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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 mars 1999

• 0913

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie-Lincoln, Lib.)): Nous recevons ce matin quatre témoins. Les deux premiers comparaîtront maintenant et les deux autres vers 10 h 30.

Souhaitons donc la bienvenue au chef John Lindsay, de l'Association canadienne des chefs de police, et à Grant Obst, de l'Association canadienne des policiers. Bienvenue encore une fois, messieurs. Merci beaucoup.

Nous vous accordons environ 10 minutes pour vos exposés. Nous passerons ensuite aux questions. Je sais que John Lindsay a un rendez-vous à 10 h 30, et nous essaierons de lui faire respecter son horaire.

Voulez-vous commencer, chef Lindsay?

Chef John Lindsay (président, Association canadienne des chefs de police): Merci, monsieur le président. Je voudrais d'abord remercier les membres du comité de donner à l'Association canadienne des chefs de police l'occasion de présenter notre point de vue au sujet du projet de loi C-251.

Lorsque je dis «notre» point de vue, je tiens à ce que le comité sache que nos membres, soit les chefs de police du Canada, estiment travailler au coeur des communautés qu'ils servent. En me présentant devant vous aujourd'hui, je déclare que nous estimons parler avec la même voix et au nom du Canadien moyen, plutôt que simplement au nom d'un groupe d'intérêts composé de chefs de police.

Mes propos sur le projet de loi C-251 ne se rapportent pas aux avantages techniques de la loi proposée. Je préfère me concentrer sur les objectifs des amendements dont vous êtes saisis.

Le problème, ou le mal, qu'on propose d'éliminer avec le projet de loi, d'après sa marraine elle-même, c'est le rabais sur le volume accordé à de nombreux contrevenants pour les crimes qu'ils ont commis. Ainsi, une personne qui commet de nombreux meurtres est automatiquement admissible à la libération conditionnelle après 25 ans. Je vous dirai que cette réalité n'est pas acceptée par les Canadiens comme une juste conséquence pour une conduite aussi horrible.

• 0915

La loi actuelle semble se moquer des tourments et des pertes subis par chacune des victimes. Quand je dis «victimes», je parle aussi des proches de ceux qui ont perdu la vie par suite d'un acte criminel. Dans notre système judiciaire actuel, il y a encore un déséquilibre délibéré entre les intérêts de ceux qui sont condamnés pour ces crimes horribles et ceux de leurs victimes.

Ce projet de loi vise la reconnaissance de la douleur et des souffrances de chacune des victimes, ainsi qu'à tenir responsables de leurs actes ceux qui ont commis des crimes graves. C'est une simple question de justice.

Le Code criminel reconnaît déjà un principe fondamental à considérer dans la détermination de la peine: la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Il s'agit de l'article 718.1.

À notre humble avis, l'impossibilité de prononcer une peine consécutive pour un contrevenant qui, par exemple, a commis un second meurtre va à l'encontre de ce principe fondamental de la détermination de la peine, puisque le contrevenant ne subit pas, en pratique, de conséquences pour le deuxième meurtre. On ne peut pas vraiment dire que cette personne, qui a été tenue responsable de ses actes, ou qu'on cherche à en tenir responsable, a une quelconque imputabilité lorsqu'elle n'a pas à subir les conséquences pratiques de sa mauvaise conduite.

En disant cela, je ne veux pas que le comité ait l'impression que l'Association canadienne des chefs de police estime que des peines sévères sont la solution pour tous les crimes. À ce sujet, notre association reconnaît que la souplesse dans le prononcé des peines est un concept important et approprié pour la majorité des crimes dont traite le système de justice pénale.

Dans la plupart des cas, il faut tenir compte des circonstances de chaque affaire dans la détermination de la peine la plus appropriée. Toutefois, lorsqu'il s'agit des crimes les plus graves, comme ceux prévus dans ce projet de loi, la souplesse devient un luxe superflu. Pour de pareils crimes, la question de l'imputabilité du délinquant et la reconnaissance du prix payé par ses victimes doivent être les principales considérations dans la détermination de la peine; autrement, toute la crédibilité du système judiciaire est minée aux yeux du public, et les peines et les souffrances des victimes de ces crimes graves ne sont qu'alourdies.

L'Association canadienne des chefs de police donne donc son accord de principe à ce projet de loi. Nous recommandons fortement au comité de faire bon accueil aux objectifs qui sous-tendent ce projet de loi.

C'est ici que je m'arrête, monsieur le président. Merci.

Le président: Merci, chef Lindsay.

Grant Obst.

Constable Grant Obst (président, Association canadienne des policiers): Bonjour, mesdames et messieurs.

Merci beaucoup de permettre à l'Association canadienne des policiers de présenter son avis au sujet de ce projet de loi.

Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis Grant Obst; je suis le président de l'Association canadienne des policiers et je suis aussi un agent de police, un patrouilleur en uniforme, au Service de police de Saskatoon, en Saskatchewan.

L'Association canadienne des policiers représente environ 35 000 policiers de tous rangs, travaillant aux premières lignes. Comme vous le savez sans doute, nous sommes déjà venus souvent ici exprimer notre point de vue sur les modifications au Code criminel.

Je vais peut-être ruiner ma carrière politique à titre de président de l'Association, mais je dois dire que je suis plutôt d'accord avec ce que vient de dire le chef Lindsay. Nos membres ne trouveraient toutefois pas grand-chose à redire par rapport à la position de l'Association canadienne des chefs de police au sujet de ce projet de loi.

Les policiers des premières lignes sont constamment en contact avec les malheureuses victimes des criminels. Très souvent, cette rencontre personnelle avec ces malheureux fait bien comprendre ce qu'un crime grave fait à une personne, à une famille, à une communauté. Bien entendu, ce projet de loi porte sur ce que nous appelons les crimes les plus répréhensibles qui soient contre l'humanité: le meurtre et l'agression sexuelle.

Nous sommes en faveur du principe selon lequel les gens doivent être tenus responsables des infractions qu'ils commettent, et doivent être tenus responsables de chacune de ces infractions, surtout s'il s'agit de meurtre ou d'agression sexuelle. Nous nous opposons à ce qu'il y ait des rabais sur le volume pour ceux qui ont la chance de commettre quelques infractions avant de se faire arrêter.

• 0920

Je pense en ce moment aux meurtriers en série qui ne cesseraient pas de faire des victimes. Dans leur cas, la seule différence, c'est le moment auquel on leur met la main au collet. D'après la loi actuelle, les deuxième, troisième, quatrième, cinquième victimes et les autres après sont sacrifiées dans notre régime de détermination de la peine.

La théorie ou le principe qui dit qu'on n'a qu'une vie et que la condamnation à perpétuité, c'est pour la vie, n'est pas accepté par nos membres. Et bien honnêtement, il ne le serait pas davantage par le public s'il le comprenait ou s'il savait que ce principe est toujours invoqué. Je crois vraiment que pour la plupart des gens, un meurtre au Canada veut dire l'emprisonnement à vie, et que c'est vraiment pour la vie.

Je ne pense pas que le public sait qu'après 25 ans on envisagera une libération conditionnelle, ou même avant s'il y a un examen judiciaire après 15 ans. Je ne crois pas que le public sait vraiment que si l'on tue plus d'une personne, tous les meurtres ultérieurs sont sans conséquence.

Nous croyons que chaque victime compte. Je ne veux même pas imaginer ce que c'est que d'être le parent d'un enfant qui a été tué. Le visage de Clifford Olson me vient à l'esprit. C'est toujours à lui que je pense, parce qu'il est probablement l'exemple le plus frappant, le mieux connu. Nous travaillons constamment avec des mères, des pères, les parents des enfants qui ont eu le malheur de succomber entre les mains de Clifford Olson. Je crois que le public ne sait pas que le deuxième, le troisième, le quatrième et ainsi de suite jusqu'au onzième enfant ont été tous mis dans le même sac, pour une peine correspondant uniquement à la première infraction.

Vous avez reçu le mémoire de l'Association canadienne des policiers. Je ne vais pas vous le lire; je sais que vous savez tous lire. Vous avez d'ailleurs probablement dans votre bibliothèque personnelle toute la série des mémoires de l'Association canadienne des policiers. Je vous prierais de lire ce mémoire-ci soigneusement avant de l'ajouter à votre collection.

Les policiers de première ligne auraient quelques propositions à faire pour modifier ce projet de loi. Nous ne sommes pas convaincus qu'il tient compte des infractions d'agression sexuelle armée, d'agression sexuelle grave et d'agression sexuelle causant des lésions corporelles. Je ne suis pas avocat, mais si ces infractions ne sont pas dans le projet de loi, nous estimons qu'elles devraient y être, et nous vous le recommandons.

Par ailleurs, si vous voyez des points faibles dans ce projet de loi, nous espérons certainement que vous y apporteriez les changements que vous estimez nécessaires—sans pour autant le diluer—afin qu'ils reviennent à la Chambre des communes et obtiennent l'attention qu'ils méritent de la part de nos députés.

Vous savez sans doute tous que l'Association canadienne des policiers était en ville, ces deux derniers jours, pour visiter des députés afin de parler de questions précises qui intéressent particulièrement notre association. Ce projet de loi a reçu l'appui unanime de nos membres de tout le pays.

Je répondrai volontiers aux questions, si c'est possible.

Je dois vous dire que M. David Griffin ne pouvait être avec nous ce matin. C'est plutôt M. Joe Ross qui m'accompagne, le vice-président exécutif de l'association.

Merci beaucoup.

Le président: Bienvenue, monsieur Ross.

M. Joe Ross (vice-président exécutif/secrétaire-trésorier, Association canadienne des policiers): Merci.

Le président: La parole est maintenant à M. Abbott, qui a sept minutes.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci aux représentants des deux organismes qui ont pris le temps de nous présenter un exposé. C'est manifestement pour vous une question importante, comme, je crois, pour la majorité des députés.

Un commentaire du chef Lindsay a suscité mon intérêt. Je l'ai écrit rapidement, peut-être pas avec une grande précision: à son avis, il n'y a pas de conséquences, en pratique, pour un deuxième meurtre. Il est intéressant aussi de constater que M. Obst a fait la même observation.

Les exposés présentés hier par les ministères critiquaient le fait que la marraine du projet de loi parle de rabais sur le volume pour les meurtres multiples, une expression saisissante. C'est très bien; c'est le genre de chose qui attire l'attention sur le fait que dans le cas des meurtres à répétition, dans le cas des infractions sexuelles en série, il n'y a pas actuellement de conséquences pratiques, d'après le régime de détermination de la peine.

• 0925

M. Daubney, qui représentait le ministère de la Justice hier, a signalé que les articles 272 et 273 n'étaient pas traités dans le projet de loi. Je pense que l'exposé de l'ACP, qui propose d'inclure les articles 272 et 273 dans le projet de loi, est très utile, et j'espère que le comité en tiendra compte.

J'ai un petit avantage par rapport à votre désavantage, messieurs, mais je vais poser quelques questions à partir des statistiques qu'on nous a présentées hier.

Nous recevions hier le SCC, qui nous a donné des pourcentages du nombre d'infractions de nature sexuelle, des statistiques sur les libérations, le taux des libérations, le pourcentage moyen de la peine purgée avant la libération, les taux de récidive, et tout cela en pourcentages, jamais en nombre d'années. Pensez-vous que ce soit vraiment utile? Ne diriez-vous pas, comme moi, qu'en présentant les choses sous forme de pourcentages plutôt qu'en nombres d'années, on ne sait pas pendant combien d'années le public est protégé contre ces délinquants violents, qui commettent des crimes graves? Il serait peut-être bon qu'on nous présente cela en nombres d'années.

On nous a aussi présenté des statistiques du SCC sur des comparaisons avec d'autres pays pour ce qui est des meurtres au premier degré, mais pas de statistiques sur les infractions multiples—autrement dit, une comparaison d'un pays à l'autre, à partir des infractions multiples. Ne diriez-vous pas que nous devrions avoir aussi ces statistiques-là—autrement dit, qu'il était peu utile de nous donner uniquement les statistiques pour les meurtres au premier degré?

Const. Grant Obst: C'est une coïncidence intéressante que vous parliez ce matin du SCC. Nous avons eu une discussion intéressante avec le commissaire, hier, et nous lui avons posé quelques questions. Il nous a volontiers fourni l'information dont nous avions besoin.

À mon avis, quelle que soit la question, plus on est informé, plus l'information est exacte, mieux on est informé et meilleures sont les décisions qu'on prend. Pour moi, c'est un principe fondamental. Je ne peux pas prendre d'engagement pour M. Ingstrup, mais il nous a certainement donné tout ce dont nous avions besoin. Je présume que vous lui avez aussi demandé ce dont vous aviez besoin.

M. Jim Abbott: Malheureusement, dans l'exposé d'hier, le ministère a choisi de nous donner uniquement des pourcentages plutôt que des chiffres en nombres d'années.

Quel est l'effet sur le patrouilleur d'une situation où il semble qu'on ait pratiquement des portes tournantes? Je pense particulièrement aux contrevenants récidivistes, multirécidivistes et, plus particulièrement, aux délinquants violents. Qu'est-ce que cela signifie pour l'application de la loi? Pouvez-vous nous décrire cela, puisque nous sommes tous préoccupés par la sécurité des villes canadiennes, particulièrement pour les plus vulnérables d'entre nous? Qu'est-ce que cela signifie lorsque les contrevenants purgent entre le tiers et la moitié de leur peine avant de revenir dans la société?

Const. Grant Obst: Il est évident que le projet de loi dont nous parlons porte directement sur des crimes très graves, mais en général, en tant que policier, ce que j'entends toujours lorsque je parle à mes collègues... Quand nous traitons avec le public—presque toujours avec les gens qui ont été victimes de crimes, du genre d'activités dont vous avez parlé, monsieur Abbott—nous voyons un manque de confiance dans le système judiciaire. Nous sommes aux premières lignes de ce système et nous venons souvent vous dire ce qui ne tourne pas rond à nos yeux. Comme association de policiers, nous sommes auprès du public, et dans bien des cas nous essayons de corriger des choses, d'apporter des améliorations.

En tant que policier, quand je suis en patrouille, il m'incombe de défendre le système judiciaire, et je crois en ce système. Je suis votre patrouilleur dans la rue, et je dois croire en la justice. C'est ce que je fais. C'est l'engagement que j'ai pris. Mais certaines choses que vous avez décrites sont frustrantes; elles causent le manque de confiance du public, auquel nous essayons de remédier en expliquant bien ce qui se passe.

• 0930

Mais il est très difficile d'expliquer à quiconque a perdu un proche que pour son meurtrier, la perpétuité, ce n'est pas toute la vie. Je sais que nous ne sommes pas ici pour parler de l'article 745, mais vous connaissez notre position à ce sujet. Heureusement, je n'ai jamais été dans la situation où il s'agissait d'un meurtre multiple, mais je ne peux que croire que cela aggraverait beaucoup les choses si les victimes... Même si je n'ai jamais vu de près cette situation, j'ai parlé à Sharon et Gary Rosenfeldt, dont le fils a été une des victimes de Clifford Olson. J'ai vu leur réaction à ce que vous avez appelé, je crois, les «rabais sur le volume», dont on parlait aussi dans notre mémoire; il s'agit du fait que tout meurtre ultérieur est sans conséquence, sans coût supplémentaire.

M. Jim Abbott: Qu'est-ce que cela signifie pour vos membres? Quelle est leur réaction? Comment va leur moral? S'expriment-ils? Ils ont toutes les meilleures intentions du monde, je n'en doute pas, mais comment leur moral est-il touché?

Const. Grant Obst: Cela nuit au moral. Je le répète, les policiers canadiens sont à mon avis extrêmement professionnels et s'acquittent de leurs tâches de leur mieux, avec les outils dont ils disposent, mais en leur âme et conscience, lorsqu'ils sont confrontés à ce genre de chose, il est assez difficile de faire preuve de confiance. Je crois fermement que les hommes et les femmes qui appliquent les lois au Canada font de leur mieux, mais ils nous envoient ici pour que nous essayions d'améliorer les choses, et nous ne serions pas là s'ils ne pensaient pas qu'il y a un problème.

