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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 11 mars 1998

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-3 concernant l'identification par les empreintes génétiques et du projet de loi C-104 adopté à la dernière législature sur l'analyse génétique à des fins médico-légales.

Nous accueillons aujourd'hui les représentants du ministère de la Justice: Michael Zigayer, avocat conseil, Section de la politique en matière de droit pénal; et Michael Pierce, conseiller juridique, Section des droits de la personne. Paul Dubrule, avocat général au ministère du Solliciteur général, est aussi présent dans la salle. Yvan Roy, avocat général principal au ministère de la Justice, n'est pas avec nous aujourd'hui parce qu'il est malade.

Je sais que vous avez des remarques à faire, alors je vous laisse la parole. Nous passerons ensuite aux questions, car je sais qu'il y en aura beaucoup. Allez-y.

M. Michael Zigayer (avocat conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureux de comparaître cet après-midi pour vous donner les informations qui, je l'espère, vous aideront dans votre examen du projet de loi C-3 et du projet de loi C-104, qui a été adopté en 1995.

Je commencerai mon exposé par un bref rappel historique des initiatives gouvernementales en matière d'ADN; puis, je traiterai de certaines questions qui ont été soulevées par les particuliers et les organisations qui ont comparu devant votre comité au cours des dernières semaines.

J'aborderai les progrès du droit qui ont une incidence directe sur l'approche législative du gouvernement en matière de collecte et d'utilisation des éléments de preuve génétique au Canada, et je tenterai de répondre à certaines questions qui ont été posées sur le recours actuel aux mandats autorisant le prélèvement d'ADN, l'analyse génétique à des fins médico-légales au sein du système de justice criminelle du Canada et la relation entre le régime de mandats autorisant le prélèvement d'ADN et la banque de données génétiques.

Hier, nous avons entendu un exposé intéressant sur la technologie de l'ADN au Canada, et il vaut la peine de noter qu'il y a à peine 10 ans qu'on a utilisé pour la première fois des empreintes génétiques dans une enquête criminelle au Canada. Les empreintes génétiques ont été utilisées pour la toute première fois, bien sûr, au Royaume-Uni, et nous avons entendu hier une courte description de l'affaire de meurtre Collin Pitchfork. Nous avons vu que cette technologie a permis d'exclure le principal suspect dans cette affaire—un homme qui avait avoué sa culpabilité—et, plus tard, a contribué à la condamnation d'un homme pour avoir commis deux agressions sexuelles et tué deux jeunes femmes.

• 1540

La technique des empreintes génétiques permet à des enquêteurs judiciaires d'identifier les bandes d'ADN uniques au suspect et de les comparer à des profils génétiques semblables provenant de quantités infimes de substances biologiques qu'on trouve habituellement sur le lieu d'un crime.

Autrement dit, les profils génétiques servent à déterminer si le patrimoine génétique d'un suspect correspond à celui provenant des échantillons recueillis sur le lieu du crime. N'oublions pas que dans le contexte d'une poursuite criminelle, les empreintes génétiques ne constituent qu'une preuve circonstancielle qui, avec d'autres preuves, étaye la théorie de la Couronne selon laquelle l'accusé était sur le lieu du crime lorsqu'une infraction a été commise. Elles ne servent pas à trancher la question de la culpabilité.

Il faut aussi se rappeler que, au début des années 90, lorsque, pour la première fois, on a présenté des preuves fondées sur l'ADN en cour, aucune loi précise ne régissait la collecte de ces preuves au Canada. En 1993, conscient de l'apparition de questions importantes de politique concernant la collecte et l'usage de preuves génétiques dans les poursuites criminelles, le ministère de la Justice a rédigé un document de consultation pour sonder les Canadiens sur ces questions. Cela a coïncidé avec la première d'une série de décisions importantes qu'a rendues la Cour suprême du Canada et qui ont servi de guide concernant le pouvoir de la police de procéder à des fouilles, incidemment, au moment d'une arrestation et, surtout, le pouvoir de prélever des substances corporelles d'un suspect.

[Français]

En 1994, dans l'arrêt Borden, la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu'il n'existait pas...

