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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 12 mars 1998

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous passons au projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et, en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d'autres matières, et modifiant d'autres lois en conséquence. C'est très concis.

Notre témoin d'aujourd'hui est l'honorable Anne McLellan, ministre de la Justice et procureure générale du Canada.

Les fonctionnaires du ministère de la Justice qui l'accompagnent sont Mark L. Berlin, avocat-conseil, politique en matière de droit pénal; Stephen Sharzer, avocat-conseil, section des droits de la personne; Gloria Mintah, conseiller juridique, section des politiques en matière de droit public, et Elizabeth Sanderson, avocat général principal, section des politiques en matière de droit public.

Vous êtes tous les bienvenus. Je sais que vous avez un exposé à nous faire. Nous nous ferons un plaisir de vous écouter.

L'honorable Anne McLellan (ministre de la Justice et procureure générale du Canada, Lib.): Elizabeth est assise à l'arrière, car nous ne voulions pas trop envahir le comité, mais elle est là si nous avons besoin d'elle.

[Français]

Madame la présidente, je suis heureuse de comparaître devant ce comité pour parler du projet de loi S-5. Ce projet de loi propose des modifications à la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[Traduction]

Ce projet de loi est à peu près le même que celui qui a été présenté en avril 1997 sous le numéro C-97. Comme vous le savez, ce projet de loi a expiré au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissout avant les dernières élections. Il a été de nouveau présenté au Sénat de façon prioritaire sous le numéro S-5 et le Sénat l'a adopté en décembre dernier.

Ce projet de loi représente une façon très positive de résoudre certains des problèmes les plus pressants que les personnes handicapées ont soulevés.

Comme vous le savez sans doute, au début du mois, le premier ministre Jean Chrétien était aux Nations Unies où il a accepté, au nom du Canada, le Franklin Delano Roosevelt International Disability Award qui récompensait les politiques adoptées par notre pays à l'égard des personnes handicapées. Ce prix couronnait non seulement les programmes fédéraux, mais également les efforts déployés par tous les niveaux de gouvernement, de même que le secteur privé, dans le but d'améliorer l'accès pour les personnes handicapées.

• 1540

Devant les Nations Unies, M. Chrétien a déclaré:

    [...] aujourd'hui, je tiens à dire à mes partenaires—ici présents et autres—qu'alors que le Canada entre à peine dans l'après-déficit et que nous effectuons des investissements stratégiques afin d'accroître les possibilités pour tous, il n'oubliera pas les handicapés.

Le projet de loi S-5 est l'un de ces investissements stratégiques. C'est l'aboutissement de plusieurs années d'effort. Par exemple, en mai 1991, le gouvernement fédéral s'est engagé à adopter une stratégie nationale quinquennale pour l'intégration des personnes handicapées. La même année, il a commencé par présenter un projet de loi qui modifiait plusieurs lois fédérales de façon à supprimer certains obstacles qui limitaient l'accès des personnes handicapées. Cela comprenait une modification au Code criminel.

Dans le 4e rapport qu'il a présenté à la Chambre en 1995, le Comité permanent des droits de la personne et de la situation des personnes handicapées recommandait de prendre des initiatives législatives dans le but de supprimer les obstacles qui limitaient l'accès pour les personnes handicapées.

En octobre 1996, le Groupe de travail fédéral sur les personnes handicapées, présidé par l'honorable Andy Scott, a présenté son rapport intitulé Donner un sens à notre citoyenneté canadienne-La volonté d'intégrer les personnes handicapées. Ce rapport formulait de nombreuses recommandations au nom des Canadiens handicapés et suggérait notamment au gouvernement fédéral de modifier le droit pénal et les lois canadiennes sur les droits de la personne. Le projet de loi S-5 répond à ces recommandations du groupe de travail.

[Français]

Madame la présidente, je vais d'abord traiter des modifications proposées à la Loi sur la preuve au Canada et au Code criminel. Ces modifications auront pour effet d'aider les Canadiens handicapés à accéder plus facilement au système de justice pénale.

[Traduction]

La Loi sur la preuve au Canada serait d'abord modifiée pour que les témoins qui ont des difficultés de communication obtiennent une aide sur ce plan. Par exemple, cela permettrait aux personnes qui ont des troubles auditifs d'utiliser des dispositifs techniques pour malentendants, aux personnes sourdes, de recourir à l'interprétation gestuelle ou aux personnes atteintes de paralysie cérébrale, d'utiliser une carte Bliss.

La Loi sur la preuve au Canada sera également modifiée pour permettre l'identification d'un accusé par d'autres méthodes, par exemple, par des moyens auditifs ou tactiles en plus de la méthode plus traditionnelle, qui est bien entendu l'identification visuelle.

Une modification au Code criminel permettrait aux témoins qui ont des difficultés de communication de présenter leur témoignage sur bande magnétoscopique pour une série d'infractions allant de l'agression sexuelle aux voies de fait.

Comme le prévoit déjà l'article 715.1 pour les témoins âgés de moins de 18 ans, la déclaration sur bande magnétoscopique d'une personne handicapée serait admissible en preuve uniquement si, dans son témoignage, cette personne confirme le contenu de l'enregistrement. Autrement dit, le témoin n'aura pas à répéter une fois de plus tous les faits se rapportant à l'infraction, ce qui peut être difficile dans certains cas, à cause de difficultés de communication ou d'un autre handicap. En même temps, le témoin pourra être soumis à un contre-interrogatoire. Les témoins qui, dans le passé, étaient pratiquement incapables de témoigner pourront le faire grâce à ces nouvelles dispositions.

De plus, pour protéger la vie privée des personnes handicapées dont le témoignage est enregistré sur bande magnétoscopique, le Code criminel permettra au tribunal d'ordonner des restrictions quant à l'utilisation de l'enregistrement.

Toujours en ce qui concerne le Code criminel, une série de modifications corrélatives importantes amélioreront la participation des personnes handicapées aux jurys. Par exemple, l'alinéa 638(1)e) sera modifié pour préciser qu'une déficience physique n'est pas une cause d'exclusion en soi si la personne en question peut remplir les fonctions de juré grâce à une technique, personnelle ou autre, ou des services d'interprétation.

Les autres modifications relatives aux fonctions de juré prévoient la présence d'interprètes ou d'assistants qui aident un juré handicapé. L'article 649 sera modifié pour interdire à ces personnes de divulguer les délibérations d'un jury ou de chercher à influencer ses délibérations. Le paragraphe 631(4) sera modifié pour prévoir l'assermentation des personnes qui fournissent une aide technique ou des services d'interprétation; ces personnes devront s'engager à fournir une interprétation objective et à s'abstenir de toute ingérence ou influence.

Comme la question a été soulevée, au moins lors des audiences du Sénat, je tiens à souligner que même si un assistant ou un interprète est présent, cette personne ne sera pas considérée comme un treizième juré. Au contraire, les modifications précisent bien que cette personne sera seulement l'assistant d'un juré ayant une déficience physique.

• 1545

Le Code criminel sera également modifié pour inclure une nouvelle disposition qui crée une infraction d'exploitation sexuelle. Cela s'appliquera dans le cas des personnes handicapées qui sont particulièrement vulnérables face à certains individus qui abusent d'elles. Il s'agira d'une infraction hybride punissable sur déclaration sommaire de culpabilité d'une peine d'emprisonnement maximum de cinq ans.

Les personnes handicapées qui résident dans un établissement ou qui reçoivent des soins à domicile sont celles qui profiteront le plus de cette protection contre l'exploitation sexuelle. Compte tenu des inquiétudes exprimées par les personnes handicapées, un adulte dépendant pourra toutefois consentir à des relations sexuelles s'il le désire.

[Français]

Ce projet de loi propose aussi des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Au cours de mon exposé concernant ces modifications, je vais tenter de répondre à certaines des questions qui ont été soulevées à la Chambre des communes lors du débat lié à la deuxième lecture.

[Traduction]

Tout d'abord, il y a l'obligation de tenir compte des besoins. Le principal élément des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne est l'ajout d'une obligation expresse de tenir compte des besoins des individus. Les employeurs et les fournisseurs de biens et de services doivent répondre aux besoins des personnes qui sont protégées par la loi, sauf si cela représente une contrainte excessive en matière de coût, de santé et de sécurité. L'obligation de tenir compte des besoins aidera à éliminer les obstacles et placera tout le monde sur un pied d'égalité sur le plan de l'emploi de même que l'accès aux biens et services.

Ce n'est pas la première fois que cette obligation est reconnue au Canada. Le Code des droits de la personne de l'Ontario, qui a été adopté en 1986, contient la même obligation. Également, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les arrêts rendus par la Cour suprême du Canada reconnaissent aux employeurs et aux fournisseurs de biens et de services l'obligation de tenir compte des besoins des individus, dans la mesure où cela ne constitue pas une contrainte excessive.

Le libellé de la proposition dont vous êtes saisis aujourd'hui représente, je crois, un juste équilibre entre les intérêts des diverses parties prenantes. Le critère de contrainte excessive adopté dans le projet de loi fait en sorte que l'on répondra aux besoins des personnes handicapées. En même temps, les employeurs et fournisseurs de biens et de services auront suffisamment de latitude pour gérer leurs entreprises.

J'aimerais dire quelques mots au sujet des changements que l'on propose d'apporter au Tribunal canadien des droits de la personne.

Le Tribunal canadien des droits de la personne sera restructuré. La structure actuelle sera remplacée par un tribunal permanent plus petit composé de 15 membres dont un président et un vice-président. Les personnes qui seront choisies pour siéger à ce tribunal devront posséder une expérience et des compétences dans le domaine des droits de la personne, y être sensibilisées et s'y intéresser de près. La représentation régionale sera certainement aussi un critère de sélection.

Le gouvernement estime que l'efficacité d'un petit tribunal permanent répondra mieux aux besoins des personnes protégées par la loi. De plus, la Commission canadienne des droits de la personne pourra déposer son rapport annuel et ses rapports spéciaux directement au Parlement plutôt que par l'entremise du ministre de la Justice comme c'est le cas actuellement.

Comme vous le savez, la Commission est un organisme indépendant et le gouvernement a toujours respecté scrupuleusement ce principe. Comme la Commission peut entendre des plaintes logées contre le gouvernement, il est très important que son indépendance soit respectée. Cette modification confirmera de façon symbolique l'indépendance de la Commission.

Au cours du débat à la Chambre, des questions ont été soulevées au sujet de certaines dispositions de ce projet de loi. On a également suggéré d'accorder un mandat consultatif à la Commission. Avant de répondre à ces questions et suggestions, je tiens à signaler que le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles les a également examinées.