M. Jim Abbott: Pour résumer, vous...

Le président: Merci, monsieur Abbott. Vous devrez attendre le prochain tour.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Messieurs Obst, Ross et Lindsay, ça me fait plaisir de vous revoir aujourd'hui.

J'ai tendance à être assez direct dans ce que je pense et ce que je dis. Je n'ai jamais caché mes opinions. Je dois avouer que, dès le début, je ne me suis pas fait d'idée sur le projet de loi de Mme Guarnieri. Je n'ai pas décidé si j'allais l'appuyer ou m'y opposer, d'où l'intérêt que je porte aux questions que je vais poser et qui doivent être posées, selon moi.

Monsieur Obst, quel est le but exact du projet de loi et est-ce que le projet de loi de ma collègue répond bien à l'objectif visé?

[Traduction]

Const. Grant Obst: Monsieur Marceau, nous croyons que le projet de loi permettra d'exiger des comptes du contrevenant pour chaque infraction. Les meurtres ou les agressions sexuelles en série ne seront pas tous mis dans le même panier, ce qui empêche les victimes d'obtenir réparation. En cas de meurtre, cette mesure va certainement prolonger la période d'emprisonnement, mais dans le cas d'agression sexuelle elle incitera le juge à réfléchir à la période d'incarcération qu'il y a lieu d'imposer au coupable pour chacun de ses crimes. Si le juge veut réduire la peine, il peut toujours le faire, mais les crimes seront punis séparément au lieu d'être regroupés.

Quant au but de ce projet de loi, il repose sur plusieurs principes, mais il s'agit avant tout de tenir le criminel responsable de chaque infraction. C'est un principe que les simples policiers, de même que les chefs de police, d'après ce qu'a dit le chef Lindsay, appuient majoritairement.

[Français]

M. Richard Marceau: Donc, vous êtes satisfait du projet de loi dans sa forme actuelle.

[Traduction]

Const. Grant Obst: À l'exception des deux domaines que j'ai mentionnés. Je ne suis pas certain que cela s'applique aux agressions sexuelles graves ou aux agressions sexuelles armées ou causant des lésions corporelles, mais je peux vous dire que les policiers aimeraient que ce soit inclus.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord. Nous, les politiciens, entendons souvent dire, lorsque nous retournons chez nous ou lorsque nous voyageons d'un bout à l'autre du Canada, qu'Ottawa est loin et a tendance à s'immiscer un peu trop dans la vie des Canadiens et des Québécois.

• 0935

Voici ce à quoi je veux en venir. À l'heure actuelle, un juge a beaucoup de pouvoirs discrétionnaires. À mon avis, le juge est souvent mieux placé que nous, qui sommes à Ottawa dans une sorte de bulle, pour connaître et analyser les cas d'espèce. Est-ce qu'en adoptant un projet de loi tel que celui-ci, en faisant du mur à mur, on ne prédétermine pas des sentences, ici à Ottawa, alors que celles-ci devraient être déterminées par le juge sur place, qui a entendu la cause et qui a vu tous les effets qui ont découlé de l'infraction? N'est-il pas un peu présomptueux de notre part d'imposer la peine à des juges à partir d'ici, à Ottawa?

[Traduction]

M. John Lindsay: Si vous me permettez de répondre, monsieur Marceau, je crois qu'Ottawa se trouve parfois bien loin, mais le fait est que la justice est un problème très local et que c'est ce que ressentent les gens qui s'y intéressent au niveau local. Cela ne fait aucun doute selon moi. Le fait est également que les juges doivent avoir la possibilité d'imposer la sentence qui convient après avoir entendu les témoignages. Il n'y a aucun problème de ce côté-là.

Là où un problème se pose, c'est que ces dernières années nous avons assisté à un certain nombre de phénomènes, surtout en ce qui concerne les crimes les plus graves qui font l'objet d'une condamnation à perpétuité. Nous savons qu'en fait, au Canada, les condamnations à perpétuité n'en sont pas vraiment. Néanmoins, l'affaire Sinclair jugée par la Cour d'appel de l'Ontario, il y a 30 ans, est à l'origine d'une croyance selon laquelle il ne peut y avoir de condamnation à perpétuité consécutive. Personne ne le contestera, étant donné que l'on n'a qu'une seule vie, mais là où le problème se pose, c'est que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle n'est comptée qu'une fois, si bien que les infractions multiples sont considérées comme une seule infraction.

Nous disons seulement qu'au nom de la justice et de l'équité il faut les considérer séparément, car il s'agit d'infractions séparées. Cela tient compte du fait que la justice a une application locale, et cela permet au juge d'imposer la sentence qu'il juge appropriée dans les circonstances. La libération conditionnelle et son application suscitent de sérieuses préoccupations, et je crois que ce projet de loi tient compte du fait que ces infractions devraient être considérées séparément.

[Français]

M. Richard Marceau: J'ai, comme certains diraient, la mauvaise habitude, et d'autres, la bonne habitude, de faire un peu de recherche avant de venir en comité. Le feeling que j'ai en vous écoutant, c'est que la prémisse est que le pouvoir discrétionnaire des juges joue nécessairement en faveur de l'accusé. Il me semble qu'un arrêt de la Cour suprême—il faudrait que je le vérifie—qui remonte à 1995-1996 prévoit que le pouvoir discrétionnaire d'un juge lui permet d'imposer une peine cumulative de 25 ans. Donc, le pouvoir discrétionnaire des tribunaux ne joue pas toujours en faveur des accusés. Je vous pose cette question comme ça, sans arrière-pensée, parce que j'aimerais bien connaître votre opinion: est-ce que le pouvoir discrétionnaire des juges joue nécessairement en faveur de l'accusé ou s'il peut jouer parfois contre l'accusé, comme dans le cas dont a décidé la Cour suprême en 1996?

[Traduction]

Const. Grant Obst: Si vous me permettez de répondre à la question, monsieur Marceau, je ne suis pas certain d'en avoir compris la première partie, mais j'ai l'impression que les juges ne peuvent pas, en cas de meurtres multiples, imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

[Français]

M. Richard Marceau: Selon les quelques notes que j'ai prises tout à l'heure, il s'agissait d'un agresseur sexuel et pédophile qui avait été déclaré coupable à plusieurs chefs d'accusation, dont celui d'agression sexuelle armée.

• 0940

On avait contesté devant la Cour suprême la peine cumulative de 25 ans d'emprisonnement qui avait été imposée à l'agresseur. Les avocats de l'accusé soutenaient qu'on ne pouvait pas imposer à un client une peine cumulative de 25 ans, puisqu'aucune peine cumulative ne pouvait dépasser ou égaler les peines à perpétuité. La Cour suprême avait dit: Je suis désolée, mon ami, mais s'attaquer à des enfants de cette manière est tellement révoltant et dégueulasse qu'il peut y avoir des peines consécutives totalisant 25 ans même si c'est plus qu'une peine à perpétuité.

[Traduction]

M. John Lindsay: Monsieur Marceau, je vous répondrai que j'ignore si vous êtes d'accord ou non. En tout cas, personnellement, je crois qu'il faut préserver ce principe et que la meilleure façon d'y parvenir est de modifier le Code criminel pour préciser très clairement que les juges ont le pouvoir discrétionnaire d'imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Ce serait, selon moi, la meilleure façon de leur conférer ce pouvoir. Ce serait une excellente façon d'appliquer la politique publique.

[Français]

M. Richard Marceau: Chacun à notre façon, nous sommes en politique. Dans vos postes, vous faites de la politique un peu différemment de nous, mais vous en faites quand même. Monsieur Obst, vous connaissez mes positions sur de nombreux sujets puisque nous nous sommes déjà rencontrés. Vous disiez que l'image du visage de Clifford Olson vous revenait en mémoire lorsque vous parliez de ce projet de loi. Je crois me rappeler qu'une expression anglaise—l'anglais n'est pas ma langue première—dit quelque chose comme hard cases make bad law. Est-ce qu'en utilisant un exemple aussi horrible que celui de Clifford Olson, on ne fausse pas un peu le débat? C'est quand même une exception, ce gars-là. Enfin, je l'espère.

[Traduction]

Const. Grant Obst: Il n'a rien d'exceptionnel comme tueur en série. Il est sans doute le plus connu, et c'est pour cette raison que je cite son exemple. Mais je pourrais mentionner plusieurs autres cas semblables, et je le ferai à l'avenir.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Marceau.

Monsieur MacKay, ne devrions-nous pas donner la parole à nos collègues à ma droite et revenir ensuite à vous?

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Très bien. Merci.

Le président: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci, messieurs.

Monsieur Lindsay, vous n'avez pas présenté de mémoire par écrit. Nous avons seulement le mémoire de l'Association canadienne des policiers, n'est-ce pas?

Const. Grant Obst: C'est exact.

M. Paul DeVillers: J'examinais ce mémoire où il est question des mythes et des réalités. En ce qui concerne le mythe selon lequel la condamnation à l'emprisonnement à perpétuité est réellement à perpétuité, j'ai du mal à comprendre vos objections. Lorsqu'un individu est condamné à perpétuité, c'est la sentence qui lui est imposée. Il reste en prison jusqu'à la fin de sa vie. Le problème porte donc sur l'incarcération, et non pas sur la sentence. Il s'agit plutôt de voir si une personne qui a été condamnée est effectivement incarcérée. Est-ce bien ce que voulez dire?

Const. Grant Obst: Je ne contesterai pas ce que vous dites, monsieur. Il est question ici de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, et cela tourne donc autour de l'incarcération.

M. Paul DeVillers: Par conséquent, il est question ici du système de libération conditionnelle et de savoir si la libération conditionnelle devrait être accordée dans certains cas. Est-ce sur ce plan que vous voyez des objections au système actuel?

Const. Grant Obst: En partie. Mais le principe dont nous avons longuement discuté ici, le fait qu'un criminel doit rendre compte de chacun de ses crimes, a également des répercussions pour la victime, à savoir que la victime constatera que le système pénal tiendra compte de chaque victime. C'est également un aspect important.

M. Paul DeVillers: Mais une fois qu'un individu a été reconnu coupable d'un des crimes visés par ce projet de loi ou une autre disposition du Code criminel, il restera en prison jusqu'à la fin de ses jours. Ce n'est pas contesté.

• 0945

Ce qui me préoccupe, c'est l'efficacité de notre système de libération conditionnelle, et c'est sur ce sujet que j'aimerais vous poser des questions. À titre de chef de police et de policier, avez-vous des difficultés avec des individus qui ont été emprisonnés pour 25 ans ou toute autre période et qui se retrouvent en liberté conditionnelle? Ces gens-là vous posent-ils des problèmes.

M. John Lindsay: En fait, chaque fois que vous vous retrouvez devant un récidiviste, vous faites face à un problème qui n'aurait pas eu lieu si l'individu en question était resté en prison. Ce n'est pas toujours un argument valide pour dire qu'il faudrait garder les gens indéfiniment derrière les barreaux.

Mais cela pose certains problèmes pratiques. Le premier, bien sûr, quand on a un régime de détermination de la peine qui ne permet pas d'imposer des peines consécutives dans le genre de situations auxquelles s'applique ce projet de loi, c'est que chaque fois que la police entame une nouvelle enquête pour une deuxième, troisième ou énième infraction, elle doit y consacrer des ressources à des fins qui ne sont pas toujours claires, si ce n'est qu'il faut valider le principe de la primauté du droit. Bien entendu, c'est un des rôles de la police, sinon le plus évident, et c'est certainement un rôle très important.

Mais, si vous le permettez, je crois qu'une analogie s'impose. Si nous reconnaissons que l'individu est responsable des crimes qu'il commet, et cela autant pour une première infraction que pour les suivantes, les conséquences devraient en témoigner. Par exemple, si vous achetez une propriété—et c'est peut-être un exemple un peu facétieux—pour laquelle vous souscrivez un prêt hypothécaire et si vous achetez peu de temps après une deuxième propriété, normalement vous devez prendre une deuxième hypothèque. Si vous appliquez à cet exemple le système que nous avons pour la détermination de la peine, cela ne ferait qu'augmenter la durée du prêt hypothécaire au lieu de vous obliger à rembourser un deuxième prêt. Nous estimons que, par souci d'équité, il faudrait que ces crimes fassent l'objet d'une peine distincte.

M. Paul DeVillers: Mais le régime de libération conditionnelle tient compte des délinquants secondaires lorsqu'il examine l'admissibilité à la libération conditionnelle, etc. Le régime actuel tient compte de ces choses-là.

Je sais que vous pensez également que la Commission nationale des libérations conditionnelles est un organisme de prise de décisions indépendant voué à la sécurité publique. D'après ce que je peux comprendre, je crois que vous n'acceptez pas que la Commission nationale des libérations conditionnelles et le régime de libération conditionnelle soient tels... à moins que vous ne vous opposiez à ce que chaque condamnation soit assortie de périodes supplémentaires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Si quelqu'un se trouve dans le système et que ce système fonctionne en bonne et due forme, il tient nécessairement compte des nouvelles infractions, etc. Le régime a pour objectif premier de protéger la société. Je sais que M. Abbott se plaignait des statistiques et des pourcentages qu'on lui donnait. Je ne sais pas où il voulait en venir. Mais, à mon avis, rien, ou presque, ne permet de croire que ce régime ne donne pas de bons résultats. J'ai du mal à comprendre le pourquoi de ce projet de loi.

Compte tenu des amendements apportés à l'article 745, des amendements qui ont été récemment apportés aux dispositions relatives aux détenus purgeant une peine de longue durée, sans parler de celles sur les délinquants dangereux qui figurent dans le Code criminel, pourquoi ce projet de loi est-il nécessaire malgré les dispositions qui servent à régler les cas du type Olson et Bernardo? Pourquoi ce texte de loi est-il nécessaire, alors que ces dispositions existent déjà dans le Code criminel?

M. John Lindsay: Si vous me le permettez, monsieur le président, je ne crois pas être là pour discuter de la Commission nationale des libérations conditionnelles et de ses divers régimes. Les frustrations ne manquent pas en la matière, j'en conviens. Ce que je dis à propos de ce projet de loi, c'est qu'au lieu de voir dans une deuxième infraction un déterminant ou une circonstance aggravante par rapport au premier délit perpétré, cette infraction devrait être jugée séparément. C'est ainsi qu'il faudrait faire. Avec tout le respect que je vous dois, c'est cette façon de procéder que nous préconisons.

• 0950

Je vais en rester là.

M. Paul DeVillers: Mais vous n'avez pas répondu à ma dernière question sur les dispositions du Code criminel, qui portent sur les délinquants dangereux, les délinquants purgeant une peine de longue durée, et sur les amendements apportés à l'article 745. Compte tenu de ces trois éléments—et je crois que vous les avalisez tous, ou presque—pourquoi ce texte de loi est-il nécessaire, puisque ces dispositions existent déjà dans le code?

M. John Lindsay: Ce projet de loi prévoit l'imposition de sanctions très précises en cas d'infractions graves. Pour répondre à votre question, je dirais que, même si ces dispositions sont excellentes, elles ont créé des montagnes de travail pour les services de police en ce qui concerne les délinquants dangereux et les délinquants ayant perpétré des infractions graves. Contrairement à ce qui se passait il y a plusieurs années, de nombreux services de police doivent maintenant envoyer des agents de police aux quatre coins du pays pour qu'ils assistent aux audiences de libération conditionnelle pour y faire leurs observations. C'est une tâche non négligeable.

Là encore, si je puis me permettre, je dirais qu'une solution à cette situation peut être trouvée de manière plus efficace et plus rapide directement, en jugeant l'infraction comme une infraction distincte lorsque les témoignages sont entendus.

Le président: Monsieur Peter MacKay, êtes-vous prêt?

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président, et excusez-moi de mon retard.

Je vous remercie de votre exposé.

Ce que j'aimerais vous entendre dire, ou ce que nous aimerions entendre, à propos de cette question, c'est que, comme vous êtes des agents de police de première ligne, sans parler de ceux qui travaillent dans la collectivité... un solide sentiment de frustration habite la population en général. Il ne faut pas toujours se fier aux apparences, mais j'ai la nette impression que le public estime que nous ne faisons pas tout ce que nous pourrions faire en tant que législateurs pour protéger les gens.

