JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 10 mars 1999
Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Nous accueillons cet après-midi M. David Daubney, coordonnateur de la réforme du système de détermination de la peine au ministère de la Justice, et Mary Campbell, directrice des politiques correctionnelles au ministère du Solliciteur général.
Merci d'être venus ici cet après-midi. Selon la procédure établie, vous disposez d'une dizaine de minutes pour faire un exposé, après quoi vous répondrez aux questions des différents partis. Cela, c'est si vous avez préparé un exposé. Sinon, vous pouvez prendre connaissance de la législation proposée et nous faire vos commentaires. Je vous remercie.
M. David Daubney (coordonnateur, réforme du système de détermination de la peine, ministère de la Justice): Merci, monsieur le président. C'est moi qui vais commencer.
Bonjour, mesdames et messieurs. J'ai préparé quelques notes que j'ai demandé au greffier de distribuer.
Le projet de loi C-251 présente un certain nombre de difficultés pour le ministère. Certaines questions concernent des défauts dans la rédaction du projet de loi; d'autres sont plus fondamentales. Je commencerai par parler de certains aspects techniques.
• 1540
La clause 1 vise les délinquants sexuels récidivistes. C'est
certainement l'impression que l'on retire de la lecture des
discours de Mme Guarnieri devant la Chambre ainsi que devant votre
comité l'année dernière. Si tel est le groupe ciblé, la clause va
trop loin tout en n'étant pas assez audacieuse.
Elle va éventuellement trop loin parce qu'elle aboutirait à l'incarcération de la personne condamnée pour la première fois pour agression sexuelle si cette personne commet une autre infraction qui découle du ou des mêmes faits ou qui purge une autre peine pour toute autre infraction, quelle qu'elle soit.
Il se peut qu'elle soit à la fois trop rigoureuse et pas assez parce qu'elle ne fait référence qu'à un seul article du Code criminel, l'article 271, communément appelé l'article sur l'agression sexuelle de niveau un. Comme vous le savez, monsieur le président, les niveaux d'agression sexuelle se distinguent par la gravité des blessures et la présence d'arme. L'article 271 est le plus bas niveau, et il couvre une très vaste gamme de comportements, allant des attouchements non désirés à l'infraction traditionnelle de viol. C'est ce qui ressort par ailleurs des peines prononcées, car en dépit d'une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement, un nombre significatif de condamnations pour agression sexuelle de niveau un ne se traduisent pas par une peine de prison.
Enfin, cette clause ne va éventuellement pas assez loin, du moins du point de vue de celle qui la préconise, parce qu'il y a des infractions sexuelles beaucoup plus graves dans le code qui ne sont pas visées, notamment à l'article 272 (niveau deux) agression sexuelle armée ou infliction de lésions corporelles qui rendent passible d'une peine maximale de 14 ans; et l'article 273 (niveau trois) agression sexuelle grave qui rend passible de la peine maximale d'emprisonnement à vie. Ma collègue évoquera un certain nombre de ces questions en se référant aux statistiques sur la détermination de la peine.
Ce projet de loi a déjà revêtu trois formes différentes au cours de la présente législature et dans la précédente. Depuis la première mouture, le Parlement a adopté un certain nombre de textes législatifs qui ont trait à la portée de cette loi.
La première est le projet de loi C-55, qui ciblait le type de prédateurs dont s'inquiète le parrain du projet de loi, où a été introduit la notion de contrevenant à long terme qui se trouve maintenant dans le code. Si un tribunal est convaincu qu'un contrevenant, qui a été condamné pour une conduite grave de nature sexuelle, ou a eu une conduite grave de nature sexuelle au cours de la perpétration d'une autre infraction, présente un risque important de récidive, et s'il existe une possibilité qu'il cause des blessures, de la douleur ou quelque autre dommage à d'autres personnes par son comportement sexuel, le contrevenant peut alors être considéré comme un contrevenant à long terme et, en plus de le condamner à une peine d'emprisonnement dans un pénitencier, on peut exiger qu'il soit placé sous surveillance dans la collectivité pour un maximum de 10 ans.
Par ailleurs, en ce qui concerne la clause 2, le projet de loi n'a pas traduit l'adoption des mesures législatives de la dernière législature dont va vous parler ma collègue; en l'occurrence le projet de loi C-45. De même, il ne reflète pas l'état du droit depuis un certain temps—soit qu'un contrevenant qui purge une peine d'emprisonnement à perpétuité, qui se trouve encore dans le délai d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans et qui est condamné à une seconde peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre au premier degré, commencera une nouvelle période d'inadmissibilité de 25 ans à compter de sa date d'arrestation pour le second homicide. Si donc cela se produit après qu'il a purgé sa peine, disons de 24 ans, il n'aura pas droit à la libération conditionnelle encore pendant 25 ans. Une bonne part de ce que cette clause 2 cherche à faire est déjà prévue dans notre droit.
Enfin, j'attire l'attention du comité sur des modifications importantes figurant dans le projet de loi C-41 lors de la dernière législature. Elles portent sur une réforme générale du régime de la détermination de la peine mais, du point de vue de ce projet de loi, l'important, ce sont les principes de détermination de la peine, que le Parlement a pour la première fois insérés dans notre code. Je crains que l'économie générale de cette loi s'oppose à trois principes fondamentaux: le principe d'un recours limité et mesuré à la peine d'emprisonnement, celui de la proportionnalité et celui de la totalité. Je vous renvoie aux articles concernés et je vous en ai fourni une copie.
Le principe de la totalité confirme une longue jurisprudence selon laquelle lorsque des peines consécutives sont infligées, la peine combinée ne doit être ni trop longue, ni trop sévère. Ce principe s'explique pour deux raisons: tout d'abord, il faut qu'il y ait une proportionnalité entre les actes commis et la peine globale; ensuite, que même si chacune des peines peut être éventuellement appropriée, la peine globale ne doit pas être, selon les termes employés par la Cour suprême du Canada, «une peine accablante», qui ne concorde pas avec le dossier judiciaire et les possibilités de réhabilitation du délinquant.
J'attire aussi l'attention du comité sur les dispositions du paragraphe 718.3(4) du code, qui codifie le pouvoir discrétionnaire que les tribunaux ont d'infliger des peines consécutives dans les deux situations mentionnées par la clause 1. J'ajouterai que la terminologie correspondante figure dans notre code depuis qu'il a été adopté pour la première fois en 1892.
• 1545
Les tribunaux canadiens possèdent certes un pouvoir
discrétionnaire, mais la jurisprudence dit clairement que, s'il n'y
a pas de rapport entre les actes criminels commis, les tribunaux
doivent infliger des peines consécutives, en tenant compte de leur
durée totale. En règle générale, des peines consécutives doivent
être infligées pour des infractions multiples découlant d'activités
criminelles distinctes—ce sont les «séries d'infractions» que j'ai
décrites dans mes observations. Des peines concurrentes sont en
général infligées pour des infractions multiples qui résultent d'un
acte criminel continu ou d'une seule activité: par exemple, si le
contrevenant est condamné pour différentes agressions commises au
cours d'une bagarre dans un bar.
Comme l'a déclaré la Commission canadienne sur la détermination de la peine, la peine concurrente:
-
«en premier lieu, [...] offre à la cour la possibilité de prononcer
des sentences proportionnelles à la gravité des infractions en
cause sans bouleverser la durée globale de la sentence imposée. De
ce fait, elle élimine toute nécessité de réduire les sanctions
applicables à chaque infraction particulière pour que le résultat
global soit juste.
La jurisprudence a été assez fournie dans ce domaine, comme vous pouvez l'imaginer. L'arrêt le plus récent a été prononcé par la Cour suprême du Canada dans l'affaire C.A.M., confirmant que le principe de totalité impose au juge qui impose au contrevenant une série de peines consécutives de veiller à ce que la peine cumulée ne dépasse pas l'ensemble des peines prévues pour réprimer la culpabilité du délinquant.
Il est à signaler que dans cette affaire, la Cour suprême a confirmé les peines consécutives se montant au total à 25 ans au titre d'un certain nombre d'agressions sexuelles et autres, affirmant que ce n'était pas disproportionné. Voilà un exemple et un signal donné par le tribunal suprême selon lequel les tribunaux ont le pouvoir d'infliger des peines consécutives et qu'ils ne s'en privent pas.
Les tribunaux prennent les infractions multiples ou les récidives très au sérieux et les statistiques sur l'application des peines montrent que le casier judiciaire est le principal indicateur d'une peine plus lourde.
Je vous renvoie à une citation de l'arrêt prononcé par le juge en chef dans cette affaire, qui traite plus particulièrement de la clause 2 du projet de loi. Je m'abstiendrai de lire ce passage, mais je vous signale que la cour rappelle aux autres tribunaux chargés de prononcer les peines qu'ils doivent tenir compte de l'âge du contrevenant lorsqu'ils appliquent les principes de la détermination de la peine afin de s'assurer que la peine prononcée doit avoir un sens dans le cadre de ces principes.
Dans l'arrêt Luxton, auquel je renvoie par ailleurs les membres du comité, le juge en chef nous rappelle que même pour les meurtriers, il convient qu'il y ait une certaine adéquation entre la peine et le crime commis. Le juge en chef a fait une comparaison entre la rétribution et la vengeance, et je vous ai reproduit les termes qu'il a employés.
Ces citations peuvent éclairer le comité sur la façon dont la Cour suprême pourrait mesurer les changements proposés dans la loi, en particulier les modifications de la Loi sur le Système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Plus les changements s'écarteront de ces principes, moins les tribunaux seront tentés de les appliquer.
Il faut bien évidemment appliquer de lourdes peines aux meurtriers et il est indéniable que certains meurtriers récidivistes sont si dangereux qu'il peut être préférable de ne jamais les relâcher. Il y en a qui ne le seront jamais et certains de ceux qui purgent actuellement leur peine ne le seront jamais. Toutefois, ces modifications vont automatiquement condamner les contrevenants à des peines de prison dont la durée, bien souvent, dépasse ce qu'il leur reste à vivre. Ce faisant, on supprime toute possibilité de réhabilitation et, aux yeux du ministère, il s'agirait là dans bien des cas d'une peine cruelle et inhabituelle.
Une disposition de cette nature donnerait des résultats totalement disproportionnés dans un certain nombre d'affaires auxquelles on peut raisonnablement penser. Prenons par exemple le cas d'un jeune contrevenant qui, au cours d'une année, tue deux personnes. Entre l'âge de 14 et de 18 ans, il est traduit devant un tribunal pour adultes. Il est passible de 50 années de prison, ce qui serait, selon les termes employés par la Cour suprême, «une peine accablante» pour une personne qui n'a pas encore atteint l'âge de la maturité.