[Traduction]

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Excusez-moi, je voudrais une précision. Le témoin a fait allusion à des lignes directrices de la Cour suprême du Canada. Ai-je bien compris?

M. Michael Zigayer: Ce que j'ai dit—heureusement que je l'ai écrit—c'est que la Cour suprême a rendu une série de jugements importants qui ont servi de guide...

M. Derek Lee: De guide, d'accord.

M. Michael Zigayer: ... en ce qui concerne le pouvoir de la police de procéder à des fouilles.

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Il comprend, mais il a des problèmes d'ouïe.

M. Michael Zigayer: Je vais peut-être trop vite.

La présidente: Non, c'est M. Lee qui vieillit.

[Français]

M. Michael Zigayer: En 1994, dans l'arrêt Borden, la Cour suprême du Canada a fait remarquer qu'il n'existait pas de loi au Canada permettant spécifiquement le prélèvement d'échantillons de sang pour l'analyse génétique à des fins médicolégales. Jusqu'à maintenant, les policiers ont obtenu du suspect qu'il consente à fournir des échantillons. Ils se sont servi d'échantillons laissés par le suspect ou, dans certains cas, d'échantillons prélevés sur lui, incidemment, au moment de son arrestation.

[Traduction]

L'arrêt Borden a confirmé l'existence d'un vide législatif et la nécessité de préciser le droit concernant la saisie de substances corporelles pour l'analyse génétique à des fins médico- légales.

[Français]

Le 20 septembre 1994, le ministère de la Justice a rendu public un document de consultation invitant les Canadiens à faire connaître leur opinion sur les problèmes d'ordre juridique à ce sujet. La réaction à ce document a démontré que l'on appuyait fortement la création d'un mécanisme permettant à la police d'obtenir des suspects des échantillons de substances biologiques pour analyse génétique à des fins médicolégales ainsi que l'établissement d'une banque de données génétiques.

[Traduction]

On recevait encore des réponses au document de consultation, au printemps 1995, lorsque M. Michael Manning, le père d'une jeune fille qui avait été assassinée chez elle, près de Montréal, a tenté d'obtenir du soutien pour une loi qui permettrait à la police d'établir le profil génétique d'une personne qu'on soupçonnait d'avoir tué sa fille Tara.

Le gouvernement, et le Parlement, ont répondu en adoptant le projet de loi C-104. Son libellé soigné reconnaît l'importance que les tribunaux accordent à la protection de la vie privée de chacun et respecte les exigences constitutionnelles relatives aux fouilles de la police découlant de l'arrêt Borden et d'autres cas.

Ce projet de loi a créé un régime dans le cadre duquel les policiers qui enquêtent sur une infraction désignée au Code criminel peuvent demander à un juge d'une cour provinciale un mandat les autorisant à prélever des substances corporelles d'un suspect dans certaines conditions. Le profil génétique établi à partir de ces substances peut ensuite servir à établir un lien éventuel entre le suspect et le crime.

• 1545

Cette loi traite de la collecte et du genre de substances corporelles qu'on peut prélever en vertu du régime de mandats, ainsi que de ceux qui peuvent effectuer les prélèvements. Elle comporte aussi des dispositions spéciales visant à protéger la vie privée des suspects, ainsi que des articles visant précisément les jeunes contrevenants.

Depuis son adoption, le projet de loi C-104 a constitué pour la police canadienne un outil efficace dans la résolution de centaines de crimes graves. Des preuves obtenues avec des mandats autorisant le prélèvement d'ADN ont servi à éliminer des suspects de façon décisive et contribué à la condamnation de suspects dans d'autres cas. Dans un nombre important d'affaires, les preuves fondées sur l'ADN ont permis l'obtention de plaidoyers de culpabilité et, du coup, la réduction des frais judiciaires; elles ont aussi épargné à des victimes le traumatisme d'un témoignage pendant le procès.

Les premières observations de la Cour suprême sur le projet de loi C-104 ont été faites au printemps de 1997, dans l'affaire Stillman. En l'occurrence, un jeune contrevenant avait été accusé d'agression sexuelle brutale et du meurtre d'une adolescente avant l'adoption du projet de loi C-104. On avait trouvé du sperme dans le vagin de la victime ainsi que des marques de dents humaines sur son abdomen. Elle était morte des suites de blessures à la tête.

