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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 mars 1999

• 0942

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.

Nous accueillons parmi nous ce matin, de Guardian Interlock Systems, M. Ian Marples et M. Jean-Claude Mercure.

Bonjour. Si j'ai bien compris, vous avez une présentation d'environ cinq à dix minutes à faire. Vous avez également de courtes bandes, en anglais et en français. Nous les ferons jouer. Vous nous montrerez l'antidémarreur que vous avez ici, après quoi nous sortirons peut-être voir comment il fonctionne dans le véhicule que vous avez à l'extérieur. Tout cela, ainsi que des questions, en l'espace d'une heure.

Voilà en tout cas quelle sera la marche à suivre pour nos premiers témoins de ce matin.

Monsieur Marples, je vous invite à commencer votre exposé.

M. Ian Marples (président, Guardian Interlock Systems Corporation): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous aujourd'hui. C'est un honneur pour moi de comparaître à cette étape très importante dans l'examen des dispositions du Code criminel en matière de conduite avec facultés affaiblies.

J'aimerais vous présenter mon collègue, M. Jean-Claude Mercure, le chargé de projet pour notre société en ce qui concerne le programme de systèmes antidémarrage que nous avons au Québec.

[Français]

Si les membres du comité francophones ont des questions et veulent une réponse en français, il serait préférable qu'ils adressent leurs questions à M. Mercure.

[Traduction]

J'ai préparé un mémoire écrit, et je vais suivre le texte d'assez près. Si vous avez des questions à poser au fil de mon exposé, n'hésitez pas à m'interrompre.

La conduite avec facultés affaiblies est certainement le crime le plus répandu au Canada. Étant donné ses effets—décès, blessures, et dommages—elle est sans doute également le plus grave.

Les éléments statistiques, par exemple les accusations portées et les accidents mortels dans lesquels l'alcool est un facteur, démontrent que l'ampleur du problème de l'alcool au volant a sensiblement diminué depuis les dernières modifications importantes apportées au Code criminel en 1985. Cependant, selon des sources comme le Conseil canadien de la sécurité, il est possible qu'en réalité l'incidence de conduite avec facultés affaiblies ait augmenté plutôt que diminué. Un fait est clair, au Canada, l'alcool au volant continue de se manifester à un niveau qui est socialement, politiquement et économiquement inacceptable.

Au fil des ans, de nombreuses lois fédérales et provinciales ont été adoptées afin de lutter contre la conduite avec facultés affaiblies au Canada. Toutefois, un grand nombre de ces lois sont le reflet d'hypothèses qui tiennent davantage de croyances populaires que de la réalité; elles sont donc fondamentalement erronées.

Ces croyances populaires comprennent entre autres les suivantes: que les contrevenants primaires sont fondamentalement différents des récidivistes en matière d'alcool au volant; que l'application des lois anti-alcool au volant sera efficace et uniforme; que la publicité et les campagnes de sensibilisation ciblant la réduction de l'alcool au volant auront un effet positif à tous les niveaux; que la suspension de permis imposée au contrevenant sera respectée; que les sanctions légales traditionnelles comme les amendes, les suspensions de permis et l'emprisonnement sont des méthodes de dissuasion efficaces en ce qui concerne la récidive ; et, enfin, que l'augmentation de la sévérité des sanctions légales traditionnelles contre les personnes trouvées coupables de conduite avec facultés affaiblies aura un effet dissuasif accru.

Les lois visant la conduite avec facultés affaiblies font souvent une distinction entre contrevenants primaires et récidivistes, comme si ces groupes étaient fondamentalement différents. En réalité, presque toutes les personnes trouvées coupables de conduire en état d'ébriété aujourd'hui sont des récidivistes.

• 0945

Cette affirmation peut sembler douteuse, mais les chercheurs estiment qu'une personne peut prendre le volant en état d'ébriété de 200 à 2 000 fois avant d'être appréhendée.

En se basant sur ce fait, les distinctions légales entre les soi-disant contrevenants primaires et les récidivistes ne font que perpétuer un mythe. Ces distinctions, lorsqu'on les compare à la réalité, sont floues dans le meilleur des cas. De nos jours, les personnes trouvées coupables de conduite avec facultés affaiblies ne sont pas que des buveurs occasionnels qui ont commis une erreur de jugement. Cela a pu exister dans une certaine mesure par le passé, mais cela ne vaut plus aujourd'hui. La série de campagnes d'éducation et de sensibilisation du public, menées au cours de la dernière décennie, a eu un impact. Les gens ont compris le message, et les personnes responsables le respectent.

Compte tenu de la sensibilisation du public aux dangers causés par l'alcool au volant, les personnes qui conduisent toujours en état d'ébriété sont de toute évidence des personnes dont le comportement démontre qu'elles ne veulent pas ou ne peuvent pas prendre de décisions responsables sur l'alcool au volant. En général, ces personnes sont alcooliques; elles ne peuvent pas contrôler leur consommation ou ont une dépendance à l'égard de l'alcool.

Le comportement des personnes qui conduisent en état d'ébriété, avant et après être trouvées coupables, démontre également que les sanctions légales traditionnelles comme les amendes, la suspension de permis et l'incarcération ne les dissuadent pas. Étant donné les problèmes d'alcool qu'ont ces personnes et le rôle important que joue la conduite automobile dans la vie de la majorité des adultes d'aujourd'hui, sans compter la très faible probabilité de se faire prendre, il est probable que ces personnes continueront de conduire après avoir consommé une quantité excessive d'alcool.

À la lumière de ces faits, qu'en est-il des mesures prises récemment par certaines juridictions afin d'augmenter la période de suspension des permis? Si le fait de suspendre le permis de personnes coupables de conduite avec facultés affaiblies ne les empêchera probablement pas de récidiver, ne peut-on pas au moins leur interdire de conduire pendant plus longtemps?

Malheureusement, la réponse est non. Même si l'on a démontré que les courtes périodes de suspension sont généralement respectées, ce n'est pas le cas des suspensions prolongées.

En réalité, au-delà d'un certain point, la suspension de permis a tendance à devenir improductive puisque non seulement de plus en plus de personnes conduisent sans permis, mais elles omettent de faire rétablir leur permis à la fin de la suspension. Par conséquent, ces personnes sortent de façon permanente du système de réglementation et d'autorisation légal.

Bref, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que les personnes qui se sont avérées irresponsables à l'égard de l'alcool au volant et qui ne sont pas dissuadées par la menace d'une suspension de longue durée soient davantage responsables quant au respect d'une telle suspension ou qu'elles soient dissuadées par une suspension plus longue si elles se font prendre à nouveau.

Généralement, il semble que les hypothèses discutées ci-dessus soient soutenues par des notions plus fondamentales selon lesquelles la prise de décisions responsables et la maîtrise de soi sont attribuées à des personnes qui en sont incapables. Malheureusement, on ne peut s'attendre à ce que les mesures fondées sur de telles notions soient très efficaces.

Par conséquent, à moins que les gouvernements ne soient prêts à engager des ressources importantes afin d'appliquer les lois—le policier proverbial à chaque coin de rue—le problème de l'alcool au volant persistera dans un avenir prévisible.

Sur cette toile de fond, l'antidémarreur constitue une nouvelle initiative prometteuse dans la lutte contre l'alcool au volant. Un antidémarreur est un instrument d'analyse d'haleine complexe installé dans un véhicule de façon que son fonctionnement soit lié à l'allumage, au démarreur, au système électrique et aux autres systèmes de bord. L'utilisateur doit réussir le test d'haleine avant de pouvoir faire démarrer le véhicule et de le conduire.

Des tests subséquents sont également requis à des moments aléatoires pendant que le moteur tourne. Si un test subséquent n'est pas passé ou si un taux d'alcoolémie supérieur à une limite établie est détecté, une alarme est activée; l'alarme ne s'arrête que si le conducteur réussit le test ou s'il se range sur le côté de la route et coupe le moteur.

• 0950

Le dispositif d'antidémarrage possède des caractéristiques conçues pour contrôler et enregistrer des données sur des fonctions et des événements cruciaux, prévenir les altérations et les tentatives de contournement, et assurer le respect par les utilisateurs des conditions d'utilisation et autres exigences établies par les autorités administratives compétentes.

À cet égard, l'utilisation d'antidémarreurs par les personnes jugées coupables d'avoir conduit avec facultés affaiblies fait généralement partie d'un programme de contrôle et de supervision étroite, administré par des fonctionnaires de la cour en vertu d'une ordonnance de probation ou par une autorité des permis de conduire, et dont le respect est une condition du rétablissement du droit de conduire.

Dans la terminologie du droit pénal, l'antidémarreur est une forme de neutralisation qui empêche la conduite avec facultés affaiblies en empêchant physiquement le fonctionnement d'un véhicule si son conducteur a consommé trop d'alcool. Les antidémarreurs visent à contrôler le comportement des conducteurs dans l'intérêt de la sécurité publique.

Cette approche ne tient pas compte des hypothèses fondées sur des notions discutables de maîtrise de soi et de prise de décision responsable qui semblent sous-tendre la plupart des mesures de lutte contre l'alcool au volant.

Au contraire, l'utilisation d'antidémarreurs suppose la reconnaissance que le type de conducteur dont nous avons parlé continuera probablement de consommer de l'alcool et de conduire son véhicule en dépit des risques et, apparemment, des conséquences.

Dans cette optique, l'utilisation d'antidémarreurs semble opportune en tant que moyen de contrôle de la conduite avec facultés affaiblies et de prévention de nouvelles infractions.

S'il est sensé d'utiliser les antidémarreurs pour empêcher la récidive en matière de conduite en état d'ébriété, il est également logique, à mon avis, du point de vue de la sécurité automobile, que les contrevenants participent à un programme d'antidémarreurs le plus tôt possible.

Nous ne suggérons pas que les antidémarreurs remplacent les ordonnances d'interdiction de conduire imposées en vertu du Code criminel ni la suspension de permis imposée en vertu de lois provinciales, ni même que leur durée soit nécessairement réduite. Ces telles mesures servent à souligner la détermination de la société à ne pas tolérer les personnes dont le comportement représente un risque inacceptable et cause trop souvent une tragédie, ainsi qu'à se protéger contre elles.

D'un autre côté, en reconnaissance du fait que le sens d'un grand nombre de termes évolue en fonction de conditions et de circonstances changeantes, l'on suggère que les progrès récents en matière de technologie d'antidémarreur soient une occasion et une raison de repenser le sens à donner à des termes comme «suspension de permis», et ce qu'ils devraient englober dans leur application à des récidivistes.

Au niveau provincial, un nombre croissant de gouvernements ont adopté une approche graduelle de rétablissement du droit de conduire, y compris, à l'étape intermédiaire, l'utilisation d'un antidémarreur. Dans ces provinces, les personnes dont le permis de conduire a été suspendu ou révoqué pour avoir conduit avec facultés affaiblies, au sens du Code criminel, peuvent se voir accorder un privilège de conduite limité avec antidémarreur à l'expiration de leur interdiction de conduire imposée en vertu du paragraphe 259(1) du Code, même si, techniquement, leur permis est toujours suspendu ou révoqué.

Dans de nombreux cas, un permis de conduire avec exigence d'utiliser un antidémarreur permet au contrevenant d'obtenir ou de garder un emploi. Cela peut être particulièrement avantageux dans les endroits où le service de transport en commun n'est pas étendu, ce qui, comme nous le savons, est le cas du gros du pays, exception faite d'une poignée d'importants centres métropolitains. Ces effets positifs peuvent avoir des retombées sur les plans vie familiale, réduction des coûts de bien-être social, etc.

En même temps, parce que l'antidémarreur est une méthode de contrôle extrêmement efficace—en d'autres termes, les gens peuvent continuer de consommer de l'alcool et ils peuvent conduire, mais ils ne peuvent pas combiner ces deux activités—le public est à l'abri de nouveaux cas de conduite avec facultés affaiblies de la part de ces personnes.

Dans le scénario que je viens de décrire, la participation du contrevenant au programme d'antidémarreur dure jusqu'à la fin de la période de suspension initiale, ou plus longtemps, selon son comportement et son respect des conditions du programme.

En fait, il semble qu'au moins une province, l'Alberta, envisage l'application de programmes à durée indéterminée dans le cadre desquels les contrevenants doivent garder l'antidémarreur dans leur véhicule jusqu'à ce qu'ils démontrent qu'ils n'en ont plus besoin dans l'intérêt de la sécurité publique et que les risques posés par eux ont été ramenés à des niveaux acceptables. Pour certains, cela voudra dire munir leur automobile d'un antidémarreur pour une très très longue période de temps—peut-être même indéfiniment.

• 0955

En plus d'un contrôle accru, l'on peut tirer deux autres avantages d'une utilisation précoce des antidémarreurs. Le premier avantage est que l'antidémarreur est un outil de dépistage très efficace.

Le rapport sur les événements qui sont contrôlés et enregistrés par l'antidémarreur est d'une aide précieuse dans l'évaluation de l'alcoolisme du conducteur et dans le choix d'une thérapie appropriée pour lui.

Deuxièmement, l'utilisation de l'antidémarreur sur une longue période, particulièrement lorsque combinée à une thérapie, donne des résultats prometteurs sur le plan modification du comportement. En effet, l'antidémarreur aide les personnes qui ont un problème d'alcool à adopter un comportement nouveau et plus responsable par rapport à l'alcool au volant, ce qui réduit l'incidence de récidivisme.

Nous pensons donc que l'utilisation d'antidémarreurs devrait être sérieusement envisagée comme sanction, et peut-être même comme sanction principale, dans la majorité des cas d'infraction pour conduite avec facultés affaiblies en vertu du Code criminel. Les exceptions, bien sûr, seraient les infractions ayant causé des blessures ou la mort. Par ailleurs, il conviendrait de porter une attention toute particulière à des mesures visant l'utilisation précoce et à grande échelle des antidémarreurs et, pour ceux qui en ont besoin, à long terme.

Il faut cependant admettre qu'un grand nombre de ces mesures exigeront des mesures complémentaires au niveau provincial et en dépendront à certains égards. Ceci est, bien sûr, très important.

Par exemple, même si le Parlement abolissait les ordonnances d'interdiction de conduire en faveur d'une probation obligatoire liée à la participation à un programme d'antidémarreurs, les autorités provinciales pourraient nuire aux efforts visant à encourager l'utilisation précoce des antidémarreurs en retardant l'admissibilité jusqu'à la fin d'une longue période de suspension des permis.

Néanmoins, en dépit de ces obstacles, nous pensons qu'il est possible d'établir, grâce à une planification et à une rédaction soignée de dispositions du Code criminel, un cadre législatif souple qui tienne compte des différences provinciales et qui encourage l'adoption d'une approche mettant davantage l'accent sur le contrôle de la conduite en état d'ébriété, par opposition à de simples mécanismes de punition.

Je n'entends pas vous soumettre une liste exhaustive de suggestions, mais voici quelques changements dont nous recommandons l'adoption.

Premièrement, l'on pourrait prévoir une ordonnance d'interdiction de conduire conditionnelle, selon laquelle il serait interdit à un contrevenant de conduire un véhicule sauf s'il participe à un programme d'antidémarreur reconnu et approuvé par la cour et en respecte les conditions.

Un autre changement serait de prévoir pour toutes les personnes trouvées coupables de conduite avec facultés affaiblies une probation obligatoire assortie de certaines conditions automatiques, dont l'interdiction de conduire à moins de se soumettre à un programme d'antidémarreur approuvé.

Une troisième possibilité serait de prolonger la durée d'application des ordonnances de probation pour les cas de conduite avec facultés affaiblies. Cela serait particulièrement approprié dans les cas où la province impose des périodes de suspension de permis longues. Il conviendrait dans de tels cas de prolonger la durée des ordonnances de probation jusqu'à bien au-delà de la suspension provinciale applicable, avec exigence d'un examen avant l'expiration de l'ordonnance de probation—un genre d'audience d'«exposition des raisons».

Lors de cette audience, les contrevenants n'ayant pas participé à un programme d'antidémarreur jusque là ou ceux n'ayant pas respecté les conditions du programme imposé seraient tenus d'exposer les raisons pour lesquelles ils ne devraient pas se faire imposer une nouvelle sanction pour l'infraction originale.

Deux autres possibilités seraient de prévoir, dans les cas où cela serait indiqué, des ordonnances de probation d'une durée indéterminée, ce de façon à pouvoir contrôler non seulement la participation à un programme d'antidémarreur mais également, le cas échéant, le respect continu du programme.

Enfin, je pense que le comité devrait sérieusement envisager, pour les cas de soi-disant première infraction, des acquittements conditionnels à la participation obligatoire à un programme d'antidémarreur approuvé par la cour et au respect de toutes les conditions du programme.

• 1000

En résumé, bien que les antidémarreurs ne soient pas une panacée, une masse toujours croissante de preuves fondées sur l'expérience vécue à ce jour par l'Alberta, le Québec et 37 États américains—et, depuis février de cette année, la Suède—appuie la théorie selon laquelle l'exigence que les personnes trouvées coupables de conduite en état d'ébriété partout au Canada utilisent des antidémarreurs pourrait très bien résulter en une très nette amélioration de la situation dans son ensemble.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Marples.

Nous avons la bande ici, mais je pense que nous nous en passerons, étant donné l'heure. Les membres du comité pourront la regarder. Il s'agit d'une présentation de cinq minutes sur la façon dont le système fonctionne.

Vous pourriez peut-être venir par ici, monsieur Marples, et nous montrer comment cela fonctionne. Vous avez un antidémarreur ici. Nous passerons ensuite aux questions.

M. Ian Marples: Il est difficile de réellement comprendre ce qu'est l'antidémarreur en regardant tout simplement quelque chose comme ceci, qui est une petite unité de démonstration portable, car dans un véhicule, vous ne voyez pas toutes ces autres pièces.

L'antidémarreur est composé de deux éléments. Le module de contrôle, qui fait environ la taille d'une radio BP, est typiquement monté sous le tableau de bord du véhicule. Il comporte un écran numérique qui affichera des messages pour le conducteur, surtout lorsque l'unité est prête à accepter un test. Si la personne n'a pas bien fourni l'échantillon, l'unité lui fera des suggestions afin de l'aider à fournir un meilleur échantillon. L'autre élément est le dispositif de mesure du taux d'alcoolémie, et qui est très sophistiqué.

Voilà ce que c'est, en gros. Vous pouvez voir tous ces fils qui sortent du module de contrôle. Ils sont raccordés à différentes connexions dans le véhicule de façon à contrôler le contact et le démarreur. Il y a une sonnerie d'alarme distincte. Il reçoit un signal du tachymètre pour mesurer les distances parcourues lorsque le moteur tourne. Il est également branché sur le système d'alimentation du véhicule.

La conservation des données enregistrées n'est pas fonction du système d'alimentation du véhicule. Un grand nombre de participants à des programmes d'antidémarreurs pensent qu'ils peuvent battre le système en débranchant tout simplement la batterie, mais le dispositif a sa propre source énergétique interne, ce afin d'assurer que tous les renseignements sur les déplacements soient conservés en vue de leur téléchargement dans un ordinateur et de leur transmission aux autorités.

Avant de faire démarrer le véhicule, l'intéressé doit fournir un échantillon d'haleine dont la concentration d'alcool est inférieure au seuil fixé. Ce seuil peu varier selon l'endroit, mais, en théorie, il pourrait être énoncé dans le Code criminel.

En Alberta, par exemple, le niveau a été fixé à 0,04. Au-delà d'un verre ou deux, il y a de fortes chances que vous dépassiez la limite. Au Québec, le seuil a été fixé à 0,02.

D'après ce que j'ai compris, d'un point de vue médecine légale, cela correspond en fait à la tolérance zéro. Un verre et vous êtes au-dessus de la limite.

La raison pour laquelle ce seuil se situe en dessous de la limite légale est que, philosophiquement parlant, les programmes d'antidémarreur visent non seulement à contrôler l'incidence de conduite en état d'ébriété mais également à apprendre aux contrevenants à acquérir des comportements plus responsables lorsqu'ils choisissent de boire.

Si vous allez boire, ne comptez pas prendre le volant. C'est là le message. Si une personne ne peut pas ou ne veut pas prendre la décision responsable qu'il faut, alors l'antidémarreur la prendra pour elle.

Lorsque je dis que le système est sophistiqué, j'entends par là qu'il comporte une vaste gamme de mécanismes «anti-contournement». Cet appareil été mis au point conformément aux normes prescrites pour ce genre de dispositif en Alberta. C'est l'Alberta qui a établi la norme mondiale. Les antidémarreurs qui sont conformes aux normes albertaines sont sensiblement plus sophistiqués et efficaces que ceux produits aux États-Unis, par exemple.

Cela est en partie dû aux conditions climatiques plus sévères, mais en même temps, le gouvernement albertain a dit, d'accord, si l'on va avoir un programme d'antidémarreurs, l'on veut avoir un dispositif solide, durable, incontournable, juste et adapté à l'alcool.

Ce dispositif réunit toutes ces caractéristiques et d'autres encore. Vous ne pouvez pas le tromper en filtrant l'échantillon d'haleine, en utilisant un échantillon d'haleine trafiqué ou autre chose du genre. Il s'agit d'un dispositif hautement sophistiqué qui veille de façon efficace à ce que les personnes qui conduisent un véhicule équipé d'un antidémarreur ne consomment pas d'alcool avant de prendre le volant.

• 1005

Pour faire démarrer le véhicule, vous soufflez dans le dispositif et au milieu du soufflement vous faites un bruit de bourdonnement sans relâcher la pression, ce parce que l'antidémarreur attend une signature d'haleine humaine. Il vérifie la pression avec laquelle vous fournissez l'échantillon. Il vérifie le volume d'air. Il vérifie la température. Il vérifie la fréquence du bourdonnement que vous faites et plusieurs autres indicateurs qui lui prouvent que l'échantillon provient d'un humain et qu'il n'a été ni altéré ni filtré de quelque façon que ce soit.

Je vais vous faire la démonstration de la façon de procéder. C'est assez délicat.

Maintenant, la machine est en train d'analyser l'échantillon.

Ce bip me dit que je peux faire démarrer le véhicule.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Quel véhicule?

M. Ian Marples: Eh bien, si vous aimeriez le voir fonctionner en situation réelle, j'ai ma propre voiture ici. Elle est équipée d'un antidémarreur. Vous pourrez voir le dispositif fonctionner en temps réel et en situation réelle.

Mon véhicule est muni depuis quelque temps déjà d'un antidémarreur, et je suis fermement convaincu que du point de vue de l'utilisateur, c'est simple comme bonjour. Il vous dit quand il veut un échantillon. Vous le lui donnez et vous poursuivez votre route, à moins, bien sûr, que vous ayez bu. Cela devient alors votre pire cauchemar.

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Si vous êtes en ville et que vous ne cessez de vous arrêter et de repartir, le dispositif le saura-t-il et vous demandera-t-il un échantillon toutes les quelques heures seulement? Deuxièmement, que se passe-t-il si vous êtes sur l'autoroute et qu'il vous réclame un autre échantillon?