Si cette personne est plus âgée, si elle a 30 ans par exemple, cette même peine la maintiendra vraisemblablement en prison jusqu'à la fin de sa vie, quelles que soient les possibilités de réhabilitation que l'on peut envisager. Il se peut que ce soit approprié dans certains cas, mais il est difficile de dire que ça l'est dans tous.
Je termine ici mon exposé, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Daubney.
Si cela peut intéresser le comité, M. Daubney en a été le président en 1987 et en 1988. Je suis sûr qu'il est très intéressant d'être de l'autre côté du banc.
M. David Daubney: Je préfère être à votre place.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Madame Campbell.
Mme Mary E. Campbell (directrice, Politiques correctionnelles, ministère du Solliciteur général du Canada): Merci, monsieur le président.
Je m'efforcerai à mon tour de faire un court exposé tout aussi utile. Je vous ai remis un document en anglais et en français; je me contenterai de le simplifier et d'en exposer les principaux points. Par la suite, je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudrez me poser à son sujet. Je sais qu'il comporte de nombreuses statistiques et je m'efforcerai, comme je viens de le dire, d'en donner les grandes lignes.
J'aborderai tout d'abord la question des agressions sexuelles. Vous pouvez voir dans le document que je vous ai distribué que l'on y confirme en grande partie l'argumentation de M. Daubney, selon laquelle nombre de ces préoccupations sont d'ores et déjà prises en compte par le système actuel. J'aborderai rapidement six grands domaines.
Le premier, que vous pouvez voir à la page 1, est celui des statistiques sur la détermination des peines—les lois et les pratiques actuelles en matière de détermination des peines. M. Daubney vous a dit que les sanctions étaient d'ores et déjà très sévères.
Nous savons que de manière générale les peines sont déjà bien plus lourdes pour les délinquants sexuels que pour les autres délinquants, et nous savons aussi qu'à l'intérieur de la catégorie des délinquants sexuels, les tribunaux appliquent un barème progressif en fonction de la gravité des infractions. Vous voyez donc que lorsqu'on en arrive à une agression sexuelle de niveau trois, 75 p. 100 des personnes emprisonnées, rien de moins, se retrouvent dans un pénitencier. Il ressort de ces chiffres qu'en général les tribunaux prennent d'ores et déjà très au sérieux les infractions sexuelles.
Le deuxième domaine dont je veux vous parler est celui des peines imposées aux récidivistes, qui figurent au bas de la page 1. En règle générale, les tribunaux imposent déjà des peines plus lourdes à tous les délinquants récidivistes et il en est de même plus particulièrement pour les délinquants sexuels. Les délinquants sexuels récidivistes reçoivent en moyenne des peines plus lourdes que les délinquants n'ayant commis qu'une seule infraction.
Passons maintenant en haut de la page 2, le troisième domaine que je tiens à souligner au sein du système est celui de l'admissibilité à la libération conditionnelle. On y fait état du calcul des peines, et j'entends par cela le calcul de l'admissibilité à une libération conditionnelle dans le cas d'un récidiviste ou d'un multirécidiviste.
En 1995, le gouvernement a justement entrepris une vaste consultation sur cette question, et il en est résulté une réforme législative de ce mécanisme de consultation. Je dirais entre parenthèses que les consultations se sont étendues à un large auditoire. Nous avons parlé bien entendu aux victimes, à la police et aux délinquants. Nous avons aussi consulté les juges ainsi que nos collègues provinciaux au sein du système d'administration de la justice pénale. Ce processus de consultation s'est révélé très important compte tenu des changements qui en ont résulté.
En résumé, et il s'agit là d'un domaine très complexe du droit—le système adopté à la suite de ces réformes fait en sorte qu'un délinquant faisant l'objet d'une peine de prison et qui par la suite reçoit une nouvelle peine de prison en subit les conséquences. S'il bénéficie d'une libération conditionnelle et s'il est condamné à nouveau, que ce soit à des peines consécutives ou concurrentes, la libération conditionnelle est automatiquement révoquée et l'intéressé retourne en prison. Nous n'avons absolument pas le choix; l'intéressé est écroué.
De plus, si une nouvelle peine consécutive est prononcée, la nouvelle période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle sera calculée en fonction de cette nouvelle peine. S'il s'agit d'une peine concurrente, elle sera calculée en fonction de la période normale prévue pour les peines combinées et l'intéressé n'aura pas nécessairement à purger une période supplémentaire. On tient compte en cela du fait que le juge a décidé de prononcer une peine concurrente. L'intéressé sera toutefois emprisonné à nouveau, il lui faudra redemander sa libération conditionnelle et convaincre la commission des libérations conditionnelles qu'en dépit de cette rechute, il mérite qu'on lui accorde une nouvelle libération conditionnelle.
Donc, sur le plan de l'admissibilité à la libération conditionnelle, les récidivistes font face d'ores et déjà aux graves conséquences de leurs actes.
Pour ce qui est de la politique de la commission des libérations conditionnelles, la situation des récidivistes est prise très au sérieux. On ne manque pas de tenir compte des infractions ultérieures. Il n'est pas question de laisser passer les récidives sans les sanctionner. Les politiques de la commission des libérations conditionnelles sont très explicites et j'en ai donné quelques exemples dans cette page.
Les antécédents criminels sont une préoccupation majeure de la commission des libérations conditionnelles. Les antécédents criminels, ce sont toutes les infractions dont le délinquant a été reconnu coupable. Il n'y a pas de distinction entre peines consécutives et concurrentes; ce sont toutes les infractions dont il a été reconnu coupable.
Je n'entrerai pas dans les détails. Vous pouvez voir que la politique de la commission a ici d'autres conséquences pour les récidivistes.
• 1555
La politique de la commission est confirmée par les
statistiques des libérations conditionnelles pour les auteurs
d'infractions sexuelles, qui figurent aux pages 4 et 5. Je n'ai pas
pu ici ventiler les chiffres en fonction des infractions sexuelles
multiples. Nous avons fait ici la distinction entre infractions
sexuelles et infractions non sexuelles. Vous pouvez voir cependant
que les délinquants sexuels sont traités plus durement par la
commission des libérations conditionnelles que les auteurs
d'infractions non violentes. Si vous ajoutez à cela la politique de
la commission concernant les récidivistes, vous pouvez en conclure
que la commission est d'ores et déjà très sévère envers ces gens.
Pour ce qui est des mises en semi-liberté, le pourcentage de libérations conditionnelles s'appliquant aux délinquants sexuels est très semblable à celui qui s'applique aux autres délinquants mais, en matière de libération conditionnelle totale, ce pourcentage est bien plus faible pour les délinquants sexuels que pour les auteurs d'infractions non violentes, par exemple. Lorsqu'on parle d'infractions non prévues aux annexes, on se réfère essentiellement aux auteurs d'infractions non violentes.
L'autre élément que je veux souligner ici, c'est que les délinquants sexuels purgent en moyenne une plus grande partie de leur peine en prison avant de bénéficier d'une libération conditionnelle. Il est bon de savoir combien d'entre eux bénéficient d'une libération conditionnelle, mais il faut voir aussi à quel moment de leur peine ils en bénéficient. De manière générale, qu'il s'agisse des mises en semi-liberté ou des libérations conditionnelles totales, les délinquants sexuels purgent en prison une plus grande partie de leur peine que les auteurs d'infractions non sexuelles.
Enfin, si l'on examine les statistiques de la page 5—et cela pourra en surprendre certains—on voit que les délinquants sexuels se comportent de manière générale très bien pendant leur libération conditionnelle, que ce soit en terminant leur libération conditionnelle sans incident ou en allant jusqu'au bout sans commettre une autre infraction. Comme vous pouvez le voir, le taux de réussite pour les semi-libertés est d'environ 90 p. 100 alors qu'il se situe aux alentours de 85 p. 100 pour les libérations conditionnelles totales. Je vous donne ces chiffres sans faire de jugement de valeur en vous précisant qu'ils sont très élevés et qu'ils se comparent très favorablement, comme vous pouvez le voir, à ceux qui s'appliquent aux autres auteurs d'infractions en libération conditionnelle.
Je reviens à la page 2 pour vous dire très rapidement ce qui nous paraissent être les conséquences les plus probables du projet de loi C-251 du point de vue des coûts et de ses effets sur la population des détenus. Là encore, c'est simplement pour vous donner les chiffres. Nous nous sommes penchés sur les délinquants sexuels qui, à notre avis, seraient touchés par ces mesures et nous en venons à la conclusion que chacun d'entre eux verrait sa peine se prolonger de 5,4 ans. De manière générale, les peines s'allongeraient de quelque 68 p. 100.
Nous avons très rapidement calculé les coûts qui en résulteraient. Je signalerai simplement ici que ces coûts sont composés, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'une simple addition mathématique. Lorsqu'on enferme pendant plus longtemps un plus grand nombre de délinquants, les chiffres se composent au fil des années, de sorte qu'ils finissent par être très élevés.
Le dernier point que je tiens à souligner ici, c'est qu'il ne nous faut pas oublier que ce projet de loi a des répercussions sur les provinces et les territoires. Il s'applique à toutes les condamnations pour agression sexuelle et, comme vous pouvez le voir ici, nombre de peines de prison infligées sont des peines provinciales. Nous ne pouvons que conclure que cela aura des répercussions non négligeables sur la population des détenus dans les provinces et les territoires. Pour l'instant, nous n'avons pas eu la possibilité de les consulter, que ce soit en termes de politiques ou de prise en charge par les services correctionnels. N'oublions pas cependant que ce projet de loi a des implications provinciales.
J'en viens maintenant au meurtre, à la page 6 de notre document. Nous avons tout d'abord cherché à savoir quel était le nombre de criminels visés. Nous avons cherché à répartir la population entre les auteurs de plusieurs meurtres au cours d'un même incident, si vous voulez, comparativement à ceux qui ont commis plusieurs meurtres sur une certaine période—avec un intervalle entre les faits et sans qu'il y ait de lien entre les différents incidents. Nous avons qualifié ces derniers de récidivistes, tout simplement pour établir une distinction au sein de cette population. Ce sont les chiffres que vous voyez en haut de la page.