Le projet de loi exige que quatre des 15 membres du Tribunal soient des avocats. La procédure devant ce tribunal est devenue juridiquement plus compliquée. Certains d'entre nous le regretteront peut-être, mais telle est la réalité. Le Tribunal doit, de plus en plus, se pencher sur des questions complexes de droit, de preuve et de procédure. De plus, il peut être appelé à déterminer la validité d'autres lois fédérales compte tenu des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. J'estime donc qu'il serait utile que le Tribunal compte des avocats, ce qui facilitera un règlement rapide de certaines questions juridiques complexes.

• 1550

Des inquiétudes ont également été soulevées quant à l'obligation pour les membres du Tribunal de résider dans la région de la capitale nationale. On a estimé que cela pourrait priver le Tribunal des compétences de personnes des autres régions du pays. Ce projet de loi exige seulement que les membres à plein temps du Tribunal résident dans la région de la capitale nationale. Il ne prévoit que deux membres à plein temps, le président et le vice-président, et ces deux personnes seulement seront tenues de résider ici. Les 13 autres n'en auront pas l'obligation, à moins qu'elles ne soient nommées à plein temps.

Le projet de loi S-5 prévoit une représentation régionale pour que les intérêts et les préoccupations de tout le pays soient reflétés dans la composition du Tribunal. À l'heure actuelle, celui-ci est constitué de représentants de toutes les régions du Canada et je m'attends à ce que cela continue. En fait, je crois que cela devrait être maintenu avec la nouvelle structure.

On a également émis certaines objections quant au fait que les membres du Tribunal seraient assujettis à des sanctions disciplinaires de la part du ministre de la Justice, ce qui risque de compromettre son indépendance vis-à-vis du ministre. Cette disposition ne confère pas au ministre le pouvoir de s'ingérer dans les activités du Tribunal. Les sanctions disciplinaires n'entrent en jeu que si le président du Tribunal demande au ministre de décider s'il y a lieu de soumettre un membre à des mesures correctives ou disciplinaires. Si le ministre estime justifié de tenir une enquête, il doit renvoyer la question au gouverneur en conseil. Ce dernier est le seul à pouvoir nommer un juge indépendant pour tenir cette enquête et lui seul a le pouvoir de suspendre, rejeter ou imposer d'autres mesures disciplinaires.

Quant à l'indépendance du Tribunal par un rapport à la Commission canadienne des droits de la personne, je ne crois pas que le renvoi de dossiers par la Commission puisse en quoi que ce soit compromettre son indépendance. Comme vous le savez, ce tribunal est autorisé à fixer ses propres règles et il exerce un contrôle absolu sur ses procédures. Il peut disposer des affaires qui lui sont confiées comme il l'entend et il ne peut faire l'objet d'aucune intervention extérieure, par exemple de la part de la Commission.

Madame la présidente, la question du mandat consultatif de la Commission a été soulevée au Sénat dans le contexte de la Loi sur les droits de la personne du Nouveau-Brunswick. Il reste toujours à déterminer s'il ne serait pas avantageux pour les employeurs et les prestataires de services d'être avisés par la Commission canadienne des droits de la personne si les pratiques et les procédures qu'ils envisagent sont conformes à la norme d'obligation d'accommodement pour prévenir tout litige éventuel.

Comme je l'ai indiqué lors de ma comparution devant le comité du Sénat, je trouve cette question fort intéressante. À mon avis, elle concerne plus que la simple obligation d'accommodement. Elle touche à tous les aspects de la Loi sur les droits de la personne. Elle a des répercussions sur le rôle administratif de la Commission vis-à-vis de la loi et elle soulève des questions de procédure. Nous avons l'intention d'aborder ces questions de rôle et de procédure lors de la révision plus générale de la loi qui est prévue. Pour le moment, le ministère se concentre sur ce projet de loi et son adoption. Dès que ce projet de loi aura été adopté, mes collaborateurs se pencheront sur la phase suivante et réfléchiront aux paramètres de cette révision plus globale.

Je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour le moment de donner à la Commission un mandat consultatif officiel. Comme Mme Farlardeau-Ramsay, le commissaire en chef, en a informé le comité du Sénat, les articles 17 et 18 de la Loi sur les droits de la personne autorisent la Commission à approuver par anticipation tout plan concernant les questions d'accommodement. De plus, la Commission étant en consultation permanente avec les organismes réglementés par la loi, elle est en mesure d'examiner les plans à long terme concernant les questions d'accessibilité, permettant ainsi à long terme de prévenir des sujets de litige évitables.

En conclusion, madame la présidente, mesdames et messieurs, il s'agit simplement de certains des points principaux des propositions de changement à la Loi sur la preuve au Canada, au Code criminel et à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ces propositions de modification reflètent la reconnaissance de notre société pour la contribution importante de plus de 4 millions de Canadiens handicapés. Elles ont pour objet l'équité, l'intégration, l'inclusion, la participation pleine et entière de tous les particuliers et de tous les groupes, y compris les personnes handicapées et les minorités religieuses, aux activités économiques et sociales du Canada sans que des pratiques discriminatoires y fassent obstacle ou les en empêchent. Il s'agit d'égalité, fondement de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés.

• 1555

J'aimerais conclure en citant madame la juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire récente de Richmond c. le Canada (procureur général). J'ai constaté depuis que je suis procureure générale que je me retrouve plus souvent devant les tribunaux que n'importe qui d'autre dans ce pays, d'une manière ou d'une autre. Je cite:

    L'équité [...] est le choix de tous. C'est un but important qui mérite tous les efforts pour l'atteindre [...] S'il doit y avoir véritable égalité et véritable équité [...] il s'ensuit comme le jour suit la nuit que l'obligation de prendre [...] des mesures d'accommodement [...] est indispensable [...] C'est indispensable si l'on veut que l'objectif de la législation sur les droits de la personne soit atteint. Toute dérogation à cette nécessité est contraire à l'objet de cette législation et l'a transforme en décret superficiel de bien peu de valeur.

    On peut donc en déduire que l'obligation d'accommodement est un aspect fondamentalement important de la législation des droits de la personne et fait partie intégrante du droit à l'égalité.

Madame la présidente, les Canadiens méritent mieux qu'un vague décret sans valeur. Non seulement ces modifications garantissent l'accommodement dans les domaines de l'emploi et de la prestation de services et de biens, mais aussi ils nous aideront, nous et notre pays, dans le contexte du droit pénal, à atteindre certains des objectifs essentiels de la Loi sur la preuve au Canada, du Code criminel et de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler de ce projet de loi important.

[Traduction]

Sur ce, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions ou d'entendre vos observations, vos suggestions ou vos recommandations relatives à ce que je considère comme une mesure législative importante qui permettra de concrétiser la promesse faite par le premier ministre devant les Nations Unies à New York il y a deux semaines.

La présidente: Merci.

Chers collègues, pourriez-vous m'indiquer si vous avez l'intention de poser des questions, pour que je puisse organiser au mieux la réunion? Monsieur Ramsay, vous serez le premier. Je vous donne à peu près sept minutes.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Madame la ministre, je vous remercie d'être venue et de nous avoir fait cet exposé.

L'hon. Anne McLellan: Le plaisir est pour moi.

M. Jack Ramsay: J'aimerais remercier vos collaborateurs de vous avoir accompagnée.

La recommandation de notre caucus est d'appuyer ce projet de loi; je n'ai donc qu'environ 35 questions à vous poser.

Des voix: Oh!

L'hon. Anne McLellan: Très bien, merci.

M. Jack Ramsay: Pour commencer, est-ce que c'est votre ministère qui a rédigé ce projet de loi?

L'hon. Anne McLellan: Oui.

M. Jack Ramsay: Pourquoi alors avez-vous permis au Sénat de le déposer?

L'hon. Anne McLellan: Je savais que c'était une question controversée pour certains députés, tous partis confondus. Je ne considère pas votre question comme étant partisane, et je pense que ce n'était pas votre intention. Je comprends les problèmes cités par certains députés de tous les partis à cet égard.

Lorsque la session a commencé en septembre, le leader du gouvernement à la Chambre a demandé à certains ministres s'il serait possible d'alléger la procédure à la Chambre en déposant directement certaines mesures législatives au Sénat.

J'ai dit—j'en assume toute la responsabilité, monsieur Ramsay—qu'à mon avis, le projet de loi S-5 était une de ces mesures législatives qui pourraient être déposées au Sénat et qui pourraient profiter d'un examen par les Sénateurs. En fait, ils ont travaillé très fort dans les semaines précédant Noël et ont tenu toute une série d'audiences.

Les membres de votre comité ont désormais toute latitude pour faire leur travail et se faire entendre. En fait, vous pouvez même commenter les travaux du Sénat si cela vous semble opportun.

Je comprends votre point de vue, mais je crois que si le leader du gouvernement à la Chambre était ici, il vous dirait que nous voulions faire avancer le plus vite le calendrier législatif. Et c'est une mesure législative importante. J'ai pensé que la procédure irait plus vite en commençant par le Sénat.

M. Jack Ramsay: Est-ce qu'il reste quelque chose de mes sept minutes?

• 1600

La présidente: Oui. Mais elle n'est pas facile à battre.

Des voix: Oh!

M. Jack Ramsay: Avez-vous l'intention de déposer d'autres projets de loi au Sénat en premier?

L'hon. Anne McLellan: Non.

M. Jack Ramsay: Merci.

J'ai quelques petites questions concernant ce projet de loi. Certains aspects de ce projet de loi seront administrés par les provinces, ce qui entraînera des coûts supplémentaires. Pour commencer, votre ministère a-t-il analysé ces coûts supplémentaires, et dans l'affirmative, en avez-vous informé les provinces et sont-elles d'accord?

L'hon. Anne McLellan: Monsieur Berlin, est-ce que vous voulez répondre?

M. Mark L. Berlin (avocat-conseil, Politiques en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Je peux répondre en ce qui concerne le système de justice pénale.

L'hon. Anne McLellan: Très bien.

M. Mark Berlin: Je crois que les coûts entraînés par ces modifications concernent les coûts d'accompagnateurs, de témoignages sur bande magnétoscopique, des choses de ce genre... Dans le cadre des consultations qui ont mené au dépôt de cette loi par le ministre, il y a eu, sur plusieurs années, des consultations fédérales-provinciales avec les groupes provinciaux intéressés. Dans la majorité des cas, on nous a informés que ce que nous proposions dans cette loi correspondait à la réalité des pratiques actuelles dans les tribunaux.

Par exemple, il existe déjà des services pour les personnes qui souhaitent témoigner. Il existe des moyens qui leur permettent d'utiliser des méthodes de communication différentes. Nous voulions simplement par cette loi formaliser et uniformiser dans tout le pays ce qui existait déjà. Les administrateurs de tribunaux et nos homologues provinciaux nous ont dit que c'était des pratiques courantes qui étaient désormais officiellement reconnues dans les lois.