M. Ian Marples: Je vais répondre à vos questions dans l'ordre.

Il teste et reteste tout à fait au hasard. Cet appareil-ci étant une unité de démonstration, la séquence est en fait accélérée afin de pouvoir vous montrer toutes les différentes caractéristiques. Ce bip est ce que vous entendez lorsqu'un nouveau test est requis.

En réponse à votre deuxième question, non, vous n'avez pas à vous garer sur le bas côté. Il y a ce que l'on appelle le retestage en cours de route. L'idée est que cela puisse se faire pendant que le véhicule tourne, même s'il se déplace, sans pour autant nuire à la sécurité. Cela demande moins d'attention que mettre la radio. Vous n'avez pas à quitter la route des yeux. Vous entendrez le signal. Il ne vous est même pas nécessaire de regarder ce qui est affiché. Il vous suffit de prendre l'embout et d'y souffler tout en poursuivant votre route.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Que se passe-t-il si vous échouez pendant que vous conduisez? À bientôt que vous ayez consommé de l'alcool, que vous ayez réussi le test en faisant démarrer votre voiture, mais que, 15 minutes plus tard, la concentration d'alcool dans votre sang est supérieure à la limite?

M. Ian Marples: Cela est en effet concevable, et c'est l'une des raisons pour lesquelles il y a retestage. Cela vise en partie à assurer que la personne qui a fait démarrer la voiture est bien celle qui est au volant et en partie à assurer que celle-ci n'a pas consommé d'alcool tout en conduisant et que son taux d'alcoolémie n'est pas en train d'augmenter.

Si vous échouez le test ou refusez le test de rappel, alors vous entendrez un signal qui vous dira ou de vous garer ou de réussir le test. Si ni l'une ni l'autre de ces choses n'est faite dans un laps de temps donné, qui peut être de deux à cinq minutes, selon ce qui est prévu dans la province concernée, une alarme retentira. Cette alarme ne sera interrompue que si les mesures indiquées sont prises.

Ce sera également inscrit dans la mémoire, et cela constituera une violation du programme. Les personnes inscrites au programme d'antidémarreur doivent faire vérifier leur véhicule tous les quelques mois en général s'ils respectent les règles. Si elles échouent à un test ou refusent le test de vérification subséquent, cela peut automatiquement avancer la date de rappel. Si l'intéressé ne se présente pas pour le rappel, alors le véhicule bloquera. Il sera immobilisé en permanence. Il ne pourra pas démarrer du tout, même si la personne n'a pas bu.

Les programmes d'antidémarreur sont censés avoir du nerf. Tant que vous vous y soumettez, c'est simple comme bonjour. Mais si vous tentez de tromper le système ou de détourner les conditions du programme, vous ne pourrez plus conduire.

Le président: Nous pourrions peut-être maintenant entamer formellement la période de questions, avec des tours de cinq minutes. Je ne suis pas certain qu'il nous faille tout ce temps.

Allez-y, monsieur Harris.

M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Si l'on montait l'un de ces dispositifs dans chaque nouveau véhicule construit, l'on pourrait peut-être finir par éliminer complètement la conduite en état d'ivresse, mais ce n'est sans doute là qu'un rêve.

• 1010

Quel est le coût de l'un de ces dispositifs, et j'entends par là et le coût d'achat initial et les coûts correspondant à son utilisation dans le contexte du système albertain?

M. Ian Marples: En ce qui concerne les personnes jugées coupables de conduite en état d'ivresse, les antidémarreurs ne sont tout simplement pas en vente libre. Ils sont fournis dans le cadre de tout un programme englobant l'utilisation du dispositif, son installation, un contrôle, le service après installation et les rapports aux autorités. Au Canada, le coût pour l'utilisateur s'élève à environ trois dollars par jour.

Ce n'est pas un montant insignifiant, mais si vous traduisez cela en des termes que vos clients pourront comprendre, cela correspond à peu près au prix d'un verre d'alcool par jour. La réalité pour ces personnes est qu'il leur faut consommer moins, sans quoi elles ne pourront pas conduire.

M. Richard Harris: Je sais que vous avez dit dans votre exposé que le système antidémarreur ne devrait d'aucune façon être considéré comme un remplacement des sanctions pénales et administratives, mais devrait plutôt venir compléter ou augmenter les sanctions déjà prévues.

M. Ian Marples: Je pense que les sanctions représentent si vous voulez une déclaration par la société que le comportement visé est inacceptable, qu'il ne sera pas toléré, et que la société entend prendre toutes les mesures nécessaires pour se protéger contre les personnes qui créent des risques déraisonnables. Cela étant dit, m'appuyant sur l'expérience que j'accumule dans ce domaine depuis plusieurs années déjà, je peux vous dire que la clé à une utilisation généralisée d'antidémarreurs est d'y recourir le plus tôt possible. Si les gens sont assujettis à des sanctions qui incluent une période d'interdiction de conduire ou de suspension de permis sur des années et des années, alors ils seront à jamais à l'extérieur du système. Les risques de se faire prendre étant très faibles, il est dans leur intérêt de conduire même si leur permis a été suspendu ou carrément retiré. Et c'est ce que font la grande majorité des personnes qui se trouvent dans cette situation.

M. Richard Harris: Je pense que c'est là l'un des points que nous avons examinés pendant ces audiences, soit la capacité d'augmenter les risques que ces personnes se fassent prendre en prévoyant des pouvoirs de contrôle plus musclés ou des pouvoirs de faire des contrôles routiers plus étendus, de faire pleinement approuver les appareils mobiles et de faire en sorte que les preuves certifiées de ces appareils soient plus facilement acceptées par les tribunaux.

M. Ian Marples: Je pense que toutes ces mesures vont produire des résultats positifs. Mais, cela étant dit, la réalité est que les services de police ont des ressources limitées et qu'ils ne peuvent pas assurer une présence à chaque coin de rue, à la sortie de chaque bar, tous les soirs de la fin de semaine.

M. Richard Harris: Je crois que certains d'entre nous avons pensé pendant ces audiences que l'une des choses qu'il nous faudrait vraiment faire serait de veiller à ce que les ressources nécessaires soient disponibles si nous prétendons prendre au sérieux la lutte contre la conduite en état d'ivresse.

Une dernière question. On vous la pose sans doute chaque fois que vous prenez la parole quelque part. Qu'est-ce qui empêche une personne versée au programme de tout simplement monter dans la voiture de quelqu'un d'autre et de prendre le volant? C'est là qu'intervient la loi. Il faut avoir du nerf pour appuyer cela si nous allons dire aux gens: «Vous ne pouvez pas conduire».

M. Ian Marples: Oui. Les gouvernements qui ont les programmes d'antidémarreur les plus réussis sont ceux qui adoptent des lois complémentaires visant ce genre de problèmes.

Une chose que l'on pourrait peut-être envisager serait de faire en sorte que ce soit un crime pour une personne de fournir, en connaissance de cause, un véhicule non muni d'un antidémarreur à une personne dont le permis de conduire se limite à la conduite de véhicules équipés d'antidémarreur.

Je pense que l'on peut également envisager des situations dans lesquelles quelqu'un laisserait tout simplement une personne conduire un véhicule non muni d'un antidémarreur, tout en sachant fort bien que celle-ci a un permis qui exige le contraire, mais c'est une toute autre chose de commettre soi-même un délit en prêtant ou en fournissant autrement un véhicule à ce genre de conducteur.

Ce n'est pas une solution parfaite, mais c'est là un exemple de chose qui pourrait être faite pour améliorer la situation.

M. Richard Harris: Très. Merci.

• 1015

M. Gary Lunn: J'aurais encore une toute petite question.

Le président: Très rapidement, monsieur Lunn, je vous prie.

M. Gary Lunn: Le coût est-il entièrement assumé par l'utilisateur? D'après ce que je vois, cela ressemble à un programme de location.

M. Ian Marples: Oui, c'est un programme dans le cadre duquel l'utilisateur paye 100 p. 100 des coûts.

M. Gary Lunn: Très bien.

Le président: Merci.

Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'aimerais poursuivre sur la même question. Quels sont les coûts pour les individus? Quel est l'impact, entre autres financier, de l'utilisation de ce système-là? Quelle est votre vision à cet égard? Enfin, quel lien y a-t-il entre cela et les assurances et tout le reste?

[Traduction]

M. Ian Marples: Du point de vue de l'utilisateur, le fardeau financier n'est pas le coût du programme d'antidémarreur. Si vous avez les moyens d'avoir un véhicule, vous avez les moyens de participer au programme d'antidémarreur. Comme je l'ai déjà dit, le programme s'autofinance presque en ce sens qu'il coûte chaque jour l'équivalent du prix d'un verre, et les gens doivent consommer moins.

Le problème se pose plutôt du côté des assurances. Typiquement, une condamnation pour conduite en état d'ivresse signifiera que vos frais d'assurance crèveront le plafond. Ils doubleront. Les gens sont nombreux à choisir de ne pas participer à un programme d'antidémarreur non pas parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer le programme mais parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les assurances.

Que font-ils? Ils restent en dehors du système et il y a des chances qu'ils continuent de conduire et qu'ils sombrent dans un mode tel qu'ils reprendront le volant après avoir bu.

Ces gens-là sont en définitive écartés des programmes d'antidémarreur à cause des frais d'assurance.

Jean-Claude, vous aimeriez peut-être ajouter quelque chose à cela.

[Français]

M. Jean-Claude Mercure (chargé de projet, Québec, Guardian Interlock Systems): Je me permettrai, à ce stade-ci, de vous expliquer qu'on a pris contact avec des compagnies d'assurance-automobile au Québec à ce sujet. Je parle du Québec parce que c'est ce que je fais. Nous obtenu eu l'accord de certains assureurs qui acceptent de devenir des partenaires dans ce combat que nous livrons tous à la conduite durant sanction ou à la conduite avec facultés affaiblies. Ils ont accepté de supprimer 100 p. 100 de la surprime pendant la période où la personne participe au programme et se sert d'un appareil, soit 12 mois. Ils exigent 12 mois d'utilisation de l'appareil.

Deuxièmement, la surprime à laquelle faisait allusion Me Marples est exigée pendant trois années après que le bonhomme a recouvré son permis régulier. Au Québec, cette surprime est en moyenne de 700 $ par année; elle est plus élevée dans d'autres provinces. Donc, pendant les trois années suivant le recouvrement de votre permis régulier, vous devez payer une surprime d'au-delà de 2 000 $. Le bonhomme qui accepte de participer à notre programme devra payer environ 1 050 $ pour la période d'une année. Ce coût est inférieur à ce qu'il économise lorsque son assureur lui dit que s'il se sert d'un appareil pendant une année, il n'aura pas à payer la surprime pendant trois ans. Cela s'appelle le programme tolérance zéro, surprime zéro.

Le problème que nous avons présentement est d'un autre ordre. Malheureusement, les assureurs qui veulent offrir cela à leur clientèle ne peuvent pas le faire puisqu'ils ne savent pas lesquels de leurs assurés sont sous le coup d'une suspension. Quand on veut obtenir cette information, on est bloqué par la Commission d'accès à l'information.

D'autre part, les assureurs qui veulent participer au programme offrent ce service seulement à leur clientèle. Leur but n'est pas d'aller chercher des surprimes pour faire plus de profit, puisque, magnanimement, ils ont dit ceci: «Nous allons offrir le service. S'il y a 33 p. 100 de notre clientèle qui opte pour votre programme, nous allons charger des surprimes à 66 p. 100. Nous allons répartir le montant que nous allons obtenir de ces gens parmi notre clientèle de bons citoyens et nous allons réduire la prime de ces gens-là. Nous ne voulons pas faire un sou avec cela. Nous voulons simplement supprimer l'iniquité.

Il y a une donnée que vous n'avez pas, malheureusement, et c'est la suivante. Présentement, au Québec, il n'y a que 10 p. 100 des gens qui déclarent à leur assureur avoir écopé une suspension de permis, ce qui fait qu'il n'y a que 10 p. 100 des assurés qui payent une surprime. En obtenant l'information, les assureurs pourraient imposer la surprime aux gens qui ne veulent pas participer à notre programme, répartir les surprimes obtenues parmi la clientèle en général et ainsi supprimer l'iniquité.

M. Pierre Brien: La personne doit subir une vérification tous les deux mois. S'il y a une violation, qui va la constater? Est-ce le garagiste, lorsque la personne se présente avec son automobile? Qui la dénonce à qui, finalement? Telle est ma question.

• 1020

M. Jean-Claude Mercure: Au Québec, nous avons un sous-traitant, et c'est Lebeau Vitres d'autos, qui a 22 succursales.

Il est évident que nous ne mettons pas cette information entre les mains d'un technicien d'une des succursales. Ce technicien a la capacité de la télécharger. Cette information est automatiquement transférée à une unité centrale qui se trouve chez Guardian Interlock, à Toronto. Nous avons traité cette information de façon à ce que lorsqu'il y a des renseignements pertinents pour la juridiction québécoise, qui est la Société d'assurance automobile du Québec, cette dernière est informée des noms de ceux qui ont commis des violations et a accès, par l'intermédiaire d'un programme Internet, à notre ordinateur pour déceler les faits et prendre les décisions pertinentes dans les circonstances. Elle peut semoncer l'individu, lui enlever son permis restreint ou le remettre sur la bonne voie. Tout cela est à la disposition de la Société d'assurance automobile du Québec.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Automatiquement?

M. Jean-Claude Mercure: Il y a des normes établies. Lorsqu'il y a tant de violations dans un délai donné, nous avons l'obligation de transmettre à la société les noms des personnes les ayant commises. À ce moment-là, c'est à la société de prendre la décision, et non pas à nous, qui ne sommes que des gestionnaires du programme de la Société d'assurance automobile.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Brien.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je pense que cela tire au clair nombre des questions que nous nous posions au sujet de ces dispositifs dont on entend tant parler depuis quelques semaines.

Je vais néanmoins continuer à me faire l'avocat du diable pour ce qui est de la façon de contourner cette machine. Je me demande ce qui empêcherait un conducteur avec facultés affaiblies de faire souffler dans le dispositif quelqu'un d'autre qui est dans la voiture, par exemple un enfant ou un ami qui n'a pas bu mais qui n'a pas de permis de conduire.

M. Ian Marples: En ce qui concerne les enfants, le dispositif qui a été certifié pour utilisation au Canada est extrêmement efficace sur ce plan. Il exige trop d'air, expulsé avec une trop grande force, pour qu'un enfant d'un âge où il serait impressionnable puisse l'activer correctement. Je pense qu'il s'agit là d'une considération très importante sur le plan sécurité.

Quant à l'ami qui n'a pas bu, je pense que l'un des témoins qui a comparu devant le comité était le Dr Doug Beirness, de la Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada. Doug vous dira qu'il y a une très forte corrélation entre conducteur soûl et passager soûl. Il est très peu probable qu'une personne monte dans un véhicule qui sera conduit par une personne ivre à moins d'avoir bu elle-même, au moins une certaine quantité.

D'autre part, n'oubliez pas que l'antidémarreur ne vous donnera pas une note de passage même si votre taux d'alcoolémie est inférieur à la limite légale. Il n'est pas nécessaire que vous soyez ivre au sens de la loi.

M. Peter MacKay: Si nous modifiions la loi pour imposer l'utilisation de ces dispositifs, recommanderiez-vous que ce soit un crime de les trafiquer ou que soit passible de poursuite au criminel une personne qui n'a pas bu mais qui y souffle pour quelqu'un d'autre?

M. Ian Marples: De la même que vous pouvez rendre plus efficace un programme d'antidémarreur en faisant en sorte, par exemple, que ce soit un crime de fournir un véhicule non équipé d'antidémarreur à une personne inscrite au programme, oui, je pense qu'aider une personne à faire démarrer sa voiture ou à la conduire en soufflant à sa place dans le dispositif devrait également être considéré comme un crime.

Quant à la question de trafiquer le dispositif, cela pourrait sans doute être couvert par les conditions dont le programme serait assorti, que celui-ci soit administré par la cour suite à la probation ou par les autorités provinciales régissant les permis de conduire. Je pense que ces genres de détails pourraient sans doute être intégrés aux conditions du programme et faire partie des obligations du participant.

M. Peter MacKay: Personnellement j'aime que vous disiez que le fonctionnement de ces dispositifs est simple comme bonjour, car il faut être un petit peu simple d'esprit pour récidiver. J'aimerais bien qu'on puisse monter sur le tableau de bord un dispositif qui vous envoie un jet de poivre si vous avez dépassé la limite, car ceci est l'équivalent mécanique de l'Antabuse en ce qui concerne la réaction provoquée. Tout désincitatif du genre... mais je ne pense pas que ce serait constitutionnel.

• 1025

Une autre question que j'ai concerne l'aspect vente de la chose. Je pense que l'un de mes collègues l'a évoqué. Je m'imagine des parents voulant faire monter un de ces dispositifs dans leur voiture, ou encore un alcoolique, doué d'une forte conscience sociale et désireux de prévenir plutôt que de guérir, en faire mettre un dans son véhicule.

Ces dispositifs sont-ils en vente libre?

M. Ian Marples: Non, pas ces dispositifs-ci, principalement parce qu'ils sont trop restrictifs. Ils fonctionnent selon le principe que la personne qui va s'en servir a un problème d'alcool. Ils fonctionnent selon le principe que la personne va essayer de contourner l'appareil et c'est pourquoi il est doté de toute une gamme de mécanismes conçus en vue d'éviter cela.

Des dispositifs présentant d'autres caractéristiques et qui visent davantage l'utilisateur commercial et le consommateur commencent à arriver sur le marché.

Il est cependant intéressant que vous mentionniez cela. J'ai un fils de 14 ans qui va conduire dans quelques années. Je peux vous dire que tout véhicule auquel il touchera sera muni d'un antidémarreur—non pas parce qu'il en aura besoin, mais parce que je me sentirai mieux.

M. Peter MacKay: Je pense que ce serait le cas pour beaucoup de gens.

Par ailleurs, vous hésitez peut-être à dire combien coûtent véritablement ces dispositifs, mais j'aimerais bien connaître le coût de l'un des modèles peut-être moins sophistiqués et savoir ce qui se passe sur le plan recherches, pour mettre au point un antidémarreur qui détecterait les drogues. Je pense que la plupart du temps, il faut un échantillon de sang. Fait-on de la recherche dans ce domaine?

M. Ian Marples: Vous voulez dire quelque chose qui s'avance et vous pique?

M. Peter MacKay: Peut-être une petite égratignure avant que vous ne fassiez démarrer votre voiture.

Une voix: Il faudrait prendre l'ADN également.

M. Peter MacKay: Oui, et l'enregistrer.

M. Ian Marples: Je ne suis pas vraiment compétent en la matière. Je suis avocat de profession et non pas chercheur.

D'après ce que j'ai compris, la façon dont des substances comme la marijuana agissent sur le corps est quelque peu différente de celle de l'alcool. L'alcool entre dans le sang et il y a une corrélation scientifique établie entre la concentration dans un échantillon pris au fond des poumons et la concentration dans le sang. Cela se situe entre 1,900:1 et 2,100:1.

Une drogue comme la marijuana, d'après ce que j'ai compris, entre dans vos muscles, dans les tissus, alors un échantillon d'haleine ne permet pas de déterminer le niveau ou la concentration véritable.

Cela étant dit, je crois qu'il se fait de la recherche—je sais qu'il y en a en cours en Australie—pour essayer de mettre au point quelque chose du genre.

À l'heure actuelle, le gros problème auquel nous nous trouvons confronté au Canada est celui de la conduite en état d'ivresse. Il y a un problème avec d'autres drogues, mais le gros problème est celui de l'alcool au volant. Si nous pouvions faire des progrès importants du côté de l'alcool, ce serait déjà un bon bout de chemin de fait.

M. Peter MacKay: Merci.

Le président: Monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci de votre exposé.

Je ne pensais pas voir de mon vivant un député de l'opposition préconiser l'utilisation de poivre...

Des voix: Oh! Oh!

M. John McKay: ...cela m'étonne tout particulièrement que cela sorte de la bouche du député de l'opposition ici présent.

Si j'ai bien compris, la principale difficulté est de faire démarrer la voiture. Peu importe la façon de vous y prendre... si vous obtenez qu'une personne qui n'a pas bu fasse démarrer la voiture, alors vous contournez jusqu'à un certain point le problème. Qui empêcherait une personne de faire démarrer la voiture, de se rendre dans son bar préféré, de laisser la voiture tourner pendant ce temps-là, puis de remonter dans la voiture et de la prendre pour retourner la maison? Même si ce petit dispositif se déclenche, tout ce que vous avez c'est un bruit irritant.

M. Ian Marples: C'est plus qu'un brut irritant.

M. John McKay: Disons que le trajet à faire est court.

M. Ian Marples: Si le mécanisme de retestage a été mis au point c'est que l'expérience nous a montré qu'un test avant de faire démarrer la voiture ne suffisait pas. Les gens obtenaient que quelqu'un les aide à faire démarrer la voiture ou bien ils faisaient eux-mêmes démarrer la voiture, se rendaient au bar, laissaient le moteur tourner pendant qu'ils y étaient ou alors conduisaient en buvant. Le mécanisme de retestage relève ces irrégularités. Si la personne ignore le test de vérification, alors l'alarme se déclenche. Ce n'est pas juste un petit bruit irritant. Cela ressemble au bruit émis par les antivols.

M. John McKay: Cela vous rend donc fou.

M. Ian Marples: Eh bien, c'est très fort. Sur le plan purement pratique, je pense qu'il serait difficile de parcourir une distance appréciable accompagné par ce bruit.

M. John McKay: La machine est-elle calibrée en fonction de la distance ou du temps?

M. Ian Marples: Du temps.

M. John McKay: La durée pendant laquelle le moteur tourne?

M. Ian Marples: Lorsque vous dites «calibré», voulez-vous parler du moment où le test de vérification est exigé?

• 1030

M. John McKay: Le mot «calibré» est sans doute mal choisi. Il doit y avoir quelque chose qui déclenche le mécanisme et vous oblige à souffler de nouveau. Cela est-il fonction de la distance parcourue ou du temps écoulé?

M. Ian Marples: Il y a une horloge interne qui commence à tourner dès que le véhicule démarre. De nouveaux tests sont demandés à des intervalles déterminés au hasard.

Aujourd'hui, c'est encore plus sophistiqué que cela, car la première demande de test de vérification viendra peu après le démarrage. Cela a pour objet de garantir que la personne au volant est bien la personne qui a fait démarrer la voiture.

Si aucune trace d'alcool n'est détectée au démarrage ni à la première revérification, alors les revérifications subséquentes seront plus espacées, mais elles peuvent néanmoins survenir à tout moment. La revérification suivante pourrait venir 30 secondes après la précédente.

