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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 février 1998

• 0915

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons examiner aujourd'hui deux rapports soumis par un comité d'enquête conjoint de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada.

Nous entendrons donc le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles, M. Willie Gibbs, ainsi que Mme Sheila Watkins, qui est originaire de Windsor et qui est directrice de la Division des communications à la Commission.

Nous entendrons également le commissaire du Service correctionnel du Canada, M. Ole Ingstrup, qui est accompagné du secrétaire corporatif du SCC, M. Richard Clair.

Avant que nous commencions, M. Thompson m'a indiqué qu'il souhaitait faire un rappel au Règlement.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Oui, madame la présidente. Je voudrais signaler à mes collègues qu'en 1988, si je me souviens bien, quand les libéraux étaient dans l'opposition, ils ont créé un précédent en déposant une motion visant à assermenter les témoins qui sont ici aujourd'hui, et qui étaient là également à ce moment-là. Je voudrais proposer que nous fassions la même chose aujourd'hui.

La présidente: C'est le seul objet de votre motion?

M. Myron Thompson: Oui, je propose que les témoins soient assermentés.

La présidente: Pourrions-nous mettre cela de côté un instant pendant que nous nous occupons de l'autre question que nous avons à régler?

M. Myron Thompson: Oui.

La présidente: Je vais laisser votre motion en suspens pour le moment parce que je suis certaine qu'il y a autour de la table des gens qui auront quelque chose à dire à ce sujet-là.

Je dois vous dire qu'il y a un autre précédent qui a été établi à l'époque. Je vais demander à M. Discepola de m'aider. Nous avons déterminé en comité la façon dont nous devrions procéder aujourd'hui. Premièrement, si j'ai bien compris, tous les membres permanents du comité ont reçu un exemplaire des rapports sur les cas Russell et Hector. Certains éléments ont toutefois été supprimés dans les exemplaires que vous avez reçus et ceux qui ont été distribués. D'après ce qu'on m'a dit au Bureau du solliciteur général, il y a deux raisons à cela. Premièrement, il fallait protéger la vie privée des tierces parties. C'est bien cela, monsieur Discepola? Deuxièmement, il fallait assurer la sécurité d'une institution. Mais, quand vous lirez ces rapports, vous verrez que c'est la protection de la vie privée des tierces parties qui a primé dans les deux cas. Du moins, c'est ce qu'il m'a semblé.

Donc, nous avons discuté de la façon dont nous pourrions examiner l'ensemble du rapport en comité afin de pouvoir mener notre enquête. Selon la procédure établie, d'abord en 1988 et aussi plus tard, quand il s'est présenté un autre cas du même genre, nous pouvons décider de recevoir à huis clos toute l'information non expurgée, de l'examiner, de poser des questions aux témoins qui sont devant nous—et je vois que vous avez beaucoup de fonctionnaires à vos côtés, messieurs Gibbs et Ingstrup—et qui peuvent nous aider à comprendre cette information; seuls les membres permanents du comité seraient présents à ce moment-là. Nous aurions ensuite l'occasion, plus tard aujourd'hui, de poser des questions plus générales au cours d'une séance publique du comité.

Personnellement—et je pense que mon opinion reflète à peu près celle de l'ensemble du comité—, je suis d'avis qu'il serait utile que nous commencions par la séance à huis clos et que nous passions ensuite à la séance publique, compte tenu du fait qu'il faut protéger le droit de certaines personnes à la vie privée et qu'il y a aussi des enjeux liés à la sécurité d'une institution. Nous ne devons pas nous comporter comme des cow-boys en adoptant une attitude cavalière dans notre façon d'aborder cette question.

• 0920

Autrement, nous pouvons tenir tout de suite notre séance publique et poursuivre ensuite nos travaux à huis clos pour compléter notre enquête. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Je vais d'abord donner la parole à M. MacKay. Monsieur MacKay, j'aimerais aussi avoir vos commentaires sur la motion de M. Thompson.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): J'appuie la motion de M. Thompson, madame la présidente. J'attends encore qu'on me dise si nous allons recevoir le rapport complet ou, du moins, si nous aurons l'occasion de le voir. Je voudrais aussi signaler aux membres du comité que j'aimerais bien—comme, peut-être, les autres députés de l'opposition qui siègent au comité—avoir la possibilité d'examiner les cahiers et les documents que les témoins ont apportés au comité aujourd'hui, soit avant, soit après leur témoignage.

La présidente: De quels cahiers et documents voulez-vous parler?

M. Peter MacKay: De la documentation que les témoins ont apportée aujourd'hui.

La présidente: Des dossiers personnels qu'ils gardent au sujet...

Une voix: De leurs cahiers d'information.

M. Peter MacKay: Les témoins semblent avoir devant eux une documentation très volumineuse; on croirait qu'ils vont nous divulguer le contenu d'un dossier de police. Si je comprends bien, la séance d'aujourd'hui vise à nous permettre de regarder l'ensemble de la situation et d'essayer de trouver des solutions au sujet de ce qui s'est passé. C'est pourquoi j'appuie la motion.

La présidente: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): M. Thompson pourrait-il nous exposer les raisons pour lesquelles il voudrait que les témoins prêtent serment, s'il vous plaît, avant que je fasse mes commentaires?

La présidente: Monsieur Thompson, voulez-vous nous expliquer vos raisons?

M. Myron Thompson: Je veux bien. Je pense que c'est assez évident. On nous a présenté des rapports pleins de trous, et pourtant nous allons siéger à huis clos; allons-nous pouvoir boucher ces trous? Allons-nous recevoir une information pertinente pour ce que nous essayons de faire?

Est-ce qu'il y a des objections? Je ne comprends pas pourquoi. Il n'y a rien d'anormal à demander cela.

La présidente: C'est anormal, premièrement, mais ne soyons pas sur la défensive. N'oublions pas que nous n'avons jamais... Notre comité, pendant deux législatures—peut-être pas pendant deux législatures, mais en tout cas depuis que j'en suis présidente—, a examiné à l'occasion des questions très litigieuses, et pourtant nous n'avons jamais assermenté de témoins. C'est la première chose.

Deuxièmement, nous avons devant nous deux fonctionnaires de très haut niveau et toute une phalange d'autres fonctionnaires de niveau supérieur ou intermédiaire. Il me semble que, si ces gens mentaient au Parlement, ils se retrouveraient dans l'eau bouillante de toute façon. Je pense qu'il est superflu de leur faire prêter serment. Mais je suis évidemment à la disposition du comité.

Il me semble que nous devons respecter nos fonctionnaires, d'autant plus qu'ils sont venus ici de leur plein gré pour nous parler de quelques cas inhabituels—sans que la Chambre le leur ait ordonné, pourrais-je ajouter, ce qui montre à quel point ils sont prêts à se montrer ouverts.

Madame Finestone.

L'honorable Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Madame la présidente, je suis très curieuse. Je pense que nous avons de bonnes raisons de vouloir savoir s'il y a des documents qui seraient importants pour comprendre les cas que nous devons étudier. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, que nous avons étudiée dans les détails—c'est intéressant, parce que j'allais demander que nous réclamions un examen attentif de l'étude que nous avons réalisée sur la protection de la vie privée... J'aimerais vraiment que les témoins nous disent s'ils ont en main des documents pertinents que nous devrions avoir nous aussi, et s'ils ont l'intention de nous les laisser ou de nous en dévoiler le contenu en entier.

C'est une chose de présenter vos documents. Il y a un conflit d'intérêts tellement évident dans les rôles que vous jouez tous les deux, simplement en lisant les comptes rendus d'enquête, que je me demande jusqu'à quel point vous avez gardé des choses pour vous. Donc, ce que j'aimerais savoir, c'est s'il y a beaucoup d'information que vous ne nous avez pas communiquée et que vous pourriez nous laisser, ou du moins nous exposer sans restriction.

La présidente: Pouvons-nous laisser la question en suspens un instant? Nous sommes en train de discuter de notre façon de procéder, et j'aimerais régler cela d'abord. Nous allons donc mettre votre question de côté.

M. Nick Discepola: De quoi allons-nous nous occuper en premier, de la motion de M. Thompson ou de notre façon de procéder?

La présidente: Eh bien, je pensais tenir une discussion générale, mais si vous voulez, nous pouvons déterminer d'abord si nous devrions ou non assermenter les témoins; nous pouvons aussi établir notre procédure générale de façon collégiale.

• 0925

M. Nick Discepola: Revenons-en à la procédure que nous avons essayé d'établir en réponse à la motion de M. MacKay.

La présidente: D'accord.

M. Nick Discepola: Nous avions convenu que nous entendrions les témoins et que nous pourrions voir le rapport complet, pour répondre à la question de Mme Finestone. Il était entendu que le rapport serait distribué aux membres permanents du comité.

Nous avions décidé, madame la présidente, que nous tiendrions d'abord une séance publique et ensuite une séance à huis clos, pendant laquelle nous pourrions voir le rapport au complet et poser toutes nos questions aux témoins. Les témoins se sont préparés en fonction de cette entente.

Donc, encore une fois, pour répondre à la question de Mme Finestone, si nous devions procéder tout de suite à huis clos et acquiescer à la demande de M. MacKay, qui veut voir tous les documents, les témoins n'auraient pas tous les documents en main en ce moment parce que la séance à huis clos devait avoir lieu cet après-midi.

Il y a des problèmes de procédure, selon la façon dont nous allons procéder. Je pense que nous perdons un temps précieux et que nous devrions en revenir à l'entente initiale, c'est-à-dire que nous entendions les déclarations des témoins en public et que nous leur posions toutes nos questions.

Il y a une chose qui me préoccupe beaucoup, personnellement; c'est très personnel et cela n'a rien à voir avec les fonctionnaires. Ils sont prêts à collaborer avec le comité selon la procédure que nous établirons. Mais, en tant que parlementaire, je trouve délicat d'avoir accès à des renseignements que je ne pourrai peut-être pas divulguer pendant une séance publique. Donc, si nous tenons d'abord notre séance à huis clos, nous aurons en main des renseignements que nous pourrions révéler par inadvertance pendant nos déclarations ou nos questions, et je trouve cela un peu délicat.

La présidente: Peter.

M. Peter MacKay: Si vous me permettez de répondre à ce commentaire, je trouve encore plus délicat que les témoins nous laissent des documents ou que nous en discutions à huis clos, si c'est l'option que vous proposez.

Je voudrais commenter brièvement la motion présentée par le député de Wild Rose. Si quelqu'un juge que ce sont des pressions indues ou que nous voulons assermenter les témoins parce que nous mettons leur intégrité en doute, je vous assure que ce n'est absolument pas le cas. Je pense que c'est simplement pour que les témoins nous présentent leur témoignage comme ils le feraient devant un tribunal.

Madame la présidente, vous connaissez très bien la procédure judiciaire. Tous les jours, dans notre pays, on demande à des gens de poser la main sur la Bible et de jurer de dire la vérité. Je ne vois en quoi ce serait insultant.

