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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 mars 1998

• 0906

[Traduction]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

J'aimerais commencer en disant que nous sommes ravis de vous recevoir, madame Falardeau-Ramsay. Nous avions hâte de vous rencontrer ainsi que le personnel de la Commission des droits de la personne pour mieux connaître tout ce que vous faites au nom des Canadiens; nous sommes vivement intéressés à entendre ce que vous avez à nous dire.

Voulez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent et passer ensuite à votre exposé.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay (présidente, Commission canadienne des droits de la personne): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai avec moi John Hucker, le secrétaire général de la Commission et Bill Pentney, notre avocat général.

[Français]

Madame la présidente et membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de commenter le projet de loi S-5 au nom de la Commission canadienne des droits de la personne.

Permettez-moi de vous dire tout d'abord que je suis heureuse de l'appui accordé à ce projet de loi à l'étape de sa première lecture à la Chambre des communes. À notre avis, il contient des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personnes attendues depuis longtemps et qui accroîtront la capacité de notre commission de protéger les droits à l'égalité des Canadiens.

Nous apprécions tout particulièrement le fait que ce projet de loi contient des dispositions qui visent à améliorer la situation des personnes handicapées. Même si le Canada s'est récemment vu accorder un prix pour les efforts qu'il a déployés pour faire avancer la cause des personnes handicapées, à mon avis, il reste beaucoup à faire. Ce projet de loi constitue un premier pas vers l'intégration à part entière des Canadiennes et Canadiens handicapés à notre société.

De l'avis de la Commission, les plus importantes dispositions du projet de loi sont celles qui touchent l'adaptation aux besoins spéciaux, qui ne constitue pas une contrainte excessive. Comme vous le savez sans aucun doute, la jurisprudence des droits de la personne comporte depuis un certain nombre d'années des dispositions prévoyant l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Dernièrement, la Cour suprême du Canada a réaffirmé ce principe dans l'affaire Eldridge, qui portait sur le droit des patients sourds à l'interprétation gestuelle dans les hôpitaux.

L'obligation de prendre des mesures d'adaptation comprend celle de répondre aux besoins spéciaux d'autres groupes, comme les minorités religieuses. Cependant, il est évident que ce sont les personnes handicapées qui en retirent les plus grands avantages. Bon nombre de plaintes déposées auprès de la Commission par des personnes handicapées portent directement sur le non-respect de cette obligation à leur égard. En outre, les personnes handicapées nous répètent souvent que la prise de mesures d'adaptation revêt une importance capitale pour leur intégration pleine et entière, sur les plans social et économique, à la société canadienne.

Comme les tribunaux ont confirmé l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, la modification ne constitue pas vraiment un grand changement par rapport à la situation actuelle. Cependant, il ne devrait pas être nécessaire pour une personne d'être un expert juridique pour savoir quels sont ses droits ou ses obligations. La modification proposée rend la loi explicite. Les personnes handicapées sauront qu'elles ont le droit de réclamer des mesures d'adaptation en tant que chercheurs d'emploi, employés ou clients. Les employeurs et les fournisseurs de services, pour leur part, sauront une fois pour toutes qu'il s'agit d'une exigence prévue par la loi.

• 0910

Il y a toutefois un aspect de la modification proposée qui nous inquiète. Il s'agit de la disposition du projet de loi qui permettrait au gouvernement de rédiger des règlements définissant les mesures à prendre pour satisfaire à la norme établie par la loi en matière d'adaptation. À notre avis, ce n'est pas nécessaire et cela pourrait mettre le gouvernement, contre lequel des plaintes pourraient être déposées relativement aux mesures d'adaptation, dans une situation de conflit d'intérêts. Nous avons constaté que les tribunaux des droits de la personne et les tribunaux judiciaires sont tout à fait capables de trouver l'équilibre nécessaire entre l'obligation de prendre des mesures d'adaptation et la nécessité de ne pas imposer de contraintes excessives aux employeurs. Nous ne voyons pas pourquoi il serait nécessaire de donner aux conseillers juridiques du gouvernement le pouvoir de remettre en question les décisions des tribunaux.

[Traduction]

Les autres modifications proposées dans le projet de loi sont principalement d'ordre administratif mais elles sont également importantes parce qu'elles vont permettre de renforcer l'efficacité et la crédibilité du mandat conféré à la Commission par la loi. Je vais en aborder quelques-unes.

La création d'un tribunal permanent qui remplacerait l'actuel comité à temps partiel est un aspect très important pour nous. À l'heure actuelle, les membres du tribunal exercent leurs fonctions à temps partiel et il est bien souvent difficile de fixer un calendrier qui tienne compte de leurs autres obligations. Cet état de chose a causé des retards et un décalage considérable entre la fin des audiences et la publication des décisions.

Nous estimons également qu'avec un tribunal permanent, les décisions seraient plus uniformes puisque les membres du tribunal auraient l'occasion de se spécialiser davantage dans les questions complexes que soulèvent les droits de la personne.

Nous sommes également favorables à la modification qui permettrait au tribunal d'accorder des dommages-intérêts de 20 000 $ au lieu de 5 000 $. Il est rare que les tribunaux aient attribué le montant maximum autorisé par la loi mais il y a des cas où le préjudice moral qu'a subi la victime de discrimination justifie l'octroi d'une indemnité plus élevée. Cela est particulièrement vrai pour les cas de harcèlement où le préjudice sur le plan émotionnel peut être extrêmement grave.

Les droits de la personne visent principalement à remédier aux actes de discrimination, à indemniser la victime, et un montant maximum de 20 000 $ refléterait mieux les souffrances infligées dans certains cas. Nous estimons également que ce nouveau maximum pourrait amener les mis en cause à prendre plus au sérieux les obligations que leur impose la loi et refléterait toute l'importance qu'accorde le législateur aux mesures tendant à réduire la discrimination.

Nous appuyons également les dispositions du projet de loi qui ont pour effet de renforcer l'article 13 de la loi, celui qui traite de la diffusion de la propagande haineuse. Avec la loi actuelle, le tribunal a pour unique mesure à sa disposition dans ce genre d'affaires la possibilité d'ordonner au mis en cause de cesser de diffuser ces messages. Aucune amende ne peut lui être imposée et les personnes qui ont été nommément désignées dans les messages haineux ne peuvent bénéficier d'aucune mesure de redressement. Avec ces modifications, l'article 13 aurait plus de mordant et il aurait un effet dissuasif sur les personnes qui envisagent d'utiliser les lignes téléphoniques ou Internet pour fomenter la haine.

• 0915

Enfin, nous demandons depuis des années que la loi soit modifiée pour que la Commission puisse faire directement rapport au Parlement plutôt que par l'entremise du ministre de la Justice. C'est évidemment une question un peu symbolique puisque aucun ministre de la Justice ne s'est jamais immiscé dans les activités de la Commission ou dans les positions qu'elle a adoptées sur les droits de la personne mais nous estimons que le fait de relever directement du Parlement renforcerait notre crédibilité auprès de la population parce que cela démontrerait que nous sommes vraiment indépendants du gouvernement au pouvoir.

Comme vous le savez, l'année 1998 marque à la fois le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et le 20e anniversaire de notre commission. Le moment est donc bien choisi pour évaluer à la fois les progrès que nous avons réalisés dans le domaine des droits à l'égalité des Canadiens et pour préciser les défis qui nous attendent.

C'est pourquoi nous avons été heureux de constater qu'au moment où le ministre de la Justice a présenté initialement ce projet de loi, il a annoncé que son ministère allait procéder prochainement à une révision complète de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La série de modifications contenues dans le projet de loi constitue un pas dans la bonne direction mais ne saurait remplacer un examen exhaustif de la loi. Nous espérons que cette révision s'effectuera prochainement pour que nous puissions disposer des outils législatifs qu'il nous faut pour répondre aux besoins d'une société en évolution constante.

Merci.

[Français]

Je vous remercie. Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup, madame Falardeau-Ramsay. Je dois ajouter que nous serons nous aussi très heureux lorsque la révision sera entièrement terminée. Il y a longtemps qu'on en a fait la demande.

Votre présentation était fort intéressante et j'aimerais vous poser deux questions avant de céder la parole aux membres du comité.

[Traduction]

Je crois que vous avez indiqué que vous ne pensiez pas que c'était au gouvernement d'élaborer ces règlements et que cette tâche pouvait fort bien être confiée au tribunal et à la Commission, comme cela s'est fait jusqu'ici. Certains ont fait remarquer que le tribunal n'était pas suffisamment indépendant de la Commission. Je me demande si vous pourriez aborder cet aspect, en premier lieu.

Deuxièmement, aux termes de la partie 2 de la loi, l'article 14 est modifié pour qu'il se lise:

    Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d'exercer ou de menacer d'exercer des représailles contre le plaignant, la victime présumée ou le témoin.

J'aimerais que vous m'expliquiez les raisons qui vous ont poussé à ajouter les mots «le témoin».

Merci beaucoup.

Je crois que nous allons commencer par vous, monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Voulez-vous que je vous réponde immédiatement?

M. Paul Forseth: Je le crois. Oui.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Merci.

Le tribunal des droits de la personne est complètement indépendant de la Commission comme l'a démontré l'arrêt qu'a prononcé la Cour suprême dans l'affaire MacBain, si mon souvenir est exact. Il y avait, jusqu'à l'année dernière, c'est-à-dire en 1997, une séparation complète entre ces deux organismes, même pour ce qui est du budget. Le tribunal peut maintenant faire approuver son propre budget. Il a des crédits. Nous sommes maintenant un organisme complètement distinct du tribunal.

La Commission préférerait toutefois confier aux tribunaux judiciaires et au tribunal, comme cela se faisait auparavant, le soin de définir ce qui constitue une contrainte excessive. Je crois que le tribunal ainsi que les tribunaux judiciaires ont défini très clairement ce qui constituait une contrainte excessive.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Il serait peut-être bon que vous nous expliquiez pourquoi vous estimez que ce projet de loi particulier, S-5, reflète une orientation que vous ne recommandez pas.

• 0920

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Eh bien, je ne sais pas.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Je pourrais peut-être reformuler cela. Pensez-vous qu'il n'est pas dans l'intérêt des Canadiens de choisir cette orientation au lieu de renforcer l'indépendance des différents organismes—je crois que cela faisait partie de la question—s'il est perçu et compris que le tribunal est peut-être aussi indépendant que vous venez de le mentionner?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Nous craignons que cela ne crée une situation de conflit d'intérêt. Comme vous le savez, une bonne partie des plaintes en matière de contrainte excessive visent le gouvernement. Cela veut donc dire que le gouvernement serait à la fois partie et décideur lorsqu'il s'agit d'affaires de ce genre. C'est l'aspect que je voulais souligner.

Pour ce qui est de votre deuxième commentaire et question, nous estimons que...

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Excusez-moi, chers collègues, cela figure à la page 8 du projet de loi.

[Français]

Excusez-moi un moment, s'il vous plaît.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je vous en prie.

[Traduction]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Cela se trouve à la page 8 du projet de loi, dans la partie 2:

    14. La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 14, de ce qui suit:

—la dernière ligne—

    ou la victime présumée

—ou le témoin.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Il nous paraît important que la possibilité de porter une plainte pour représailles soit offerte non seulement aux plaignants mais également aux témoins. En fait, cela existe déjà sur le plan pénal. Les règles actuelles permettent de saisir un tribunal pénal d'un cas de représailles mais il faut passer par l'intermédiaire de la GRC. Cela complique les choses et la poursuite prend le caractère d'une poursuite pénale et non pas d'une instance civile. À l'heure actuelle, cette possibilité est accordée aux personnes qui interviennent dans une affaire à titre de témoin.

Les modifications qui autorisent les plaintes en cas de représailles—et nous sommes tout à fait favorables à ce changement—bénéficient uniquement aux plaignants. Nous constatons très souvent, au cours de nos enquêtes, que ce sont les témoins qui risquent le plus de faire l'objet de représailles et qui, d'ailleurs, en sont effectivement l'objet.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Pourriez-vous nous donner un exemple.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Eh bien, il y a, par exemple...

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Un autre comité permanent examine en ce moment la question de la garde et des droits de visite. On a soulevé devant nous la question des plaintes frivoles et des demandes injustifiées. Je me demandais simplement si cela pourrait correspondre à cette situation ou comment l'on pourrait expliquer la nécessité d'ajouter les «ou un témoin».

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non, je ne pense pas que cela se produirait le plus souvent dans les cas de plaintes frivoles ou vexatoires.

Prenons le cas d'une plainte logée contre un employeur, en matière, disons, de harcèlement sexuel. Cela se produit fréquemment ces jours-ci, parce que les postes se font rares. Il va y avoir des témoins qui vont se refuser à témoigner parce qu'ils craignent de perdre leur travail ou d'avoir ensuite des problèmes avec leur employeur s'ils témoignent en faveur d'un plaignant. C'est pour éviter ce genre de situation ou pour remédier à ce qui pourrait arriver aux témoins que nous aimerions que cette possibilité soit offerte non seulement aux plaignants mais également aux témoins.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Y a-t-il des questions là-dessus ou pouvons-nous poursuivre? Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci. Il semble que la définition exacte de ce qui constitue un coût dans ce projet de loi fasse problème. Par exemple, il y a des groupes de défense des droits à l'égalité qui voudraient restreindre cette notion à celle de coûts excessifs qui modifierait la nature essentielle, ou qui compromettrait gravement la rentabilité, d'une entreprise tenue de prendre des mesures d'adaptation. Par ailleurs, les employeurs et les fournisseurs de services seraient peut-être plutôt favorables à une approche plus réaliste et plus large à la question de la définition des coûts, approche qui permettrait la prise en considération de l'effet général de la mesure sur la productivité ou la rentabilité de l'entreprise.