Donc, à cet égard, cela ne risque pas d'entraîner de nouvelles dépenses puisque c'est une simple reconnaissance officielle de pratiques déjà courantes. On nous a dit que tout coût... et soyez assuré que je n'essaie pas d'éviter de répondre à votre question. Nous n'avons pas fait d'analyse coûts-avantages province par province, mais aucune province ne s'est plainte d'un fardeau supplémentaire créé par les dispositions de cette loi. De fait, celle-ci tient compte davantage des pratiques actuelles et des coûts actuels de l'administration de la justice.

L'hon. Anne McLellan: J'ajouterais, monsieur Ramsay, si vous me le permettez, que chaque fois que nous créons, par le biais d'une loi, un nouveau coût ou un nouveau fardeau pour la province qui a la responsabilité constitutionnelle d'administrer la justice, je suis à l'écoute. J'ai rencontrai mes collègues à Montréal en décembre et ils savaient très bien ce que nous faisions.

Je crois, comme M. Berlin vient de vous le dire, qu'étant donné ces consultations, et qu'étant donné que les provinces ne considèrent pas que cette initiative gonfle de manière conséquente le coût de l'administration du système de justice pénale, elles n'ont exprimé aucune réserve sur ce plan et j'ajouterais même qu'elles y sont déclarées d'une manière générale très favorables.

M. Jack Ramsay: Vous ne prévoyez donc pas d'augmentation conséquente ou considérable des coûts?

L'hon. Anne McLellan: Non, pas sur la base de nos discussions avec des administrateurs de tribunaux.

M. Jack Ramsay: Ma dernière question, pour ce tour, concernera les parties admirables de ce projet de loi qui vont certainement améliorer les dispositions permettant aux personnes handicapées de témoigner.

Toutefois, nous savons qu'en Colombie-Britannique, par exemple, il y a un arriéré de 40 000 affaires. Cet automne, la Cour d'appel de Colombie-Britannique a prononcé une suspension d'instance pour une affaire qui traînait depuis 17 mois dans les cartons de la Couronne.

Le 9 mars, la semaine dernière, un avocat de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, s'est plaint de retards analogues. Le ministre de la Justice, d'après l'article dans le journal, a d'ailleurs dit qu'il allait demander à Ottawa de nommer un juge de plus.

Donc, conséquence de tous ces différents paliers d'appel créés par toutes ces nouvelles mesures législatives, qu'il s'agisse de l'inversion du fardeau de la preuve du projet de loi C-37 ou du deuxième palier d'appel créé par l'article dit de lueur d'espoir, il y a un énorme arriéré. Cela va créer... ce projet de loi va ouvrir la porte aux personnes handicapées ou tout du moins la leur ouvrir sur le papier. Mais s'ils doivent attendre des mois, pour finir par voir éventuellement leur affaire classée pour cause de délai inacceptable, les frustrations ne feront qu'empirer. Que fait votre ministère pour régler ce problème d'arriérés évident en Colombie-Britannique et peut-être dans d'autres régions du pays?

• 1605

L'hon. Anne McLellan: Pour commencer, je vous dirai que je n'en ai pas discuté avec le procureur général de Colombie-Britannique. Il ne m'a pas signalé ce problème.

Pour commencer, ces retards sont dus à des problèmes administratifs au niveau des tribunaux. En cas d'arriérés importants, c'est au juge en chef du palier concerné qu'il incombe d'en informer le procureur général de la province. Si, sur l'avis du juge en chef, le procureur général de la province reconnaît le problème, il y a un certain nombre de solutions. Par exemple, le tribunal peut se servir de son pouvoir de gestion des dossiers pour accélérer la procédure. S'ils estiment que ce pouvoir ou d'autres solutions administratives analogues ne peuvent régler le problème, le procureur général peut me demander et demander au gouvernement fédéral d'envisager la nomination de juges de cour supérieure supplémentaires. Le procureur général, M. Dosanjh, ne l'a pas fait.

Que je sache il n'y a pas de poste à combler à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, mais le procureur général du Nouveau-Brunswick a adressé une note à mon ministère concernant la taille de sa cour provinciale.

Je prends très au sérieux les allégations d'arriérés dans le système judiciaire, dans l'appareil judiciaire, car ils portent atteinte au droit à l'accessibilité. Si les Canadiens n'ont pas accès aux tribunaux dans des délais raisonnables, ils ne sont pas traités équitablement dans la mesure où justice différée est justice refusée.

Soyez certain, monsieur Ramsay, que je m'informerai, mais comme je viens de vous le dire, le procureur général Dosanjh ne s'est pas plaint d'une congestion des tribunaux. Il est possible qu'il essaie de régler le problème directement avec son juge en chef, ce qui est, d'ailleurs, la procédure habituelle dans la majorité des cas.

M. Jack Ramsay: Vous savez que la Cour suprême du Canada a déclaré que des retards indus justifiaient un classement ou un sursis.

L'hon. Anne McLellan: Oui, et les tribunaux essaient de trouver des solutions depuis cette décision. Les tribunaux—et il serait juste d'y ajouter les procureurs généraux—en mesurent les conséquences. Absolument. C'est la raison pour laquelle les procureurs généraux et les juges en chef accordent une telle importance au règlement dans des délais raisonnables.

Je nomme des juges au nom du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a le pouvoir constitutionnel de nommer des juges de cour supérieure. Si après consultation avec son juge en chef, un procureur général estime que l'arriéré nécessite la nomination d'un juge de cour supérieure supplémentaire, il a tout le loisir de venir en discuter avec moi.

M. Jack Ramsay: Mais 40 000 dossiers en souffrance en Colombie-Britannique, cela ne vous fait pas penser qu'il y a un problème?

L'hon. Anne McLellan: C'est au procureur général de Colombie-Britannique de décider comment le régler. S'il envisage comme solution un juge supplémentaire, il peut venir m'en parler.

M. Jack Ramsay: Merci.

La présidente: Très bien, merci.

[Français]

Madame Dalphond-Guiral.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Madame McLellan, merci d'être avec nous cet après-midi. Avant de poser mes questions, je ferai deux commentaires.

Je peux vous dire que la lettre «S» devant le numéro du projet de loi dont on traite me fait très plaisir, puisque pour une fois le Sénat permet d'accélérer les choses. J'espère que cette volonté d'accélérer le processus fera en sorte qu'on pourra adopter ce projet de loi le plus rapidement possible. C'est un voeu que je formule, d'autant plus que la majorité des gens qui s'occupent des personnes handicapées m'ont très clairement manifesté leur satisfaction à l'endroit de ce projet de loi, qui n'est pas, bien sûr, la fin de leur demande, mais qui est quand même un pas dans la bonne direction.

Je vous ai écoutée attentivement dès mon arrivée, et beaucoup de vos commentaires ont apporté des clarifications et répondu à certaines de mes inquiétudes, bien que quelques-unes subsistent. J'ai envie de faire une blague quant à la première. En français, quand on parle des gens de robe, on fait allusion aux avocats. Alors, je suis une femme de robe, mais je ne fais pas partie des gens de robe. Je vous poserai donc une question qui est celle que beaucoup de gens comme moi peuvent se poser.

• 1610

À l'article 2, on propose de modifier le Code criminel pour préciser la peine maximale dont est passible quiconque agresse sexuellement une personne qui fait partie de la catégorie de personnes handicapées. Quelle est la peine maximale prévue pour une personne jugée coupable d'une agression sexuelle à l'endroit de quelqu'un qui ne fait pas partie de cette catégorie?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Qui n'est pas une personne handicapée...?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Monsieur Berlin, vous avez le Code?

M. Mark Berlin: Oui. C'est l'article 264.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je pensais que vous saviez cela par coeur.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Sauf erreur, vous m'avez demandé quelle est la peine maximale prévue dans le cas d'une personne non handicapée...pour agression sexuelle. Voilà: Quiconque commet des voies de fait est coupable:

    a) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans;

    b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est donc la même sentence. Vous savez qu'on n'est pas tellement partisans de la punition à tout prix ou de la punition excessive, mais je vais vous faire un commentaire personnel.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Oui. Je le sais.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'avoue que le fait qu'on impose la même sentence maximale dans le cas de personnes qui ont une relation d'autorité ou d'affection à l'endroit d'autres personnes qui ne disposent pas des mêmes atouts que vous et moi me gêne beaucoup. Cela me fait un peu penser aux très jeunes enfants qui sont victimes d'agression sexuelle. Mon Dieu, être violenté sexuellement à 15 ans, c'est horrible, tout à fait horrible, mais si l'on est intelligent, ce n'est pas tout à fait la même situation que quand on souffre de déficience.

En tout cas, je me dis qu'on est devant des personnes qui sont particulièrement vulnérables. J'imagine que toute cette question a été bien étudiée et qu'avec le recul, on pourra en faire une évaluation. On sait toutefois que les enfants, plus particulièrement, et les gens plus faibles sont très très très vulnérables à de telles agressions.

Cette situation inquiète au plus haut point les organismes et les groupes qui s'occupent des personnes handicapées. C'est une situation qui est assez dramatique. À mon avis, le rôle d'un tel projet de loi est de s'assurer qu'on puisse les sécuriser le plus possible, tout en n'étant pas non plus excessif. C'était juste un commentaire de mon propre cru qui représente ma pensée.

J'aurais une deuxième question à vous poser. Le tribunal dont on parle peut être qualifié de tribunal administratif, me semble-t-il. Est-ce qu'il était envisageable qu'on puisse avoir affaire à un véritable tribunal, avec de vrais juges, un peu comme c'est le cas au Québec?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Je comprends votre premier point et je vous en remercie. C'est la raison de la présence de l'article 153.1 qui modifie le Code criminel. Il y est question de relation de confiance et de dépendance. C'est pour signaler à la société que nous considérons ce genre de comportement comme une atteinte particulière aux règles de conduite de la société. Nous signalons à ceux et à celles qui sont en une telle situation de confiance ou d'autorité que nous considérons comme très graves les actes d'attouchement direct ou indirect sur des personnes handicapées ou l'incitation de personnes handicapées à des actes d'attouchement direct ou indirect. C'est la raison de la présence de cette disposition. Nous considérons un tel geste comme un abus particulièrement grave de bonne foi et de confiance dans notre société.