La présidente: Je connais aussi très bien la procédure des comités, et je n'ai jamais vu cela.

M. Peter MacKay: Je suis sûr que M. Lee l'a déjà vu.

La présidente: Oui, M. Lee l'a déjà vu; cela s'est déjà produit, dans des circonstances similaires à celles d'aujourd'hui. Mais ce n'est pas moi qui décide; c'est le comité. Je dis simplement qu'il s'agit d'une mesure exceptionnelle, et inutile parce que je présume que les fonctionnaires qui sont devant nous sont des gens d'honneur.

M. Peter MacKay: Je pense qu'il s'agit de circonstances exceptionnelles.

La présidente: Nous n'en savons rien pour le moment. Quoi qu'il en soit, je m'écarte quelque peu de mon rôle de présidente; je vais donc cesser mes interventions.

Monsieur Thompson.

M. Myron Thompson: Madame la présidente, je voudrais simplement souligner, premièrement, que je respecte énormément ces deux messieurs. Cela n'a rien à voir avec leur intégrité ou avec la possibilité qu'ils nous mentent, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure. Il me semble qu'il y a déjà eu un précédent en ce sens quand certains témoins dont M. Inkster, si je ne me trompe pas, ont été assermentés en 1988; j'aimerais que nous respections ce précédent.

La présidente: D'accord. Normalement, la règle des 48 heures s'applique pour ce genre de motion. Je ne pense pas qu'il y ait de problème. Nous allons passer outre si tout le monde y consent.

L'hon. Sheila Finestone: Non, je n'y consens pas.

La présidente: Vous ne consentez pas à cette dérogation? Eh bien, cela règle le cas de la motion.

L'hon. Sheila Finestone: Je suis désolée, madame la présidente. Personnellement, je suis très mal à l'aise quand vous faites ce genre de chose. Je pense que tant les témoins que les membres du comité, qui ont des responsabilités en vertu des motions de ce genre, devraient être avisés à l'avance pour savoir ce qui les attend.

J'ai des opinions très arrêtées sur le droit à la protection des renseignements personnels; une fois qu'un renseignement est révélé, on ne peut plus le récupérer. Cette façon de procéder me met très mal à l'aise. J'aurais préféré que M. Thompson vous avise hier; j'aurais su alors ce que j'avais à faire aujourd'hui. J'aurais réfléchi sérieusement à la question.

Je ne connais pas particulièrement bien les deux groupes qui sont devant nous. Ce que j'ai lu dans le rapport m'a laissé un profond malaise. Je ne veux surtout pas semer le doute quant à la moralité des témoins qui sont ici, mais si j'avais su que nous allions leur faire prêter serment—ce qui veut dire que ces renseignements pourraient être utilisés un jour dans une tribune tout à fait différente... Je suis désolée, mais j'aurais voulu avoir d'autres avis là-dessus.

• 0930

Donc, je suis mal à l'aise. Je suis désolée, messieurs, j'aimerais bien collaborer avec vous, mais je ne peux absolument pas m'y résoudre.

La présidente: Nous n'avons donc pas le consentement unanime pour déroger à la règle des 48 heures.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): J'aimerais faire remarquer, pour le compte rendu, que je n'ai pas l'impression que le témoignage de ces messieurs serait différent s'ils le présentaient sous serment. Mais nous pourrions invoquer cet élément quand nous aurons à répondre aux questions qui nous seront posées sur ces deux cas. Nous pourrions évoquer les déclarations des témoins et dire à tous ceux qui soulèveraient des inquiétudes que nous avons entendu ces témoignages sous serment et qu'ils sont par conséquent solides et incontestables.

L'hon. Sheila Finestone: Vous ne croyez pas qu'il est suffisant pour le moment d'avoir un compte rendu écrit de la séance à huis clos?

M. Jack Ramsay: Je pense que le fait que les témoins aient prêté serment ajouterait un certain poids à nos réponses quand on nous poserait des questions sur l'un ou l'autre de ces deux cas. Dans l'affaire Russell, il s'agit d'un meurtre.

L'hon. Sheila Finestone: J'en suis tout à fait consciente.

M. Jack Ramsay: Quelqu'un a perdu la vie, et c'est très grave. Je suis d'accord avec M. MacKay. Depuis que je suis membre de ce comité, nous ne nous sommes jamais trouvés dans ce genre de situation. Les circonstances sont exceptionnelles, et il existe un précédent.

L'hon. Sheila Finestone: Eh bien, monsieur Ramsay, je dois vous dire que je respecte parfaitement vos opinions, comme vous le savez. Je vous ai posé des questions et je vous ai appuyé parce que vous trouve très compétent et plutôt équilibré—pas toujours à la Chambre, mais c'est une autre histoire. Et je dirais la même chose à M. MacKay. Mais je ne peux pas me défendre d'un sentiment de malaise, et je n'y peux rien. Ce n'est pas par manque de respect.

Je pense que le texte écrit du compte rendu fait suffisamment autorité; au besoin, vous pouvez toujours rappeler les témoins et les citer en public... Non, vous ne pourrez jamais répéter en public ce qu'ils auront dit à huis clos, mais vous pourrez les embarrasser suffisamment.

M. Jack Ramsay: Je n'ai rien à ajouter, madame la présidente.

L'hon. Sheila Finestone: J'espère sincèrement que nos témoins seront assez ouverts, assez honnêtes et assez honorables pour reconnaître le sérieux de la situation, comme vous l'avez dit, justement—le conflit d'intérêts qui semble exister, la douleur profonde que cela a causée aux familles—, et qu'ils vont être tout à fait francs dans leur témoignage. Je n'ai aucune raison de croire qu'il pourrait en être autrement, sauf qu'ils voudront peut-être se protéger mutuellement, mais j'espère que cela ressortira lors de notre contre-interrogatoire. Et j'espère sincèrement qu'ils sont assez ouverts pour voir quelles erreurs ont été commises et pour faire quelque chose en vue de corriger la situation.

La présidente: Merci, madame Finestone.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Oui, j'aurais préféré que nous fassions prêter serment aux témoins, mais si c'est impossible, je voudrais seulement ajouter que notre comité est un comité permanent, pas un comité législatif. Nous avons certains pouvoirs inhérents à tous les comités permanents, et quand quelqu'un témoigne devant un comité comme le nôtre, c'est exactement comme s'il était assermenté.

De plus, les messieurs qui sont devant nous ont prêté serment à leur entrée en fonction, et ils en sont très conscients. Ce sont des fonctionnaires, et je suis certain qu'après avoir écouté notre conversation, ils seront encore plus convaincus de l'importance de leurs commentaires dans ce contexte. Donc, qu'ils prêtent serment ou non, je pense que le comité dispose de toute façon de certains pouvoirs résiduels. S'il arrivait un jour qu'un témoin, et en particulier un fonctionnaire, fasse des déclarations trompeuses devant un comité, il serait clairement coupable d'outrage au Parlement. C'est ce qui se passerait dans leur cas de toute façon.

La présidente: Merci, monsieur Forseth.

Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur MacKay, est-ce que je vous laisse le dernier mot? Il s'agit de votre motion.

M. Peter MacKay: Non, en fait, je pensais que nous discutions de la motion de M. Thompson sur l'assermentation des témoins.

La présidente: C'est votre motion qui a déclenché la discussion; je me demandais donc si vous vouliez avoir le dernier mot.

M. Peter MacKay: Non, mais pour ce qui est de l'autre motion, madame la présidente, je suis prêt à la reporter si nous tenons d'abord notre séance publique.

La présidente: D'accord.

• 0935

M. Myron Thompson: Moi aussi, madame la présidente.

La présidente: Merci. Nous sommes donc d'accord sur notre façon de procéder. Nous allons tenir d'abord notre séance publique et poursuivre ensuite nos travaux à huis clos.

Voilà qui est réglé. Je suppose, monsieur Ingstrup et monsieur Gibbs, que vous avez tous les deux des déclarations à nous faire avant que nous passions aux questions. Monsieur Ingstrup, nous allons commencer par vous.

Le commissaire Ole Ingstrup (Service correctionnel du Canada): Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je dois vous dire qu'habituellement, j'attends avec impatience ces rencontres, qui nous donnent l'occasion d'échanger nos points de vue sur les services correctionnels, et qui me permettent de partager nos progrès avec vous et de profiter de vos conseils.

Mais notre rencontre d'aujourd'hui, madame la présidente, est bien différente. Je dois vous parler de deux cas, ceux de Michael Hector et de Raymond Russell, qui ont tous deux été reconnus coupables de meurtre pendant qu'ils étaient en libération sous condition, sous la surveillance du Service correctionnel du Canada, dont le fonctionnement global relève de ma responsabilité.

Madame la présidente, permettez-moi tout d'abord d'offrir publiquement mes condoléances aux familles des victimes. Au Service correctionnel du Canada, nous sommes vraiment très tristes quand des incidents de ce genre se produisent.

Les rapports que nous avons sous les yeux ont été remis aux familles et, dans le cas des meurtres survenus à Thunder Bay, des cadres supérieurs du Service correctionnel du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles se sont rendus auprès des membres de la famille pour les aider à comprendre le contenu du rapport les concernant. Une rencontre similaire a aussi été proposée à la famille de Mme Turnbull.

Madame la présidente, je voudrais aussi vous dire, pour faire suite à la discussion à laquelle nous venons d'assister, que j'ai fermement l'intention—comme toujours, d'ailleurs—de vous communiquer au mieux de ma connaissance toute l'information dont je dispose. Si je me trompe, ce n'est pas dans le but de vous induire en erreur. Je dois fonder mes déclarations sur ce que je sais, et je vais le faire tout au long de mon témoignage avec toute l'ouverture possible.

Je comprends que certains membres du comité—comme les familles des victimes, probablement—auront peut-être l'impression que je suis parfois sur la défensive. Ce n'est pas mon but. D'après la façon dont je vois les choses, je suis ici pour vous expliquer ce que nous faisons et pour essayer de travailler avec vous le mieux possible pour améliorer le système. C'est ce que je compte faire, et c'est exactement ce que j'aurais fait également si j'avais prêté serment.

[Français]

Nous sommes ici, madame la présidente, pour vous donner des explications sur ces deux cas et pour profiter de vos conseils. Nous avons des comptes à rendre au comité et aux citoyens canadiens. Pour leur part, les deux délinquants ont eu à rendre des comptes devant les tribunaux.

Je laisserai à mon collègue, M. Gibbs, le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles, que vous connaissez bien, le soin de vous parler des questions reliées au processus décisionnel, puisqu'il s'agit de décisions qui ont été prises par la Commission. Pour ma part, je traiterai premièrement de la préparation des cas et, deuxièmement, de la surveillance des délinquants dans la collectivité.

Mes remarques préliminaires, madame la présidente, vont être brèves et porteront sur quatre points: premièrement, ce qui s'est passé; deuxièmement, les résultats des enquêtes; troisièmement, notre réponse aux enquêtes; et quatrièmement, le contexte général dans lequel ces deux cas s'insèrent.