• 0925

Que pensez-vous de toute cette question de la définition des coûts et de la façon dont cette expression devrait être interprétée?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Merci. C'est une question fort intéressante et qui a d'ailleurs été bien souvent examinée par les tribunaux judiciaires et administratifs.

La jurisprudence a élaboré un critère permettant de définir le sens du mot coûts. Actuellement, ces facteurs jurisprudentiels comprennent ceux que vous avez mentionnés, par exemple, la taille de l'entreprise. L'effet des mesures envisagées sur la production serait également un facteur dont il serait tenu compte pour déterminer ce qui constitue un coût, un coût excessif ou une contrainte excessive.

M. Paul Forseth: Très bien. Nous pourrions peut-être passer au paragraphe 23(2) qui se trouve à la page 12 du projet de loi. Avec le projet de loi, il serait possible de déposer une plainte pour acte discriminatoire dans la fourniture de biens ou de services lorsqu'il n'y a pas de victime identifiable. Cette modification aurait pour effet d'harmoniser le traitement des plaintes fondées sur la discrimination en matière de fourniture de biens et de services avec celles qui concernent le milieu de travail.

Cette disposition inquiète toutefois les fournisseurs de biens et de services qui s'interrogent sur l'opportunité d'autoriser la Commission canadienne des droits de la personne à recevoir des plaintes de discrimination lorsqu'il n'y a pas de victime identifiable.

Dans ce genre de cas, les mis en cause craignent de ne pas disposer de renseignements suffisants pour pouvoir préparer leur défense. Ils prétendent également qu'il risque d'être difficile d'établir qu'il y a eu véritablement discrimination dans ces affaires et de choisir les mesures à prendre.

Le ministère de la Justice affirme que cette disposition permettrait à la Commission canadienne des droits de la personne d'entendre des affaires où aucune victime ne se fait connaître, ou ne peut le faire, alors qu'il existe des éléments indiquant qu'il y a pratique discriminatoire. Il peut certes arriver que dans ce genre d'affaires il n'y ait pas de plaignant identifiable, mais il serait tout de même possible d'identifier la victime d'une politique ou d'une pratique particulière en utilisant des outils statistiques. En d'autres termes, cette disposition vise à lutter contre ce que l'on appelle la discrimination systémique.

Les fournisseurs de services invoquent notamment la Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi. Cette loi interdit à l'heure actuelle à la Commission canadienne des droits de la personne d'entendre une plainte qui serait fondée uniquement sur des données statistiques qui tendent à établir que les membres d'un ou plusieurs groupes désignés sont sous-représentés au sein du personnel d'un employeur donné.

Pourriez-vous aborder cette question de l'équité en matière d'emploi et son rapport avec le projet de loi S-5. Dites-nous comment l'on peut, d'après vous, lutter contre la discrimination systémique.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je crois que la Loi sur l'équité en matière d'emploi et les modifications dont vous venez de parler visent des situations tout à fait différentes. Lorsqu'il s'agit d'équité en matière d'emploi, nous nous en tenons uniquement à la représentation dans un milieu de travail et dans la promotion des personnes qui font partie des quatre groupes désignés. Pour ce qui est des modifications dont vous avez parlé, il s'agit de fourniture de services, ainsi que d'emploi, mais dans une perspective tout à fait différente.

Je vais vous donner un exemple. Comme cela s'est produit il y a quelque temps, il peut arriver que personne ne se plaigne mais qu'une association de personnes handicapées constate qu'un bureau de vote n'est pas conçu pour permettre aux personnes handicapées d'aller voter. Il ne serait alors pas nécessaire que quelqu'un dépose une plainte. Une association pourrait, par contre, venir déposer une plainte en indiquant que tel bureau de vote ne permet pas aux personnes handicapées d'y avoir accès. Il n'y aurait pas de victime identifiable particulière dans ce genre de cas. Il fallait prévoir cette modification pour couvrir ces cas-là.

• 0930

M. Paul Forseth: Madame la présidente, j'ai terminé mes questions pour cette ronde.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci d'être ici ce matin, par un beau mardi ensoleillé.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: C'est d'autant plus agréable.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous avez bien raison. J'aimerais vous poser deux questions. La première a trait à la composition du tribunal. À la lecture des articles, on apprend que les membres du tribunal doivent être, bien sûr, compétents et qu'ils sont nommés par le gouverneur général en conseil. On peut bien se questionner, en tout cas, quant à l'indépendance pleine et entière de la Commission que vous avez nommée. Est-ce qu'il y aurait quelque opposition à ce que les membres de ce tribunal soient des juges?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Vous savez, dans toutes ces questions-là, il y a toujours deux côtés à la médaille. Les juges sont sans aucun doute des personnes qui sont très qualifiées au point de vue juridique. Mais je pense que dans un domaine comme celui des droits de la personne, il est important d'avoir des personnes qui proviennent de secteurs de la société autres que le secteur purement juridique. Elles peuvent apporter une vision plus complète et plus diversifiée des problèmes de la société.

Bien que je sois avocate, j'avoue que les avocats ont parfois tendance à regarder les choses d'une façon tout à fait spécifique et simplement d'un point de vue purement juridique, ce qui est normal étant donné leur formation. C'est pourquoi je juge qu'il est important que des gens provenant d'autres catégories viennent donner un autre point de vue.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce qu'il y aurait un moyen d'assurer l'indépendance de ce tribunal? Je suis d'accord avec vous pour dire que les avocats sont des gens exceptionnels, mais ils ont quelquefois des limites, comme tout le monde.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Il n'y a pas deux couleurs, mais une. Ce n'est ni noir ni blanc; c'est toujours gris.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce qu'il y aurait un moyen de favoriser cette indépendance du tribunal? À l'article 49, on peut lire:

    49.(1) La Commission peut, à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, demander au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte, si elle est convaincue, compte tenu des circonstances relatives à celle-ci, que l'instruction est justifiée.

Je crois comprendre que lorsqu'une personne ou un organisme dépose une plainte devant le tribunal, la Commission peut demander au président du tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte. Il s'agit donc de porter une plainte devant une instance supérieure. Je ne suis pas du tout une avocate et je me fie à ce que je lis ici. Vous me corrigerez sûrement si je fais erreur. Selon le libellé du projet de loi, la Commission aurait le droit, voire même l'obligation de regarder les plaintes, de les évaluer et de poser des questions à l'occasion, un peu, souvent ou passionnément. J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Comme vous l'avez si bien dit, la Commission joue un peu un rôle de tamisage. Par exemple, seulement 2 p. 100 des plaintes que nous avons reçues ont été portées devant le tribunal, cela en raison des grands efforts de conciliation et de médiation que nous déployons. Je dirais qu'à peu près la moitié des plaintes qui viennent à la Commission sont réglées.

Une partie des plaintes qui sont soumises à la Commission ne relèvent pas de notre juridiction et elles sont donc rejetées, tout comme celles où il n'y a aucune preuve prima facie ou à première vue nous indiquant qu'il y a vraiment eu discrimination.

• 0935

Le système fonctionne de telle manière que lorsque la Commission décide d'envoyer une plainte au tribunal, elle envoie simplement une lettre au président du tribunal. À partir de ce moment, la plainte sort complètement de notre juridiction. Nous comparaissons devant le tribunal comme partie, simplement pour défendre l'intérêt public. La présidente du tribunal décidera, tout comme le juge en chef d'une cour de justice, lequel ou laquelle de ses membres va entendre la cause. C'est ce que signifie cette disposition de l'article 49.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Pas d'autres questions?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Non.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): L'échange que vous venez de tenir me fait penser qu'il serait peut-être utile que vous déposiez auprès du comité

[Traduction]

le nombre de plaintes que vous avez reçues. Pourriez-vous nous présenter un genre de rapport à ce sujet? Il n'est pas nécessaire de le faire immédiatement mais pourriez-vous le faire parvenir au comité? Nous aimerions connaître le nombre des plaintes que vous avez reçues, le nombre de celles qui ont fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal et le nombre des audiences. Nous aimerions également que vous nous communiquiez tous les autres documents qui pourraient, d'après vous, nous intéresser, puisque nous n'avons même pas eu l'occasion de vous souhaiter la bienvenue et de vous encourager dans vos travaux. Tout cela nous serait fort utile. Merci.

Monsieur Lee.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Puis-je vous demander si vous aimeriez avoir ces chiffres pour l'année dernière ou pour, disons...

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Depuis votre entrée en fonction, madame.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Depuis mon entrée en fonction. Très bien, pour l'année dernière. Merci beaucoup.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci, madame la présidente.

J'aimerais revenir sur la question des coûts. Je sais que derrière ces modifications se profilent des principes et des objectifs de nature quasi constitutionnelle qui visent à protéger les personnes handicapées et celles qui sont désavantagées. Mais le législateur doit, ce faisant, examiner nécessairement la question des coûts, tout comme la Commission des droits de la personne le fait également. Elle s'occupe de droits mais elle doit également tenir compte des coûts. C'est pourquoi j'aimerais revenir sur cet aspect.

Le premier point que j'aimerais aborder est celui du sens que prend cette notion lorsqu'il n'y a pas de victime identifiable. Pourriez-vous fournir au comité un exemple de situation réelle, concrète, qui pourrait déclencher l'application de cet article? Cela nous donnerait une meilleure idée de ce que cela implique sur le plan de l'intérêt général. Il faut concilier ces droits et ceux d'autrui, les avantages et les inconvénients. Pouvez-vous me donner un exemple?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: À part celui que je vous ai déjà donné, le meilleur exemple serait celui des bureaux de poste.

Comme vous le savez, on a installé il y a quelques années des boîtes à lettres. C'était des boîtes à lettres que l'on installait dans les nouveaux lotissements. Les personnes en chaise roulante avaient beaucoup de mal à utiliser ces boîtes à lettres, en particulier l'hiver. Une association de personnes handicapées pourrait, par exemple, présenter une plainte pour demander que l'on facilite l'accès à ces boîtes à lettres.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Vous voulez parler des boîtes pour le courrier?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui, la superboîte. On voulait que ces boîtes soient accessibles aux personnes qui se déplacent en chaise roulante. C'est le genre de situation à laquelle nous pensons.

M. Derek Lee: Est-ce qu'il s'agit de la conception et de l'installation de ces superboîtes ou de pelleter la neige?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Eh bien, cela dépend de la situation. Parfois...

M. Derek Lee: Eh bien, c'est vous qui avez choisi cet exemple. Donnez-moi...

• 0940

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Eh bien, il y a beaucoup de ces boîtes au Canada et pour certaines d'entre elles, c'était une question de conception; pour d'autres, il s'agissait de veiller à ce que l'on répande du sel sur le sol pour que tout le monde puisse avoir accès à ces boîtes.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Sur le trottoir.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Les situations varient beaucoup, en fonction...

M. Derek Lee: D'accord, mais je voudrais une situation concrète. J'aimerais que vous me décriviez une situation concrète.

Je sais qu'il s'agit d'un cas hypothétique mais vous le savez, il y a beaucoup de Canadiens qui se plaignent des superboîtes. J'estime qu'une personne handicapée devrait se trouver dans la même position qu'une personne qui ne l'est pas lorsqu'il s'agit de se plaindre des superboîtes à la Société des postes.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Pourquoi?

M. Derek Lee: Je ne parle pas de la conception de ces boîtes ni de permettre aux personnes handicapées d'y avoir accès.

Je sais que nous devons prendre des mesures d'adaptation dans ce genre de situation mais je pense toujours à la question des coûts et je vous demande de me dire exactement dans quel cas cet aspect intervient. Donnez-moi un exemple de plainte sans victime concernant les superboîtes.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Il s'agit exactement de ce genre de cas. Une association de personnes handicapées pourrait déposer une plainte à la Commission en raison du fait que certaines boîtes sont d'accès difficiles pour les personnes handicapées.

M. Derek Lee: À cause de leur conception? Elles ne sont pas conçues pour que ces personnes y aient accès?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Si vous voulez, cela pourrait être la conception ou cela pourrait être l'emplacement. Cela pourrait être parce que l'emplacement n'est pas bien entretenu ou parce que la boîte se trouve sur un genre de... Il y a un écart entre...

M. Derek Lee: Le niveau de la chaussée et celui des boîtes.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui. Il s'agit donc de veiller à ce que les personnes handicapées puissent avoir comme tout le monde accès à ces boîtes.

M. Derek Lee: Très bien.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Cela vous paraît-il suffisamment concret ou voudriez-vous ajouter...?

M. Derek Lee: J'essaie de réfléchir à cet aspect. Je comprends le côté avantages. Il s'agit d'un cas où il y a un obstacle pour les personnes qui ont un certain type de handicap, pour la catégorie des personnes qui ont ce type particulier de handicap. J'essaie de réfléchir aux répercussions que cela pourrait avoir pour l'ensemble des bureaux de poste. Supposons que quelqu'un a empilé de la neige sur un coin de rue. Cette neige se transforme en glace, elle est là depuis trois mois, et il y a des gens qui ont un certain type de handicap qui ne peuvent utiliser la boîte à lettres.

J'essaie de mieux comprendre ce genre de situation parce que je n'arrive pas à mesurer l'importance de la question des coûts dans ce genre de cas. Ce genre de plaintes sans victime pourrait finalement vous coûter un milliard de dollars.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Eh bien, habituellement...