• 1615

Pour ce qui est de votre deuxième question, quand vous parlez de tribunal administratif, faites-vous référence à la compétence et à l'autorité du Tribunal des droits de la personne, ou songez-vous au projet d'article 153.1?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, c'est celui-là. Permettez-moi de le vérifier auprès de mon avocat en arrière.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: De tels abus de confiance seront criminalisés et ce sont les tribunaux qui devront trancher. Ce genre d'affaire ne relèvera pas du Tribunal des droits de la personne. Elle sera tranchée soit par un juge de cour provinciale ou un juge de cour supérieure au Québec. Elle sera traitée exactement de la même manière que toute autre voie de fait relevant du Code criminel.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord. Dans ce projet de loi, on prévoit quand même un tribunal qui traitera d'autres manquements à l'endroit des personnes handicapées. Ce tribunal-là était celui auquel je faisais allusion.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Oui.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il est clair pour moi que tout ce qui touche le Code criminel relève de vrais juges. Je parlais du tribunal qui devra statuer sur d'autres manquements. Ce tribunal s'apparente-t-il plutôt à un tribunal administratif? Oui ou non?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Le projet de loi S-5 prévoit certaines circonstances où de telles affaires seraient soumises au Tribunal canadien des droits de la personne, qui est en fait un tribunal administratif. Ce tribunal reçoit des allégations ou des plaintes relatives à des cas de discrimination pour diverses raisons, décrites dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, et la déficience physique ou mentale est l'une de ces raisons.

Qu'il s'agisse d'une plainte de discrimination pour raison de déficience physique ou mentale, de sexe, de religion, etc., ces questions sont donc soumises au Tribunal canadien des droits de la personne et, vous avez parfaitement raison, c'est un tribunal administratif. Cela dit, nous parlions du projet d'article 153.1, qui porte sur l'exploitation sexuelle d'une personne ayant une déficience mentale ou physique, et cela relève du Code criminel, par conséquent, des tribunaux ordinaires du pays.

La présidente: Merci, madame.

Je passe à M. Alcock, mais M. Berlin, je vais tout de suite vous mettre la puce à l'oreille, et vous poser une question à laquelle vous pourrez répondre plus tard. J'aimerais savoir comment on peut consentir à une invitation selon le projet d'article 153.1. J'aimerais que vous me parliez de cela.

Monsieur Alcock.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci, madame la présidente.

Il est très rare que je regrette de ne pas être avocat...

Des voix: Oh, oh.

M. Reg Alcock: ...mais c'est peut-être bien le cas en ce moment.

Pour commencer, madame la ministre, je tiens à vous féliciter. Voilà un projet de loi formidable. J'ai travaillé avec des groupes de personnes ayant une déficience pendant de nombreuses années, et je sais quel énorme travail un tel projet de loi représente.

Je croyais avoir compris une des dispositions, mais après avoir entendu ce qu'on vient de dire, je n'en suis plus certain. Dans le projet de loi, vous avez établi qu'il y avait une relation spéciale entre un fournisseur de soins et un adulte dépendant, et pour cette raison, vous avez prévu une sanction particulière en cas d'abus dans ce type de relation, n'est-ce pas? Vous dites que si une personne commet une agression contre une autre personne à laquelle elle ne fournit pas de soins, une situation où il n'y a pas de relation de dépendance, cette personne, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, peut être condamnée à un maximum de cinq ans.

L'hon. Anne McLellan: Non, non, il s'agit d'un acte criminel. S'il y a mise en accusation, on peut être emprisonné pour une période maximum de cinq ans. Si on procède par déclaration de culpabilité par procédure sommaire, dans une situation qui met en cause une personne n'ayant pas déficience mentale ou physique, la peine peut aller jusqu'à six mois. Par contre, dans notre loi, en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine d'emprisonnement peut aller jusqu'à 18 mois. Nous avons donc allongé la peine prévue lorsqu'il s'agit d'un abus d'une relation de confiance.

• 1620

M. Reg Alcock: Il y a donc une différence. On ne s'est pas contenté de réitérer une disposition sur l'état d'agression.

L'hon. Anne McLellan: Lorsqu'il s'agit d'un acte criminel, cela reste inchangé, mais lorsqu'il s'agit d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, nous avons porté la peine à un maximum de 18 mois.

M. Reg Alcock: Est-ce que cela s'ajoute à une accusation de voie de fait ou bien est-ce qu'il s'agit d'une accusation de voies de fait?

L'hon. Anne McLellan: Non, c'est soit l'un, ou soit l'autre. C'est une disposition qui porte sur une voie de fait lorsqu'une relation de confiance a été trahie. Si on voulait, on pourrait probablement utiliser les dispositions actuelles du Code. Rien n'empêcherait de le faire. Nous avons simplement tenu à préciser que la société considère ce genre d'abus comme une trahison de nos normes et de nos valeurs, lorsqu'une personne ayant une déficience mentale ou physique est invitée ou incitée à toucher directement ou indirectement le corps d'une autre personne.

M. Reg Alcock: Aidez-moi à comprendre cette notion d'obligation d'accommodement. S'agit-il d'une obligation uniquement pour les tribunaux et le système judiciaire, ou bien est-ce que cela peut s'étendre à d'autres services, en particulier, des services offerts par les divers paliers de gouvernement?

L'hon. Anne McLellan: Cette obligation d'accommodement que nous établissons s'applique d'une façon générale à tout ce qui est régi par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par conséquent, cela s'applique à nous également. Cela s'applique aux employeurs qui relèvent de la compétence réglementaire fédérale, et évidemment, c'est la raison pour laquelle l'Association des banquiers canadiens a exprimé son opinion au sujet de cette obligation d'accommodation. Par conséquent, cette obligation s'appliquera à tout organisme, public ou privé, ou à toute entité, publique ou privée, qui relève de la compétence de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Est-ce que je me trompe?

M. Reg Alcock: Je vais vous donner un exemple plus précis. Je travaille activement avec les personnes sourdes, et depuis un certain temps, elles réclament que des interprètes en langage gestuel soient disponibles dans les tribunaux. Les tribunaux ont offert ce service. De nos jours, il y a fréquemment des interprètes. La même discussion a eu lieu avec les responsables du système de santé, au sujet de la nécessité d'avoir des interprètes lorsque les gens sont à l'hôpital, ou encore lorsqu'ils ont besoin d'un service du gouvernement. Cela n'a pas forcément quelque chose à voir avec la justice, il peut s'agir d'une affaire courante. Est-ce que cette disposition va vraiment permettre aux sourds de réclamer plus effacement ce genre de service?

L'hon. Anne McLellan: Pas dans le cas des hôpitaux, car les hôpitaux relèvent de la compétence provinciale, et cette loi ne s'applique qu'aux organismes et entités de la compétence fédérale. Je précise donc cela.

M. Stephen Sharzer (avocat-conseil, Section des droits de la personne, ministère de la Justice): Comme la ministre l'a dit, en ce qui concerne l'administration de la justice, il est important de se souvenir que cela relève de la compétence provinciale. Par conséquent, en règle générale, cette loi ne s'applique ni aux tribunaux provinciaux, ni aux tribunaux supérieurs de la province. Ce genre de questions est traité par les autorités provinciales, mais en même temps, cela peut s'appliquer au niveau fédéral.

L'hon. Anne McLellan: Cela pourrait s'appliquer à la Cour suprême du Canada.

M. Steven Sharzer: Je n'en ai jamais vu d'exemple, car la cour devrait se faire à l'idée que c'est un service généralement disponible à l'ensemble du public. Mais c'est une possibilité.

M. Reg Alcock: À l'exception des tribunaux, cela s'appliquerait à tous les services offerts par le gouvernement fédéral, n'est-ce pas?

L'hon. Anne McLellan: Oui.

M. Steven Sharzer: D'autre part, il y a d'autres dispositions dans le contexte du système de justice pénale qui prévoient la possibilité d'avoir des interprètes. M. Berlin pourrait certainement vous donner plus de détails.

L'hon. Anne McLellan: Cela fait partie de la notion du droit à un procès impartial. C'est un des éléments.

M. Reg Alcock: Oui, et c'est un élément très clair. C'est un aspect qui ne risque pas de poser beaucoup de problèmes. Cette notion d'accès va intéresser beaucoup de monde.

• 1625

La présidente: Merci, monsieur Alcock.

M. Reg Alcock: Merci.

La présidente: Je donne la parole à M. Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Je vais entrer dans des aspects techniques, mais j'aimerais surtout parler de l'article dont Mme Dalphond-Guiral a parlé, le projet d'article 153.1.

Pouvez-vous nous dire si le Sénat a modifié ce projet de loi d'une quelconque façon?

L'hon. Anne McLellan: Oui, mais il ne s'agissait pas de cette disposition. Il y a eu un amendement mineur proposé par le sénateur Kinsella, et cela n'avait rien à voir avec le projet d'article 153.1

M. Derek Lee; Pensez-vous que ce projet d'article 153.1 crée une nouvelle sorte d'infraction, une infraction qui comporte des éléments qui jusqu'à présent n'existaient pas dans le Code criminel? Dans ce cas, quels sont les éléments de cette infraction qui n'existaient pas auparavant dans le Code criminel?

L'hon. Anne McLellan: Je vais demander à M. Berlin de répondre.

M. Mark Berlin: C'est une excellente question, et nous en avons parlé pendant nos consultations. Dans ces dispositions, il y a toutes sortes de choses qui sont couvertes par les dispositions générales sur l'agression sexuelle ou les dispositions sur les voies de fait.

M. Derek Lee: Puis-je vous interrompre?

M. Mark Berlin: Certainement.

M. Derek Lee: Je lis cet article, mais je n'y vois nulle part une mention de voies de fait. L'élément essentiel, c'est d'inviter et d'inciter. Ce n'est donc pas ici qu'on parle de voies de fait, à moins que j'aie manqué quelque chose, n'est-ce pas?

M. Mark Berlin: Vous avez parfaitement raison. Permettez-moi de préciser. Cette infraction... essayons de la cerner. On peut dire qu'il s'agit d'un délit d'attouchement sexuel.

M. Derek Lee: De quoi s'agit-il?

M. Mark Berlin: Un délit d'attouchement sexuel.

M. Derek Lee: Cette infraction?

M. Mark Berlin: Cette infraction. Vous pouvez...

M. Derek Lee: Excusez-moi, mais vous ne m'avez pas compris. Quand je lis le texte, je vois que l'élément essentiel de cette infraction c'est d'inviter ou d'inciter, mais non pas de toucher.

M. Mark Berlin: Il s'agit d'inviter ou d'inciter une personne à se toucher elle-même.

L'hon. Anne McLellan: Le but, c'est l'attouchement.

M. Derek Lee: Je comprends. Mais s'il n'y a pas attouchement, il y a tout de même une infraction. Vous pouvez inviter ou inciter quelqu'un à toucher, mais si l'acte n'a pas lieu, il y a tout de même une infraction si je comprends bien cet article. Est-ce que je me trompe?