• 0940

Mes commentaires, ainsi que notre discussion, devront tenir compte des contraintes découlant du fait que des poursuites judiciaires ont été entamées par les familles des victimes. De plus, certains détails des rapports d'enquête, qui sont assujettis aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ne pourront être discutés que plus tard aujourd'hui au cours de la séance à huis clos.

Je crois que vous avez tous en main un exemplaire des deux rapports d'enquête et de notre réponse.

[Traduction]

Madame la présidente, je commencerai par le cas du délinquant Hector.

Le 7 février 1997, Michael Hector, qui était en libération conditionnelle, a été accusé d'un double meurtre survenu à Thunder Bay en janvier 1997. Il a par la suite été accusé d'un troisième meurtre survenu aussi à Thunder Bay, le 3 février 1997.

La tenue d'une enquête conjointe de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada a été ordonnée afin de faire la lumière sur les circonstances qui avaient entouré la mise en liberté et la surveillance de M. Hector. Les conclusions de la Commission d'enquête ont porté en grande partie sur ce que j'appellerais, madame la présidente, le non-respect des politiques existantes du SCC.

Sept des onze recommandations visant le Service correctionnel du Canada dans cette affaire sont liées au respect des politiques. L'une d'elles, la recommandation 4, porte à la fois sur le respect des politiques et la teneur de ces politiques. Deux autres recommandations portent sur la teneur des politiques, et trois sont reliées à d'autres questions comme la formation, la dotation et les travaux de recherche à entreprendre.

La Commission d'enquête en est arrivée à certaines conclusions sur cette affaire, madame la présidente. Voici quelles ont été ses cinq principales recommandations.

La première conclusion, c'est qu'il y avait effectivement des indications que M. Hector éprouvait des difficultés dans sa vie et que des difficultés du même genre l'avaient mené à des comportements criminels dans le passé.

La deuxième conclusion générale, c'est que M. Hector n'a pas été surveillé adéquatement. On a constaté des failles dans la surveillance effectuée par la Société John Howard de Thunder Bay—et il n'est nullement question ici des autres sociétés John Howard—, mais aussi dans la surveillance exercée indirectement par notre organisme, madame la présidente.

La troisième conclusion d'importance, c'est que notre organisme, le SCC, n'a pas fourni à la Société John Howard toute l'information requise pour assurer la meilleure surveillance possible du délinquant et que nous n'avons pas respecté nous-mêmes notre propre politique à cet égard.

La quatrième conclusion, c'est qu'on a trop misé sur le fait que M. Hector devait se présenter lui-même au bureau de surveillance. Aucune autre forme de contact n'a été établie, et on n'a pas vérifié l'emploi ou la résidence de M. Hector.

La cinquième grande conclusion, c'est qu'il n'y avait pas d'indication, d'après la Commission d'enquête, que M. Hector commettrait un meurtre, malgré le fait qu'il s'était de nouveau engagé dans le cycle de ses comportements criminels. Je suppose que la Commission d'enquête en est arrivée à cette conclusion parce que le délinquant n'avait jamais tué personne auparavant.

Je vais maintenant vous parler, madame la présidente, de l'enquête qui a été menée sur le cas Russell.

• 0945

[Français]

Raymond Russell, qui était aussi en libération conditionnelle totale, était accusé de meurtre au deuxième degré relativement au décès de Mme Darlene Turnbull, survenu le 6 juin 1996. On a ordonné la tenue d'une enquête conjointe de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel le 14 juin 1996.

Voici, madame la présidente, sept des conclusions principales de la commission d'enquête.

Premièrement, les politiques du Service correctionnel du Canada ont largement été respectées.

Deuxièmement, il n'y a pas eu de signes précurseurs nous laissant présager que M. Russell commettrait vraisemblablement un autre meurtre.

Troisièmement, il n'y a eu aucun signe de violence de la part de M. Russell durant son incarcération et aucune violation de sa part des conditions de sa libération pendant sa longue période de semi-liberté, qui a duré presque trois ans au total.

La quatrième conclusion du comité d'enquête mentionnait qu'il manquait des renseignements au dossier de M. Russell concernant la connotation sexuelle de ses crimes précédents, ce qui a pu fausser son plan correctionnel.

Comme cinquième conclusion, on disait que bien que la Commission nationale des libérations conditionnelles avait précisément demandé à être informée de tout changement dans les projets d'emploi de M. Russell, elle n'a pas été prévenue lorsque l'offre de l'emploi à temps plein a échoué.

Sixièmement, bien qu'il y ait eu des conversations entre la victime et l'agent de libération conditionnelle, aucune enquête communautaire écrite n'a été effectuée avant que M. Russell loue une chambre à la résidence de Darlene Turnbull, qui est devenue la victime.

La dernière conclusion principale dans le cas de M. Russell, c'est que la police n'a pas été informée à l'avance des mises en liberté de M. Russell, comme le prévoit la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

[Traduction]

Madame la présidente, les plans d'action établis en réponse aux recommandations vous ont été remis avec les rapports, je pense.

Dans le cas des incidents qui sont survenus à Thunder Bay, madame la présidente, et qui mettaient en cause M. Hector, plusieurs mesures ont été prises—pour passer maintenant à ce que nous avons fait—dans le but d'apporter les correctifs nécessaires au bureau local des libérations conditionnelles. Plus précisément, on a ajouté à l'effectif un agent de libération conditionnelle à temps plein en juillet 1997. On a mis fin au contrat avec la Société John Howard de Thunder Bay. Et, troisièmement, le responsable de secteur surveille de très près l'unique organisme qui fournit maintenant les services de surveillance à contrat, et les cas sont examinés régulièrement afin d'assurer le respect des normes et des politiques du SCC.

À plus grande échelle, le SCC procède maintenant à des examens réguliers de tous les organismes de surveillance du pays qui travaillent pour nous à contrat, et nous avons mis à jour la liste de vérification des documents qui doivent être fournis aux organismes assurant la surveillance des délinquants fédéraux.

• 0950

En réponse aux questions soulevées dans l'enquête sur le cas Russell, madame la présidente, le SCC est en voie de conclure des ententes d'échange de renseignements—nous nous en occupons depuis un certain temps, et je pense en avoir déjà informé le comité—avec les tribunaux et les divers corps policiers. Nous avons déjà signé des ententes avec huit provinces, et le dossier progresse dans le reste du pays.

Le SCC a aussi élargi la distribution des résultats des rapports d'enquête nationale au sein de son organisation. Les résultats sont communiqués à tous les chefs d'unités opérationnelles, et nous offrons des séances d'information aux cadres supérieurs de l'administration centrale chaque fois que nous recevons un nouveau rapport.

Des résumés des incidents qui ont fait l'objet d'une enquête, ainsi que les conclusions des rapports d'enquête, seront présentés dans notre publication, que plusieurs d'entre vous connaissent peut-être et qui s'intitule Entre nous. C'est une publication qui est distribuée à grande échelle au sein du SCC et dans l'ensemble du système de justice pénale. Nous essayons donc d'être aussi ouverts que possible.

Puisque j'ai presque terminé mon introduction, madame la présidente, j'aimerais maintenant vous dire un mot sur le contexte de ces incidents.

[Français]

Le domaine des services correctionnels n'est pas une science exacte. Il s'agit d'un domaine difficile, voire même très difficile. Même lorsque nous faisons les choses correctement, les résultats ne sont pas toujours bons. C'est un fait. Il y a peu de services correctionnels, s'il en est un, qui surveillent mieux et plus intensivement les délinquants que le Service correctionnel du Canada ne le fait aujourd'hui.

[Traduction]

J'ose dire, madame la présidente, que nous nous sommes fixé des normes très sévères et que nous mettons en place les ressources nécessaires au respect de ces normes, pour nous permettre de faire de notre mieux. Mais ce n'est pas quelque chose de statique. C'est quelque chose qui évolue constamment à mesure que nous en apprenons davantage sur ce que nous avons à faire.

[Français]

Les résultats des recherches montrent clairement que la mise en liberté graduelle des délinquants augmente les possibilités de réinsertion sociale sûre au sein de la collectivité. La mise en liberté graduelle est donc dans notre intérêt à tous, à titre de citoyens canadiens.

Il nous faut avoir la sagesse et la force de considérer ces incidents-là comme des écarts de la norme, soit la réintégration sûre des délinquants. Nous ne devons pas fermer les yeux sur ces incidents, pas du tout, mais en tirer des leçons.

D'un autre côté, on ne doit pas démanteler le système, mais le vérifier et l'améliorer afin de s'assurer de sa qualité. C'est ce que nous avons fait, madame le présidente. Ce que nous avons constaté, c'est qu'on a un système qui, en général, est bon et contribue de façon considérable à la protection de la société.

[Traduction]

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, ces incidents doivent être envisagés dans le contexte de notre mandat, qui consiste à protéger la société grâce à la réinsertion sociale sûre des délinquants.

Il n'est jamais possible d'éviter tous les risques. Nous délivrons des permis de conduire à des conducteurs qui ont ensuite des accidents. Nous savons, d'après ce que les hôpitaux nous disent, que les opérations comportent toujours certains risques, mais nous savons aussi qu'il est plus risqué de les refuser que de les subir. Qui ne risque rien n'a rien dans ce domaine.

Dans tout système de justice pénale, nous savons que les récidives, les rechutes, sont inévitables. Nous faisons notre possible pour améliorer les choses, mais aucun système ne permet jusqu'ici d'éviter complètement les récidives. Nous sommes résolus, madame la présidente, à faire notre part dans la gestion des risques, le plus minutieusement possible et dans le respect de nos pratiques professionnelles.

• 0955

Nous savons que nous n'atteindrons pas un taux de réussite de 100 p. 100, mais nous sommes décidés à nous en rapprocher d'aussi près qu'il est humainement possible de le faire. Chaque échec est une tragédie, et c'est ainsi que nous le voyons. Nous ne nous habituons pas. Ces incidents ne nous laissent jamais indifférents, et ces tragédies méritent qu'on s'y attarde de façon toute spéciale. Je suis heureux que vous vous intéressiez à ces cas, et nous comprenons qu'ils doivent être examinés au grand jour, que nous avons des comptes à rendre, que nous devons évaluer la situation en toute équité, à la lumière de ce qui est humainement possible, et que nous devons en tirer des leçons.

Nous n'avons pas travaillé aussi bien que nous aurions dû le faire. Nous n'avons pas toujours suivi les politiques et les mécanismes que nous avons nous-mêmes mis en place—et qui sont tout à fait justifiés à mon avis.

Je sais que, lors de telles tragédies, les questions du public—et les vôtres aussi, je suppose—sont les suivantes: Qu'est-ce qui s'est passé? Qui est à blâmer? Quelles mesures ont été prises pour responsabiliser les personnes concernées? Qu'a-t-on fait ou que fait-on maintenant pour prévenir d'autres incidents semblables à l'avenir? Et comment pouvons-nous être certains que cela ne se reproduira pas?