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Excusez-moi, est-ce que vous seriez prêt à comparer cette situation à une autre qui s'est déjà produite, comme celle des bureaux de vote? Vous vous souvenez sans doute d'une décision judiciaire très importante qui portait sur l'accès des personnes handicapées aux bureaux de vote, sur leur droit d'accès. Il a donc fallu modifier tout cela. Bien souvent, il a fallu construire des rampes ou trouver de nouveaux bureaux de scrutin.

Je sais que cela m'est arrivé et je suis sûre que cela est également déjà arrivé dans votre propre circonscription. Il y a une décision judiciaire. Ne serait-ce pas là le genre de situation que vous aimeriez approfondir?

M. Derek Lee: J'essaie d'en arriver à une définition. J'essaie d'introduire cet aspect.

Pour ce qui est de la rédaction de ces articles, je dirais que ce sont des articles très généraux, qui ne contiennent guère de définition. On nous demande d'adopter des textes législatifs, et j'essaie de mesurer les répercussions possibles, c.-à-d., les coûts d'un côté, les avantages de l'autre—et je recherchais un exemple.

Vous avez parlé des boîtes à lettres et vous savez que la solution que je préconiserais serait de faire davantage attention lorsque l'on enlève la neige et la glace. Il devrait être prévu que la façon dont ces boîtes à lettres doivent être construites de façon à permettre à la plupart des personnes handicapées d'y avoir accès.

On peut toujours penser à un type de handicap qui... Quelqu'un qui ne peut quitter son lit, un tétraplégique qui ne peut se déplacer, ni même en chaise roulante, n'aura pas accès à cette boîte à lettres. Je recherchais un élément qui m'aiderait à mesurer...

• 0945

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je peux vous reparler des bureaux de poste, puisque nous avons reçu une plainte à ce sujet. Quelqu'un s'est plaint des difficultés d'accès à ces bâtiments dans les différentes régions du Canada. Dans ce cas-ci, il s'agissait d'un secteur de Terre-Neuve. La Société des postes a préparé un plan visant à rendre tous ses édifices accessibles aux handicapés sur une période de dix ans. Nous en suivons l'exécution. Tous les ans, la Société des postes améliorent l'accessibilité de certains bureaux de poste. Voilà comment cela se fait habituellement.

Est-ce que cela répond à votre question? Il y a toujours la notion de contrainte excessive, il faut donc en tenir compte et l'interpréter. Il y a toujours certaines limites.

M. Derek Lee: D'après vous, qui est le mieux placé pour définir ou préciser le sens de l'expression contrainte excessive?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je pense que ce serait les tribunaux judiciaires et administratifs. Ce sont eux qui s'en sont chargés jusqu'ici et ils ont énoncé les facteurs dont il y a lieu de tenir compte, notamment le fonctionnement de l'entreprise, la taille de l'employeur, l'interruption des services et des activités que cela peut entraîner, les facteurs de ce genre. Il existe déjà une jurisprudence importante qui traite de la définition de l'expression «contrainte excessive».

M. Derek Lee: Ce n'est donc pas une tâche que vous confieriez au législateur.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: L'aspect intéressant de cette modification est que cette tâche ne serait pas confiée au législateur. Cela se ferait par voie de règlement, et c'est le ministère de la Justice qui adopte ces règlements.

M. Derek Lee: Grâce à une délégation du Parlement.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui.

M. Derek Lee: Vous proposez d'écarter le législateur et de l'exclure du processus consistant à définir les cas limites.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Nous pensons qu'il serait préférable, sur le plan de l'indépendance et de l'impartialité, que cela vienne des tribunaux. Comme je l'ai mentionné dans mes observations, ce serait en fin de compte les conseillers juridiques du ministère de la Justice qui s'acquitteraient de cette tâche et ce sont également eux qui sont habituellement les mis en cause dans un bon nombre de ces affaires.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Pour approfondir les questions de M. Lee, n'y a-t-il pas un mécanisme de consultation publique qui permette d'examiner ce genre de règlement? Est-ce que cela est renvoyé au comité de la justice? Excusez-moi mais je connais très mal ce domaine, ou j'en connais bien certains autres mais je suis en train de me recycler, je ne me souviens pas de ce que dit la loi à ce sujet.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: La modification contient une disposition qui prévoit une consultation publique. Nous sommes toujours favorables à ce que la population soit consultée mais il s'agit de consultations; la responsabilité finale pour ce qui est de la rédaction et de la préparation de ces règlements appartiendrait au ministère de la Justice.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Ils sont donc élaborés par le tribunal.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Non, ils seraient élaborés conformément au cadre défini dans le projet de loi.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Cela ne relèverait désormais plus de vous.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Sous sa forme actuelle, ce serait le ministère de la Justice qui présenterait...

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Je suis désolée; je me suis mal expliquée. J'aimerais que vous me signaliez la différence qui existe entre ce que recommande le projet de loi S-5 et votre propre recommandation. Si votre recommandation devait faire l'objet d'une audience publique ou d'un processus réglementaire qui serait révisé par le comité de la justice, pensez-vous que cela pourrait se faire?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: S'il n'y a pas de règlement, il n'y a pas de texte qui pourrait être renvoyé au comité de la justice parce que cette question serait laissée aux tribunaux, comme c'est le cas actuellement, ce serait à eux de définir dans chaque cas ce qui constitue une contrainte excessive. C'est ce qui se passe actuellement.

• 0950

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Je vois.

Je vais donner la parole à M. McKay et j'interviendrai peut-être à nouveau après Mme Cohen.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci de nous avoir présenté cet exposé. Comme vous le savez, il y a des groupes d'employeurs et des groupes de fournisseurs de services qui s'inquiètent de ce que prévoient les articles 10 et 15 de la loi, qui deviendraient, avec la nouvelle numérotation, le projet de paragraphe 15(1). L'aspect qui les préoccupe est le suivant:

    s'il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d'une personne ou d'une catégorie de personnes visée constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

Si je comprends bien, il y a deux questions. La première est que la santé, la sécurité et les coûts introduisent certaines limites. La deuxième concerne le fait qu'on écarte la notion de caractère raisonnable qu'avait introduite la jurisprudence.

J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que le caractère raisonnable de la mesure n'est plus mentionné, ce qui revient à supprimer cet aspect de la règle jurisprudentielle. Si tel est bien le cas, ne devrait-on pas modifier quelque peu les deux sens que peut prendre le mot adaptation?

Ma deuxième question porte sur la santé, la sécurité et les coûts. S'agit-il là de facteurs introduisant une limite ou devrait-on y ajouter une expression du genre, tout autre facteur que le tribunal estime raisonnable, compte tenu des circonstances?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Pour ce qui est de la première partie de votre question, je dirais que les tribunaux ont décidé il y a longtemps que la notion de contrainte excessive englobait le caractère raisonnable des mesures. Le fait que le caractère raisonnable de la mesure ne figure pas dans la disposition à titre de critère général vise uniquement à éviter une répétition voire un pléonasme, comme nous dirions en français, de sorte qu'il importe peu que cette disposition parle ou non de ce caractère raisonnable. Si une mesure d'adaptation ne constitue pas une contrainte excessive, cela veut dire qu'elle est raisonnable.

M. John McKay: Ce sont donc des mots interchangeables?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Plus ou moins, si l'on se base sur la façon dont les tribunaux interprètent à l'heure actuelle la notion de contrainte excessive.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, si ma mémoire est exacte, vous parliez de «en matière de».

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): C'est en haut de la page 7.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Cela veut dire d'après moi qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit parce qu'il pourrait tenir compte d'autres éléments. Ils ne sont pas tenus de se limiter à la santé, à la sécurité et aux coûts. Ils doivent tenir compte de la santé, de la sécurité et des coûts mais ils peuvent également examiner d'autres facteurs, s'ils l'estiment justifié.

M. John McKay: Oh, je vois.

D'après vous, la santé, la sécurité et les coûts constituent des critères obligatoires mais non limitatifs?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Ils sont tenus de les prendre en considération.

M. John McKay: Il s'agit donc là plutôt d'une question de formulation plutôt que de questions de fond?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: C'est ce que je pense.

M. John McKay: Compte tenu des préoccupations exprimées par certains groupes d'employeurs, pour quelle raison devrait-on choisir d'écarter l'expression «caractère raisonnable»? Le deuxième aspect serait l'expression «sans limiter la portée de ce qui précède»...

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Vous feriez mieux de poser cette question à des légistes.

La réponse qui me vient immédiatement serait de dire pourquoi utiliser dans un projet de loi des mots lorsqu'il n'est pas nécessaire de le faire? Mais il serait préférable de poser cette question aux auteurs du projet de loi.

• 0955

M. John McKay: Très bien. Il ne s'agit pas ici de questions de fond; il s'agit plutôt de questions de formulation et non de fond.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui, c'est ce que je pense.

M. John McKay: Merci beaucoup.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je vous en prie.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Madame Cohen, et ensuite, monsieur Forseth. Il ne vous reste que six minutes.

Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.): Je vous prie de m'excuser parce que j'ai dû m'absenter quelques minutes et il est possible que je revienne sur des sujets qui ont déjà été abordés.

Je tiens à indiquer clairement qu'il ne s'agit pas là d'un facteur qui sera déterminant pour moi pour ce qui est du vote. Je m'inquiète vivement de voir que nous ajoutons un domaine susceptible de faire l'objet de recours devant la Commission et le tribunal et j'espère uniquement que nous avons les ressources nécessaires pour le faire.

J'aimerais savoir quelle est l'ampleur de vos arriérés. Je crois savoir que vous avez un grave problème d'arriérés à l'heure actuelle. Je crois également savoir que la Commission confie des tâches à des avocats du secteur privé parce qu'elle n'a pas le personnel pour le faire. Je tiens simplement à m'assurer que vous disposez des ressources dont vous avez besoin pour exécuter ces tâches très importantes.

Je sais que la présidente suppléante vous a demandé de décrire les affaires dont a été saisie la Commission depuis que vous occupez le poste de présidente mais il me semble qu'il nous serait plus utile de savoir quelle a été l'ampleur des arriérés au cours des trois dernières années. Une période de trois ans me paraît raisonnable, d'après mon expérience avec les arriérés des tribunaux judiciaires et des choses de ce genre. Je crois qu'il faut prendre une période de trois ans.

Je me rappelle que la Commission ontarienne des droits de la personne avait accumulé un nombre d'affaires impressionnant et je ne suis pas sûre qu'elle ait réussi à régler toutes ces affaires. Je ne voudrais pas que la Commission canadienne des droits de la personne et son tribunal se retrouvent dans la même situation. Si nous y sommes déjà, j'aimerais que nous en sortions.

La possibilité d'avoir à entendre d'autres catégories d'affaires vous inquiète-t-elle, étant donné que vous avez déjà un arriéré? Avez-vous un arriéré? Avez-vous préparé un plan d'action pour y remédier?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui. À l'heure actuelle, je dirais que la plupart de nos affaires sont jugées en moins d'un an. N'oubliez pas que ce délai d'un an commence au moment du dépôt de la plainte et s'achève au moment où elle est soumise à la Commission pour la première fois.

Nous envoyons 5 p. 100 des plaintes environ à la Commission pour conciliation, ce qui prolonge ce délai de quatre à six mois. Il faut ensuite décider de clore le dossier ou de renvoyer l'affaire au tribunal. Deux pour cent environ de ces affaires ont été renvoyées au tribunal l'année dernière. Cela ne tient pas compte des plaintes dont l'étude est suspendue parce que la question qu'elles soulèvent a été soumise aux tribunaux.

Par exemple, nous avons reçu l'année dernière une plainte concernant l'âge de la retraite dans les forces armées. La décision a été prise par un tribunal, ce qui a permis de régler en même temps toute une série de plaintes qui avaient été présentées à la Commission.

Bien évidemment, nous aimerions régler encore plus rapidement ces dossiers. Comme vous le savez, notre budget a été coupé de près d'un quart au cours des trois dernières années. Nous avons parallèlement modifié notre façon de fonctionner et d'effectuer les enquêtes, ce qui nous a permis de réduire considérablement la durée des enquêtes.

Nous sommes toujours en train de chercher des façons d'améliorer nos méthodes. Il arrive un moment où il est difficile de faire davantage avec les ressources dont on dispose. Je ne vois pas ce que l'on pourrait faire maintenant pour réduire le nombre des dossiers qui ne sont pas encore réglés. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous allons vous envoyer les chiffres correspondant aux trois dernières années pour que vous puissiez avoir une bonne idée de ce qui se passe à la Commission, pour ce qui est du nombre des dossiers et de la durée du traitement de ces dossiers.

• 1000

Mme Shaughnessy Cohen: À quand remonte votre plus ancien dossier?

M. John Hucker (secrétaire général, Commission canadienne des droits de la personne): Il y a des dossiers particuliers que nous avons depuis plusieurs années et il y a peut-être une affaire qui remonte à quatre ou cinq ans. Ce sont là des cas particuliers qui soulèvent des questions complexes mais habituellement, comme l'a dit la présidente, la Commission est tenue de suspendre le traitement d'une plainte lorsque les tribunaux examinent la question qu'elle soulève ou une question connexe.

Il arrive que des plaintes portent sur des questions qui sont déjà soumises aux tribunaux ou qui sont déjà en cours de traitement. Nous avons adopté pour politique, et c'est d'ailleurs ce qu'exige la loi, de suspendre le traitement de ces dossiers pendant que les plaignants tentent d'obtenir d'autres mesures de redressement. Nous sommes donc amenés à suspendre l'examen de certaines plaintes pendant que le processus de grief se déroule, pendant qu'un appel est interjeté à ce sujet et parfois, pendant que la question est soumise aux tribunaux.

