux jeunes. Nous voulons qu'elles mettent sur pied de meilleurs programmes de réadaptation, par exemple, pour les jeunes qui sont en détention, que ce soit en milieu ouvert ou fermé. Nous voulons davantage de surveillance des jeunes dans la collectivité après leur période de détention, afin qu'ils ne soient pas laissés à eux-mêmes, mais qu'on leur donne les outils voulus pour les aider à se réintégrer dans leur collectivité.

Tout cela exige des ressources. J'ai prêté l'oreille aux autorités du Québec comme à celles de toutes les provinces et de tous les territoires et j'ai demandé à mes collègues du Cabinet, durant le processus qui a abouti au budget de 1999, d'envisager de consacrer des ressources additionnelles au système de justice pour adolescents—et nous avons réussi à cet égard.

[Français]

M. Richard Marceau: Donc, c'est 206 millions de dollars?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Pardon?

[Français]

M. Richard Marceau: En bref, la réponse est 206 millions de dollars?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Cette somme est étalée sur les trois prochaines années...

M. Richard Marceau: D'accord...

Mme Anne McLellan: ...mais en fait, si je peux me permettre, nous envisageons que la mise en oeuvre de la nouvelle loi s'étalera sur une période de cinq à six ans et nous prévoyons des sommes additionnelles pour ces années-là également.

Le président: Merci, monsieur Marceau.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je vais poursuivre dans la même veine, à propos de cette somme de 206 millions de dollars sur trois ans. Pouvez-vous me dire si ce montant sera distribué en fonction du nombre d'habitants? Comment cette somme sera-t-elle répartie entre les provinces? Selon les besoins?

Mme Anne McLellan: La décision sera prise dans le cadre de consultations avec les provinces.

M. Peter Mancini: D'accord.

Mme Anne McLellan: Il sera évidemment très important d'avoir des discussions approfondies avec les autorités des provinces et des territoires. Il est clair que la grande majorité des nouvelles ressources que nous avons reçues iront aux provinces, parce que ce sont elles qui sont effectivement en train d'élaborer et de mettre en oeuvre les programmes qui nous aideront à atteindre notre objectif sociétal global en ce qui a trait aux jeunes, et les provinces poursuivront leurs efforts à cet égard.

M. Peter Mancini: Je suis content d'entendre ça, parce que c'est probablement ma principale réserve au sujet de ce projet de loi: le fait que ce sont les provinces qui en assumeront le coût de mise en oeuvre.

Mme Anne McLellan: Et la mise en oeuvre est très importante.

M. Peter Mancini: D'accord.

Je passe maintenant à une question complètement différente, soit la justice et les Autochtones. J'ai ici un document de politique du ministère de la Justice dans lequel on dit que l'on fait en permanence des efforts pour réduire le nombre disproportionné d'Autochtones dans la population carcérale au Canada. En élaborant les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones... En fait, vous savez que ces efforts bénéficieront d'une récente décision de la Cour suprême du Canada à propos de l'article 718 du code. J'ai d'ailleurs eu l'occasion—et j'en profite pour le dire publiquement—de féliciter votre prédécesseur à ce sujet.

Dans l'avenir immédiat, quelles initiatives le ministère prendra-t-il pour donner suite aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, en particulier le chapitre qui, je crois, est intitulé «Crossing the Divide».

Mme Anne McLellan: En fait, nous faisons un certain nombre de choses. Nous poursuivons l'application d'initiatives existantes et nous prenons aussi de nouvelles initiatives. Par exemple, en matière de prévention du crime, dans le cadre d'un deuxième effort de prévention du crime que nous avons entrepris en juin 1998, l'un des trois domaines prioritaires, l'un des trois groupes que nous ciblons sont justement les Autochtones. Il est clair que nous, en tant que société, savons bien que si nous voulons réduire le nombre croissant d'Autochtones qui comparaissent devant nos tribunaux et qui aboutissent dans nos prisons, comme la Cour suprême l'a reconnu dans l'affaire Gladue, nous devons aider les peuples autochtones à faire de la prévention au sein de leurs collectivités et empêcher les gens de se détourner du droit chemin.

• 1615

Encore une fois, nous savons que cela exigera des stratégies communautaires qui ciblent en particulier les jeunes et qui visent notamment à s'attaquer au taux élevé de toxicomanie et de violence qui, comme nous en sommes tous conscients, est une tragique réalité qui afflige certaines collectivités autochtones et l'on sait bien que les jeunes qui tombent dans cette ornière ne prennent pas un bon départ dans la vie. Ces stratégies visent donc à les remettre dans le droit chemin et à s'assurer qu'ils ne tombent pas dans une vie criminelle.

Nous avons donc identifié les Autochtones comme l'un des trois éléments clés de notre stratégie de prévention. Mon prédécesseur Allan Rock a également lancé une initiative de justice pour les Autochtones. Nous voulons insuffler une nouvelle vigueur à toute cette initiative dans le domaine de la justice. Je pense qu'il est juste de dire—et j'ignore si quelqu'un veut commenter cette affirmation ou si quelqu'un en sait plus loin que moi sur les détails de cette initiative—que notre plus grand succès à ce jour se situe dans la province de Saskatchewan. Notre initiative de justice pour les Autochtones exige un partenariat de la part des provinces, parce que celles-ci administrent bien sûr le système de justice pénale. Elles doivent donc être parties prenantes au processus et la Saskatchewan a donné très tôt son adhésion et a exprimé le désir de poursuivre diverses initiatives dans le domaine de la justice à la grandeur de la province, ce qui est évidemment tout un défi pour n'importe quelle province.

Mais cette initiative comprend d'autres programmes de justice que nous appliquons ailleurs au Canada. Dans le sud de ma propre province, il y a un groupe de bandes autochtones qui travaillent avec le procureur général de la province et moi-même pour voir si nous pourrions mettre en place des stratégies afin de créer un système de justice pénale qui soit davantage sensibilisé à la réalité des peuples autochtones et en prise directe avec leur vécu quotidien.

Je dirais donc que nous reconnaissons sans hésiter qu'il y a un défi à relever. Nous en étions conscients avant même que la Cour suprême nous l'ait rappelé de façon si frappante, à mon avis, dans l'affaire Gladue, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

M. Peter Mancini: Je vais maintenant m'attarder aux chiffres, si vous le voulez bien. J'ai deux ou trois questions à poser au sujet de la page 33, Renseignements complémentaires. Je veux seulement quelques précisions. Les dépenses prévues pour 1998-1999 à la rubrique «Contributions aux provinces et aux territoires afin de contribuer aux services d'aide juridique»—c'est l'une de mes rubriques préférées...

Mme Anne McLellan: À quelle page?