Il me semble qu'en cas de meurtre, et, dans une certaine mesure, en cas d'agression sexuelle grave, nous sommes en présence, pour ce qui est du bien-fondé des dispositions sur la détermination de la peine, de l'exemple le plus frappant du caractère sacré de la vie humaine que nous reconnaissons à travers ces dispositions. Comme vous l'avez dit, si l'impression donnée lors de la détermination de la peine est qu'un second meurtre perpétré n'est considéré que comme une circonstance aggravante, c'est un camouflet administré à notre appareil judiciaire.

Ce changement qui est proposé au Code criminel attache une importance spécifique à chaque meurtre perpétré, et la peine déterminée par le tribunal en tient compte. Or, si le juge décide d'imposer 14 ans pour chaque meurtre, ou 10 ou 15 ans, peu importe le nombre d'années, si ces peines sont servies consécutivement, je dirais que les victimes ont alors le sentiment que la perte d'un membre de leur famille a été au moins reconnue d'une certaine façon par le tribunal. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Const. Grant Obst: Vous avez tout à fait raison. Je pense que nous en avons parlé un peu plus tôt et dans notre exposé, monsieur MacKay, lorsqu'il était question des victimes impliquées dans ce genre de choses, et on en revient ainsi à la question précédente. Dans notre pays, les services de police ne jugent pas d'un mauvais oeil le régime de libération conditionnelle. Ce régime est un élément nécessaire de l'intégration ou de la réintégration sociale des délinquants. Dans de nombreux cas, c'est une partie très importante et nécessaire du système judiciaire.

Ce qu'il faut garder à l'esprit à propos de ce projet de loi, c'est que nous nous sommes intéressés aux crimes les plus répulsifs et les plus répréhensibles qui puissent être perpétrés contre l'humanité. Je pense que dans ce domaine l'appareil judiciaire pourrait s'efforcer de retrouver la confiance que les camouflets créent parfois, ou l'absence de confiance qu'ils créent. Nous pourrions retrouver cette confiance si nous soustrayions les infractions les plus graves de la libération conditionnelle dans une certaine mesure, si nous les traitions comme elles devraient l'être en permettant à chaque victime d'assumer sa douleur pour lui permettre de retourner à la vie. À l'heure actuelle, cela ne se produit pas dans de nombreux cas.

• 0955

M. Peter MacKay: Mais ne pensez-vous pas que la libération conditionnelle s'appliquera tout de même aux peines imposées? Il est manifeste que le nombre d'années purgées en prison augmentera. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance des statistiques que le ministère nous a fournies hier, mais d'après ces statistiques les peines de prison augmenteraient en moyenne de 5,4 années dans certains cas. Le nombre de détenus libérés diminuerait. Ne peut-on pas dire qu'au bout du compte quelqu'un qui aurait tué une personne ou qui l'aurait violée sera libéré moins rapidement et risquera moins de perpétrer le même acte?

Const. Grant Obst: C'est la sécurité du public qui est en cause, et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. C'est exactement ce qui se produit à l'heure actuelle.

Là encore, nous ne pensons pas que dans tous les cas la solution soit d'enfermer quelqu'un et de jeter la clé. Mais il arrive un moment où le balancier penche de l'autre côté, si je puis m'exprimer ainsi. Il arrive un moment où la police et, je crois, les électeurs que vous représentez veulent surtout enfermer ces gens-là, les empêcher d'être libérés pour qu'ils ne puissent pas perpétrer davantage d'infractions.

M. Peter MacKay: On nous a donné des statistiques très intéressantes. Si c'est cela l'objectif recherché, je dois dire que ces statistiques indiquent que le taux de récidive a diminué dans certains cas. Des changements se font sentir, mais un délai suit toujours les changements législatifs. Mais si nous pouvions réduire encore davantage ces chiffres, réduire le taux de récidive et de libération des détenus... Si une personne inculpée de meurtre est libérée sous condition et qu'elle commet un autre meurtre, si on peut l'en empêcher d'une façon ou d'une autre, n'est-ce pas là ce que nous devrions essayer de faire au bout du compte?

Const. Grant Obst: Nous étions ici il n'y a pas si longtemps pour discuter de la conduite avec facultés affaiblies. Effectivement, le nombre de ces infractions a diminué, mais il demeure qu'une personne est tuée par un chauffard toutes les cinq heures. Je ne dis pas qu'il faut ne rien faire en espérant que le problème disparaîtra. Il faut continuer d'y travailler et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Si nous pouvons apporter d'autres améliorations, faisons-le.

M. Peter MacKay: Je suppose que vous exprimez l'opinion du plus grand nombre lorsque vous comparaissez ici au nom des agents de police du pays. À votre avis, les agents de police s'associent à ces changements législatifs.

Const. Grant Obst: Il n'y a aucun doute là-dessus.

M. John Lindsay: Au nom des chefs de police, je peux dire que nous sommes tous d'accord là-dessus.

M. Peter MacKay: Les chefs de police et l'Association canadienne des policiers se concertent sur un certain nombre d'initiatives en étroite collaboration avec le ministère de la Justice.

Const. Grant Obst: Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais en l'espèce, comme je l'ai dit tout à l'heure—et cela vous a peut-être échappé—, M. Lindsay a présenté un exposé que je ferais bien volontiers mien. Je lui dirai merci car nous sommes entièrement d'accord.

M. Peter MacKay: Vous apporteriez ce changement sans hésitation.

Const. Grant Obst: Sans hésitation aucune.

M. Peter MacKay: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Abbott, vous avez trois minutes.

M. Jim Abbott: Merci.

Je crois qu'il est très intéressant d'entendre les partisans du projet de loi C-68 dire que si on peut sauver une seule victime, cela vaut la peine. Dépensons 200 millions de dollars, faisons ce qu'il faut faire, sauvons une vie, même si cela ne permet de sauver qu'une victime. Pourtant, il me semble que ces mêmes partisans du projet de loi C-68 disent maintenant qu'il faut faire attention. Cela me semble un peu incongru.

Pour la gouverne de mon collègue du Parti libéral, je citais des statistiques en rapport à une question posée à nos témoins. Je critiquais le fait que ces statistiques nous étaient présentées isolément, que ces chiffres nous étaient présentés sous forme de statistiques et non d'années, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

• 1000

Un délinquant sexuel est l'auteur d'un véritable carnage quelque part. Au bout du compte, il est reconnu coupable de quatre infractions sexuelles graves et est condamné, disons, à cinq ans de prison.

Je voudrais vous reporter à un paragraphe du mémoire de l'ACP auquel je m'associe entièrement. Le voici:

    Les Canadiens et Canadiennes sont vivement conscients du fait que les pratiques actuelles, en matière d'imposition des peines et de remise en liberté sous condition, sont incohérentes. Cette incohérence mine la confiance de la population dans l'application des lois, plus particulièrement en ce qui concerne notre système judiciaire dans son ensemble. Le projet de loi C-251 constitue une première étape importante vers le rétablissement de la confiance publique et l'introduction du principe de la juste détermination des peines.

Je n'aurais pas pu le dire mieux. Pour répondre à la question posée par mon collègue du Parti libéral, revenons au délinquant sexuel qui a été reconnu coupable de quatre infractions graves mais qui n'est condamné qu'à cinq ans de prison. La population suppose qu'elle sera protégée, que la société sera soustraite aux méfaits de cette personne pendant cinq ans. Elle est déjà ulcérée de constater qu'il a été condamné à cinq ans de prison pour chaque infraction, mais que toutes ces peines seront purgées en même temps. Or, en réalité, même selon les statistiques qui nous ont été fournies par le ministère—qui étaient de 45,83 p. 100, 48 p. 100 et 48 p. 100, disons donc 50 p. 100—, ce délinquant sera libéré dans deux ans et demi. C'est ce que disent les statistiques du ministère.

Maintenant, disons que cet individu est reconnu coupable non pas de quatre infractions mais de huit; dans ce cas, je suis à peu près sûr que le juge le condamnerait vraisemblablement toujours à cinq ans, auquel cas il y aura escompte de volume. C'est de là que vient l'expression «escompte de volume».

Je sais que j'ai déjà posé cette question, mais j'aimerais que vous nous en disiez plus, si vous voulez bien. Ce délinquant a été reconnu coupable de quatre ou de huit infractions. Le public suppose qu'il sera protégé de ce délinquant. Quels en sont les effets sur le moral de vos gens? Sur vos ressources? Je suis sûr que vous avez déjà été mis en présence d'une affaire de ce genre. Que pensez-vous lorsque ce délinquant est libéré, selon les statistiques du ministère, au bout de deux ans et demi?

Const. Grant Obst: Cela mine les efforts de la police. Un sentiment de frustration s'installe chez l'agent de police. Il faut faire une nouvelle enquête, reficeler toute l'affaire et incarcérer de nouveau cet individu, tout cela à grands frais et pour le voir libéré du fait de l'escompte de volume. Je suis sûr que le chef de police s'associe à mes propos.

Cela mine notre travail, sape notre profession. C'est plutôt décourageant pour un agent de police qui passe 25 ou 30 ans de sa vie à essayer de protéger le public, de vider les rues de ces individus sinistres pour les empêcher de s'en prendre à votre fils ou à votre fille. Cela sape tous nos efforts et crée une certaine dissension dans les rangs des agents de police.

M. Jim Abbott: Monsieur Lindsay, si vous le permettez, je vais profiter de votre titre de conseil de la reine. Prenez le projet de loi C-251. Je vais vous lire le paragraphe 271(2):

    La sentence imposée à une personne pour une infraction prévue au paragraphe (1) est purgée consécutivement

Et cela continue.

Pensez-vous que cette modification proposée par le projet de loi C-251 élimine le pouvoir discrétionnaire du juge? Autrement dit, il n'a plus de liberté de choix. En fait, le juge ne peut faire autrement; en présence d'infractions multiples, les peines imposées devront nécessairement être purgées consécutivement. Connaissez-vous suffisamment bien l'article 271 du Code criminel pour pouvoir nous dire si tel est effectivement le cas?

Puis-je poser cette question. Si cette disposition était modifiée et qu'on y insérait le terme «peut», le paragraphe en question serait le suivant:

    La sentence imposée à une personne pour une infraction prévue au paragraphe (1) peut être purgée consécutivement dans ce cas,

le juge aurait le loisir de déterminer si les peines imposées seraient purgées consécutivement ou non.

• 1005

M. John Lindsay: Merci, monsieur Abbott. Vous avez raison, j'ai le titre de CR. Mais je dis aux gens que c'est «caractère rare» plutôt que conseil de la reine.

Quant au libellé de la disposition du projet de loi—et j'ai dit auparavant que je n'allais pas faire d'observations sur les détails techniques du projet de loi—, il est à caractère obligatoire, si bien qu'aucun pouvoir discrétionnaire ne peut être exercé, alors qu'il pourrait l'être dans le cas que vous proposez.

Je voudrais en revenir à la position adoptée par l'Association canadienne des chefs de police qui ne préconise aucun pouvoir discrétionnaire; à notre avis, les peines imposées pour des infractions perpétrées consécutivement devraient être purgées consécutivement et la loi devrait établir à titre de principe que ces infractions doivent faire l'objet d'une peine distincte et consécutive.

M. Jim Abbott: Bien, merci.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci beaucoup de vos exposés. Au-delà de ce projet de loi, je pense que ce sujet est très délicat car il fait remonter des tas d'émotions.

Je ne veux pas me lancer dans un débat technique. Je crois que personne autour de cette table, en fait aucun député, ne contesterait le fait que les Olson de cette Terre devraient être incarcérés à tout jamais. Vous dites que vous avez cité l'affaire Olson en exemple parce que c'est celle qui est la plus connue. Vous auriez pu tout aussi bien parler des affaires Legere, Bernardo et d'autres.

Je ne parle pas de jugement émotionnel, mais de jugement analytique. Avez-vous l'impression que la loi actuelle ne suffit pas pour permettre de garder des individus comme Olson et Bernardo derrière les barreaux jusqu'à la fin de leurs jours?

M. John Lindsay: Vous savez, il serait plus facile de parler du cas d'Olson car s'il obtenait jamais la libération conditionnelle, ça déclencherait une véritable levée de boucliers. N'empêche que cette libération est une réalité du point de vue des travaux de la Commission des libérations conditionnelles.

Les meurtres et les agressions sexuelles en série se produisent beaucoup plus souvent que nous ne sommes malheureusement prêts à l'accepter. Il serait beaucoup plus souhaitable d'aborder la question avec certitude, tel que le prévoit ce projet de loi, que de prévoir des pouvoirs discrétionnaires lorsqu'il est question de juxtaposer à la première infraction. Encore une fois, j'en reviens à la question de l'équité des sentences. Il faudrait aborder ces questions de façon systématique afin d'assurer non seulement la protection du public, mais en même temps un châtiment proportionnel au crime.

M. Jacques Saada: Ma deuxième question va être très difficile à formuler et j'espère que je pourrai me faire comprendre.

Vous avez parlé du découragement de certaines victimes qui constatent que le criminel a été condamné à perpétuité pour un autre crime et qui ont donc le sentiment qu'on ne reconnaît pas leur propre souffrance. Hier, à propos d'une question sur ce sujet, j'ai cru comprendre qu'il pourrait...

Je vais reformuler ma question. Si un criminel est condamné à perpétuité, étant entendu qu'il n'obtiendra pas la libération conditionnelle et qu'il sera visé par les dispositions concernant les délinquants dangereux, la situation sera-t-elle moins décourageante? Je ne connais pas la réponse, car j'ai la chance de ne pas faire partie des victimes. Mais je voudrais vous poser la question. Je vais également la poser aux victimes.

• 1010

Sera-t-il moins décourageant d'obtenir seulement une partie de la condamnation à perpétuité en compensation du crime dont je suis victime au lieu d'obtenir que l'individu qui a commis ce crime et d'autres crimes se trouvera derrière les barreaux pour toujours? Si je fais partie des victimes, en quoi cela m'avancera-t-il de savoir qu'on m'a accordé une partie de la vie du criminel au lieu de me dédommager collectivement? Est-ce moins décourageant ou plus décourageant ou cela ne change-t-il rien?

M. John Lindsay: Nous entendons constamment parler de la souffrance des victimes et cela fait partie de la vie du policier. Les victimes veulent notamment se faire entendre personnellement. Le crime dont ces personnes ont été victimes doit être considéré comme un événement particulier. Mon association estime que ce projet de loi permet aux victimes de constater que leur cas fait l'objet d'une attention particulière. Je crois donc qu'elles trouveront beaucoup de consolation dans le fait que leur cas est considéré comme un cas unique et que le criminel a été condamné pour le crime commis contre elle au lieu qu'on se soit contenté de tout mettre dans la première infraction.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: C'est sur le même sujet, sur l'aspect opposé. Si j'ai bien compris, M. Saada demande quelle consolation une victime tirera du fait que le criminel fera de la prison pour le crime dont elle-même ou sa famille a souffert. Quelle souffrance les victimes éprouvent-elles à l'idée que le système pénal n'a pas reconnu le crime commis contre elles ou que la peine de prison imposée... et les choses sont exprimées de façon très impersonnelle, comme le font toujours les tribunaux et le système pénal. Il est question de gradation des peines, de calculs et de peines concurrentes et consécutives. On essaie d'enlever à tout cela l'élément humain, ce qui est impossible pour les victimes.

Quel est le degré de découragement, et je dirais même, dans quelle mesure la situation contribue-t-elle au phénomène du justicier si la victime constate que le tribunal n'impose pas des peines consécutives et ne reconnaît pas ainsi qu'on lui doit des années d'emprisonnement pour le crime commis contre elle? Si deux personnes sont tuées l'une après l'autre ou simultanément et que le criminel est condamné à deux peines concurrentes de 25 ans d'emprisonnement ou moins, dans quelle mesure les victimes estiment-elles avoir été oubliées dans le processus de détermination de la peine? Vous connaissez certainement le principe de la «totalité» en vigueur dans le système judiciaire, un principe selon lequel vous ne pouvez pas aller au-delà de 25 ans d'emprisonnement.