Il y a donc quelques dossiers qui remontent à quatre ou cinq ans. C'est évidemment le genre de dossiers qui fait les manchettes mais comme l'a déclaré la présidente, je crois qu'en réalité, nous traitons assez rapidement les plaintes qui nous sont soumises aujourd'hui.

Cela dit, il faut reconnaître que les restrictions budgétaires dont nous avons fait l'objet il y a trois ou quatre ans, en particulier avant 1994-1995, nous ont durement touché. Nous avons été obligés de centraliser notre service d'enquête sur les plaintes à Ottawa. Nous avons constaté que nous n'avions pas les moyens de régionaliser ce service; nous avons donc procédé à une centralisation en faisant passer de 50 à 35 environ le nombre d'enquêteurs. Nous avons donc perdu près de 20 enquêteurs.

Nous avons renforcé notre efficacité en modifiant notre façon de travailler. Nous utilisons beaucoup plus le téléphone aujourd'hui. Nous sommes basés à Ottawa et nous utilisons beaucoup plus le téléphone pour faire des entrevues. Nous rencontrons moins les gens en personne, ce qui je crois réduit les frais même si cela ne satisfait pas toujours les parties, tant les plaignants que les mis en cause.

Mme Shaughnessy Cohen: Madame Falardeau-Ramsay, est-ce que la loi vous oblige à vivre dans la région de la capitale nationale?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je ne me suis jamais posé cette question, mais je ne le pense pas. Je crois que je peux vivre n'importe où mais il se trouve que je vis dans la région de la capitale nationale.

Mme Shaughnessy Cohen: Très bien. Merci.

Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci.

Avant de redonner la parole à Paul, je crois qu'il faudrait clarifier la réponse donnée à M. McKay.

Vous avez indiqué—page 7, article 10.2, besoin des individus—qu'il était obligatoire de tenir compte des aspects reliés à la santé, la sécurité et aux coûts mais que cette liste n'était pas limitative. Si vous prenez la version française,

[Français]

c'est peut-être un manque de connaissance de la langue française, mais d'après moi, quand on parle, à la ligne 10, d'une contrainte excessive en matière de coûts de santé et de sécurité, c'est très limitatif d'après moi. J'aimerais bien avoir des éclaircissements pour qu'on puisse poursuivre notre analyse de ce paragraphe.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Vous avez raison de dire que le français semble plus restrictif que l'anglais.

[Traduction]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): S'il faut apporter certains changements, nous ne pouvons nous fier à l'anglais dans certains cas et au français dans d'autres. Je crois que nous allons devoir nous pencher sérieusement sur cette question parce que cette disposition comporte manifestement un aspect restrictif.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Oui, la version française est différente.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci de cette précision.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Vous avez raison parce que j'examinais l'anglais...

[Français]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Peut-être que la version française est plus claire.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je regardais la version anglaise et je n'avais pas regardé la version française. Vous avez raison. Il est toujours important de regarder les deux versions.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Vous voyez comme c'est utile de connaître les deux langues officielles au Canada.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Vous avez raison.

[Traduction]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Paul, voulez-vous que je vous accorde une période pour poser des questions?

Je crois que nous avons commencé à 9h20 et nous allons donc nous donner 10 minutes de plus. Il était 9h07, nous allons donc nous donner cinq minutes de plus.

• 1005

M. Paul Forseth: Je tiens à être très clair sur ce point. Il est possible en effet que l'on se réfère par la suite au procès-verbal de l'audience pour revenir sur cette question. Je tiens à ce que soit bien précisée la nature de votre interprétation de cet article et l'objectif qui le sous-tend. Il y a une liste, mais il existe également d'autres facteurs. Ce n'est pas une liste limitative et il est possible de tenir compte d'autres facteurs. Est-ce clair?

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Je vais demander à l'avocat général de vous donner son opinion sur le sujet.

M. Bill Pentney (avocat général, Commission canadienne des droits de la personne): Il me semble que le point qui a été soulevé à l'instant portait sur l'opportunité d'ajouter une expression du genre «et les autres facteurs que le tribunal estime appropriés». D'après notre expérience et l'expérience acquise avec les autres affaires, les autres considérations qui ont été mentionnées et en particulier, par des employeurs par rapport à la nécessité de prendre des mesures d'adaptation pour leurs employés, se rapportent toutes, de près ou de loin, à la question des coûts.

On a parlé plutôt de productivité. Les employeurs expriment toujours en dollars leur productivité et leur argument est qu'en plaçant un employé particulier dans une position particulière, cela de fait baissé la productivité de l'entreprise. Les employeurs ne se demandent pas si cela est une bonne chose ou non en théorie; ils parlent d'une perte de ressources. C'est pourquoi il ne nous semble pas nécessaire d'ajouter d'autres facteurs et d'introduire ainsi une certaine incertitude au sujet des types de considérations qui peuvent être invoqués, compte tenu du fait que, jusqu'ici, les tribunaux ont interprété très largement les notions de coûts, de santé et de sécurité.

Je ne vois pas la nécessité d'élargir les facteurs pris en considération parce qu'il nous semble que, si effectivement un employeur s'inquiète de façon légitime de l'effet que pourrait avoir sur ses activités une mesure d'adaptation ou un changement de ses politiques, cela va nécessairement toucher la santé, la sécurité ou les coûts. C'est, je crois, la définition du mot «coûts» qui est l'élément essentiel. Jusqu'ici cette définition a englobé...

Par exemple, dans l'affaire Roosma c. Ford Motor Company, Ford soutenait que les travailleurs temporaires qui viendraient remplacer les employés permanents sur la chaîne de montage seraient moins productifs, feraient un travail de moins bonne qualité et que cette mesure aurait, d'une façon générale, un effet négatif important sur les activités de Ford. Le tribunal ontarien, qui appliquait un code des droits de la personne très proche de celui-ci, a retenu cet argument et je crois donc que la notion de coûts englobe les autres genres de considérations que l'on retrouverait dans les facteurs que l'on pourrait ajouter à cette liste parce qu'ils paraissent raisonnables. Il est difficile de savoir quels sont les autres facteurs qui pourraient être considérés comme étant raisonnables.

M. Paul Forseth: Je vais vous donner un exemple assez extrême, voire tiré par les cheveux. On m'a parlé d'un cas où la succursale d'une banque avait pris des mesures d'adaptation à l'égard d'un groupe ou d'une personne appartenant à une certaine religion en fournissant une salle de prières.

Cette succursale ne risque-t-elle pas de voir sa réputation quelque peu ternie et donc, ses affaires diminuer si la collectivité juge que cette banque favorise un groupe religieux aux dépens des autres? Les membres de cette collectivité risquent de se dire que la banque favorise certains employés et ils vont refuser d'utiliser les services de la banque parce qu'ils estiment que celle-ci a violé un principe d'équité en intervenant dans le domaine de la discrimination pour des motifs religieux, chose qu'elle n'aurait jamais dû faire. Il y a des clients qui n'utiliseront plus cette banque parce qu'ils vont se dire qu'elle a fait preuve de favoritisme. Ces gens vont dire que si vous réservez une salle de prières pour un groupe, vous devrez faire également quelque chose pour les autres, et pour moi. Cela pourrait peut-être s'évaluer en termes de perte clientèle ou de ralentissement des activités.

M. Bill Pentney: Je crois que la réponse à cette question comporte deux éléments. Tout d'abord, si cela entraîne une perte concrète de clientèle et d'activités, cela représente un coût direct pour la banque et pourrait être donc présenté à ce titre.

Pour revenir à votre cas hypothétique, je dirais que les règles en matière de droits de la personne interdisent toujours à un employeur de se baser sur les préférences de ses clients. Il est possible que certains clients n'aiment pas être servis par une personne de race noire, juive ou de sexe féminin mais les droits de la personne exigent que l'employeur continue malgré tout à employer ces personnes, sans laisser les clients imposer leur choix. Si la banque a pris des mesures d'adaptation à l'égard d'un employé d'une certaine religion et qu'un autre employé indique qu'il a besoin lui aussi d'une mesure d'adaptation—un autre employé dit vous avez donné une salle de prières à cette personne et moi je veux être libre le samedi—la banque va devoir également examiner cette demande.

• 1010

Pour ce qui est de favoriser certaines personnes, je ne sais pas très bien comment cela pourrait se terminer parce que la banque pourrait être amenée à tenir compte des besoins d'une personne aveugle, sourde ou en chaise roulante tout comme elle le ferait pour un juif, un adventiste du Septième jour ou une femme enceinte. C'est pourquoi je ne sais pas très bien jusqu'où un employeur pourrait aller s'il voulait favoriser certains employés.

M. Paul Forseth: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur McKay, je vous invite à poser une dernière question.

M. John McKay: Je vais essayer d'être bref.

Vous affirmez qu'avec une formulation concise ou en supprimant l'expression sans limiter la généralité de ce qui précède,... cela risque d'introduire davantage d'incertitudes et non pas le contraire mais que d'une façon ou d'une autre, le critère essentiel des coûts va permettre de déterminer s'il y a eu ou non acte discriminatoire.

Permettez-moi de prendre le contre-pied de cet argument et de soutenir que si l'on n'élargit pas le libellé de cet article particulier, cela risque d'amener des employeurs à accomplir sans le vouloir des actes de discrimination, comme dans l'exemple qu'a donné mon collègue—et qu'en tenant compte des besoins d'un groupe particulier, l'on risque de ne pas tenir compte, ou de ne pas sembler tenir compte, de ceux d'autres groupes. Si l'on ne conserve pas un certain flou combiné à la notion de ce qui est raisonnable et si l'on se limite à la santé, à la sécurité et aux coûts, cela aura pour effet de créer sans le vouloir des actes discriminatoires.

M. Bill Pentney: Il faut, je crois, replacer la question dans son contexte et voir comment elle se pose lorsqu'on a déposé une plainte. Le paragraphe 15(1) constitue un moyen de défense à une allégation d'acte discriminatoire; par conséquent, un acte discriminatoire demeure discriminatoire à moins qu'il ne soit justifié pour les motifs énumérés au paragraphe 15(1)—cette disposition permet de réfuter une allégation de discrimination.

Là encore, chaque affaire doit s'apprécier en fonction de ses circonstances. De sorte que, s'il faut tenir compte des besoins d'une personne qui est aveugle et que le client suivant est sourd, c.-à-d. que la mesure d'adaptation prise ne donnera pas le résultat recherché, il va falloir envisager une autre mesure d'adaptation. Je ne vois pas très bien le rapport qu'il y a entre l'élargissement du moyen de défense offert aux employeurs et la nécessité de prendre des mesures d'adaptation dans un cas ou dans un autre, à moins que cela ne concerne un aspect très concret.

Depuis une vingtaine d'années, le droit a tendance à écarter les preuves subjectives, c'est-à-dire les preuves qui se fondent sur des croyances répandues du genre «ce n'est pas un travail de femme». Pour vous citer un exemple fameux, la Cour suprême du Canada a examiné un cas de retraite obligatoire concernant des pompiers dans laquelle l'employeur, la municipalité, a témoigné pour démontrer que la lutte contre les incendies était une affaire de jeunes. La Cour suprême du Canada a examiné cet argument et déclaré que ce n'est pas le genre de preuve que notre société devrait accepter pour justifier une mesure discriminatoire fondée sur l'âge. Il faut apporter des preuves beaucoup plus concrètes et scientifiques que celle-là. Si vous réussissez à démontrer que la capacité physique diminue généralement avec l'âge, alors en appuyant cette affirmation sur des preuves objectives, nous pourrons peut-être accepter ce moyen de défense.

Je crois que c'est ce que cherche à faire le paragraphe 15(1) lorsqu'il indique que les employeurs et les fournisseurs de services ne pourront démontrer qu'il y a contrainte excessive en se contentant d'affirmer des choses du genre «si nous permettons cela, il faudra le faire pour tout le monde». À moins de pouvoir définir qui sont «tous les autres», à moins de démontrer que répondre aux besoins d'un employé qui est juif ou adventiste du Septième jour va amener tous les juifs et tous les adventistes du Septième jour qui travaillent déjà pour vous ou qui vont être embauchés plus tard de présenter des milliers de demandes, il est difficile d'admettre une défense qui ne serait fondée que sur des cas hypothétiques.

C'est pourquoi j'estime que le paragraphe 15(1) indique aux employeurs qu'ils doivent apporter des preuves pratiques et concrètes de l'effet réel, par opposition à hypothétique, que peuvent entraîner des mesures d'adaptation visant un groupe religieux ou une personne handicapée et que la meilleure façon d'apporter cette preuve concrète est de s'en tenir aux aspects touchant le fonctionnement d'une entreprise—les considérations de santé, de sécurité et de coûts—au lieu d'avoir une liste non limitative.

Je ne vois pas ce que pourrait apporter une formulation plus ouverte sinon donner aux employeurs la possibilité d'invoquer des justifications moins concrètes à ce qui demeure de la discrimination. Ils pourraient dire, j'aimerais bien permettre à cette personne handicapée de travailler ici ou d'avoir accès aux services offerts par ma succursale mais je ne peux pas le faire parce que cela nuirait à la santé, à la sécurité ou augmenterait mes coûts. Je crois que pour la Commission, cette liste devrait être limitative et que les facteurs à prendre en considération devraient être concrets et non hypothétiques.