J'insiste sur ce que vous pouvez voir au sujet des peines actuellement prononcées pour les meurtriers récidivistes. M. Daubney a évoqué la question. Il est très important, au deuxième point qui est consigné ici, de se souvenir des dispositions de l'alinéa 745b) du Code criminel. C'est la loi qui s'applique actuellement. On y dispose qu'une personne condamnée pour un meurtre au deuxième degré et qui reçoit une deuxième condamnation pour un meurtre au deuxième degré sera traitée comme s'il s'agissait d'un meurtre au premier degré. L'inadmissibilité a une libération conditionnelle portera automatiquement sur une période de 25 ans au titre de cette deuxième condamnation pour un meurtre au deuxième degré, même si en droit il ne s'agit que d'un meurtre au deuxième degré. Par conséquent, notre code reconnaît d'ores et déjà la gravité d'une deuxième condamnation pour meurtre et la sanctionne très sévèrement.
• 1600
Comme l'a indiqué M. Daubney, le gouvernement a exclu en 1997
les auteurs de multiples meurtres du mécanisme de révision prévu au
bout de 15 ans. M. Daubney a aussi évoqué le fait que pour les
récidivistes, il ne faut pas oublier que le délai d'inadmissibilité
à une libération conditionnelle repart de zéro chaque fois, et l'on
peut donc dire que ces périodes sont consécutives.
À l'avant-dernier paragraphe de cette même page, on fait référence au mécanisme de détermination des peines s'appliquant aux meurtriers au Canada comparativement à celui d'autres pays. Je vous renvoie au tableau qui figure à la fin de notre document et dans lequel nous avons fait état de la situation existant dans différents pays, en nous fondant sur les recherches disponibles et sur les réponses que l'on a bien voulu nous donner par téléphone.
Vous pouvez voir à la page 2 du tableau que pour ce qui est des meurtres au premier degré, le délai moyen d'inadmissibilité a une libération conditionnelle est de 9,5 ans dans ces pays, alors qu'au Canada elle est de 25 ans, soit plus du double. Comme l'indique la note, il y a la possibilité de procéder à une révision au bout de 15 ans à l'intérieur de cette catégorie, et il ne nous faut donc pas l'oublier. Nous pourrons discuter de certains de ces chiffres si vous le voulez, mais vous pouvez déjà voir que la loi est déjà deux fois plus sévère au Canada que dans la plupart de ces autres pays pour ce qui est des délais d'admissibilité.
Quant à la durée effective des peines purgées par ces individus avant qu'ils soient libérés, là encore elle est en moyenne de 14,3 années dans ces différents pays, alors qu'elle est de 28,4 années au Canada. Le système canadien est donc à l'heure actuelle très sévère pour les meurtriers au premier degré comparativement à la norme internationale.
Pour ce qui est des statistiques sur les libérations conditionnelles des meurtriers... Je ne vais pas entrer dans les politiques de la commission des libérations conditionnelles, parce que nombre des questions se posent de la même manière. Là encore, on y prend très au sérieux les récidives. Rien n'est laissé de côté. Sur le plan des statistiques, vous voyez à la page 9 que le pourcentage de mises en semi-liberté des meurtriers est très élevé alors qu'il est extrêmement faible pour ce qui est des libérations conditionnelles totales. On ne s'y attendrait pas. Ces individus bénéficient d'un fort pourcentage de mises en semi-liberté. Les statistiques du bas de la page vous montrent qu'ils se comportent très bien en semi-liberté. La commission devient très prudente, toutefois, lorsqu'il s'agit d'accorder des libérations conditionnelles totales à ce groupe. C'est l'une des conclusions logiques qui s'impose à moi compte tenu du très faible pourcentage de libérations conditionnelles totales accordées.
À la page 10, nous nous sommes efforcés de vous donner des statistiques sur les pourcentages d'achèvement—les taux de réussite, si vous voulez—concernant les meurtriers. C'est assez difficile à mesurer étant donné qu'un meurtrier qui bénéficie d'une libération conditionnelle totale n'en finit en quelque sorte jamais. Il est là à perpétuité. C'est pourquoi j'ai indiqué en haut de la page «achèvements» entre guillemets. Il s'agit simplement de pourcentage de personnes qui sont sorties sans poser de problème, mais qui seront là pour toujours. La période ne prend pas fin.
Je dirais deux choses au sujet des répercussions de ce projet de loi. En ce qui a trait tout d'abord à la première partie de l'article 2, qui a trait aux peines prononcées à perpétuité ou pour une durée fixe, je tiens à bien préciser que cela existe déjà dans la loi actuelle. Cela faisait là encore partie des réformes de 1995. Une personne qui purge une peine à perpétuité et qui reçoit une nouvelle peine de durée fixe doit purger la période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle correspondant à cette nouvelle peine de durée fixe. Par définition, cette nouvelle peine de durée fixe est concurrente, puisque vous savez qu'au Canada on ne peut pas prononcer deux peines à perpétuité consécutives. Il n'en reste pas moins que le condamné à perpétuité purgera la période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle correspondant à la nouvelle peine de durée fixe.
Pour ce qui est de la deuxième partie de l'article 2, qui impose une deuxième peine à perpétuité pour un meurtrier récidiviste, nous estimons après avoir effectué tous les calculs que la durée moyenne d'emprisonnement d'un récidiviste, de l'auteur de meurtres en série, passera d'environ 31 ans à 69 ans, ce qui est un véritable bond. Pour les auteurs de plusieurs meurtres lors d'un seul incident, la durée moyenne d'incarcération passera d'environ 19 ans à 45 ans avant qu'ils puissent prétendre à bénéficier d'une libération conditionnelle. Là encore, lorsque vous examinez ces chiffres, il ne vous faut pas oublier qu'ils sont composés. Ce n'est pas une simple addition.
• 1605
La dernière chose que j'ajouterai, si vous me le permettez,
porte sur la dernière page qui fait état des affaires et des
statistiques consignées dans le système des États-Unis. Les États-Unis ont
largement adopté un système de libération conditionnelle
et de prononcé des peines de type automatique et non
discrétionnaire. Telle est la politique et le droit qu'ils ont
adoptés depuis maintenant plus de dix ans et je pense que vous
pouvez en voir les conséquences dans cette page: des incarcérations
en masse et des coûts faramineux liés à ces incarcérations.
Parallèlement, la criminalité a baissé. J'insiste sur le fait que les études effectuées nous révèlent qu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre le taux de criminalité et le taux d'incarcération. L'un peut augmenter pendant que l'autre baisse. Il n'y a aucune logique qui permette d'affirmer que la criminalité est en baisse parce que le nombre d'incarcérations augmente. Il n'en est tout simplement pas ainsi.
Les recherches effectuées aux États-Unis nous démontrent sans aucun doute que les politiques de prononcé des peines et de libérations conditionnelles d'application automatique ont été une véritable catastrophe, et il semble aujourd'hui que l'on s'en rende compte dans les médias populaires. J'ai apporté des exemplaires, si cela vous intéresse, d'un article publié en février dans Time magazine qui s'intitule «L'échec d'une politique répressive».
-
Les peines d'application automatique ont été pendant un temps la
solution magique des partisans de l'ordre aux États-Unis. Voilà les
raisons de leur échec.
J'ai aussi apporté des copies d'un article de trois pages publié dans le numéro du dimanche du New York Times, le 28 février, au sujet des peines d'application automatique prononcées en matière de drogue. Là encore, on y affirme que les conséquences ont été véritablement catastrophiques, sans aucun avantage pour la sécurité du public. C'est le point le plus important.
Cela étant dit, je suis prête, en compagnie de M. Daubney, à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
Le président: Merci, madame Campbell.
Je tiens aussi à accueillir autour de cette table Mme Guarnieri.
Je propose, madame Guarnieri, que nous posions nos questions et qu'une fois que tous les membres du comité officiel en auront terminé, je vous donne ensuite la parole pour que vous puissiez poser vous aussi les vôtres.
Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): En fait, monsieur le président, comme convenu, je ne poserai pas de questions, mais je me réserve le droit de répondre par écrit au mémoire des témoins.
Le président: Comme vous le voudrez.
Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie.
Le président: Il serait peut-être bon que nous ayons nous aussi une copie de votre réponse.
Mme Albina Guarnieri: Oui, bien sûr.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Réf.): Merci.
Le président: Vous disposez de sept minutes.
M. Jim Abbott: Monsieur Daubney, vous nous dites à l'avant-dernier paragraphe de la page 7 de votre mémoire:
-
Ces citations peuvent éclairer le comité sur la façon dont la Cour
suprême pourrait mesurer les changements proposés dans la loi.
[...] Plus les changements s'écarteront de ces observations, plus
les tribunaux veilleront au respect des principes.
Laissez-moi vous dire que pour bien des gens qui fréquentent la rue Sparks, la rue Granville à Vancouver, la rue Yonge à Toronto et même ceux des petites villes, c'est là que se pose le problème. Le problème, c'est qu'il y a un décalage entre ce que veulent les Canadiens et ce que veut la Cour suprême, l'intimidation par la Cour suprême de l'ensemble de notre justice étant en réalité tout à fait regrettable.
Pour ce qui est des peines accablantes, j'imagine que de nombreux Canadiens considèrent qu'une peine accablante est appropriée lorsqu'ils voient dans quel état d'accablement se trouvent nombre de victimes et leurs familles.
Vous faites ici tellement de suppositions.
Madame Campbell, en haut de la page 3 de votre mémoire, vous nous dites:
-
La période à purger qui s'ajouterait aux peines de ces délinquants
varierait entre 17 jours et 27 ans, l'augmentation moyenne par
délinquant étant de 5,4 ans.
Laissez-moi vous faire remarquer très respectueusement que cette supposition est vraisemblablement très mal fondée compte tenu du fait que le juge, qui est une personne intelligente, sera en mesure de tenir compte des effets de cette législation et d'adapter les peines individuelles, qui se monteront alors à un total très différent de ce que l'on peut imaginer à l'heure actuelle, si vous voyez ce que je veux dire par là.
Vous insistez sur les coûts. J'insiste sur la sécurité. J'insiste sur la question de la sécurité dans nos rues. Je me rends compte qu'au Canada, dans l'application de nos peines, nous devons nous pencher sur le cas des délinquants non violents, ceux qui dépassent clairement la mesure fixée par le droit pénal et qui sont reconnus coupables d'actes criminels. Eh bien, ce sont contre ces gens-là que la société doit se protéger, et c'est la raison d'être de ce projet de loi.
• 1610
Je suis tout à fait disposé à examiner la question de
l'adéquation des peines, même lorsqu'il s'agit de savoir s'il est
logique de maintenir en prison des délinquants non violents pendant
de longues périodes. Je suis tout à fait disposé à envisager la
chose. Toutefois, lorsqu'il s'agit de protéger la société et ses
membres les plus vulnérables, il faut voir bien simplement que
c'est ainsi qu'il nous faut agir.