M. Peter Mancini: À la page 33, deuxième rubrique. Ces contributions sont de 81 913 000 $. Le montant est réduit pour cette année et demeure constant par la suite. Plus bas—et je ne prétends pas du tout être un expert pour déchiffrer ces documents—à la deuxième ligne au-dessus du total des contributions, je lis «contributions aux territoires pour les services d'accès à la justice (à savoir l'aide juridique...)». Il y a là certains chiffres. Je me demande, premièrement, pourquoi il y a une baisse des contributions pour les services d'aide juridique et, deuxièmement, est-ce parce qu'une partie de cette somme est versée aux territoires à même le budget original? Je me demande si quelqu'un pourrait me donner des précisions là-dessus.

Mme Anne McLellan: Peut-être que quelqu'un peut vous donner des précisions, mais je crois qu'en fait, notre contribution aux services d'aide juridique du Canada a été réduite tout au long de l'examen des programmes.

M. Morris Rosenberg: C'est exact.

Mme Anne McLellan: J'ignore si quelqu'un voudrait donner une réponse plus définitive à cette question, mais j'imagine que ce que vous voyez pour 1998-1999 correspond à la dernière année de l'examen des programmes. Je crois donc que c'est le résultat des dernières compressions opérées dans le cadre de l'examen des programmes, pour s'attaquer au déficit. Nous savons tous à quel point cet exercice a été pénible pour tous les Canadiens.

Par la suite, le chiffre demeure le même, c'est-à-dire que l'on ne prévoit pas de nouvelles compressions à notre contribution au financement de l'aide juridique. Je crois que c'est l'explication, monsieur Mancini.

• 1620

M. Peter Mancini: Très bien—mais l'on ne prévoit aucune augmentation non plus.

Mme Anne McLellan: Je suis de nature optimiste, mais je ne peux pas faire de promesse.

Le président: Monsieur Mancini, je crois que vous devrez revenir à la charge au deuxième tour.

M. Peter Mancini: D'accord.

Le président: Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je sais que l'aide juridique est un sujet qui tient beaucoup à coeur à notre ami.

Mme Anne McLellan: Et j'espère que c'est votre cas aussi, monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Bien sûr.

Madame la ministre, c'est toujours un plaisir de vous accueillir ici et je souhaite aussi la bienvenue à vos fonctionnaires, M. Roy, M. Rosenberg et Mme Charette.

Ma première question porte sur la mise en oeuvre et l'échéancier du projet de loi C-68. Je parle de l'ancien projet de loi C-68, et non pas de votre projet de loi actuel...

Mme Anne McLellan: Oh.

Des voix: Oh, oh.

M. Peter MacKay: ...et je sais que vous avez hérité de ce dossier de votre prédécesseur...

Une voix: Il faut retirer le numéro.

M. Peter MacKay: ...mais je crois que vous conviendrez que le programme d'enregistrement a certainement dépassé les prévisions quant au coût initial et à l'échéancier.

Le lancement du programme a été retardé deux ou trois fois et, d'après de récentes statistiques gouvernementales émanant de votre ministère, le coût de l'enregistrement est de plus de 200 millions de dollars, les estimations du coût de fonctionnement se situant entre 500 et 600 millions de dollars par année. Chose certaine, c'est beaucoup plus que l'estimation originale de 85 millions de dollars et l'on espère—à mon avis, c'est un espoir irréaliste—enregistrer toutes les armes d'ici l'an 2003. Les chiffres ne semblent pas concorder.

Si je comprends bien, on estime qu'il y avait en 1974 plus de 10 millions d'armes à feu au Canada et que l'on en a importé un quart de million par année depuis cette date. Les groupes de propriétaires d'armes à feu estiment qu'il y a aujourd'hui plus de 21 millions d'armes d'épaule au Canada. Étant donné l'énormité de ces chiffres, la tâche d'enregistrer toutes ces armes à feu d'ici l'an 2003 semble quasi insurmontable et je me demande donc si l'on n'a pas commis d'erreur dans ces estimations.

Je m'inquiète aussi de l'échéancier qui a été établi. D'après certaines estimations, le coût total d'ici l'an 2003 serait supérieur à un milliard de dollars et l'on s'interroge sur le temps que ce processus prendra vraiment, étant donné le nombre actuel d'armes à feu et le taux d'enregistrement: on estime qu'il faudra entre 77 ans et 200 ans pour enregistrer toutes les armes à feu.

Même en tenant compte des améliorations que l'on prévoit apporter au système CIPC, je me suis fait dire par des membres de la GRC et des gens des milieux policiers avec lesquels je suis encore en contact que le système CIPC sera toujours incapable de consigner la totalité de cette information, mais surtout, et je suppose que c'est le plus important, on me dit que la police ne fait pas confiance à ce système.

Je voudrais savoir, madame la ministre, si vous avez fait enquête sur certains de ces problèmes qui semblent avoir été mis au jour. Va-t-on procéder à un rajustement des coûts et des échéanciers prévus et apporter une rectification si les chiffres susmentionnés sont bel et bien exacts?

Je sais, après avoir écouté votre exposé et parce que je suis membre du comité que vous-même et votre ministère avez certainement identifié bon nombre de domaines prioritaires auxquels il faut consacrer de l'argent, en particulier la mise en oeuvre de l'actuel projet de loi C-68 et les problèmes pressants qui en découlent, et l'on sait aussi qu'il faudra injecter davantage d'argent pour mener à bon port le projet de loi sur les victimes, que je vous félicite par ailleurs d'avoir présenté. Je persiste à croire qu'il faudrait créer le poste d'ombudsman des victimes. Par ailleurs, le ministère de la Justice a assurément d'autres dossiers importants.

Je m'inquiète donc particulièrement du coût de cette mesure et de la priorité que le gouvernement continue d'accorder à l'ancien projet de loi C-68.

Mme Anne McLellan: Eh bien, monsieur MacKay, voilà une foule, une pléthore, une véritable corne d'abondance de questions au sujet des armes à feu.

Je vais commencer par le coût. Mon prédécesseur Allan Rock a été très explicite devant le comité. En fait, je peux faire parvenir au comité un compte rendu de ses déclarations. Il a dit que le coût de démarrage—et je dis bien «démarrage», c'est le mot qu'il a utilisé—du nouveau système de permis et d'enregistrement des armes à feu serait de 85 millions de dollars.

L'année dernière, quand j'ai comparu devant le comité, j'ai dit, je crois que c'était en réponse à l'une de vos questions, que le coût de démarrage avait en fait augmenté et qu'il atteindrait 120 millions de dollars. Donc, le coût de démarrage a augmenté. Il y a des raisons à cela. D'autres pourront vous donner de plus amples détails et peut-être que vous voudrez poser la question à mes collaborateurs quand ils comparaîtront devant le comité un autre jour, monsieur MacKay.