• 1015

M. John McKay: Je comprends votre argument.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup. J'ai trouvé ces interventions très éclairantes et vous serez certainement amené à revenir plus tard lorsque nous aurons pu examiner les données et les renseignements que vous nous avez présentés.

[Français]

Nous vous remercions du fond du coeur.

Mme Michelle Falardeau-Ramsay: Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Messieurs et mesdames, nous allons faire une pause de quelques minutes en attendant les représentants du Conseil des Canadiens avec déficiences. Il sera intéressant de voir ce que ce conseil pense des remarques des membres de la Commission.

• 1016




• 1021

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous allons reprendre. Avant de donner la parole aux témoins, j'aimerais signaler à mes collègues que deux autres témoins aimeraient être entendus au sujet de ce projet de loi. Le Congrès du Travail du Canada et un organisme regroupant des employés visés par la réglementation fédérale ont demandé de comparaître. Je crois qu'un de ces groupes n'a pu comparaître devant le Sénat et que l'autre estime qu'on ne leur a pas véritablement donné l'occasion de se faire entendre. Notre calendrier permet de les accommoder et ils ont demandé de comparaître; s'il n'y a pas d'objection, je vais tout simplement les ajouter à la liste des témoins.

Je vais redonner le marteau de la présidence à notre très bien organisée Mme Finestone qui va poursuivre.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Je ne sais plus très bien où j'en suis.

[Français]

Bonjour, tout le monde. Bienvenue parmi nous. Nous avons le plaisir d'accueillir le Conseil des Canadiens avec déficiences représenté par Mme Lucie Lemieux-Brossard. Bonjour. Ça me fait plaisir de vous revoir.

Mme Lucie Lemieux-Brossard (membre, Conseil des Canadiens avec déficiences): Moi aussi.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Bienvenue également à M. Scher.

[Traduction]

M. Hugh Scher (président, Comité des droits de la personne, Conseil des Canadiens avec déficiences): Merci, madame la présidente. C'est un plaisir d'être ici.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Nous sommes très heureux de vous avoir ici. Voulez-vous commencer votre témoignage?

M. Hugh Scher: J'aimerais prendre un moment pour vous présenter le groupe et les voix que vous allez entendre au sujet de ces modifications. Tout d'abord, je m'appelle Hugh Scher et je suis le président du comité des droits de la personne qui conseille les Canadiens avec déficiences.

Au Canada, dans huit de nos provinces, il existe des organismes qui représentent des personnes ayant des types de handicaps très différents. Ces personnes et ces groupes ont formé cinq groupes nationaux de personnes composés de gens ayant le même type d'invalidité. Il y a huit groupes provinciaux et cinq groupes nationaux qui couvrent huit provinces ainsi qu'un certain nombre de collectivités et de municipalités dans ces provinces, représentant environ 250 000 personnes handicapées. Elles se sont regroupées pour former le Conseil des Canadiens avec déficiences.

Le groupe qui comparaît devant vous aujourd'hui est un groupe de coordination qui chapeaute les associations dont j'ai parlé et qui est le porte-parole des personnes handicapées au Canada et à l'étranger, à titre de membre de l'Organisation mondiale des personnes handicapées. Nous traitons avec tous les niveaux de gouvernement mais surtout, en tant qu'association nationale des personnes handicapées, nous travaillons avec le gouvernement fédéral sur les questions des droits des citoyens appliqués aux personnes handicapées.

Dix-sept pour cent des Canadiens ont une déficience. Nous sommes des personnes handicapées qui parlent au nom des personnes handicapées au sujet de leurs droits en tant que citoyens.

• 1025

L'obligation de prendre des mesures d'adaptation est pour les personnes handicapées un principe dont dépend leur participation à tous les aspects de la vie sociale, politique et économique au Canada. Ce n'est qu'en prenant des mesures d'adaptation que les personnes handicapées pourront avoir accès à nos institutions sociales et aux possibilités économiques et politiques qu'offre le Canada. Ce n'est qu'avec de telles mesures et le respect de l'égalité que les personnes handicapées pourront être des citoyens à part entière.

Les modifications que vous examinez en ce moment revêtent une importance capitale pour la façon dont les personnes handicapées vivent. Elles touchent la façon dont nous travaillons, celle dont nous voyageons, l'endroit où nous vivons, ainsi que notre capacité à nous intégrer au monde du travail. C'est une partie essentielle de notre bien-être en tant que membre de la société.

Ce n'est pas un principe nouveau. Le devoir de prendre des mesures d'adaptation a été reconnu par les tribunaux de toutes les provinces canadiennes. Il a été reconnu par les cours supérieures et la Cour suprême du Canada comme constituant un droit fondamental et l'on peut dire quasi constitutionnel.

Je dis «quasi constitutionnel» parce que les codes des droits de la personne des provinces dont j'ai parlé qui imposent l'obligation de prendre des mesures d'adaptation tirent leur légitimité de notre Charte canadienne des droits et libertés. L'article 15 de cette charte garantit en effet à tous les Canadiens, y compris aux personnes handicapées, l'égalité devant la loi et le droit à la même protection et au même bénéfice de la loi.

C'est pourquoi les provinces se sont unies au gouvernement fédéral pour adopter des lois qui interdisent la discrimination contre les personnes handicapées.

Cette légitimité vient de la Charte canadienne des droits et libertés. Les tribunaux ont reconnu le caractère quasi constitutionnel des lois sur les droits de la personne, notamment de la Loi canadienne des droits de la personne. La jurisprudence et les lois reconnaissant l'obligation de prendre des mesures d'adaptation et interdisant la discrimination ne sont pas chose nouvelle. En fait, dans une large mesure, on retrouve ces règles dans l'ensemble du pays.

Les projets visant à modifier de la Loi fédérale sur les droits de la personne de façon à y insérer expressément l'obligation de prendre des mesures d'adaptation ne sont pas des propositions nouvelles non plus. Cela fait en effet 12 ou 13 ans que les personnes handicapées luttent pour faire inclure ce principe dans les lois fédérales. Depuis l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés et de ses garanties en matière d'égalité, les personnes handicapées luttent pour que la Loi canadienne sur les droits de la personne reconnaisse expressément cette obligation.

Au cours des ans, diverses initiatives ont été prises dans ce domaine mais elles n'ont pas abouti. Sous le gouvernement conservateur de Mme Campbell, et avant, lorsqu'elle était ministre de la Justice, on a tenté d'incorporer dans cette loi l'obligation de prendre des mesures d'adaptation. Cette modification n'a pas été adoptée parce qu'elle n'a pas été étudiée avant la fin de la session législative. Elle est morte au feuilleton.

Au cours de la dernière session, le gouvernement fédéral a également introduit, vers la fin de son mandat, juste avant les élections d'été, des dispositions visant à incorporer l'obligation de prendre des mesures d'adaptation dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Là encore, à cause des événements politiques, ce projet de loi est malheureusement mort au feuilleton. Le gouvernement actuel a rapidement réagi, en tenant compte de l'histoire tant législative que jurisprudentielle de ce principe, et il a réintroduit cette obligation au moyen d'un projet de loi présenté à la Chambre des communes et au Sénat. La raison en est claire: ce projet de loi est un élément essentiel à l'inclusion, aux droits d'accès et à l'égalité des personnes handicapées au Canada.

• 1030

Nous sommes donc venus parler de ce projet de loi et nous voyons dans la Loi canadienne sur les droits de la personne le moyen essentiel qui garantit aux personnes handicapées le respect des droits à l'égalité dans la sphère privée qui est soustraite à l'application de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le gouvernement actuel a présenté à nouveau ce projet de loi parce qu'il reconnaît la nécessité et l'importance de ce droit fondamental des personnes handicapées à l'égalité et au respect de leurs besoins et le Conseil des Canadiens avec déficiences estime que le projet actuel que le gouvernement a déposé au Parlement représente le point de vue des personnes handicapées.

Je veux dire par là que ce projet de loi impose l'obligation positive de tenir compte des besoins des personnes handicapées, sauf si cela constitue une contrainte excessive, notion définie par rapport à la santé, la sécurité et aux coûts. Nous préférerions bien entendre que nos droits à l'égalité ne soient pas entravés par quoi que ce soit parce que nous estimons que l'obligation de tenir compte des besoins des personnes handicapées constitue un élément essentiel à leur participation à la vie de la société canadienne mais nous reconnaissons, d'une façon pragmatique, qu'il faut accepter que ce droit fasse l'objet de quelques restrictions; ces restrictions devraient toutefois être très limitées de façon à ne pas banaliser ou réduire le droit le plus fondamental que nous possédions à titre de citoyens, le droit à l'égalité, le droit d'accès et le droit de vivre comme les autres Canadiens.

Pour ce qui est de la notion de contrainte excessive, nous vous référons aux dispositions législatives adoptées par les provinces qui définissent cette expression de la même façon: contrainte excessive sur le plan des coûts, de la santé et de la sécurité. Cela n'est pas nouveau et le Parlement devrait hésiter à introduire une notion nouvelle parce qu'au cours des années, les tribunaux ont, à partir des codes provinciaux des droits de la personne, élaboré une jurisprudence qui a défini ces termes, pour les préciser et indiquer aux gouvernements, aux autres tribunaux et aux particuliers comment ils devaient agir pour respecter ces droits. Le Parlement doit donc faire preuve d'une grande prudence avant d'envisager une modification qui viendrait changer les résultats obtenus depuis près de 12 ans grâce au développement de la jurisprudence sur ces notions.

C'est pour cette raison que nous nous sommes déjà opposés que l'on incorpore dans cette loi des expressions comme efficacité opérationnelle ou nécessité commerciale, parce qu'elles ne visent non seulement à banaliser et à marginaliser nos droits fondamentaux et constitutionnels en matière d'égalité mais également à bouleverser les résultats obtenus progressivement depuis ces 12 à 15 dernières années par les Canadiens handicapés pour ce qui est des droits à l'égalité. Je vous invite donc à examiner très soigneusement l'histoire législative et jurisprudentielle avant d'ajouter des dispositions ou de les modifier de façon à changer l'application de ces termes et de ces notions.

Cela dit, nous ne pensons pas qu'il y ait lieu de limiter ces droits mais que si l'on doit limiter nos droits fondamentaux, en fonction du coût et d'autres facteurs, ces limitations doivent être justifiées par des motifs raisonnables et clairs. Il n'est pas acceptable qu'un employeur puisse se contenter d'affirmer que répondre aux besoins des personnes handicapées, cela coûte trop cher sans qu'il soit également tenu de démontrer quel serait le coût réel de ces mesures. Nous voyons trop souvent des employeurs et d'autres personnes qui cherchent à justifier des mesures discriminatoires affirmer gratuitement que l'égalité et le respect des besoins des handicapés coûtent trop cher.

• 1035

J'affirme que le fait de ne pas tenir compte des besoins des personnes handicapées coûte effectivement beaucoup trop cher. C'est le coût que nous allons devoir payer si nous ne veillons pas à ce que ces modifications en matière de mesures d'adaptation soient adoptées et à ce que les limitations apportées à ces droits soient aussi circonscrites que possible.

Pour ce qui est des coûts, je vous invite à tenir compte de ces facteurs ainsi que des problèmes concrets que posent les mesures d'adaptation des personnes handicapées pour le travail ou dans d'autres secteurs. La plupart des obstacles auxquels se heurtent les personnes handicapées peuvent être aplanis lorsque l'on améliore et renforce la communication entre les intéressés. La plupart du temps, les mesures d'adaptation ne coûtent rien, ou pas grand-chose.

Nous parlons ici de supprimer les obstacles qui nous empêchent de participer et d'exercer nos droits de citoyens. Je vous affirme qu'on ne devrait épargner aucune dépense pour supprimer les obstacles qui nous empêchent d'être des citoyens. Les personnes handicapées exigent qu'on leur donne les moyens d'exercer leurs droits à l'égalité qu'elles possèdent à titre de citoyens. Si l'on veut harmoniser les règles de jeux, il faut imposer l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, sous réserve de certaines restrictions fondées sur des facteurs circonscrits.

C'est pourquoi je vous invite, lorsque vous examinerez la question de la contrainte excessive et des coûts, à tenir soigneusement compte du coût qu'imposerait à tous nos citoyens le fait de ne pas répondre aux besoins des personnes handicapées, de ne pas avoir d'obligation de répondre à ces besoins et le fait de préserver le statu quo. Je vous invite à réfléchir à ce que cela veut dire pour les personnes handicapées: marginalisation, chômage et frais pour les contribuables, voilà quelles seraient les conséquences du maintien du statu quo.

[Français]

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Madame Lemieux-Brossard, aimeriez-vous ajouter quelque chose?

[Traduction]

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Oui. Sur le deuxième aspect de la question des droits des citoyens, il faut examiner la modification apportée au Code criminel. En tant que citoyenne, je devrais pouvoir m'attendre à ce que si j'appelle un policier, si je suis victime d'une agression sexuelle, l'on me croit, comme l'on croit les autres victimes, ce qui, nous nous le savons, n'est pas le cas.

En tant que criminologue, agente de probation et des libérations conditionnelles depuis 20 ans, j'ai participé au processus de consultations avec l'association des chefs de police et les différents barreaux depuis 1994, et j'ai constaté qu'il existe un écart important entre ce qui est et ce qui devrait être.

Cela a été tout un choc pour moi de me retrouver d'un jour à l'autre de l'autre côté de la table. J'exerçais une profession axée sur la justice qui m'amenait à travailler avec ce qu'on appelle des criminels—j'étais spécialiste des problèmes de déviance sexuelle et de santé mentale—et je me suis retrouvée du jour au lendemain clouée à mon lit, incapable de me déplacer sans l'aide de quelqu'un. On devait me baigner, m'habiller, me nourrir et je n'avais absolument aucun contrôle sur ce que cette personne pouvait me faire.