Mon ami Jack Walsh et d'autres témoins nous ont expliqué que Stillman avait été forcé de fournir des empreintes dentaires et qu'on avait obtenu des échantillons de son ADN dans un mouchoir qu'il avait jeté à la poubelle pendant qu'il était en détention et que c'est avec ces preuves qu'on avait établi le lien entre Stillman et l'infraction. La Cour suprême du Canada a ordonné la tenue d'un nouveau procès. Jack Walsh s'est occupé de la poursuite et Stillman a été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré.

Pour déterminer si l'admission de ces preuves rendrait le procès injuste et devrait donc être interdite, la Cour suprême a défini les preuves mobilisant l'accusé contre lui-même. La preuve est obtenue en mobilisant l'accusé contre lui-même lorsque l'accusé, en violation de ses droits, est forcé de s'incriminer sur l'ordre de l'État, au moyen d'une déclaration, de l'utilisation de son corps ou de la production de substances corporelles. Toutes les autres preuves ne sont pas obtenues en mobilisant l'accusé contre lui-même. Lorsqu'une personne est forcée de produire des preuves en vertu d'un mandat valide, il n'y a pas de violation de la Charte et on juge que la preuve a été obtenue en ne mobilisant pas l'accusé contre lui-même.

Dans l'affaire Stillman, le juge Cory, au nom de la majorité, a fait les remarques suivantes concernant le régime de mandats autorisant l'obtention d'ADN, et nombreux sont ceux qui ont cité ces remarques. M. Danson, dans son avis juridique, y a fait allusion. Je cite:

    Bien que la question n'ait pas été soulevée, il semblerait que les dispositions récentes du Code qui autorisent les analyses d'empreintes génétiques pourraient bien satisfaire toutes les exigences constitutionnelles.

    La procédure est contrôlée par les tribunaux, elle doit être fondée sur des motifs raisonnables et le juge qui accorde l'autorisation doit être convaincu qu'elle ne porte qu'une atteinte minimale.

    On ne saurait oublier que l'analyse peut établir l'innocence aussi facilement que la culpabilité, comme l'affaire Guy Paul Morin l'illustre si bien.

    Il me semble que l'exigence de justification constitue une garantie raisonnable et qu'elle est nécessaire pour contrer les pouvoirs de la police de porter atteinte au corps d'une personne. C'est le point de vue que je préconiserais.

Certains témoins ont recommandé la modification du projet de loi C-104. Jack Walsh et Renée Pomerance vous ont proposé des ajouts à la liste des infractions désignées. En revanche, d'autres estiment que le prélèvement de substances pour l'établissement d'un profil génétique n'est pas plus envahissant que la prise d'empreintes digitales et ont réclamé des changements radicaux à la loi qui régit le prélèvement d'échantillons sur des suspects. Ils signalent que la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité de la prise d'empreintes digitales au moment de l'arrestation et concluent que le tribunal porterait le même jugement sur le prélèvement d'échantillons d'ADN au moment de l'arrestation.

Ces remarques soulèvent de graves préoccupations compte tenu du fait que la Cour suprême du Canada, à l'instar d'autres tribunaux canadiens, a reconnu qu'il y a une différence significative en droit entre les empreintes digitales et les empreintes génétiques.

• 1550

Dans la décision Beare et Higgins rendue en 1988, le juge La Forest, au nom de la Cour suprême du Canada, a fait remarquer que, bien que certains trouvent la prise d'empreintes digitales désagréable, elle dure peu de temps, ne laisse pas d'impression durable et ses inconvénients sont négligeables. Il a souligné qu'il n'y a pas pénétration corporelle et qu'aucune substance n'est prélevée. Le prélèvement de substances corporelles est non seulement envahissant en soi, mais il est possible d'en apprendre beaucoup plus sur une personne à partir de ses empreintes génétiques.