• 1625

Par exemple, lorsque Allan a fait cette déclaration, on ne savait pas que les trois provinces des Prairies choisiraient de se retirer de la mise en oeuvre, entraînant un coût supplémentaire. Par exemple, le Parlement a imposé des exigences additionnelles en matière de sélection et a exigé que l'on avise le conjoint. Tout cela comporte un coût additionnel. C'est indéniable, et ce n'est rien de nouveau... En fait, voilà maintenant plus d'un an que nous avons dit à la population que le coût de démarrage était porté de 85 millions de dollars à 120 millions de dollars.

Depuis le 1er décembre, nous sommes en phase opérationnelle, et nous le serons jusqu'à la fin des temps—ou en tout cas de mon temps en politique...

M. Peter MacKay: Jusqu'à la fin des temps?

Mme Anne McLellan: Eh bien, l'existence du registre fait maintenant partie intégrante de notre réseau de sécurité au Canada.

M. Peter MacKay: Mais il sera pleinement opérationnel en l'an 2003.

Mme Anne McLellan: Il est pleinement opérationnel actuellement en ce sens que...

M. Peter MacKay: Non.

Mme Anne McLellan: Tout dépend de ce que vous entendez par là, mais si vous voulez dire qu'il fonctionne et qu'en fait, une transaction peut être traitée en huit à quinze minutes, on peut dire que c'est bel et bien opérationnel.

M. Peter MacKay: Mais combien d'armes sont enregistrées? Comment pouvez-vous dire que c'est «opérationnel»?

Mme Anne McLellan: Mais, monsieur MacKay, c'est justement la raison pour laquelle il y a une période d'implantation graduelle. Nous savions, premièrement, que ce ne seraient pas tous les gens qui enregistreraient leurs armes dès le départ et, deuxièmement, qu'aucun système, aussi bien conçu soit-il, ne peut traiter tout le monde en même temps. C'est pourquoi nous donnons aux gens une certaine période au cours de laquelle ils peuvent obtenir leur permis et enregistrer leurs armes.

Nous suivons de très près ce système. Nous prévoyons que le coût de fonctionnement permanent se situera entre 50 millions et 60 millions de dollars par année, et c'est d'ailleurs ce que nous avions établi comme objectif dès le début de cette initiative.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu'à l'instar de bien d'autres systèmes, par exemple notre système de permis et d'enregistrement des véhicules automobiles, ce ne sont pas tous les contribuables du Canada qui payent ce système, les gens qui ne possèdent pas d'arme et ne souhaitent pas en acquérir. En fait, ce sera payé par les usagers. Je suis propriétaire d'une voiture et, à ce titre, je paie mon permis. Si je veux conduire, je dois payer pour obtenir un permis. Je suis un cours de conduite et j'enregistre ma voiture, si j'en ai une. C'est le fondement du système et c'est la même chose pour notre programme de permis et d'enregistrement des armes.

M. Peter MacKay: Madame la ministre, vous avouez par là même que ce registre des armes visait les citoyens respectueux des lois qui—et je crois citer vos propres paroles—agissaient déjà de façon sûre et responsable relativement aux armes à feu. Dans ce contexte, comment pouvez-vous dire que le but est d'assurer la sécurité du public?

Mme Anne McLellan: Monsieur MacKay, le système vise tous les gens qui possèdent et qui veulent utiliser des armes, tout comme, je le suppose, les systèmes d'enregistrement des voitures dans toutes les provinces et territoires—du moins je l'espère—visent les conducteurs d'automobile respectueux des lois et ayant toute la formation voulue, ceux qui comptent agir de façon sûre et responsable en ce qui a trait à leur voiture, afin que les enfants n'aient pas accès aux clés et qu'ils ne puissent pas faire des balades interdites et que leur voiture ne se fasse pas voler.

Notre régime de permis et d'enregistrement des armes vise à renforcer la sécurité, en tablant sur l'engagement des Canadiens...

M. Peter MacKay: Mais c'est un exercice qui vise à produire des recettes gouvernementales.

Mme Anne McLellan: ...et à renforcer cet engagement.

Oh non, cela ne va pas produire de recettes, monsieur MacKay. Les frais vont seulement permettre d'assumer les coûts.

M. Peter MacKay: Je vois.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Vous devrez revenir à la charge un peu plus tard pour avoir la réponse au reste de cette pléthore de questions.

Y a-t-il des questions à ma droite?

Comme il n'y en a pas, la parole est à vous, monsieur Abbott.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Madame la ministre, pour nous préparer à la réunion d'aujourd'hui, nous avons examiné les contrats que votre ministère a accordés et nous avons remarqué avec intérêt que Georgette Sheridan, ex-députée, a reçu un contrat de 83 246 $ pour trois mois à la fin de 1998. Comme ce sont des deniers publics, je pense que vous devriez être en mesure de nous donner une explication à ce sujet. Nous avons entendu dire qu'il s'agissait d'une sorte d'examen de l'union sociale...

Mme Anne McLellan: Non.

M. Jim Abbott: Qu'est-ce que c'était?

Mme Anne McLellan: Je vais vous l'expliquer. En fait, vous vous rappellerez—j'espère que tout le monde se rappelle—que l'une des plus grandes réalisations fédérales-provinciales-territoriales de ces dernières années, depuis très longtemps, a été la signature de l'entente-cadre sur l'union sociale par le premier ministre, neuf premiers ministres provinciaux et deux dirigeants territoriaux. En fait, même si en fin de compte la province de Québec n'a pas signé l'entente, mon collègue M. Facal était présent à toutes les réunions et a joué un rôle très constructif durant les discussions qui ont abouti au cadre de l'union sociale.

• 1630

Le premier ministre m'a demandé de devenir le négociateur fédéral pour le cadre de l'union sociale. Je vous demande de ne pas perdre de vue, chers collègues, que l'engagement a été pris par les premiers ministres provinciaux, à l'unanimité, en décembre 1997, à l'occasion d'une réunion des premiers ministres des provinces, après quoi en février 1998, je crois, le premier ministre m'a demandé, en plus de mes fonctions de ministre de la Justice et de procureur général, d'assumer la tâche de négociateur fédéral en chef. Cela s'ajoutait à mes tâches ordinaires.

J'ai fait savoir que j'aurais besoin d'un employé de soutien, d'un collaborateur pour m'aider à accomplir cette tâche, car il est très rapidement devenu évident qu'il s'agissait d'une tâche énorme, exigeant que je communique constamment non seulement avec mon coprésident, le ministre Wiens de la Saskatchewan, et avec les autres intervenants de cette province, mais aussi avec tous mes collègues provinciaux et territoriaux, avec mes collègues du gouvernement du Canada, et avec des groupes non gouvernementaux qui avaient des questions et des préoccupations à soulever et des suggestions à faire en vue du cadre de l'union sociale.