L'hon. Anne McLellan: Oui, c'est également ce que je comprends.

M. Mark Berlin: D'accord.

M. Derek Lee: Merci.

Maintenant, pouvez-vous me décrire les éléments de cette infraction qui ne figurent pas déjà dans le Code criminel?

M. Mark Berlin: Les aspects qui ne figuraient pas dans cette infraction, qui reproduit les dispositions du projet d'article 153.1 en ce qui concerne les jeunes...

M. Derek Lee: C'est ce qu'on appelle généralement une infraction par invitation à toucher.

M. Mark Berlin: Exactement.

M. Derek Lee: C'est exact. D'accord.

M. Mark Berlin: C'est ce qu'on appelle une infraction correspondante dans le cas particulier des personnes ayant une déficience mentale ou physique. Le principe, c'est que les personnes ayant une déficience constituent un cas unique, et la différence, c'est qu'une personne adulte ayant une déficience, par opposition à un enfant, pourrait consentir à une invitation à toucher, ce qui ne serait pas possible dans le cas d'un enfant, car on ne considérerait pas qu'il puisse fournir un tel consentement. D'une certaine façon, c'est très semblable à l'article actuel sur les enfants, mais c'est un cas particulier lorsqu'il s'agit de personnes ayant une déficience mentale ou physique.

M. Derek Lee: Vous insistez sur la notion de consentement.

M. Mark Berlin: C'est exact.

M. Derek Lee: À mon avis, cette notion de consentement est inutile et malvenue dans ce cas, car l'attouchement n'est pas nécessaire pour qu'il y ait infraction. Par conséquent, le consentement non plus n'est pas nécessaire, à moins que vous insistiez pour qu'il y ait consentement à l'invitation. Est-ce que c'est votre position, que le consentement est indispensable?

M. Mark Berlin: Non. Cela nous ramène à l'observation de la présidente tout à l'heure, lorsqu'elle m'a demandé de répondre, et on peut dire qu'il s'agit d'un consentement en rapport avec l'attouchement. Ce n'est pas un consentement à inviter, un consentement à inciter, c'est un consentement à toucher.

M. Derek Lee: Mais dans cet énoncé, il n'est pas nécessaire que l'attouchement ait lieu. Pourquoi m'inquiéter d'un consentement éventuel puisqu'il n'est même pas nécessaire qu'il y ait attouchement?

• 1630

L'hon. Anne McLellan: Oui, je vois votre raisonnement, monsieur Lee, et peut-être faudrait-il reconsidérer l'énoncé de cet article. Je vois ce que vous voulez dire.

M. Derek Lee: Je passe maintenant à autre chose. J'attire votre attention sur la ligne 16:

    [...] à se toucher

J'attire seulement votre attention sur ce point, je ne vous demande pas d'y consacrer trop de temps car je vais vous donner un contexte.

En lisant ce projet d'article, je vois que cette expression doit être comprise dans l'ensemble du texte. Je vais vous le lire pour que vous voyez le contexte et que vous compreniez bien mon argument. Je vais paraphraser pour aller plus vite. Madame la présidente, c'est un talent que j'ai acquis en 1971 quand on m'a forcé à apprendre l'article 22 des Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu lorsque je faisais mon droit.

La présidente: Pauvre homme.

M. Derek Lee: Il m'a fallu toute la nuit, mais j'y suis finalement arrivé vers 4 heures du matin.

La présidente: Avez-vous été reçu?

M. Derek Lee: Oui. Merci.

Maintenant, je vais vous paraphraser ce texte:

    [...] toute personne qui [...] sans son consentement [...] invite, engage ou incite la personne handicapée à la toucher, à se toucher ou à toucher un tiers [...] avec une partie du corps ou avec un objet.

C'est très difficile à lire, mais à mon avis, cela veut dire que pour inviter, engager ou inciter à toucher, il faut que ce soit toucher à la fois le corps d'une autre personne ou celui de la personne qui incite et le corps de la personne handicapée.

On n'a pas précisé «et/ou», car il s'agit d'une conjonction et non pas d'une disjonction, et par conséquent, il faut qu'on se propose l'attouchement réciproque pour être coupable d'avoir incité ou engagé.

Vous avez peut-être quelque chose à répondre. Je suis certain qu'elle vous accordera un moment de réflexion.

M. Mark Berlin: Un des éléments de cette disposition, c'est qu'il ne faut pas forcément que l'attouchement ait lieu entre les deux personnes en cause. Par exemple, l'accusé pourrait inviter la personne ayant une déficience à se masturber devant lui. Dans un tel cas, il n'y a pas d'attouchement réciproque, mais on insiste seulement que la personne ayant une déficience mentale ou physique se livre à un acte sexuel sur sa propre personne. C'est ce que nous essayons de préciser dans cette disposition.

M. Derek Lee: Je comprends bien, mais d'après cet énoncé, la personne doit être invitée à toucher le corps de n'importe quelle personne...

M. Mark Berlin: C'est exact.

M. Derek Lee: ... y compris la personne ayant invité et la personne ayant une déficience. Aucune autre interprétation n'est possible.

L'hon. Anne McLellan: Vous pensez donc que nous devrions...

M. Derek Lee: Vous devez ajouter «et/ou». Une conjonction/disjonction, ou «et/ou»; ce serait suffisant.

M. Mark Berlin: Nous allons renvoyer cela à nos rédacteurs.

M. Derek Lee: Absolument.

M. Mark Berlin: On me dit que la façon de placer la virgule... Je comprends très bien votre question. Nos rédacteurs me disent que c'est inhérent à l'énoncé, que mon interprétation est possible avec un tel énoncé. Je peux vous donner l'explication d'un des rédacteurs, et si ce n'est pas suffisant, nous essaierons de trouver une solution.

M. Derek Lee: C'est une bonne idée de trouver une solution.

Ayant soulevé ces deux questions, je veux maintenant vous demander si vous savez—je suis certain que vous le savez—que la loi sur la détermination de la peine adoptée par la dernière Législature prévoit une peine plus forte lorsqu'il y a une relation de confiance. Vous êtes au courant?

L'hon. Anne McLellan: Oui.

M. Mark Berlin: Oui.

M. Derek Lee: Par conséquent, sur le plan de la peine, on pourrait dire qu'il est inutile de prendre de nouvelles dispositions en ce qui concerne cette infraction. En effet, nous avons déjà traité de cette question de situation de confiance au niveau des sentences.

• 1635

M. Mark Berlin: Je crois que les dispositions sur la détermination de la peine portaient sur une catégorie d'infractions beaucoup plus vaste.

M. Derek Lee: Une relation de confiance est une relation de confiance. À mon avis, c'est justement ce que nous décrivons ici.

M. Mark Berlin: Comme vous l'avez dit, les dispositions relatives à la détermination de la peine prévoient que le juge peut tenir compte d'autres facteurs lorsqu'il détermine la peine et que la victime présente certaines caractéristiques. Ces facteurs peuvent être d'ordre religieux, racial, orientation sexuelle ou déficience mentale ou physique. Vous avez parfaitement raison. Mais dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'une catégorie beaucoup plus limitée.

M. Derek Lee: Je vais terminer par une question. Toujours sur le même article, mais dans ce cas, la personne qui risque de devoir assumer une responsabilité criminelle accrue est précisément celle à qui on attribue un risque criminel accru, et je parle de l'assistant, du bénévole, du fournisseur de soins, du professionnel de la santé qui aide ou qui travaille avec la personne ayant une déficience mentale ou physique.

Ce qui m'inquiète dans tout cela... Supposons qu'un soignant bien innocemment—et ça n'a pas besoin d'être un soignant, ce pourrait être le cas de toute personne qui aide une personne handicapée. Bien des choses peuvent être faites très innocemment. Si je lis la dernière phrase sans conjonction—si c'est possible de le faire sans égard au reste du texte—si le soignant disait... Supposons qu'une personne soit en fauteuil roulant. Le soignant l'amène dans une pièce et lui dit: «Voici un charmant jeune homme qui vous fera aujourd'hui la lecture» ou «Voici un charmant jeune homme qui vous aidera». La personne en fauteuil roulant tend la main, dit qu'en effet c'est un charmant jeune homme—enfin ce pourrait être aussi une jeune femme, mais ne tenons pas compte du sexe—et touche ce jeune homme là où il ne faudrait pas.

Cela peut se faire sans mauvaise intention, mais c'est un tiers qui est touché, qui est agressé. C'est la personne handicapée qui commettrait une agression sexuelle, mais c'est le soignant qui serait accusé du délit, simplement pour avoir dit que le jeune homme était charmant.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): C'est un sujet qui vous préoccupe vraiment!

L'hon. Anne McLellan: Il faudrait pour cela déterminer si l'intention était d'ordre sexuel. La disposition 153.1 s'applique au cas où il y aurait une intention d'ordre sexuel.

M. Derek Lee: L'intention sexuelle de qui? De la personne handicapée ou de la personne qui l'aide?

L'hon. Anne McLellan: De la personne qui aide, et à des fins d'ordre sexuel. Les faits que vous avez décrits ne semblent pas constituer en soi un délit, puisque celui-ci doit comporter un élément d'intention d'ordre sexuel.

M. Derek Lee: Il n'y a pas beaucoup d'intention, ou mens rea, dans mon hypothèse, je l'avoue.

L'hon. Anne McLellan: Également, comme pour toutes les autres dispositions du Code criminel, il me semble que nous faisons confiance aux tribunaux pour ce qui est d'analyser les faits et de rendre des décisions justes. Même si nous n'approuvons pas toujours certaines décisions des tribunaux, à l'occasion, nous convenons tous que, d'une façon générale, ils sont très compétents pour ce qui est de décider de ce qui est frivole ou vexatoire ou, dans le cas que vous mentionnez, de ce qui est innocent. Vous avez vous-même dit qu'il s'agissait d'un acte innocent qui ne saurait être condamné du point de vue criminel.

M. Derek Lee: Mon seul objectif, c'est de ne pas rendre la tâche plus difficile pour les gens, les bénévoles, les soignants...

L'hon. Anne McLellan: Non, je comprends.

M. Derek Lee: ... les amis des gens qui sont handicapés et qui pourraient être sexuellement précoces. En énonçant l'article de cette façon, nous ne laissons pas beaucoup de marge de manoeuvre aux soignants ou aux bénévoles.

• 1640

Je comprends qu'il faut démontrer l'intention, qu'il faut qu'il y ait une mens rea, mais il faut avouer que, sans le vouloir, nous avons mis en place un régime dans lequel les soignants sont en mauvaise posture. Nous avons même accru les peines qu'ils peuvent encourir. Moi, en tout cas, je ne voudrais pas être accusé sous le régime de cet article.