M. John McKay: Si je compte faire un tour à mon bar préféré et que je n'ai à stade pas bu ou que j'obtiens d'une autre personne qu'elle fasse démarrer la voiture et que je me rends jusqu'au bar, supposons que je laisse tourner le moteur. La petite machine va sans doute se déclencher de temps à autre. Je ne réponds pas, car je ne suis pas dans ma voiture. Personne ne s'y trouve. La machine va sans doute relever cela.

M. Ian Marples: Oui.

M. John McKay: Ces renseignements vous sont-ils alors transmis?

M. Ian Marples: L'alarme sonnera jusqu'à ce qu'un test soit subi et réussi ou jusqu'à ce que le moteur soit coupé. L'alarme est très forte.

Au Québec, les autorités exigent également que les veilleuses se mettent à clignoter, alors il y a une indication et audible et visible d'une situation de violation des conditions. Si l'alarme sonne pendant une période de temps suffisamment longue—typiquement, c'est deux ou trois minutes—alors cela est enregistré comme constituant une violation des conditions du programme. Cela avancerait automatiquement la date du contrôle de rappel, ce qui veut dire que l'intéressé devrait se présenter dans un de nos centres pour que les données recueillies soient chargées dans un ordinateur, envoyées à notre serveur et mises à la disposition des autorités au moyen d'une connexion Internet sûre. Celles-ci seront donc tout de suite au courant.

M. John McKay: Selon la théorie que les aspects pratiques défont parfois les bonnes intentions, lorsque vous dites que l'intéressé doit retourner dans un centre, si je me trouve dans le nord de l'Alberta, par exemple, mon centre est-il situé à Edmonton? Mon centre est-il à Calgary? Où est-il?

M. Ian Marples: Il pourrait être à Grande Prairie.

M. John McKay: Les distances à parcourir sont-elles pratiques pour les gens?

M. Ian Marples: Oui.

M. John McKay: Et c'est sans doute votre société qui reçoit les données, n'est-ce pas?

M. Ian Marples: Oui.

M. John McKay: Quelle est votre obligation de rapporter les données à ce stade-là?

M. Ian Marples: Cela dépend de ce qu'exige la province concernée. Au Québec, nous avons des obligations en matière de surveillance. Il nous faut en aviser la SAQ si un adhérent au programme accumule trois violations dans une période de six mois, exclusion faite du premier mois. C'est donc une surveillance assez complexe.

M. John McKay: Votre société subit-elle des pressions de rapporter ou de ne pas rapporter, selon le cas? «C'était bon à un petit poil près; les données ne sont pas justes»... vous pouvez concocter mille excuses.

M. Ian Marples: Nos clients ont une histoire ou une excuse pour chaque chose qui arrive.

M. John McKay: Ceux d'entre nous qui ont exercé le droit pendant assez longtemps savent que cela est vrai.

M. Ian Marples: Nous avons à tout moment au Canada environ 4 000 clients inscrits à un programme d'antidémarreur: 1 000 en Alberta et 3 000 au Québec.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Trois mille au Québec? Nous détenons le record.

M. Ian Marples: Il y en a en Amérique du Nord 40 000. Chacune de ces personnes a une excuse pour chaque chose qui arrive.

M. John McKay: Quelles pressions ces gens-là peuvent-ils exercer sur vous pour obtenir que vous ne fassiez pas de rapport?

M. Ian Marples: Je suppose qu'ils pourraient offrir de faire toutes sortes de choses, mais nous avons une réputation à sauvegarder. D'autre part, les données sont là, ce qui est déjà parlant. Quoi que nous rapportions aux autorités, étant donné que celles-ci peuvent accéder aux données via une connexion Internet sûre, elles peuvent contrôler ce que nous faisons et vérifier si nous faisons correctement notre travail.

M. John McKay: Vous ne pouvez donc pas trafiquer les données.

M. Ian Marples: Non.

Je suis heureux de dire que Guardian est une société à 100 p. 100 canadienne qui utilise sans conteste le meilleur mécanisme antidémarreur au monde. Nous avons une réputation à sauvegarder, tant pour le produit que pour le service que nous livrons, et nous n'allons rien faire qui mette cela en péril.

Le président: Merci, monsieur McKay.

• 1035

[Français]

M. Jean-Claude Mercure: Monsieur le président, pour répondre au commentaire de Mme la députée, je dirai qu'au Québec, nous détenons le record du nombre de détecteurs d'alcool en opération. C'est positif puisque le Québec, en Amérique du Nord, détient le meilleur record de participation de cette clientèle. Nous atteignons présentement environ 22 p. 100 de la clientèle potentielle alors que nulle part ailleurs en Amérique on ne dépasse 10 à 12 p. 100. Je voudrais souligner les efforts considérables que la Société d'assurance automobile du Québec a faits dans la présentation d'une loi accessible.

Pour répondre à M. le député, qui demandait si la distance est un problème pour la clientèle au Québec, je dirai que nous avons 22 centres qui couvrent la totalité du territoire, cela depuis le jour où le programme a été institué. On a fait un effort remarquable.

Mme Eleni Bakopanos: [Note de la rédaction: Inaudible] ...comme députée du Québec.

[Traduction]

Le président: Nous en sommes arrivés à la fin de la période dont nous disposions. Nous allions avoir une démonstration avec une vraie voiture. Quelle est votre préférence? Certains des députés qui n'ont pas encore posé de questions ont fait savoir qu'ils aimeraient en avoir la possibilité. Nous ne pouvons pas faire les deux choses.

Aimeriez-vous qu'on ait quelques rapides échanges?

Allez-y, Gary.

M. Gary Lunn: Parmi les personnes qui sont censées utiliser un antidémarreur, quel est le taux de celles qui essaient de contourner le problème en utilisant un autre véhicule ou qui, par quelque autre moyen, pour chercher à échapper à la loi, au Québec ou...?

M. Ian Marples: Notre expérience dans les deux provinces canadiennes est que cela est très faible. L'Alberta a lancé le programme en 1990 et le Québec en décembre 1997. Il y a bien sûr là un écart en ce qui concerne l'expérience que nous en avons.

En Alberta, pour toute cette période, le nombre de personnes ayant débranché leur unité ou conduit un autre véhicule pourrait se compter sur les doigts d'une main. Ce sur une période de sept ou huit ans.

Au Québec, le programme est plus vaste, et, là encore, pour l'année et demie écoulée depuis son instauration, il y aurait peut-être une poignée de cas.

M. Gary Lunn: Très bien.

Le président: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Tout juste une petite question.

J'ai eu le privilège de voir une démonstration dans mon bureau d'Orillia avec M. Abernethy.

M. Ian Marples: Le même véhicule—c'est vrai.

M. Paul DeVillers: La question qui m'occupait à l'époque est la question que je vais maintenant vous poser. Comment, en modifiant le Code criminel, ce que le comité est en train d'essayer de faire, va-t-on pouvoir éviter le problème des compétences en faisant du programme un programme national alors que certaines des provinces n'ont pas encore donné leur accord?

Avez-vous réfléchi à cela depuis notre dernière rencontre?

M. Ian Marples: J'y ai réfléchi presque sans interruption. Je pense que c'est une tâche difficile. Certaines des recommandations que j'ai faites dans mon exposé permettraient peut-être, et c'est mon espoir, d'avancer vers un cadre à l'intérieur duquel les provinces qui deviendraient plus éclairées pourraient prendre des mesures plus efficaces.

Je pense néanmoins que la clé est d'assortir cela d'une forme de probation à durée prolongée, en tout cas au-delà des trois années qui sont prévues à l'heure actuelle.

M. Paul DeVillers: Cela permettrait également aux provinces de saisir l'occasion.

M. Ian Marples: Ce que cela ferait c'est permettre cet élément de contrôle au niveau fédéral. À l'heure actuelle, avec les longues périodes de suspension prévues par les provinces, les gens peuvent tout simplement choisir de rester à l'extérieur du programme d'antidémarreur, d'attendre l'expiration de la période de suspension puis de faire rétablir leur permis sans la moindre restriction.

Si la période de probation était appliquée de telle sorte que les gens étaient surveillés et continuaient d'être visés par une obligation, imposée par la cour, de participer à un programme d'antidémarreur, je pense que cela augmenterait le taux de participation rendrait ces programmes plus efficaces et en étendrait l'application.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Brien ou monsieur Bellehumeur?

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Je pense que nous aurions un marché pour ces dispositifs aux banques des centres-villes, pour empêcher les gens de retirer de l'argent lorsqu'ils sont vraiment ivres.

Des voix: Oh! Oh!

M. Peter MacKay: Non, je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Merci. Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: Vous avez déjà répondu à ma question pendant ma brève absence et vous allez m'excuser.

• 1040

Supposons que j'ai cet appareil et que mon véhicule arrête de fonctionner parce que je ne répond pas aux critères et ainsi de suite. Mon véhicule ne démarre plus, mais il faut que j'aille le faire réviser. Dois-je le faire remorquer à chaque fois?

M. Jean-Claude Mercure: Vous dites que vous n'avez pas passé le test et que vous avez laissé le véhicule le long de la route. Il repartira dès que vous aurez passé un test favorable.

M. Jacques Saada: Je l'ai laissé courir comme dans l'exemple donné par mon collègue tout à l'heure.

M. Michel Bellehumeur: Après 60 jours?

M. Jacques Saada: Non, pas après 60 jours, mais je l'ai laissé courir. Je devais refaire mon test et je ne l'ai pas fait. J'ai arrêté la voiture. Elle va repartir?

M. Jean-Claude Mercure: Oui, elle repartira dès que vous aurez passé un test favorable, après un certain délai.

M. Jacques Saada: Je comprends. Donc, pour ramener mon véhicule, je peux toujours le conduire.

M. Jean-Claude Mercure: Évidemment.

M. Jacques Saada: D'accord.

M. Jean-Claude Mercure: M. Marples expliquait tout à l'heure que normalement, vous devez faire faire une recalibration 60 jours plus tard.

M. Jacques Saada: D'accord.

M. Jean-Claude Mercure: Supposons qu'après 20 jours, vous commettez cet impair de ne pas répondre à l'appel. À ce moment-là, au Québec, vous entendez la sirène et les clignotants fonctionnent. Cela devient alors une violation. Cette violation ne vous empêche pas de faire redémarrer le véhicule dans les 30 minutes qui suivent avec une personne sobre qui aura soufflé et passé un test favorable.

Cependant, l'appareil va vous signaler immédiatement que la date à laquelle vous devez passer chez Lebeau est passée. Ce sera cinq jours après la violation. Vous devez aller chez Lebeau à une date qui n'est pas prévue. Si vous arrivez chez Lebeau à cette date-là, c'est parce qu'il s'est passé quelque chose d'anormal. Vous êtes l'un des cas à citer à la Société d'assurance automobile.

M. Jacques Saada: Mais dans ces circonstances...

[Traduction]

M. Ian Marples: Je pense qu'il est important de ne pas aller trop dans le détail, car nous serions ici pendant des jours et des jours. Je sais que vous ne voulez pas de cela.

Je pense que Jean-Claude fait ici une distinction entre les différents niveaux de ce que nous appelons le «lockout». Il y a une courte période de lockout, qui dure typiquement cinq minutes, qui vient après un test échoué. Cela a pour objet de ressembler un petit peu à une sanction, pour amener la personne à s'arrêter et à réfléchir à la situation, aux raisons pour lesquelles elle est là, sans pouvoir entrer dans son véhicule.

Si elle échoue au test après la première période de lockout, alors le lockout suivant est plus long. Au Québec, cela dure 15 minutes par opposition à cinq; en Alberta, c'est 30. La durée est déterminée par la province. Nous parlons du court lockout et du long lockout.

Puis il y a un autre lockout, soit le lockout permanent. C'est ce qui arrive lorsqu'une personne ne ramène pas son véhicule lorsqu'elle est censée le faire, qu'il s'agisse d'un rappel normal ou d'un rappel parce qu'il y a eu violation de programme et changement de la date de rappel en conséquence.

Dans les deux cas de figure, si l'intéressé ne se présente pas, alors son véhicule passera en mode de lockout permanent, et il sera alors impossible de le faire démarrer. Le véhicule devra être remorqué.

[Français]

M. Jacques Saada: Si vous me le permettez, je vous poserai une question beaucoup plus vaste. Le Québec et l'Alberta ont adopté ce dispositif dans le cadre de leur propre réglementation. Ce sont deux provinces qui ne sont pas réputées avoir toujours la même approche par rapport à l'exécution de la justice.

Comment se fait-il qu'il n'y ait pas encore ce système en Colombie-Britannique ou en Ontario, par exemple? Est-ce que des démarches ont été faites? Est-ce qu'il y a eu des refus? Pourquoi?

[Traduction]

M. Ian Marples: Je préfère penser que l'Ontario, par exemple, dans ce domaine, n'a pas encore atteint le niveau d'édification du Québec et de l'Alberta.

M. Paul DeVillers: Puis-je vous citer là-dessus?

Des voix: Oh! Oh!

Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Marples et monsieur Mercure, d'être venus ici. Nous vous sommes très reconnaissants de vos témoignages. Cette séance a été très intéressante.

Je pense qu'il nous faudra maintenant entendre nos témoins suivants et nous passer de l'inspection en situation réelle.

Merci beaucoup d'être venus. Nous vous en sommes reconnaissants.

M. Ian Marples: Comme je l'ai dit, la bande vidéo vous donnera une assez bonne idée de la façon dont fonctionne un antidémarreur monté dans un véhicule. S'il y en a parmi vous qui aimeraient en avoir une démonstration à un autre moment, n'hésitez pas à communiquer avec moi. Je me ferai alors un plaisir de me rendre dans votre circonscription ou de revenir ici pour vous faire une démonstration.

Le président: Merci.

[Français]

M. Jean-Claude Mercure: Monsieur le président, au Québec, nous avons plusieurs centres qui sont sûrement près des circonscriptions des députés du Québec. Cela nous fera plaisir de vous faire des démonstrations en temps voulu.

• 1045

[Traduction]

Le président: Thank you.

Le témoin suivant sera M. Mayer, qui est déjà ici parmi nous.

Nous allons prendre quelques minutes pour organiser la table.

• 1046




• 1051

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. J'aimerais que la séance reprenne.

Nous accueillons maintenant parmi nous M. Joel Mayer, de la Société canadienne des sciences judiciaires.

Monsieur Mayer, selon la routine, vous disposez d'environ dix minutes pour votre présentation, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

M. Joel Mayer (membre et toxicologue, Comité sur la conduite sous l'influence des drogues, Société canadienne des sciences judiciaires): Ai-je la parole?

Le président: En effet, monsieur. Allez-y.

M. Joel Mayer: Tout d'abord, bonjour à tous les membres du comité. Merci de l'invitation et de l'occasion de vous parler en personne de la question du dépistage judiciaire des drogues dans le contexte de la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.

Je devine que certaines des observations que je vais faire vous ont déjà été soumises. Veuillez donc ne pas m'en vouloir si je répète certains renseignements que le comité a déjà entendus.

J'aimerais commencer par demander au comité de considérer que, d'un point de vue pharmacologique, il ne devrait pas y avoir de distinction entre l'alcool trouvé dans les boissons alcoolisées et d'autres drogues qui agissent sur le système nerveux central, y compris le cerveau, et qui ont le potentiel de nuire à la capacité de conduire ou à la réalisation de certaines fonctions.

Cependant, en créant une interdiction de conduire avec des facultés affaiblies ou d'être responsable d'un véhicule ou de le contrôler avec facultés affaiblies, le Code criminel du Canada semble établir une distinction entre l'alcool et les autres drogues. En fait, en dépit d'une interdiction semblable visant la réduction par l'alcool ou les drogues de la capacité de conduire, les policiers ne sont pas habilités à recueillir les échantillons appropriés nécessaires au dépistage de drogues, contrairement à ce qu'ils peuvent faire dans le cas de dépistage d'alcool.

La disposition existante du Code criminel qui permet d'exiger et de prendre un échantillon de sang n'intervient que lorsqu'un policier a des raisons de croire que de l'alcool a été consommé et qu'un alcootest n'est pas possible.

Si le cadre législatif actuel tel qu'on le connaît existe c'est peut-être en partie du fait qu'il y a une hésitation générale à prélever des liquides ou des tissus organiques en utilisant des techniques qui sont invasives à l'égard du corps ou qui sont une intrusion dans la vie privée de l'intéressé.

Dans le cas de l'alcool, la technologie scientifique de l'alcootest est telle qu'il a été possible de contourner ces obstacles, mais pour le dépistage de drogues, le défi demeure. Il n'est pas possible de faire des tests pour déterminer la présence, dans l'haleine, de drogues à action centrale, c'est-à-dire agissant sur le système nerveux central.

Même si le dépistage de drogues à action centrale soulève toutes sortes de questions différentes de celles associées à l'alcool, il faut se rappeler que toutes ces substances ont le potentiel d'entraver la capacité de conduire et qu'il importe de déployer des stratégies appropriées de détection et de mesures si l'on veut que l'article 253 s'applique de façon uniforme.

Il est évident que l'alcool est un produit chimique beaucoup plus simple que d'autres médicaments à action centrale. Étant donné sa chimie, sa nature volatile et sa disposition relativement simple dans le corps, des technologies de dépistage appropriées ont été élaborées pour relever sa présence et mesurer sa concentration dans l'haleine expirée pour établir une mesure indirecte de la concentration d'alcool dans le sang.

Ces technologies nous ont livré des dispositifs de dépistage et des éthylomètres portatifs. Des données et qualitatives, concernant la détection, et quantitatives, concernant la mesure, sont nécessaires pour évaluer l'impact pharmacologique et les conséquences légales liées à la consommation d'alcool.

• 1055

La première étape est d'établir la présence dans le corps d'alcool, et la deuxième est d'établir une corrélation sans changement de comportement. Une approche semblable pourrait être envisagée pour d'autres drogues.

Permettez-moi d'aborder plus précisément certaines des questions scientifiques liées au dépistage de drogues. Premièrement, il faut établir le choix des liquides ou des tissus organiques à soumettre à des tests. Dans des sujets vivants, le sang est le site le plus évident pour déterminer la présence de substances à action centrale, car ce qui se trouve dans le sang atteindra le système nerveux central et produira un effet.

Bien que le sang ait une consistance liquide, on peut l'apparenter à un tissu étant donné la quantité importante de composantes cellulaires qu'il renferme. En plus du sang, l'on peut utiliser la salive et l'urine.

Permettez-moi de faire un petit peu marche arrière et de vous parler en termes généraux de ce qui arrive à une drogue lorsqu'elle est introduite dans le corps. Elle doit être introduite dans le corps, dans le sang, pour pouvoir atteindre le système nerveux central. Par suite de la simple diffusion, la drogue peut se retrouver dans la salive.

La réaction naturelle du corps pour se détoxifier est essentiellement de convertir une drogue en un métabolite inactif et d'excréter la drogue non modifiée elle-même, ou la drogue mère, et son métabolite, principalement dans l'urine.

Une considération tout aussi importante dans l'élaboration d'une stratégie de dépistage des drogues est de déterminer quelles sont les drogues ou les classes de drogues qu'il faudrait s'efforcer de repérer. L'expérience médico-légale de nombreux pays, y compris le Canada, fait ressortir que les drogues les plus susceptibles d'être rencontrées chez un conducteur avec facultés affaiblies ou qui meurt des suites des blessures subies, sont l'alcool; le tétrahydrocannabinol, ou THC, le principal ingrédient actif de la marijuana; les benzodiazépines pures, c'est-à-dire les tranquillisants faibles; certaines substances illicites, une série d'antihistaminiques, renfermés dans des remèdes contre le rhume; les opioïdes, et une gamme d'autres substances à action centrale.

Les profils pharmacocinétiques, ou dispositions dans les tissus et les fluides organiques, ont été bien établis pour la plupart de ces substances. Nous savons par conséquent que tout de suite après l'administration d'une drogue, l'urine contiendra surtout des métabolites de la drogue mère. Cependant, il est également possible que des métabolites persistent dans l'urine une fois la concentration dans le sang passée sous le seuil d'une concentration ayant pour effet d'affaiblir les facultés.

La salive, quant à elle, contiendrait généralement la drogue mère. La drogue se diffusera passivement pour atteindre la salive à un rythme qui est largement déterminé par les caractéristiques physico-chimiques de la drogue—sa composition chimique, sa solubilité dans l'eau, etc.

La concentration salivaire de la drogue dépendra également du rythme de formation de la salive. Il n'existe pas de ratio constant salive-plasma ou salive-sang pour les drogues qui nous intéressent. Il est par conséquent possible d'établir la concentration précise d'une drogue dans le sang lors de la collecte de salive.

Ce qui est plus préoccupant est le fait que le THC ne se retrouve pas dans la salive dans des concentrations détectables, et il y a donc de fortes chances que sa présence échappe à la détection chez le conducteur dont les facultés sont affaiblies par des concentrations pharmacologiquement pertinentes de THC dans le sang.

N'oublions pas que le THC occupe en règle générale le deuxième rang dans la liste de drogues décelées chez les conducteurs avec facultés affaiblies et les conducteurs victimes d'accidents mortels.

Lorsque du THC est détecté dans la salive, il y a de fortes chances que sa présence résulte de la consommation récente de marijuana, sous forme de cigarette ou d'autres introductions par voie orale.

Passons donc aux avantages et aux inconvénients des différents fluides ou tissus organiques parmi lesquels choisir dans le but de prélever un échantillon approprié à des fins de dépistage dans les cas de conduite avec facultés affaiblies par la drogue.

Pour ce qui est de la collecte d'échantillons, la prise de sang est bien sûr extrêmement invasive. Le principal analysat, une substance que l'on tente de détecter ou de mesurer, est la drogue mère elle-même ou métabolite. La concentration de ces substances va de faible à modérée, selon ce qui a été consommé.

L'interprétation qui peut être donnée aux résultats analytiques découlant de ce genre de test produit en général une forte corrélation avec l'affaiblissement des facultés. Il y a toujours un débat scientifique quant à la question de savoir si, étant donné les variations constatées entre individus, nous correspondons tous au même moule. Clairement, la réponse est non, mais cela fournit néanmoins une masse de renseignements qui nous aident à déterminer s'il y avait chez le conducteur avec facultés affaiblies une concentration pharmacologiquement pertinente de ces produits au moment de l'infraction.

• 1100

Y a-t-il des problèmes potentiels? Dans de nombreux cas, il y a une disponibilité limitée d'échantillons et il y a également le problème du prélèvement. Si l'on prend la salive et qu'on remonte à ces mêmes questions, la simple collecte de salive est non invasive. La collecte d'urine présente une certaine intrusion dans la vie privée.

Le principal analysat dans la salive est la drogue mère. Dans l'urine, nous regardons en général du côté des métabolites. La concentration d'analysats dans la salive sera sans doute faible, parfois extrêmement faible, et en dessous du seuil de détection, tandis que dans l'urine on a de fortes chances de voir des concentrations modérées à élevées du métabolite et, à l'occasion, de la drogue mère elle-même.

Sur le plan interprétation, il y a la possibilité d'une corrélation potentielle avec l'affaiblissement des facultés, mais cette voie est semée d'embûches, car, encore une fois, le ratio salive-sang ou sang-plasma pour une drogue n'est jamais constant.