En outre, il est évident que les facteurs qui ont amené le tribunal à juger que la prise d'empreintes digitales au moment de l'arrestation satisfait les exigences constitutionnelles n'existent pas pour le profil génétique. Le juge La Forest a dit ce qui suit concernant l'usage des empreintes digitales au début du processus de justice criminelle:

    Les empreintes digitales servent à des fins diverses en justice criminelle. Parmi celles-ci, elles servent à établir un lien entre l'inculpé et le crime, lorsque des empreintes sont trouvées sur les lieux ou sur des preuves matérielles; elles servent à déterminer si l'inculpé a été accusé ou reconnu coupable d'autres crimes, afin d'éclairer, par exemple, une décision sur sa libération en attendant son procès ou sur le choix de procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou par acte d'accusation; elles servent à établir si l'accusé est illicitement en liberté ou si d'autres inculpations sont pendantes, et à faciliter son arrestation en cas de défaut de comparution. De plus, les empreintes digitales prélevées au moment de l'arrestation servent à identifier les détenus aux tendances suicidaires, les délinquants sexuels, les criminels de carrière et les personnes ayant des tentatives d'évasion à leur actif, de façon qu'on puisse les séparer ou les surveiller de façon appropriée.

Manifestement, le profil génétique n'a pas la même utilité. Le processus d'analyse génétique à des fins médico-légales prend beaucoup trop de temps pour aider la Couronne à ces différentes étapes qui sont au début du processus de justice criminelle.

Les empreintes digitales peuvent être prises et comparées rapidement à celles conservées dans la banque nationale d'empreintes digitales, alors que les échantillons de substances corporelles servant à établir les profils génétiques doivent être envoyés à l'un des quatre ou cinq laboratoires judiciaires spécialisés aux fins d'analyse scientifique. Ce n'est qu'une fois l'analyse terminée qu'on peut comparer le profil ou les empreintes génétiques aux informations contenues dans la banque de données génétiques.

L'analyse risque de prendre beaucoup de temps. Dans ce cas, elle ne pourra pas aider le procureur de la Couronne à établir s'il convient, par exemple, de s'opposer à la libération sous caution de l'accusé. Il ne pourra pas non plus se reporter à cette analyse pour prendre rapidement les décisions qui doivent être prises presque immédiatement après l'arrestation d'une personne. Le Code criminel prévoit que le prévenu doit comparaître devant un juge de la paix dans les 24 heures suivant son arrestation ou dès que possible. En outre, si le procureur de la Couronne demande au juge de refuser au prévenu la libération sous caution, il doit présenter ses raisons dans un délai maximal de trois jours.

Ceux qui proposent que des échantillons d'ADN soient prélevés au moment de l'arrestation d'un prévenu ne se rendent peut-être pas compte que ce qu'ils réclament, c'est de remplacer le système de mandats autorisant le prélèvement d'ADN par un système comme celui qui existe au Royaume-Uni.

Voilà qui met fin à mon exposé sur le projet de loi C-104.

Je n'ai que quelques observations au sujet du projet de loi C-3.

La structure du projet de loi est très simple. La banque de données génétiques comporte deux fichiers. Les critères prévus pour l'inclusion d'un profil d'identification génétique à la banque de données sont les mêmes que ceux qui s'appliquent aux mandats autorisant le prélèvement d'ADN, à savoir des critères qui ont déjà été acceptés par les tribunaux. Il est cependant prévu que les tribunaux exerceront un pouvoir discrétionnaire en ce qui touche les infractions primaires et secondaires. Nous anticipons que cela donne lieu à certaines questions.

À notre avis, ce pouvoir discrétionnaire a été reconnu par la Cour suprême dans des affaires comme Baron. Les tribunaux confirmeront donc ce pouvoir discrétionnaire.

• 1555

Nous estimons également nécessaire que ce pouvoir discrétionnaire soit inclus dans la loi aux fins d'uniformisation de la politique en matière de droit pénal. Comme M. MacKay l'a fait remarquer l'autre jour, en vertu de l'article 100 du Code criminel portant sur les ordonnances d'interdiction d'armes à feu, une ordonnance obligatoire est délivrée dans certaines circonstances à moins que le prévenu ne puisse prouver que l'ordonnance ne se justifie pas. Il s'agit essentiellement ici du même modèle.