M. John Lindsay: Monsieur le président, je répondrai à M. MacKay que, de toute évidence, je ne peux pas prétendre être un expert ou le porte-parole des victimes. Je constate toutefois que, dans les villes que nous desservons, la réputation de l'administration de la justice est ternie dans une certaine mesure et que la façon dont les peines sont actuellement imposées pour les crimes les plus graves engendre un manque de confiance dans le système pénal.

La meilleure réponse que je puisse vous donner est donc qu'une initiative correspondant au projet de loi C-251 redonnerait confiance aux gens dans le fait que ces crimes très graves sont considérés séparément et indépendamment les uns des autres. Les gens auraient ainsi le sentiment d'être entendus et l'impression que chacun de ces crimes est traité comme un cas particulier.

M. Peter MacKay: J'ai une très brève question complémentaire. Il a été question des coûts. Certaines victimes trouveront inacceptable que l'on parle d'argent, mais pensez-vous qu'il y a là un aspect préventif qui reviendrait moins cher que l'incarcération d'un criminel pendant une plus longue période?

• 1015

M. John Lindsay: À propos des ressources, j'ai mentionné en ce qui concerne les infractions multiples qu'à chaque fois qu'une nouvelle infraction est commise, la police doit dépenser des ressources pour enquêter et porter la cause devant les tribunaux. Il est très difficile de comptabiliser les événements qui ne se produisent pas, mais on peut supposer que si un contrevenant qui purge des peines de prison consécutives n'est pas là pour récidiver, les ressources des services de police seront moins mises à contribution.

Mais ce n'est qu'un aspect secondaire de notre obligation de faire respecter la loi. Si vous le permettez, je dirais que c'est avant tout une question d'équité.

M. Peter MacKay: Merci beaucoup.

Le président: Merci.

C'est le tour de mes collègues à ma droite, M. John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib): Merci. Je m'excuse également de ne pas avoir été présent quand vous avez fait votre exposé. Nous devons tous nous partager entre plusieurs comités et diverses obligations.

Je voudrais en venir à votre conclusion à savoir que les meurtriers et les violeurs ne devraient pas obtenir un rabais sur la quantité. C'est certainement une déclaration accrocheuse. Elle semble assez bien résumer votre position.

Hier, le ministère nous a présenté des statistiques selon lesquelles pour les cas d'agression sexuelle, la peine moyenne est à environ 50 p. 100 plus longue pour les accusations multiples que pour les accusations uniques. Également, pour ce qui est des meurtres, il est dit au paragraphe 745(b) qu'une personne qui a déjà été condamnée pour homicide coupable équivalant à meurtre doit être condamnée à l'emprisonnement à perpétuité sans pouvoir obtenir la libération conditionnelle avant d'avoir purgé au moins 25 ans de sa peine.

Les statistiques et cette disposition du Code criminel semblent contredire l'idée à l'origine de ce projet de loi, à savoir que les meurtriers et violeurs récidivistes obtiennent un rabais sur la quantité. Je serais curieux de savoir ce que vous avez à répondre à cette disposition du Code criminel et aux statistiques qui indiquent que ces rabais ne sont pas réellement accordés.

Const. Grant Obst: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question, mais...

M. John McKay: La moyenne des peines d'emprisonnement est de 50 p. 100 plus longue dans les cas d'accusations multiples d'agression sexuelle.

Const. Grant Obst: C'est exact.

M. John McKay: Dans ce cas, comment peut-on parler d'un rabais sur la quantité?

Const. Grant Obst: Si le juge tient compte de la multiplicité des crimes, il peut toujours imposer une peine un peu plus longue. Mais à notre avis, il ne la multiplie pas par le nombre exact de crimes. Cela n'empêche évidemment pas un juge de rajuster à la hausse la peine pour tenir compte de chaque crime, mais il devra justifier sa décision et expliquer pourquoi tel crime n'a valu à celui qui l'a perpétré que six mois, alors qu'il aurait dû être assorti d'une peine de cinq ans.

M. John McKay: Si vous obligez un juge à imposer des peines consécutives... Supposons que quelqu'un commette quatre infractions qui seraient chacune assorties de deux ans d'emprisonnement: pouvez-vous imaginer qu'un juge imposerait une sentence de huit ans—pour quatre infractions assorties de deux ans chacune—et que le contrevenant soit condamné à une peine foncièrement disproportionnée par rapport aux infractions qu'il a commises? Dans un régime de peines concurrentes, les quatre infractions pourraient valoir à l'accusé cinq ans, quatre ans, ou quelque chose de cet ordre, ce qui est quand même plus proportionné au type d'infractions et ce qui tient quand même compte de la réaction de la société. Que dites-vous de ces deux situations?

Const. Grant Obst: J'essaie d'imaginer la chose. Je crois que même si le juge est lié par ce projet de loi-ci, il a quand même la latitude d'imposer un nombre de mois de prison qui lui semble raisonnable en regard de telle ou telle infraction.

Le président: Vous en êtes à votre dernière question, monsieur McKay.

M. John McKay: Mais est-ce que vous ne coincez pas le juge en faisant cela? Ce qui se passera, c'est que le juge imposera une peine à rabais pour la première infraction en diminuant la durée de l'emprisonnement, car il devra la multiplier à cause de ce projet de loi. Au fond, cela revient au même.

• 1020

Const. Grant Obst: On en revient encore au fondement premier, qui est la juste détermination des peines. Nous pensons que l'on doit dire franchement et clairement combien vaut chaque crime. À notre avis, ce projet de loi-ci oblige le juge à justifier les raisons qui l'ont poussé à assortir tel crime de telle peine. Mais il revient à chacun de décider si c'est ou non ce qu'il convient de faire.

M. John McKay: Mais un juge doit s'expliquer publiquement sur les raisons qui l'ont mené à imposer telle peine d'emprisonnement à tel accusé.

Const. Grant Obst: Je crois que si vous deviez poser la question à vos électeurs, vous constateriez qu'ils sont en général mécontents des peines imposées. C'est du moins le cas dans ma propre région.

M. John McKay: Je vous ai d'abord demandé combien de fois...

Le président: Monsieur McKay, je dois vous interrompre.

Voulez-vous répondre rapidement, monsieur Obst?

Const. Grant Obst: Non merci.

Le président: Voilà tout le temps que nous avions. Je remercie...

M. Jim Abbott: Monsieur le président, si vous regardez votre montre ou l'horloge qui se trouve derrière vous, vous verrez qu'il nous reste une dizaine de minutes.

Le président: Mais nous avons un problème d'ordre logistique: M. Lindsay doit se rendre à une autre réunion à 10 h 30, et c'est pourquoi nous devons nous interrompre.

M. Jim Abbott: Je voulais simplement que l'on puisse donner aux libéraux un petit cours de mathématique sur la détermination de la peine.

Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu ce matin.

Nous pourrions prendre une pause de cinq minutes, après quoi nous entendrons MM. Sullivan et Rosenfeldt.

• 1022




• 1027

Le président: Nous accueillons ce matin Gary Rosenfeldt, directeur exécutif de Victims of Violence Centre for Missing Children et Steve Sullivan, directeur exécutif du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.

Messieurs, soyez à nouveau les bienvenus. Vous avez droit à une dizaine de minutes chacun pour faire un exposé, après quoi nous passerons aux questions.

M. Steve Sullivan (directeur exécutif, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci, monsieur le président. Je vais commencer, puis je céderai la parole, M. Rosenfeldt.

Je n'ai pas préparé de mémoire aujourd'hui, car j'avais l'impression que la question était des plus simples. Il y a évidemment des considérations d'ordre technique sur lesquelles votre comité voudra sans doute se pencher, mais pour ce qui est des principes qui sous-tendent le projet de loi, il suffit d'y adhérer ou pas.

J'ai écouté les témoins qui m'ont précédé, et j'ai pensé que je pourrais peut-être répondre à certaines des critiques qui ont été formulées ou aux préoccupations que pouvaient avoir les membres du comité. J'ai apporté avec moi copie du mémoire présenté hier par le ministère de la Justice, et j'ai pensé que je pourrais peut-être revenir à certains aspects qui ont été soulevés hier.

L'une des préoccupations que l'on a fait valoir, et qui rejoint même les miennes, c'est justement que le projet de loi ne va pas suffisamment loin dans ses dispositions portant sur les agressions sexuelles. On parle de peines consécutives pour les cas d'agression sexuelle et des autres peines qui peuvent être imposées à la suite d'une condamnation. Notre organisation voudrait que les mesures visent particulièrement les agresseurs sexuels en série, et je crois même que c'était là l'intention de la députée qui a parrainé le projet de loi. Vous voudrez peut-être faire modifier le projet de loi de façon que les peines consécutives s'appliquent dans le cas des agresseurs sexuels en série, et pas uniquement dans le cas des autres crimes.

Le ministère de la Justice s'est inquiété de ce que le projet de loi n'allait pas suffisamment loin, et c'était aussi l'avis de l'association des policiers. Le projet de loi ne mentionne aucunement les agressions sexuelles graves et les agressions sexuelles commises avec l'aide d'une arme ou entraînant des lésions corporelles, qui sont les deux formes d'agression sexuelle les plus graves. Nous vous suggérons donc d'amender le projet de loi pour inclure ces deux cas.

On a beaucoup entendu parler du pouvoir judiciaire discrétionnaire et de la façon dont le projet de loi pourrait limiter ce pouvoir. Je crois au contraire que le projet de loi ne le limite aucunement, et j'imagine que nous y reviendrons plus en détail un peu plus tard.

• 1030

Je vous ferais remarquer que le projet de loi C-68, que nous avons appuyé car nous avons toujours affirmé qu'une vie n'avait pas de prix, limitait lui aussi le pouvoir discrétionnaire du juge. Vous avez affirmé que quiconque utilise une arme à feu pour commettre une infraction se verrait condamner d'office à une peine de quatre ans. Pour moi, cela revient à limiter le pouvoir discrétionnaire du juge. On pourrait même faire valoir que dans le projet de loi sur les jeunes contrevenants que vous vous apprêtez à adopter et dans lequel vous rabaissez l'âge auquel un jeune est traduit automatiquement devant un tribunal pour adultes, vous limitez également le pouvoir judiciaire discrétionnaire. Or, on a demandé à votre comité de se pencher sur les dispositions régissant les peines consécutives dans le Code criminel, parce que la ministre s'inquiète du pouvoir discrétionnaire des juges et de la façon dont ils établissent les sentences.

N'oubliez pas que votre gouvernement et ceux qui l'ont précédé ont toujours été préoccupés par les pouvoirs des juges. Les Canadiens, eux aussi, s'en sont préoccupés. D'où l'importance de la question.

J'aimerais signaler que le projet de loi ne contient aucune disposition prévoyant une peine obligatoire minimale dans les cas d'agression sexuelle. Le projet de loi porte simplement que dans les cas de multirécidive, le juge doit tenir compte de chaque infraction au moment de déterminer la peine. Le projet de loi ne l'oblige pas à imposer une peine plus longue. La peine peut parfois être plus longue, mais elle ne l'est pas obligatoirement.

Dans les cas de meurtre au premier degré, les juges n'ont actuellement aucun pouvoir discrétionnaire: ils doivent imposer l'emprisonnement à perpétuité, sans admissibilité à la libération conditionnelle pendant 25 ans. Dans les cas de meurtre au deuxième degré, les juges ont un certain pouvoir discrétionnaire lorsqu'ils établissent la période d'admissibilité à la libération conditionnelle; mais lorsque l'on parle de pouvoir discrétionnaire pour le juge, il faut bien comprendre que ce pouvoir est limité, et que ces limites se justifient.

Quant aux dispositions portant sur les cas de meurtre, le projet de loi ne remet aucunement en question, à mon avis, le bien-fondé de notre système de libération conditionnelle. Je suis, en effet, convaincu que notre système de libération conditionnelle est l'un des meilleurs du monde. De plus, je comparaîtrai dans quelques mois à un de vos sous-comités pour vous aider à le perfectionner encore. Donc, le projet de loi n'a rien à voir avec le bien-fondé de notre système de libération conditionnelle, puisqu'il ne traite pas directement de la Commission des libérations conditionnelles. Le projet de loi ne fait que fixer la date à laquelle le détenu a le droit de demander sa libération conditionnelle.

À mon avis, ce projet de loi établit les principes sur lesquels on se fixe pour déterminer la peine. Il reconnaît que les meurtres multiples font de multiples victimes. Il n'y est pas question de savoir si la Commission des libérations conditionnelles considérera un meurtre supplémentaire comme une circonstance aggravante ou comme un élément d'information supplémentaire. Il y est question de beaucoup plus que cela. Après tout, nous parlons de vies. Laisser la décision entre les mains de la Commission des libérations conditionnelles ne tient pas compte de la gravité du crime dont il est question ici.

Je suis sûr que M. Rosenfeldt vous expliquera plus en détail, lors de son témoignage, ce que le projet de loi représente pour lui, en tant que victime.

Quant aux autres critiques à l'égard du projet de loi ou aux autres préoccupations, on a déjà dit que l'emprisonnement à perpétuité reste toujours à perpétuité. Certains détenus peuvent attendre toute leur vie durant d'être libérés sous condition. Il existe des moyens qui permettent aujourd'hui d'incarcérer les Clifford Olson de ce monde jusqu'à la fin de leurs jours. Il n'y a pas à revenir là-dessus. J'imagine que Clifford Olson restera toujours derrière les barreaux. Mais ce que notre système n'est pas en mesure de reconnaître, par exemple, c'est que le fils de M. Rosenfeldt était sa troisième victime. Au fond, le meurtre de Daryn n'a eu aucun poids dans la peine imposée à son meurtrier, et même si l'appareil judiciaire permet d'emprisonner jusqu'à la fin de ses jours son meurtrier, il ne reconnaît pas les autres victimes qui sont mortes après la première.

On a également critiqué le projet de loi en faisant valoir qu'il reflétait un principe américain, c'est-à-dire qu'il s'appuyait beaucoup trop sur l'incarcération. Je vous signalerais qu'un sondage effectué par Mme Guarnieri, dont votre comité n'a peut-être pas copie, révélait que 90 p. 100 des Canadiens sont pour l'imposition de peines consécutives aux meurtriers. Je ne crois pas que tenir un criminel responsable de chacun de ses crimes puisse être considéré comme un principe américain. En tout cas, c'est un principe auquel souscrivent sans réserve la majorité des Canadiens, comme le confirme le sondage.

Mais revenons aux peines consécutives qu'un juge imposerait à un délinquant sexuel: si ce juge se sentait obligé, en audience publique, d'imposer une sentence plus longue parce que le nombre de victimes le justifie, il me semble qu'une transparence de ce genre dans notre appareil judiciaire ne pourrait être que bénéfique.

Les doléances à propos de l'article 745 concernent, outre son existence même, le fait que, lorsqu'un juge impose l'emprisonnement à perpétuité à un détenu et lui interdit la libération conditionnelle avant 25 ans, ce même juge n'est pas obligé d'expliquer que le détenu peut demander une révision judiciaire de son cas après 15 ans. M. Rosenfeldt pourra, en effet, vous confirmer qu'il a eu l'impression, en tant que victime, qu'on lui avait menti. À sa place, les Canadiens auraient la même impression. Il n'y a rien de mal à insister pour que la détermination de la peine soit un processus juste et transparent et à exiger des juges qu'ils justifient leurs décisions. Après tout, nous les payons grassement, et les critiques à leur égard font partie des inconvénients du métier.

• 1035

Il faut s'inquiéter lorsque l'on voit que les Canadiens commencent à perdre foi dans notre justice. On a récemment entendu dire à plus d'une reprise qu'il y avait moins de plaintes d'agression sexuelle qu'auparavant. Il y a sans doute de nombreuses raisons à cela. L'une d'elles, à mon avis, c'est que beaucoup de victimes et beaucoup de plaignantes n'ont plus confiance dans notre système et choisissent carrément de ne pas appeler la police.