J'ai donc employé Georgette Sheridan non pas pour trois mois, mais plutôt, si je ne me trompe, de la fin de l'été 1998 jusqu'à ce que soit menée à bien la tâche de conclure l'entente cadre sur l'union sociale en 1999.

M. Jim Abbott: Madame la ministre, si vous jetez un coup d'oeil à la page, vous verrez que l'on dit ici que son contrat allait du 24 septembre au 31 décembre.

Je me demande pourquoi les Canadiens ne devraient pas en conclure que se faire élire député libéral, c'est un bon moyen de se trouver un emploi. Elle a reçu environ 83 246 $ pour trois mois de travail. Ce n'est pas si mal, non?

Mme Anne McLellan: Non, monsieur Abbott, je suis désolée, mais je répète que vous êtes mal renseigné, puisque Mme Sheridan a travaillé pour moi pendant une période beaucoup plus longue que cela, soit pendant presque tout le temps que j'ai été négociateur fédéral en chef dans les négociations sur le cadre de l'union sociale. En fait, elle était ma collaboratrice dans ce dossier.

D'ailleurs, c'est tout à fait délibérément que je l'ai choisie pour cette tâche, monsieur Abbott, parce que mon coprésident était de la province de la Saskatchewan et que je voulais quelqu'un pour m'aider étant donné que j'avais autre chose à faire et que je ne pouvais constamment me déplacer entre la capitale et la Saskatchewan. J'ai pensé qu'il serait avantageux, premièrement, de compter sur quelqu'un qui avait une formation juridique, puisque nous négocions avec les provinces et les territoires et que le libellé est important, et deuxièmement, qu'il serait très utile de maintenir des contacts quotidiens avec mon coprésident provincial et avec la Saskatchewan, qui ont joué un si grand rôle dans l'aboutissement couronné de succès de...

M. Jim Abbott: Mais je...

Mme Anne McLellan: ...d'avoir quelqu'un sur le terrain, et il me semblait que Georgette était un choix tout indiqué pour cette tâche...

M. Jim Abbott: Alors elle...

Mme Anne McLellan: ...étant donné le bagage qu'elle possédait.

M. Jim Abbott: ...a en fait gagné 20 000 $ par année de plus comme conseillère que comme député.

Mme Anne McLellan: Non, et puis, monsieur Abbott, n'oubliez pas non plus que c'est le montant total et qu'une partie de cette somme est évidemment sa rémunération, mais qu'une part importante a servi à payer ses frais. Si vous voulez savoir combien de temps j'ai passé à voyager...

M. Jim Abbott: Non. Je veux savoir pourquoi vous avez accordé de cette manière un contrat à une ex-députée.

Mme Anne McLellan: Parce que je crois... De quelle manière? Je crois qu'elle était la personne la plus compétente pour m'aider à assumer le mandat que m'avait confié le premier ministre, et qui consistait à travailler avec mes collègues provinciaux et territoriaux pour mettre au point une entente cadre sur l'union sociale.

M. Jim Abbott: Vous ne trouvez pas que c'est...

Le président: Merci, monsieur Abbott.

Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Monsieur le président, je ne pensais pas avoir à intervenir aujourd'hui, mais il y a des choses qui se disent et qui me désolent.

Jusqu'à présent, toutes les questions qui ont été posées, qu'on soit d'accord ou pas avec la ministre, l'ont été avec beaucoup d'élégance et beaucoup de perspicacité, mais là le débat dégénère complètement. Je ne vois vraiment pas en quoi le fait d'être un député libéral ou un ex-député libéral empêche quelqu'un d'être bon dans ce qu'il fait. Cela entre dans cette espèce d'intoxication qui se fait par en-dessous, l'intoxication selon laquelle dès qu'on travaille pour le gouvernement et qu'on est affilié à un parti politique qui est, comme par hasard, le parti politique au pouvoir, il y a quelque chose de mal là-dedans. Ce qui reste dans l'esprit des gens, c'est que c'est mal. Ce qui est mal, c'est de vouloir leur mettre cela dans la tête. Cela, je veux le dénoncer, monsieur le président. C'est absolument inadmissible.

• 1635

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Madame la ministre, je vais revenir à la Loi sur les jeunes contrevenants. À en juger par vos réponses complètes, vous devez être très malheureuse en Chambre, où vous devez répondre en 30 secondes.

Vous avez dit tout à l'heure que la mise en vigueur de la loi sur le système de justice pénale pour les adolescents était de 206 millions de dollars. C'est ce que vous avez affirmé tout à l'heure, ou c'est ce que j'ai cru comprendre.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non. C'est de l'argent neuf. Nous versons déjà une contribution financière importante aux provinces pour l'administration du système de justice pour les adolescents.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord. Je vais poser à nouveau ma première question. Je ne parle parle pas du nouvel argent que vous donnez aux provinces. Quel montant sera consacré seulement à la mise en vigueur de la nouvelle loi?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: La mise en vigueur de la nouvelle loi relève presque exclusivement des provinces et des territoires. Par conséquent, pour ce qui est des nouveaux crédits que j'ai demandés et reçus dans le budget de février 1999, la plus grande partie de cette somme sera versée aux provinces qui mettront en oeuvre, par exemple, des programmes de déjudiciarisation, des programmes communautaires, des programmes de réadaptation dans leurs établissements de détention, ou qui renforceront les programmes de ce genre qui existent déjà.

[Français]

M. Richard Marceau: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Vous dites que la mise en oeuvre de la nouvelle loi que vous voulez faire adopter sera la responsabilité des provinces. C'est cela? Combien en coûtera-t-il aux provinces pour mettre en vigueur cette nouvelle loi? Vous devez avoir des estimations de cela.

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Eh bien, je le répète, nous avons reçu de nouveaux crédits dans le budget, mais actuellement, nous sommes en train de négocier avec les provinces pour établir quels seront leurs coûts additionnels. Par exemple, je suppose que ma collègue de la province de Québec, le procureur général, voudra peut-être renforcer certains programmes communautaires qui existent déjà et qu'elle a...

[Français]

M. Richard Marceau: Je comprends, mais...

[Traduction]

Mme Anne McLellan: ...et ces discussions avec les provinces se poursuivent actuellement.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord, mais j'aimerais avoir la ventilation des nouveaux coûts. Vous venez tout juste de dire que la nouvelle loi entraînerait des coûts additionnels. Vous l'avez dit vous-même il y a 30 secondes. Ma question est très simple: à combien estimez-vous les nouveaux coûts reliés à la nouvelle loi?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Je n'ai pas l'intention de «mettre en banque», si vous voulez, les 206 millions de dollars que nous avons reçus pour les trois prochaines années, de sorte que cette somme sera ajoutée aux 143 millions de dollars que nous fournissons chaque année aux provinces pour la mise en oeuvre du système actuel de justice pour les jeunes. Nous avons fait savoir dans le budget qu'une somme de 206 millions de dollars sera ajoutée sur trois ans. Nous sommes actuellement en train de négocier avec les provinces pour établir leurs programmes respectifs et les montants qui leur seront respectivement attribués.