La liste d'infractions désignées est la même que celle qui est prévue dans le cadre du système de mandats et si l'une est modifiée, l'autre le sera également. De façon générale, il s'agit de crimes comportant de la violence ou de crimes où il est probable qu'une substance corporelle ou que quelque chose se rapportant au crime ait pu être laissé sur les lieux du crime.

La banque de données et le système de mandats sont conçus pour aller de pair. Je crois que l'un de vos témoins a expliqué que le fait qu'un profil d'identification génétique corresponde à l'un des profils de la banque de données constituerait un motif suffisant pour obtenir un mandat de prélèvement d'ADN en vertu du projet de loi C-104.

Il importe de souligner que le système de mandats autorisant le prélèvement d'ADN et la création d'une banque de données permettront ensemble d'aider à résoudre les crimes pour lesquels il n'existe pas de suspect évident. L'affaire Stillman est un exemple de ce genre de crime tout comme les crimes commis par M. Bernardo. Il existe beaucoup de crimes de ce genre que nous devons résoudre.

J'ai deux dernières observations à faire au sujet du projet de loi. La banque de données reprend, en ce qui concerne le prélèvement de substances corporelles, bon nombre des mesures de protection prévues dans le système de mandats. De façon générale, nous estimons que le projet de loi C-3 portant sur la création d'une banque de données établit un équilibre entre des facteurs comme le respect de l'intégrité de la personne, le contrôle sur les substances corporelles provenant de son propre corps, la protection de la vie privée de l'accusé et le caractère intrusif des méthodes de prélèvement, et l'intérêt légitime de l'État à procéder à des prélèvements afin de protéger le public.

Je n'en dirai pas plus. Je crois que ça suffit. À moins que Michael ne souhaite ajouter quelque chose, nous répondrons maintenant à vos questions.

La présidente: Avant d'ouvrir la période des questions, j'aimerais vous demander si vous avez eu l'occasion d'étudier l'avis que nous a donné M. Danson de l'Association canadienne des policiers?

M. Michael Zigayer: Oui, Michael et moi l'avons étudié.

La présidente: Très bien. Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente. Je tiens à remercier nos témoins de bien vouloir nous faire part de leur point de vue sur les projets de loi C-104 et C-3.

Vous n'avez pas abordé dans votre exposé la question des prélèvements rétroactifs. Il s'agit d'une question controversée. Vous vous prononcez cependant en faveur de prélèvements d'ADN sur ceux qui ont été condamnés et sont toujours en détention. Pourquoi limitez-vous cependant ces prélèvements aux coupables de crimes dangereux ou d'agressions sexuelles multiples? Si la Charte n'est pas une préoccupation, pourquoi ne pas permettre des prélèvements d'ADN sur des gens comme Clifford Olsen?

• 1600

M. Michael Zigayer: Monsieur Ramsay, nous avons étudié de nombreuses options lorsque nous avons abordé la question de la rétroactivité. Nous avons estimé que c'est pour ces deux genres de crimes que les prélèvements seraient considérés comme étant justifiés.

Les contrevenants dangereux sont des personnes qui, de l'avis des tribunaux, continueront de poser des risques à la société s'ils sont libérés. Certains d'entre eux sont maintenant libérés... On a donc cru bon de les inclure dans la première catégorie.

Le deuxième groupe de personnes visées sont ceux qui ont commis plus d'une agression sexuelle. On peut donc dire qu'il y a eu récidive.

Voilà les deux principales raisons pour permettre le prélèvement dans le cas de ces deux groupes.

Michael, pouvez-vous ajouter quelque chose?

M. Michael Pierce (conseiller juridique, Section des droits de la personne, ministère de la Justice): La seule chose que j'ajouterais, c'est qu'il est très difficile de prédire avec exactitude les risques de récidive. On demande cependant de plus en plus à ce que cela soit fait et que des dispositions en ce sens figurent dans le Code criminel.