Certains cliniciens ont, dans des situations hautement contrôlées, tenté d'utiliser les résultats d'analyse de salive pour estimer la concentration actuelle dans le sang. Dans le cas de l'urine, lorsqu'il est question d'interprétation, je pense que la plupart des spécialistes des sciences médico-légales conviendraient qu'il n'y a aucune corrélation avec l'affaiblissement des facultés. Cela ne sert qu'à corroborer les antécédents en matière de consommation de drogues et qui ont peut-être été déclarés par l'individu ou les observations qui ont peut-être été faites par le policier sur la capacité de l'individu de conduire un véhicule.

En ce qui concerne la salive, comptent parmi les problèmes potentiels la contamination par la fumée, à l'occasion, l'introduction internasale d'une substance—la cocaïne, par exemple—et, bien sûr, l'administration orale.

Les changements dans l'acidité de la salive détermineront également quelle quantité de drogue a transité par le corps, ce qui a une incidence sur le ratio salive-plasma.

Les échantillons d'urine peuvent être facilement trafiqués. L'excrétion de drogue est influencée par l'acidité de l'urine et peut grandement varier, ne présentant par conséquent pas une indication très fiable de la présence à un moment ou à un autre chez un individu d'une concentration pharmacologiquement pertinente d'une substance donnée.

Par conséquent, d'un point de vue clinique et médico-légal, l'échantillon de choix est manifestement le sang. Si le but exprès est de déterminer quel impact pharmacologique, s'il y en a, une drogue donnée est susceptible d'avoir sur la capacité d'une personne de conduire un véhicule motorisé, le sang représente un compartiment central, tandis que la salive et l'urine sont des compartiments périphériques par rapport au sang et au système nerveux central.

Il nous faut reconnaître également qu'il y a dans tout cet exercice un élément temps. En ce qui concerne l'alcool, en tout cas, diverses présomptions figurent dans le Code criminel. De façon générale, des efforts sont faits pour recueillir des preuves de la concentration d'alcool dans le sang dans les deux heures suivant l'infraction alléguée, afin que la Couronne puisse alors s'appuyer sur la présomption de culpabilité. Lorsque de tels échantillons sont recueillis au-delà de la période de deux heures, cependant, l'on fera appel à un toxicologue pour interpréter les résultats.

La même chose vaudrait certainement pour les drogues autres que l'alcool. Bien que leur profil pharmacocinitique, ou disposition dans le corps soit beaucoup plus complexe que pour l'alcool, il faut savoir que sur une période de deux heures, à moins que la personne n'ait absorbé des quantités importantes de la substance juste avant les prélèvements, étant donné la disparition beaucoup plus lente de nombre de substances qui ont un intérêt du point de vue médico-légal, l'on ne va sans doute pas constater d'importants changements dans la concentration de ces substances dans le sang. Dans de tels cas, donc, des contestations fondées sur l'heure à laquelle des échantillons ont été prélevés ne seront vraisemblablement pas fatales, au tribunal, pour le ministère public.

Clairement, il nous faut également traiter avec le laboratoire judiciaire ou tout autre laboratoire effectuant les opérations de dépistage de drogues. C'est alors qu'interviennent des choix dans les stratégies analytiques visant à déceler dans les liquides ou tissus organiques la présence de drogues ou d'autres substances.

Il me faudrait vous dire qu'il n'existe pas chez les laboratoires judiciaires une seule norme quant à la façon de procéder. Il y a néanmoins des lignes directrices et des pratiques et méthodologies communément acceptées.

• 1105

Le Comité sur la conduite sous l'influence de drogues a par le passé élaboré un ensemble de lignes directrices pour les laboratoires judiciaires concernant la façon de mener les analyses de dépistage de drogues. Le dépistage de drogues comporte vraisemblablement trois composantes. Celles-ci demandent beaucoup de temps et exigent à l'occasion des technologies relativement coûteuses.

Il y a, tout d'abord, le dépistage initial, qui serait une opération assez rapide ne visant pas toujours spécifiquement des classes de drogues. Viendrait ensuite la confirmation des résultats obtenus en utilisant une technologie qui offre une certitude supérieure, approchant les 99 p. 100 pour ce qui est de la confirmation de la présence de drogue. Cela peut être complété par la détermination de la concentration, ou bien par encore un troisième exercice.

Pour que les laboratoires judiciaires soient efficaces dans leur travail de dépistage de drogues, il est essentiel qu'ils obtiennent beaucoup d'informations auprès des enquêteurs. Ce peut être un processus très long et très accaparant pour un laboratoire s'il entreprend tout simplement d'essayer de détecter la présence de toute substance susceptible d'affaiblir les facultés de quelqu'un.

Les résultats à l'issue de tout cet exercice peuvent en fait être corroborants ou interprétatifs. Cela dépendra du choix de fluide ou de tissu organique. Cela dépendra du travail fait par le laboratoire pour confirmer ses résultats.

Pour ce qui est du cas de preuves corroborantes, l'on peut songer à des situations où un échantillon d'urine est obtenu et déposé devant le tribunal par suite d'une évaluation par un policier qui juge que les facultés du conducteur concerné ont été affaiblies par une substance à action centrale. C'est en tout cas l'approche qui a été suivie dans de nombreux États américains qui ont adopté des systèmes de contrôle normalisés sur le terrain, qui peuvent déboucher sur une enquête approfondie de dépistage de drogues par des experts, une procédure normalisée post-arrestation dans les cas où un agent a des raisons de croire que les facultés d'une personne ont été affaiblies par une substance autre que l'alcool.

Les résultats ainsi obtenus ont été jugés recevables par les tribunaux et acceptés comme preuve que l'accusé était drogué. Les preuves corroborantes sont alors fournies par un laboratoire judiciaire qui établit la présence de la drogue ou d'une drogue appartenant à une certaine classe de drogues et dont les effets correspondent aux observations faites par le policier.

Mais il s'agit là de preuves corroborantes et non interprétatives, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'on se trouve confronté à certaines difficultés lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur des narco-analyses d'urine.

L'autre aspect est qu'il faut réfléchir sérieusement à la question de savoir si les résultats des tests de dépistage de drogue sont des preuves probantes. Il nous faut à l'heure actuelle évaluer leur valeur de preuve probante par rapport à leur valeur préjudiciable. L'échantillon d'urine est, encore une fois, un bon exemple, car si une personne a consommé ou absorbé une substance avant la prétendue infraction et que les métabolites ont persisté dans l'urine, alors l'on pourrait être confronté à un risque préjudiciable. Cela pourrait faire contrepoids à la valeur de preuve probante bien que, encore une fois, s'il y a de solides renseignements au sujet du comportement de l'intéressé, que ce soit grâce à des contrôles routiers antidrogues ou à l'analyse d'un expert en matière de drogues, cela contribue au tableau général et vient appuyer le bien-fondé des conclusions.

En fait, certaines autorités, en ce qui concerne les différentes drogues ou substances dépistées chez des conducteurs aux facultés affaiblies ou tués par suite d'un accident... L'exemple que j'ai en tête est celui de la Saar en Allemagne. Le gouvernement y a adopté des sanctions administratives, et non pas pénales, applicables lorsque le laboratoire obtient un résultat positif pour l'une de cinq classes de drogues, y compris le THC. La région s'est dotée d'une politique de tolérance zéro.

En d'autres termes, il n'est pas nécessaire de déterminer la concentration ni d'en interpréter l'effet pharmacologique: la simple présence de l'une de ces cinq classes de drogues constitue en soi un délit et l'intéressé se voit frappé de sanctions administratives.

Le président: Monsieur Mayer, en avez-vous pour très longtemps encore?

M. Joel Mayer: Non.

Je pourrai conclure en disant qu'à mon avis—et c'est une chose dont discute le comité—une approche exhaustive au repérage de conducteurs avec facultés affaiblies et à la réalisation de tests en laboratoire fournissant une preuve chimique de la présence d'une drogue et établissant un lien pharmacologique entre cette drogue et l'affaiblissement des facultés, devrait sans doute s'inscrire dans une stratégie d'ensemble qui a son point de départ chez le policier, un policier bien averti, qui forme des opinions raisonnables en s'appuyant sur ses observations de la nature et du degré d'affaiblissement des facultés. Cette stratégie devrait sans doute inclure un test normalisé, un test physique ou peut-être un test antidrogues mené par un expert ou peut-être même l'habilitation des policiers à exiger des échantillons de sang en vue d'analyses.

• 1110

Je crois que la plupart des gouvernements ont convenu que les tests d'haleine sont une étape préliminaire dans ce processus. De façon générale, lorsqu'un échantillon d'haleine montre qu'il n'y a pas d'alcool dans le système, cela déclenche la dernière étape dans l'enquête du policier, soit l'exigence d'un échantillon sanguin et l'analyse de celui-ci en laboratoire.

Merci.

M. Gary Lunn: Puis-je faire une suggestion? L'heure tourne. Serait-il possible que nous entendions les deux témoins suivants? Nous pourrions alors choisir à quel témoin adresser nos questions.

Le président: Les autres membres du comité ont-ils quelque chose à dire au sujet de cette suggestion?

Je ne suis pas certain que les représentants du ministère de la Justice souhaitent nécessairement... Nous discutons ici d'un secteur très spécialisé. Si vous craignez que nous soyez bousculés pour entendre les porte-parole du ministère de la Justice, je peux vous assurer que nous disposons de beaucoup de temps. Nous pourrions même prévoir une deuxième réunion si vous jugiez cela nécessaire.

M. Gary Lunn: Très bien.

Le président: Monsieur Harris.

M. Richard Harris: En sommes-nous arrivés à la période de questions?

Le président: Oui. Allez-y.

M. Richard Harris: Je vous remercie de votre exposé, monsieur Mayer.

J'ai en gros une question pour vous. L'un des défis dont nous ont parlé des témoins qui vous ont précédé est la recevabilité des preuves devant la cour.

Je suppose que dans un monde parfait, si une personne doit se soumettre à des tests de dépistage de drogue ou d'alcool, cela se ferait avec un instrument approuvé qui cracherait un imprimé disant: «Voici les résultats». Vous déposeriez ce certificat devant le tribunal, celui-ci l'examinerait et dirait «Voilà». Malheureusement, ce n'est pas ainsi que les choses se passent.

Comment faire pour en arriver à un tel niveau de preuve certifiée, ce qui obligerait un grand nombre d'avocats de la défense à fermer boutique? Comment faire pour en arriver là?

M. Joel Mayer: L'équivalent d'un certificat... Ce que je veux dire, c'est qu'il existe des précédents. Par exemple, le ministère de la Santé et du Bien-être a un laboratoire dans l'est de l'Ontario, le laboratoire d'identification des drogues. Lorsque celui-ci reçoit une substance saisie dans la rue, il produit un certificat disant de quoi il s'agit—marijuana, PCP, héroïne ou autre. Le certificat ne dit rien de plus, rien de moins que cela. Le formulaire officiel vient donc renforcer, augmenter la crédibilité de la déclaration.

Je ne suis pas certain que, d'un point de vue scientifique, ce soit la meilleure façon de s'assurer que les meilleures normes soient appliquées et qu'un laboratoire effectue ces genres d'analyses. Un rapport peut tout aussi bien dire la même chose, même s'il peut paraître moins officiel. Il peut également traiter des résultats obtenus par suite de narco-analyses de sang, d'urine et ainsi de suite.

Je pense que la clé ici est d'établir que le laboratoire applique la méthodologie scientifique communément acceptée dans les milieux scientifiques et que la personne qui dépose ou les conclusions ou le rapport peut se soumettre à un contre-interrogatoire. Étant donné les règles de divulgation que nous avons au Canada, je trouve qu'il nous faut de façon générale fournir chaque petit bout de papier qui a trait à l'affaire, et chacun de ces petits bouts de papier peut être assujetti à un examen minutieux. Ces jours-ci, avec l'automatisation des instruments et les connaissances que l'on a sur ce que signifient certains de ces imprimés, je pense qu'un laboratoire doit certainement être en mesure de défendre ses conclusions, en supposant qu'il se soit conformé à différentes exigences—allant de l'assurance de la qualité à l'application de normes acceptables et à la documentation adéquate des opérations effectuées. Ce ne serait pas différent de ce qui se passerait dans le cas d'un certificat émis par suite d'un alcootest.

M. Richard Harris: Merci.

• 1115

Le président: Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: Il y a des gens qui nous ont demandé plus de pouvoirs pour faire des analyses de sang, mais si je comprends bien plusieurs éléments de votre témoignage, il est très difficile de relier la présence de drogues dans le sang aux facultés affaiblies, cela pour toutes sortes de raisons.

Serait-il prématuré de tenter de donner plus de pouvoirs aux policiers pour qu'ils puissent prélever des échantillons de sang si, de toute façon, la preuve est tellement difficile à faire que cela ne nous avancerait en rien?

[Traduction]

M. Joel Mayer: Je pense que cela ferait beaucoup pour améliorer l'enquête. Comme nous le savons, à l'heure actuelle les policiers ne sont pas habilités à prélever d'échantillon de quelque type que ce soit à des fins d'analyse de drogue.

L'expérience de nombreux laboratoires judiciaires nous dit qu'il y a sur les routes des conducteurs dont les facultés ont été affaiblies par des drogues. L'envergure de ce problème est loin d'être celui de l'alcool, mais il existe néanmoins, et nombre de ces conducteurs ne sont pas repérés dans les endroits où les policiers ne disposent pas des outils nécessaires pour faire enquête et pour exiger des échantillons de liquides ou de tissus organiques.

Je conviens par ailleurs avec vous que le dépistage d'une drogue et la détermination de sa concentration dans le sang de l'intéressé ne vont pas garder tout le monde en otage et n'auront pas non plus un poids tel que les tribunaux seront liés. Il y aura des occasions pour lesquelles il y aura un débat scientifique sur la question de savoir si la concentration de drogue déterminée était en fait suffisante pour nuire aux facultés du conducteur.

C'est pourquoi je crois fermement que la seule façon de réussir l'application d'une stratégie de dépistage de drogues est en fait d'y inclure de solides éléments d'enquête qui permettent l'évaluation des comportements de conducteurs par des policiers à formation spécialisée employant des méthodes de vérification normalisées.

Pour ce qui est du programme dans son ensemble, il s'agit de faire des observations sur le terrain. S'il y a absence d'alcool, alors il y a autre chose qui doit expliquer que les facultés d'une personne soient affaiblies. Vous vous aventurez alors sur un terrain où il y a un test sanguin pour dépister la présence d'une drogue. Vous faites établir la concentration. Il se peut qu'il y ait un débat quant à la question de savoir si, pour l'intéressé au moment précis du contrôle, la concentration de drogue détectée était la seule cause du comportement relevé, mais je pense qu'il y aurait accord général sur, par exemple, le fait que la concentration relevée se situait dans la fourchette thérapeutique tolérée ou dans la fourchette toxique. Suit alors l'interprétation.

Si la concentration se situe à l'intérieur de la fourchette thérapeutique, par exemple, il y a une probabilité d'effets secondaires néfastes, y compris l'affaiblissement des facultés.

Si la concentration de la substance est à l'état de traces, l'argument du rapport de causalité entre le dépistage de la drogue et l'affaiblissement des facultés suit naturellement.

[Français]

M. Pierre Brien: Pensez-vous que la connaissance scientifique sur l'effet des drogues ou la mesure des drogues va beaucoup s'améliorer avec le temps ou que cette connaissance scientifique a atteint une certaine limite?

• 1120

[Traduction]

M. Joel Mayer: La connaissance en matière de pharmacologie progresse sans cesse. Pour certaines des substances qui existent depuis quelque temps, en tout cas pour celles qui représentent de nouvelles formulations sur le marché, la communauté scientifique s'efforce sans cesse d'en établir autant que possible la pharmacologie, c'est-à-dire les avantages thérapeutiques et les effets secondaires indésirables. C'est un processus permanent.

Il me faut vous dire que c'est peut-être ici que la science et les tribunaux divergent à l'occasion. Les tribunaux doivent aujourd'hui établir la vérité judiciaire. Les chercheurs ont sans cesse besoin de renseignements supplémentaires pour établir la vérité. C'est un processus en évolution constante.

Il se peut qu'à l'occasion, étant donné les renseignements que nous avons aujourd'hui, nous ne répondions pas à la question dont est saisi le tribunal, mais je pense que l'on commence à tendre vers la réalisation de cet objectif.

J'estime que les tribunaux ont manifesté une capacité énorme de déterminer si un chercheur leur sert de la science de pacotille ou s'il est en mesure de résister à un contre-interrogatoire ou aux protestations d'autres chercheurs.

Par conséquent, le processus s'occupe plus ou moins de lui-même.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Brien.

[Traduction]

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Pour enchaîner là-dessus, il me semble qu'il existe presque une industrie de magasinage de chercheurs. Cela est arrivé avec les producteurs de boissons alcoolisées et je peux nous imaginer confrontés à la même chose pour ce qui est de la question des facultés affaiblies par des drogues.

Pour revenir à votre exposé—et moi-même ainsi que tous les membres du comité vous en remercions—la science a-t-elle progressé à un point tel qu'on a la capacité de distinguer un niveau de concentration, comme on l'a vu avec l'alcool? Nous avons en place ce seuil de 0,08, qui fait maintenant partie de la terminologie en matière de conduite avec facultés affaiblies. Tend-on vers un niveau de concentration donné en ce qui concerne les drogues?

Je n'ai rien entendu au sujet de la capacité que nous avons de dire qu'à partir de tel ou tel niveau de concentration de drogue, vos facultés sont affaiblies. J'imagine que c'est la diversité des drogues sur le marché qui fait que cela serait relativement difficile.

Ce que je veux dire par là c'est ceci: d'accord, certaines drogues sont illégales, illicites, et du simple fait de les renfermer dans votre système vous créez un délit, mais approche-t-on de ce niveau de recherche scientifique?

M. Joel Mayer: Je ne pense pas qu'il soit tant question de s'en «approcher». Étant donné l'expérience que nous avons, nous avons sans doute déjà la réponse à la question. Je ne pense pas que ce soit une approche défendable d'inscrire dans la loi un niveau permissible ou de présomption—ce que les Américains appellent le niveau «per se»—lorsqu'il s'agit de drogues par opposition à l'alcool, étant donné que la relation entre la drogue et ses effets est beaucoup plus complexe. La réaction inter-individuelle à la présence de drogues lorsqu'il est question de substances autres que l'alcool est beaucoup plus complexe.

Par conséquent, encore une fois, je pense que l'approche la plus défendable serait d'examiner l'ensemble, de voir quels renseignements en matière d'enquête existent, non seulement pour commencer à appuyer l'idée que la personne s'écarte de façon marquée de la norme en matière de comportement au volant, mais également pour fournir au laboratoire judiciaire des indications susceptibles de l'aider dans le choix des drogues à rechercher lors des narco-analyses.

Encore une fois, en l'absence d'alcool, en l'absence d'autres facteurs susceptibles d'avoir contribué à ce qui ressemble à un comportement d'une personne ivre, la présence de la drogue, surtout lorsqu'elle est relevée sous forme de concentration dans le sang, fournit de nombreux éléments de réponse.

Le débat persistera, mais je pense que dans certains cas les grands protagonistes de part et d'autre de la question constateront que les résultats des examens en laboratoire commenceront en fait à satisfaire le critère—c'est-à-dire à être le critère évident.

• 1125

Il y a facultés affaiblies, il y a une très forte concentration de benzodiazépine, dépassant, et de loin, ce qui est recommandé à des fins thérapeutiques, et compte tenu de tout ce que nous savons d'autre quant à la variabilité de la réaction, l'on sait que l'on a à faire à une personne susceptible d'en ressentir des effets secondaires indésirables. Que l'affaire soit tranchée par le juge des faits.

M. Peter MacKay: Je pense que votre comparaison avec un «ensemble» est bonne. Dans mon expérience, la plupart du temps il y avait plus que de simples observations physiques d'affaiblissement de facultés qui étaient présentées devant le tribunal. Il y avait en règle générale des preuves tangibles—une bouteille de pilules, des accessoires pour la consommation de drogues, une odeur... D'autres éléments de preuves tangibles seraient déposés devant le tribunal.

Cela m'amène à une autre question qui me trotte dans la tête relativement aux effets synergiques. Il est juste de dire que dans la plupart des cas la symptomologie, pour l'alcool, par exemple, est accélérée par la présence d'une autre drogue. D'après ce que j'ai compris, il existe peut-être des drogues qui ont l'effet inverse. Ceux-là pourraient en fait masquer le degré d'affaiblissement des facultés.

Pourriez-vous nous renseigner là-dessus, dans le contexte du fardeau de la preuve?

M. Joel Mayer: Vous avez tout à fait raison. Les substances qui sont largement classifiées dans la catégorie des dépresseurs du système nerveux central auront au moins un effet sur l'attitude de la personne. Supposons donc qu'il y a de l'alcool ainsi que de la codéine absorbée avec de l'acétaminophène, une préparation de type Tylenol, ou un antihistaminique absorbé en dose élevée, ou une benzodiazépine, et n'oublions pas le THC.

Le comportement humain est assez simple en fin de compte. Les gens veulent s'amuser, et le comportement humain n'a pas beaucoup changé. Vous sortez, vous consommez de l'alcool, vous fumez de la marijuana, puis certaines personnes prennent la route. Il n'est pas étonnant que ces deux combinaisons soient celles qui affichent le taux de prévalence le plus élevé.

L'on pourrait en fait arguer que si vous consommez de l'alcool et une substance, ou deux substances, il se pourrait qu'il y ait un effet cumulatif—peut-être même, comme vous le dites, qu'il y aurait plus que cela, soit un effet synergique en vertu duquel un plus un égale trois. Encore une fois, je pense que tout est ramené à la question de savoir si l'intéressé présentait des différences dans sa capacité de conduire. Son comportement constituait-il un écart marqué par rapport à la norme? En fait, les tribunaux ont dit qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait un écart marqué par rapport à la norme...

Une voix: Quel qu'il soit.

M. Joel Mayer: ...et c'est là que tout commence. Encore une fois, si tous les autres éléments sont absents, si vous avez un comportement au volant qui est inhabituel, s'il y a une concentration de drogues susceptible d'affaiblir vos facultés mais qui est en vérité présente en une concentration suffisante pour produire cet effet en toute probabilité, alors je pense qu'il s'agira de juger selon les faits.

Le débat scientifique ne disparaîtra pas du simple fait que l'on ne fasse pas de test ou que l'on ne mesure pas les concentrations, mais je pense qu'il commencera à établir un mécanisme d'enquête plus efficace et fournira aux policiers de meilleurs outils pour traiter avec le conducteur avec facultés affaiblies par la drogue.

M. Peter MacKay: La clé, donc, est la formation des policiers pour qu'ils sachent quoi chercher, pour qu'ils connaissent la symptomologie.