L'hon. Anne McLellan: Monsieur Lee, je doute que vous soyez jamais accusé.

M. Derek Lee: Cela pourrait se produire néanmoins. Merci beaucoup.

L'hon. Anne McLellan: Je vous fais confiance...

La présidente: Merci, monsieur Lee.

Monsieur Berlin, madame la ministre, je tiens à vous signaler ce que l'on vient de me faire remarquer, c'est-à-dire que la version française est beaucoup plus claire. On peut lire «incite la personne handicapée à la toucher, à se toucher ou à toucher un tiers». C'est très clair.

L'hon. Sheila Finestone: Pourriez-vous lire la version française?

L'hon. Anne McLellan: Madame la présidente, pour ce qui est de ces deux éléments, M. Lee a souligné deux problèmes importants de rédaction, des questions de clarté, et je vous remercie de me faire remarquer que la version française est plus claire. Je demanderai aux fonctionnaires de mon ministère d'examiner la version française, qu'ils ont rédigée, et la version anglaise pour voir s'il est possible de préciser la version anglaise. Nous pourrons de cette façon atteindre notre objectif à tous, qui est de détecter et de condamner les abus que peuvent commettre dans de tels cas des personnes en situation d'autorité ou de confiance.

La présidente: Merci.

Madame la ministre, je sais que vous avez un autre engagement à 17 heures.

L'hon. Anne McLellan: Oui, malheureusement.

La présidente: Puis-je laisser Mme Finestone vous poser une petite question.

L'hon. Anne McLellan: Bien sûr.

L'hon. Sheila Finestone: Merci, madame la présidente. Je n'attends pas vraiment de réponse à cette question.

Madame la ministre, je me demandais comment vous réagiriez à deux questions. À la dernière session, le Comité sur les droits de la personne a entrepris une étude très étendue sur le droit à la vie privée. Le rapport était intitulé La vie privée: Où se situe la frontière?

Je suis désolée, vous n'entendez pas? Je suis certaine que la ministre m'entendait. Ma voix grippée s'est-elle rendue jusqu'à vous?

L'hon. Anne McLellan: Oui, je vous entends.

L'hon. Sheila Finestone: Je vous prie de m'excuser, madame la ministre, mais je devais parler en Chambre au sujet d'un projet de loi. C'est l'un de vos collègues qui me l'a demandé, mais je suis maintenant arrivée ici.

L'étude s'intitulait La vie privée: Où se situe la frontière? Le rapport a été déposé à la Chambre la veille de la prorogation et le gouvernement devait y répondre. Je sais bien que ce n'est pas votre obligation à vous, mais puisqu'il s'agit de questions de vie privée—ne hochez pas la tête, Stephen, avant même que la ministre ait pu prendre une décision ministérielle, d'accord? C'est très mauvais pour la politique publique.

Des voix: Oh, oh!

M. Stephen Sharzer: Je hochais affirmativement.

Des voix: Oh, oh!

L'hon. Anne McLellan: En fait, c'est exact. Il confirmait seulement ma...

L'hon. Sheila Finestone: Voilà bien des années que j'étudie le langage corporel, et si ce n'était pas un hochement négatif, c'était bien imité.

L'hon. Anne McLellan: J'ai compris ce qu'il voulait dire. J'ai compris exactement...

L'hon. Sheila Finestone: Vous comprenez que l'on puisse dire oui en disant non?

Des voix: Oh, oh!

L'hon. Sheila Finestone: Oh, maintenant je comprends.

M. Jack Ramsay: J'aimerais savoir s'il s'agissait d'une invitation.

L'hon. Anne McLellan: Non. Je ne voudrais surtout pas que mes derniers commentaires soient interprétés de cette façon, comme vous l'imaginez bien.

La présidente: Vous ne consentiez pas par cela à une invitation, n'est-ce pas?

L'hon. Anne McLellan: Surtout pas si M. Bindman est dans la salle.

Des voix: Oh, oh!

L'hon. Sheila Finestone: M. Bindman souhaiterait peut-être défendre la question du droit à la vie privée, parce qu'il a déjà...

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Il lui reste quelque chose à apprendre.

L'hon. Sheila Finestone: Oui, il lui reste encore quelque chose à apprendre, parce qu'une fois que c'est perdu, comme il le sait, c'est bien difficile à retrouver.

Alors, madame la ministre, je suis très sérieuse lorsque je parle de cette question de la vie privée.

L'hon. Anne McLellan: Je sais.

L'hon. Sheila Finestone: C'est une question qui influe sur chacune de nos vies. Cela a des répercussions dans le secteur des banques, de l'assurance, etc.

L'hon. Anne McLellan: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: J'espère sincèrement que vous seriez prête à accepter d'autres amendements ou à voir comment de telles dispositions pourraient être incluses dans le projet de loi, si elles ne s'y trouvent déjà.

L'hon. Anne McLellan: Voulez-vous dire dans ce projet-ci plutôt que dans d'autre...

L'hon. Sheila Finestone: L'article 16.1 proposé au projet de loi traite de droits à la vie privée. Il me semble que c'est un domaine où nous devrions... ou déposerez-vous un projet de loi distinct sur le droit à la vie privée? Voilà ma première question. Puis-je en poser une seconde?

L'hon. Anne McLellan: En fait, oui, comme vous le savez probablement, nous sommes en train d'examiner la législation sur la protection de la vie privée.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Vous avez l'intention, sous peu...

L'hon. Anne McLellan: Nous avons l'intention de déterminer si cette loi correspond encore à ses objectifs, si les objectifs ont changé et s'il conviendrait d'y apporter des modifications.

• 1645

L'hon. Sheila Finestone: Madame la ministre, vous reconnaîtrez je l'espère, d'après les résultats de notre étude, que la révolution technologique a effectivement...

L'hon. Anne McLellan: Absolument, je suis entièrement d'accord. C'est la raison pour laquelle mes collègues, comme John Manley, et moi-même, avons fait des efforts considérables pour faire reconnaître et appliquer les dispositions relatives à la protection de la vie privée dans le contexte de certains développements, et en particulier dans le nouveau climat technologique dans lequel nous vivons tous. C'est une préoccupation importante pour mon ministère et pour les autres ministères.

L'hon. Sheila Finestone: Ce qui m'inquiète chez le ministre Manley, ce n'est pas qu'il n'a pas adopté une position intéressante en ce qui concerne la protection de la vie privée, mais c'est qu'il ne semble pas mettre sur un pied d'égalité la perspective droits de la personne et la perspective industrielle. L'espionnage industriel est très important, la technologie est vitale, mais en attendant, la vie privée des particuliers, les informations qui les concernent, sont tout autant sinon plus importantes pour ces particuliers et c'est sur ce plan-là que je vous pose la question.

L'hon. Anne McLellan: Vous soulevez une excellente question, et en fait, c'est la raison pour laquelle le ministre de la Justice est un partenaire important dans ces discussions. C'est au sein de notre ministère que l'on réfléchit à cette protection de la vie privée des particuliers, et que l'on développe les bonnes idées des membres de votre comité et d'autres.

L'hon. Sheila Finestone: Et ce n'est pas dans l'article 16 qu'il faudrait mettre cela. C'est plutôt...

L'hon. Anne McLellan: Dans un examen général de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien, merci.

La même question s'appliquerait en fait à l'étude sur les déficiences effectuée par le même comité. Un long rapport sur les déficiences mentales et physiques a été déposé et c'est sur cette base que le solliciteur général, Andy Scott, a fait son rapport. Mais le rapport de ce comité continue à être crucial, et je ne sais pas si toutes les questions ont été traitées. Peut-être que oui. Toutefois, nous allons peut-être nous apercevoir en parlant aux personnes ayant une déficience mentale ou physique qu'il y a eu des erreurs ou des omissions, et si c'était le cas, seriez-vous prête à entreprendre un examen ou à recommander un amendement?

L'hon. Anne McLellan: Le projet de loi que vous avez sous les yeux est une indication de plus de l'importance que nous accordons aux droits et à la protection des personnes ayant une déficience mentale ou physique. Comme vous le savez, nous avons l'intention de procéder à un réexamen plus exhaustif en revenant sur la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans ces conditions, je préférerais probablement que ceci soit jugé sur le fond, et s'il y a d'autres domaines qui n'ont pas été traités ici...

Si vous trouvez des omissions ou des erreurs dans ces articles, dans ces dispositions que nous proposons, je pense que nous devrions pouvoir les rectifier ici. Par contre, s'il y a d'autres questions relatives aux droits des personnes ayant une déficience, d'autres questions distinctes de celles-ci, je serai très heureuse...en fait, j'ai l'intention de me pencher sur la question dans le cadre de notre réexamen de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

L'hon. Sheila Finestone: Merci pour ces indications, madame le ministre.

La présidente: Merci, madame le ministre. Je sais que vous devez nous quitter. Je sais que certains de nos collègues ont encore des questions, et les représentants du ministère doivent revenir vers la fin de nos délibérations, si bien...

L'hon. Anne McLellan: Ils peuvent rester aujourd'hui.

M. Mark Berlin: Nous pouvons rester si vous le voulez.

L'hon. Anne McLellan: Malheureusement, je suis obligée de partir. Je m'en excuse, mais je dois communiquer par téléphone avec un de mes collègues, procureur général d'une province.

M. Jack Ramsay: Vous nous faites toujours le coup.

L'hon. Anne McLellan: Je fais quoi?

M. Jack Ramsay: Vous nous faites toujours le coup. Vous partez quand il nous reste encore beaucoup de questions. Pouvez-vous revenir?

La présidente: Elle reviendra.

L'hon. Anne McLellan: Je me ferai un plaisir de revenir.

M. Jack Ramsay: Parfait.

La présidente: Merci, madame le ministre.

L'hon. Anne McLellan: Le greffier avait été prévenu que je devais partir vers 16 h 50 cet après-midi.

La présidente: Oui, nous le savions.

L'hon. Anne McLellan: Merci beaucoup. Mes collaborateurs peuvent rester pour répondre à d'autres questions et je me ferai un plaisir de revenir plus tard. En fait, de toute façon je dois revenir pour discuter d'autres questions, par exemple les prévisions budgétaires, et je pourrai en profiter pour répondre à vos questions.

M. Jack Ramsay: Nous vous attendons avec impatience.

L'hon. Anne McLellan: Je n'en doute pas, monsieur Ramsay. Merci. Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

Monsieur Ramsay, avez-vous des questions à poser aux représentants du ministère?

M. Jack Ramsay: J'ai une question. Est-ce que les deux problèmes soulevés par M. Lee peuvent être résolus en changeant l'énoncé?