Je vous prie donc d'excuser ma frustration. Monsieur Daubney, à la page 3 de votre mémoire, vous nous dites effectivement que ce projet de loi est la réincarnation d'autres textes déposés auparavant devant le Parlement. Je vous dirais d'ailleurs que les députés de tous les partis—il s'agit là d'une déclaration non partisane—après avoir pris connaissance dans les bureaux de leurs comtés des préoccupations de leurs administrés, viennent présenter au Parlement des propositions de loi qui ne reçoivent pas le feu vert ou l'agrément du ministère de la Justice ou de celui du Solliciteur général, parce qu'elles sont l'émanation du bon sens du simple citoyen devant la Chambre. De ce point de vue, je fais mes compliments à Mme Guarnieri et je relève par ailleurs que le dépôt de ce projet de loi a fait l'objet d'un vote à une large majorité.
Je vous ferai donc remarquer très respectueusement que l'exposé qui vient d'être présenté au nom du ministère me paraît faire preuve de juridisme et être totalement coupé de l'opinion de l'homme de la rue au Canada.
M. David Daubney: Monsieur le président, je suis sûr que l'honorable membre comprendra combien nous avons de difficultés, en notre qualité de fonctionnaires, à nous lancer dans un débat politique, notamment lorsqu'il s'agit de commenter le rôle de la Cour suprême du Canada. Je ferais simplement remarquer de ce point de vue que dans les affaires que j'ai signalées au comité, la cour interprète tout simplement les principes de détermination de la peine que le Parlement lui-même a désormais codifiés dans le Code criminel. Parmi ces principes figure d'ailleurs celui de la totalité: lorsqu'une série de peines consécutives ont été prononcées, il ne faut pas que la peine totale soit trop longue ou trop sévère. Le Parlement a convenu dans le projet de loi C-41, comme je l'ai dit—je pense que c'est après le dépôt à l'origine du projet de loi de Mme Guarnieri—que cela ferait désormais partie de notre droit.
Il est donc juste que le député reconnaisse que c'était là le point de vue du Parlement en 1995. C'est entré en vigueur en 1996 et, lorsque la cour a rendu son arrêt, elle renvoyait en fait à une formulation presque identique à celle que le Parlement avait adoptée.
Mme Mary Campbell: Puis-je ajouter une ou deux choses, monsieur le président?
Lorsqu'on dit que les tribunaux pourront réduire les peines individuelles pour que la peine imposée au total ne s'oppose pas aux dispositions de la charte ou à d'autres textes, je dirais pour ma part que c'est très difficile à faire. Il y a des barèmes à l'heure actuelle. Il y a une énorme jurisprudence en ce qui a trait à la détermination des peines et d'une province à l'autre on sait bien quelle est la peine qu'il convient normalement d'appliquer pour telle ou telle infraction. Il ne serait donc pas facile de trouver le moyen de les adapter et de les réduire.
Vous me dites ensuite que je mets l'accent sur les coûts, et je tiens à préciser que ce n'est absolument pas les coûts que je privilégie. Nous pourrions en discuter longuement. J'essaie simplement d'indiquer au comité à combien nous pouvons estimer les coûts. Comment les gens vont s'en servir, ce qu'ils vont faire, comment ils vont réagir... D'ailleurs, toute décision politique prise en fonction de ce critère relève entièrement du Parlement, c'est normal. Il est juste, si cela peut nous aider, de donner une idée générale des répercussions.
Mais il est indéniable que dans toute circonstance la priorité numéro un de mon ministère et de moi-même est la sécurité du public.
Le président: Je vous remercie, monsieur Abbott. Vous êtes en plein dans le sujet.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): J'aimerais savoir si le fait d'avoir des peines consécutives ne fera pas en sorte que les juges décideront de diminuer les sentences et qu'on arrivera à un résultat final à peu près semblable.
• 1615
Dans la pratique, y a-t-il des probabilités
très fortes qu'on se retrouve avec des
sentences moins élevées pour arriver à un jugement
total semblable? Actuellement, est-ce que les
juges, de façon implicite, ne prennent pas
déjà cela en considération?
[Traduction]
M. David Daubney: Oui, probablement. C'est l'exercice pratique auquel on recourt tous les jours dans nos salles d'audience surchargées. On en arrive en fait à une peine globale qu'on estime juste et adaptée compte tenu des circonstances de l'affaire. Bien entendu, on tient compte comme point de départ des précédents et de la jurisprudence dans certaines provinces compte tenu de ce que les cours d'appel ont recommandé pour tel ou tel type de sentences. Toutefois, on procède effectivement à ce genre d'exercice et c'est en fait ce que la Cour suprême a recommandé.
Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
[Français]
M. Pierre Brien: Quel serait l'impact si on se retrouvait à la fin avec les mêmes sentences? Par exemple, cela pourrait amener des sanctions individuelles moins graves qu'avant. Est-ce que cela aurait un impact sur les causes où il n'y aurait qu'un seul chef d'accusation?
[Traduction]
M. David Daubney: Comme je l'ai dit dans mon mémoire, et non pas dans mon exposé, il y a un risque que les juges s'efforcent de contourner toute sanction automatique en ne prononçant pas éventuellement la peine correspondant à une agression sexuelle qu'ils auraient pu infliger autrement—et qu'ils auraient dû éventuellement infliger, compte tenu des faits—pour éviter ce qu'ils considèrent comme une peine globale injuste, notamment lorsqu'une personne purge déjà une peine et qu'une nouvelle peine consécutive est automatiquement ajoutée en raison de cet amendement. Il y a donc le risque, par exemple, que l'on n'insiste plus suffisamment sur les infractions sexuelles.
C'est mon avis. Je ne sais pas si Mary veut ajouter quelque chose.
Mme Mary Campbell: Je partage cet avis. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la jurisprudence a établi des directives bien précises en matière de détermination de la peine, j'ai peur que les juges, qui savent très bien qu'ils ont en vertu du Code criminel l'obligation de respecter le principe de la totalité en matière de détermination des peines, soit continuent à appliquer les peines individuelles actuelles, risquant d'enfreindre le principe de la totalité pour ce qui est de la peine globale, soit se trouvent dans l'obligation de réduire les peines individuelles pour que la peine globale reste conforme au principe de la totalité. Par conséquent, votre question soulève une préoccupation légitime.
[Français]
M. Pierre Brien: C'est tout pour le moment.
[Traduction]
Le président: Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier nos deux témoins pour leur exposé.
Veuillez ne pas considérer cela comme une critique personnelle. Vous nous avez donné des renseignements et des statistiques. Ce que je reproche à l'information qui nous est fournie, c'est qu'elle est particulièrement stérile, inadaptée et déshumanisée.
J'ai été aussi bien défendeur que procureur de la Couronne dans des affaires de meurtres. Ce dont nous parlons ici, et ce que vise ce projet de loi, c'est la lie de la société et la racaille qui fréquente les rues de notre pays. J'éviterai de faire place à l'émotion ici. Je veux que nous nous en tenions à la question.
L'une des choses que vous avez oublié de dire dans votre exposé, c'est que quiconque est reconnu coupable de l'une de ces infractions peut prétendre à une libération conditionnelle après avoir purgé entre un tiers et un sixième de sa peine. En matière de détermination de la peine, nous parlons d'une justice une fois que les faits ont été reconnus. On agit ici une fois que le préjudice a été causé, qu'une vie a été enlevée et que les larmes ont été versées. Toutes les garanties ont été données par la justice dans la salle d'audience, on a dûment prononcé une sentence de meurtre au premier ou au deuxième degré, les preuves ont été examinées, l'accusé a été reconnu coupable hors de tout doute raisonnable, et on a tenu compte de toutes sortes de considérations pour prononcer la peine ou, dans le cas d'un meurtre au premier degré, on a prononcé une peine maximale de 25 ans.
• 1620
Quelqu'un a parlé de la souffrance et de la stigmatisation. On
ne stigmatisera jamais assez ce type d'infraction. En cas de
meurtre et d'agression sexuelle, nous le savons tous—les
statistiques nous l'indiquent clairement—ce sont les femmes et les
enfants, les plus vulnérables, qui sont le plus souvent les
victimes. Les séquelles psychologiques profondes qui résultent plus
particulièrement des agressions sexuelles sont incommensurables. On
ne peut pas les chiffrer. Là encore, les familles qui survivent au
calvaire des victimes ne figurent pas dans ces statistiques.
Je pense que ces observations vous donnent une idée de notre frustration. Je vous le répète, je veux que vous compreniez bien que ces observations ne s'adressent pas à vous mais à un système judiciaire qui cherche parfois à tout classer ou à présenter des statistiques très parcellaires devant notre comité alors que la réalité que vise cette législation est bien plus globale.
Il y a autre chose qu'il convient de consigner ici. Les délinquants sexuels, lorsqu'ils sont reconnus coupables et emprisonnés, sont placés sous protection. Ils sont traités différemment des autres délinquants. Ils peuvent se retrouver dans un établissement à sécurité maximale et n'être pas libérés aussi souvent, mais je vous l'ai dit carrément, il est bon qu'ils ne soient pas libérés aussi rapidement, parce que le taux de récidive est plus élevé, parce qu'ils ont moins de chance de se réhabiliter et parce qu'il est normal qu'ils restent plus longtemps en prison.
J'imagine que vous avez bien des difficultés à savoir si j'appuie ce projet de loi. Je vous le répète, nous avons affaire ici aux pires criminels. Les délinquants qui vont être affectés par cette législation sont les pires de tous. Je déteste prononcer le nom de gens aussi méprisables qu'Olson, mais c'est à eux que nous avons affaire ici—à des gens comme Bernardo ou Olson.
Si donc on peut maintenir ces gens en prison, ajouter un élément dissuasif et faire en sorte que l'on comprenne ce message grâce à la modification ainsi apportée à la loi, je ne vois pas pourquoi, en tant que législateur, nous ne le ferions pas.
Monsieur Daubney, vous avez raison de dire que les tribunaux ont interprété les lois qu'on a votées. C'est tout à fait leur droit. C'est ce qu'on leur demande de faire. Par conséquent, c'est à nous qu'il revient de modifier la législation.
Il faut applaudir à l'initiative de Mme Guarnieri et la féliciter pour son courage et sa ténacité, compte tenu des difficultés que lui a créées son propre parti. Il convient de l'applaudir, et je l'appui à 100 p. 100, comme bien des Canadiens et nombre d'agents de police.
Le point de vue de la police est très important ici parce qu'au sein de notre système judiciaire, en dehors des victimes, ce sont les agents de police qui sont en première ligne et qui s'interposent entre vous et moi, qui sommes bien en sécurité dans nos foyers, et les gens qui s'attaquent à la population—les meurtriers et les violeurs.