J'ignore si vous voulez ajouter quelque chose, Morris.

[Français]

M. Morris Rosenberg: On essaie de faire cela en collaboration avec les provinces. On n'entre pas dans un processus de collaboration en disant que telle sera la formule de distribution entre les provinces. On cherche à savoir leurs besoins, la façon dont elles vont utiliser l'argent existant et de quel montant additionnel elles ont besoin pour établir des programmes. C'est en tenant de telles discussions qu'on va établir les montants et leur répartition entre les provinces. À l'heure actuelle, on ne peut pas dire avec précision quel montant ira au Québec, au Manitoba ou en Ontario.

M. Richard Marceau: Je suis bien d'accord sur cela, mais vous avez dit que vous alliez négocier avec les provinces. J'ai été négociateur; je faisais du droit du travail. Avant d'entrer dans une négociation, je regardais mon client et mon client me disait: «Voici à peu près ce qu'on peut payer, voici à peu près ce qu'on peut se permettre, voici ce que le syndicat demande, et voici ce que cela coûterait.» Je vous demande donc votre estimation de ce montant. Je ne vous demande pas combien ira à chaque province. Je vous demande votre estimation globale des coûts additionnels nécessaire pour mettre cette nouvelle loi en application. Je ne vous demande pas la ventilation par province ou par programme, mais le coût total, dans tout le Canada, de la mise en oeuvre de la nouvelle loi.

• 1640

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Nous avons demandé et reçu 206 millions de dollars pour les trois prochaines années afin d'aider les provinces à offrir de nouveaux programmes ou à renforcer leurs programmes existants afin d'atteindre les objectifs de notre législation sur le système de justice pénale pour adolescents. Je pense que c'est la meilleure réponse que mon sous-ministre et moi-même pouvons vous donner, et nous nous ferons un plaisir, car ce sera du domaine public, de vous faire connaître les résultats des négociations avec les provinces. Chacun pourra savoir clairement quel montant chaque province et territoire recevra à même cette somme de 206 millions de dollars, en sus de la somme qui leur est respectivement attribuée à même les 143 millions de dollars que nous fournissons actuellement chaque année.

[Français]

M. Richard Marceau: Il y avait un imbroglio entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral concernant un montant de 87 millions de dollars que le gouvernement fédéral doit au gouvernement du Québec depuis 1989 pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Est-ce que ces 87 millions de dollars sont inclus dans les 206 millions de dollars ou si ces 87 millions de dollars—vous êtes en négociation—pourraient être en surplus des 206 millions de dollars?

[Traduction]

Mme Anne McLellan: Non. Le Québec n'est pas le seul dans ce cas. Un certain nombre de provinces étaient, je crois, inquiètes lorsque nous avons dû—toujours à cause de l'examen des programmes—réduire notre contribution au financement du système de justice pour les jeunes au Canada. Nous avons déjà discuté d'un autre programme où cela s'est produit. Nous avons reporté, parce qu'en fait, il a été décidé par les Canadiens, et non pas par notre gouvernement, que la priorité absolue était d'enrayer le déficit, de l'éliminer et de réduire la dette. En fait, on sait qu'au Québec, la toute première priorité est de réduire les impôts.

Nous avons écouté les Canadiens et il a donc fallu réduire certains de nos programmes, n'est-ce pas? La justice pour les jeunes n'y faisait pas exception. En fait, les compressions budgétaires—Morris, vous me reprendrez si je me trompe—ont commencé avant 1993 et même dès 1988-1989, sous le gouvernement précédent, alors que les contributions ont été plafonnées. Le gouvernement précédent avait abandonné le partage des frais à parts égales. Personne ne nie cela. Personne ne dit que ce n'est pas arrivé.

Il y a des provinces, toutes les provinces en fait, toutes les dix plus les deux territoires, qui voudraient que nous revenions au partage à parts égales. Nous ne sommes tout simplement pas financièrement en mesure de le faire pour le moment, mais il est certain que les nouvelles ressources, les 206 millions de dollars qui seront distribués aux provinces, les aideront à faire face à la situation et à mettre sur pied un système de justice pour les adolescents qui réponde aux diverses préoccupations et corresponde aux diverses approches adoptées par les provinces et les territoires de notre pays.

Je ne vais donc pas prétendre que le gouvernement précédent n'a pas plafonné et n'a pas abandonné le partage à parts égales. Je ne vais pas nier que pendant l'examen des programmes, nous avons effectivement réduit encore quelque peu le financement. Nous l'avons fait, et nous l'avons fait pour des raisons qui sont claires et qui ont l'appui de la grande majorité des Canadiens.

Cela dit, nous avons été en mesure d'attribuer des fonds supplémentaires dans le dernier budget, ce qui va certainement soulager quelque peu les pressions qui s'exercent sur les provinces et les territoires.

Le président: Merci, monsieur Marceau.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, vous avez fait allusion à un examen approfondi de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je me demandais simplement quelle forme prendrait cet examen.

Mme Anne McLellan: Nous avons annoncé cette étude en avril. Elle durera environ un an. Elle sera présidée par l'ancien juge Gérard La Forest. Trois autres personnes se joindront à lui.

Leur mandat est assez vaste, mais ils doivent essentiellement examiner la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par exemple, en ce qui a trait aux motifs de discrimination, la loi répond-elle aux besoins d'une société moderne au seuil du prochain siècle? Faudrait-il y ajouter des éléments? Faudrait-il mieux en définir certains aspects? Faudrait-il en retrancher des éléments? Cela paraît improbable... bien que je ne puisse évidemment pas préjuger des travaux du groupe d'étude.

• 1645

Nous leur avons aussi demandé de se pencher spécifiquement sur les préoccupations énoncées par le vérificateur général dans son rapport. En fait, le Comité des comptes publics a soulevé les mêmes préoccupations il y a quelques mois quand il a adopté, si l'on peut dire, le rapport du vérificateur général et s'est demandé quelles mesures nous prendrions pour donner suite aux préoccupations du vérificateur général. Celles-ci portent principalement sur la structure de la commission et du tribunal; il se demande si c'est un système efficient et si, à la lumière de 20 ou 25 ans d'expérience dans le domaine des droits de la personne dans les provinces et territoires et dans d'autres pays, le temps ne serait pas venu d'analyser et de revoir notre structure en se demandant si c'est celle qui convient pour le prochain siècle.