Madame la présidente, j'ai essayé de vous expliquer rapidement ce que nous avons fait. Mais, évidemment, nous avons deux heures pour en discuter et pour répondre à vos questions ce matin, et deux heures de discussion à huis clos cet après-midi. Je tiens à vous assurer encore une fois de notre coopération pleine et entière, en toute honnêteté.

[Français]

Merci, madame la présidente.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Ingstrup.

Monsieur Gibbs.

[Français]

M. Willie Gibbs (président, Commission nationale des libérations conditionnelles): Madame la présidente et membres du comité, le commissaire a bien dit que nous étions ici aujourd'hui pour discuter de deux cas aux conséquences tragiques. Il vous a aussi donné un aperçu des événements clés et des constatations des deux enquêtes.

Je ne parlerai donc pas de ces deux cas de façon détaillée à ce moment-ci; j'attendrai de répondre à vos questions pour le faire. J'aimerais quand même faire quelques remarques préliminaires. Je voudrais moi aussi vous remercier de nous avoir invités ce matin pour discuter particulièrement de ces deux enquêtes.

Comme vous le savez sans doute, la Commission et le SCC travaillent de concert pour offrir des programmes fédéraux en matière correctionnelle et de mise en liberté sous condition. En tant que partenaires, nous avons chacun des responsabilités distinctes. M. Ingstrup a déjà parlé des responsabilités du SCC en ce qui a trait à la préparation des cas et à la supervision dans la collectivité.

Le mandat de la Commission, par contre, est de rendre des décisions sur les conditions et le moment opportun de libérer les délinquants dans la collectivité, cela à la lumière des renseignements et des recommandations fournis par le SCC.

Je suis ici aujourd'hui pour discuter avec vous des deux cas qui ont mal tourné, malheureusement, et pour revoir avec vous les enquêtes que nous avons menées sur les circonstances relatives à ces deux incidents.

[Traduction]

En matière de services correctionnels et de mise en liberté sous condition, il arrive malheureusement des incidents tragiques comme ceux-ci. Bien qu'il s'en produise de moins en moins, il reste que chaque nouvel incident constitue pour nous une source de vives inquiétudes, tout comme pour vous j'en suis certain.

Néanmoins, dans tout ce que nous entreprenons, la sécurité du public demeure notre priorité absolue, comme en fait foi notre cadre législatif. Selon nous, la meilleure façon d'assurer cette sécurité est de travailler de concert avec le SCC pour échanger des renseignements, ainsi que pour évaluer et gérer le risque de manière à mettre les délinquants en liberté au moment le plus propice de leur peine.

Vous n'êtes pas sans savoir que la plupart des délinquants vont tôt ou tard retourner dans la collectivité. Or, il est certes préférable que ce retour s'effectue de façon progressive, avec la surveillance et l'encadrement adéquats, au lieu que le délinquant ne se retrouve, du jour au lendemain, dans la société après des années d'emprisonnement.

• 1000

Pour bien réussir la transition de la vie de détenu à celle de citoyen respectueux des lois, le délinquant a besoin du soutien des membres de la collectivité. Plus il passe d'années en prison, plus il lui est difficile d'entretenir des liens avec ses parents, amis et employeurs éventuels. Néanmoins, le soutien que lui apportent ces gens est essentiel à sa réussite. Mais il arrive parfois que les choses se gâtent et qu'il en découle, comme nous le verrons aujourd'hui, des conséquences fâcheuses.

Par ailleurs, nous croyons fermement qu'aucun facteur ne doit nous servir à justifier une tragédie. Nous devons nous efforcer sans cesse d'éviter ces affreux incidents en nous assurant d'élaborer les meilleures politiques et les meilleurs programmes, d'avoir les meilleures méthodes de travail et la meilleure formation en matière d'évaluation et de gestion du risque. Nous devons tirer une leçon de nos erreurs et de nos meilleures pratiques. Pour toutes ces raisons, nous menons des enquêtes. Selon moi, cela est essentiel pour que nos deux organismes atteignent des normes élevées d'excellence.

Nous tenons à déterminer ce qui s'est passé pour voir quels suivis apporter afin de minimiser la possibilité que le même genre d'incident ne se reproduise. Notre engagement de protéger nos collectivités n'en exige pas moins. C'est pour cette raison que nous veillons toujours à ce qu'un enquêteur de l'extérieur intervienne dans nos enquêtes, soit une personne qui ne travaille ni à la Commission nationale des libérations conditionnelles ni au Service correctionnel du Canada. En sa qualité de membre de l'équipe d'enquête, cette personne nous amène à voir le contexte global, tant en ce qui touche la collectivité concernée que du point de vue de la justice pénale.

D'aucuns vous diront que nous ne devrions pas enquêter sur nous-mêmes parce qu'il nous est impossible de faire un examen objectif des événements. Je ne suis pas d'accord. Quiconque a lu nos rapports d'enquête conjointe peut vous attester le fait qu'ils mènent souvent à des conclusions formulées sans ambages sur ce qui a mal tourné.

[Français]

Nous recherchons ce genre de rétroaction et l'accueillons de plein gré. Nous tenons à savoir ce qui s'est passé et nous tenons à prendre les mesures correctives adéquates. Dans la mesure du possible, nous apporterons des mesures correctives là où elles s'imposent et nous le ferons dans l'immédiat afin d'éviter à l'avenir d'avoir à affronter des difficultés comme celles qui sont citées dans les rapports.

Les législateurs reconnaissent notre besoin d'auto-évaluation. En fait, notre cadre législatif comprend des dispositions qui prévoient la tenue d'enquêtes, lesquelles se fondent sur la reconnaissance de la nécessité pour les organismes d'évaluer leur conduite, de déceler leurs lacunes et d'apporter des améliorations.

La diffusion publique des rapports d'enquête fait en sorte que la reddition des comptes est assurée non seulement au sein de nos organismes, mais aussi envers vous-mêmes et la société canadienne.

Notre comparution ici aujourd'hui s'inscrit dans le processus de transparence et de responsabilisation. Je suis venu aujourd'hui pour répondre à vos questions en ce qui a trait au rôle que joue la Commission dans la mise en liberté sous condition, qu'elle soit générale ou particulière aux deux cas dont nous allons discuter. Comme vous, nous avons à coeur la sécurité du public et nous voulons faire notre part pour empêcher que des incidents comme ceux dont il est question aujourd'hui ne se reproduisent. Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Je crois que je vais commencer par M. MacKay cette fois-ci. Allez-y, monsieur MacKay, vous avez dix minutes.

M. Peter MacKay: Merci, madame la présidente.

• 1005

Je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être ici aujourd'hui. J'ai écouté vos exposés très attentivement et je sais que vous allez vous efforcer de répondre à toutes les questions qui vous seront posées.

Je suis d'accord avec le thème de vos observations préliminaires: pouvons-nous et aurions-nous pu prévenir ce genre de tragédie?

À mon avis, le problème est de deux ordres, car il semblerait qu'il y a eu un manque d'échange d'information et que certains membres du personnel n'ont pas suivi la politique établie. Il faut alors se poser la question suivante: cette politique est-elle suffisante pour protéger la société?

J'ai quelques questions précises à poser—et je sais que nous disposons de peu de temps.

J'ai l'impression, à la lecture du rapport et des autres documents disponibles, que dans le cas de Raymond Russell, la victime, Darlene Turnbull, ne savait pas que M. Russell avait déjà été reconnu coupable d'un meurtre. Qu'en pensez-vous?

Le commissaire Ole Ingstrup: Je pense, monsieur MacKay, que des conversations avaient eu lieu entre M. Russell et Mme Turnbull et—d'après mes renseignements—entre le surveillant de liberté conditionnelle et Mme Turnbull avant que M. Russell déménage dans la chambre qu'il avait louée.

D'après mes renseignements, Mme Turnbull savait que M. Russell avait purgé une peine d'emprisonnement à perpétuité, mais je ne peux pas vous affirmer qu'elle savait pertinemment qu'il avait commis un meurtre. Nous n'en avons pas la preuve.

M. Peter MacKay: Arrêtons-nous à cette question un moment. Ne trouvez-vous pas étrange qu'une personne qui allait prendre quelqu'un en pension, qui allait loger quelqu'un chez elle, n'aurait pas été informée du fait que cet individu avait déjà commis un meurtre?

Est-ce que ça ne devrait pas être la politique et, dans ce cas précis, l'agent de liberté conditionnelle, qui était en contact avec Mme Turnbull, n'aurait-il pas dû l'en informer?

Le commissaire Ole Ingstrup: C'est ce que nous faisons habituellement. De toute évidence, d'après mes renseignements, l'agent de liberté conditionnelle a eu une conversation avec Mme Turnbull avant que M. Russell n'emménage chez elle. Il se peut fort bien qu'elle ait été mise au courant de la situation à ce moment-là. Notre rapport ne dit pas, monsieur MacKay, qu'il est clair qu'elle en a été informée. C'est tout ce que je peux vous dire.

M. Peter MacKay: A-t-on par la suite indiqué à l'agent de liberté conditionnelle qu'il ne s'était pas conformé à la procédure?

Je ne sais toujours pas, malgré ce que vous me dites, s'il existe une procédure selon laquelle, dans tous les cas, lorsqu'une personne loge un individu en liberté conditionnelle qui a été déclaré coupable de meurtre ou d'une autre infraction grave—ce qui m'amène à ma deuxième série de questions à propos des crimes sexuels... Est-ce que cette personne ne devrait pas en être informée?

Le commissaire Ole Ingstrup: Au lieu de vous donner une réponse qui n'est pas exacte, laissez-moi vous fournir l'énoncé exact de cette politique cet après-midi.

Je sais que tout dépend évidemment des circonstances. Souvent, lorsque des choses de ce genre se produisent, la personne qui invite un délinquant chez elle—lorsqu'elle sait qu'elle a affaire à un délinquant—sait aussi quelle infraction il a commise. Nous avons des conversations avec les gens et normalement, dans un cas comme celui-là, il aurait fallu signaler au cours de la conversation que le délinquant avait commis un meurtre. Mais laissez-moi vous apporter l'énoncé exact de la politique cet après-midi.

M. Peter MacKay: Pouvez-vous aussi nous apporter une copie du rapport de l'agent de liberté conditionnelle sur cet incident, s'il est disponible?

Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, s'il est disponible.

M. Peter MacKay: Savez-vous s'il le sera?

• 1010

Le commissaire Ole Ingstrup: Je ne peux pas vous le dire.

M. Peter MacKay: Pour ce qui est de la victime, Darlene Turnbull, je crois comprendre aussi à la lecture de ces rapports et des autres documents que le surveillant de Raymond Russell ne lui a à aucun moment rendu visite chez elle. Est-ce exact?