M. Joel Mayer: Oui, c'est là, à mon sens, la clé.

Encore une fois, vous ne voulez pas que des policiers commencent à intercepter des conducteurs de-ci de-là parce qu'ils «pensent» qu'une personne conduit avec facultés affaiblies. Qu'on respecte tous ces critères en matière d'effets démontrables.

Il me faudrait vous dire que la grande majorité des personnes qui consomment des drogues à des fins thérapeutiques parfaitement légitimes ne vont pas tout d'un coup être exposées à un risque énorme de se faire arrêter pour conduite avec facultés affaiblies. La consommation judicieuse de tous ces médicaments aboutit en général à un résultat où la personne peut continuer de se comporter normalement, de bien fonctionner, sans que ses facultés, nécessaires au bon déroulement de sa vie de tous les jours, n'en soient affaiblies.

Il nous faut donc comprendre cela. J'ai entendu des arguments du genre de ce qui suit: je prends un antidépresseur pour contrecarrer un problème légitime. À quoi serai-je maintenant confronté? À des accusations de conduite avec facultés affaiblies deux fois par semaine?

Sans doute pas, à moins que vous ne commenciez à dépasser les doses normales recommandées ou à faire des mélanges avec des dépassements de posologie.

• 1130

La question de l'éducation survient certainement dans ce cas-ci: ce peut aller du médecin qui conseille ses patients au pharmacien qui appose sur les flacons de médicaments des étiquettes de mise en garde, etc. En bout de ligne, il nous faut reconnaître qu'il y a sur les routes des conducteurs aux facultés affaiblies par les drogues et des personnes qui font une consommation excessive de médicaments.

Le président: Merci. Monsieur Saada.

[Français]

M. Jacques Saada: J'ai deux questions, l'une très courte. L'autre est plutôt une question de fond.

Dans l'exemple de l'Allemagne que vous donniez,

[Traduction]

Je pense que vous parliez de tolérance zéro de facto. Étant donné qu'il peut subsister des traces de drogue plusieurs semaines après leur absorption, ne faut-il pas que la société se prononce sur une question d'interdiction totale de ces drogues?

M. Joel Mayer: Sur le plan pratique, la tolérance zéro signifie qu'il convient d'établir des limites telles que si une drogue—peut-être le métabolite du THC ou le THC lui-même—persiste dans l'urine d'une personne plusieurs jours ou plusieurs semaines après son ingestion, cela ne devrait pas nuire à la personne qui a consommé ces substances par le passé, que cela remonte à plusieurs heures ou à plusieurs jours. Il importe donc d'établir des seuils appropriés.

Si l'on envisage en fait ce genre d'approche pour ce genre de texte de loi, alors je dirai que cela revient presque à une limite «per se», et vous n'êtes pas pénalisé d'avoir dans votre système deux ou trois molécules de THC—en fait, votre comportement n'est même pas criminalisé. C'est une sanction administrative, dans l'exemple que j'ai donné—et vous avez une concentration de drogue supérieure au seuil.

Il y a manifestement un débat scientifique autour de cette question, comme il y a un débat scientifique au sujet de l'approche suivie aux États-Unis par le Department of Health and Human Services en ce qui concerne les seuils de tolérance pour le dépistage antidrogue sur le lieu de travail pour les «neuf à cinq». Si vous dépassez le seuil, alors on considère que vous avez consommé la drogue en question récemment, et c'est à vous que revient le fardeau d'expliquer pourquoi cette substance est présente dans votre corps et pourquoi sa concentration est supérieure au seuil toléré.

M. Jacques Saada: Nos facultés peuvent être affaiblies par des médicaments thérapeutiques. Nos facultés peuvent être affaiblies par des drogues illicites.

Vous avez commencé à répondre lorsque mon collègue a posé sa question, mais permettez-moi d'aller un petit plus loin. L'affaiblissement des facultés par des médicaments thérapeutiques se comprend ou pourrait être accepté tant que cela ne dépasse pas la limite, car c'est un médicament que vous prenez parce que vous en avez besoin pour vous soigner. Cependant, l'autre drogue qui provoquerait le même affaiblissement des facultés fait de vous un criminel si vous la consommez.

La question que je vous pose est la suivante: jugeons-nous vraiment de l'affaiblissement des facultés ou bien sommes-nous ici encore en train de protéger l'image qu'a notre société et qui veut que si un produit est utilisé à des fins thérapeutiques il est acceptable, mais que tous les produits sont inacceptables dans tous les autres cas de figure? En d'autres termes, vise-t-on vraiment la bonne cible?

M. Joel Mayer: Je suis d'accord avec vous là-dessus. Il y a toujours le risque qu'une personne qui consomme une substance à des fins thérapeutiques légitimes soit victime d'effets secondaires néfastes et peut-être même d'affaiblissement de ses facultés. Ce risque existe, mais il me semble qu'à ce stade-là intervenir auprès de la personne pour veiller à ce qu'elle ne conduise avec des facultés affaiblies par une substance est sans doute une bonne chose.

Si le mécanisme disponible ne s'inscrit que dans le processus pénal, alors il est possible que la société doive, considérant tout le reste, décider de la façon de traiter de la situation. Comme vous l'avez, je pense, dit, il est possible de créer une distinction entre l'affaiblissement des facultés par des substances illicites n'ayant aucune valeur thérapeutique et ne devant pas être consommées lorsqu'on va prendre le volant, et l'affaiblissement des facultés du fait d'avoir consommé des produits licites à effet thérapeutique.

• 1135

Dans le cas de l'alcool, je pense que nous avons décidé qu'il y a une concentration permissible. Nous n'avons pas rejeté cela, sauf dans le cas des jeunes conducteurs en Ontario.

M. Jacques Saada: Oui, dans certains cas.

Mais je pense que l'affaiblissement des facultés est important dans le contexte suivant. Si je prends une pilule, par exemple, à des fins thérapeutiques, et que l'étiquette sur le flacon dit que le médicament peut provoquer la somnolence, mais que je prends le médicament quand même, suis-je aussi responsable sur papier que si je consommais, par exemple, une quelconque drogue illicite qui aurait le même effet?

M. Joel Mayer: Je ne suis pas avocat.

M. Jacques Saada: Moi non plus, je vous en assure.

M. Joel Mayer: Je suis convaincu qu'on approche beaucoup de certaines des questions juridiques dont débattront les grands spécialistes dans le domaine, mais il me semble, d'après ma propre expérience, que de nombreux tribunaux ont maintenu que nous sommes responsables de nos propres actes, et que chacun est responsable de ne pas consommer de façon excessive, au point d'être ivre, et que, par extension, il est possible que ce soit également la responsabilité de chacun de ne pas s'auto-administrer des substances à un point tel que ses facultés en soient affaiblies.

L'argument contraire est que les personnes dont les facultés sont affaiblies sont mal placées pour évaluer leur propre état, alors qu'on ne peut pas leur en vouloir. Elles ne savent tout simplement pas que leurs facultés sont affaiblies.

À mon humble avis, cela dépasse l'argument scientifique, mais il s'agit certainement d'une question à laquelle il faudra réfléchir.

M. Jacques Saada: Merci.

Le président: Nous entamons maintenant la deuxième ronde.

Monsieur Brien, une autre question, ou alors monsieur MacKay?

M. Peter MacKay: Non, ça va. Merci monsieur le président.

Le président: John McKay.

M. John McKay: Encore une fois, merci de votre témoignage. Je ne sais trop où l'on va avec tout cela, mais permettez-moi de revenir ici à quelques éléments de base.

Si j'ai bien compris, le principal dilemme de la communauté scientifique est qu'il n'y a pas de corrélation facile entre l'affaiblissement des facultés et la consommation d'une drogue. Il n'y a pas consensus sur ce point.

Cela est-il juste?

M. Joel Mayer: Eh bien, il y a consensus pour dire que certaines concentrations de drogues, sur une échelle de probabilités, peuvent causer un affaiblissement des facultés, vont vraisemblablement causer un tel affaiblissement, ou bien vont certainement causer un affaiblissement des facultés. L'on s'aventure manifestement, dans le cas de certains, dans des zones grises. Telle personne est-elle plus tolérante que telle autre par suite d'une utilisation prolongée de telle substance, qu'il s'agisse d'une substance illicite ou bien d'une formulation thérapeutique tout à fait légitime et éthique?

Encore une fois, si l'on regarde le tout, il faut reconnaître que le point de départ est la personne qui présente un comportement inhabituel. C'est alors que les morceaux commencent à tomber en place pour fournir en partie des preuves corroborantes et en partie des preuves interprétatives.

Je suis convaincu que le débat va se situer du côté des narco-analyses sanguines. Les résultats des analyses de sang ne seront-ils que corroborants, si même ils sont recevables? Peut-on aller plus loin que cela? Peut-on dire qu'ils sont, en fait, suffisamment probants pour nous confirmer qu'avec ces seules concentrations et aucune autre information sur l'intéressé ou sur l'infraction alléguée, toute analyse toxicologique judiciaire conclurait que les facultés de l'intéressé étaient en toute certitude affaiblies?

Je ne sais pas. C'est un argument très difficile.

M. John McKay: Mettant pour l'instant de côté les questions de prélèvement d'échantillons, le poids d'ensemble n'est rien de plus qu'un consensus entre chercheurs en particulier, mais également entre juristes, selon lequel tel niveau d'alcoolémie constitue un cas d'affaiblissement des facultés.

• 1140

M. Joel Mayer: L'affaiblissement des facultés, même dans le contexte de l'alcool, s'inscrit dans un continuum. Je ne pense pas que l'on puisse dire aujourd'hui qu'une personne qui a 80 milligrammes dans 100 millilitres de sang n'est pas en état d'ébriété, mais qu'une personne qui affiche 81 l'est et est coupable d'un crime.

M. John McKay: Mais en tant que société nous en sommes arrivés, si vous voulez, à une entente, à un compromis.

M. Joel Mayer: Précisément.

M. John McKay: Ma question vise à savoir s'il y a un consensus—mettons, pour le THC—voulant que telle concentration dans le sang en particulier—ou, je suppose, dans la salive ou dans l'urine—constitue une preuve quasi irréfutable d'affaiblissement des facultés.

M. Joel Mayer: Si l'on utilise le THC comme exemple, il y a un consensus. La disposition du THC est assez originale. Après avoir fumé de la marijuana, les concentrations de THC dans le sang augmentent très rapidement, en l'espace de quelques minutes. Elles atteignent leur maximum au bout de 10 à 15 minutes.

Par la suite, il y a un fléchissement marqué au point où, deux ou trois heures après avoir fumé une seule cigarette de marijuana, disons, vous aurez peut-être une concentration dans le sang qui ne sera pas différente de celle de quelqu'un qui utilise la marijuana de façon chronique mais qui n'en a pas fumé pendant plusieurs heures avant la prise de sang.

Il y a donc un chevauchement entre les concentrations résiduelles de THC et celles qui sont présentes par suite d'une exposition très récente. Mais le consensus général en la matière est que nous reconnaissons cela et que nous n'allons donc pas interpréter les concentrations qui s'inscrivent dans cette zone de chevauchement.

Cette zone de chevauchement, pour utiliser un chiffre, pour ce qui est de la concentration de THC dans le sang, pourrait être de l'ordre de deux à quatre nanogrammes par millilitre de sang. Si vous êtes cependant en présence d'une personne dont l'échantillon de sang montre une concentration de THC de 20 nanogrammes par millilitre, je pense que la grande majorité des spécialistes médicaux-légaux interrogés diraient que cela correspond à une exposition récente et que, partant, il s'agit d'un effet pharmacologique du fait de la chute rapide. Si vous êtes à 20 ou plus, vous avez sans doute fumé de la marijuana très récemment. Étant donné ce que nous savons de la pharmacologie de la substance, il y a une plus forte probabilité que vos facultés aient été affaiblies que le contraire.

C'est pourquoi nous disons qu'il faudrait se reporter aux observations du policier, et si les deux concordent, vous avez peut-être quelque chose. Mais si vous ne prenez pas comme point de départ l'échantillon de sang, si vous ne commencez pas par là, rien de tout le reste ne peut arriver.

M. John McKay: Le système de mandats pour le prélèvement de ce genre d'échantillon n'est pas un moyen efficace d'obtenir des échantillons. Je devine que c'est là votre thèse de base.

M. Joel Mayer: À l'heure actuelle?

M. John McKay: Oui.

M. Joel Mayer: Non. En fait, je ne pense pas, dans le contexte de mon interprétation du Code criminel, qu'il s'y trouve une disposition qui permettrait d'exiger une prise de sang lorsqu'un policier a des motifs raisonnables de croire qu'il est en présence d'un conducteur avec facultés affaiblies par une drogue autre que l'alcool. Il faut commencer par un motif raisonnable et probable lié à l'alcool. Si ce motif n'est pas là, tout le processus est stoppé.

M. John McKay: Merci.

Le président: D'autres membres du comité ont-ils des questions à poser?

M. Jacques Saada: Puis-je poser une très rapide question?

Le président: Allez-y, très rapidement.

M. Jacques Saada: Lorsque vous avez parlé d'un test normalisé, parliez-vous du contrôle routier ou bien... Car cela nous situe dans un contexte de motifs raisonnables et probables.

M. Joel Mayer: Dans ces régions où le soleil brille 365 jours par an, vous pouvez faire des contrôles routiers normalisés sur le terrain. C'est pourquoi l'on parle de contrôles «sur le terrain». J'imagine qu'étant donné notre climat vous auriez bien du mal à faire cela en janvier, à Winnipeg, par exemple.

L'autre question—et je pense que c'est ici que doivent intervenir les avocats—est qu'il doit y avoir une distinction entre la question de savoir si le contrôle routier normalisé sur le terrain, qu'il soit effectué le long de la route ou dans un poste de police, fait partie de l'enquête ou bien s'il s'agit d'une procédure post-arrestation.

• 1145

Cela nous amène à la question de la détention et à celle de savoir si le procureur de la Couronne peut tirer des preuves de ces tests au tribunal pour corroborer tout le reste.

Je vais sans doute m'arrêter là, car cela commence à me dépasser.

M. Jacques Saada: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mayer. Il s'agit d'un domaine extrêmement complexe, et vous nous avez éclairés—ou peut-être que vous avez soulevé davantage de questions dans nos esprits.

Merci beaucoup d'être venu. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Je proposerai maintenant que nous fassions une pause de dix minutes. Le déjeuner a été apporté. Nous continuerons de siéger pendant le repas. Tout le monde est invité à prendre un sandwich avec nous.

• 1146




• 1208

Le président: La séance va reprendre. Accueillons maintenant, du ministère de la Justice, MM. Don Piragoff et Hal Pruden, de la section de la politique.

Bienvenue, messieurs. Avez-vous un exposé à nous faire ou bien êtes-vous ici principalement pour répondre à nos questions?

M. Hal Pruden (conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Nous sommes surtout venus pour répondre à vos questions.

Peut-être, juste pour commencer, pourrions-nous mentionner que maints témoins vous ont dit que les dispositions du Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies sont restées inchangées depuis la grande refonte en 1985. Je préciserai simplement que plusieurs modifications ont été apportées depuis 1985 à ces dispositions, qui ne représentent pas un changement radical mais qui ont néanmoins réglé certains problèmes particuliers.

Don Piragoff et moi-même sommes tout à fait disposés à répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir sur les aspects juridiques du Code criminel.

Le président: Monsieur Harris.

• 1210

M. Richard Harris: Monsieur Pruden et monsieur Piragoff, nous savons certes que des changements ont été apportés au Code criminel relativement à la conduite avec facultés affaiblies. Il n'en demeure pas moins, quoi que dise le Code criminel aujourd'hui et quels que soient les changements apportés depuis 1985, que nos routes continuent à tuer 1 400 personnes par an et à en blesser plus de 50 000. La conduite en état d'ébriété inflige à notre système un coût direct de plusieurs milliards de dollars.

À mon sens, la question est celle-ci: la société peut-elle continuer à tolérer ces chiffres? Dans la négative, quels changements faut-il apporter au Code criminel pour lutter efficacement contre la conduite avec facultés affaiblies et concrétiser la politique de tolérance zéro du gouvernement fédéral, sachant que la compétence et le contrôle d'application appartiennent principalement aux provinces?

Qu'est-ce qui nous empêche, nous les législateurs, de modifier le Code criminel d'une manière qui mette le Canada à l'avant-garde sur le plan de la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies? Y a-t-il des empêchements, à votre avis?

Nous sommes des parlementaires et nous siégeons dans l'organe de décision suprême du pays, que je sache—bon, je rêve peut-être, monsieur MacKay, vous avez probablement raison. À mon avis, les parlementaires devraient avoir l'autorité finale sur les décisions dans ce pays. Est-il responsable de dire que nous ne pouvons tout simplement pas faire ces choses?

M. Hal Pruden: Il y a là plusieurs questions auxquelles j'aimerais essayer de répondre. La première intéresse l'ampleur du problème à l'heure actuelle. De nombreux témoins, dont la Fondation de recherche sur les blessures de la route, la FRBR, ont reconnu que des progrès ont été faits, particulièrement dans les années 80, et que le nombre de tués et de blessés a diminué.

Cela ne signifie pas que le problème qui subsiste est insignifiant ni qu'il ne faut pas s'y attaquer ni que le Code criminel n'a pas un rôle à jouer. C'est simplement reconnaître que le problème des accidents causés par l'alcool s'est atténué au Canada au cours des 25 ou 30 dernières années.

Cela dit, vous exprimez une position très valide: il faut s'attaquer au problème résiduel. De nombreux autres témoins ont indiqué qu'il fallait pour cela une approche à plusieurs volets, en quelque sorte, et qu'il ne fallait pas compter que des modifications du droit pénal puissent par elles-mêmes totalement éliminer le problème de la conduite en état d'ébriété au Canada.

Cela étant admis, j'en viens à la question que vous posez: Y a-t-il des empêchements? En bref, il n'y en a pas. Le Parlement peut légiférer. Cependant, le Parlement sait aussi que des recours en justice pour anticonstitutionnalité existent et que les tribunaux, en fin de compte, déterminent si les lois du Parlement satisfont aux exigences de la Constitution, notamment de la Charte.

• 1215

M. Richard Harris: Je suis heureux que vous ayez soulevé cet aspect, car je sais que beaucoup de Canadiens, à la première atteinte contre leur philosophie, brandissent la Charte et montent une contestation.

N'y a-t-il pas un article de la Charte—je crois que c'est l'article 1—qui parle de l'intérêt général de notre société? Cet article pourrait être invoqué pour déroger à un autre; peut-être pourrait-il être utilisé avec un certain succès si, mettons, les parlementaires décidaient des mesures fermes qui seraient contestées en invoquant la Charte. Ne pourrions-nous invoquer cet autre article pour dire que la société ne tolérera plus 1 400 morts par an causées par un crime évitable à 100 p. 100? Le fait de conduire en état d'ébriété peut être prévenu à 100 p. 100. Pourrions-nous dire que la société ne tolérera plus cela et que de ce fait, dans l'intérêt général, nous invoquerons cette disposition pour justifier toute décision que le Parlement pourrait prendre?

Je sais que ce n'est pas si simple, mais sous l'angle du bon sens, cela est attrayant pour beaucoup.

M. Donald Piragoff (avocat général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Il y a deux aspects à cette question. Premièrement, à ce stade, votre question est hypothétique. Oui, l'article 1 peut être et a été invoqué par les tribunaux pour confirmer un certain nombre de dispositions du Code criminel traitant de la conduite avec facultés affaiblies comme, par exemple, celles concernant les alcootests routiers et le droit à un avocat. Les tribunaux ont apporté une limitation, disant que le droit à un avocat ne s'appliquait pas au bord de la route si l'alcootest seul est utilisé, par opposition à un constat en règle lors d'un contrôle routier complet.

L'article 1 a été invoqué par les tribunaux à de nombreuses reprises pour confirmer les dispositions relatives à la conduite avec facultés affaiblies, et on peut donc l'utiliser, mais l'article 1, comme toutes les limites aux droits constitutionnels des citoyens n'est pas une limite universelle. Les tribunaux, à juste titre, examinent la loi du Parlement et demandent si elle constitue une réaction raisonnable, s'il y a un lien rationnel. Ils demandent: «Considérant toutes les autres solutions possibles, celle-ci enfreint-elle trop les droits ou bien est-elle raisonnable?»

Cela m'amène à la deuxième partie de la question. Le plus gros obstacle à des solutions adéquates au problème de la conduite avec facultés affaiblies n'est pas d'ordre constitutionnel. La plus grande difficulté est de trouver des solutions pratiques qui fonctionnent.

Par exemple, il y a 15 ans, aux États-Unis, un certain nombre d'États ont essayé l'emprisonnement minimal de 48 heures pour une première infraction, selon la théorie qu'une sanction aussi dure serait dissuasive. Mais à cause de cette peine automatique de 48 heures, plus personne ne plaidait coupable, les tribunaux étaient embouteillés, chacun prenait un avocat et chacun se battait contre ces accusations comme s'il s'agissait d'un vol à main armée. Le résultat final est que le système a commencé à se disloquer parce qu'il ne pouvait plus tourner rond.

Il ne s'agit pas de savoir si les mesures sont constitutionnelles ou non, il s'agit de savoir si elles vont donner des résultats. Juste avant que nous prenions la parole, des experts vous ont dit que, sur le plan pratique, certaines idées ne marchent pas. Certaines mesures ne fonctionneront pas quand il fait -30 à Winnipeg, parce que si vous êtes emmitouflé jusqu'au cou et ressemblez au bonhomme Michelin dans une parka, vous ne pouvez même pas toucher votre nez, que vous soyez sobre ou non.

Beaucoup tournent autour de l'aspect pratique et cela nous amène au réel problème. Vous avez demandé: «Que peut-on faire?» Malheureusement, il n'y a pas de solution magique qui puisse rectifier le problème. En gros, cela passe par trois choses. L'une est l'éducation, une autre la répression et une autre encore la modification du Code criminel.

• 1220

M. Richard Harris: Je comprends ce que vous dites, mais laissez-moi vous donner un exemple. Voici une recommandation sous la rubrique «preuve contraire»:

    Le Code criminel devrait stipuler que le seul type de preuve pouvant annuler la présomption créée par l'alcootest est une preuve directe du mauvais fonctionnement mécanique ou du mauvais maniement de l'appareil.

Cela me paraît plein de bon sens, vu ce que nous a dit M. Berzins, qui est procureur de la Couronne ici. Il nous a dit que l'acceptation de la preuve contraire est tellement diverse et vaste que le tribunal automatiquement tend à croire le défendeur dans une affaire de conduite avec facultés affaiblies, plutôt que la poursuite. Aussi, pourquoi ne pas restreindre l'acceptation de la preuve contraire? Si on vous recommandait cela, que répondriez-vous—que c'est une excellente idée ou que c'est impossible?

M. Donald Piragoff: Le champ de la preuve contraire a déjà été restreint au cours des cinq dernières années au moyen de quelques modifications du Code. Ainsi, il faut établir que le résultat de l'alcootest aurait non seulement été différent, mais inférieur. Voilà...