C'est un mandat très large, mais je ne doute nullement que les quatre membres du groupe d'étude seront en mesure de le mener à bien dans les délais impartis et je crois que c'est important. La Loi canadienne sur les droits de la personne est en vigueur depuis plus de 20 ans. Le moment est venu de l'examiner et de voir si elle répond véritablement aux besoins de ceux qui estiment que leurs droits ont été violés ou qu'ils ont fait l'objet de discrimination, soit par le gouvernement fédéral, soit par les organismes et compagnies du secteur privé qui relèvent de la réglementation fédérale.

M. Paul DeVillers: A-t-on fixé une date précise pour l'accomplissement du mandat?

Mme Anne McLellan: Absolument. J'ai fait savoir que j'aimerais que l'étude soit complétée en moins d'un an.

M. Paul DeVillers: Merci.

Le président: Merci, monsieur DeVillers.

Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, vous avez dit, en réponse à une question posée par mon collègue M. Marceau, que vous reconnaissez que le gouvernement précédent avait plafonné le financement pour l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants et...

Mme Anne McLellan: Oui. C'étaient les progressistes conservateurs.

M. Peter MacKay: Oui. Vous reconnaissez que l'actuel gouvernement libéral est allé encore plus loin et qu'il a fait des compressions additionnelles.

Ce que vous n'avez pas reconnu, ce sont les milliards de dollars qui ont été coupés dans les transferts aux provinces par votre gouvernement depuis son accession au pouvoir en 1993 et les répercussions que cela a eues sur la prestation de services comme l'aide à l'enfance et les services sociaux—et ce, dans toutes les provinces. Pourtant, ce sont justement ces services qui seront nécessaires dans bien des cas pour prendre le relais dans le cadre de l'administration de cette nouvelle Loi sur le système de justice pour adolescents.

Vous avez dit vous-même que c'est une mesure législative très proactive qui exigera une intervention précoce. Eh bien, nous savons tous que l'intervention précoce, sur le terrain, nécessite bien souvent des services d'aide à l'enfance, des services sociaux, des visites à domicile, etc. Or, ce sont justement les services qui ont été le plus durement touchés depuis six ans à cause des compressions opérées dans les transferts. On n'a pas tenu compte de ce facteur.

Donc, à la suite de ces compressions, vous vous trouvez maintenant à décharger, au moyen de cette mesure législative, une charge de travail encore plus lourde sur ces gens-là, qui assurent en première ligne la prestation de services à la population dans les provinces. Comment justifiez-vous cette façon de faire?

Mme Anne McLellan: En fait, nous ne faisons pas de délestage. Par ce budget, nous débloquons de nouvelles ressources pour aider les provinces à faire ce qu'elles font déjà—et nous espérons qu'elles vont même en faire davantage. Si vous voulez me dire que les paiements de transfert ont été effectivement réduits par notre gouvernement, si vous essayez de me dire que les gouvernements, ceux de l'Ontario, mon propre gouvernement en Alberta, et d'autres encore, ont dû couper dans les programmes...

M. Peter MacKay: Oui.

Mme Anne McLellan: ...pour s'attaquer à ce qui était reconnu comme la toute première priorité des Canadiens, à savoir remettre de l'ordre dans les finances de l'État afin de pouvoir maintenir à l'avenir et au cours du prochain siècle les programmes qui nous tiennent tous à coeur, alors, je vous dis oui, nous avons fait tout cela.

En fait, grâce au budget de février 1999, les provinces et les territoires disposeront d'une somme additionnelle de 206 millions de dollars qui leur permettra d'intervenir de façon plus proactive, que ce soit pour détourner les jeunes gens du système judiciaire officiel ou pour réadapter et réintégrer ceux qui enfreignent la loi et causent du tort aux autres.

Donc, oui, il y a en effet eu des compressions. Je pense que cela ne surprendra personne. Je ne suis pas venue ici pour m'en excuser. Nous avons fait ce que nous estimions devoir faire et les autres gouvernements partout au Canada en ont fait autant. Nous sommes maintenant en mesure de consacrer des sommes additionnelles au règlement de ces problèmes.

M. Peter MacKay: Mais les 206 millions de dollars dont vous parlez sont loin d'être l'équivalent des compressions opérées par votre gouvernement dans le budget d'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants et sont loin d'être l'équivalent des compressions qui ont résulté de la réduction des paiements de transfert...

Mme Anne McLellan: Écoutez, je vais vous dire...

M. Peter MacKay: ...et puis cette somme sera étalée sur trois ans...

Mme Anne McLellan: Écoutez, je vais vous dire...

M. Peter MacKay: ...de sorte que c'est moins de 100 millions de dollars par année qui seront ajoutés pour l'administration de cette nouvelle loi. C'est toujours très loin de l'obligation de 50 p. 100 qui incombe au gouvernement fédéral pour l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Mme Anne McLellan: Écoutez, si vous essayez de me dire que le gouvernement précédent a laissé tomber le partage des frais à parts égales, la réponse est oui. Si vous me dites que pour s'attaquer à la toute première priorité des Canadiens, la réduction du déficit et de la dette, nous avons réduit encore davantage notre contribution, c'est oui. Et si vous me dites que nous sommes maintenant en train de réinvestir, c'est encore oui.

• 1650

Êtes-vous en train de donner à entendre qu'en fait, les provinces peuvent faire des choix au sujet des paiements de transfert? Le montant a été réduit, mais il incombe aux provinces d'établir leurs propres priorités. En fait, elles peuvent—et j'espère que certaines d'entre elles le feront effectivement—prendre une partie de cet argent et déclarer que les jeunes de la province sont tellement importants à leurs yeux que l'on va consacrer cette somme à tel dossier plutôt qu'à tel autre. C'est pourquoi les provinces voulaient un transfert, un financement global versé sans condition. Elles voulaient pouvoir prendre leurs propres décisions de manière plus efficiente en fonction de la situation locale. Nous avons acquiescé à leur demande. Notre gouvernement l'a fait et j'espère donc...

M. Peter MacKay: Ce que je disais, c'est que l'argent que vous réinjectez n'est pas l'équivalent de l'argent que vous avez retiré.

Le président: Monsieur MacKay, vous avez déjà dit cela dans votre dernière question.

Monsieur John McKay, vous avez la parole.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Premièrement, madame la ministre, je vous félicite de savoir si bien attirer les foules.

Des voix: Oh, oh.

M. John McKay: C'est à se demander s'il y a du travail qui se fait dans les tribunaux de la nation en ce moment même.

Mme Anne McLellan: Je l'espère bien.

Une voix: Faites attention, John, vous ne voulez pas vous y retrouver vous-même.

Des voix: Oh, oh.

M. John McKay: Je voudrais ramener la conversation vers un sujet qui est plus pertinent à votre présence ici, car nous sommes apparemment censés discuter du Budget des dépenses principal.

Tout d'abord, je constate qu'au cours des quatre prochaines années, les dépenses brutes consacrées aux programmes passeront de 655 millions de dollars à 629 millions de dollars, et ensuite à 600 millions, puis à 591 millions de dollars. Ensuite, vous retranchez environ 10 millions de dollars des services aux clients et une autre somme de plus de 10 millions de dollars des dépenses prévues, etc.