Je fais une véritable charge, mais je n'insisterai jamais trop sur les raisons qui m'amènent à appuyer ce projet. Il nous faut durcir nos lois face à ce genre de délinquants. Toutes les statistiques du monde ne me feront pas croire que ces gens peuvent être réhabilités. Je ne l'accepte tout simplement pas.
Vous avez évoqué les statistiques qui, aux États-Unis, montrent que la criminalité a baissé, même s'il a fallu incarcérer davantage de gens. Je vous dis qu'il faut mettre l'accent sur les actes criminels les plus violents et les plus répugnants. L'effet souhaité ne se traduira peut-être pas dans les statistiques, mais pour le criminel en question qui doit purger sa peine, il est certain qu'il se fera sentir.
Le président: Y a-t-il un commentaire au sujet des observations de M. MacKay?
Mme Mary Campbell: Laissez-moi dire simplement une ou deux choses, monsieur le président.
Et n'y voyez pas une critique personnelle, monsieur MacKay.
Des voix: Oh, oh!
Mme Mary Campbell: Comme l'a dit M. Daubney, je suis venue ici en tant que fonctionnaire pour aider le comité du mieux que je peux. Même si une bonne partie de la tâche peut paraître rébarbative, mon rôle est bien évidemment d'apporter des faits et des chiffres que le Parlement, je l'ai dit, pourra utiliser à sa guise.
Si vous me permettez donc de dire les choses comme elles sont et de parler en avocate, la peine maximale qui s'applique à un meurtre au premier degré est l'emprisonnement à perpétuité. Je ne peux pas laisser passer cela. C'est une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de demander une libération conditionnelle pendant 25 ans.
Vous avez indiqué que les délinquants sexuels emprisonnés étaient placés sous protection. Je ne sais pas vraiment ce que cela implique, mais je dois dire, pour être juste envers mes collègues du Service correctionnel du Canada, qu'en réalité ils sont aujourd'hui nombreux à ne plus être placés sous protection. On s'est efforcé d'intégrer les délinquants sexuels à l'ensemble de la population carcérale. On y voit un meilleur moyen à long terme de protéger la société et de réformer certains d'entre eux lorsque c'est possible. La politique a donc changé.
Vous dites que ces mesures vont affecter les délinquants les plus dangereux, et vous les avez décrits. C'est bien vrai, mais je vous ferai remarquer, si je puis le faire sans que cela soit mal interprété, que ces dispositions vont affecter tous les délinquants répondant à cette qualification, et non pas simplement les plus dangereux. Il n'y a pas que les délinquants les plus dangereux. Il y a aussi des gens qui, certainement, ont commis d'horribles crimes; c'est indéniable. Je ne les plains pas et je demande à personne de le faire. Toutefois, il y a de nombreux degrés. Il y a de nombreuses histoires derrière ces événements, ces terribles affaires.
Il n'y a pas que les délinquants les plus dangereux. Le problème que posent les dispositions d'application automatique en matière de détermination de la peine et des libérations conditionnelles, c'est qu'elles traitent tout le monde comme les délinquants les plus dangereux. C'est au coeur du problème.
Ces dispositions d'application automatique ont eu pour autre conséquence aux États-Unis d'affecter terriblement les groupes minoritaires. Les politiques d'application automatique ont malheureusement tendance à renforcer les discriminations systémiques. C'est une chose que vous ne devez pas oublier. Au Canada, les Autochtones sont terriblement surreprésentés dans la population carcérale en général, terriblement surreprésentés à l'intérieur de certaines catégories de délinquants qui vont être affectés par ce projet de loi. Là encore, les éléments de preuve dont nous disposons ont tendance à montrer que les politiques d'application automatique renforcent la discrimination plutôt que d'aider les juges ou les responsables du service correctionnel ou des libérations conditionnelles à adapter leurs décisions à tel ou tel cas particulier.
J'espère que cela vous sera utile. Nous sommes ici pour vous être utile mais il y a des choses qui concernent uniquement le Parlement et pas nous.
M. Peter MacKay: Je crois que M. Abbott a mentionné...
Le président: Monsieur MacKay, je crois que nous allons devoir attendre la deuxième ronde pour revenir sur cette question.
M. Peter MacKay: Excusez-moi; vous avez raison.
Le président: Monsieur John McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci encore une fois de nous avoir présenté ces exposés.
Monsieur Daubney, j'aimerais citer le dernier paragraphe de la page 7 de votre mémoire, sur lequel vous n'avez pas passé beaucoup de temps. Il se lit ainsi:
-
En rendant obligatoire l'imposition de peines consécutives pour
tous les auteurs de viol, on rendrait le système rigide au point
d'avoir des conséquences négatives imprévues.
Voulez-vous m'expliquer cela. Vous soutenez qu'en fait, avec ces peines consécutives, la responsabilité d'exercer ce pouvoir discrétionnaire passerait du juge au poursuivant. Pourriez-vous en dire davantage et m'indiquer quelles pourraient être les conséquences imprévues de cette proposition?
M. David Daubney: Notre système où le Parlement a confié à nos tribunaux ce pouvoir discrétionnaire donne d'assez bons résultats. Je suis toujours un peu inquiet lorsque l'on parle de réduire ce pouvoir discrétionnaire parce qu'habituellement on le retrouve ailleurs, soit entre les mains du policier qui se demande s'il va porter une inculpation ou entre celles du procureur de la Couronne qui détermine s'il y a lieu d'intenter des poursuites et décide de la nature de l'inculpation.
Comme je l'ai dit en réponse à une question d'un membre du Bloc québécois, je suis préoccupé par le fait que 48 p. 100 de ces peines ne soient pas des peines d'emprisonnement, en particulier avec les agressions sexuelles de niveau un, qui sont les seules visées par ce projet de loi. Cela reflète...
M. John McKay: Excusez-moi, j'ai mal entendu. Vous dites que 48 p. 100 ne vont pas en prison?
M. David Daubney: Ces infractions ne donnent pas lieu à l'imposition de peines d'emprisonnement, d'après ce qu'indiquent les données du Centre canadien de la statistique juridique. Je ne pense pas que ce soit parce que les tribunaux ne sont pas assez sévères. Cela reflète plutôt le fait que ces situations sont très diverses et bien souvent de peu de gravité. Ces gens ne sont pas le rebut du genre humain.
• 1630
Cette tendance en matière de peine pourrait encore s'aggraver,
avec cette disposition qui prévoit que, si le juge impose une peine
d'emprisonnement, celle-ci doit être purgée de façon consécutive
aux autres peines.
M. John McKay: Comment cela toucherait-il les procureurs de la Couronne? Cela les inciterait-il à négocier plus fréquemment les plaidoyers...
M. David Daubney: Oui.
M. John McKay: ... et cet aspect se réglerait donc entre le procureur de la Couronne et le procureur de la défense ce qui soustrairait cette étape au regard du public et pourrait avoir des effets pervers?
M. David Daubney: Cela pourrait se produire, en particulier avec une infraction comme l'agression sexuelle à laquelle la société attache un très lourd stigmate. Une telle condamnation a des conséquences graves. Nous savons que les procureurs de la défense déploient des efforts considérables pour que leurs clients ne soient pas déclarés coupables d'une telle infraction, ils vont attaquer la crédibilité de la victime, par exemple. Je pense donc que...
M. John McKay: On pourrait même soutenir que cela pourrait avoir un effet contraire à l'effet recherché.
M. David Daubney: Cela me paraît possible. Je crois que finalement, c'est exactement ce que je veux dire.
M. John McKay: C'est ce que vous dites, même si votre façon de le dire est loin d'être claire.
M. David Daubney: Excusez-moi.
M. John McKay: Je dispose d'un temps limité; j'aimerais bien poursuivre dans cette voie mais je vais m'en abstenir.
Il arrive souvent que mon honorable collègue... L'expression favorite qu'elle utilise pour faire la promotion de ce projet de loi est qu'il est temps de mettre fin aux rabais sur volume, ou une expression semblable. Cela semble à première vue intéressant. Qui peut vouloir être en faveur des rabais sur volume? Cela ne veut pas dire grand-chose.
Madame Campbell, je lis la première page de votre mémoire, où vous dites que la durée médiane des peines d'emprisonnement est plus longue de 50 p. 100 pour les accusations multiples. Il faut donc se demander si le verre est à moitié plein ou à moitié vide? Il ne semble pas qu'il y ait un rabais sur le volume dans les affaires d'accusations multiples. Pouvez-vous m'en dire davantage sur ce point?
Mme Mary Campbell: Les statistiques et les données valident cette observation. Comme vous le mentionnez, personne n'est pour les rabais sur volume mais les preuves n'indiquent pas que l'on fasse des rabais sur volume. Les chiffres indiquent que la durée médiane est supérieure de 50 p. 100 lorsqu'il y a des accusations multiples, c'est-à-dire qu'en moyenne, dans l'ensemble des affaires où il y a des accusations multiples, la peine médiane est sensiblement plus longue.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des cas d'accusations multiples où le juge impose une peine concurrente, mais pour infliger ce genre de peine, le juge tient compte de l'ensemble de la situation, des circonstances de l'infraction, de la victime, du contrevenant et de tout le reste. J'ai énormément de respect pour les juges et énormément confiance en eux; je suis donc tout à fait favorable à ce qu'ils aient le pouvoir de prendre ces décisions.
Si les chiffres indiquent que, lorsqu'il y a plusieurs accusations, les peines sont plus longues, cela veut dire que les juges tiennent compte du fait qu'il y a plusieurs accusations et ils réagissent à cette circonstance en imposant des peines plus sévères.
Je partage bien sûr cette préoccupation, et c'est ce qui s'est produit aux États-Unis... On a remplacé la discrétion judiciaire par la discrétion de la poursuite, qui ne s'exerce pas de façon aussi publique que celle des tribunaux et ce qui a, bien souvent, transformé les juges en de simples machines à approuver ce qu'on leur soumet.
M. John McKay: Mais vous comprenez tous que M. Abbott s'inquiète du fait qu'il semble exister un fossé entre ce que la population canadienne estime juste et équitable et le sentiment qu'il s'agit là d'un endroit réservé aux avocats, aux juges et aux agents correctionnels.
Mme Mary Campbell: J'aimerais que le public participe beaucoup plus au processus de détermination de la peine et des libérations conditionnelles.
Selon les sondages qui ont été fait, aussi bien dans le ministère de M. Daubney que dans celui du Solliciteur général, dès que le public est mieux informé, il comprend mieux la situation; il comprend davantage les raisons qui expliquent les décisions prises dans une affaire donnée. Beaucoup trop souvent, le public dispose de renseignements très limités au sujet des affaires dont on parle dans les journaux ou à la télévision. Je connais les choses de l'intérieur mais lorsque je lis ce qui est rapporté, je me dis que je ne comprendrais pas très bien non plus. J'espère que les médias m'excuseront de cette remarque.