C'est ce qui se passe en réalité au Canada et dans les autres pays. Nous recevons des notes par Internet provenant d'avocats travaillant dans des pays étrangers qui cherchent les moyens de défendre leurs clients et d'intenter des poursuites judiciaires parce que le juge et le système judiciaire disent, eh bien, ce sont des aliénés mentaux, ils ne savent pas ce qu'ils disent, ils sont quadriplégiques, ils sont atteints de dystrophie musculaire, et nous pouvons uniquement interpréter ce qu'ils essaient de dire. Qui peut affirmer qu'ils n'ont pas donné leur consentement? Qui peut affirmer qu'ils n'ont pas accepté ce qu'on leur a fait? Ils n'ont pas de vie sexuelle, alors de quoi se plaignent-ils.

Lorsque nous entendons ce genre de chose, la seule réponse que je peux leur donner est l'article 2 du projet de loi S-5. Tout le monde affirme qu'on fait enfin quelque chose quelque part. Il faut examiner très soigneusement toutes les conséquences positives que va avoir l'adoption de cet article, le nouvel article 153.1, et le progrès énorme que tout cela représente.

• 1040

Nous menons depuis un an et demi, au Québec, une recherche touchant les situations violentes dans le contexte du maintien dans la communauté,

[Français]

sur la violence faite aux femmes handicapées dans le contexte du maintien dans la communauté.

[Traduction]

Nous nous sommes aperçus, en un an et demi seulement, et nous avons procédé par entrevues individuelles et groupes de discussions avec des femmes—que toutes ces personnes parlent des cauchemars que des amis ou des proches ont vécus entre les mains de fournisseurs de soins.

Malheureusement, avec le transfert des programmes tel qu'il s'est effectué, il n'y a pas de norme nationale ou minimale. C'est aux provinces qui privatisent et régionalisent ces programmes d'imposer ces normes et nous sommes confrontés à une situation où ce sont des agences désignées ou des agences privées qui offrent ce genre de soins. Il y a des listes d'attente avec priorités. Si quelqu'un se plaint, on refuse de lui fournir des services.

Pouvez-vous imaginer ce que vous ressentiriez, en particulier dans le cas d'une personne qui ne peut se déplacer elle-même? Mais je pourrais aussi bien parler de troubles mentaux, notamment de santé mentale et de développement mental, parce que l'on retrouve les mêmes problèmes sur le plan du consentement.

Imaginez que demain vous vous réveilliez dans un lit d'hôpital et que vous soyez obligé de rentrer chez vous parce que les services dont vous avez besoin sont maintenant des services à domicile mais que vous soyez incapable de quitter votre lit à moins que quelqu'un ne vienne vous aider. Vous dépendez entièrement de cette personne, même les jours de congé. Si le soignant est en retard, vous ne pouvez prendre votre moyen de transport, vous ne pouvez aller nulle part. Peu importe que vous alliez travailler ou étudier, cela vous est impossible parce qu'on n'a pas pris de mesures d'adaptation à votre endroit.

Vous êtes dans une situation de dépendance et les personnes handicapées doivent apprendre à fonctionner dans cette situation. Nous ne l'acceptons pas mais nous sommes obligés d'apprendre à fonctionner en tenant compte du fait qu'à un moment donné, d'une façon plus ou moins prononcée, nous dépendons d'autres personnes, même de la technologie. C'est là notre réalité. Le fait de pouvoir nous appuyer sur un projet de loi qui veille à ce que l'on accorde à la victime un minimum de crédibilité représentera pour nous un progrès énorme, parce que ce n'est pas ce qui existe actuellement.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Pourrais-je vous poser une question à tous les deux, avant de commencer, parce que le comité des droits de la personne examine ces deux aspects depuis plusieurs années, comme vous le savez déjà, et non pas seulement depuis ces derniers jours.

Monsieur Scher, êtes-vous satisfait à l'heure actuelle du libellé du projet de loi S-5?

M. Hugh Scher: Pour ce qui est des mesures d'adaptation?

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Oui.

M. Hugh Scher: La réponse serait oui, je le suis, et notre conseil l'est aussi.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Madame Lemieux-Brossard, êtes-vous actuellement satisfaite de la loi qui est proposée ici?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Oui, je le suis, parce que le tribunal a déjà décidé de l'interprétation qu'il donnerait du libellé qui s'y trouve.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

M. Forseth va poser la première question.

M. Paul Forseth: J'aimerais connaître les résultats de l'examen que vous avez fait de ce projet de loi avec vos divers membres, et à quel titre vous le commentez.

Vous affirmez représenter la communauté des personnes handicapées. Nous avons par le passé, au sein de divers comités, rencontré des organisations, en particulier des organismes de coordination, qui venaient témoigner devant les divers comités de la Chambre des communes et qui y faisaient des affirmations et des demandes qui, au bout du compte, n'étaient pas vraiment appuyées par les membres de leurs divers sous-groupes. Alors je vous demande simplement, qu'avez-vous fait de précis au sujet de ce projet de loi pour consulter la base, les membres réguliers, et quels ont été les résultats de l'exercice?

• 1045

M. Hugh Scher: Premièrement, permettez-moi de répondre en disant que, comme je l'ai indiqué, il ne s'agit pas d'un nouveau projet de loi. Lorsque ce projet de loi a été publié, le Conseil des Canadiens avec déficiences a été chargé de procéder à des consultations pour veiller à ce que tous les intéressés soient informés des dispositions contenues dans la loi.

Des réunions ont été tenues au sein de notre propre communauté, et des mémoires ont été présentés pour décrire le projet de loi à nos groupes membres. Nous avons reçu une rétroaction à ce sujet de ces groupes et cette information a été transmise au bureau de direction du conseil, puis au comité des droits de la personne.

Alors après la description du projet de loi, l'information a été transmise aux groupes membres, aux fins de commentaires par ces divers groupes et les organisations membres. Le sujet a été discuté au bureau de direction. Nous sommes ensuite retournés devant le comité des droits de la personne pour lui demander, à nouveau, de nous représenter devant des comités comme celui-ci, au sujet du projet de loi.

Des discussions dans l'ensemble de la communauté des groupes de défense du droit à l'égalité ont aussi eu lieu. Nous avons procédé à des discussions avec d'autres membres des communautés qui revendiquent le droit à l'égalité—des groupes de femmes, des organismes religieux, des organisations d'homosexuels, de lesbiennes et de bisexuels. La communauté des personnes handicapées, comme je l'ai déjà dit, au fil des ans, a tenu d'autres consultations au sujet du concept des mesures d'adaptation. Ces discussions remontent, si je me souviens bien, à 1985.

Je sais que des documents de travail ont été rédigés à cette époque au sujet des mesures d'adaptation. Ces documents, eux aussi, ont été distribués aux membres de l'organisation. Ils ont été discutés. Ils ont été diffusés, comme je l'ai dit, aux fins de commentaires. Ces commentaires ont ensuite été transmis au conseil et au comité.

C'est en fonction de ces documents et des mémoires présentés par les groupes membres de l'organisation et les particuliers affiliés à l'organisation que la position du conseil a été formulée.

La communauté des personnes handicapées, évidemment, est une vaste communauté. Le Conseil des Canadiens avec déficiences ne prétend pas parler au nom de tous les Canadiens handicapés. Nous vous faisons part ici du consensus établi au sein des organisations membres qui, par l'entremise de leurs membres, représentent un pourcentage considérable de la population handicapée. Nous avons consulté ces personnes et ces groupes pour en arriver à la position que nous avons présentée.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: J'aimerais ajouter que j'ai fait partie du groupe de travail qui a visité tout le pays l'an dernier, et ce qui est écrit ici reflète ce que j'ai entendu dans toutes les régions du pays, tant de la part de groupes que de la part de particuliers.

M. Paul Forseth: Très bien. Vous avez certainement établi votre crédibilité.

Y a-t-il une partie quelconque du projet de loi qui, à votre avis, devrait vraiment être modifiée? Y a-t-il une phrase ou une interprétation quelconque qui vous inspire des inquiétudes particulières, pour l'instant?

M. Hugh Scher: Je n'ai pas, à proprement parler, de question touchant la rédaction, ou même le concept, mais j'aimerais que certains aspects passés sous silence dans le projet de loi y soient intégrés. Ce projet de loi reflète ce que je crois être, et ce que notre conseil croit être, véritablement seulement le premier pas du processus de modification des droits de la personne auquel le Parlement doit se prêter.

Nous aimerions, par exemple...

M. Paul Forseth: Permettez-moi de vous interrompre. Parfois, les projets de loi comportent une clause d'examen qui concerne les opérations. Est-ce que vous aimeriez que ce projet de loi prévoie un examen quinquennal statutaire des résultats obtenus?

M. Hugh Scher: Je ne crois pas que cela serait utile dans ce cas précis. Là encore, la loi que l'on propose véritablement ici a, dans une large mesure, été élaborée dans les compétences provinciales par les tribunaux. Ce que nous essayons de faire ici, c'est d'affirmer ce que les tribunaux ont, dans une certaine mesure, déjà dit, de consolider ce que les tribunaux ont décidé.

• 1050

Par exemple, j'attire votre attention sur la disposition du projet de loi qui indique que le projet de loi s'applique aussi bien aux effets pervers qu'à la discrimination directe. C'est une mesure très progressiste, parce que la jurisprudence jusqu'à maintenant est plutôt ambiguë, et il était difficile de voir de quelle façon la loi s'appliquait.

Le projet de loi se trouve donc à rassembler la jurisprudence à cet égard et prévoit que les dispositions relatives aux mesures d'adaptation s'appliquent aussi bien à la discrimination directe—c'est-à-dire, si une loi qui vise un groupe donné, par exemple les personnes atteintes d'invalidité, si une politique d'emploi affirme que les personnes atteintes d'invalidité ne peuvent pas poser leur candidature, si une politique précise cible une personne atteinte d'invalidité et a un effet discriminatoire—et les règles neutres qui ont comme conséquences d'établir une discrimination contre les personnes atteintes d'invalidité.

Par exemple, s'il y a dans le Code du bâtiment une disposition fédérale qui impose certaines dimensions aux bâtiments, disons 17 x 28, cela ne semble pas discriminatoire mais a pour conséquence qu'une personne atteinte d'invalidité ne peut pas avoir accès à une salle de bain dans ce bâtiment, alors l'effet est discriminatoire, même si la disposition elle-même est neutre.

Ce que le projet de loi fait, c'est de rassembler les deux aspects de la loi sur la discrimination et d'indiquer que ses dispositions s'appliquent dans les deux cas. Il n'y a rien de radicalement nouveau ici, rien de révolutionnaire, à mon avis, et je ne crois pas qu'une clause visant les résultats, une clause du genre dont vous parlez, serait utile. À mon esprit, elle servirait simplement à ralentir le processus visant à imposer le droit à l'égalité pour les personnes atteintes d'invalidité et dresserait un obstacle supplémentaire sur la voie du droit des personnes atteintes d'invalidité à participer de façon pleine et entière à la vie de la société.

M. Paul Forseth: Avez-vous des commentaires à ajouter?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Je crois que dans le projet de loi dont nous avons discuté nous parlons encore beaucoup des trois fondements, des trois obstacles, des mesures qui peuvent entraver l'adoption de mesures d'adaptation raisonnables.

Il est évident que dans un monde parfait nous aimerions mieux qu'il ne soit pas question de l'aspect financier, des coûts, parce qu'il circule bien des mythes au sujet des coûts de l'adaptation. Le Conseil canadien de développement social travaille sur cet aspect depuis quelques années, et ce que nous avons vu jusqu'à maintenant c'est que le coût moyen des mesures d'adaptation pour un poste, un poste de travail, est de 350 $.

Il est évident que nous devons établir une distinction entre, si l'on considère la reconstruction d'une rampe d'accès à un bâtiment... Par exemple, ici, sur la Colline parlementaire, vous avez eu besoin de deux rampes, parce que la première ne respectait pas le Code national. Elle était faite de marbre et de laiton. Combien a-t-elle coûté? Ce n'était pas ce dont nous avions besoin. La vraie dépense a été engagée deux fois, parce qu'il a fallu refaire la rampe, et le coût total était cinq sinon dix fois plus élevé que ce qu'il aurait fallu investir.

Alors est-ce que nous pouvons parler de dépenses et de coûts financiers des mesures d'adaptation? Il est peut-être temps d'examiner aussi ce qu'il faut faire relativement à l'autre aspect, ce que la personne croit qu'il faut—et en particulier, je pense au niveau postsecondaire, travailler avec les établissements—et ne pas savoir quels types de poignées de porte sont installées, ce qu'il faut modifier, et demander des mesures d'adaptation ou des changements physiques et structuraux qui ne sont pas nécessaires.

Mais nous comprenons, et je crois que c'est le consensus auquel nous sommes parvenus lors de la dernière réunion du conseil, qu'il vaut mieux aller de l'avant, adopter le projet de loi et voir quels résultats il donne et si des changements s'imposent, plutôt que de le boycotter et de ne rien obtenir.

La première décision au sujet de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation est la décision Andrews, en 1989. Nous sommes toujours exclus parce que rien n'a été adopté dans la loi pour consacrer notre droit à des mesures d'adaptation.