Il faudra bien que cela se répercute quelque part. Nous comprenons tous l'examen des programmes et ainsi de suite, mais où va-t-on couper? Quels services ne seront plus offerts par votre ministère à cause de ces compressions budgétaires?

Mme Anne McLellan: Je m'en remets à ceux qui sont experts en la matière, mais je crois, monsieur McKay, que les réductions que vous voyez ici, pour les années postérieures à 1998-1999, sont en grande partie attribuables au fait que le coût de l'enregistrement des armes à feu baissera considérablement au cours des prochaines années, entraînant une baisse correspondante des besoins financiers—je crois que c'est l'explication.

Y a-t-il quelqu'un ici présent qui puisse nous l'expliquer?

M. Morris Rosenberg: Robert Bourgeois, des services ministériels, est...

Le président: Madame la ministre, si nous n'avons pas le temps, vous pouvez vous engager à nous faire parvenir ce renseignement.

Mme Anne McLellan: Monsieur Bourgeois, je crois que vous pouvez nous l'expliquer.

M. Robert Bourgeois (sous-ministre adjoint, Services ministériels, ministère de la Justice): Oui, pour ce qui est des dépenses prévues en 1999-2000...

Le président: Excusez-moi. Pourriez-vous présenter M. Bourgeois, pour que ses titres et qualités soient consignés au compte rendu.

M. Morris Rosenberg: Excusez-moi, monsieur le président. Je vous présente Robert Bourgeois, qui est sous-ministre adjoint aux Services ministériels du ministère.

Le président: Merci, monsieur Rosenberg.

M. Robert Bourgeois: Au cours des trois prochaines années, les principaux postes de dépenses qui rendent compte de la plus grande partie de la baisse, pour cette année par rapport à l'année dernière, sont les armes à feu, service pour lequel on prévoit une réduction de 64,6 millions de dollars. Si l'on passe ensuite à l'année suivante, les armes à feu représentent encore un poste important, soit...

M. John McKay: Excusez-moi. Pourriez-vous me dire de quel tableau du Budget des dépenses ces chiffres sont tirés?

M. Robert Bourgeois: Je vous renvoie à la page 4, où l'on indique que les dépenses passeront de 655 millions à 629 millions, et ensuite à 600 millions puis à 591 millions... Pour essayer d'expliquer à quoi est principalement attribuable cette baisse d'une année à l'autre, ce que je pourrais faire, c'est vous donner les principaux secteurs d'augmentation et les principaux secteurs de diminution, lesquels représentent par exemple une réduction nette de 26,3 millions de dollars en deux ans, c'est-à-dire la différence entre l'année dernière et cette année. Cette différence résulte d'un certain nombre d'augmentations, les principales étant de 40,8 millions de dollars pour la justice pour les adolescents, 14,4 millions de dollars pour la prévention du crime, 2,3 millions de dollars pour le règlement des différends, et une série de postes moindres...

• 1655

M. John McKay: Monsieur, vous allez trop vite. Je vous ai suivi à la page 4, j'ai suivi les chiffres que vous avez donnés, et ensuite vous avez dit...

Mme Anne McLellan: John, je pense qu'il faut préciser que les chiffres que Robert vient de donner ne sont pas dans ce document.

M. Robert Bourgeois: Ils ne sont pas dans ce document.

M. John McKay: Pas dans ce document?

M. Robert Bourgeois: Non, ce sont les chiffres nets.

Mme Anne McLellan: Il explique... Ce que vous avez dans le document, ce sont les chiffres nets...

M. John McKay: D'accord.

Mme Anne McLellan: ...alors ce que nous pouvons faire, c'est vous transmettre ces renseignements. Je me rends compte en écoutant Robert passer en revue ces chiffres que c'est un peu difficile de suivre les augmentations et les diminutions des divers programmes.

Si vous le voulez, monsieur le président, nous pouvons vous faire parvenir cela sous forme de tableau.

M. John McKay: Ce serait utile, mais pourriez-vous me donner une réponse globale, c'est-à-dire m'indiquer où se situent les principales augmentations et diminutions?

M. Robert Bourgeois: D'accord. Pour vous donner globalement une idée des augmentations et des diminutions, disons que la baisse de 26,3 millions de dollars pour la première année s'explique principalement par deux postes de dépenses, à savoir une augmentation au poste de la justice pour les adolescents et une augmentation pour la prévention du crime. Il y a une augmentation de 40,8 millions de dollars au chapitre de la justice pour adolescents et une augmentation de 14,4 millions de dollars pour la prévention du crime, et la principale baisse est au poste des armes à feu, 64,6 millions de dollars. Si l'on calcule les principales augmentations et diminutions, on arrive à une baisse nette de 26,3 millions de dollars, c'est-à-dire les chiffres que vous voyez à la page 4 du rapport.

Si vous passez à l'année suivante, c'est-à-dire 1999-2000 en comparaison de 2000-2001, il y a une différence totale de 28,8 millions de dollars qui s'explique principalement par une augmentation de 25,5 millions de dollars au chapitre de la justice pour adolescents et...

M. John McKay: Je ne comprends pas. Vos dépenses de programme baissent de 29 millions de dollars et vous parlez d'augmentation.

M. Robert Bourgeois: Eh bien, c'est qu'il y a des augmentations et des diminutions et si l'on fait le calcul net...

M. Morris Rosenberg: Il y a plus de diminutions que d'augmentations.

M. Robert Bourgeois: Dans ce cas-ci, il y a en effet plus de diminutions que d'augmentations.

Mme Anne McLellan: La principale baisse est au chapitre de l'enregistrement des armes à feu, n'est-ce pas? Mais il y a certains programmes dont les dépenses augmentent et il faut donc additionner et soustraire, mais les baisses sont supérieures aux augmentations, de sorte que nous avons un budget réduit.

M. John McKay: Les diminutions l'emportent sur les augmentations?

Mme Anne McLellan: Nous vous enverrons tous les détails.

Le président: Je crois que ce serait préférable, madame la ministre. Cela pourrait être plus productif.

M. John McKay: En effet.

Je m'excuse d'avoir posé une question détaillée.

Mme Anne McLellan: Non, je vous en prie. En fait, c'est une bonne question, parce que le coût net... si vous examinez depuis 1998-1999, l'année qui s'est terminée le 31 mars dernier, et les trois années suivantes, y compris l'année en cours, vous voyez que nos dépenses ont baissé, passant de 652 millions de dollars à 526 millions de dollars.

M. John McKay: Oui. À première vue, c'est une baisse de 10 p. 100 de votre budget.

Mme Anne McLellan: Nous accordons la priorité à l'efficience, monsieur McKay.