Le commissaire Ole Ingstrup: Non, ce n'est pas mon impression. D'après mes renseignements, il a rendu visite plus d'une fois à Mme Turnbull chez elle pendant que M. Russell y était.

M. Peter MacKay: Et c'est l'agent de liberté conditionnelle lui-même qui lui a rendu visite?

Le commissaire Ole Ingstrup: C'est ce que j'ai compris.

M. Peter MacKay: Vous avez également fait allusion au fait qu'on savait par expérience que lorsque M. Russell était en chômage, il avait tendance à retomber dans ses vieilles habitudes et qu'il avait été déclaré coupable de manquement aux conditions de la libération conditionnelle. Dans ce cas en particulier, l'agent de liberté conditionnelle a-t-il essayé de rencontrer son employeur éventuel? Et nous savons qu'il n'a pas été à son emploi très longtemps.

Le commissaire Ole Ingstrup: Oui. En réalité, il ne travaillait pas, et des erreurs ont été commises dans ce contexte, parce que la Commission nationale des libérations conditionnelles avait demandé par mesure de prudence à être avertie si ses projets d'emploi échouaient, et nous ne l'en avons pas informée. C'est ce que dit son rapport.

M. Peter MacKay: Comment cela a-t-il pu arriver?

Le commissaire Ole Ingstrup: C'était une erreur.

M. Peter MacKay: Est-ce que votre service a commis l'erreur de ne pas indiquer à l'agent de liberté conditionnelle...

Le commissaire Ole Ingstrup: Non.

M. Peter MacKay: ... ce qu'il avait à faire, ou est-ce parce qu'il n'a pas suivi la procédure?

Le commissaire Ole Ingstrup: De toute évidence, l'agent de liberté conditionnelle n'a pas suivi les directives de la Commission. Un rapport qui lui aurait indiqué que les projets d'emploi de M. Russell avaient échoué ne lui a pas été présenté même si elle l'avait demandé.

C'est ce que dit le rapport d'enquête. Dans tous les cas de ce genre, nous examinons soigneusement le rapport après coup pour voir ce que nous pouvons faire afin que de telles choses ne se reproduisent plus jamais.

M. Peter MacKay: Monsieur Ingstrup, n'est-il pas vrai que selon les rapports psychologiques, M. Russell, lorsqu'il ne travaillait pas, avait tendance à adopter le même comportement criminel qu'avant, soit à cause de ses fréquentations soit parce qu'il avait trop de temps libre, que cette information était disponible et aurait pu être transmise à l'agent de liberté conditionnelle?

Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, je pense que l'agent de liberté conditionnelle avait accès à cette information. Mais il est vrai aussi, d'après ce que j'ai pu comprendre, que pendant tout ce temps-là M. Russell a occupé un certain nombre d'emplois et qu'il a changé d'emplois sans qu'il y ait récidive.

Il ne fait cependant aucun doute, monsieur MacKay, que nous avions l'obligation de tenir la Commission des libérations conditionnelles au courant de la situation, ce qui n'a pas été fait. Bien sûr, nous allons prendre les mesures correctives qui s'imposent.

M. Peter MacKay: Pouvez-vous nous dire ce qui est arrivé à l'agent de liberté conditionnelle en question?

Le commissaire Ole Ingstrup: Je ne peux rien vous dire. C'est une des questions dont nous devrons discuter cet après-midi.

M. Peter MacKay: C'est parfait.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait des renseignements—facilement disponibles—concernant la condamnation antérieure de M. Russell pour un crime sexuel. M. Russell n'a pas arrêté d'en minimiser l'importance pendant les entrevues, mais je pense comme je l'ai déjà dit que ces renseignements n'ont pas été transmis à l'agent de liberté conditionnelle ni à Mme Turnbull dans cette affaire.

Le commissaire Ole Ingstrup: Il y a du vrai dans ce que vous dites, mais, d'après ce que j'ai compris du rapport, ces renseignements n'étaient pas si disponibles que cela.

En fait, je crois savoir que l'agent de liberté conditionnelle, ou le Service, a essayé d'obtenir le dossier complet de l'affaire qui remonte à 1982, si c'est bien celle dont nous parlons. Personne n'a réussi à obtenir l'information demandée à ce moment-là. Si j'examine la situation à la lumière des politiques actuelles, je me dis qu'on n'a pas été, que nous n'avons pas été assez persistants.

• 1015

Ce qui est arrivé, madame la présidente, c'est qu'au cours des ans nous nous sommes efforcés d'améliorer la collecte de renseignements. À mon avis, notre système est bien meilleur aujourd'hui qu'à l'époque. Cela ne fait aucun doute.

J'ai mentionné dans mes remarques préliminaires que nous avons des ententes écrites avec des corps policiers, des procureurs de la Couronne, des juges et des provinces pour obtenir de l'information. Je crois que nos agents de liberté conditionnelle et tous ceux qui travaillent dans nos établissements savent que c'est très important. Si vous compariez nos dossiers actuels à ceux d'il y a dix ou quinze ans, vous verriez la différence.

Cela veut-il dire que nous aurons toujours toute l'information voulue dans nos dossiers? Non. Il y a encore des incidents dans le cas desquels il est impossible d'obtenir l'information.

M. Peter MacKay: Il ne s'agissait pas d'un de ces incidents; cette information était disponible.

J'admets que tout parait parfaitement clair quand on peut prendre du recul. J'en suis tout à fait conscient, mais il reste que le manque de communication ou l'absence d'échange de renseignements à ce niveau peut avoir des conséquences tragiques: c'est une question de vie ou de mort. Nous l'avons bien vu.

Est-ce un problème de diligence? A-t-il trait à la formation des agents de liberté conditionnelle? Ou suffirait-il pour le régler que l'échange de renseignements soit obligatoire?

Le commissaire Ole Ingstrup: Les trois, je pense, mais il faudrait surtout que la collecte des renseignements soit obligatoire. D'ailleurs, nous imposons maintenant à nos agents—et ce depuis 1994—un fardeau beaucoup plus lourd du point de vue de la collecte d'informations.

En 1994, le Service correctionnel du Canada a renouvelé son processus d'évaluation des admissions. Je peux vous fournir des documents si vous voulez. Vous pourrez constater que la collecte d'informations sur les infractions antérieures a aujourd'hui un profil complètement différent de celui d'il y a quelques années.

J'ai la ferme conviction que nous recueillerons plus de renseignements dans la grande majorité des cas. Si nous n'y parvenons pas sur-le-champ, surtout dans les cas d'infractions graves, nous ferons preuve d'une vigilance beaucoup plus grande que par le passé en vue de les obtenir, je vous le garantis.

La présidente: Vous avez la parole depuis à peu près 13 minutes, mais j'ai ajouté votre nom au bas de la liste. Monsieur Thompson, vous avez dix minutes.

M. Myron Thompson: Tout d'abord, j'aimerais parler de manière générale des statistiques des rapports que vous publiez. Celui-ci s'étale sur dix ans, de 1987 à 1996. Je vois que durant les neuf premières années, le nombre des infractions graves commises par des libérés conditionnels est demeuré sensiblement le même. En 1994-1995, ce chiffre a atteint un point culminant, soit 256. En 1995-1996, il est passé à 165, ce qui représente une baisse importante.

Je me demandais si vous aviez les statistiques pour 1996-1997.

Le commissaire Ole Ingstrup: Oui.

M. Willie Gibbs: Leur nombre a été de 195.

M. Myron Thompson: Il a un peu remonté.

M. Willie Gibbs: Oui, un peu. Cette année, leur nombre devrait se situer entre 165 et 195. Il a baissé un peu.

M. Myron Thompson: Madame la présidente, j'aimerais que les témoins déposent les dernières statistiques pour nous aider.

La présidente: Avez-vous quelque chose par écrit à nous donner?

M. Willie Gibbs: Vous trouverez ces chiffres ici également. Il s'agit du rapport qui a été déposé au Parlement l'automne dernier.

La présidente: Le rapport annuel. C'est parfait.

M. Myron Thompson: Merci.

Messieurs, lorsque je regarde ces statistiques, je vois que durant cette période, 2 100 Canadiens environ ont été victimes d'infractions graves commises par des personnes mises en liberté sous condition et que 206 d'entre eux ont perdu la vie. Il y a eu 2 100 victimes, mais des milliers de parents, d'amis et de voisins ont beaucoup souffert eux aussi à cause de ces crimes.

• 1020

Monsieur Ingstrup, je vous sais gré de vouloir assumer la pleine responsabilité de ce qui s'est passé. Vous avez dit que le SCC était responsable de ces deux derniers incidents; vous vous blâmez. Ne vous en voulez pas trop, monsieur, parce que c'est le Parlement qui établit les lois et les règlements auxquels vous devez vous conformer. N'est-ce pas?

Le commissaire Ole Ingstrup: C'est comme cela que je vois les choses.

M. Myron Thompson: C'est comme cela que je les vois moi aussi. Il faudrait peut-être que le Parlement et le gouvernement de l'heure qui établissent les règles et règlements qu'il faut suivre examinent de près ce qu'ils font eux aussi. Le temps est venu d'arrêter de jouer à la roulette russe avec le public canadien. Ces deux cas n'en sont qu'un autre exemple.

Lorsque je regarde les antécédents de Russell et certaines des choses qui ont été dites à son sujet, je me dis que de toute évidence il n'a jamais été considéré comme un délinquant à faible risque. Il a en outre été condamné à la prison à vie pour meurtre. Pourquoi une personne comme Russell aurait-elle droit à la libération conditionnelle?

Le commissaire Ole Ingstrup: Je vous parle ici de mémoire, mais, d'après le rapport que vous avez, M. Russell a été libéré sous condition après sa date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Il y avait déjà près de trois ans qu'il était en semi-liberté et il n'y avait pas eu d'accrochage. Donc, lorsque l'heure de la libération conditionnelle est arrivée, il purgeait sa peine depuis 14 ans. De toute évidence, monsieur, lorsqu'un juge décide qu'un délinquant est admissible à la libération conditionnelle après dix ans, nous devons considérer sa candidature. Lorsque j'examine ce cas particulier, je ne peux pas dire que le Service ou même la Commission nationale des libérations conditionnelles étaient pressés de libérer cet individu.

Madame la présidente, je ne sais pas si je peux commenter le point de vue de M. Thompson. C'est un point de vue très valable bien sûr. Il y a des gens parmi le public canadien qui sont victimes d'individus qui d'une manière ou d'une autre finissent par sortir du système correctionnel fédéral ou provincial.

Il y a une chose que j'aimerais dire, parce qu'on a souvent l'impression que leur pourcentage est très élevé. Nous avons fait une étude en profondeur il y a quelques années et même si les chiffres ne sont pas tout à fait à jour, ils sont quand même très intéressants. Statistique Canada nous a dit qu'en 1991 les services de police avaient fait enquête sur 2 950 000 infractions au Code criminel et infractions à une loi fédérale en matière de drogue. Le chiffre était de près de trois millions.