Je sais que c'est une question très délicate pour divers groupes. Devrions-nous rejeter le projet de loi parce que nous sommes encore soucieux des aspects monétaires, ou devrions-nous aller de l'avant et essayer de travailler à l'intérieur du système pour établir des lignes directrices? Lors des réunions du conseil, nous avons décidé que nous allions aller de l'avant, appuyer le projet de loi proposé et travailler dans les limites qui y sont définies.

• 1055

M. Paul Forseth: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Pour ce qui est de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, j'aime bien votre interprétation du concept de coûts, parce que d'après ce que vous avez expliqué et d'après votre discours vous semblez avoir adopté une interprétation intéressante du concept des coûts.

La deuxième question porte sur qui assume les coûts, au bout du compte. Est-ce que la décision vise seulement la partie concernée ou faudrait-il que la population intervienne dans chaque question de coût? Je vais vous donner un exemple. Si l'on conclut que l'obligation de prendre des mesures d'adaptation est trop coûteuse pour l'employeur concerné ou le syndicat ou l'organisation, quoi que ce soit, est-ce qu'il devrait y avoir une notion élargie de participation de la population au concept des coûts?

M. Hugh Scher: Ce que j'aimerais dire à ce sujet, c'est que les mesures d'adaptation sont une responsabilité publique. Il s'agit d'une responsabilité d'abord et avant tout sociétale, parce que nous parlons des droits les plus fondamentaux des citoyens pour les personnes atteintes d'invalidité.

Il y a certainement des gens qui ont plus de latitude pour prendre des mesures d'adaptation, sur le plan des coûts. Une banque aura beaucoup plus de facilité à s'adapter à une personne atteinte d'invalidité parce qu'elle a beaucoup plus de biens à sa disposition que l'épicerie du quartier.

Je conviens avec vous de la nécessité de reconnaître l'aspect public et collectif des notions d'adaptation et de coût. Nous constatons, par exemple que de grands employeurs ou de grandes institutions ne s'acquittent pas des exigences relatives aux mesures d'adaptation. Les petits employeurs, les petites entreprises qui voudraient le faire ne le peuvent pas en raison des coûts, parce qu'ils n'en ont pas les moyens, qu'ils ne sont pas capables de prendre des mesures d'adaptation pour des raisons financières.

Ce que j'aimerais voir, éventuellement, c'est l'examen de la question par un collectif. Peut-être que nous devrions adopter ce que nous avons appelé un fonds d'adaptation pour les grandes institutions, en particulier celles qui ne s'acquittent pas de leurs responsabilités ou de leurs obligations mais qui les ont déjà reconnues. Les grands employeurs et les institutions ainsi, peut-être, que les gouvernements pourraient assumer une certaine responsabilité pour veiller à ce que les petites organisations, celles pour lesquelles les coûts sont trop élevés, aient les moyens et les ressources nécessaires pour payer ces coûts. Cela constituerait peut-être une solution.

M. John McKay: Est-ce donc que le projet de loi présente un vice de forme irréparable à cet égard?

M. Hugh Scher: Je ne crois pas qu'il faille aller si loin. Au fond, je vous déclare que ce projet de loi, même s'il porte sur une des grandes préoccupations des milieux de l'invalidité depuis 12 ans, ne va pas beaucoup plus loin. C'est quelque chose dont nous parlons depuis 12 ans.

M. John McKay: C'est ce que je voulais souligner, parce que vous liez les mesures d'adaptation au concept de citoyenneté.

M. Hugh Scher: Oui.

M. John McKay: Vous voulez participer entièrement à la société, à titre de citoyen.

M. Hugh Scher: C'est exact.

M. John McKay: Si je suis atteint d'invalidité et que j'utilise un service bancaire, cela prouve que je suis un citoyen à part entière. On peut sans doute le considérer comme tel, mais on pourrait aussi prétendre que non. Est-ce que votre concept est un concept qui englobe l'obligation de prendre des mesures d'adaptation puisqu'il a trait aux droits des citoyens?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: En tant que citoyenne, je considère que je devrais être en mesure de faire exactement ce que je faisais avant d'être dans un fauteuil roulant. C'est une question de droits de citoyen. Tout ce que vous faites, je devrais pouvoir le faire. Si aller à la banque et utiliser un guichet automatique vous est possible, alors cela devrait m'être possible à moi aussi. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous devrions adopter une approche plus macro-systémique dans ce domaine.

• 1100

Prenez l'employeur et le syndicat qui affirment qu'un employé a été blessé au travail et qu'il est impossible de le reprendre—vous volez un emploi parce que nous voulons reprendre ce travailleur—et c'est vraiment dommage. Si les locaux avaient été adaptés auparavant, vous n'auriez pas à vous battre pour ramener cet employé. Il serait revenu au travail, et je pourrais travailler là moi aussi.

Il vous faut donc envisager plus sérieusement une approche générale, systémique, plutôt qu'une approche axée sur une question, un point particulier. Je crois que cela explique sans doute qu'il ait fallu tant de temps avant que nous puissions finalement discuter, aujourd'hui, de cette question.

Pour ce qui est des coûts, si vous les examinez aujourd'hui, il y a déjà les questions des impôts et des déductions pour les employeurs qui prennent des mesures d'adaptation dans les lieux de travail. Il y a déjà des déductions accordées à d'autres groupes qui veulent offrir des services ou contribuer à définir la façon dont on le fait. Je crois que nous devons cesser de voir la question de l'adaptation aux besoins des personnes atteintes d'invalidité comme une faveur que nous leur faisons. J'y vois un attribut de citoyen, et que cela nous permet de nous épanouir sur les plans moral et social comme tous les autres êtres humains qui forment la société.

Alors si vous voyez quelque chose qui ne vous plaît pas, cela devrait vous inciter à le corriger, vous donner la motivation nécessaire. Il ne s'agit pas seulement de nous ici. Dans certains cas, je suis de l'autre côté de la barrière. C'est un principe général.

Je crois que nous devons reconnaître qu'à l'heure actuelle, nous avons parlé... et nous avons entendu ce qui s'est dit au sujet de la redistribution de la richesse. Je crois que ce principe s'applique à cette question aussi, mais suivant une approche générale et macro-systémique; chacun a le droit de participer. Chacun est tenu de prendre des mesures d'adaptation.

M. Hugh Scher: Je devrais peut-être ajouter un point au sujet de cette question de la discrimination systémique et des mesures correctrices.

Certaines personnes considèrent les personnes atteintes d'invalidité comme brisées. Ce sont des personnes qu'il faut réparer pour leur permettre de s'intégrer à la société. Si je suis en fauteuil roulant et que je m'approche de la table mais que la table est trop basse—je ne peux pas glisser mes jambes sous la table—je suis la source du problème. Mes jambes ne travaillent pas comme celles de tous mes voisins, alors il faut me réparer plutôt que de s'attaquer à la solution qui consiste à hausser la table.

C'est cela, l'adaptation. C'est cela, le respect. C'est cela, la dignité, l'égalité. C'est un aspect fondamental des droits des citoyens. C'est ce dont nous parlons ici.

M. John McKay: La question que soulève le projet de loi est celle du coût des mesures d'adaptation pour l'employeur ou l'organisation, et ce dont vous parlez, c'est de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation qui constitue, concrètement, une preuve de votre qualité de citoyen—les concepts sont différents, profondément différents sous certains angles.

Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci, monsieur McKay.

Madame Dalphond-Guiral.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je voudrais adresser ma question à Mme Lemieux-Brossard. Nous allons d'ailleurs changer un peu de sujet. Je vous dirai que, lorsque j'ai été élue députée en 1993, ma première action a été d'exiger une salle de bain avec une porte assez large pour pouvoir tourner en fauteuil roulant. J'ai aussi demandé que l'on ajoute une rampe et que l'on réserve des places de stationnement pour les personnes handicapées. Vous voyez donc que le concept d'accommodation que je préconise rejoint bien tout ce que vous dites.

Je vais vous parler des modifications au Code criminel qui sont prévues dans ce projet de loi et je voudrais vous demander si la peine maximale qui est prévue pour toute personne en situation d'autorité ou de relation affective particulière vous apparaît juste et suffisante. On parle ici d'une peine maximale de cinq ans.

• 1105

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Quand on s'engage sur la question de la pénalité ou de la sentence comme telle, il me semble qu'on assiste à une révision complète. Je pense que ce serait inapproprié de ma part de m'embarquer dans une question de quantum, considérant qu'il y a beaucoup de pression en ce moment de part et d'autre pour revoir toutes les sentences, en particulier les sentences minimums.

Il y a des principes à appliquer. C'est le point particulier de mon raisonnement et celui qui a également été adopté par le Conseil. Ma vie ne vaut pas moins que celle d'un autre. C'est à moi de déterminer si ma qualité de vie est bonne et si c'est ce que je veux. Il n'appartient pas à une autre personne de déterminer ou d'évaluer ma qualité de vie. C'est moi qui décide ce que je veux faire de ma vie et non un autre.

Je pense qu'à partir de ces trois principes qui font l'unanimité dans l'ensemble du milieu en ce moment, il est clair qu'il ne doit pas y avoir deux poids et deux mesures. Si on parle d'un délit, d'un crime ou d'une offense qui ressemble à ce qui existe déjà dans le Code criminel, la sentence doit être la même, quel que soit le quantum.

C'est ma façon de regarder la situation, parce que les chiffres peuvent varier d'une modification à l'autre et même au niveau du code des procédures et des directives qui sont données au Conseil de la magistrature. Il y a des règles de droit pénal qui s'appliquent au niveau des sentences minimales ou des sentences maximales, et le principe à retenir, c'est que pour un fait similaire, il faut une sentence similaire.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je voudrais tout de même vous demander s'il n'y a pas certaines personnes qui sont aux prises avec des déficiences et qui seraient plus vulnérables que d'autres personnes, finalement. Devrait-on considérer la notion de vulnérabilité?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Bien sûr, et c'est la raison pour laquelle l'article 153.1 est là. Selon le contexte, nous sommes tous vulnérables à partir du moment où nous sommes différents, que nous soyons différents au niveau des normes ou des directives données par le gouvernement. On est encore plus vulnérables. Selon le type de déficience, il y a effectivement des gens qui ont un soutien différent et qui dépendent de facteurs différents. En réalité, à partir du moment où il y a une dépendance, il y a une vulnérabilité. C'est la raison pour laquelle l'article 153.1 est proposé. C'est d'ailleurs dans cet esprit que j'ai fait partie du groupe et que j'ai soutenu cet article jusqu'au bout.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Donc, c'est un article que vous approuvez tout à fait tel qu'il est rédigé.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Oui. Il est essentiel.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je suis d'accord avec vous.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: En passant, je voudrais dire que vous n'avez pas d'espaces de stationnement extra-larges qui permettraient d'avoir des rampes sur le côté.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: On a exigé que ce soit de la largeur d'une wagonnette.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Oui, mais on ne peut pas descendre la rampe sur le côté pour sortir de la wagonnette.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Au Parlement; pas dans mon bureau.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Vous avez terminé, madame?

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci. Monsieur Lee.

[Traduction]

M. Derek Lee: J'aimerais en revenir à la modification du Code criminel. Premièrement, vous savez qu'il y a des articles du Code criminel qui, à l'heure actuelle, font de l'agression sexuelle un crime—vous ne pouvez l'ignorer. Des peines y sont prévues, et ces peines sont plus lourdes dans les cas où il y a un rapport de confiance. Ces dispositions sont déjà inscrites dans la loi. On propose maintenant une nouvelle modification, une modification qui sert certainement l'intérêt des personnes atteintes d'une incapacité mentale ou physique.

Est-ce que je peux vous demander de nous décrire ce que vous considérez comme étant la conduite criminelle, en particulier, la conduite criminelle visée par cet article? Concrètement, quel est le fait que cet article réprime?

• 1110

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Il réprime trois choses différentes pour différentes personnes. Si une personne est en situation de dépendance face à une autre—c'est ce que nous définissons comme l'autorité, avec la valeur de dépendance. Par exemple, vous êtes plutôt agressif depuis quelque temps; peut-être que si je vous laissais me masturber vous seriez moins tendu. Nous avons entendu cela bien souvent auparavant. Voilà quelque chose qui serait incriminé.

Le fait de suggérer que la personne paie pour des services serait aussi réprimé. Si cette personne s'engageait directement dans des activités sexuelles sans le consentement formel de l'autre—si elle n'en parlait pas mais s'engageait immédiatement dans une activité sexuelle—cela serait criminel.

M. Derek Lee: Vous croyez donc que l'article interdit de se livrer à une activité sexuelle ou à des attouchements. Est-ce que vous croyez que cela est interdit comme geste prohibé en vertu de cet article?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Oui, et c'était aussi ce que croyaient tous les autres avocats qui ont participé aux consultations des quatre dernières années.

M. Derek Lee: Très bien. Si je comprends bien, cet article n'interdit que le fait d'inviter, d'engager ou d'inciter. Si je ne me trompe pas dans mon interprétation, est-ce que vous seriez d'accord pour dire qu'un élément de cet article qui vous semble y être n'y est pas?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Non, parce qu'il y a quatre façons—et je pourrais vous citer plusieurs professeurs de droit spécialistes de l'interprétation des lois. Il existe diverses techniques qui servent à interpréter et à comprendre les textes législatifs.

En premier lieu, il faut comprendre la loi ou le texte dans son contexte global. Si, à des fins sexuelles, une personne «invite, engage ou incite la personne handicapée à la toucher..., directement ou indirectement»—et l'on précise directement—«avec une partie du corps ou avec un objet». Comment pouvez-vous toucher quelqu'un d'une autre façon?