M. John McKay: C'est la même chose en politique.
Des voix: Oh, oh!
M. John McKay: Combien de temps me reste-t-il?
Le président: Votre temps est écoulé.
Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Madame Campbell, vous dites à la dernière page que les États-Unis dépensent près de 100 milliards de dollars par année. Est-ce que cela comprend les dépenses fédérales, celles des États et le reste, le budget américain total pour le système judiciaire?
Mme Mary Campbell: Oui, je crois que cela comprend tout.
M. John Reynolds: Quel serait le budget total au Canada?
Mme Mary Campbell: Le système correctionnel fédéral a un budget d'environ 1 milliard de dollars, le système correctionnel provincial s'élève lui aussi à près de 1 milliard de dollars et je crois que le budget total pour le système de justice pénale s'établit à près de 10 milliards de dollars. Si quelqu'un connaît le chiffre exact, qu'il me corrige. Je serais heureuse...
M. John Reynolds: Cela me paraît exact. Je voulais simplement le confirmer.
L'intérêt de ces chiffres est qu'ils indiquent que nous dépensons à peu près la même chose au Canada et aux États-Unis par habitant. Par contre, au Canada, il y a 129 personnes sur 100 000 qui sont en prison alors qu'aux États-Unis, il y en a 645 par 100 000 habitants. C'est une différence énorme. Où dépensons-nous tout ce surplus? Est-ce que parce que nous avons trois fois plus de fonctionnaires et qu'ils ont trois fois plus de prisonniers...
Des voix: Oh, oh!
Mme Mary Campbell: Non.
M. John Reynolds: Où dépensons-nous l'argent qu'ils ne dépensent pas?
Mme Mary Campbell: Je peux vous signaler un certain nombre de différences que j'ai personnellement constatées en travaillant dans ce domaine. J'ai eu l'occasion de visiter l'un des pénitenciers américains ayant une des pires réputations, l'Angola State Penitentiary.
Dans l'ensemble, les systèmes américains consacrent moins de fonds aux programmes et aux efforts de réadaptation sociale. C'est une différence importante. Le Canada essaie de faire quelque chose avec les contrevenants, il veut que la personne qui est libérée ne soit pas la même que celle qui est arrivée en prison. Finalement, la meilleure façon de protéger la société est d'amender le contrevenant. D'une façon générale, nous dépensons davantage dans ce domaine.
M. John Reynolds: Dans quelle proportion? Le savez-vous?
Mme Mary Campbell: Il faudrait que je trouve ces chiffres et que je vous les transmette.
Nous dépensons sans doute davantage pour la main-d'oeuvre mais là encore, j'aimerais vérifier cela avant de m'avancer.
Les prisons américaines sont bien souvent plus grandes de sorte que le coût unitaire, si on peut s'exprimer ainsi, est moindre dans ces établissements à grande capacité. L'Angola State Penitentiary, par exemple, héberge 5 100 détenus. Un grand pénitencier au Canada loge 500 détenus. Il y a donc des économies d'échelle.
M. John Reynolds: Oui. J'ai visité tous les pénitenciers canadiens et la plupart des pénitenciers américains lorsque nous avons préparé un rapport pour ce comité, au cours des années 70. Je trouve tout de même que ces différences sont étonnantes, lorsque j'examine les documents. Nous dépensons les mêmes montants par habitant mais ils ont six fois plus de prisonniers dans leurs prisons. Je crois que si l'on faisait une recherche, on constaterait que notre bureaucratie est beaucoup plus lourde que la leur.
Mme Mary Campbell: Mais une partie de ces chiffres ne concerne pas les prisons. Il y a les autres...
M. John Reynolds: C'était le total. Je parle du total pour le système judiciaire.
Mme Mary Campbell: Oui, la police et le reste. Je ne suis pas en mesure de parler des différences qui existent entre le coût des services policiers et celui des tribunaux.
M. John Reynolds: Mais cela veut dire que nous dépensons les mêmes sommes au Canada qu'aux États-Unis alors qu'ils ont un système beaucoup plus important que le nôtre.
Ma dernière question est la suivante. Je voudrais accélérer l'examen de ce projet de loi. J'aimerais que l'on fasse rapport à la Chambre le plus rapidement possible. Je voudrais simplement demander à David s'il tiendrait le même discours qu'il a tenu aujourd'hui s'il siégeait en tant que membre du comité.
Des voix: Oh, oh!
M. David Daubney: Je dirais simplement, et j'hésite à en dire davantage, que lorsque je présidais ce comité, nous avons visité les prisons et étudié notre système correctionnel pendant une année entière. Nous avons présenté un rapport unanime qui, pour l'essentiel, est toujours d'actualité. Ce rapport démontre, c'est en fait ce que j'en ai retenu, que les gens apprécient davantage notre système de justice pénale lorsqu'ils comprennent mieux comment il fonctionne. Cela fait partie du rôle des personnes qui ont choisi de travailler pour la population que d'essayer de l'informer plutôt que de contribuer aux faussetés qui circulent.
Le président: Merci, monsieur Daubney.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien: Merci. Je n'ai rien à ajouter.
[Traduction]
Le président: Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Merci.
Eh bien, je ne sais pas ce que vous voulez dire par faussetés. Mais je sais qu'il y a une rumeur qui circule d'après laquelle la moitié de notre population carcérale se retrouvera en liberté d'ici l'an 2000. J'espère que c'est une fausseté. Cela risque de nuire quelque peu aux statistiques.
• 1640
Vous avez parlé de proportionnalité et je ne comprends pas
très bien ce que veut dire le principe de la totalité lorsqu'on
l'applique à la violence. Si un incendiaire met le feu à tout un
quartier, 25 maisons, il est inculpé d'un chef d'incendie criminel
pour chacune des maisons incendiées, et s'il se voit imposer huit
emprisonnements pour chaque maison, il purgera au total une peine
de huit ans pour toutes les maisons qui ont été incendiées.
Lorsqu'il s'agit de vies humaines, cela veut dire que si quelqu'un tue un certain nombre de personnes et reçoit une peine de 25 ans de prison, cela s'arrête là. C'est une longue peine mais c'est une peine concurrente de 25 ans pour toutes les personnes qui ont été tuées.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Peter MacKay: Vous aurez la possibilité de poser des questions, croyez-moi. Je sais comment les choses fonctionnent ici. Vous aurez votre tour.
La peine est de 25 ans pour chaque meurtre, et ces peines sont purgées de façon concurrente. Avec le projet de loi de Mme Guarnieri, l'accusé devrait rendre compte de chacune des vies qu'il a prises, il serait puni pour chaque meurtre. La culpabilité globale de l'accusé et l'effet que ces actes ont eu sur chacune des victimes qui ont perdu un être cher ne se reflètent pas dans la peine imposée lorsqu'elles sont toutes purgées ensemble.
Voici un exemple récent. Un homme du nom de Edward Samuel Schwartz a été condamné à 14 ans de prison pour avoir étranglé une femme du nom de Wendy Carroll. Il a été condamné à 14 ans pour vol qualifié, 10 ans pour agression et trois ans pour possession d'une arme dangereuse. Le plus troublant est qu'il avait été mis en liberté de la prison où il purgeait une peine à perpétuité pour deux meurtres commis en 1973. Je dois dire qu'il va purger le reste de sa peine de prison à perpétuité de façon concurrente.
Il va donc purger une peine de 14 ans d'emprisonnement pour le meurtre qu'il a commis, l'agression, le vol qualifié et la possession d'une arme, 14 ans au total. C'est tout; 14 ans en tout. Les peines s'accumulent mais elles ne comptent qu'une fois même si tous ces actes criminels ont été commis après les deux autres meurtres.
Lorsque vous parlez de coûts... Je crois que le coût supplémentaire, à la page 3 de votre rapport, madame Campbell, est de 47,7 millions de dollars. Je suppose que c'est le coût annuel.
Mme Mary Campbell: Non.
M. Peter MacKay: Non? Ce montant de 47,7 millions de dollars correspond à quelle période?
Mme Mary Campbell: Tout d'abord, cela concerne les agresseurs sexuels.
M. Peter MacKay: Uniquement les agresseurs sexuels.
Mme Mary Campbell: C'est exact et c'est le coût supplémentaire correspondant aux peines d'emprisonnement plus longues qui seraient imposées en vertu du projet de loi C-251 à ce groupe de contrevenants. Cela ne correspond donc pas à une période particulière. Cela représente le coût supplémentaire, sur une base collective, compte tenu de la composition actuelle de la population carcérale.
M. Peter MacKay: Voici où je veux en venir. Je suis tout à fait d'accord pour assumer le coût supplémentaire qu'entraîneraient l'incarcération de ces personnes et l'imposition d'une peine plus longue, de 5,4 ans en moyenne. Si cela empêche que se produisent des cas comme celui de Wendy Carroll, je dirais dépensons ces fonds. Je préfère de loin dépenser des fonds de cette façon que de les affecter à certaines autres initiatives dans le domaine de la justice.
Mme Mary Campbell: J'ai quelques remarques à faire.
Il s'agit d'une peine à perpétuité; ce n'est pas une peine de 25 ans.
M. Peter MacKay: Très bien.
Mme Mary Campbell: Vous avez dit qu'on ne tenait pas compte des autres infractions. Là encore, je ne pense pas que cela reflète vraiment la loi, les politiques, ni les pratiques. Les accusés sont obligés de rendre compte de leurs actes.
Pour ce qui est du scénario que vous avez décrit, je n'ai pas le jugement devant moi et je ne connais pas les circonstances de l'affaire mais d'après ce que vous avez déclaré, cette personne va réintégrer un pénitencier, si ce n'est pas déjà fait. Elle va purger au moins la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle à l'égard de ces nouvelles peines. Le fait qu'il ait été condamné alors qu'il était en train de purger non une mais deux peines d'emprisonnement à vie pèsera très lourd lorsque la commission des libérations conditionnelles sera amenée à examiner son cas à l'expiration de la période d'inadmissibilité, très très lourd.
M. Peter MacKay: C'est une peine de 14 ans pour un autre meurtre.
Mme Mary Campbell: Je n'avais pas compris que cette peine de 14 ans correspondait à un autre meurtre; excusez-moi.
M. Peter MacKay: Il a étranglé Wendy Carroll et a reçu une peine de 14 ans après avoir commis deux meurtres de sorte que les règles en matière d'admissibilité à la libération conditionnelle indiquent qu'il ne purgera pas sa peine de 14 ans.