Nous avons cherché à savoir combien de ces infractions avaient été commises par des délinquants qui étaient passés par le système correctionnel fédéral. Nous avons constaté que 11 crimes avec violence sur 10 000, y compris les meurtres, étaient imputables à des individus qui étaient sortis de nos prisons. Et 9 989 infractions n'avaient rien à voir avec des individus qui avaient eu affaire au système carcéral. Nos délinquants ont commis deux infractions contre les biens sur dix mille, dix infractions liées à la drogue sur dix mille et cinq infractions sexuelles sur dix mille.

Il y a des récidives, vous avez tout à fait raison, monsieur Thompson; cela ne fait aucun doute. Mais si on y regarde de plus près, on s'aperçoit que le taux de récidive n'est pas aussi élevé que bien des gens le pensent.

• 1025

M. Myron Thompson: Je ne crois pas que le public voit les choses sous le même éclairage que vous, et je suis certain que vous en conviendrez.

Le commissaire Ole Ingstrup: Vous avez raison.

M. Myron Thompson: Bien entendu, les victimes sont notre plus grande préoccupation. Nous ne voulons pas de victimes. Si on prend le cas de M. Russell, on peut voir qu'il n'était pas équilibré, qu'il avait un grave problème d'alcoolisme et de toxicomanie et que rien ne montrait qu'il était guéri. Il n'a jamais semblé éprouver beaucoup de remords envers ses victimes. Il était violent et impulsif et avait tellement d'autres défauts que je me demande comment il a pu finir par être considéré comme admissible à la libération conditionnelle.

Le commissaire Ole Ingstrup: Je ne peux qu'essayer de m'imaginer ce qui a entraîné cette décision. Russell n'a jamais commis d'acte de violence au cours des dix années qu'il a passées en prison. Il n'a jamais violé les conditions de la libération conditionnelle durant les trois années de sa semi-liberté. Nous lui avons fait subir des tests régulièrement compte tenu de ce que nous savions de lui. Nous l'avons soumis à des analyses d'urine pour voir si nous pouvions trouver des traces de drogue et d'alcool. Nous n'en avons jamais trouvé, d'après les informations que nous avons.

Est-ce que cela veut dire qu'il ne présentait aucun risque? Absolument pas. Et certaines erreurs ont été commises. Je tiens cependant à ce que vous sachiez que nous l'avons suivi de très près et que jamais nous n'avons pu observer un signe précurseur quelconque de ce qui allait se passer.

M. Myron Thompson: M. MacKay vous a demandé si Mme Turnbull était parfaitement au courant de la situation. Je suis curieux moi aussi, parce qu'un certain M. Strickland qui devait offrir un emploi à M. Russell a indiqué qu'il ne savait rien de ses antécédents. Il croyait que son seul crime était d'avoir volé une automobile. Êtes-vous au courant?

Le commissaire Ole Ingstrup: Oui, monsieur Thompson, mais mes renseignements sont très différents des vôtres. D'après mes informations, nous avons parlé à cet employeur. Selon un document que j'ai devant moi, il aurait dit à nos employés qu'il connaissait pertinemment la raison pour laquelle M. Russell avait été condamné.

M. Peter MacKay: Madame la présidente, je pourrais peut-être déposer une lettre de M. Strickland que j'ai reçue à ce sujet.

M. Myron Thompson: Merci. C'est ce que j'allais faire, parce que j'ai moi aussi une copie de la lettre dont parle M. MacKay, et ce n'est pas ce qu'il dit, bien au contraire. Il faudrait donc qu'elle soit déposée.

La présidente: Si vous en avez une copie, pourquoi ne la déposez-vous pas?

M. Myron Thompson: Je vais certainement le faire.

Le commissaire Ole Ingstrup: C'est la seule information que j'ai et je serais prêt moi aussi à la déposer. Je pourrais vous en lire un extrait, madame la présidente. C'est un peu plus bas dans le texte où il dit qu'il a posé la question à un de ses employés, et je cite:

    Je lui ai demandé si sa femme avait rencontré M. Russell et si elle connaissait son histoire. Je ne sais pas exactement s'il m'a dit qu'ils s'étaient rencontrés, mais il m'a indiqué qu'elle n'avait rien contre le fait qu'il travaille là. Je lui ai demandé s'il savait pourquoi M. Russell avait fait de la prison et il m'a répondu que oui.

Je ne dis pas que vos renseignements sont faux. Je vous donne l'information que j'ai. Je suis tout à fait prêt...

M. Myron Thompson: De toute évidence, c'est ce que Russell lui a dit.

Le commissaire Ole Ingstrup: Et je continue:

    Je lui ai demandé s'il voulait en savoir plus long et il m'a dit que non, que M. Russell lui en avait assez dit et que tout le monde mérite une deuxième chance.

C'est le document que j'ai.

M. Myron Thompson: Nous avons une lettre personnelle, mais je suppose que nous allons finir par nous y retrouver au cours de nos audiences.

La présidente: Attendez une minute. Nous avons ici une lettre qui a été distribuée aux députés. Est-ce exact, monsieur MacKay?

Je ne pense pas que tous les députés l'aient reçue, mais M. MacKay m'en a remis une copie que nous accepterons comme document déposé et nous en ferons faire une copie pour tout le monde. Pour vous aussi, monsieur Ingstrup.

• 1030

Monsieur Thompson, vous avez utilisé une douzaine de minutes. Est-ce que je peux vous mettre au bas de la liste?

M. Myron Thompson: Permettez-moi de poser une autre petite question.

La présidente: Très bien.

M. Myron Thompson: J'aimerais poser à M. Gibbs une question que je n'ai pas encore abordée. Il nous a dit combien l'appui communautaire était important. J'aimerais savoir dans quelle mesure la Commission nationale des libérations conditionnelles informe les gens sur les individus qui vont vivre dans leur milieu.

Deuxièmement, j'ai une déclaration qui précise que la Commission nationale des libérations conditionnelles ne considérait pas Hector comme un délinquant dangereux, même s'il s'était servi d'une arme pour commettre les vols dont il avait été reconnu coupable, simplement parce qu'il n'avait pas tiré de coup de feu. Est-ce que c'est exact?

M. Willie Gibbs: Oui, c'est exact. Les deux membres de la Commission qui ont voté, dans son cas...

L'hon. Sheila Finestone: Excusez-moi, j'aimerais vérifier si j'ai bien compris. Ce sont deux membres de la Commission qui ont voté au sujet d'une personne avec de tels antécédents?

M. Willie Gibbs: Oui, ce sont les deux membres qui ont voté pour lui accorder sa semi-liberté et plus tard sa libération conditionnelle totale.

L'hon. Sheila Finestone: Merci.

M. Willie Gibbs: Par conséquent, les quatre membres étaient convaincus de la non-violence de son infraction.

Ils étaient tous dans l'erreur. Nous avons donc informé ces quatre membres ainsi que tous les autres membres du pays qu'un vol à main armée est considéré comme une infraction violente en vertu de l'annexe I de la loi, dès lors que l'arme est chargée, qu'un coup soit tiré ou non. Par conséquent, il y a eu une mise au point.

M. Myron Thompson: Merci. Merci de votre bienveillance, madame la présidente.

La présidente: Je vous en prie. Madame Finestone, est-ce que vous voulez prendre la suite?

L'hon. Sheila Finestone: Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais dire à M. Gibbs que j'ai écouté avec grand intérêt les informations qui nous ont été fournies.

Monsieur Gibbs, est-il vrai que la Commission nationale des libérations conditionnelles a accepté la recommandation et s'engage à faire en sorte que les résultats des rapports d'enquête... Je cite vos propres recommandations:

    La CNLC s'engage à diffuser largement au sein de l'organisation les résultats des rapports d'enquête. Actuellement, la CNLC distribue 28 exemplaires de chaque rapport d'enquête au bureau national et dans les bureaux régionaux. Tous les rapports sont disponibles dans les deux langues officielles.

—c'est très impressionnant—

    Tous les membres de la Commission reçoivent un exemplaire du sommaire de chaque rapport par l'intermédiaire des vice-présidents régionaux et du vice-président, Section d'appel. Les membres de la Commission peuvent obtenir un exemplaire du rapport complet

—et je souligne ceci—

    afin de le consulter plus en détail. D'autre part, les directeurs régionaux reçoivent un exemplaire de chaque rapport, y compris un sommaire et mettent le rapport à la disposition des membres du personnel qui souhaitent l'examiner.

J'aimerais savoir, monsieur Gibbs, si vous êtes nommé par décret du conseil?

M. Willie Gibbs: C'est exact.

L'hon. Sheila Finestone: Pensez-vous, lorsque vous prêtez serment de vous acquitter de la tâche qui vous est attribuée à vous ou à tout autre membre de la Commission, que vous pouvez exécuter cette tâche avec efficacité et efficience et dans l'intérêt du grand public en mettant les rapports à la disposition des membres? Chacun est libre de les lire ou non. Vous avez une approche très éclairée de vos responsabilités et vous estimez que c'est à chacun de décider.

M. Willie Gibbs: Toutes les informations que vous nous avez données sont exactes. Il y a 28 rapports et chaque bureau régional en reçoit un.

Chaque membre de la Commission reçoit un sommaire, les conclusions et les recommandations relatives à chaque cas. Vous savez que les rapports sont assez épais, aussi nous estimons que les membres peuvent se contenter de lire l'essentiel des conclusions et des recommandations afin d'apprendre des erreurs, etc.

• 1035

L'hon. Sheila Finestone: Cela me paraît tout à fait étonnant, monsieur Gibbs. Je trouve cela absolument renversant. Combien de rapports un membre de la Commission des libérations conditionnelles nommé par décret du conseil doit-il lire en moyenne chaque mois?

M. Willie Gibbs: Des rapports de ce genre?

L'hon. Sheila Finestone: Oui.

M. Willie Gibbs: Ce ne serait pas en un mois. Ce serait...

L'hon. Sheila Finestone: Ce ne serait pas en un mois. Est-ce que ce serait trop leur demander que de s'attendre à ce qu'ils lisent tous les rapports provenant des différents intervenants—les services correctionnels, les surveillants de liberté conditionnelle, les agents de correction, le rapport psychologique, etc.? Est-ce que vous pensez que ce serait une tâche terrible? Combien de pages cela représenterait-il en un mois?

M. Willie Gibbs: Ce serait environ un rapport tous les deux mois. Comme je l'ai dit, ils ont...

L'hon. Sheila Finestone: Et est-ce qu'ils sont payés toutes les semaines, tous les mois? En fonction des besoins?