M. Derek Lee: Vous avez mal compris mon intervention. Les mots importants, dans ce cas, sont que cela constitue une infraction pour une personne que d'inviter, d'engager ou d'inciter la personne à faire ces choses, mais ce n'est pas une infraction que de les faire. Je vous donne mon interprétation. Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Permettez-moi de lire d'abord cet article en français.

Si vous pouvez trouver un mot qui engloberait cet aspect, je ne m'y opposerais pas.

M. Derek Lee: Je vois. Je crois que nous cherchons encore la formule.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Je crois ce que je lis et l'orientation effectivement donnée par les tribunaux englobe cet aspect.

M. Derek Lee: Très bien, n'en parlons plus. Vous avez au moins répondu à ce que j'ai laissé entendre. Vous devrez peut-être lire à nouveau le libellé de la loi et y réfléchir.

Cet article particulier, tel qu'il est rédigé, s'appliquerait à un conjoint de droit ou à un conjoint de fait, n'est-ce pas?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Oui.

M. Derek Lee: Un conjoint ou un partenaire qui vous inviterait à des attouchements de caractère sexuel?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Sans consentement.

M. Derek Lee: En effet, sans consentement.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Comme cela est déjà prévu dans le Code criminel.

M. Derek Lee: Non, je suis désolé, cela n'y est pas.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Au Canada, cela est illégal. Il est contre la loi de violer son conjoint.

M. Derek Lee: Non, cet article particulier n'a pas trait à l'invitation, il n'a pas trait à l'attouchement.

C'est une infraction que d'agresser sexuellement une personne sans son consentement, mais ce n'est pas une infraction en vertu du droit canadien que d'inviter quelqu'un à avoir des relations sexuelles sans consentement. Le seul endroit où cela se trouve—je dirais qu'il s'agit d'une réserve—c'est dans le cas d'enfants, qui sont incapables de donner leur consentement.

Cet article met essentiellement les personnes atteintes d'invalidité dans la même catégorie que des enfants qui ne peuvent donner leur consentement et il interdit à une personne d'inviter quelqu'un à avoir des contacts sexuels. Cet article, comme je l'ai déjà dit, n'interdit pas le contact sexuel; il n'interdit que le fait d'inviter quelqu'un à en avoir. À mon avis, vous placez donc un conjoint, ou le partenaire d'une personne atteinte d'une invalidité, dans une situation où, techniquement, il commet une infraction criminelle s'il demande un contact sexuel. Qu'est-ce que vous dites de cette idée?

• 1115

M. Hugh Scher: Monsieur Lee, je peux peut-être vous répondre. Je suis moi-même avocat, je connais donc bien l'interprétation des lois. Si ce que vous dites est exact, vous affirmeriez avec raison que le fait d'inviter ou d'encourager ce type d'activité sexuelle... le fait de conseiller et d'encourager constitue une infraction. Mais suivant votre logique, vous diriez que si une personne se livrait concrètement à une activité sexuelle sans consentement, elle serait coupable d'agression sexuelle. Est-ce que...

M. Derek Lee: Eh bien, c'est ce que dit la loi. Si quelqu'un agresse sexuellement une autre personne sans son consentement, cela constitue une infraction.

M. Hugh Scher: C'est exact, mais en ce qui concerne l'encouragement et l'invitation, ou... Comprenez bien la raison d'être de cette disposition. Je vais la remettre en contexte, puis j'en viendrai aux détails.

M. Derek Lee: Je crois que nous comprenons tous le contexte. Les agressions sexuelles commises contre des personnes atteintes d'invalidité physique ou mentale sont un grave problème, un problème sérieux. Je comprends et j'appuie l'intention de l'article. Ce que je dis, c'est que nous devrions réviser le libellé.

Je veux vous donner un autre point de vue, et je vais vous demander d'y répondre.

Cet article interdirait une activité, l'invitation à avoir des contacts d'ordre sexuel, qui correspond à un droit protégé en vertu de la Charte, sauf dans le cas des enfants. Une personne qui veut avoir des relations sexuelles avec une personne handicapée se verrait, en vertu de cet article, supprimer ce droit. Ce droit, d'après ce que je sais—et j'entre dans des détails d'ordre très technique—, est protégé par la Charte. Il me semble que la façon dont l'article est libellé pourrait entraîner une contestation en vertu de la Charte. Je ne peux imaginer à qui cela profiterait, mais le tribunal devrait conclure que le fait d'interdire à quelqu'un de proposer un contact sexuel constitue une façon raisonnable de restreindre un droit garanti par la Charte.

M. Hugh Scher: Je crois comprendre ce que vous voulez dire, et j'y répondrais sans doute de la façon suivante. Je n'interprète pas la loi comme vous le faites, et c'est parce que le projet de loi, dans son libellé actuel, contient implicitement le terme «consentement». C'est le consentement à inviter, le consentement à engager, le consentement à encourager de tels actes, le fait de conseiller. Le consentement est donc un élément fondamental de ce point, et le consentement est essentiel avant de s'engager dans une activité sexuelle, en particulier entre une personne qui se trouve en position de confiance et quelqu'un qui est en situation de dépendance. Le projet de loi exige le consentement avant de s'engager dans une activité avec la personne.

M. Derek Lee: Avant de communiquer avec la personne...

M. Hugh Scher: Comme on le dit, avant...

M. Derek Lee: ... d'inviter, de conseiller.

M. Hugh Scher: Oui, c'est exact, le fait de solliciter, directement ou indirectement, de conseiller ou de pousser la personne à s'engager dans une activité sexuelle. On y affirme que le consentement est exigé avant que l'activité puisse être commencée. On ne dit pas que des gens mariés...

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): C'est avant que l'invitation soit lancée ou avant que l'invitation soit acceptée? Je crois que ce que M. Lee veut...

M. Hugh Scher: C'est avant même de présenter une invitation.

M. Derek Lee: À mon avis, non seulement cela impose le consentement, mais—c'est sans doute plus important—cela impose le crime.

M. Hugh Scher: Non, cela impose le consentement. Le caractère criminel doit être déterminé par un juge.

M. Derek Lee: Le fait d'inviter sans consentement est criminel en vertu de cet article.

M. Hugh Scher: C'est exact.

M. Derek Lee: Merci.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Je crois que nous devons examiner l'article à la lumière de quatre mots très importants: confiance, autorité, dépendance et consentement. Au bout du compte, je ne peux pas voir de quelle façon je vous laisserais m'inviter à vous toucher sans comprendre que je ne consens pas à cette invitation. Je crois que nous devons voir ce qui est écrit ici.

• 1120

Vous n'avez pas le droit de m'inviter à vous toucher ou à toucher votre corps ou à me toucher avec votre corps ou avec un objet si je n'y consens pas. Si j'y consens, il n'y a aucune difficulté.

M. Derek Lee: Même si je suis votre conjoint?

Mme Lucie Lemieux-Brossard: C'est ce que je fais avec mon mari. Demandez-le-lui. Si je n'y consens pas, il ne fait rien.

M. Derek Lee: Mais votre conjoint serait dans une situation où il est limité par un article du Code criminel.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: Cela n'y change rien.

M. Derek Lee: Tant qu'un cas difficile n'aura pas été entendu par les tribunaux, ce qui arrivera tôt ou tard, ces lignes resteront vagues.

Mme Lucie Lemieux-Brossard: N'est-ce pas la façon dont le droit évolue? Je crois que c'est ce qu'il se doit... Je ne vois pas pourquoi il faudrait changer cela.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): M. Lee a peut-être relevé ici une question linguistique. Il est très méticuleux lorsqu'il s'agit du bien-être des personnes handicapées. Il ne faudrait pas qu'un juge un peu moins bien informé puisse se méprendre, et je dis cela après avoir pris conseil. Si les médecins doivent suivre des cours de recyclage, il faudrait peut-être que les avocats et les juges le fassent aussi.

Auriez-vous la bonté de revoir cette question et de communiquer avec M. Lee, cela pourrait vous être utile à tous les deux. La question a fait l'objet d'une discussion assez vive l'autre jour.

Est-ce que cela vous conviendrait, monsieur Lee?

M. Derek Lee: Certainement, oui.

M. Hugh Scher: Nous avons l'intention de présenter un mémoire au comité. Nous pourrions y inclure une explication de l'article, de la façon dont il s'appliquerait, concrètement, afin d'apaiser vos inquiétudes.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Dans votre introduction, monsieur Scher, vous avez indiqué que c'était un peu comme de consigner les détails par écrit—des questions qui ont été examinées dans l'ensemble du pays et qui, aujourd'hui, sont regroupées dans une même loi—, mais que vous vouliez que l'on règle aussi d'autres questions. J'espère que vous mentionnerez ces questions supplémentaires dans votre mémoire, afin que nous puissions au moins y jeter un oeil.

M. Hugh Scher: Ces questions sont abordées dans notre mémoire, tout comme la question du respect du pouvoir de réglementation, dont je n'ai pas parlé ici. Nos commentaires au sujet du pouvoir de réglementation conféré au gouverneur en conseil, par opposition à la Commission elle-même, seront exposés dans notre mémoire. Nous y exprimerons en outre nos remerciements au Parlement, qui a prévu une période de six mois avant que le règlement ne devienne loi, afin de permettre des consultations. Nous considérons que c'est un progrès notable si l'on adopte le modèle du gouverneur en conseil en ce qui concerne la réglementation. Toutes ces questions seront comprises dans notre mémoire.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Étiez-vous ici pendant l'exposé de la Commission canadienne des droits de la personne?

M. Hugh Scher: J'ai assisté à une partie de cet exposé.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Alors vous répondrez à la préoccupation que la Commission a exprimée à cet égard.

M. Hugh Scher: Je ne le crois pas. À mon avis, nous échangeons à ce sujet depuis des années.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): La préoccupation de la Commission ou la façon dont le projet de loi actuel est rédigé?

M. Hugh Scher: Au fil des ans, nous nous sommes fait part de nos préoccupations quant à la façon dont le pouvoir de réglementation est concrétisé et expliqué dans le projet de loi, mais sur le plan de la législation nous sommes en faveur de la méthode proposée à l'heure actuelle.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci.

M. Hugh Scher: Ce n'était pas notre premier choix, mais cela demeure acceptable.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci. Je crois qu'il est important que nous sachions cela et nous vous serions reconnaissants de le mentionner clairement dans votre mémoire.

M. Hugh Scher: Nous le ferons.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Mesdames et messieurs mes collègues, quelqu'un a-t-il encore une question à poser?

Avez-vous un dernier mot à nous dire?

M. Hugh Scher: Très rapidement, je veux rappeler que les modifications dont nous parlons ici n'ont rien de révolutionnaire. Il s'agit simplement d'un premier pas pour mettre en place ce que les personnes atteintes d'invalidité demandent depuis 12 ou 15 ans. L'importance de ces modifications dans la vie quotidienne des personnes handicapées ne saurait être trop soulignée. Les modifications touchent la façon dont nous travaillons, dont nous voyageons, dont nous vivons et dont nous pouvons participer à la vie sociale, politique et économique au Canada. Elles ont un effet sur nos droits fondamentaux en tant que Canadiens.

Nous voulons voir ces modifications mises en oeuvre afin de pouvoir passer à un examen plus fouillé des droits de la personne, un examen des structures et des processus de la Commission, pour veiller à ce que les personnes atteintes d'invalidité puissent effectivement faire régler leurs plaintes grâce au système, un examen qui garantira que les enquêteurs de la Commission reçoivent une formation appropriée et adéquate pour traiter les questions soulevées par des causes de discrimination et par des causes liées aux mesures d'adaptation.

• 1125

Nous espérons que le Parlement du Canada adoptera rapidement de nouveaux motifs et de nouvelles modifications, y compris la reconnaissance des conditions sociales parmi les facteurs à considérer. Nous ne voulons pas que le Parlement du Canada se détourne du dossier des droits de la personne touchant les personnes handicapées après l'adoption du projet de loi. Nous souhaitons plutôt qu'en se fondant sur ce projet de loi, il se penche sur ce qui nous semble être des préoccupations plus fondamentales et plus critiques, celles de notre communauté, quand les droits fondamentaux à des mesures d'adaptation et à l'égalité seront reflétés dans la loi qui régit la sphère privée de l'intervention fédérale.

Je vous remercie de nous avoir écoutés aujourd'hui. Nous espérons que vous examinerez nos commentaires et l'importance de ces modifications pour notre communauté.

La présidente suppléante (l'hon. Sheila Finestone): Merci beaucoup. Vous êtes tous deux fort éloquents et vous communiquez efficacement vos idées. Après avoir entendu les préoccupations relatives aux droits de la personne dans le domaine de l'invalidité depuis L'égalité ça presse!, Égalité pour tous et L'équité en matière d'emploi: respect du principe du mérite, depuis 1984, je crois qu'il serait utile que vous fassiez le point sur l'évolution de la société canadienne en fonction des valeurs sociétales que vous nous avez présentées avec tant de soin et tant de compétence, car je crois que nous avons commencé à progresser.

Je suis très heureuse d'entendre, en particulier de vous, madame Brossard, que vous êtes disposés à appuyer le projet de loi et à en faire l'essai, parce que je crois que c'est une reconnaissance et une admission du fait que la société a évolué. Il nous a fallu 22 ou 23 ans, et tout n'est pas parfait, mais, au moins, nous savons maintenant où nous voulons aller.

Je vous remercie d'être venus témoigner ici aujourd'hui.

Il n'y a pas d'autres questions à examiner. La séance est levée.