• 1650

M. Mark Berlin: C'est ce que je pense. Je crois que cette discussion a été très utile. Toutefois, l'énoncé anglais n'a peut-être pas bien exprimé nos intentions. Le texte français est meilleur. Nous allons reprendre la rédaction, obtenir des explications et nous vous soumettrons cela.

M. Jack Ramsay: Il y a des passages de ce projet de loi dont je ne suis pas très sûr, en particulier la possibilité pour les gens qui ont une déficience mentale ou physique de mieux communiquer devant un tribunal. Par exemple, prenez le cas d'un aveugle: si je comprends bien ce projet de loi, on l'autoriserait à identifier l'accusé en écoutant sa voix et non visuellement, n'est-ce pas?

M. Mark Berlin: Oui, c'est bien ça.

M. Jack Ramsay: Nous avons eu un témoin dont je me souviendrai toujours lorsque nous étudiions récemment le projet de loi sur les empreintes génétiques. Elle était directrice du projet Innocence à Toronto. Elle nous a dit que de tous les types de témoignages, les témoignages visuels étaient les plus chancelants.

Comme je l'ai dit, j'ai certains doutes. Je comprends bien les avantages qu'il y a à autoriser l'identification par la voix, je comprends que c'est une question de justice, mais d'un autre côté, si les témoignages visuels sont déjà chancelants, est-ce que ce type de témoignage ne risque pas de l'être encore plus?

M. Mark Berlin: Je vais essayer de vous donner deux réponses. Premièrement, l'identification des témoins est un des éléments qui sont pris en considération avant de rendre une décision. Ce n'est pas la seule chose. Une personne est identifiée par d'autres moyens que des moyens visuels. Dans tout le pays, les procureurs nous disent que cela se fait déjà. C'est une pratique qui existe déjà, et nous nous contentons de l'inscrire dans les lois. On permet déjà d'autres types d'identification.

L'identification visuelle est une des preuves soumises au tribunal, mais elle est examinée et éprouvée par le procureur et par l'avocat de la défense dans le processus normal d'un procès. De la même façon, ce type d'identification serait examiné, révisé et éprouvé avant qu'une décision ne soit prise. Je ne vois donc pas quelle différence cela ferait.

D'autre part, il faut considérer également les conditions imposées au jury. Par exemple, un aveugle risque de ne pas être un très bon juré car il y a beaucoup de documentation et de preuves visuelles qui sont soumises au tribunal.

Dans nos dispositions relatives au jury, nous nous demandons si une personne peut assumer les fonctions de juré à condition qu'on lui fournisse l'aide dont elle a besoin. Par exemple, s'il s'agit d'un sourd et qu'il a besoin d'un interprète gestuel, mais qu'il peut tout de même voir les preuves, est-ce qu'on peut considérer que cette déficience physique est une raison suffisante pour l'exclure du jury?

Toutefois, s'il s'agit d'un aveugle, d'une personne qui ne peut pas voir les preuves et les documents, la disposition prévoit qu'une telle personne ne devrait pas faire partie d'un jury. Nous avons donc essayé d'introduire une certaine souplesse dans le système.

L'hon. Sheila Finestone: Une question de privilège. À propos des personnes ayant une déficience, une déficience visuelle, par exemple, et à l'heure actuelle il y a toutes sortes de déficiences visuelles, et en même temps, toutes sortes de nouvelles technologies dont on n'avait jamais entendu parler il y a cinq ans, et parfois même il y a deux ans. Je pense que la possibilité de participer de ces personnes ayant une déficience tient beaucoup plus à la technologie actuelle et nous disposons de trois ou de quatre moyens différents pour rendre les preuves visuelles accessibles aux personnes ayant une déficience visuelle. Notre collègue, M. Ramsay a posé la question, mais je pense qu'il y a certainement moyen de satisfaire les besoins de ces personnes grâce aux nouvelles technologies.

Je pense qu'il faut soigner les libellés pour qu'il n'y ait pas d'exclusion automatique du fait qu'une personne est sourde ou aveugle. Dans l'un ou l'autre de ces cas, il y a eu une évolution radicale.

• 1655

M. Mark Berlin: Vous avez tout à fait raison. Le libellé actuel prévoit une exclusion automatique. Nous proposons qu'il y ait une inclusion automatique quand la personne, avec l'aide ou la technologie voulue, peut s'acquitter des fonctions requises. Voilà donc la teneur de ces amendements.

La présidente: En fait, ce qui se passe c'est que tout le monde essaye d'échapper aux fonctions de juré.

Des voix: Oh, oh!

M. Mark Berlin: Eh bien quelqu'un m'a déjà demandé: «Pourquoi devrait-on faire partie d'un jury?», ce qui est une question qu'on nous pose. Vous avez tout à fait raison.

M. Jack Ramsay: Je ne songeais pas aux fonctions de juré. Je pensais au cas d'une victime appelée à témoigner contre un inculpé. D'après mon expérience, je pense qu'on peut obtenir une inculpation uniquement à la suite d'un témoignage d'un témoin oculaire. Dans le cas de Wilson Nepoose, c'est le témoignage oculaire qui avait provoqué une erreur judiciaire.

Si la reconnaissance de la voix a moins de valeur qu'un témoignage oculaire, cela n'est pas sans m'inquiéter. Je suis très sensible à la situation décrite par M. Lee. Je ne voudrais pas que l'on adopte des lois qui pourraient augmenter les chances d'erreurs judiciaires. Par conséquent, devant cette preuve, particulièrement dans le cas des personnes handicapées, je m'inquiète.

J'aimerais vous poser une autre question. Si vous voulez élaborer davantage, faites-le, mais j'ai entendu votre réponse, elle a été consignée au compte-rendu, et elle me satisfait dans la mesure où j'estime que vous avez fait le tour du problème. J'aimerais vous poser la question suivante. J'ai eu au téléphone une longue conversation avec une dame qui s'intéresse vivement au changement proposé portant sur le cas d'une personne atteinte de troubles mentaux qui aurait été invitée à avoir des relations sexuelles avec une personne en situation de confiance. Elle craignait qu'il y ait une mesure d'interdiction à cet égard.

Voici ma question. Le projet de loi englobe-t-il les cas de déficience affective?

M. Mark Berlin: La loi fait état de déficience mentale ou physique. La déficience affective ou tout autre type de déficience entrerait dans la catégorie des déficiences physiques ou mentales du point de vue de la criminologie. Certains pourraient considérer la déficience affective comme une déficience mentale et par conséquent, cela relèverait de l'article 153.1 proposé.

Quant au scénario exposé par votre électrice, aux termes des dispositions actuelles du Code criminel sur l'agression sexuelle s'appliquerait sans doute. La présente mesure législative ne fait pas mention d'agression sexuelle et ne comporte aucune disposition à cet égard. La définition et les dispositions actuelles d'agression sexuelle s'appliquent à ce genre de cas.

M. Jack Ramsay: Permettez-moi de vous donner l'exemple qu'elle m'a fourni, soit celui d'une personne atteinte de troubles affectifs graves à la suite de sévices qui a par la suite été convaincue par le médecin qu'elle avait consulté pour obtenir de l'aide que son traitement devait comporter des relations sexuelles avec le médecin.

M. Mark Berlin: Tout à fait. Cela fait partie de la jurisprudence.

M. Jack Ramsay: Le projet de loi assure-t-il une meilleure protection à ces personnes?

Je serai clair. Mon interlocutrice a fait valoir que le médecin, en situation de confiance, a exploité la déficience affective de cette personne. Le consentement était là, mais à travers le prisme des troubles émotifs et de la violation de confiance.

• 1700

M. Mark Berlin: Dans le projet de loi, le paragraphe 153.1(3), il est précisé que le consentement ne se déduit pas... Aux termes du paragraphe 153.1(2), le consentement «consiste en l'accord volontaire du plaignant à l'activité sexuelle». Cependant, tout de suite après, au paragraphe 153.1(3), il est dit: «le consentement du plaignant ne se déduit pas...des cas où...» et on cite un certain nombre de cas. Autrement dit, non veut dire non et oui veut dire oui.

Une disposition pourrait préciser qu'on ne saurait déduire le consentement si le plaignant est incapable de consentir à l'activité. Il se peut qu'en l'occurrence, une personne soit incapable de consentir à l'activité et par conséquent, son cas relèverait de cet alinéa. Ce que nous essayons de faire comprendre, c'est que s'il n'y a pas véritable consentement, cette disposition devrait préciser que dans les circonstances, il n'y a pas de véritable consentement. Si le consentement est obtenu par ce genre d'intimidation, j'espère que cette disposition s'applique.

M. Jack Ramsay: Ce n'est pas de l'intimidation. Dans l'esprit de la patiente, cela faisait partie du traitement.

La présidente: Parce que la patiente était faible et vulnérable.

M. Jack Ramsay: Oui. Elle était vulnérable à cause de ses troubles émotifs.

M. Mark Berlin: Sans connaître ce cas en particulier, je pense qu'il serait justifié de porter des accusations d'agression sexuelle.

M. Jack Ramsay: En vertu de quel article?

M. Mark Berlin: Aux termes des dispositions actuelles du Code criminel concernant l'agression sexuelle, les articles 273 et 274.

On n'avait jamais eu l'intention d'englober quoi que ce soit de plus vaste. L'agression existe et sa définition englobe de multiples situations. L'agression sexuelle existe et vise les cas stricts d'agression sexuelle. On voulait simplement qu'il y ait une autre disposition concernant les attouchements sexuels. C'est ce que l'on souhaitait.

M. Jack Ramsay: Dans ce cas, puis-je rappeler mon électrice et lui dire que le Code criminel interdit à l'heure actuelle ce genre de comportement?

M. Mark Berlin: Conseillez-lui de communiquer avec le bureau du procureur de la Couronne local pour déterminer s'il y a lieu ou non de porter des accusations.

M. Jack Ramsay: Nous en avons discuté, et elle a effectivement fait cela, mais c'est une question de preuve.

M. Mark Berlin: C'est toujours une question de preuve.

Une voix: C'est vrai.

M. Jack Ramsay: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Permettez-moi de poser une question qui déroge à la rectitude politique, mais parfois on n'a pas le choix. Dans vos consultations, vous a-t-on dit qu'en adoptant un article comme celui-là, on faisait preuve de condescendance à l'endroit de personnes adultes, notamment en leur accordant dans le Code criminel une protection analogue à celle que nous accordons aux enfants? Comment répondez-vous à cela? Comment réagissent les gens que vous consultez à ce sujet? Cela n'est-il pas déjà couvert ailleurs dans le Code?