Mme Mary Campbell: Non.
M. Peter MacKay: Oui.
Mme Mary Campbell: Il s'est vu imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité. Là encore, je ne connais pas les faits de cette affaire mais il a reçu une peine d'emprisonnement à perpétuité.
M. Peter MacKay: S'il s'agissait vraiment de l'emprisonnement à perpétuité, il n'aurait jamais été libéré. La perpétuité ne veut rien dire au Canada. Montrez-moi quelqu'un qui a purgé une peine de prison à perpétuité, une peine de plus de 25 ans. Je vous mets au défi de le faire.
Mme Mary Campbell: Eh bien, en fait, il est arrivé plusieurs fois que des contrevenants aient purgé...
M. Peter MacKay: Les délinquants dangereux constituent une autre catégorie.
Mme Mary Campbell: ... une peine de longue durée et il est arrivé fréquemment que des contrevenants meurent en prison; mais je ne veux pas m'engager sur ce terrain. Je me contenterai de dire que l'accusé qui s'est vu infliger une peine à perpétuité demeure visé par cette peine tant qu'il est en vie. Lorsqu'un accusé se voit imposer une peine à durée déterminée, dans ce cas 14 ans ou quelle que soit la durée, il est obligé de purger au moins la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle concernant cette nouvelle peine et, comme je l'ai dit, ces éléments pèseront très lourds dans la décision de la commission des libérations conditionnelles au cas où il déciderait de présenter une demande de libération par la suite.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Saada.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président.
Si vous permettez, je vais faire deux brèves remarques et aborderai ensuite le sujet essentiel.
Monsieur Abbott, vous avez déclaré en termes très clairs au début de la séance d'aujourd'hui que les personnes qui présentaient des exposés aujourd'hui étaient motivées par l'aspect financier de ces questions alors que pour vous c'était la sécurité du public qui vous motivait. Permettez-moi de m'inscrire en faux contre cette affirmation. Cette affirmation est fausse pour plusieurs raisons, que je n'ai malheureusement pas le temps de développer, mais je serais prêt à en débattre n'importe quand avec vous, parce que c'est une accusation qui est dépourvue de fondement.
Quant à ma seconde observation, monsieur MacKay, permettez-moi de dire que je trouve tout à fait injuste de soulever cette question du rapport cinquante-cinquante lorsque nous parlons de ces cas particuliers. Nous avons essayé à plusieurs reprises d'expliquer à la Chambre qu'aucun quota n'avait été fixé.
M. Peter MacKay: Je suis désolé, je ne vous crois pas.
Le président: À l'ordre!
M. Jacques Saada: Excusez-moi. C'est à mon tour de parler. Vous vous rappelez du commentaire que vous avez fait? C'est à mon tour.
M. Peter MacKay: Ce n'est pas à vous de me chapitrer.
M. Jacques Saada: C'est à mon tour de parler. Je ferai de ce droit l'usage qui me convient, d'accord?
Dans ce cas-ci, le raisonnement est que lorsqu'il est possible d'amender un détenu en lui offrant de suivre des cours qui vont faire de lui un meilleur citoyen, cela renforce la sécurité de la population et c'est un aspect qui mérite qu'on s'y intéresse.
Pour ce qui est du projet de loi lui-même, n'est-il pas vrai que le Code criminel actuel permet l'imposition de peines consécutives?
M. David Daubney: Oui, c'est exact.
M. Jacques Saada: N'est-il pas vrai que le Code criminel actuel offre la possibilité d'accumuler plusieurs périodes d'inadmissibilité?
Mme Mary Campbell: Oui.
M. Jacques Saada: N'est-il pas vrai que le Code criminel actuel offre la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité et que la peine soit purgée de cette façon?
M. David Daubney: Oui.
M. Jacques Saada: Je vous demande alors si, en rendant ces peines automatiques, vous cherchez à mieux protéger le public en aggravant les peines ou si votre projet n'a pas plutôt pour effet de remettre en cause la capacité des juges à assurer la sécurité de la population?
M. David Daubney: Je ne sais pas s'il nous appartient vraiment d'examiner la motivation du parrain du projet de loi mais d'après ce que je sais de notre système de justice pénale, nous pouvons être certains que nos juges vont examiner tous les éléments qui leur seront présentés et en arriver à une peine juste et équitable fondée sur les circonstances de l'affaire et qu'ils vont s'inspirer des principes énoncés par le Parlement dans le Code criminel.
• 1650
Lorsque nous restreignons le pouvoir discrétionnaire des
juges, les résultats sont en général mauvais. Je me base pour
affirmer ceci sur ce qui s'est passé dans les autres pays qui ont
choisi cette voie en adoptant des systèmes et des lignes
directrices très rigides. Cela n'améliore pas véritablement le
processus de détermination de la peine. Le genre de régime fondé
sur «trois prises et c'est fini» a exactement l'effet contraire.
M. Jacques Saada: Me reste-t-il encore du temps?
Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Saada.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais corriger certaines idées fausses. Mon honoré collègue pensait que les contrevenants sexuels étaient détenus dans des unités d'isolement protecteur. Ce n'est pas le cas. Ces détenus n'ont absolument aucun problème s'ils sont capables de lever des poids ou d'être un bon joueur de premier but sur l'équipe de base-ball. Ils sont acceptés normalement.
Pour ce qui est de l'emprisonnement à perpétuité et du gars qui a violé sa libération conditionnelle accordée pour cette peine et qui s'est vu imposer ensuite une peine de 14 ans, cette dernière peine représente le moindre de ses problèmes. Il va purger cette peine, il va devenir admissible à la libération conditionnelle, et je doute fort qu'il l'obtienne jamais mais si cela se produisait, il y aurait toujours cette peine d'emprisonnement à perpétuité qu'il doit purger. La commission des libérations conditionnelles va dire, si elle connaît bien son affaire: «Vous n'avez pas respecté les conditions de votre libération. Nous allons attendre que vous ayez purgé 10 ou 15 ans de plus avant de vous donner une deuxième chance.»
Quant à l'affirmation que les détenus ne meurent jamais en prison, la semaine dernière encore j'ai visité un établissement où l'on s'occupe des vieux détenus qui sont en prison depuis 30, 35 ou 40 ans. Ils sont inoffensifs. Nous préférerions les libérer, mais nous ne le pouvons pas; nous ne savons pas en effet où les placer. L'idée que l'on sort automatiquement après 25 ans de prison est donc bien fausse... Ce n'est pas vrai.
Je devrais peut-être m'arrêter avant de perdre mon calme. Il me reste un peu de temps n'est-ce pas?
Le président: Oui, quelques minutes, monsieur Grose.
M. Ivan Grose: Je crois que la plupart d'entre vous savent que lorsque je parle d'incarcération, je parle d'expérience.
Ce qui déforme les choses, c'est que nous condamnons à perpétuité beaucoup de personnes atteintes de troubles mentaux. Lorsque vous libérez ces personnes après 25 ou 30 ans, elles sont encore dérangées. Quelqu'un qui commet une chose horrible comme un meurtre au cours de la perpétration d'une infraction pour de l'argent devrait purger une peine de prison à perpétuité mais après 10 ans, il ne se souvient même pas de la nature du crime qu'il a commis ni de qui il était à cette époque. Si l'on relâche ce détenu, il est possible qu'il se soit réadapté ou qu'il soit une personne complètement différente. Mais pour les détenus souffrant de troubles mentaux, et il y en a beaucoup, ils souffrent toujours de troubles mentaux quand vous les libérez, quel que soit le moment où vous le faites. Ces détenus devraient être logés dans un établissement distinct et nous devrions arrêter de les inclure dans ces statistiques, parce que cela ne reflète pas la réalité.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Grose.
Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds: Je n'ai qu'une brève question. En quelle année avons-nous cessé de détenir tous les contrevenants sexuels en isolement protecteur dans nos pénitenciers fédéraux?
Mme Mary Campbell: Il faudrait que je vérifie les dates d'entrée en vigueur de ces politiques. Je dirais que c'est assez récent, cela ne remonte pas à plus de cinq ans.
On a longuement étudié cette question et on y a réfléchi longtemps. En conservant comme objectif principal la protection de la société, on a commencé à viser la réintégration du contrevenant dans un environnement plus normal, cela est bien sûr relatif, dans le but de faciliter sa réadaptation éventuelle. Il y a encore des contrevenants sexuels en isolement protecteur mais il y en a également un grand nombre qui sont intégrés à la population carcérale générale, tant des hommes que des femmes.
M. John Reynolds: Il y a encore de nos jours des détenus qui vivent en isolement protecteur?
Mme Mary Campbell: Oh, oui, c'est bien le cas.
M. John Reynolds: J'ai beaucoup de mal à accepter les commentaires qu'a faits M. Daubney au sujet des juges et du pouvoir discrétionnaire qu'ils exercent. Je pense en effet à un cas qui s'est produit au Québec l'année dernière où un juge a remis en liberté deux hommes qui avaient brutalement violé une femme et il leur a imposé une peine avec sursis parce qu'ils n'étaient pas nés au Canada, ils y vivaient depuis neuf et onze ans. Je trouve qu'un tel pouvoir discrétionnaire ne devrait pas exister.
Le comité sera amené à aborder la question des peines avec sursis. Je ne suis donc pas tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que les juges exercent bien les pouvoirs discrétionnaires qui leur sont attribués.
M. David Daubney: C'est pour cela qu'il y a des cours d'appel, pour réformer les décisions qui paraissent particulièrement mauvaises. Je crois que c'est effectivement ce qui s'est produit dans cette affaire, si je me souviens bien.
Le président: Merci.
Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'intéresse beaucoup aux taux de récidive, parce que c'est l'élément essentiel du sujet dont nous parlons aujourd'hui et que ce sont des affaires qui font habituellement la première page des journaux et qui suscitent de vives réactions de la part du public qui s'étonne qu'on ait libéré des détenus aussi dangereux.
• 1655
Lorsque j'examine le document que vous nous avez présenté, et
je lis la page 10 du document de Mme Campbell, je tiens simplement
à vérifier que j'ai bien compris ces choses et que ces chiffres
sont exacts. Vous parlez de la libération conditionnelle totale et
des taux d'achèvements. Vous parlez d'un taux d'achèvements de
93 p. 100, cela veut dire que 93 p. 100 des personnes qui ont été
libérées n'ont pas récidivé.
Mme Mary Campbell: C'est exact. Il s'agit de détenus qui ont fait l'objet de peines d'emprisonnement à perpétuité. Ils n'ont pas fini de purger leur peine mais ils ont été libérés, ils n'ont pas violé les conditions de leur libération et n'ont pas récidivé.