M. Willie Gibbs: Je ne peux pas répondre à cela.

Vous avez vu les deux rapports. Vous savez combien de pages ils contiennent. À mon avis, il leur suffit de connaître les principales questions soulevées, les résultats, les conclusions et la recommandation.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Gibbs, cela me paraît tout à fait incorrect. C'est carrément déplacé. Connaissant certains membres des commissions des libérations conditionnelles, j'ai l'impression que certains sont très consciencieux et que d'autres sont très paresseux. Et certains d'entre eux sont responsables des questions graves sur lesquelles nous nous penchons aujourd'hui. Le bien-être de notre société est remis en question par la paresse et l'incompétence... et personne n'exige que les membres prennent connaissance des rapports dans leur intégralité et aient une connaissance globale de chaque cas.

Je ne connais rien à ce genre de travail, mais quand je lis ce rapport, rien qu'à partir des renseignements ordinaires qu'il contient, je me dis que toute personne sensée devrait chercher à mieux comprendre le dossier du délinquant en question, avant de le mettre en liberté conditionnelle.

Je reconnais que vous avez une obligation et que vous devez autoriser certains détenus à réintégrer la société et à reprendre leurs activités quotidiennes. Mais, il faut tenir compte du dossier et des circonstances propres à chaque délinquant. S'il est de notre ressort d'aider les délinquants à se réinsérer dans la société, il faut dire que ce n'est pas une science pure et qu'il faut faire preuve de prudence. Par conséquent, vous devez être doublement prudents avant de libérer un délinquant et vous êtes au moins tenus de lire et de comprendre le cas de chacun et de vous interroger sur chaque cas.

Cela étant dit, j'aimerais savoir, monsieur Ingstrup, s'il existe un processus visant à faire signer les documents. Par exemple, est-ce que vos agents de correction sont tenus de signer, lorsqu'ils effectuent des surveillances, les témoignages qu'ils recueillent auprès des membres des commissions de libération conditionnelle ou de la Société John Howard lorsqu'ils obtiennent des informations précisant que telle personne a utilisé une arme ou a commis un meurtre ou qu'elle a commis une infraction et qu'elle pourrait présenter un danger pour le public? Est-ce qu'il y a quelque part un document signé qui peut être consulté par l'entrepreneur qui se propose d'engager ce délinquant ou la femme qui est prête à l'héberger—est-ce que vos agents ont un document écrit qui vous permettrait d'éviter d'avoir à répondre à des questions semblables à celles que M. MacKay vous a posées? Est-ce qu'il y a des documents signés quelque part?

Le commissaire Ole Ingstrup: La signature est implicite, dans le sens que les surveillants de liberté conditionnelle classent les renseignements dans leurs dossiers, si bien que l'on sait exactement d'où proviennent les informations. Aucune directive n'exige que tout soit signé de manière traditionnelle, mais on sait exactement d'où proviennent les informations et qui en est responsable.

Madame Finestone, je pense qu'il y a un malentendu au sujet de la lecture des rapports. À ma connaissance, ce n'est pas facultatif pour les membres de la Commission...

L'hon. Sheila Finestone: C'est écrit ici.

Le commissaire Ole Ingstrup: ... ni pour les membres de mon service de lire chaque dossier qui leur est confié. Il ne faut pas confondre avec les dossiers d'enquête. Dans leur cas, les gestionnaires s'arrangent pour communiquer les faits et les mesures à prendre aux membres de la Commission et bien entendu à nos membres. Ce sont deux types de rapports différents.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Ingstrup, je ne vous demandais pas... Ce sont des fonctionnaires. Ce sont des nominations générales en vertu de certains objectifs.

Le commissaire Ole Ingstrup: Je comprends.

L'hon. Sheila Finestone: Il y a quelque chose d'autre que j'aimerais comprendre. Vous pouvez enregistrer les conversations et vous embauchez du personnel pour faire cette surveillance. Et pourtant, dans l'un des cas, vous indiquez dans votre rapport que vous avez renvoyé le représentant de la Société John Howard. Pourquoi avez-vous renvoyé ce travailleur de la Société John Howard qui ne disposait pas de la moitié des informations dont il avait besoin pour effectuer son travail? Pourquoi a-t-il été renvoyé? Et pourquoi avez-vous par la suite signé un contrat avec un autre service du secteur privé? Pour quelle raison avez-vous agi de la sorte?

• 1040

Le commissaire Ole Ingstrup: Madame la présidente, madame Finestone, permettez-moi de vous expliquer ce qui s'est passé. Nous n'avons renvoyé personne de la Société John Howard...

L'hon. Sheila Finestone: Je l'ai lu quelque part et je...

Le commissaire Ole Ingstrup: Étant donné que la personne qui était en charge de M. Hector était le seul membre de la Société John Howard à travailler pour nous à l'époque, nous avons résilié le contrat. Pourquoi l'avons-nous fait? Simplement parce que cette personne ne répondait pas aux normes stipulées dans le contrat, à savoir les deux normes de surveillance du SCC. Les services de surveillance que fournissait cette personne ne respectaient pas les obligations contractuelles. Par conséquent, nous avons résilié le contrat.

Nous avons confié ce travail de surveillance à une autre personne qui nous a fourni ce genre de service pendant longtemps. Les rapports ont confirmé qu'elle faisait un excellent travail et que ses services de surveillance ne posaient absolument aucun problème.

À mon sens, ce sont des décisions de gestion tout à fait responsables qui ont été prises. Le contrat a été résilié parce que les conditions n'ont pas été respectées. Il s'avère après vérification qu'un autre contrat donne de bons résultats, par conséquent, il est maintenu.

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Ingstrup, vous parlez d'une personne de la Société John Howard. J'ai beaucoup de respect pour la Société John Howard, ainsi que pour la Société Elizabeth Fry. Je m'inquiète lorsque je vous entends parler de la Société, de la personne avec qui vous aviez un contrat et que vous résiliez votre contrat avec la Société John Howard plutôt qu'avec son employé uniquement. Voilà ce que j'ai entendu. Je ne sais pas si j'ai mal compris. Je ne pense pas avoir mal lu, mais j'ai peut-être mal entendu.

Par la suite, vous vous adressez à un autre entrepreneur du secteur privé plutôt que de chercher à comprendre pourquoi l'employé de la Société John Howard... Je ne connais pas cette personne et je ne connais pas Thunder Bay, par conséquent je ne suis pas directement concernée, mais c'est une question de principe.

À mon avis, vous étiez aussi fautifs sinon plus que cette personne chargée de la surveillance, parce que vous ne lui aviez pas donné assez d'informations. Vous ne lui aviez même pas donné de documents écrits sur lesquels elle aurait pu s'appuyer pour faire la surveillance.

C'est dommage, lorsqu'on a un tel groupe, une organisation non gouvernementale qui a si bonne réputation au pays, de ne pas lui donner la possibilité... D'ailleurs, je veux entendre le point de vue de la Société John Howard. Vous avez résilié son contrat sans raison et puis vous avez engagé... Je ne sais pas, qui avez-vous engagé? Quelle est cette personne que vous avez engagée en remplacement et pourquoi ne l'avez-vous pas engagée au départ si elle offre un si bon service? Pourquoi aviez-vous donné le contrat à la Société John Howard?

Le commissaire Ole Ingstrup: Madame Finestone, je vais vous donner quelques précisions.

Nous avons plusieurs contrats avec la Société John Howard. C'est un organisme que nous respectons beaucoup. À dire vrai, sans la Société John Howard, nous ne pourrions pas faire aussi bien notre travail de surveillance. C'est un organisme qui joue un rôle important et qui fait un excellent travail dans la majorité des cas. Mais il arrive parfois, comme dans notre secteur, madame Finestone, que la Société John Howard connaisse des problèmes et dans ce cas, il faut prendre des décisions.

Ce que j'ai dit dans mes remarques préliminaires—je pense qu'il faut le souligner—ne s'adressait pas à la Société John Howard en général. Il était question de la Société John Howard de Thunder Bay. Et je crois qu'à l'époque, la Société John Howard de Thunder Bay était composée d'une seule personne, celle qui était justement chargée de la surveillance de ces deux délinquants.

Et qui était l'autre personne chargée de la surveillance? C'est intéressant dans les circonstances, puisqu'il s'agit de la personne avec laquelle nous avons actuellement un contrat. Il semble que le service fourni est excellent, d'après notre expérience et d'après la vérification. Cette personne est l'ancienne directrice générale de la Société John Howard qui a maintenant quitté ce poste et qui fait de l'excellent travail pour nous depuis des années.

• 1045

Par conséquent, il n'est absolument pas question d'imputer la faute à la Société John Howard. Et, madame Finestone, vous avez tout à fait raison de souligner que nous avons notre part de torts dans cette affaire, comme le rapport l'indique très clairement. Nous n'avons pas donné à la Société John Howard toutes les informations réclamées. Nous avons accepté certaines pratiques que nous n'aurions pas dû approuver.

Par conséquent, nous n'avons pas l'intention de décharger notre responsabilité sur la Société John Howard. J'aimerais au contraire que le comité comprenne combien nous sommes redevables envers la Société John Howard et ses activités.

En passant, il y a beaucoup d'autres organisations bénévoles comme la Société Saint Léonard qui nous sont d'un immense secours.

Les organisations volontaires et à but non lucratif gèrent de manière excellente plus de 150 maisons de transition sous contrat avec le SCC. Sans elles, on ne pourrait pas survivre... Il ne faudrait pas oublier non plus que ces organisations sont à l'origine de bon nombre d'initiatives progressistes et de mesures visant à améliorer la sécurité dans le secteur correctionnel.

L'hon. Sheila Finestone: Merci monsieur Ingstrup. C'est exactement ce que je voulais savoir. Je suis intransigeante à ce sujet.

J'aimerais tout simplement savoir s'il y a une différence de prix dans le contrat. Par exemple, est-ce qu'il y a une différence importante dans le contrat que vous avez signé avec cette ancienne agente de Thunder Bay qui était directrice et qui travaille maintenant à contrat, par rapport au montant normal que vous auriez versé à la Société John Howard pour un contrat de surveillance, par opposition à un contrat avec le secteur privé? Vous avez parlé plusieurs fois de contrats avec le secteur privé.

Le commissaire Ole Ingstrup: À ma connaissance, les prix sont plus ou moins normalisés. Je vous ferai savoir cet après-midi s'il y a des différences importantes. Nous allons le vérifier entre-temps.

L'hon. Sheila Finestone: Merci.

La présidente: Merci madame Finestone.

Je crois que nous sommes un peu serrés au point de vue temps et pour le déroulement de nos travaux, puisque le Comité du Cabinet chargé des opérations gouvernementales arrive à 11 h. Je vais donc réduire les tours de questions à cinq minutes environ. Je vais maintenant donner la parole à M. Ramsay et je vais vous demander d'être le plus bref possible pour permettre à tous vos collègues de participer.

M. Jack Ramsay: Mme Finestone a posé d'excellentes questions sur la compétence et je voudrais poursuivre dans la même ligne.

Dans le témoignage que nous avons entendu ce matin, nous avons appris que quatre membres de la Commission ignoraient qu'un vol à main armée était considéré comme une infraction avec violence. Que font-ils à la Commission s'ils ne savent pas qu'un vol à main armée est considéré comme une infraction avec violence? On peut se poser des questions sur leurs compétences.