M. Mark Berlin: C'est une excellente question car elle a été au coeur de nos consultations. Les gens qui s'opposaient à une disposition comme celle-là représentaient des organismes comme l'Association du Barreau du Canada, les corps policiers et les avocats de la défense. Selon eux, nous n'avons pas besoin de cela car c'est redondant, compte tenu des autres dispositions du Code criminel en matière de voies de fait ou d'agression sexuelle. On remettait en question cette décision.

Ceux qui réclamaient à cor et à cri cette disposition étaient les porte-parole des organismes de personnes handicapées: le Canadian Disability Rights Council, la Canadian Association for Community Living, et la liste est longue. Bon nombre de représentants des personnes handicapées nous ont présenté la chose ainsi: «Il faut que vous compreniez qu'étant donné que nous dépendons des dispensateurs de soins, pour assurer le déroulement normal de nos vies, dans le cours normal d'une journée, parce que nous sommes tellement vulnérables face à ces personnes, nous nous sentons particulièrement vulnérables aux agressions sexuelles». Selon les statistiques, les personnes handicapées subissent davantage d'agressions sexuelles que les autres, et elles nous ont demandé clairement d'envisager une telle disposition.

Nous avons donc réuni des représentants du Barreau canadien avec des représentants de la Canadian Association for Community Living, du Canadian Disability Rights Council et de bien d'autres organismes de défense des personnes handicapées, et les représentants du Barreau ont été convaincus par leurs arguments. En fait, ils ont changé d'avis et appuyé une proposition d'amendement tout à fait comme celle là en raison de son caractère éducatif. Selon eux, c'est une disposition dont on a besoin, une disposition nécessaire.

Et donc toutes les personnes ou parties intéressées, comme la police, les procureurs de la défense ainsi que l'Association du Barreau canadien qui, au début, n'appuyaient pas cette disposition, ont changé d'avis à la suite de nos consultations avec les associations de personnes handicapées et ont accepté qu'il faudrait prévoir cette protection supplémentaire. Elles s'inquiétaient du danger de paternalisme, mais ont décidé d'écarter cet argument après avoir entendu les représentants des associations de personnes handicapées.

• 1705

La présidente: M. Lee a une question sur le même sujet.

C'est une situation un peu analogue à celle où les députés ministériels ont poussé le ministère à se pencher sur le problème de la mutilation des organes génitaux de la femme. Je ne sais pas si vous allez participer à cette étude, mais je voulais juste vous le signaler.

L'hon. Sheila Finestone: C'est exactement ce que je pensais.

La présidente: Au cours de la dernière législature, le ministère prétendait qu'on n'avait pas besoin d'un article dans le Code criminel pour interdire la mutilation des organes génitaux de la femme. Les députés l'ont exigé, même si ce n'est pas absolument nécessaire, pour des fins de sensibilisation. On l'a fait pour des raisons semblables.

Chers collègues, je ne vous demande pas de commenter là-dessus.

M. Mark Berlin: Merci.

La présidente: Je suis contente de constater que nous avons accompli quelque chose aujourd'hui que le Sénat n'a pas pu faire. Monsieur Lee, vous avez la parole.

M. Derek Lee: Malgré mon contre-interrogatoire à ce sujet, j'aimerais signaler que nous reconnaissons tous que l'agression sexuelle contre les personnes handicapées est un problème grave pour notre société. Il va sans dire que j'appuie cette initiative.

Je dois maintenant être un peu pointilleux sur les détails. J'ai deux questions sur la partie suivante de cet article: le projet de paragraphe 153.1(3). Je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez aujourd'hui parce que de toutes façons vous allez le rédiger de nouveau. Je crois qu'il nous faut un nouveau texte. Je crois qu'il y aura un amendement.

La présidente: Nous pourrions le faire nous-mêmes, ce serait amusant.

M. Derek Lee: Nous pourrions le faire. Allons-y, Jack.

Qu'est-ce qui se passe si la personne en situation d'autorité est le conjoint de la personne handicapée? L'article se lit comme suit: «Toute personne qui est en situation d'autorité ou de confiance...». Cela pourrait inclure un conjoint.

M. Mark Berlin: Oui, c'est exact. Cela devrait inclure une situation où le conjoint est le fournisseur de soins.

M. Derek Lee: Le conjoint est donc inclus dans la liste de personnes qui pourraient se voir accuser d'exploitation sexuelle.

M. Mark Berlin: Bien sûr.

M. Derek Lee: En vertu de cette disposition, un conjoint qui invite le plaignant à participer à une activité sexuelle aura commis une infraction.

L'hon. Sheila Finestone: Non.

M. Mark Berlin: C'est si l'on demande à la personne handicapée de participer à une activité sexuelle à laquelle elle ne consent pas.

M. Derek Lee: C'est clair que c'est pour des fins d'ordre sexuel.

M. Mark Berlin: Mais ce qu'il faut retenir est que c'est sans le consentement du plaignant.

M. Derek Lee: Oui, mais cela veut dire que le conjoint qui est en situation de confiance ne peut inviter son partenaire à participer à des activités sexuelles sans le consentement de ce dernier.

La présidente: Si vous permettez, je voudrais juste dire que c'est le terme «inviter» qui crée un problème.

M. Derek Lee: Je peux l'accepter, mais je suis content...

La présidente: Comme M. Lee a signalé, c'est le terme «inviter» qui crée un problème. Comment puis-je vous consentir à vous permettre de faire une invitation?

M. Mark Berlin: Je m'excuse...?

La présidente: Des invitations sont naturellement spontanées, et j'espère que cela sera le cas aussi des invitations entre un mari et sa femme.

L'hon. Sheila Finestone: Je l'espère.

M. Mark Berlin: Bien sûr.

La présidente: Mais maintenant si j'ai une déficience et que mon mari, qui prend soin de moi, m'invite à participer à une activité sexuelle quelconque, en principe il enfreint la loi.

M. Mark Berlin: Mais cela serait à peine différent de la situation où un partenaire exige des relations sexuelles avec l'autre, sans le consentement de ce dernier.

M. Derek Lee: Le terme «inviter» exclut même la possibilité de demander. En vertu de cet article, le conjoint ne peut pas demander.

La présidente: Du point de vue logique les termes utilisés sont tout à fait absurdes.

M. Derek Lee: J'aimerais prendre un cas exceptionnel...

M. Mark Berlin: Nous nous sommes inspirés du Code criminel. J'aimerais vous expliquer pourquoi nous avons choisi ce terme. Cela reflète pour le meilleur ou pour le pire les dispositions actuelles du Code criminel.

M. Derek Lee: Pour ce qui est de l'agression?

M. Mark Berlin: Non, le paragraphe 153(1), qui porte sur les attouchements sexuels, l'exploitation sexuelle...

La présidente: Dans le cas d'un enfant il n'y a pas de consentement.

M. Mark Berlin: Il n'y a pas de consentement, mais les termes «invite, engage ou incite» sont exactement ceux que nous avons utilisés.

La présidente: Mais un enfant ne peut pas donner son consentement.

M. Mark Berlin: C'est exact, et c'est pourquoi nous avons ajouté ici l'élément de consentement. C'était pour consentir aux attouchements.

M. Derek Lee: Permettez-moi d'aller un peu plus loin.

M. Mark Berlin: D'accord.

M. Derek Lee: Le projet d'alinéa 153(3)c) dit que le consentement du plaignant ne se déduit pas des cas où l'accusé invite, l'engage ou l'incite à l'activité par abus de confiance ou de pouvoir, mais est-ce que cela n'a pas pour effet de créer une impasse? Si la personne qui invite peut éviter une accusation parce que l'autre aurait consenti à l'activité, le projet d'alinéa 153.1(3)c) enlève l'élément de consentement simplement parce que la personne concernée est en situation de confiance. Si l'on est en situation de confiance, il vous est impossible d'obtenir le consentement de l'autre.

• 1710

M. Mark Berlin: Non, ce que nous essayons de faire ici est de nous assurer qu'il n'y a pas de consentement si l'accusé a abusé de sa situation d'autorité.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Prenez le cas où le fournisseur de soins dit «Je ne vous laverai pas aujourd'hui. Je ne vous baignerai pas aujourd'hui si vous ne faites pas ce que je dis. Je ne vous donnerai pas à manger aujourd'hui. Je ne prendrai pas soin de vous aujourd'hui.» C'est cela l'abus de la situation d'autorité.

M. Derek Lee: Je comprends, et cela ne crée aucun problème pour moi. Mais je vous demanderai de le relire à la lumière de mes commentaires sur le projet d'alinéa 153.1(3)c) qui pourrait avoir pour effet de créer une impasse et d'empêcher quelqu'un d'avoir des relations d'ordre sexuel avec une personne handicapée.

Je vous demanderai de considérer la situation d'un conjoint. Serait-il possible de créer une exemption pour permettre à un conjoint au moins de suggérer la possibilité de relations sexuelles sans avoir obtenu le consentement de son partenaire? Je ne parle pas des relations sexuelles proprement dites. Je parle plutôt de l'idée, du concept, de la possibilité de relations sexuelles entre les deux personnes concernées.

M. Mark Berlin: D'accord.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente: On vient de me faire remarquer quelque chose que nos excellents attachés de recherche nous avaient déjà signalé dans nos notes. Si vous comparez le paragraphe 173.1(2) du Code, qui est votre point de référence ici, avec l'alinéa 153.1(3)c), vous voyez qu'on a remplacé le terme «incite» par «invite, engage ou incite». Peut-être que le terme «incite» serait utile pour éclaircir la situation.

M. Jack Ramsay: Vous pensez qu'il faudrait remplacer «invite» par «incite».

M. Mark Berlin: Votre référence est l'article 273...

La présidente: L'alinéa 273.1(2)c) se lit comme suit: «l'accusé l'incite à l'activité par abus de confiance ou de pouvoir»; à l'article du projet de loi 153.1 vous avez réitéré «l'invite, l'engage ou l'incite». Je ne sais pas si cela vous aide, mais c'est de cela qu'il s'agit, c'est-à-dire d'inciter quelqu'un.

M. Mark Berlin: Nous en tiendrons compte, merci.

La présidente: C'est Nancy qu'il faut remercier.

Eh bien, nous nous sommes bien amusés.

M. Mark Berlin: Moi aussi.

M. Jack Ramsay: Puis-je poser une seule question?

La présidente: Une question, ensuite ce sera terminé.

M. Jack Ramsay: Votre groupe a-t-il témoigné devant le comité du Sénat.

M. Mark Berlin: Oui.

M. Jack Ramsay: Et les sénateurs ont tout laissé passer?

Des voix: Oh, oh!

M. Mark Berlin: Ils se concentraient sur d'autres questions.

La présidente: Bien fait, Jack.

M. Jack Ramsay: Merci.

La présidente: C'est terminé.