M. Richard Harris: Désolé de vous interrompre. M. Berzins était assis ici l'autre jour et nous a dit que si le copain d'un défendeur affirme qu'il ne l'a vu boire que deux bières, neuf fois sur dix les juges acceptent ce genre de preuve contraire. C'est...

M. Donald Piragoff: Je suppose que cela dépend de la région du pays où cela se passe, selon que les juges acceptent comme preuve... Cela revient à une question de crédibilité de la preuve, à la question de savoir si un juge va accepter le témoignage de soi-disant copains à l'effet que l'accusé n'a bu que deux bières. La preuve scientifique est que la personne avait un taux de 180 ou 200, ce qui ne correspond pas à deux bières. Cela revient à une question de crédibilité. Soit le juge croit l'agent de police, soit il croit l'accusé et les témoins de l'accusé.

C'est donc une affaire de nature humaine et de comportement à la barre et tous ces facteurs. Nous avons des juges qui cherchent à tenir compte des facteurs humains dans les témoignages. Vous ne pouvez légiférer cela. C'est pourquoi nous avons des procès. C'est pourquoi nous avons des juges et des jurys et non pas des machines pour décider de la culpabilité des gens.

Le problème que nous rencontrons dans tout ce domaine de la conduite avec facultés affaiblies est que l'on parle d'échappatoires qui existeraient dans le système, que l'on dit être trop technique. La raison pour laquelle il est si technique est que tout le système ne traite déjà pas l'accusé et l'État sur un pied d'égalité. L'égalité exigerait que l'État fasse comparaître au tribunal tous les experts, qui devraient alors expliquer que tel taux d'alcoolémie deux heures après le fait est équivalent à tel taux au moment du test initial.

Le Parlement a dit non, nous n'allons pas faire venir tous ces témoins. Nous allons prendre un raccourci. Nous allons tout simplement présumer que si l'échantillon a été prélevé dans les deux heures, le taux est le même; même si votre taux d'alcoolémie a augmenté ou diminué au cours des deux heures, nous allons présumer qu'il est le même qu'au moment où l'on vous a arrêté au bord de la route. En sus de présumer cela, on va faciliter à l'État la poursuite, car la personne qui a administré le test n'a même pas besoin de venir au tribunal déposer un bout de papier.

Des raccourcis ont donc déjà été pris qui font que l'accusé ne part déjà pas sur un pied d'égalité; il y a déjà ces présomptions et raccourcis juridiques. Mais parce que le Parlement a jugé bon de fausser la partie contre l'accusé dans une certaine mesure, en établissant des présomptions juridiques à son détriment, avec des raccourcis, en ne faisant pas venir les témoins et en ne mettant pas les accusateurs en présence de l'accusé afin qu'il puisse les contre-interroger—en les remplaçant par un bout de papier—le Parlement doit bien l'admettre.

• 1225

Le Parlement doit donner à un accusé une possibilité de se défendre. Une des façons de le faire est de présenter des preuves montrant que certaines de ces présomptions scientifiques ne sont pas valides, mettons, dans mon cas, parce que je n'ai pas tant bu ou à cause de mon métabolisme particulier ou parce que j'ai bu mon dernier verre à telle heure et que lorsque j'ai conduit la voiture je n'étais pas au-dessus d'un niveau donné.

Maintenant, s'il s'agit d'un cas limite, cette défense peut convaincre un tribunal, mais s'il s'agit d'un cas où le taux d'alcoolémie était de 180 milligrammes ou 200 milligrammes, et que le type dit qu'il n'a bu que deux bières, il y a un gros écart de crédibilité. Dans ce genre de cas, c'est au juge de dire: «Je ne crois pas à votre histoire».

M. Hal Pruden: Si vous permettez, j'aimerais aussi ajouter quelque chose. Sur la question de l'acceptation du résultat de l'alcootest, de l'instrument approuvé, des témoins vous ont dit que si vous vouliez la rendre automatique, le Parlement pourrait dépénaliser le paragraphe 253(b), l'infraction de conduite avec plus de 80 milligrammes.

Vous pourriez l'enlever du Code pénal et en faire une disposition purement administrative, à responsabilité absolue. Si la personne dépasse un certain niveau à l'alcootest, elle commet une infraction pour laquelle elle recevra une sanction administrative—peut-être provinciale, de type suspension de permis, mais ce ne sera pas une infraction au Code criminel si l'on s'en tient strictement à l'alcootest et que la personne n'a pas la possibilité de se défendre en cour.

Mais je crois que c'est M. Neville, de la Criminal Lawyers' Association of Ontario, qui a dit qu'en droit pénal—et la conduite avec facultés affaiblies relève du droit pénal—l'accusé a le droit de se défendre, et que si on veut lui enlever ce droit, il faudrait dépénaliser l'infraction et en faire une infraction strictement administrative, plutôt que pénale.

Le président: Merci. Nous pourrons peut-être revenir là-dessus.

Monsieur Brien.

[Français]

M. Pierre Brien: Je veux revenir sur quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Si je suis en état d'ébriété, que je frappe une personne et que je la blesse, je commets une infraction criminelle en vertu du paragraphe 255(2) et je suis passible d'une sentence maximale de 10 ans.

Si je suis en état d'ébriété, que je frappe quelqu'un et que la personne décède, à ce moment-là, je suis passible d'une sentence qui, en vertu du paragraphe 255(3), peut aller jusqu'à 14 ans.

Si je frappe une personne et que je quitte les lieux de l'accident, je suis coupable, en vertu du paragraphe 252(1), d'un délit de fuite et je suis passible d'une sentence maximale de cinq ans.

Bien sûr, il peut y avoir des accusations de conduite avec facultés affaiblies, mais dans la pratique, cela devient à peu près impossible à prouver quand la personne quitte les lieux d'un accident.

Est-ce qu'à votre point de vue, il y a une lacune quant au degré de sévérité des infractions qui sont inscrites dans le Code criminel?

[Traduction]

M. Hal Pruden: Je ferai remarquer tout d'abord qu'après 1985 le Parlement a modifié l'article 252 pour porter la peine maximale à cinq ans. Auparavant, c'était deux ans. Le Parlement a donc déjà fait un pas, en 1994, et il pourrait certainement en faire un autre et allonger encore la peine, si c'est son choix.

Cela dit, je veux revenir à votre exemple et dire que si le fuyard est rattrapé par la police—et souvent il ne l'est pas, la police peut faire enquête et si elle peut prouver que la personne conduisait avec facultés affaiblies, elle peut être condamnée pour cela et, en vertu de l'article 252, aussi pour délit de fuite. La personne aurait alors une double condamnation pour ce geste.

• 1230

En imposant la peine, le juge peut tenir compte du fait qu'il y a ces deux condamnations, une pour conduite avec facultés affaiblies et l'autre pour délit de fuite. En revanche, si la personne est condamnée seulement pour délit de fuite, le juge, même s'il soupçonne l'ivresse au volant sans que la Couronne ait pu le prouver, n'a pas la faculté de le punir sur un simple soupçon. Le juge ne peut punir que sur des faits prouvés.

[Français]

M. Pierre Brien: Revenons sur ce que vous venez de dire. Il y a eu plusieurs cas présumés de conduite avec facultés affaiblies qui ont été assez médiatisés. Les procureurs de la Couronne disent que c'est très difficile à prouver. Vous avez perdu contact avec la personne. Même si vous retracez tout ce que la personne a fait dans les 24 heures précédant l'accident, le lien entre la consommation d'alcool et le taux d'alcoolémie au moment de l'accident est très difficile à prouver.

Les gens ne sont pas ultrarationnels et n'ont pas toujours le Code criminel en tête, mais il y a clairement un incitatif à quitter les lieux d'un accident parce qu'on n'a pas fait du délit de fuite une offense suffisamment grave. On n'a pas fait beaucoup de prévention non plus en expliquant aux gens la gravité et les conséquences du délit de fuite. On a durci les dispositions du Code criminel concernant la conduite en état d'ébriété. Les gens savent que c'est criminel et que c'est grave, mais en parallèle, pour ce qui est du délit de fuite... On peut aussi expliquer ce délit par des motifs psychologiques et ainsi de suite. Il me semble qu'il y a là un problème. De quelle façon devrait-on modifier cet article de manière à prévoir des sanctions plus sévères dans les cas de délit de fuite?

[Traduction]

M. Hal Pruden: Le Parlement a certainement loisir d'aller au-delà de ce qu'il a fait en 1994, lorsqu'il a porté de deux à cinq ans la peine maximale. Si le Parlement le veut, il peut faire un pas de plus.

Cependant, lorsque vous dites qu'une peine plus lourde pourrait dissuader certains de prendre la fuite, personnellement je ne sais pas si c'est cela qui motive les gens. Il me semble que les gens, lorsqu'ils commettent un délit de fuite, cherchent simplement à échapper à toute responsabilité, peu importe que ce soit deux ans ou cinq ans ou plus.

Je ne sais pas si le durcissement de la sanction ferait une grosse différence, mais ce n'est certainement pas une raison pour le Parlement de s'en priver si c'est ce qu'il veut faire.

[Français]

M. Pierre Brien: Je ne sais pas si vous étiez ici ce matin, quand des témoins ont parlé des systèmes qui empêchent le démarrage d'un véhicule. Il faut donner un échantillon de son haleine pour pouvoir démarrer son véhicule. Cela existe à l'heure actuelle au Québec et en Alberta. D'après vous, serait-il possible d'inscrire cela quelque part dans le Code criminel ou si c'est une chose qui relève principalement des provinces? Y a-t-il de la place, à l'intérieur du Code criminel, pour instituer un système obligatoire? Prenons le cas des récidivistes, des gens qui en sont à leur deuxième infraction. Est-ce que cela devrait se faire dans le Code criminel ou dans le cadre de l'application de la justice par les provinces, d'après vous?

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Que ce soit dans le Code ou que les provinces le fassent de leur propre chef, en fin de compte ce sont les provinces qui auront à l'administrer. Si vous le mettez dans le Code criminel et en faites un impératif, alors il s'agira de voir si les provinces ont les ressources et la volonté de l'exécuter. Certaines provinces, comme le Québec et l'Alberta, comme vous l'avez indiqué, ont choisi d'appliquer cette mesure sous le régime pénal actuel: les récidivistes, à titre de sanction et de condition de probation, doivent faire installer un antidémarreur sur leur voiture.

Cela est possible sous le régime du Code criminel actuel. Le Code peut certes faire mention de dispositifs d'antidémarrage, mais en fin de compte il s'agit de savoir si une province donnée a la capacité et les moyens de l'imposer.

• 1235

Pour que le gouvernement fédéral prenne ce genre de mesure, il devra consulter les provinces, lesquelles auront à assumer le coût financier de ces dispositifs et de la mise en oeuvre. À l'heure actuelle, c'est au gré des provinces. Elles peuvent déjà le faire sous le régime actuel du Code criminel.

Si l'on établissait un mécanisme fédéral, comme pour l'agrément des alcootests, nous devrions commencer à agréer ces antidémarreurs, à les tester pour garantir qu'ils sont adéquats, qu'ils sont inviolables et infaillibles. Nous devrions nous assurer qu'ils sont fiables, qu'ils affichent bien zéro en l'absence d'alcool. Il nous faudrait ensuite imposer certaines normes de qualité et certains essais. C'est faisable, mais une autre option, en revanche, serait d'encourager les provinces qui n'utilisent pas déjà le dispositif à y recourir comme option de sanction, comme les quelques provinces qui l'utilisent déjà.

M. Hal Pruden: Si vous permettez, je compléterai cette réponse. Le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé a comparu devant le comité. Les administrateurs ont indiqué qu'il existe une stratégie de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies. En 1990, le Conseil a été mandaté par les ministres des transports et de la sécurité routière à travailler sur cette stratégie, et ce mandat a été renouvelé en 1995.

Cette organisation, qui regroupe les organisations de sécurité routière, des policiers et des représentants provinciaux et fédéraux dans le domaine des transports, a dressé une liste de mesures législatives que toutes les juridictions sont encouragées à adopter. En outre, elle a des objectifs en matière d'éducation et de communication que toutes les juridictions sont encouragées à poursuivre et une série d'autres éléments. Parmi ces derniers, il y a cette idée de l'antidémarreur. Le gouvernement, par le biais de Transports Canada, participe à cette initiative conjointe pour amener les provinces à utiliser ce dispositif.

Le président: Merci, monsieur Brien. Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais aborder plusieurs points, non pas sous forme de questions mais sous forme d'affirmations. J'ai parfois l'impression d'être assis du mauvais côté de la table. Je devrais être à l'autre tout.

Cela fait quatre ou cinq fois que j'entends dire que le nombre de décès causés par la conduite en état d'ivresse a diminué. Je ne pense pas que nous puissions nous appuyer sur cette béquille. Le nombre de décès dans toutes les urgences médicales a diminué grâce à notre meilleur système paramédical. Je pense que c'est une béquille que l'on utilise et que l'argument ne tient pas.

Deuxièmement, monsieur Perigoff, vous avez mis le doigt, sans le vouloir je pense, sur tout le problème. Vous avez dit que dans une certaine juridiction la peine minimale était de 48 heures de prison et que, de ce fait, les tribunaux étaient embouteillés parce que les accusés prenaient des avocats et se battaient comme s'ils étaient accusés de vol qualifié. Tout à fait! Tant que vous ne faites rien qui les gêne ou attire leur attention, ils traitent cela comme une vétille. Ce n'est pas considéré comme aussi grave qu'un vol. Or, c'est plus grave qu'un vol, à moins qu'il s'agisse d'un vol à main armée, car la conduite en état d'ivresse tue, blesse, défigure et pénalise autrui.

J'imposerais une peine de 72 heures ou trois jours plutôt que de 48 heures. Si vous êtes pris à conduire ivre le vendredi soir, vous comparaissez devant le juge le samedi matin et il vous annonce: «Trois jours». Pourquoi papa n'est-il pas là pour emmener les enfants à l'entraînement de hockey le samedi? Il est en prison. Pourquoi votre mari n'est-il pas à l'église ce dimanche? Il est en prison. Comment se fait-il que notre directeur des ventes ne soit pas au travail lundi? Il est en prison. Cela fait de l'effet. Comme vous dites, ils vont se défendre comme s'il s'agissait d'une accusation de vol qualifié, et c'est ce que nous voulons. Tout le monde prend cela trop à la légère.

• 1240

Nous avons parlé de diverses sanctions, de grosses amendes. Mettons une chose au clair. Le chauffeur ivre moyen n'est pas le détrousseur moyen qui traîne au coin de la rue—la seule voiture dans laquelle celui-là met les pieds est volée. Le conducteur ivre moyen ressemble à vous et moi. Il porte un costume—ou, si c'est une femme, un tailleur Dior. C'est cela votre conducteur ivre moyen. Il faut attirer son attention, d'une façon ou d'une autre.

Sans le vouloir, je pense, vous nous avez montré comment attirer leur attention. Si le prix qu'il faut payer pour attirer leur attention est d'ouvrir de nouveaux tribunaux et d'engager de nouveaux juges, à un certain coût financier, très bien. Si c'est la solution, très bien. Cessons de chipoter. Faisons quelque chose pour attirer leur attention. Vous dites que lorsqu'on leur colle deux jours de prison, presque automatiquement, cela attire leur attention.

Le président: Merci. Monsieur Perigoff ou monsieur Pruden?

M. Hal Pruden: Puis-je répondre à un élément de votre commentaire? Il s'agit de la baisse du nombre de tués sur la route. Il est vrai que, de façon générale, les décès accidentels sur la route ont diminué.

Cependant, la Fondation de recherches sur les blessures de la route tient à jour la base de données sur tous les décès de la route pour tout le Canada, et ce depuis 1987. Son rapport le plus récent porte sur 1996. Elle a observé que le pourcentage des conducteurs de plus de 80 ans impliqués dans des accidents mortels a baissé en pourcentage de tous les décès sur la route. Leur taux d'accident baissait plus rapidement que celui de la population générale. Cela prouve l'existence d'un phénomène au-delà de la simple amélioration des véhicules, de l'amélioration des routes et des améliorations médicales, qui sont tous des éléments neutres du point de vue de la conduite en état d'ébriété.

On peut donc dire que les mesures de lutte contre la conduite en état d'ivresse ont eu un effet qui explique cette baisse de pourcentage. Je crois que celui-ci est passé de 43 p. 100 en 1987 à 34,9 p. 100 à 1996 pour les conducteurs de plus de 80 ans. Il y a donc une amélioration qui n'est pas simplement due à l'amélioration des soins.

M. Ivan Grose: Oui, mais j'espère que vous ne nous recommandez pas d'attendre jusqu'à ce que le pourcentage tombe à zéro, car il reste encore à un niveau tragique. Je suis d'accord avec vous. Vous dites que vous avez les chiffres. Je veux bien. Je suis heureux de l'entendre, mais je persiste à penser que cela ne doit pas nous empêcher d'agir. Nous pourrions attendre encore 50 ans avant que le taux devienne presque négligeable.

M. Hal Pruden: Je suis d'accord à 100 p. 100 là-dessus. J'espère que nul n'interprétera ce que j'ai dit comme signifiant qu'il ne faut pas toucher au Code criminel. Celui-ci a un rôle, absolument—mais en sachant que toute une série d'autres choses doivent être faites en même temps.

M. Ivan Grose: Je sais que ce n'est pas ce que vous vouliez dire, mais souvent lorsqu'on relit les propos plus tard... Je voulais que ce soit tout à fait clair. Je savais que ce n'était pas ce que vous vouliez dire.

Pour ce qui est des autres éléments, je pense qu'ils méritent examen. Je vous ai entendu dire que lorsqu'on impose telle ou telle peine, ils se battent bec et ongles comme s'ils risquaient la peine de mort. Je n'y ai guère prêté attention jusqu'à ce que vous en parliez aujourd'hui. Je me suis dit, bon Dieu, pourquoi est-ce que l'on ne traite pas cela comme un vol qualifié tout de suite? Parce que personne n'y prête beaucoup attention en ce moment.

Si vous êtes pris pour conduite en état d'ivresse, c'est un peu plus embarrassant que jadis, mais pas beaucoup. Avant, c'était une chose amusante. On avouait le matin, en disant: «Je ne sais pas comment j'ai réussi à ramener la voiture hier soir». On n'entend plus cela aujourd'hui.

Néanmoins, si vous êtes pris ivre au volant, ce n'est pas une honte, réellement. Faisons en sorte que ce soit infamant. Peut-être cette peine de deux jours, qui signifie que pendant deux jours vous serez en cellule au poste de police local, plutôt que dans une prison provinciale ou d'État, et vous y verrez défiler pas mal de gens bizarres en 48 heures... Ce pourrait être une excellente expérience. S'ils vont se battre contre cela, qu'ils le fassent.

Le président: Merci. Monsieur Piragoff, voulez-vous répondre?

M. Donald Piragoff: Merci. Oui, j'aimerais répondre à cela.

• 1245

Je suppose que vous fondez votre position sur l'aspect éducatif d'une peine de prison minimale de 48 à 72 heures. Le constat fait dans plusieurs États américains est que la peine de prison minimale de 48 heures n'entraînait pas plus de condamnations. Votre présomption est que les gens vont aller en prison. Or, il y a eu moins de condamnations. Le taux des condamnations a baissé parce que davantage d'accusés contestaient l'accusation, davantage d'échappatoires ont été trouvées et les juges étaient réticents à emprisonner les gens pour 48 heures.

Ensuite, je pense, on oublie un autre élément ici. Il y a deux aspects. L'un est l'effet éducatif, et c'est important. Il ne suffit pas d'avoir un effet éducatif de courte durée. On le voit chaque année à Noël. Juste avant Noël, nous avons un impact éducatif, lorsque nous disons: «Faites attention parce que la police est de sortie, avec son programme RIDE», ou quel que soit le nom dans les autres provinces. Soudain, les gens font attention, parce que la peur d'être pris a tout d'un coup augmenté.

Peu importe que, statistiquement, le risque d'être pris soit gros ou non, il y a la crainte d'être pris, et les statisticiens et les psychologues ont prouvé que la crainte d'être pris, d'être appréhendé et inculpé est plus dissuasive que la punition ultime. Si vous ne pensez pas que vous allez jamais être pris, peu importe quelle est la punition.

Par exemple, nous châtions durement certains crimes comme le meurtre, mais il y a quand même des assassins parce qu'ils pensent qu'ils ne seront pas pris. Ils pensent mettre au point le crime parfait, qu'ils vont tuer la personne et s'en tirer.

Peu importe donc le châtiment; ce qui compte, c'est la crainte d'être pris, la crainte de l'appréhension. C'est pourquoi le programme RIDE et ces autres programmes sont très importants. Parfois, ils comptent plus que la sanction: si vous pensez que vous allez être pris, vous n'allez pas faire le déplacement du point A au point B un soir donné, vous n'allez pas prendre le volant de la voiture, mais si vous pensez vous en tirer, vous allez prendre le risque.

Il se pose une autre question concernant l'éducation. Je ne pense pas que la plupart des Canadiens sachent quelles sont les sanctions. La peine la plus rude est la perte du permis de conduire pour un an. C'est particulièrement grave si vous êtes chauffeur de taxi ou de camion, car vous perdez votre gagne-pain. Combien de gens savent combien il faut de verres pour arriver à 0,08? Un verre de vin, deux verres de vin, trois verres de vin, quatre verres de vin...? Les gens savent-ils quand ils doivent s'arrêter?

On pourrait faire beaucoup à long terme sur le plan de l'éducation, afin que les gens sachent qu'ils ne devraient pas prendre le volant parce qu'ils ont bu trois verres en l'espace d'une heure et demie, au lieu de juste une bière. Vous ne devriez pas être au volant si vous avez bu une bière mais la personne peut se dire: «J'ai bu une bière, je sais que je suis en dessous de la limite. Je me sens bien, je vais courir le risque». Je ne dis pas qu'elle devrait le faire. Il ne faudrait jamais conduire en ayant bu. Mais les gens ne savent même pas quelles sont leurs limites.

Que peuvent faire les gouvernements provinciaux et fédéral? C'est la question que nous posons, sur le plan de l'éducation. Comment faire passer un message qui change le comportement des gens? Je pense que c'est le véritable problème auquel les législateurs se heurtent depuis des années. C'est le problème fondamental auquel le comité est confronté: comment produire un effet à long terme et pas seulement une réaction ponctuelle?

M. Ivan Grose: Monsieur le président, j'ai un petit rappel.

Je suis d'accord avec vous au sujet des programmes RIDE. Ils ont été efficaces. Je dois cependant vous dire que l'an dernier, pendant la dernière saison des fêtes, dans l'agglomération de Toronto, il y a eu beaucoup moins de contrôles que les années précédentes, en raison des coupures budgétaires au service de police, etc. Le nombre des infractions a augmenté, ce qui veut dire évidemment que la crainte semble faiblir. Il va falloir trouver un nouvel épouvantail, je suppose. Ce sont tous là des éléments d'un problème complexe.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Monsieur Harris.