Mme Eleni Bakopanos: Très bien. Pour la deuxième catégorie, révocations, conditions et autres, qui représentent 5,1 p. 100, pourriez-vous nous fournir un peu plus de détails à ce sujet?
Mme Mary Campbell: Ce sont les personnes qui ont été emprisonnées pour meurtre et obtenu une libération conditionnelle totale, qui a été révoquée à un moment donné pour violation des conditions de cette libération. Tous les contrevenants qui sont libérés doivent respecter des conditions, par exemple, ne pas fréquenter certaines personnes, ne pas consommer de stupéfiants ou d'alcool, ce genre de chose, et ils risquent d'être renvoyés en détention s'ils ne respectent pas ces conditions.
Le terme «autres» est un peu mystérieux mais il a simplement pour but de tenir compte de cas particuliers. Une partie des personnes qui figurent dans ce 5 p. 100 ont vu leur libération révoquée parce qu'on a porté contre eux des accusations remontant à des faits anciens. Cela n'a rien à voir avec la façon dont ils se sont conduits au cours de leur libération conditionnelle; il s'agissait d'anciennes accusations. Ce chiffre englobe également, et ce n'est peut-être pas une excellente idée, les personnes qui sont décédées une fois mises en liberté sous condition.
Mme Eleni Bakopanos: Très bien, et les révocations et infraction concernent des personnes qui ont...?
Mme Mary Campbell: ... commis en fait une nouvelle infraction.
Mme Eleni Bakopanos: Pour les conditions de leur libération conditionnelle ou pour les deux?
Mme Mary Campbell: Non, ils ont commis une nouvelle infraction pénale une fois libérés.
Mme Eleni Bakopanos: Cela représente donc 1,8 p. 100.
Mme Mary Campbell: C'est exact.
Mme Eleni Bakopanos: Sur... Je lis:
-
Depuis le 1er janvier 1974, 1 677 délinquants qui avaient été
reconnus coupables de meurtre ont été mis en liberté dans la
collectivité. De ce nombre, 11 ont commis un autre meurtre pendant
leur liberté. Ces données équivalent à un taux de récidive de
0,66 p. 100; c.-à-d. que moins de un délinquant sur 100 a commis un
nouveau meurtre. Dix de ces délinquants étaient en liberté
conditionnelle et l'autre était en permission de sortie sans
escorte.
Ce chiffre de 1,8 p. 100 représente ces 1 677 contrevenants?
Mme Mary Campbell: Non, pas nécessairement. Il faudrait que je trouve le nombre réel de personnes que représente ce 1,8 p. 100. Il s'agit de meurtriers qui ont été remis en liberté et qui ont commis une autre infraction. Ce 1,8 p. 100, comprend donc des choses comme des vols, des agressions, ce genre de chose.
Mme Eleni Bakopanos: Pas nécessairement le genre de cas dont parlait M. McKay?
Mme Mary Campbell: Non.
Mme Eleni Bakopanos: Très bien.
Mme Mary Campbell: Le dernier chiffre dont vous avez parlé, le chiffre de 0,66 p. 100, est ce que l'on appelle la récidive de meurtre: le contrevenant purge déjà une peine pour meurtre, il est mis en liberté et il est ensuite déclaré coupable d'un autre meurtre.
Mme Eleni Bakopanos: Comment se compare notre taux de récidive à celui des autres pays dont vous parlez dans votre étude? Si j'ai bien compris le tableau des comparaisons que vous avez préparé, notre moyenne est plus élevée, 25 ans au lieu de 10, disons 10 pour arrondir. Comment se compare notre taux de récidives par rapport à celui d'autres pays?
Mme Mary Campbell: Je ne peux pas vous donner la réponse immédiatement.
Mme Eleni Bakopanos: J'aimerais la connaître.
Mme Mary Campbell: Je vais voir si je ne pourrais pas me procurer des comparaisons internationales.
Mme Eleni Bakopanos: Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras mais j'aimerais bien savoir cela.
Mme Mary Campbell: Vous avez raison. Je vais voir ce que je peux faire.
Mme Eleni Bakopanos: Merci.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres questions? Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: J'aimerais également que l'on communique au comité les chiffres indiquant le nombre des personnes condamnées pour meurtre qui ont déjà purgé au moins 25 ans de leur peine au Canada. Serait-il possible d'obtenir ce chiffre?
Mme Mary Campbell: Le tableau indique que la durée moyenne de la peine purgée pour les meurtres au premier degré est de 28 ans. Il y a donc déjà des personnes qui sont détenues depuis plus de 25 ans. Ce chiffre comprend évidemment les personnes qui ont été condamnées pour meurtre avant 1976 et auxquelles s'applique le nouveau régime. Il y a donc des personnes qui ont purgé des peines très longues. Il y en a une, apparemment, qui est détenue depuis 45 ans.
M. Peter MacKay: Est-ce que cela comprend ceux qui ont été libérés et condamnés à des peines supplémentaires pour des infractions commises pendant leur libération conditionnelle?
Mme Mary Campbell: Non, cette durée de 28 ans est celle de la durée moyenne de l'emprisonnement avant la libération conditionnelle.
M. Peter MacKay: Très bien, une détention continue pendant 45 ans.
Mme Mary Campbell: C'est exact.
M. Peter MacKay: C'est un cas que vous connaissez?
Mme Mary Campbell: C'est un cas qui m'est resté à l'esprit, parce que 45 ans, c'est effectivement très long. Je pourrais essayer de vous donner la répartition exacte, si vous le souhaitez, pour les meurtres au premier degré.
M. Peter MacKay: Je l'apprécierais.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
M. John McKay, très rapidement et ensuite, Mme Guarnieri pour un dernier commentaire.
M. John McKay: J'aimerais revenir à votre tableau, celui qui montre les peines à perpétuité pour les meurtres au premier degré avec les équivalents internationaux.
Pour le meilleur ou pour le pire, avec notre complexe de supériorité nationale, nous nous comparons toujours aux Américains. Il semble qu'aux États-Unis, la perpétuité, ce soit la perpétuité. Je regarde le tableau concernant les États-Unis, la perpétuité sans libération conditionnelle, et cela donne en moyenne 29 ans. Est-ce bien exact?
Mme Mary Campbell: Oui. Comme vous le faites remarquer, il est difficile de faire des comparaisons avec les États-Unis, parce qu'il y a des meurtres au premier degré qui entraînent l'exécution du condamné, d'autres qui...
M. John McKay: Voilà une jolie expression: «Prend fin au décès».
Des voix: Oh, oh!
M. Jim Abbott: Ils ne les gardent pas longtemps, c'est ce qu'elle veut dire.
Mme Mary Campbell: Pour les États-Unis, nous avons essayé de répartir les personnes qui ont commis un meurtre au premier degré en formant un groupe qui puisse se comparer sur le plan de la possibilité d'obtenir la libération conditionnelle. Vous voyez donc que ces personnes purgent environ 18,5 ans avant d'être libérées. Celles qui sont soumises à un régime encore plus rigide, si l'on peut dire, purgent 29 ans avant de quitter le milieu carcéral, quelle que soit la raison.
M. John McKay: Le Canada, un pays gentil et généreux, et même un peu sensible, a adopté un système où ce genre d'infractions entraîne l'imposition d'une peine d'emprisonnement à perpétuité et où l'on ne peut demander la libération conditionnelle qu'après avoir purgé 25 ans. La différence est donc de 0,6 an pour ce qui est de la durée réelle de la peine purgée? Cette affirmation est-elle exacte?
Mme Mary Campbell: C'est ce qui semble, d'après ces chiffres.
M. John McKay: Vraiment? Cela me surprend.
Merci.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Madame Guarnieri.
Mme Albina Guarnieri: Je vous demande de m'excuser parce que je n'ai pas respecté la promesse que j'avais faite de ne pas poser de question mais j'aimerais poser une question très brève à Mme Campbell.
Vous avez déclaré il y a un instant que les données n'indiquent pas que l'on pratique les rabais sur volume pour les meurtres. Si quelqu'un tue toute ma famille et que 10 minutes avant il a également tué mon voisin, est-ce que cela va modifier la peine qui lui sera imposée?
Mme Mary Campbell: Cette personne va être condamnée à l'emprisonnement à perpétuité pour chacune des infractions dont elle a été déclarée coupable. Lorsque les infractions sont commises au cours d'une période aussi brève, l'accusé va demeurer en prison pendant le reste de sa vie.
Je peux vous répondre que cette personne recevra une peine pour chacune de ces infractions. Lorsque ces infractions ont été commises de façon si rapprochée, elles vont avoir pour effet... On ne peut pas purger deux fois une peine d'emprisonnement à perpétuité. Le détenu purgera une peine d'emprisonnement pour le reste de sa vie, parce que c'est tout ce qu'il peut faire. Il aura un dossier indiquant qu'il a été condamné à plusieurs peines d'emprisonnement à perpétuité pour avoir commis plusieurs meurtres. Si jamais il décidait de demander la libération conditionnelle ou une forme de clémence, les condamnations qui ont été enregistrées contre lui figureraient dans son dossier.
Mme Albina Guarnieri: J'aurais un dernier bref commentaire.
Wendy Carroll n'a pas été égorgé en prison. On lui a coupé la gorge dans la rue pendant qu'elle faisait visiter une maison à ces deux meurtriers. Les peines d'emprisonnement à perpétuité n'existent donc pas au Canada.
Le président: Madame Guarnieri, vous parlez à nouveau de cas précis, ce qui est un peu difficile pour nos témoins.
Mme Albina Guarnieri: De toute façon, j'ai promis d'être brève.
Le président: Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je tiens à vous dire que j'ai apprécié la qualité de vos exposés ainsi que de vos mémoires. Merci beaucoup d'être venus.
Mesdames et messieurs les membres du comité, j'aurais besoin de votre avis avant que vous ne partiez. Pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies, l'horaire prévoit de commencer un peu plus tard demain, à 16 heures, à cause du nouveau projet de loi sur la justice pour les jeunes qui doit être présenté demain et des commentaires que vont faire les divers critiques de l'opposition à ce sujet. Préférez-vous siéger de 16 à 18 heures et d'ajourner ensuite ou commencer à 16 heures et terminer l'examen du projet de loi, compte tenu du fait que nous avons également réservé la journée de mercredi prochain pour le faire, à cause de la lenteur avec laquelle nous avons examiné ce projet de loi jusqu'ici?
Préférez-vous siéger de 16 à 18 heures pour ensuite ajourner la séance et reprendre nos travaux le 17?
Des voix: D'accord.
Le président: Très bien, merci beaucoup. Cela me convient.
La séance est levée.