C'est très grave! C'est un phénomène qui devrait inquiéter notre gouvernement, nos corps de police et tous les autres Canadiens aussi. Il faut que la population continue à croire en notre justice. L'un dans l'autre, il me semble que nous avons un bon système juridique, mais il faut faire en sorte que les criminels sachent que nous tenons compte de tous leurs crimes et qu'ils ne pourront pas en commettre impunément.

Nous avons entendu des références à Olson—j'ai fait moi-même référence à Clifford Olson—mais je pourrais vous citer une douzaine de noms d'autres tueurs en série dont les victimes auraient pu exprimer les mêmes sentiments que ceux qu'évoquera tout à l'heure M. Rosenfeldt. Il ne s'agit pas de Clifford Olson ni de Paul Bernardo, il s'agit du principe de la reconnaissance de chacune des victimes et de la place qu'elles occupent.

Je vais maintenant céder la parole à M. Rosenfeldt. Je répondrai volontiers tout à l'heure à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Sullivan.

Monsieur Rosenfeldt.

M. Gary Rosenfeldt (directeur exécutif, Victims of Violence Centre for Missing Children): Merci beaucoup, monsieur le président.

Mesdames, messieurs, monsieur le président, je voudrais tout d'abord exprimer mes remerciements à Mme Guarnieri pour la présentation de ce projet de loi à la Chambre. Et je vous remercie de prendre aujourd'hui le temps d'en discuter au Comité de la justice.

Je me réjouis de voir qu'on a posé un certain nombre de questions aux membres des services de police, à l'Association canadienne des chefs de police et à l'Association canadienne des policiers à propos des victimes. Il est encourageant de voir les membres du Comité de la justice poser des questions sur la situation des familles et exprimer leurs préoccupations à leur sujet. Croyez-moi, nous l'apprécions beaucoup. Nos représentants élus n'expriment de telles préoccupations que depuis quelques années.

Le témoin qui nous a précédés a dit qu'il ne pouvait pas parler au nom des victimes. Il n'est pas victime lui-même et ne peut donc pas parler en leur nom, mais il entre en contact avec de nombreuses victimes. À mon avis, il est sans doute tout à fait capable de parler en leur nom compte tenu de la nature de son travail.

Je ne prétendrai pas aujourd'hui parler au nom de toutes les victimes de la criminalité au Canada. Depuis 1984, c'est-à-dire depuis la création de notre organisme Victims of Violence, je suis entré en contact avec des centaines de victimes de meurtre au Canada. J'en rencontre régulièrement. Nous avons aussi des contacts quotidiens avec les victimes de meurtre aux États-Unis.

Je suis intervenu dans ce domaine, comme l'a indiqué Steve, à cause de ce qu'a subi notre famille. Notre fils, comme vous le savez sans doute, est l'un des 11 enfants qui ont été enlevés, violés et assassinés par Clifford Robert Olson le 21 avril 1981. Je n'entrerai pas dans les détails du traumatisme, de la douleur et de la souffrance vécus par notre famille. Je peux simplement vous dire que la douleur reste immense malgré les années qui passent, et elle ne disparaît pas. Elle n'a pas disparu en 17 ans et je suis certain qu'elle restera présente jusqu'à notre mort.

Mais ce qui ajoute au traumatisme, à la douleur et à la souffrance qui continuent d'accabler les familles, comme la famille de Daryn, c'est de savoir que l'homme qui a perpétré ce crime contre notre fils, celui qui lui a fracassé le crâne avec un marteau avant d'avoir des relations sexuelles avec lui, ne purgera pas une seule journée en prison du fait de ce qu'il a infligé à notre fils. La triste réalité, c'est que notre fils était le troisième des 11 victimes.

Clifford Robert Olson a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité et à l'époque, on nous a dit—c'est ce que nous n'avons jamais compris et que nous ne comprenons toujours pas aujourd'hui—qu'il n'avait qu'une vie pour purger sa peine et qu'il serait vain de condamner un individu à 11 peines d'emprisonnement à perpétuité puisqu'il n'a qu'une vie.

Je me demande en réalité si au Canada, l'emprisonnement à perpétuité signifie véritablement la perpétuité. D'après tous les documents des Services correctionnels du Canada que j'ai pu lire, il semble qu'on doive veiller à la réadaptation des détenus. On s'efforce donc de réadapter Clifford Robert Olson de façon qu'il puisse réintégrer la communauté. J'ai entendu le ministre de la Justice du Canada, peut-être pas la ministre actuelle mais l'actuel solliciteur général du Canada et ses prédécesseurs, qui disaient constamment que le système actuel avait pour objet la réadaptation de ces individus de façon qu'ils puissent réintégrer la communauté.

• 1040

Par ailleurs, depuis que nous travaillons avec les victimes, nous entendons couramment les solliciteurs généraux dire aussi que personne ne reste en prison à perpétuité, et que tous les détenus finissent par être libérés. On nous a dit cela, et j'ai vu de nombreux articles indiquant que l'on préparait la remise en liberté d'Olson.

En réalité, moi qui suis ici aujourd'hui, je ne peux pas croire que Clifford Robert Olson va mourir en prison; je n'y crois pas. Et de ce fait, il est encore plus difficile de faire face à la réalité du meurtre de notre fils. C'est très difficile.

J'ai écouté hier soir une cassette de Donny Edwards. Je suis sûr que certains d'entre vous le connaissent. Son existence a été dévastée par le meurtre de ses parents il y quelques années. Il parlait notamment de la difficulté d'admettre que le meurtrier, qui a tué ses deux parents, a été condamné pour tentative de meurtre. On a affaire à trois crimes très graves pour lesquels cet individu a été condamné; or, en réalité, il ne va purger qu'une seule sentence.

Je me souviens qu'il y a quelques années, à Winnipeg, j'ai expliqué que le système actuel de détermination de la peine est une véritable farce: je citais une affaire dans laquelle un homme qui avait tué une femme dans son immeuble était jugé pour ce crime. Apparemment, il a levé la main et a dit: «Excusez-moi, Votre Honneur, j'ai un autre meurtre à confesser», et il a confessé un autre meurtre qu'il avait commis quelques années auparavant, parce qu'il voulait obtenir des peines concurrentes pour les deux meurtres.

Autrement dit, il n'y a pas de peine pour l'autre crime. On les réunit, ce qui fait que pour moi et pour les nombreuses victimes dont nous nous occupons, ce système de détermination de la peine est une véritable farce.

Je me souviens d'un autre cas à Edmonton, celui de Larry Takahashi. Je me souviens des manchettes des journaux, qui parlaient du pire violeur au Canada. Au moment de la détermination de la peine, j'ai rencontré un certain nombre de ses victimes au palais de justice. Il existait à l'époque un service pour les victimes et les témoins. Ce que ces femmes ne parvenaient pas à comprendre—il était accusé d'avoir violé plus de 100 femmes à Edmonton. On n'a retenu que quelques accusations, celles sur lesquelles on avait le plus de preuves, les plus faciles à traiter, je suppose, et on s'est arrêté là. Les victimes venaient me voir et me disaient: «Que se passe-t-il? Est-ce que j'ai été violée ou non?» Et le procureur de la Couronne se contentait de dire: «À quoi bon? On pourrait rester là pendant des mois et prononcer toute une série de condamnations. De toute façon, il n'y a qu'une sentence et toutes les peines sont concurrentes.»

En me rendant au travail un matin, après le prononcé de la sentence, j'écoutais la radio CHED. L'annonceur a dit: «Les juges n'ont pas lésiné envers Larry Takahashi. Ils lui ont imposé un total de trois sentences d'emprisonnement à perpétuité, soit 86 ans en tout», ou quelque chose de ce genre, et l'annonceur a dit: «Cet homme ne sortira évidemment jamais de prison.» Eh bien, ce n'est pas si évident.

Six ans plus tard, si vous vous souvenez bien—c'était il y a quelques années—avant la remise en liberté de Larry Takahashi, les journalistes l'ont retrouvé; il était membre en règle du Hope Golf & Country Club. Les journalistes y sont allés et ont pris des photos de lui sur le terrain de golf. C'était six ans plus tard, alors qu'il avait trois peines d'emprisonnement à perpétuité et des années de prison à purger: du point de vue des victimes, au nom des victimes dont je dois m'occuper régulièrement, pensez-vous qu'on puisse parler dans ce cas de justice? Pour moi, il n'en est pas question.

• 1045

Il y a dans cette salle une femme dont la famille a été totalement détruite et déchirée par l'enlèvement, la torture et l'assassinat de son petit-fils. Elle a passé deux ans dans une salle d'audience à Ottawa à écouter les éléments de preuve. Et à la toute fin...

Je voudrais ici vous demander quelques minutes. Imaginez que vous êtes dans cette salle d'audience au moment où le juge commence à rendre sa sentence. Je voudrais vous lire un court extrait de cette sentence:

    KURTON EDWARDS:

    Monsieur Edwards, en plus de l'emprisonnement à perpétuité pour le premier chef d'accusation, je vous condamne pour l'enlèvement de Sylvain Leduc à une peine concurrente de 12 ans d'emprisonnement.

    Je sursois au verdict de culpabilité sur le troisième chef d'accusation pour séquestration, car il est contenu dans l'enlèvement.

    Je vous condamne pour agression sexuelle grave sur la personne de Natalie Brindamour et à cause de la nature particulièrement brutale et sauvage de cette infraction, je vous impose une sentence de 15 ans concurremment à l'emprisonnement à perpétuité et aux autres sentences.

    Pour l'enlèvement de Natalie Brindamour, vous êtes condamné concurremment à 12 ans.

    Le chef d'accusation numéro six est suspendu.

    Pour voies de fait causant des lésions corporelles et pour complicité dans l'agression sur la personne de Daniel Chartrand, je vous condamne à une peine concurrente de cinq ans.

    Pour l'enlèvement de Daniel Chartrand, vous êtes également condamné à une peine concurrente de 12 ans.

    Le chef d'accusation numéro neuf pour séquestration est suspendu.

    Pour l'enlèvement de Melanie Rainville, chef d'accusation numéro dix, vous êtes condamné à une peine concurrente de 12 ans.

    Le chef d'accusation numéro onze est suspendu.

    Pour l'utilisation d'une arme à feu, un fusil tronçonné de calibre 12, qui n'a pas sa place dans une société civilisée, un crime qui doit à mon avis donner lieu à une peine à caractère particulièrement dissuasif, vous êtes condamné à cinq ans concurremment à la sentence d'emprisonnement à perpétuité, mais consécutivement à toutes les autres sentences.

    Le chef d'accusation numéro 13 est suspendu [...]

Et ainsi de suite.

Vous parlez de folie dans la détermination de la peine. En définitive, il a eu une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais dans 15 ans, il pourra demander une révision judiciaire de sa sentence. Toutes les autres sentences auront été purgées. S'il arrive à convaincre le juge et le jury qu'il s'est amendé, il sera remis en liberté. Deux des jeunes délinquants qui ont été condamnés dans cette affaire ont déjà été remis en liberté. Voilà le genre de folie auquel les victimes sont quotidiennement confrontées dans nos tribunaux.

La douleur ne disparaît pas. Le châtiment n'est pas vraiment ce qui intéresse les victimes. Elles veulent que l'on reconnaisse le tort qui leur a été fait, à elles et à leur famille. Le fait de prononcer toute une série de sentences qui seront purgées concurremment n'a aucun sens pour les victimes. Il n'y a même pas à en parler. Qu'on se contente de prononcer un emprisonnement à perpétuité, puisque c'est de cela qu'il s'agit.

En revanche, si l'on a des peines consécutives, on tient compte... Évidemment, on nous dit qu'il est ridicule d'imposer une peine de 86 ans d'emprisonnement. Eh bien, je ne suis pas d'accord. Si une personne mérite 86 ans d'emprisonnement, elle devra purger sa peine en prison pendant 86 ans. C'est ainsi que les choses devraient se passer. Lorsque le détenu atteint la 86e année, on considère que tout est fini, il est libéré et c'est parfait.

Cela peut paraître ridicule, mais sur quoi repose notre système de justice? Si un homme de 75 ans commet un meurtre, on considère qu'il ne vivra jamais assez longtemps pour passer 25 ans en prison, alors on va le condamner à un an d'emprisonnement parce que l'espérance moyenne de vie au Canada est de 76 ans? Tout cela est ridicule.

Mais je considère qu'il n'est pas ridicule de condamner un individu pour le crime qu'il a commis. Si je vais à Toronto en voiture et que je me fais arrêter pour excès de vitesse, ce sera bien simple: on va me donner une contravention. Cela ne veut pas dire pour autant que les autres contraventions que je pourrais avoir avant d'arriver à Toronto seront gratuites et qu'une fois arrivé à Toronto, je pourrai aller voir le juge et dire: «J'en ai eu 15 aujourd'hui. C'était une mauvaise journée; on m'a arrêté 14 autres fois, mais j'aimerais que vous réunissiez ces contraventions et je vous donnerai simplement 100 $.» Les choses ne se passent pas ainsi et elles ne devraient pas non plus se passer ainsi pour les crimes violents et les crimes les plus odieux.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Rosenfeldt.

Monsieur Abbott, vous avez sept minutes.

M. Jim Abbott: Merci.

Vous vous êtes exprimés tous les deux de façon très éloquente, particulièrement à propos de la dissuasion et du châtiment.

• 1050

Monsieur Sullivan, j'ai considéré avec intérêt l'élément supplémentaire du projet de loi C-68 dont vous avez parlé, la suppression du pouvoir discrétionnaire, qui semble présenter certaines difficultés pour certains de mes collègues d'en face. Ce sont les dispositions du projet de loi C-68, mais ils ont du mal à l'accepter.

Vous avez parlé très éloquemment du châtiment, et plutôt que de rester sur ce sujet, j'aimerais maintenant aborder la question de la sécurité, et en particulier des craintes des victimes.

Je suis un homme de 6 pieds et cinq pouces, je pèse 200 et quelques livres, et je peux me promener pratiquement partout dans ce pays sans avoir peur. Il me semble que ce projet de loi concerne la protection des plus vulnérables de la société. Pour un homme de ma taille, c'est très gênant de pouvoir aller partout alors que pour ma femme et pour d'autres, la réalité est toute autre.

En ce qui concerne la sécurité, si nous prenons le cas de ce prédateur sexuel fictif dont j'ai parlé à la dernière séance—je crois que vous étiez là tous les deux—, il est condamné à cinq ans pour quatre chefs d'accusation dont il est trouvé coupable. En fait, il a commis 20 crimes, mais on a réussi à le condamner pour quatre d'entre eux et il a écopé de cinq ans de prison. D'après les statistiques, il devrait être remis en liberté au bout de deux ans et demi suivant ces quatre condamnations.

Supposons qu'on ait réussi à obtenir huit condamnations et qu'il ait été condamné à cinq ans. La différence, c'est qu'il sera remis en liberté au bout de deux ans et demi suivant huit condamnations. N'est-ce pas ainsi que les choses se présentent avec ce rabais sur le volume—pour reprendre votre exemple concernant les contravention?

Et que fait-on de la sécurité des citoyens et de la peur qu'ils ressentent? Est-ce que vous pourriez nous en parler? Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence de la dissuasion et du châtiment, mais pourriez-vous nous parler de la sécurité et des craintes des citoyens et surtout des victimes de la criminalité?

M. Gary Rosenfeldt: Une bonne partie des victimes que j'ai rencontrées au cours des années craignent constamment pour leur vie. Je rencontre des victimes de toutes les régions du Canada. J'ai à Lloydminster une amie très chère dont la mère et la tante—deux soeurs—ont été assassinées. Le meurtrier est en train d'obtenir des autorisations d'absence temporaire de la prison de Matsqui. Mon amie va devoir se cacher. La soeur de Donny Edwards—j'ai parlé de lui—doit se cacher.

Au Canada, il n'est pas exceptionnel que des gens doivent vivre de cette façon. C'est tout à fait insupportable. Le plus difficile à comprendre, pour les victimes, c'est que la procédure permet de nombreux changements de sentence, qui peut être concurrente, consécutive, etc., et tout cela est totalement déroutant. Il faut savoir que la plupart des victimes ne comprennent pas vraiment le système judiciaire lorsqu'elles y sont confrontées.