M. Richard Harris: Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis d'accord avec certaines de vos observations. Nul ne contestera qu'une campagne de sensibilisation beaucoup plus massive, à l'échelle nationale, en collaboration avec les provinces, serait une excellente idée. Il serait évidemment bon qu'un plus grand nombre de gens sachent qu'il ne faut pas conduire après avoir bu. Les statistiques sur la conduite avec facultés affaiblies justifient très certainement un supplément de crédits pour les contrôles policiers.

• 1250

Par ailleurs, s'il fallait prouver l'efficacité de la dissuasion, la conduite en état d'ébriété figurerait tout en haut de la liste. Bien que les chiffres actuels soient encore d'un niveau tout à fait inacceptable, je pense réellement que la dissuasion a joué un rôle énorme dans les progrès réalisés au cours des 20 dernières années. Jadis, les chiffres étaient tout simplement effarants. Bien qu'un seul décès ou blessure soient déjà inacceptables 1 400 morts et plus de 50 000 blessés sont beaucoup plus qu'inacceptables. Je ne sais même pas comment qualifier ces chiffres, car ils ne devraient tout simplement pas exister, un point c'est tout.

Si les mesures de dissuasion mises en place jusqu'à maintenant montrent que des améliorations dans les statistiques sont possibles, si l'on accentuait cette dissuasion, nous pourrions peut-être améliorer ces chiffres encore davantage.

D'aucuns militeront contre cela et c'est leur droit.

M. Grose m'a fait remarquer, à moi et aux témoins précédents, que l'alcoolique récidiviste—nous avons entendu les témoignages—est responsable de 60 p. 100 du carnage et des coûts engendrés par la conduite avec facultés affaiblies. Cela ne signifie pas qu'un non-alcoolique qui boit et conduit vaut mieux, mais le fait est que ce petit groupe cause la plupart des dégâts. Ces gens ne respectent pas les suspensions de permis et, très franchement, ils ne respectent pas les lois ni la sécurité de la société.

Si ces récidivistes endurcis, ces chauffards, refusent tout simplement d'arrêter, ne faudrait-il pas les retrancher de la société afin de protéger cette dernière?

Et je ne parle pas de les tuer.

Des voix: Oh! Oh!

M. Richard Harris: Encore que, dans certains cas...

Ne faudrait-il pas simplement les retrancher? S'ils ne peuvent mener leur vie d'une manière à ne pas menacer tous les autres membres de la société, ne faudrait-il pas simplement les mettre au trou le plus longtemps possible afin de protéger notre société, dans l'intérêt général?

M. Hal Pruden: Encore une fois, M. Neville, de la Criminal Lawyers' Association of Ontario, a comparu devant le comité et indiqué, en réponse à une question, que pour certains récidivistes endurcis, la mise à l'écart de la société pendant une longue période est peut-être la seule solution qui reste. Ils ne veulent pas admettre qu'ils ont un problème de boisson, ils refusent peut-être de suivre un traitement et ne réagissent pas aux retraits de permis, c'est donc tout ce qui reste en fin de compte.

Cependant, le Dr Mann, de la Fondation de la recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie, comme on l'appelait jadis, a également témoigné devant le comité et indiqué que les études montrent que, de toutes les mesures de dissuasion de l'ivresse au volant, la combinaison de la suspension de permis et d'un traitement semble être la plus efficace dans le cas des récidivistes endurcis—aussi efficace que possible.

• 1255

M. Richard Harris: Pourquoi ne pas leur infliger dix années de prison, avec obligation de suivre avec succès un traitement avant toute possibilité de libération conditionnelle? Autrement dit, si vous ne voulez pas ou ne pouvez pas—ou les deux—suivre le programme de traitement et arrêter de boire, vous allez simplement passer dix années en prison. Si vous voulez bien le faire... C'est une assez bonne incitation, semble-t-il, sachant que pour dix années, on purge aujourd'hui combien? Quatre...? Si vous ne suivez pas ce programme, vous passez six années de plus en prison. C'est une assez bonne incitation.

M. Donald Piragoff: Je pense que vous avez mis le doigt sur un élément intéressant dans toute cette équation du châtiment et de la dissuasion. C'est le point que je voulais soulever précédemment, à savoir qui cherchons-nous réellement à dissuader? Est-ce le grand public? Dans une certaine mesure, le grand public ne sait même pas quelles sont les peines. S'il savait quelles sont les peines, il pourrait être dissuadé. Comme on l'a dit, c'est le citoyen normal, ordinaire, qui constitue dans une large mesure le problème dans le cas de la première infraction. Si le citoyen ordinaire savait quelles sont les peines actuelles ou s'il craignait d'être pris, il serait dissuadé, et évidemment aujourd'hui il n'est pas renseigné.

M. Richard Harris: Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec vous. Nous avons fait quelques sondages à travers le pays depuis 1995 et je peux vous garantir que si vous allez sur la rue Sparks tout à l'heure, trouvez dix personnes qui ne conduisent pas après avoir bu et demandez-leur pourquoi, la réponse la plus fréquente serait qu'ils ne veulent pas être pris, qu'ils ne veulent pas perdre leur permis, qu'ils ne veulent pas payer les amendes. Je ne pense pas qu'il y ait tant de gens qui ne savent pas que conduire en ayant bu est un délit grave.

M. Donald Piragoff: Beaucoup ne connaissent pas exactement les conséquences. Vous avez dit que ceux qui ont déjà été condamnés connaissent les conséquences. Ils ne veulent pas perdre de nouveau leur permis pour un an.

Le cas le plus difficile est celui que vous avez évoqué: les conducteurs alcooliques qui sont responsables de la plus grande part du carnage sur les routes. Ce ne sont pas les gens qui sont à 0,08 ou à 0,05. Ils ne devraient pas être sur la route avec 0,08 ni même avec 0,05, mais ce ne sont pas eux qui provoquent, comme vous l'avez dit, 60 p. 100 du carnage sur la route. La vraie question est de savoir si des mesures peuvent être prises contre les récidivistes. Certains des témoins, je crois, ont parlé de peines modulées, qui iraient croissant avec le taux d'alcool. Vous avez évoqué la possibilité de libérations conditionnelles plus restrictives. Ce sont toutes là des possibilités qu'il faut considérer. Je pense que le gouvernement serait disposé à entendre les recommandations du comité concernant les récidivistes, car je pense que les experts voient dans ces derniers le réel problème sur les routes.

Il y a déjà dans le Code criminel des dispositions intéressant les contrevenants dangereux. Ces derniers peuvent être condamnés à des peines longues ou de durée indéterminée. Je ne sais pas si ces dispositions ont jamais été invoquées par les provinces dans une affaire de conduite avec facultés affaiblies. Elles l'ont été dans les cas d'agression et de violence sexuelle, etc. Je ne sais pas si elles ont jamais été utilisées au palier provincial. Il me semble que ces dispositions seraient applicables, mais il faudrait vérifier pour en être sûr.

L'une des questions sur lesquelles le comité pourrait se pencher plus particulièrement est celle des multirécidivistes. Quelles sortes de mesures pourraient les dissuader? Si ces mesures ne dissuadent pas, alors, en dernier recours, il faudra les neutraliser, c'est-à-dire que s'ils continuent à être un danger pour les autres Canadiens, comment peut-on les neutraliser? Cela me paraît une question valide. À mon avis, elle va droit au noeud du problème, à savoir les multirécidivistes.

Lorsqu'on parle de mesures de dissuasion et de mesures contre la conduite avec facultés affaiblies, il ne faut pas oublier qu'il y a sur les routes deux catégories de conducteurs. Il y a le citoyen ordinaire qui, une fois de temps en temps, boit un verre de trop en sortant dîner et il y a la personne qui est multirécidiviste. Lorsqu'on parle de dissuasion et de répression, il ne faut pas confondre les deux catégories. Certaines mesures peuvent être appropriées pour l'une et pas pour l'autre.

Une option consiste à durcir les peines, le régime de libération conditionnelle, pour ces multirécidivistes. Ensuite, la question est de savoir quels ajustements doivent être apportés au régime actuel. Par exemple, l'amende minimale actuelle est de 300 $. Cela remonte à 1985. On pourrait augmenter ce montant aujourd'hui, vu l'inflation.

• 1300

De petites choses peuvent être faites, mais la vraie question est de savoir comment arrêter les buveurs invétérés. Je pense que c'est là où le gouvernement apprécierait réellement toute recommandation que pourrait faire le comité.

M. Richard Harris: Je vous remercie de cette réponse et je pense que nous convenons tous que le buveur invétéré qui cause la plus grande partie du problème devrait être la principale cible.

Je pense aussi que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative. Nous pouvons prendre l'initiative en adoptant une législation qui donne aux provinces tous les outils dont elles ont besoin pour faire leur travail et essayer d'avoir le régime le plus strict de tout le Canada et peut-être même de l'Amérique du Nord.

Comme vous le savez, il faudra une combinaison de mesures, mais je suis convaincu que la dissuasion joue un rôle énorme. Des gens vont penser qu'ils s'en tireront de toute façon, mais il faut la menace d'une sanction plus dure qu'une simple tape sur les doigts si on veut jamais les influencer. Une amende de 300 $ et une année de suspension de permis ne suffisent pas, à mon avis, dans le cas d'une première infraction. N'oubliez pas cette statistique. Cette personne aurait pu commettre l'infraction entre 200 et 2 000 fois avant d'être prise. Une première condamnation n'est pas une première infraction, il faut bien le savoir. C'est simplement la première fois que la personne a été prise.

Quoi que nous fassions, faisons en sorte que ce soit la pire expérience de leur vie lorsqu'ils arrivent au tribunal ce jour-là, et que cela leur coûte beaucoup d'argent et beaucoup d'embarras. C'est ce que j'espère voir sortir de tout cela.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires avant que je passe au député suivant?

Monsieur John McKay.

M. John McKay: J'aimerais revenir sur la série de questions de M. Brien sur l'antidémarreur. J'ai suivi cet échange et j'ai écouté l'échange entre M. Marples et M. DeVillers plus tôt ce matin, et je ne vois toujours pas très bien si, comme le pensent les représentants de la FRBR, une modification du Code criminel est nécessaire pour que les juges puissent ordonner l'installation de ce dispositif comme condition de probation.

Je suis plutôt dérouté, car apparemment l'Alberta l'ordonne et le Québec l'ordonne, et ce sans modification du Code criminel. Faut-il ou non modifier pour cela le Code criminel?

M. Hal Pruden: Les provinces peuvent certainement introduire et utiliser ce dispositif. De fait, le CCATM encourage toutes les provinces à le faire sans tarder. Si toutes les provinces le faisaient, ce serait national et on verrait cela partout dans le pays. La modification du Code n'est pas une condition préalable avant que les provinces commencent à utiliser l'antidémarreur.

M. John McKay: Donc, un juge ontarien pourrait en ordonner un aujourd'hui, n'est-ce pas?

M. Hal Pruden: Oui, selon, je suppose, la disponibilité de l'appareil chez un fabricant et selon si le fabricant vous donnera un modèle commercial ou le modèle gouvernemental qu'il fournit à l'Alberta et au Québec. Je signale...

M. John McKay: Est-ce que ce dispositif figure sur une liste agréée?

M. Hal Pruden: Non. À l'heure actuelle, le Code criminel n'a pas de définition d'un antidémarreur approuvé. Par conséquent, le Comité des alcootests de la Société canadienne des sciences judiciaires n'a pas été invité par le Ministère à examiner ces dispositifs pour assurer qu'ils répondent tant aux prétentions du fabricant qu'à un ensemble de normes que le comité aurait établies; Il n'y a pas de normes parce qu'il n'y a pas de définition à l'heure actuelle.

M. John McKay: Devrions-nous le recommander, dans ce cas?

• 1305

M. Hal Pruden: J'ai dit que cela pourrait être fait dans le Code criminel. Je crois que M. Piragoff a également indiqué que ce devrait être inscrit dans le Code criminel. Sachant que les provinces ont déjà commencé, sachant que la stratégie pour réduire la conduite avec facultés affaiblies encourage toutes les provinces à aller dans ce sens, la question est de savoir si le comité juge nécessaire de faire cela, si vous voulez le faire ou avez besoin de le faire.

M. John McKay: C'est un peu le problème de la poule et de l'oeuf, du cheval devant la charrue. La question est de savoir si le gouvernement fédéral va prendre l'initiative, et toute cette sorte de choses... Le seul instrument avec lequel le gouvernement fédéral puisse travailler est le Code criminel, qui est un instrument plutôt contondant.

Cela dit, vous avez déjà—comment dirais-je?—deux sociétés distinctes de votre bord, deux des sociétés les plus distinctes de notre pays, et je me demande donc toujours s'il faut un amendement ou non. Si je suis un juge siégeant en Ontario et considère que la personne devant moi devrait avoir ce dispositif dans sa voiture, qu'est-ce qui m'empêche d'ordonner à cette personne de l'installer?

M. Hal Pruden: Je ne pense pas que quelque chose empêche le juge d'inscrire cela dans une ordonnance de probation à l'heure actuelle, sinon la crainte de ce juge que l'intéressé ne reconnaisse pas qu'il a un problème ou dise simplement: «Eh bien, dans ce cas, je ne vais pas avoir de voiture, je ne conduirai pas, j'attendrai jusqu'à la fin de ma période de suspension...

M. John McKay: Oui, je vois.

M. Hal Pruden: ...et que mon permis me soit rendu».

Il ne faut pas oublier que les provinces auront certainement... Peut-être les provinces n'auront-elles pas de réserves, mais elles auront certaines obligations. Si le Code criminel dit qu'elles doivent le faire, elles vont encourir des frais de supervision, de mise en place du programme et de contrôle au niveau provincial...

M. John McKay: Mais selon le témoignage de M. Marples, sa compagnie ne fait pas nécessairement rapport aux autorités gouvernementales, qu'elles soient provinciales ou fédérales. Je pensais qu'il faisait son rapport à une compagnie d'assurances.

M. Hal Pruden: Je crois savoir que les violations étaient signalées aux autorités provinciales, mettons...

M. John McKay: Oui.

M. Hal Pruden: ...si bien qu'elles devront compiler les renseignements provenant de la compagnie pour voir s'il y a eu violation et déterminer s'il y a lieu de révoquer l'ordre de probation et interdire à la personne toute conduite parce qu'elle n'utilise pas l'antidémarreur comme il le faudrait.

M. John McKay: On suit la balle sautillante. La compagnie transmet le renseignement et il incombe ensuite à... Je suppose que c'est signalé à un poste de police. Est-ce là que va le renseignement ou bien...

M. Hal Pruden: Peut-être simplement au bureau des permis. Je crois savoir que le bureau provincial des permis est contacté si la personne «viole» son antidémarreur en essayant de le contourner ou de le bricoler.

M. John McKay: Ce renseignement aboutit donc sur un bureau. Qu'arrive-t-il ensuite?

M. Hal Pruden: L'autorité doit alors décider quoi faire, c'est-à-dire sermonner l'intéressé ou bien le priver de la possibilité de conduire avec l'antidémarreur.

M. John McKay: Ce serait une suspension totale de permis.

M. Hal Pruden: C'est juste. Les fabricants ont indiqué que c'était là une sanction intermédiaire dans nombre d'États américains, et je suppose que c'est la même chose en Alberta.

Je pourrais citer un exemple d'une disposition du Code criminel ayant une incidence sur les provinces: l'absolution sous condition de traitement curatif du paragraphe 255(5), qui a été promulgué à des dates différentes dans les provinces.

Autrement dit, lorsque la province disait qu'elle était prête, qu'elle avait les ressources pour traiter les gens, peut-être en résidence, la province demandait au gouvernement fédéral de promulguer le paragraphe dans cette province. Eh bien, nous avons une situation où la moitié des provinces ont cela et d'autres ne l'ont pas. Le Parlement pourrait envisager une disposition similaire et la promulguer successivement dans les provinces lorsqu'elles sont prêtes pour ce système. Mais, encore une fois, vous pourrez avoir une situation où certaines provinces, même des années après, n'auront pas adopté le système.

• 1310

M. John McKay: Mais ce serait au moins un signal du gouvernement fédéral montrant que c'est là un dispositif important pour régler ce qui semble être le plus gros problème, à savoir le chauffard récidiviste.

M. Hal Pruden: La question devient ensuite de savoir si c'est relié à l'interdiction de conduire partout au Canada prévue dans le Code criminel ou bien si on laisse aux provinces décider ce qu'elles veulent faire en vertu de leur législation sur la suspension de permis?

M. John McKay: Combien de temps me reste-t-il?

Le président: Allez-y.

M. John McKay: Le deuxième sujet que je veux aborder intéresse le délai de prélèvement de l'échantillon d'haleine. Les représentantes de MADD et plusieurs autres ont demandé qu'il soit porté de trois à quatre heures. Je ne vois pas très bien ce que cela impliquerait. Ma réaction initiale était de dire que cela ne fait qu'allonger la durée de garde à vue pour la police et tout retarder. Quelles seraient les autres répercussions si nous suivions cette route?

M. Donald Piragoff: La limite actuelle de deux heures n'a pas été choisie au hasard. Elle est fondée sur des faits scientifiques, comme je l'ai indiqué plus tôt. Les dispositions du Code reposent sur un certain nombre de présomptions juridiques—de raccourcis—mais il y a un fondement scientifique à ces raccourcis. L'une des présomptions est qu'un échantillon d'haleine pris dans un délai de deux heures, à 14 heures, mettons, sera présumé avoir le taux d'alcool existant au moment de la conduite.

Dans cet intervalle de deux heures, le taux pourra avoir augmenté ou diminué, mais aux fins de la loi, le taux sera présumé être le même aux deux moments. La raison est que, en dépit des différences individuelles, il y a un taux général de métabolisme du corps humain déterminant à quelle vitesse l'alcool peut être absorbé dans le sang et éliminé par les fonctions naturelles, telles que la respiration, la miction, etc.

M. John McKay: Il y a donc un consensus scientifique sur l'intervalle de deux heures. Y a-t-il un consensus scientifique sur l'intervalle de trois heures ou de quatre heures?

M. Donald Piragoff: Au-delà de l'intervalle de deux heures, disent nombre de scientifiques, ils ne peuvent plus garantir le fondement scientifique de la présomption.

M. John McKay: De la présomption de facultés affaiblies?

M. Donald Piragoff: C'est juste.

Mais deux choses interviennent à l'intérieur de cette limite de deux heures du Code. D'une part, la présomption scientifique et, d'autre part, la capacité juridique pour l'État ou l'agent de police d'exiger un échantillon. Si l'agent de police prélève l'échantillon après la période de deux heures, il peut toujours être introduit en preuve. Mais dans ce cas, il faut faire témoigner un expert et extrapoler à rebours le taux d'alcoolémie effectif.

Actuellement, deux choses sont liées à ces deux heures: l'une est la présomption légale, la présomption probante, et l'autre est la faculté de l'agent de police d'exiger un échantillon comme technique d'enquête.

Vous pourriez dissocier les deux, par exemple. Si les agents de police ont du mal à respecter le délai de deux heures—et certains disent que c'est le cas—pour à tout le moins formuler la demande, vous pourriez porter le délai pour formuler la demande à trois heures ou quatre heures sans modifier la présomption légale. Donc, si la demande est faite dans les deux heures, vous avez la présomption légale. Si la demande est faite après deux heures mais quand même dans un certain délai, elle est impérative. Vous pouvez obtenir l'échantillon, mais vous n'avez pas le bénéfice de la présomption légale.

Actuellement, les deux sont liés. Là où il y a dissociation, c'est évidemment le cas où l'échantillon de sang est prélevé après le délai de quatre heures, auquel cas il vous faut un témoin expert pour extrapoler à rebours.

M. John McKay: Donc, la dissociation de la présomption pourrait être une possibilité intéressante pour régler le problème qui se pose à certains agents de police.

• 1315

M. Donald Piragoff: Vous pourriez dissocier le pouvoir d'enquête de la présomption probante. Vous pouvez conserver les deux heures pour la présomption, mais vous pourriez donner à la police une plus grande fenêtre d'opportunité pour formuler la demande. Ce serait une possibilité. Je ne sais pas trop quelles seraient toutes les répercussions de cela; vous devriez explorer cela avec la police et les procureurs pour voir si cela pourrait poser des problèmes pratiques pour un procès. À première vue, je n'en voit pas, mais il faudrait y réfléchir.

M. John McKay: Ils devront simplement faire la preuve de la manière ordinaire. On en revient à cela.

M. Donald Piragoff: Oui.

M. John McKay: Me reste-t-il encore du temps?

Le président: Oui, allez-y.

M. John McKay: Oh, la chasse est ouverte, semble-t-il.

En ce qui concerne le 0,08, vous étiez là et vous avez entendu les arguments en faveur de l'abaissement à 0,05 ou 0,02—et certains réclament zéro tout court. Je suppose que cela met en question le fondement scientifique, le seuil de 0,08. En laissant de côté toutes les répercussions sur le système judiciaire et l'enthousiasme avec lequel les accusés pourraient se défendre à des taux de 0,02 ou 0,00 ou 0,05, quelles seraient les conséquences d'une réduction à 0,05, mettons? Faudrait-il construire toute une argumentation scientifique pour prouver qu'il y a facultés affaiblies au-delà de 0,05?

M. Hal Pruden: Je ne suis pas sûr que vous auriez un consensus. Doug Lucas, qui a comparu ici au nom du Comité sur l'alcootest de la Société canadienne des sciences judiciaires, a indiqué que les études de 1950 avaient été faites en laboratoire, et non en situation réelle, qu'il y a eu également des tests de conduite simulée, je pense, aux États-Unis. Il a dit aussi que, dans les années 50, la GRC a effectué ici, à Ottawa, des tests en conduite réelle sur la route à différents niveaux d'alcoolémie pour voir à partir de quel taux les facultés sont affaiblies. À la fin des années 50 ou au début des années 60, le professeur Borkenstein, je crois, a mené une expérience—cela s'appelait l'étude de Grand Rapids—au Michigan où l'on a étudié le risque d'accident à divers taux d'alcoolémie d'un vaste échantillon de conducteurs buveurs et non buveurs.

Je crois savoir que la Fondation de recherches sur les blessures de la route a présenté un rapport à Justice Canada dans les années 80 et de nouveau au début des années 90 confirmant la validité des études scientifiques à cet égard et indiquant que pour la population générale d'automobilistes, au-dessus de 80 milligrammes, on peut isoler l'alcool comme un facteur influençant le risque d'accident et l'atténuation des facultés, indépendamment des facteurs tels que l'âge, l'expérience de la conduite ou l'habitude de boire de l'alcool.