J'aimerais en venir à un point précis. Je vais vous laisser répondre, mais je vais invoquer un cas précis, celui de Russell. Et je n'ai que cinq minutes.

Russell a entamé une liaison avec une femme en avril 1995. C'était une liaison très intime puisqu'il passait semble-t-il tellement de temps avec cette femme qu'il n'avait pas le temps de se chercher un emploi.

En janvier 1996, sept ou huit mois plus tard, cette liaison a pris fin.

Le commissaire Ole Ingstrup: Je suppose que la question s'adresse à moi.

D'après le rapport, la Commission d'enquête a signalé que le surveillant n'a pas interrogé l'ancienne conjointe de M. Russell. La Commission a déclaré—et je partage son avis—que l'on a manqué ainsi l'occasion d'obtenir d'autres renseignements sur M. Russell.

La Commission ne dit pas que le surveillant n'avait pas respecté les instructions, mais je pense qu'elle fait une bonne évaluation de la situation. Rétrospectivement, on peut dire en effet que nous n'avons pas tiré parti de cette possibilité.

• 1050

M. Jack Ramsay: Selon les informations confiées au comité, cette liaison s'est terminée de manière plutôt violente. En effet, cette femme a dû faire intervenir trois hommes de ses amis pour expulser M. Russell de chez elle et lui interdire de revenir. Il faudrait vérifier si tout cela est exact.

J'aimerais savoir si cette femme, dont le nom a été supprimé du rapport que j'ai lu, a été interrogée par les responsables de l'enquête qui a eu lieu après le meurtre de Darlene Turnbull.

Le commissaire Ole Ingstrup: Oui monsieur Ramsay, ils ont pris contact avec elle. Le rapport non retouché que vous verrez cet après-midi vous fournira peut-être sur la rupture de cette relation une meilleure description que le document que vous avez en main.

Cette femme a parlé aux membres de la Commission, mais pas au surveillant.

M. Jack Ramsay: Est-ce que l'on a des preuves révélant que M. Russell a agi de manière violente envers cette femme avec qui il avait une liaison? Est-ce qu'elle avait peur de lui? Est-ce que le rapport contient de tels renseignements?

Le commissaire Ole Ingstrup: Si je me souviens bien, cette séparation n'a pas été simple et harmonieuse. Il y a eu des éclats de voix et ils se sont un peu bousculés, mais, autant que je me souvienne, il n'y a pas d'agression de la part de M. Russell. Il y a eu quelques bousculades, mais pas d'agression ayant l'allure d'une tentative de meurtre, ni aucune violence grave.

Par contre, cette séparation ne s'est pas déroulée de manière simple et raisonnée comme le laisse entendre la Commission. Cet après-midi, vous aurez toutes les informations que la Commission a obtenues de cette personne.

La présidente: Merci monsieur Ramsay. Nous pourrons peut-être poursuivre dans cette direction cet après-midi.

Maintenant, c'est au tour de M. Telegdi.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci madame la présidente.

J'ai deux questions précises. Premièrement, est-ce que la Commission des libérations conditionnelles ou les Services correctionnels n'ont pas pour politique de ne pas libérer un délinquant sexuel dans la région où il a commis son crime?

Je peux vous dire que nous avons été saisis du cas de certains délinquants sexuels à qui il était expressément interdit de revenir au moment de leur libération conditionnelle dans la localité où ils avaient commis leur crime. Je peux vous citer des noms et vous donnez tous les autres renseignements. Il est également arrivé que des délinquants sexuels provenant d'autres localités soient libérés chez nous. Nous n'étions pas absolument au courant et ces individus ont commis des viols, des meurtres et d'autres infractions dans notre localité.

S'il fallait imposer une règle, je préférerais que le délinquant revienne dans la localité où tout le monde le connaît plutôt qu'il soit parachuté ailleurs où il n'est connu de personne. En plus, c'est plus logique, puisque le délinquant peut sans doute trouver une certaine aide dans son milieu.

Passons maintenant à la deuxième question. Je faisais auparavant de la surveillance des personnes en liberté sous caution. Nous faisions cela pour presque rien. Si l'on regarde les dossiers du bureau de Thunder Bay, on s'aperçoit qu'il y avait entre 28 et 38 cas de surveillance.

Vous savez, un délinquant incarcéré coûte 50 000 $ par an, alors, 30 personnes, cela commence à représenter beaucoup d'argent. Avec la main-d'oeuvre dont on dispose, je crois que ce serait impossible à réaliser. Je prends le cas d'un directeur sectoriel chargé de surveiller 17 personnes en liberté conditionnelle. Je ne comprends pas comment il peut assurer une véritable surveillance.

• 1055

Ses visites auprès des libérés se faisaient de plus en plus rares. Au début, c'était une fois par semaine, ensuite toutes les deux semaines, puis tous les mois. On ne vérifiait absolument pas si le délinquant travaillait ni comment il se débrouillait sur le plan financier. Je trouve que c'est totalement incroyable.

Vous avez mentionné que l'agent de la Société John Howard n'avait pas les qualifications nécessaires. J'ai du mal à comprendre pourquoi le Service correctionnel du Canada ne s'est pas donné la peine de vérifier si la personne qu'il engageait pour faire de la surveillance disposait bien des qualifications nécessaires.

Ayant moi-même fait de la surveillance, j'estime que le counseling a été incroyablement laxiste dans les deux cas. Je sais qu'en Ontario, certains agents de probation sont en charge de 100 à 140 personnes. Dans leur rapport, ils se contentent pratiquement de pointer les noms.

J'aimerais en savoir plus long à ce sujet. Quel genre de surveillance peut exercer une personne qui est en charge de 17 délinquants?

La présidente: Monsieur Gibbs.

M. Willie Gibbs: Madame la présidente, j'aimerais répondre à la première question concernant la politique de la Commission des libérations conditionnelles touchant les conditions et le lieu de libération de certains délinquants.

De manière générale, un détenu qui est jugé prêt à être libéré est élargi dans la localité d'où il provient. Il peut arriver, selon le cas, comme dans les deux cas sur lesquels nous nous penchons, que le délinquant soit d'abord mis en semi-liberté. Par conséquent, il faut qu'il y ait un centre correctionnel communautaire ou un centre communautaire d'accueil pour les libérés conditionnels dans cette localité.

Par conséquent, il peut arriver que certains délinquants soient libérés dans des localités qui ne sont pas les leurs, mais nous n'avons pas de directives fermes stipulant ou non que les délinquants doivent retourner dans leur localité.

Le commissaire Ole Ingstrup: Monsieur Telegdi, je vais répondre à votre deuxième question. Je pourrais vous donner plus de détails cet après-midi, mais pour le moment c'est impossible. Je peux vous dire tout simplement que dans ce cas particulier, le surveillant de la Société John Howard de Thunder Bay n'était pas dépourvu des qualifications nécessaires et je pourrais vous donner plus de détails à ce sujet cet après-midi. Il n'a tout simplement assez tenu compte des directives. Mais nous avons nous aussi des torts à ce chapitre. Par conséquent, ce n'est pas uniquement la Société John Howard qui est à blâmer.

La deuxième question que vous avez soulevée concerne la vérification. Vous avez raison de dire qu'il y a eu des lacunes. Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, non seulement le surveillant de la Société John Howard n'a pas recueilli d'informations complémentaires, mais notre directeur sectoriel n'a rien fait pour y remédier. C'est une erreur qui n'aurait pas dû se produire. Ce n'est pas la politique qui est mauvaise, c'est tout simplement qu'elle a été mal appliquée.

La plus importante de vos questions est vraiment celle qui concerne les ressources. Je crois que ce sont toujours les ressources qui manquent. Cependant, par rapport à sa population dans la collectivité, le Service correctionnel du Canada est, à ma connaissance, celui qui dispose, de par le monde, de la plus grande part des ressources communautaires.

Dans la situation en question, le surveillant avait une lourde tâche et c'est peut-être ce qui explique pourquoi le travail a été un peu négligé. Il avait 17 personnes sous sa surveillance. Il en avait beaucoup moins que ce qui est considéré comme la norme idéale, puisqu'on parle de un surveillant pour 25 détenus en liberté conditionnelle.

Je ne me sens pas insulté par votre remarque. Nous avons bien entendu étudié cette question très attentivement. Cependant, s'il y a bien un service correctionnel qui a investi dans ce que j'appellerais la prévention des rechutes—programmes offerts à l'intérieur des pénitenciers, gestion de cas en vue de leur présentation à la Commission et supervision et programmes communautaires—c'est bien le Service correctionnel du Canada. Je ne connais aucun autre service correctionnel qui dépense 25 p. 100 de son budget pour faire en sorte que la société bénéficie de la meilleure protection possible au cours de la transition entre l'établissement carcéral et la collectivité.

• 1100

Merci beaucoup.

La présidente: Je conserve la liste que j'ai et nous reprendrons les travaux cet après-midi.

Chers collègues, est-ce que je peux vous demander de revenir à 15 h pour reprendre immédiatement les travaux? Nous devons voter autour de 17 h ou 17 h 30 et j'aimerais utiliser au mieux le temps dont nous disposons. Je vois que les questions se suivent sans arrêt.

M. Peter MacKay: Madame la présidente, au sujet de la motion que j'ai présentée et par laquelle j'ai accepté de reporter à cet après-midi la présentation de ces classeurs, je me demande si nous aurons la possibilité d'y jeter un coup d'oeil. Je sais qu'il en est question dans tout le témoignage.

La présidente: Nous devons en parler ensemble. En tant que présidente, j'ai de la difficulté à exiger que ces documents soient présentés coûte que coûte.

Je crois qu'ils ont prévu que ces questions pourraient être posées et qu'ils ont préparé les réponses. Je crois en fait que cela ne nous regarde pas, mais nous pouvons par contre exiger que certains documents précis soient produits.

Par conséquent, je crois qu'il faudrait préciser le genre de document que vous voulez. Je ne vous refuse aucun document, je veux tout simplement que vous soyez plus précis, car je n'ai pas l'intention de vous laisser fouiller dans les documents qui seront apportés ici. Par conséquent, pourquoi ne pas en parler ensemble?

Je peux vous dire que vous ne pourrez conserver aucun document, parce que, selon l'entente, les documents doivent être examinés à huis clos.

Monsieur Ingstrup.

Le commissaire Ole Ingstrup: J'aimerais savoir, madame la présidente, si nous devons venir avec les rapports originaux à 15 h ou si vous voulez nous voir un peu plus tôt? Comment voulez-vous procéder cet après-midi?

La présidente: Je souhaite que les membres se présentent ici même le plus rapidement possible à 15 h, ou 15 h 5. Par conséquent, ce serait parfait si vous étiez ici avec les rapports à 15 h.

Le commissaire Ole Ingstrup: Nous y serons.

La présidente: Très bien. La séance est levée.