Nous publions des petites brochures pour essayer d'expliquer la procédure. La Commission nationale des libérations conditionnelles a elle aussi publié une brochure explicative l'année dernière. Mais bien franchement, il faut être un mathématicien pour s'y retrouver. C'est très compliqué.

Les victimes demandent généralement un certain réalisme dans le prononcé de la sentence, de façon qu'elles puissent aller se coucher le soir sans craindre que le criminel, qui a promis de sortir un jour de prison et de venir les tuer... Il y a aussi les cas plus rares des meurtriers qui s'évadent, comme Kinsella il y a quelques années, et qui provoquent la panique dans les communautés. Il a même formulé des menaces contre John Nunziata et contre l'une des ses victimes, mais ses menaces n'ont jamais été mises à exécution. Quoi qu'il en soit, les victimes aimeraient trouver un certain réalisme dans les sentences.

Ensuite, si ce n'est pas trop compliqué, il faudrait permettre aux victimes d'intervenir au moment de la libération conditionnelle ou de la libération anticipée. Il est essentiel que les victimes aient voix au chapitre. Je me souviens d'une affaire où un meurtrier condamné à la prison a été remis en liberté dans une ville de l'Ontario. Après avoir reçu quelques appels téléphoniques de la victime, je me suis adressé à la Commission nationale des libérations conditionnelles, qui ne savait pas que la famille de la victime vivait dans cette même ville. Les gens de la commission ne connaissaient pas toutes les circonstances du dossier et ignoraient la crainte dans laquelle vivait la famille. Un dimanche après-midi, nous avons réussi à nous entendre avec la Commission nationale des libérations conditionnelles pour que le criminel ne puisse pas pénétrer dans cette ville, mais il a pu bénéficier de sa libération conditionnelle à Toronto.

• 1055

Pour qu'on puisse progresser, il faudrait que les connaissances et l'information circulent dans l'ensemble du système. Croyez-moi, monsieur Abbott, nous avons déjà beaucoup progressé au cours des dernières années.

Mais en ce qui concerne les craintes des victimes et la durée des peines effectivement purgées, la plupart des détenus sont tôt ou tard remis en liberté, comme l'affirment régulièrement la Commission nationale des libérations conditionnelles et les Services correctionnels du Canada.

Du point de vue des victimes, si elles estiment que le délinquant a effectivement purgé une peine en prison pour le crime qu'il a commis contre elles, elles peuvent considérer que la société a imposé un châtiment qui a plus ou moins réparé le préjudice qu'elles ont subi. Elles ont moins peur si le délinquant a effectivement subi une peine pour le crime qu'il a commis contre elles.

Mais la victime perd toute foi en la justice lorsqu'elle sait que si elle est la quatrième victime d'un violeur, celui-ci ne subira pas vraiment de sentence pour le crime commis contre elle. La justice lui annonce qu'elle va le laisser sortir, «mais ne vous inquiétez pas, tout se passera bien. Il ne s'en prendra plus à vous. Il n'a fait que des menaces en l'air. L'agent responsable de son dossier dit qu'il s'est amendé, qu'il ne commet plus de viols et qu'il ne fait plus de mal à personne.»

Voilà les discours lénifiants qu'on fait à la victime alors que le délinquant n'a purgé aucune sentence pour le crime qu'il a commis contre elle.

M. Steve Sullivan: Il n'y a pas grand-chose à ajouter à cela. Je dirais que votre prédateur sexuel fictif a peut-être commis une centaine d'autres crimes qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête parce que les victimes ne se sont pas déclarées. Elles voient comment le système fonctionne pour celles qui portent plainte et se disent sans doute: «J'ai bien fait de ne pas intervenir car ma plainte n'aurait eu aucun effet.»

De telles situations font augmenter la crainte, car les gens ne font plus confiance au système. Ils ne déclarent plus les crimes qu'ils subissent. Ces crimes restent impunis, et leurs auteurs restent en liberté.

M. Jim Abbott: Merci, monsieur Maloney.

Le président: Monsieur Marceau, êtes-vous prêt?

[Français]

M. Richard Marceau: Oui.

Monsieur Sullivan et monsieur Rosenfeldt, excusez-moi de ne pas avoir pu assister à la majeure partie de votre présentation. Je devais aller en Chambre pour y déposer un document. Monsieur Sullivan, nous nous sommes déjà parlé et, monsieur Rosenfeldt, j'apprécierais que vous puissiez me faire parvenir une copie de vos notes d'allocution si vous n'avez pas déposé un mémoire.

Monsieur Sullivan, vous étiez là tout à l'heure, tandis que M. Rosenfeldt ne l'était pas, lorsque j'ai dit que j'essayais de me faire une idée et de décider si je devais être en faveur ou non de ce projet de loi. Pendant le peu de temps que je vous ai entendu, monsieur Rosenfeldt, il m'a semblé que vous mêliez—je me trompe peut-être et vous me le direz si j'ai tort—un peu toutes sortes de choses. Vous disiez que les victime aimeraient qu'on les avise quand quelqu'un sort, etc. Est-ce que ces préoccupations n'appartiennent pas plutôt aux discussions qu'a tenues le Comité de la justice sur le droit des victimes? Vous étiez là quand on a fait une table ronde l'été dernier ici, à Ottawa. Est-ce que vous ne mêlez pas un peu les sentences consécutives et les droits des victimes?

[Traduction]

M. Gary Rosenfeldt: Ce n'est pas ce que j'ai voulu faire, monsieur Marceau.

Ce dont je parle, c'est des droits des victimes. On m'a interrogé sur la sécurité des victimes et sur leurs préoccupations en matière de sécurité, et c'est à cela que j'ai répondu. Pour l'essentiel, nous disons que si l'on reconnaît certains droits aux victimes, elles auront sans doute moins à se préoccuper de leur sécurité personnelle lorsque l'agresseur sera remis en liberté. Cette question m'a été posée après mon exposé.

[Français]

M. Richard Marceau: J'ai eu l'occasion d'aller en Colombie-Britannique et en Alberta la semaine dernière dans le cadre de l'étude de la Loi sur la libération conditionnelle par un sous-comité du Comité de la justice. Je n'étais pas un expert dans ce domaine avant d'y aller et je n'en suis toujours pas un.

• 1100

Par contre, on a porté à notre attention l'interrogation suivante, et j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus. Est-ce qu'il n'est pas préférable pour les victimes qu'un accusé purge une peine à l'intérieur pendant un certain temps, soit réhabilité—bien qu'il s'agisse d'un mot qui a été galvaudé—et passe à travers tout le processus? Il est incarcéré dans une institution à sécurité maximale, il passe à un niveau moindre, il travaille dans la communauté sous la surveillance d'un agent de libération conditionnelle et a ainsi la possibilité de devenir un citoyen correct. Dans la perspective des victimes, n'est-il pas préférable que quelqu'un suive ce cheminement plutôt que de passer des années et des années en prison, sans aucun incitatif à travailler pour s'améliorer puisqu'il se dit que, de toute façon, il ne sortira jamais ou il sortira bien trop vieux? Quelqu'un qui passe de très nombreuses années en prison devient très amer, très aigri et, s'il en sort, il se dira que la société ne lui a jamais donné quoi que ce soit et recommencera à faire ce qu'il faisait auparavant.

[Traduction]

M. Steve Sullivan: Même si on étend la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, je maintiens que le système actuel incite les détenus à changer d'attitude. Tout d'abord, c'est une décision personnelle. Qu'ils purgent une peine de cinq ans, de 20 ans ou de 100 ans, ils peuvent changer d'attitude s'ils décident de le faire. Nous pouvons leur proposer des programmes et de l'aide, mais c'est à eux de prendre la décision.

Par ailleurs, je crois que notre système les y incite. Vous avez parlé du passage à des prisons à sécurité minimale ou intermédiaire. Même s'il est condamné à perpétuité, un détenu peut bénéficier d'un programme de placement à l'extérieur. Dès qu'il arrive en prison, le détenu peut demander des autorisations d'absence temporaire avec escorte. Il peut se prévaloir de programmes de soins, il peut faire des études. Notre système comporte différentes choses qui incitent les détenus à changer et à s'améliorer; quelle que soit la sentence, si le détenu veut s'amender, il peut le faire.

[Français]

M. Richard Marceau: La psychologie humaine étant ce qu'elle est, la plupart des gens se diront qu'ils veulent s'améliorer parce qu'ils veulent avoir de plus en plus de liberté, franchissant les étapes de sécurité maximale, moyenne et minimale, et passant ensuite à la libération conditionnelle. Les gens se disent que c'est un cheminement normal. Si je suis un bon garçon ou une bonne fille et que je travaille honnêtement à m'améliorer, j'aurai la possibilité de sortir plus tôt, se disent-ils. C'est la carotte, finalement. Si on enlevait cette carotte, même si quelqu'un voulait changer, il se dirait: Même si je m'améliore, est-ce que cela va m'aider à sortir plus tôt?

Deuxièmement, nous avons vu certaines de ces prisons-là et nous savons qu'il y a des milieux, surtout en sécurité maximale, où l'environnement est tel qu'il n'y a aucun incitatif à changer. Si tu essaies de devenir meilleur ou si tu es perçu comme étant faible... Je n'emploierai pas les mots qui nous ont été dits. C'est toujours une question d'attitude en prison; les gars marchent les épaules comme ça, il faut qu'ils agissent ainsi et ils ont un territoire à protéger. On a vu une différence non seulement au niveau de l'attitude, mais aussi au niveau physique. Je crois que mes collègues Grose et DeVillers seront d'accord avec moi pour dire que l'attitude physique des gens en sécurité maximale et en sécurité minimale est complètement différente. Les gens en sécurité minimale, dans certains cas, on changé l'orientation de leur vie. Je ne dis pas que le système est parfait, mais certains ont vraiment fait des efforts en ce sens.

Alors, je reviens à ma question. Qu'arrive-t-il si on enlève la carotte qui les fait espérer sortir plus rapidement et s'ils savent qu'ils seront en prison pendant une longue période? En enlevant cette grosse carotte, est-ce qu'on ne brise pas l'équilibre du système tel qu'il est à l'heure actuelle?

[Traduction]

M. Steve Sullivan: Tout dépend de la taille de la carotte. Pour quelqu'un qui doit rester 50 ans derrière les barreaux, par exemple, avant de demander une libération conditionnelle, la mesure incitative pourra être de le placer dans une prison à sécurité minimale où il pourra aller travailler tous les jours et vivre une vie à moitié normale. Il est certain qu'une prison à sécurité maximale n'est pas le meilleur endroit pour amener quelqu'un à changer de comportement. J'en ai visité, et ce ne sont pas des endroits très accueillants. L'incitatif consiste à passer à un établissement moins carcéral, à apprendre un métier et à travailler dans la communauté.

• 1105

Il y a donc des mesures incitatives qui existent. Évidemment, ça n'est pas la même chose que la liberté, mais on pourrait même leur ménager une plus grande place dans notre système.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Marceau.

Nous revenons maintenant du côté gouvernemental, avec M. Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'aimerais aborder une question différente. Je considère depuis un certain temps que ce projet de loi nous pose un problème car il y a une chose que nous avons oubliée. Je crois que l'individu qui commet des meurtres ou des viols en série ou à répétition pour la simple raison qu'il aime commettre des meurtres ou des viols est un malade et je considère qu'il faut le retirer de la société. Il devrait être assujetti à la Loi sur la santé mentale plutôt qu'au Code criminel. C'est déjà ce qu'on fait dans certains cas lorsque le lieutenant-gouverneur en décide ainsi, et les individus concernés restent généralement à l'hôpital psychiatrique jusqu'à la fin de leurs jours. Mais à moins qu'ils ne manifestent un comportement irrationnel dans la salle d'audience, on n'applique pas cette procédure.

Si on l'appliquait pour isoler les individus en question—et à propos, monsieur Rosenfeldt, votre criminel serait lui aussi isolé si on appliquait les règles que je propose—, nous n'aurions affaire qu'aux criminels qui ont sans doute agi par cupidité ou par désespoir, même à plusieurs reprises. Peut-être ont-ils tué quelqu'un en dévalisant une banque, puis tuer encore quelqu'un d'autre quelques semaines plus tard à l'occasion d'une poursuite. Dans ce cas, le criminel est poussé par la cupidité, et c'est ce qui le perd. Peut-être sera-t-il possible de le réformer. Je dis bien peut-être. On ne peut pas réformer tout le monde. Certains individus doivent rester éternellement en prison, même ceux qui ont commis le genre de crime dont j'ai parlé, et qui ne peuvent être traités en vertu d'une loi sur la santé mentale, mais je suppose que si on réussit à les isoler, nous aurons beaucoup moins de difficulté, même avec ce projet de loi.

Ce n'est pas un problème que nous pourrons résoudre ici aujourd'hui, mais je n'ai pas l'occasion de vous parler tous les jours, et j'aimerais connaître votre réaction à tous les deux.

M. Gary Rosenfeldt: C'est une situation très délicate, monsieur Grose, parce que je sais, comme vous savez certainement, qu'un grand nombre des détenus de nos institutions fédérales sont des malades mentaux.

M. Ivan Grose: Absolument.

M. Gary Rosenfeldt: Cela ne fait pas de doute. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous. J'ai vu ces prisons, non pas en tant que détenu mais bien en tant que visiteur, et c'est très triste parce que nous enfermons des malades mentaux. Je suis d'accord avec vous sur ce point.

La difficulté, cependant, c'est qu'on s'efforce également, sensément dans l'intérêt des malades mentaux, de les faire sortir des hôpitaux psychiatriques. Il y a donc ici deux mouvements contradictoires.

Ce qui me semble tragique aujourd'hui, c'est que lorsque je me déplace dans les rues de Toronto ou d'Ottawa, je vois des malades mentaux dans la rue et je me dis—je sais que je m'éloigne un peu du sujet—que sommes-nous en train de faire? Lorsque quelqu'un est malade, on le soigne, mais s'il est malade mental, on le laisse mourir de froid dans la rue. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point.

Mais la réelle difficulté, c'est les cas comme celui de Joseph Fredericks. Voilà un individu qui, au fil des ans, a fait Dieu sait combien de séjours dans des établissements—et encore une fois, il est ici question de la législation provinciale concernant les maladies mentales—et les provinces n'ont pas de loi qui permette de garder ces personnes dans les services psychiatriques. Joseph Fredericks a été mis en liberté à Toronto dans le cadre de l'opération Springboard. Peu de temps après, il a enlevé, violé et assassiné le jeune Christopher Stephenson.

Le plus tragique, c'est que tous y perdent. Auparavant, Fredericks était traité en vertu de la Loi sur la santé mentale mais là, on s'en est pris à lui et on l'a condamné pour meurtre au premier degré. Après avoir été envoyé au pénitencier de Kingston, il a été placé à sa demande avec l'ensemble des détenus, ce qui a permis à certains d'entre eux de le tuer dans la cour. Je vous demande bien ce qu'on a gagné dans toute cette histoire. Personne n'a rien gagné, et surtout pas la famille Stephenson. Je ne suis pas ici pour défendre les délinquants, mais Joseph Fredericks n'a rien gagné non plus. C'est un malade mental qu'on a laissé se faire assassiner dans le milieu carcéral.

Ce que vous dites est très juste, mais le problème, c'est qu'il s'agit d'une compétence provinciale. Le gouvernement fédéral n'est pas en mesure d'imposer des règles ou règlements à l'échelle provinciale, et nous allons devoir continuer de la même façon jusqu'à ce que les provinces s'entendent pour adopter une norme relative au traitement des malades mentaux.

• 1110

M. Ivan Grose: Monsieur Sullivan, avez-vous des observations?

M. Steve Sullivan: Je suis d'accord avec M. Rosenfeldt. Je ne remets pas en question votre prémisse. C'est une façon complètement différente de voir les choses, comme vous le reconnaissez. Le problème que posent les gens comme Fredericks dans la pratique—et peut-être que nous pourrions approfondir la question à un autre moment—est que nous ignorons encore comment les traiter. Peu importe que vous décidiez de l'incarcérer ou de l'interner, nous ignorons toujours quoi faire. Je crois que le Canada est un chef de file dans la recherche sur ce genre de choses, et notre système correctionnel de même que le régime de libération conditionnelle font du bon travail. Mais il y a encore des cas que nous ne savons pas traiter. C'est donc un autre problème à résoudre. Quant au fait qu'il y a des malades mentaux dans nos prisons, c'est indéniable.