Le président: J'ai dit au début de la réunion que celle-ci prendrait fin à 17 heures. Or, il est maintenant 17 heures.

Peut-être par courtoisie, madame la ministre... M. Reynolds a fait savoir que M. Ramsay avait peut-être une question à poser.

Mme Anne McLellan: Je me ferai un plaisir d'entendre votre question, monsieur Ramsay.

Le président: Ce sera la dernière série de questions.

Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Ce sera probablement la dernière question que je vais vous poser.

Mme Anne McLellan: Allons donc, Jack.

M. Jack Ramsay: Je veux en fait aborder deux domaines, mais la première question que je voudrais vous poser est celle-ci: puisque nous avons un si grand désir de nous entretenir avec vous, comment se fait-il que vous êtes seulement disposée à nous accorder une heure aujourd'hui?

Mme Anne McLellan: Je suis ici depuis une heure et demie.

M. Jack Ramsay: Oh, une heure et demie.

Mme Anne McLellan: Oui. En fait, je pense que les membres du comité qui assistent régulièrement aux séances vous diront que l'on me voit assez régulièrement aux réunions du comité ou dans les parages, Jack.

M. Jack Ramsay: C'est bien.

Mme Anne McLellan: On ne s'ennuie pas de moi autour d'ici.

Le président: Peut-être pourriez-vous poser votre question, monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay: J'y arrive.

Je veux donc aborder deux domaines—et je n'avais pas l'intention de parler du projet de loi sur les armes à feu, mais vous l'avez vous-même mentionné dans votre allocution. C'est un fait qu'aux termes de l'article 92 du Code criminel, au titre du projet de loi C-68, lorsqu'il y a cession d'une arme à feu, le récipiendaire de l'arme à feu doit posséder une carte d'enregistrement ou faire enregistrer cette arme à feu en conformité avec l'article 92—je crois que cela relève de l'alinéa d). Quiconque ne possède pas cette carte d'enregistrement est passible d'une peine de dix ans de prison.

• 1700

Or, vous n'enregistrez rien. Vous ne délivrez pas de certificat d'enregistrement. Votre ministre délivre des numéros TAN, qui sont l'équivalent, mais il n'existe nulle part, ni dans la Loi sur les armes à feu ni dans la partie du projet de loi C-68 qui modifie le Code criminel, d'autorité législative relativement à ces numéros. Cela revient à un enregistrement temporaire? Êtes-vous disposée à présenter un projet de loi modificatif en vue de créer un enregistrement temporaire? Il n'existe aucune disposition à cet égard actuellement et certains craignent que vous soyez en train d'enfreindre votre propre loi.

Mme Anne McLellan: Je comprends cet argument. Chose certaine, c'est un argument qui a été soulevé par certains intervenants dans le dossier des armes à feu. Je crois savoir qu'une personne a intenté des poursuites à cet égard. L'affaire est en instance devant les tribunaux. Mon ministère fera connaître sa défense très bientôt dans cette affaire, mais nous sommes convaincus, et c'est évidemment ce qui ressortira de notre mémoire, de même que les préposés aux armes à feu des provinces et des territoires, que la délivrance de numéros TAN est tout à fait conforme à la loi.

J'ignore si vous ou Bill voulez ajouter quelque chose au sujet de cette affaire dont nous avons discuté.

M. Jack Ramsay: Ma question, madame la ministre, était évidemment de savoir si, en vue de l'aboutissement possible de cette contestation judiciaire, le ministère envisage de présenter un projet de loi qui modifierait la loi et permettrait la délivrance d'un certificat temporaire d'enregistrement.

Mme Anne McLellan: Non, nous n'envisageons pas de le faire, parce que nous croyons que la pratique actuelle, soit la délivrance de numéros TAN, est conforme aux exigences de la loi actuelle, mais peut-être M. Bartlett pourrait-il vous répondre.

M. Jack Ramsay: Non, ça va.

Mme Anne McLellan: Très bien.

M. Jack Ramsay: Je veux passer à une autre question. Je voulais seulement connaître votre réaction quant à la possibilité de modifier votre loi.

Mme Anne McLellan: Comme vous le savez, monsieur Ramsay, étant donné que cette affaire est en instance devant les tribunaux, il ne convient pas de faire de conjectures à ce sujet.

M. Jack Ramsay: Je comprends.

Mme Anne McLellan: Je vous ai simplement dit que nous allons déposer notre défense et je vous en ai indiqué les grandes lignes.

M. Jack Ramsay: Je vous en remercie.

Avant de passer à mon autre question...

Le président: Monsieur Ramsay, je vous demanderais de faire vite, car le temps nous est compté.

M. Jack Ramsay: Je veux parler de l'affaire Leonard Peltier. Le ministère de la Justice considère-t-il que l'affidavit dont John Reynolds a parlé est faux et frauduleux? Si c'est le cas, le ministère considère-t-il que les autres éléments de preuve dont vous avez parlé, et sur lesquels on s'est fondé pour justifier l'extradition de Leonard Peltier du Canada aux États-Unis, sont plus valables que l'affidavit en question?

Mme Anne McLellan: Je vais réitérer ce que j'ai dit tout à l'heure. L'étude effectuée par mon prédécesseur et dont je publierai moi-même très bientôt les résultats conclut effectivement qu'il n'y a aucun indice d'une fraude quelconque dans le processus d'extradition. Je tiens à le dire très clairement encore aujourd'hui, parce qu'il y a un malentendu sur ce point: l'étude conclut en outre que même en l'absence des affidavits de Poor Bear, qui sont les seuls éléments de preuve dans cette affaire qui aient jamais été mis en doute par quiconque, la preuve était suffisamment solide pour justifier l'extradition.

M. Jack Ramsay: Le ministère de la Justice considère-t-il que cette preuve est valable?

Le président: Dernière question.

Mme Anne McLellan: Oui.

M. Jack Ramsay: Quand serez-vous en mesure de publier le rapport dont vous avez parlé?

Mme Anne McLellan: Très bientôt. Mon sous-ministre vous a dit que nous avons reçu aujourd'hui même une communication du gouvernement des États-Unis et que les Américains sont disposés à publier les communications entre nos deux gouvernements. Par conséquent, il s'agira simplement de compiler le dossier complet et de le diffuser en temps opportun.

M. Jack Ramsay: Merci.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

Madame la ministre, nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui et des réponses que vous avez données à certaines questions ardues.

Mme Anne McLellan: Je vous en prie. C'est toujours avec plaisir que je viens ici. Je vous remercie tous beaucoup et je compte avoir le plaisir de revenir vous rendre visite.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Une voix: ...tous les jours.

• 1705

Mme Anne McLellan: Eh bien, vous savez que nous pourrions avoir de très intéressants débats de politique autour de cette table.

Le président: La séance est levée.