Si vous regardez l'étude de la Fondation de recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie portant sur le taux de 80 milligrammes effectuée pour Transports Canada en 1998, vous remarquerez que dans certains des graphiques il apparaît que l'âge est un facteur. Il y a un risque d'accident assez élevé chez les jeunes à un taux d'alcoolémie plus faible comparé aux conducteurs plus âgés et plus accoutumés. Il pourrait être plus difficile d'affirmer que dans la population générale—si l'on n'écarte pas le facteur âge—tout un chacun connaîtra un plus gros risque d'accident et des facultés affaiblies au taux de 50 milligrammes. Les scientifiques auraient probablement du mal à affirmer cela.

Cela dit...

M. John McKay: Désolé, je veux m'assurer de bien vous comprendre. Vous dites que plus la personne est âgée, et plus grand est l'affaiblissement des facultés à un taux d'alcoolémie inférieur.

M. Hal Pruden: Non. Les jeunes ont des facultés plus affaiblies à un faible taux d'alcoolémie.

M. John McKay: Les facultés des jeunes sont affaiblies plus vite.

M. Hal Pruden: Oui, c'est la tendance. De même, les conducteurs moins expérimentés ou ceux qui ont moins l'habitude de boire affichent un risque d'accident ou des facultés affaiblies à des taux plus bas que la population générale. Mais une fois que vous arrivez à 80 milligrammes, qui est le niveau de l'infraction criminelle, on peut affirmer que la population en général d'automobilistes présente un risque d'accident et d'affaiblissement des facultés.

• 1320

Cependant, il y a des variations individuelles. Par exemple, les buveurs invétérés ne présentent souvent pas de symptômes d'ivresse avant d'arriver à un taux très élevé à cause de leur accoutumance à l'alcool. Mais n'oubliez pas que nous avons dans notre Code criminel un article, le paragraphe 253(a), qui dit que si vous conduisez avec facultés affaiblies, quel que soit votre taux d'alcoolémie—même à 40 ou 50 milligrammes—vous pouvez être condamné. Parallèlement, je ne peux pas invoquer comme défense que mes facultés ne sont pas affaiblies même si l'alcootest affiche 120 milligrammes parce que j'ai une tolérance élevée à l'alcool, ni rien du genre. Le paragraphe 253(b) dit que si vous êtes au-dessus...

M. John McKay: Vous êtes au-dessus.

M. Hal Pruden: ...vous êtes au-dessus, et c'est une infraction.

M. John McKay: Est-ce juste par paresse que les policiers ne portent pas d'accusation à 0,05 ou quelque chose du genre? Arrivent-ils qu'ils observent des facultés affaiblies, qu'ils sont convaincus que la personne conduit avec facultés affaiblies, mais que—surprise, surprise—l'alcootest n'affiche que 0,05 ou 0,02, peu importe. On ne voit pas souvent des conducteurs poursuivis à ce taux.

M. Hal Pruden: Justement. Il se peut que les symptômes soient tellement clairs que la police inculpe en vertu du paragraphe 253(a). Nous ne...

M. John McKay: Je sais qu'ils peuvent le faire, mais on n'en entend pas beaucoup parler.

M. Hal Pruden: Non, je pense que c'est vrai. L'enquête de 1987 auprès des agents de police portait sur les infractions au paragraphe 253(b), le dépassement de 80 milligrammes. Cette enquête ne traitait pas du paragraphe 253(a) et du temps qu'il faut pour porter et prouver cette accusation, par opposition au paragraphe 253(b).

Mais je dis que si les symptômes d'ivresse sont très apparents, la police a la possibilité de poursuivre simplement sur cette base, sans que l'on sache jamais quel était le taux d'alcoolémie. Il se peut que la personne n'ait eu que 50 milligrammes mais présentait des symptômes prononcés.

M. John McKay: Il y a donc une disposition pour cela dans le Code, elle n'est simplement pas appliquée.

M. Hal Pruden: Non. Cela dit, il se peut que depuis 1969, lorsqu'on a introduit l'infraction automatique à 80 milligrammes, les juges, la police, les procureurs et avocats de la défense se sont accoutumés à un système amoureux de la science et de la technologie de l'alcootest. C'est ce que tout le monde veut. Les juges veulent connaître le taux d'alcoolémie. Alors que si la police parvenait à fixer son attention davantage sur les symptômes d'ivresse, nous constaterions peut-être que les juges sont tout à fait disposés à condamner sur cette base.

Dans son intervention au comité, l'Association canadienne des chefs de police s'est montrée intéressée par l'idée—formulée dans le sondage auprès des policiers de 1997—de recourir aux enregistrements vidéos pour filmer les conducteurs exhibant leurs symptômes d'incapacité. Cela pourrait permettre de convaincre le juge, en lui montrant le comportement de la personne, au lieu que le juge soit obligé de se fier aux arguments scientifiques...

M. John McKay: Oui.

M. Hal Pruden: ...car dès que vous déposez en preuve l'alcootest, vous allongez la durée du procès.

M. John McKay: Nous avons presque un paradoxe dans tout ce système en ce sens que, le taux ayant été fixé à 0,08, il devient plus difficile de prouver l'affaiblissement des facultés en l'absence d'un alcootest affichant 0,08, à cause du rapprochement continuel entre les deux chefs d'accusation.

M. Hal Pruden: Cela dépend. Vous avez raison en ce sens que les deux infractions figurent souvent dans les chefs d'accusation de la police; ils accuseront la personne de conduite avec facultés affaiblies en vertu du paragraphe 253(a) et du dépassement de 80 milligrammes. Dans certains cas, les juges vont reconnaître la personne coupable des deux infractions sur la base de la preuve, et évidemment ils ne peuvent condamner que pour l'un des deux chefs puisqu'ils résultent du même incident et portent sur le même comportement. Il appartient alors à la Couronne de décider si elle veut que la condamnation soit prononcée sur la conduite avec facultés affaiblies ou la conduite avec plus de 80 milligrammes.

M. John McKay: J'ai une dernière question, monsieur le président, sur les peines différentielles. À première vue, c'est attrayant. Si vous avez deux fois le taux légal, soit 0,16 ou 0,24 ou quel que soit le chiffre, vous écopez d'une peine plus lourde. C'est ce que pas mal de témoins prônent.

• 1325

Mais je suppose que la plupart des juges tiennent déjà compte de cela lorsqu'ils déterminent la peine. Comment réagissez-vous à la recommandation d'étager les peines en fonction du taux d'alcoolémie au lieu de s'en remettre tout simplement à la discrétion des juges, comme aujourd'hui?

M. Donald Piragoff: Il est vrai que certains juges tiennent compte du taux d'alcoolémie pour déterminer la peine. Si le taux est très élevé, ils en feront état dans leurs attendus de jugement et infligeront une peine plus lourde, mais c'est facultatif. Une option serait que le Code donne expressément aux juges cette faculté. Il n'est même pas nécessaire d'utiliser dans le Code le mode impératif, il suffit de dire que le juge «peut» le faire, ce sera déjà une forte incitation pour les juges à le faire.

M. John McKay: C'est ce que l'on fait dans certaines dispositions du Code où l'on dit: «vous pouvez prendre en considération» bla-bla-bla.

M. Donald Piragoff: C'est juste.

M. John McKay: Serait-il utile d'inscrire cela dans le Code?

M. Donald Piragoff: C'est une chose que l'on pourrait faire. C'est une façon de...

M. John McKay: C'est une sorte de ligne directrice pour la détermination de la peine.

M. Donald Piragoff: C'est juste. C'est facultatif: le juge «peut» prendre en considération le taux d'alcoolémie pour déterminer la peine. En disant «peut» au lieu de «doit», on évite les problèmes avec la Charte, mais le message est clair.

L'autre option, bien entendu, est d'avoir un barème de peines plus rigide tel que quiconque a un taux supérieur à 0,16, mettons, est passible automatiquement d'une peine plus lourde. C'est possible. Mais on retrouve alors le problème des cas limites que nous avons déjà à 0,08, où il faut décider si l'on va inculper à 0,08 ou attendre que la personne atteigne 100 milligrammes. Si l'on a un deuxième seuil à 0,16, on ne fera que multiplier par deux les problèmes que nous avons déjà à 0,08. C'est faisable, mais vous multipliez par deux le problème des cas limites.

Il s'agit donc de savoir si un barème rigide vaut la peine, face à ces problèmes pratiques. Ou bien vaut-il la peine d'essayer quand même d'envoyer ce genre de message, vu que l'on vise surtout les buveurs invétérés? Il s'agit de savoir comment faire passer le message, comment majorer la peine des multirécidivistes sans infliger davantage de problèmes pratiques à la poursuite.

M. John McKay: Donc, l'option de la ligne directrice serait une recommandation utile que le comité pourrait faire.

M. Donald Piragoff: Oui.

M. John McKay: J'ai juste une dernière question sur la marge de tolérance qui semble être pratiquée. Certains témoins ont dit que personne ne porte réellement d'accusation à moins de 0,10. Intuitivement, cela semble judicieux. La police veut être absolument certaine de ne pas avoir à justifier la fiabilité de la lecture de 0,08. Cela est-il conforme à votre expérience? Deuxièmement, quel serait un moyen utile de faire comprendre aux juges et aux policiers que «0,08 signifie 0,08»?

M. Hal Pruden: En fait, l'infraction intervient au-delà de 80 milligrammes, et donc en théorie c'est donc 81 milligrammes.

M. John McKay: Oui.

M. Hal Pruden: Les experts, si j'ai bien compris, estiment que, avec tous les dispositifs, les plus modernes étant les dispositifs à infrarouge et à cellule électrochimique, et les dispositifs plus anciens, tels que l'alcootest qui reposent sur une analyse chimique... Avec chacune de ces technologies, nous disent les experts, il y a toujours une marge d'erreur, soit au niveau de la technologie soit au niveau des calculs, si bien qu'un taux affiché de 90 milligrammes pourrait être en réalité 80 ou encore 100.

Au Canada on procède à deux tests. On ne va pas en cour sur la base d'un seul test. On prend le moindre résultat de deux tests ou, si les deux taux sont identiques, le résultat de l'un ou l'autre. Par voie de conséquence, je pense, comme vous dites, que certains services de police, pour éviter les risques, n'interviennent que sur une lecture de 90 ou 100 et négligent les lectures inférieures, sans y être obligés. Ils pourraient aller en cour même avec un taux moindre et obtenir une condamnation.

• 1330

Cela étant dit, n'oubliez pas non plus que nous avons entendu dire qu'il y a peut-être 200 ou 2 000—peu importe quel est le chiffre—trajets en voiture par accusation. Les policiers peuvent très bien se demander, pendant qu'ils sont sur le bord de la route, s'ils vont utiliser leur temps d'enquête pour s'occuper d'une personne qui est à 100 milligrammes et qu'ils pourraient arrêter en recourant aux sanctions administratives provinciales, ou bien s'ils vont tout simplement y aller du Code criminel, ce qui les occuperait pendant plusieurs heures.

Il se pourrait fort bien qu'ils fassent un calcul, se disant qu'il vaut mieux qu'ils empêchent cette personne de reprendre le volant en recourant à des sanctions administratives par opposition au Code criminel, pour attendre le suivant dont le taux d'alcoolémie sera beaucoup plus élevé pour lui consacrer le temps qu'il faut au long processus d'enquête criminelle.

M. John McKay: Ou bien cela plaide-t-il en faveur d'un abaissement de la limite tolérée de 0,08 à 0,07 ou 0,06 pour rapprocher cela davantage de vos niveaux administratifs, car vous savez que 0,06 ou 0,07 correspondront en fait à 0,08 ou 0,09?

M. Hal Pruden: Mais cela soulève la question de la criminalisation de tout ce nouveau groupe de personnes qui commettent potentiellement un acte criminel. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, mais avec ce changement, elles commettraient un acte criminel au lieu de tout simplement être visées par une loi administrative et les sanctions provinciales. C'est une question. Je ne dirais pas que je suis certain qu'un policier, s'il a quelqu'un à 60, 70 ou 80 milligrammes, voudra choisir la voie criminelle. Il se dira peut-être qu'il vaut mieux qu'il attende une personne qui atteint les 140 ou les 150 pour lui consacrer tout son temps, se limitant à la voie administrative pour les personnes enregistrant un niveau inférieur.

M. John McKay: Parlons maintenant des renseignements qui sont à la disposition du procureur de la Couronne. Au moment de la détermination de la peine, la Couronne dispose-t-elle de renseignements sur des suspensions de permis administratives?

M. Hal Pruden: Je ne suis pas certain de comprendre.

M. John McKay: Si j'ai eu trois suspensions de permis et que je suis accusé d'un acte criminel et que j'attends de connaître ma peine, la Couronne dispose-t-elle de ce renseignement?

M. Hal Pruden: Je pense que cela varie. On me dit que certaines provinces enregistrent les suspensions de permis administratives et que d'autres provinces n'ont à l'heure actuelle pas de système qui leur permette de les inscrire au dossier. Si la province est dotée d'un tel système, j'imagine que le procureur de la Couronne disposerait au moins d'un imprimé du dossier de conducteur ou de son casier judiciaire.

M. John McKay: Encore une fois, est-ce là une chose qu'il y aurait lieu de recommander? L'on ne cesse d'entendre dire qu'il faut compter un nombre élevé d'incidents pour chaque inculpation. M. Harris a, à juste titre, souligné que la première fois qu'une personne comparaît devant le tribunal ne correspond pas forcément à sa première infraction.

M. Hal Pruden: La cour pourrait certainement être saisie de cela. Je suis certain que la cour demanderait alors s'il convient de tenir compte des antécédents de l'accusé en matière d'ennuis avec la police. Cependant, si l'accusé comparaît pour sa toute première fois devant le tribunal, celui-ci ne pourrait certainement pas le traiter comme s'il avait déjà une condamnation à son dossier.

M. John McKay: Je suis d'accord avec vous là-dessus.

[Français]

Le président: Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: J'aimerais avoir une précision. Vous avez fait allusion à une étude menée à la fin des années 1950 et au début 1960 qui a servi de référence pour déterminer la limite de .08. Dites-vous qu'il n'y a pas eu d'étude importante depuis ce moment pour évaluer si le standard devait être autre que celui-là?

[Traduction]

M. Hal Pruden: Non. J'ai indiqué qu'au début des années 80, ainsi qu'au début des années 90, la Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada a examiné les travaux de recherche et les données scientifiques sur lesquels on s'était appuyé dans le choix du seuil de 80 milligrammes qui a été inséré au paragraphe 253(b) du Code criminel.

Il y avait certainement eu des études là-dessus au début des années 50 et 60. D'après ce que j'ai compris, la Fondation de recherches sur les blessures de la route au Canada a annoncé qu'il n'y a pas eu de changement nous disant qu'il y a un autre seuil à partir duquel l'ensemble des conducteurs afficheraient une augmentation marquée du risque d'accidents et de conduite avec facultés affaiblies. Elle dit que cela n'a pas changé depuis ces premières études.

[Français]

M. Pierre Brien: Est-ce que le ministère de la Justice suit ce qui se passe dans un certain nombre d'autres pays ou d'autres juridictions? Il semble qu'on ait abaissé la limite à .05 à plusieurs endroits. L'un des mémoires contenait la liste de ces endroits, qui deviennent assez nombreux, semble-t-il. Donc, il semble y avoir un nouveau standard. Suivez-vous ces cas ou avez-vous de l'information sur les raisons qui les ont motivés à adopter ce standard?

• 1335

[Traduction]

M. Hal Pruden: Je pense que l'étude à laquelle vous songez est celle faite par la Fondation de la recherche sur l'alcoolisme et la toxicomanie. Cette étude a été publiée en 1998. Elle contient un tableau montrant les différents seuils de concentration d'alcool dans le sang en vigueur dans un certain nombre de pays occidentaux. Je sais, par exemple, que figurent au nombre de ces pays les pays scandinaves, la France et qu'il y a également certains États australiens. Lorsque vous examinez le genre de sanctions ou de pénalités correspondant à de très faibles taux d'alcoolémie, comme, par exemple, 50 milligrammes et plus, ce que vous constatez est qu'il n'y a pas de risque d'emprisonnement qui y soit assorti. Typiquement, dans ces pays, tant que la personne n'a pas atteint un niveau nettement supérieur, comme par exemple 80 ou même de plus 100 milligrammes... Par exemple, en France, je pense qu'un taux d'alcoolémie de 50 milligrammes a des conséquences côté permis et amendes, mais pour ce niveau-là, il n'est pas prévu de peine d'incarcération. Cela n'intervient qu'à un niveau supérieur. C'est la même chose en Allemagne, où je pense que l'on ne risque la prison qu'à partir de 100 milligrammes.

Au Canada, si l'on tient compte de ce que prévoient nombre de provinces en matière de conséquences sur le plan permis à un niveau assez faible comme 50 milligrammes, ou de la situation qui existe en Saskatchewan où je pense que le seuil est de 40 milligrammes, ainsi que de ce qui existe au niveau fédéral, soit un risque d'incarcération lorsque le niveau dépasse les 80 milligrammes, nous ne sommes pas si différents que cela de ces autres pays.

[Français]

M. Pierre Brien: La différence, c'est que dans leur cas, même s'il y a des sentences progressives, c'est une infraction criminelle. En France, par exemple, où la limite est de .05, même s'il n'y a pas de peine de prison potentielle, c'est quand même une infraction criminelle, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Hal Pruden: Dans la plupart de ces pays, il y aura une sanction administrative. Il y a peut-être un petit nombre de ces pays qui ont intégré cela à leur Code criminel. Je n'en suis pas certain, mais si l'on regarde les sanctions qui sont prévues, il y a une distinction entre l'amende administrative ou la suspension de permis et envoyer la personne en prison pendant une période donnée.

Lorsqu'on compare cela à ce qui existe au Canada, l'on voit qu'à 50 ou 60 milligrammes, mettons, dans une province il y aura peut-être des conséquences côté permis, mais ce ne sera qu'à partir de 80 milligrammes que vous risquez la prison, ce qui correspond à ce qui est prévu dans nombre de ces pays dont on dit qu'ils ont un seuil de tolérance inférieur à celui en vigueur au Canada.

[Français]

M. Pierre Brien: Je crois que c'est M. Piragoff qui a dit qu'il fallait éduquer les gens sur la signification de la limite de .08 dans la réalité. Des témoins et même des membres du comité ont pu faire l'expérience de l'appareil. Les gens semblent croire qu'une limite de .08 n'est pas très élevée, mais c'est peut-être un peu plus que ce que l'on croit en général. Si on démontre aux gens que la limite de .08 signifie un peu plus que ce qu'ils croient, est-ce que cela n'aura pas un effet pervers?

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Cela nous ramène, je pense, à la question de l'éducation. Je me souviens des années 80, lorsque le gouvernement a adopté cette nouvelle loi. À l'époque, les gouvernements tant provinciaux que fédéral avaient lancé une attaque sur trois fronts.

Tout d'abord, il y avait la nouvelle loi. Il y a eu une couverture médiatique. Le ministre de la Justice de l'époque avait parcouru le pays, s'arrêtant dans toutes les capitales provinciales et y tenant des conférences de presse pour sensibiliser le public. Au niveau provincial, il y a également eu un accroissement des activités d'éducation et d'application de la loi. Je me souviens qu'à l'époque il y avait toutes sortes de petits dépliants avec, par exemple, des graphiques montrant que si vous étiez un homme ou une femme et que vous pesiez tant, si vous consommiez x verres en l'espace d'une heure ou d'une heure et demie vous atteigniez tel ou tel niveau. On en faisait la distribution.

• 1340

Quant à savoir si cela a eu un impact, je ne sais pas. Il est certain qu'il y a eu des réductions dans les années 80. L'on ne peut sans doute pas mettre le doigt sur une raison en particulier pour laquelle les statistiques pour la conduite en état d'ébriété ont reculé dans les années 80. Ce pourrait être la combinaison de tous ces efforts.

Comment peut-on éduquer le public? Je ne sais pas. Certains ont recommandé que les gens aient de petits dispositifs d'alcootest de poche et que ceux-ci soient en vente libre. Vous y soufflez et les cristaux changent de couleur si vous avez absorbé trop d'alcool. Le problème est de savoir, tout d'abord, dans quelle mesure ces dispositifs sont fiables. S'ils ne le sont pas, cela va faussement rassurer les gens qui vont dire «j'ai soufflé et cela a affiché moins que la limite», alors qu'en fait ils sont au-dessus de la limite.

Puis il y a, bien sûr, toutes les questions entourant la responsabilité des fabricants de ces petits gadgets. Que se passe-t-il si le dispositif indique que la personne est en dessous de la limite mais que celle-ci prend le volant et est en fait au-dessus de la limite? Le fabricant peut-il être poursuivi? C'est là le problème. Il y a sur le marché des gadgets qui peuvent aider les gens, mais il y a des craintes côté responsabilités devant la loi.

[Français]

M. Pierre Brien: Je déborde un peu le cadre de votre expertise au ministère de la Justice, mais vous avez dit qu'il faudrait peut-être éduquer les gens sur ce que signifie .08, alors que les campagnes publicitaires actuelles disent: Si vous buvez, ne conduisez pas, point à la ligne. Le message est donc qu'on ne doit pas conduire après avoir bu. Si on commençait à dire aux gens qu'ils peuvent boire jusqu'à tel niveau, on irait dans le sens contraire du message qu'on envoie à l'heure actuelle. Je ne suis pas sûr que ce serait très utile.

[Traduction]

M. Donald Piragoff: Je pense que c'est pourquoi le message a changé dans les années 80—pour arrêter de dire aux gens que si vous pesez x et que vous consommez deux verres en une heure, vous êtes sans doute toujours en dessous de la limite. En ce qui concerne le message public, c'est tout simplement beaucoup plus facile que de dire: «ne buvez pas si vous allez conduire» ou «pas d'alcool au volant» ou encore «boire et conduire, c'est criminel». C'est beaucoup plus facile.

Le problème est que la plupart des gens ne veulent pas accepter ce message que si l'on va conduire il ne faut pas boire du tout. La plupart des gens disent qu'ils peuvent prendre un verre et conduire. Les gens pensent que cela est acceptable, mais vous ne pouvez pas lancer comme message public que cela est bien. Il vous faut essayer de convaincre les gens de ne pas boire s'ils vont conduire, mais s'ils vont consommer et prendre le volant ils doivent être certains de savoir quelle est leur limite et ne pas la dépasser. Je pense que c'est là un message plus difficile à faire passer.

M. Hal Pruden: Et même là, il faudrait aller un tout petit peu plus loin encore et assortir cela d'une condition disant que même si une personne ne dépasse pas le seuil de 80 milligrammes, conformément à tel tableau ou autre, cette personne, prise individuellement, sera peut-être moins nette et commettra peut-être un acte criminel au sens du paragraphe 253(a) du Code criminel, car certaines personnes voient leurs facultés affaiblies à un niveau bien inférieur à 80 milligrammes.

[Français]

Le président: Monsieur Brien, avez-vous terminé?

M. Pierre Brien: Oui.

Le président: Merci.

[Traduction]

Messieurs Pruden et Piragoff, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer et de nous avoir fourni ces renseignements. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Nous reprendrons à 15 h 30. La séance est levée.