M. Ivan Grose: J'ai une dernière observation à formuler. Je ne m'attarderai pas sur le fait qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale. Nous sommes censés régler ce genre de choses—je parle des parlementaires—et je n'insisterai donc pas là-dessus. Je me rends compte des difficultés, mais nous devrions agir.

M. Gary Rosenfeldt: Je suis d'accord.

M. Ivan Grose: Merci beaucoup. Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président, et je tiens à remercier les témoins.

Cette question a déjà été abordée, j'en suis persuadé, mais je reviens à ce que l'on a dit à propos de ce projet de loi en parlant d'une reconnaissance claire dans le prononcé des sentences dans les causes de meurtre et de viol et du fait que les victimes veulent que ce soit reconnu de façon concrète dans le calcul de la peine. Je sais que vous avez tous les deux travaillé auprès des victimes, surtout vous, monsieur Rosenfeldt, et je sais ce que vous et votre famille avez traversé. Ces épreuves entraînent un certain découragement ou une perte de confiance de la part de ceux qui ont vécu ces événements lorsque l'on ne tient pas compte clairement d'un meurtre dans la détermination des peines, et que celles-ci sont concurrentes. J'ai vu des juges essayer d'en tenir compte en se servant des paramètres actuels de détermination de la peine, en greffant à chaque crime ce qui semble être un prononcé très insignifiant.

Toutefois, n'est-il pas justement question ici des pouvoirs des magistrats dans les affaires de meurtre ou d'agression sexuelle odieuse? Nous apporterions des changements législatifs qui accorderaient aux juges le pouvoir de tenir compte de la gravité du crime au moment d'établir la peine.

M. Gary Rosenfeldt: C'est très bien dit, Peter. En fait, toutes les familles des victimes d'homicide avec qui j'ai traité ces dernières années, du moins dans les causes de meurtres multiples, se plaignent surtout qu'on ne reconnaît pas la perte qu'elles ont subie. On a beau dire que les coupables purgent deux, trois ou 11 peines concurrentes lorsqu'ils sont incarcérés pendant 15 ans, mais pour les victimes, cela n'a aucun sens qu'un meurtrier purge 11 peines concurremment. Est-ce que les journées sont 11 fois plus longues pour Clifford Olson qui s'est attaqué à 11 enfants? Je ne le crois pas. Il n'y a que 24 heures dans une journée. C'est une vérité immuable.

Elle démolit l'argument selon lequel on ne peut imposer à quelqu'un une peine d'emprisonnement de 100 ans. Je ne suis pas de cet avis, car selon moi, c'est dans 275 ans que Clifford Olson, par exemple, devrait être admissible à une audience en vertu de l'article 745. Je n'y vois aucun problème, car on reconnaît la peine de 15 ans, le temps qu'il va réellement passer en prison. Que la peine de 15 ans pour le meurtre de notre fils soit la troisième sur la liste ou la première a peu d'importance. Mais il faut reconnaître la victime qui n'est plus des nôtres aujourd'hui.

À Calgary, on a permis à l'auteur d'un meurtre des plus odieux de se marier avec l'agent chargé de son dossier. Un an après sa condamnation, il dînait dans un restaurant chinois sur le chemin MacLeod sud à Calgary. L'agent qui s'occupait de son cas l'a aidé à s'évader. Les deux se sont enfuis vers Rocky Mountain House. Elle a écopé de six ans de prison, je crois, pour avoir aidé un meurtrier reconnu à s'évader et pour s'être faite son complice. Il a écopé d'une peine de cinq ans de prison, à purger concurremment avec la peine de meurtre. Cela sert à quoi.

• 1115

Mais vous avez raison, les victimes cherchent à faire reconnaître le préjudice qu'elles ont subi. Je crois que le meilleur exemple, Peter, c'est celui des agressions sexuelles. Je ne sais plus combien de victimes m'ont dit: «Mais n'ai-je pas été violée? Pourquoi la cause n'est-elle pas portée devant les tribunaux?» Je dois leur répondre que le procureur a décidé que cela ne servait à rien de porter une centaine de causes devant le tribunal. «Nous allons condamner cet individu sur 12 chefs d'accusation et il écopera d'un certain nombre de peines d'emprisonnement à perpétuité pour les agressions sexuelles graves», etc., et c'est tout. C'est terminé, vous pouvez rentrer à la maison. C'est un coup dur à encaisser pour une femme, une victime. Voilà la douleur qui nous afflige aujourd'hui, de savoir que le meurtrier de notre fils ne purge pas une seule journée d'emprisonnement pour son crime.

M. Peter MacKay: Pour approfondir la chose, je crois que la méthode de calcul de la peine revêt une importance capitale. Aux États-Unis, lorsqu'on entend dire qu'un condamné a écopé d'une peine de 144 ans, on sait que cette personne ne sortira jamais de prison.

Mais voyons cela du point de vue du contrevenant, à qui nous accordons si souvent beaucoup d'attention. Quel message envoie-t-on aux délinquants? Ce n'est qu'un exemple, et je ne veux pas sembler être alarmiste, mais il y a des délinquants comme Allan Legere, qui se sont échappés et qui savent qu'au pire le calcul de leur peine va commencer au moment où ils seront condamnés; cependant, cette peine sera purgée concurremment à leur peine actuelle. S'ils purgent une peine de 15 ans, et qu'après deux ans ils s'évadent ou tuent un autre prisonnier ou un gardien, on estime dans leur nouvelle peine qu'ils ont déjà purgé deux ans. Ils ne purgeront que la peine maximale en vigueur au Canada, soit 25 ans. Et très peu d'entre eux se rendent jusque-là—très peu.

M. Gary Rosenfeldt: C'est juste. J'oserais même dire, Peter, que Wanda Lee Woodward serait sans doute en vie aujourd'hui si les peines étaient purgées consécutivement. Il y a un détenu, Daniel Gingras, qui s'est évadé et qui a assassiné un jeune homme de Montréal. Il purgeait déjà une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre, et on lui avait accordé une permission d'un jour pour se rendre au West Edmonton Mall, et il s'est évadé. Il a assassiné ce jeune homme du Québec, puis il a tenté de voler la voiture de Wanda Lee Woodward. Pourquoi lui aurait-il laissé la vie sauve, puisque toutes les sentences sont purgées concurremment aux premières sentences d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre? C'est toujours une peine d'emprisonnement à perpétuité, alors cela n'a aucune importance.

M. Peter MacKay: Et bon nombre de criminels endurcis, comme vous le savez, connaissent très bien, et parfois mieux qu'un avocat, comment fonctionne le calcul des peines.

M. Gary Rosenfeldt: Beaucoup mieux que moi.

M. Peter MacKay: Ils peuvent vous dire avant de comparaître devant le juge la peine qu'ils vont recevoir.

M. Steve Sullivan: J'aimerais intervenir, Peter.

M. Peter MacKay: Bien sûr.

M. Steve Sullivan: Le fait que la peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle est de 25 ans n'est qu'un élément. Quant à moi, le danger que pose le système actuel, c'est que quelqu'un qui est poursuivi par la police, parce qu'on le soupçonne de meurtre, n'a rien à perdre en abattant les policiers qui le pourchassent.

M. Peter MacKay: C'est exact.

M. Steve Sullivan: Votre peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans ne changera pas si vous avez tué les policiers qui vous pourchassent. Du point de vue de la police, je crois que cela soulève de graves inquiétudes.

M. Peter MacKay: Si un détenu s'est évadé et qu'il est en cavale, et qu'il s'est barricadé dans une maison avec un otage, il sait qu'il va retourner en prison. S'il purge déjà une peine d'emprisonnement à perpétuité, il n'y a rien pour le dissuader de commettre un autre meurtre.

M. Gary Rosenfeldt: Oui. Il y a une autre affaire qui me vient à l'esprit, celle de Gary McKorkle, qui purge actuellement une peine d'emprisonnement à perpétuité au Tennessee. Il a violé et assassiné deux jeunes garçons à Toronto il y a de cela plusieurs années. On lui a accordé une mise en liberté conditionnelle. Il a enlevé, violé et jeté en bas d'un pont ses deux dernières victimes. Il s'est enfui vers le Tennessee. Il purgeait déjà une peine d'emprisonnement à perpétuité. Les autorités du Tennessee l'ont arrêté et accusé de nombreuses agressions sexuelles contre des enfants, et le juge, au moment de prononcer la sentence, l'a condamné à perpétuité, ce qui signifie 99 ans d'emprisonnement.

Le juge a déclaré qu'il ne la remettrait pas aux autorités canadiennes parce qu'il avait des réserves au sujet du processus de détermination de la peine en vigueur au Canada. Il a dit que le détenu avait déjà été condamné pour deux meurtres, qu'il était maintenant accusé de deux tentatives de meurtre et de viol—à l'encontre de deux autres garçons—et que s'il le remettait aux autorités canadiennes, il craignait que le détenu profite de notre système pour retourner dans la collectivité et tuer d'autres enfants.

• 1120

Pourquoi faut-il attendre qu'un juge du Tennessee nous le signale? Ce comité aurait dû arriver à la même conclusion. Il y a quelque chose qui cloche. On me répète que ces gens vont passer le reste de leur vie en prison. Pourquoi Gary McKorkle n'était-il pas en prison? Pourquoi l'a-t-on laissé sortir, enlever, violer et jeter en bas d'un pont deux autres victimes? Il y a quelque chose de grave qui cloche.

M. Peter MacKay: Si c'était seulement un petit nombre...

Le président: Merci, monsieur MacKay. Nous devrons revenir à vous plus tard.

Monsieur Abbott.

M. Jim Abbott: J'ai examiné à fond la question du châtiment, comme vous l'avez si bien fait. Nous avons aussi parlé de la sécurité. J'aimerais savoir ce que vous pensez du troisième aspect de l'incarcération, soit la dissuasion. Selon vous, de ces trois éléments, à savoir le châtiment, la sécurité et la dissuasion, lequel est le mieux servi par ce projet de loi qui propose d'incarcérer pendant de plus longues périodes les récidivistes les plus violents?

M. Gary Rosenfeldt: Il est difficile de faire une distinction, monsieur Abbott: je crois à ces trois principes, et il faut châtier les criminels. La victime s'attend à ce que son agresseur soit puni pour son crime, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. La victime n'obtient pas justice.

Pour ce qui est de la sécurité, ces dispositions vont certainement la renforcer parce qu'elles permettront d'incarcérer plus longtemps des gens comme Gary McKorkle. Il n'y a aucun doute, on pourrait sauver des vies. Je le crois.

Pour ce qui est du châtiment, j'y crois. J'estime que la société a le droit de réagir face aux infractions commises contre ses membres.

M. Jim Abbott: Êtes-vous l'un et l'autre d'avis que cela peut avoir un effet dissuasif, et dans quelle situation?

M. Gary Rosenfeldt: Il ne fait aucun doute selon moi que cela aurait un effet dissuasif. Je dirais que les contrevenants ne commettraient pas un deuxième ou un troisième crime, comme ils le font à l'heure actuelle. Le fait est que si vous entrez dans une banque Toronto-Dominion et que vous abattez un gardien et qu'au moment de partir la police vous poursuit, si on vous impose une peine additionnelle après que vous avez peut-être par erreur—le coup étant accidentel—abattu un gardien, vous allez essayer d'abattre l'agent de police. Vous allez tout faire pour essayer de vous échapper. Un meurtre de plus ou de moins ne fait plus aucune différence.

M. Steve Sullivan: Il faut cependant noter que cela ne va pas stopper ceux qui commettent plusieurs meurtres, les tueurs en série, mais cela peut en faire réfléchir quelques-uns. Si l'on peut sauver une vie, pour reprendre la philosophie qui sous-tend le registre des armes à feu, que nous avons soutenu, alors le projet de loi aura servi à quelque chose.

M. Jim Abbott: Dans vos commentaires liminaires, monsieur Sullivan, vous avez dit que la question était simple. Ou bien le comité accepte les principes ou il les rejette. Je crois que la vaste majorité des députés y souscrivent, et il sera intéressant de vois quel accueil ils feront à ce projet de loi à la Chambre des communes.

Merci.

Le président: Merci. Monsieur Saada, vous avez la parole.

M. Jacques Saada: L'idée que j'essayais d'exprimer, et je n'essayais pas de vous contredire, je m'en excuse, visait à mieux comprendre le système, car je crois qu'il y a un malentendu.

Monsieur MacKay, vous avez dit qu'il était impossible d'imposer des peines consécutives ou des périodes d'admissibilité consécutives dans les cas de meurtres en série. Vous avez donné l'exemple de la police. D'après ce que je comprends, lorsque vous avez été condamné pour un deuxième meurtre, votre période d'inadmissibilité commence à courir au moment du deuxième meurtre, peu importe le temps que vous avez purgé auparavant. Est-ce exact?

M. Peter MacKay: C'est exact.

M. Steve Sullivan: Puis-je répondre à cette question?

M. Jacques Saada: Bien sûr.

M. Steve Sullivan: Je crois que ce changement a été apporté dans le projet de loi C-45 il y a quelques années.

M. Jacques Saada: Oui, c'est juste.

M. Steve Sullivan: Toutefois, d'après ce que je comprends, si vous tuiez trois enfants aujourd'hui, vous écoperiez d'une sentence d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. Il n'y aurait pas de libération conditionnelle et d'admissibilité consécutives. Si vous sortiez de prison et que vous tuiez quelqu'un, alors la peine serait consécutive, mais pas pour les premiers crimes.

M. Jacques Saada: Je n'essayais pas de formuler un argument de fond, je voulais simplement m'assurer que nous étions sur la même longueur d'ondes.

M. Peter MacKay: Mais vous n'allez jamais purger plus de 25 ans. Votre peine ne sera pas prolongée. Cela commence à 25 ans. Il est possible que vous ayez à attendre plus longtemps avant d'être admissible à la libération conditionnelle, mais vous n'allez pas purger plus de 25 ans. C'est le maximum.

M. Jacques Saada: Pourquoi dites-vous cela? Je suis désolé, je ne veux pas...

Le président: Pourriez-vous poser les questions au témoin au lieu d'engager une discussion entre députés.

• 1125

M. Jacques Saada: Mes excuses, monsieur le président. J'aurais dû le savoir.

Je serai bref. Ce à quoi vous avez fait allusion et les exemples que vous avez cités donnent à réfléchir. Il y a forcément quelque chose qui cloche à quelque part si nous assistons à ce genre de chose.

Je ne suis pas convaincu que nous soyons dépourvus des outils nécessaires pour corriger ces situations. Je sais néanmoins une chose. Peu importe les mesures ou les lois que nous adopterons, nous ne pourrons pas ramener à la vie les victimes de ces crimes. Peu importe ce que nous ferons, nous n'arriverons pas à faire disparaître la douleur.

Je crois que le système souffre de deux problèmes. Le premier, c'est qu'on le connaît peu. Le deuxième, c'est que toute l'attention porte sur les exceptions et que le public ignore les possibilités et les recours du système.

J'ai posé cette question hier: Les outils, comme les peines consécutives, le cumul des périodes d'inadmissibilité, etc. existent-ils déjà dans le code actuellement en vigueur? La réponse qu'on m'a donnée, c'est oui. Est-ce qu'on l'applique? Est-ce qu'on l'applique systématiquement? Je n'en suis pas persuadé. Mais avant qu'on se mette à changer les règles, j'aimerais savoir si ces règles sont appliquées comme il se doit.

M. Gary Rosenfeldt: C'est un peu comme la suramende compensatoire. Elle était prévue dans les règles, mais personne ne l'appliquait. L'honorable Anne McLellan vient de proposer un projet de loi bien senti pour frapper d'une amende le défaut d'imposer la suramende compensatoire. Il faudrait peut-être modifier le Code criminel pour s'assurer que les peines sont effectivement imposées, même si elles sont déjà prévues dans le Code criminel.

On m'a dit à maintes reprises que le Code criminel prévoit la possibilité d'imposer des peines consécutives. Pourquoi alors cela ne se fait-il pas? C'est parce que la tendance au ministère de la Justice, j'en suis sûr, est en faveur des peines concurrentes. C'est tout ce que nous voyons de nos jours, ces peines concurrentes. Du point de vue de la victime, c'est tout simplement inacceptable. C'est une charade. C'est de la frime.

Le président: Merci, monsieur Saada.

Monsieur Sullivan.

M. Steve Sullivan: J'ai deux points à soulever. Certains des outils existent déjà. Comme vous le savez, les juges ont le pouvoir discrétionnaire d'imposer des peines consécutives dans les cas d'agression sexuelle. Le projet de loi à l'étude limiterait de toute évidence ce pouvoir discrétionnaire. Comme nous l'avons dit, il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire dans des cas comme celui de Clifford Olson. La peine est automatiquement l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. Nous avons donc déjà certains des outils, mais il nous en manque d'autres.

En réponse à ce que vous avez dit au sujet des cas extrêmes—je ne sais pas quel est le mot que vous avez utilisé—ou exceptionnels comme celui d'Olson, les cas comme celui-là ont amené beaucoup d'améliorations au Canada. Ainsi, on a déjà évoqué l'ancien projet de loi C-55 que votre gouvernement a adopté sur les contrevenants qui présentent un risque élevé. Un des principaux facteurs qui ont conduit à l'adoption du projet de loi a été le meurtre de Christopher Stephenson, l'affaire Joseph Fredericks. On peut bien dire, avec raison, qu'il s'agit là d'un cas extrême, mais c'est ce qui a conduit à l'adoption d'une mesure législative qui permettra de sauver des vies.

Il est donc important à mon avis de faire ressortir les cas comme ceux-là parce qu'ils peuvent conduire à des changements positifs. Ce n'est pas simplement que nous voulons parler de cas qui mettent les juges ou le gouvernement dans l'embarras. C'est que nous croyons que ces cas-là vont aboutir à des changements constructifs.

Le président: Merci.

M. Jacques Saada: Ai-je parlé de cas «extrêmes»?

M. Steve Sullivan: Excusez-moi. Je n'étais pas sûr que c'était le mot que vous aviez utilisé.

M. Jacques Saada: D'accord.

Le président: Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Non, ça va, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: En dernière analyse, comme vous l'avez dit, il s'agit de veiller à ce que, dans certains cas... et il s'agit ici des cas vraiment extrêmes qui ont des effets des plus catastrophiques. Je crois que les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui militent solidement en faveur de la limitation ou de l'élimination du pouvoir discrétionnaire qui permet de ne pas imposer de peines consécutives dans des cas comme ceux-là.

Si minime soit le nombre de tueurs en série, je crois simplement qu'il nous incombe, en tant que législateurs, de faire tout ce que nous pouvons pour faire en sorte de sauver des vies en empêchant que des contrevenants soient libérés plus tôt qu'ils ne devraient l'être à cause de dates d'admissibilité obligatoires. Voilà ce que nous devrions faire.

• 1130

Le président: Quelqu'un veut-il réagir à ce que vient de dire M. MacKay?

M. Peter MacKay: Ça va, merci.

Le président: D'accord. Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.

Nous parlions des différences entre le système américain et le système canadien. Les données statistiques sur l'expérience américaine nous ont été remises hier par le Bureau du solliciteur général. En moyenne, les condamnés à vie sans possibilité de libération conditionnelle purgent 29 ans. Au Canada, même quand on applique l'article 745, la moyenne est de 28,4 ans. Il semble donc y avoir une différence d'environ six mois dans la durée des peines qui sont effectivement purgées.

M. Steve Sullivan: Les données statistiques relatives aux États-Unis visent-elles les tueurs en série ou les personnes reconnues coupables de plus d'un meurtre, ou seulement...

M. Paul DeVillers: Je crois qu'elles visent tous les condamnés à vie sans possibilité de libération conditionnelle aux États-Unis.

M. Gary Rosenfeldt: Il arrive bien souvent, monsieur DeVillers, que nous comparions des pommes et des oranges. Je ne crois pas qu'on puisse comparer, par exemple, les crimes du type que nous avons au Canada avec les actes de violence liés à la pègre qu'on voit aux États-Unis, où il y a beaucoup de crime organisé. Nous savons qu'il y a autant de meurtres qui sont commis en un mois à Chicago qu'il y en a dans tout le Canada en un an. Les deux ne se comparent pas. Les facteurs socio-économiques sont différents. Il y a trop de différences, et il me semble que les comparaisons ne peuvent se faire qu'au cas par cas.

Ainsi, on indique ici 21,5 ans pour le Japon. Encore là, cependant, de quel type de crimes s'agit-il? Chaque crime est différent, et on ne peut pas les regrouper tous et dire que les contrevenants purgent tant d'années au Canada comparativement à 21 ans au Japon et à 18,5 ans aux États-Unis. La comparaison n'est pas juste. Je ne le crois pas.

M. Paul Devillers: Le projet de loi et les mesures proposées sont motivées en partie par la perception selon laquelle le système canadien n'est pas assez sévère. Le système canadien ne protège pas la société de façon efficace. Quand on fait la comparaison à l'échelle internationale, les chiffres semblent le confirmer. Voilà ce qui me cause un problème.

M. Gary Rosenfeldt: Cette comparaison ne permet pas non plus de bien cerner la réalité, car on ne sait pas combien de ces détenus commettent de nouveaux actes criminels dans chacun de ces pays une fois qu'ils sont libérés. On ne sait pas non plus combien il y en a qui le font au Canada.

Je sais qu'il y a des meurtres qui sont commis régulièrement au Canada par des meurtriers qu'on avait condamnés à l'emprisonnement à vie. Ici même, à Ottawa, une femme a été tuée il y a environ deux ans par un homme qui avait déjà tué sa première femme. Pourquoi des choses comme celles-là se produisent-elles? Il faudrait peut-être se pencher sur nos problèmes et chercher à les régler.

M. Paul DeVillers: Nous avons aussi ces statistiques-là. Il y a environ 11 personnes qui ont commis un meurtre et qui étaient récidivistes.

M. Steve Sullivan: Pourrais-je répondre à ce qu'on disait au sujet de la comparaison avec les États-Unis? Je ne suis pas là parce que je pense que notre système à l'égard des meurtres au premier degré n'est pas assez sévère. J'ai dit tout à l'heure que nous avons les outils voulus pour garder les Olson et les Bernardo de ce monde en prison à perpétuité, à vie. Notre système ne permet toutefois pas—et je l'ai dit tout à l'heure—de tenir compte de la deuxième, de la troisième et de la quatrième victime. La faiblesse du système tient, non pas à son manque de sévérité, mais au fait qu'il ne permet pas de tenir compte des victimes subséquentes.

M. Paul DeVillers: Dans le système tel qu'il existe à l'heure actuelle, le détenu se trouve sous l'empire du système pendant toute la durée de sa vie naturelle et, d'après les statistiques que nous avons ici, ils purgent en moyenne 28,4 ans, puis meurent ou bien sont libérés sous surveillance dans la collectivité, etc. En quoi l'adoption du projet de loi contribuera-t-elle à accroître la sécurité du public?

M. Steve Sullivan: Les données statistiques relatives aux meurtriers en général faussent les chiffres relatifs, par exemple, aux peines que purgent les meurtriers en série aux États-Unis. Si les données se limitaient aux seuls tueurs en série, il se pourrait bien que la moyenne des peines soit de 50 ans aux États-Unis. Il s'agit là d'un assez petit nombre de personnes. Je ne sais pas combien il y en a au Canada. Je suppose qu'il y en aurait peut-être 200. Je ne pense donc pas que l'argument soit très valable quand il s'agit d'un aussi nombre petit nombre de personnes.

M. Gary Rosenfeldt: Monsieur DeVillers, vous avez manifestement plus confiance en notre système de libération conditionnelle que moi.

M. Paul DeVillers: M. Sullivan a dit qu'il croyait que le système était assez bon, et je suis impatient d'entendre son témoignage à notre sous-comité.

M. Gary Rosenfeldt: Je crois que la Commission des libérations conditionnelles fait un assez bon travail dans certains domaines, mais le président de la Commission a également reconnu devant votre comité il y a quelques années à peine que 130 meurtres avaient été commis en 11 ans par des détenus qui étaient en liberté surveillée au Canada. Notre performance à ce chapitre n'est donc pas très reluisante.

• 1135

Le président: Merci, monsieur DeVillers.

Il nous reste une dernière question de M. John McKay.

M. John McKay: Cette question s'adresse à vous, monsieur Sullivan. Ma préoccupation porte sur la modification du Code criminel, ce qui est notre propos. Pour le meilleur ou pour le pire, c'est en fait tout ce que le gouvernement du Canada s'emploie à faire. L'administration de la justice pénale est ce genre de chose qui dépasse un petit peu nos moyens.

Pour revenir à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine, l'article 718 parle de «dénoncer», «dissuader», «aider à réhabiliter» et ainsi de suite. Au paragraphe 2 du même article, on lit ceci:

    [...] circonstances aggravantes [...] lorsqu'une peine consécutive est imposée, la peine combinée ne doit pas être indûment longue ou rigoureuse.

Nous avons déjà maintes fois parlé des délits multiples, quatre, cinquante, une centaine, ce genre de choses. Si ce projet de loi passe, et assurément si son premier article est adopté, quelqu'un qui aurait cinquante chefs d'inculpation en instance, est-ce que pour commencer cela ne jetterait pas le discrédit sur toute l'administration de la justice? En second lieu, cela n'aurait-il pas également un effet pervers en ce sens que la personne en question sera moins disposée à confesser ceci et cela? Peut-être soupçonnez-vous ou avez-vous le sentiment que la personne en question a été... l'ironie ici est que sur, mettons, cinquante chefs d'inculpation, vous obtiendrez quatre condamnations sans pour autant rien régler les quarante ou cinquante autres chefs d'accusation, ce qui aurait au niveau des victimes un effet tout à fait pervers.

J'aimerais savoir comment cela pourrait selon vous jouer dans le système.

M. Steve Sullivan: Pour commencer par la fin, il y a déjà, dans le système actuel qui permet la négociation des plaidoyers, des affaires qui ne sont jamais jugées.

M. John McKay: Mais qui trouvent néanmoins une issue.

M. Steve Sullivan: Oui et non. Vous avez parlé de cinquante chefs d'accusation. Dans certains cas, sans ce projet de loi, la Couronne pourrait décider de donner suite à dix d'entre eux si l'inculpé plaide coupable, et de ne pas donner suite aux quarante autres. Du point de vue de la victime, ces affaires ne sont jamais vraiment jugées. Ici, rien ne va changer. Le projet de loi ne changera rien au système de négociation des plaidoyers sur lequel repose tout notre système.

Quant à la première partie de votre intervention, lorsque vous dites que les cinquante chefs d'accusation risquent de jeter le discrédit sur tout le système, je ne suis par certain de vous suivre très bien.

M. John McKay: Hier, un témoin nous a parlé de ces conséquences perverses. Selon son argument, ce qui va se produire c'est que le pouvoir judiciaire va se désister et ou assistera à une recrudescence de la négociation des plaidoyers entre le ministère Public et l'avocat de la défense. Cela se passera de toutes manières, d'où l'ironie un peu perverse que les peines prononcées seront encore moins véridiques qu'elles ne le sont actuellement. Si j'ai bien compris, c'est là le coeur même de l'argumentation de ceux qui défendent le projet de loi. Dans ce cas-ci, ils ont le sentiment que les peines prononcées ne reflètent pas suffisamment la vérité. Lorsque la situation se prête davantage encore à la négociation des plaidoyers, les peines prononcées refléteront encore moins la vérité.

M. Steve Sullivan: J'y ai réfléchi en effet. Il est évident que c'est là le genre de choses qu'il est impossible de prévoir. Nous savons qu'à l'heure actuelle la négociation des plaidoyers existe et nous savons que, même si le projet de loi est adopté, ce système va demeurer. Pour être parfaitement honnête, je n'ai pas de réponse à vous proposer. Cela pose en effet problème, mais le projet de loi ne va rien changer à la négociation des plaidoyers. De là à dire qu'il va favoriser ce genre de recours, je n'en suis pas convaincu. En tout état de cause la négociation des plaidoyers va toujours faire partie intégrante du système.

J'imagine que ce que je veux dire, c'est que le système n'est pas vraiment là pour faire le bonheur des victimes étant donné que celles-ci—certaines d'entre elles du moins—vont toujours se dire insatisfaites de l'issue de leurs causes, peu importe que le projet de loi soit adopté ou non.

M. John McKay: J'en conviens en effet.

M. Steve Sullivan: Je dirai que le principe de la détermination de la peine, que le Code criminel le dise ou non, procède en partie de la volonté de réagir au tort subi par la collectivité et par les victimes. Dans quelque temps d'ailleurs, vous allez voir une mesure législative qui se penche sur le cas des victimes tel qu'il a été étudié par votre comité, de manière à ce que le système en tienne compte.

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Je sais que je m'écarte un peu du sujet mais, pour être tout à fait honnête, je n'ai pas l'ombre d'une réponse à vous donner.

M. John McKay: Mais cela ne revient-il pas à la question de M. Marceau qui disait qu'on confondait les deux. M. Rosenfeldt est venu témoigner de façon très convaincante au sujet de la façon dont il avait été traité par le système et du fait que son fils n'avait pas été pris en compte. Il s'agit d'un témoignage extrêmement persuasif, mais j'ignore comment ce projet de loi...

M. Steve Sullivan: Ce qu'on pourrait faire j'imagine, c'est dissocier les deux. Ainsi, si vous ne pensez pas que le texte législatif concernant les agressions sexuelles soit valable ou s'il y a l'une ou l'autre chose qui vous pose problèmes, il est évident que vous pourriez dissocier les deux pourvu que le parrain du projet de loi soit d'accord. Vous vous contenteriez alors des dispositions concernant le meurtre qui ne vous poseraient pas selon moi le même genre de problèmes.

À mon sens, le comité est là pour entendre des témoins, pour prendre des décisions et pour améliorer le texte du projet de loi si c'est possible, en profitant précisément de ce genre de choses. Le comité compte plusieurs avocats parmi ses membres. Vous pouvez en consulter 1 200 autres au ministère de la Justice. Vous avez tous les moyens nécessaires pour que ce projet de loi produise des résultats.

Le président: Monsieur Abbott voudrait poser une petite question et je vous demanderais d'être succinct dans votre réponse.

M. Jim Abbott: Pensez-vous que le fait de dire «peut» au lieu de «doit» dans le premier article du projet de loi, ce qui donnerait plus de pouvoir discrétionnaire au juge, nuirait à l'intention première ou au contraire améliorerait le projet de loi?

M. Steve Sullivan: Dans la première disposition qui concerne les cas d'agression sexuelle?

M. Jim Abbott: C'est cela, là où on lit que le juge «doit» imposer des peines consécutives. Si nous disions plutôt «peut», cela aurait-il à votre avis un impact positif ou négatif? J'imagine qu'en fin de compte, le résultat serait que les juges auraient un moyen de plus à leur disposition sans être obligés toutefois de l'utiliser. D'après la réponse du chef de police, il faudrait conserver le terme «doit», et je vous demande votre avis à vous.

M. Steve Sullivan: Dans le cas des dispositions concernant l'agression sexuelle, les juges ont déjà ce pouvoir discrétionnaire, ce qu'ils n'ont pas dans les affaires de meurtre. Si vous me demandez ma préférence, je préférerais que ce soit une obligation, mais... Il est certain que «doit» est meilleur que ce que nous avons actuellement.

M. Gary Rosenfeldt: Nous préférons en effet le terme comminatoire.

M. Jim Abbott: Parfait, je vous remercie.

Le président: Merci, MM. Rosenfeldt et Sullivan, nous vous sommes reconnaissants de vos interventions ce matin.

La séance est levée.