La rétroactivité pose de sérieux problèmes pour ce qui est de la Charte. Le gouvernement a estimé qu'il lui serait possible en vertu de la Charte de prouver qu'il est dans l'intérêt de la société de procéder aux prélèvements dans le cas de ces deux catégories de personnes puisqu'on peut établir qu'il y a risque de récidive.

Voilà donc la raison d'être de ces deux catégories. Le simple fait de considérer un détenu comme un criminel dangereux suffit pour prouver qu'il y a risque de récidive. Les personnes qui ont commis plus d'une agression sexuelle ont démontré qu'elles étaient susceptibles de récidiver. Les recherches démontrent d'ailleurs que c'est parmi les coupables d'agression sexuelle que le taux de récidive est le plus élevé. Voilà donc les deux catégories de personnes pour lesquelles il est possible de prévoir la récidive.

Il serait, par exemple, difficile de le prévoir pour des meurtriers. Je ne dis pas que c'est impossible, mais ce serait difficile. Nous savons que le taux de récidive chez les meurtriers est très bas. Par conséquent, je vois mal comment les meurtriers pourraient constituer une autre catégorie.

Il n'y a pas de définition juridique de ce qu'on considère comme étant un tueur en série, d'autres types de criminels pour lesquels on pourrait envisager la rétroactivité. Par conséquent, il serait difficile de concevoir un régime de portée assez restreinte.

M. Jack Ramsay: Vous n'avez donc proposé la rétroactivité que dans les cas où elle était tout à fait justifiable.

M. Michael Pierce: Oui, car je dois tenir compte de la Charte. Mes collègues du ministère du Solliciteur général...

M. Jack Ramsay: A-t-on pensé que la possibilité de pouvoir résoudre des crimes non résolus pouvait justifier la rétroactivité?

M. Michael Pierce: Non. Le fait de pouvoir comparer l'échantillon d'ADN d'un criminel aux profils contenus dans la banque de données permettrait peut-être de résoudre certains crimes, mais il serait difficile de justifier la rétroactivité pour cette raison.

Si l'on prend un prélèvement d'ADN dans le cadre d'une enquête afin de résoudre un crime, on le fait en vertu du mandat autorisant le prélèvement avec toutes les garanties constitutionnelles que cela suppose. Dès qu'il y a condamnation, on peut prendre des prélèvements. L'objectif premier n'est pas de résoudre des crimes non résolus, mais c'est certainement l'un des avantages de cette méthode. En raison de la Charte, le critère qui s'applique est cependant beaucoup plus élevé dans le cas des criminels qui sont incarcérés à l'heure actuelle mais qui, lorsqu'ils ont commis leur crime, ne savaient pas qu'ils seraient peut-être tenus de fournir un échantillon d'ADN. Changer les règles du jeu après que ces personnes ont été punies pour leur crime, c'est-à-dire qu'une peine leur a été imposée, irait à l'encontre de principes constitutionnels bien établis.

• 1605

M. Jack Ramsay: Les témoins que nous avons entendus nous ont dit clairement que les policiers peuvent prendre les empreintes digitales de quelqu'un après qu'il a été condamné s'ils n'ont pas pu le faire au moment de l'arrestation ou au moment où les accusations ont été portées contre le prévenu.

M. Michael Pierce: Après une condamnation.

M. Jack Ramsay: Oui. Des empreintes digitales peuvent être prises après la condamnation.

M. Michael Pierce: C'est exact, mais j'aimerais faire une distinction entre le cas où des empreintes sont prises après une condamnation en raison... Je m'excuse. Vous parlez des empreintes digitales et je continue de parler de l'ADN. Je m'excuse.

M. Jack Ramsay: Si nous n'avions pas les empreintes digitales de Clifford Olson, nous pourrions les prendre. La Constitution et la Charte le permettent, n'est-ce pas?

M. Michael Pierce: Il convient cependant de faire une distinction entre les empreintes digitales et les prélèvements d'ADN. Dans l'arrêt faisant jurisprudence, l'arrêt Beare, la Cour suprême n'a même pas conclu que la prise d'empreintes digitales constituait une fouille ou une saisie. Nous savons cependant qu'un prélèvement d'ADN constitue clairement une fouille ou une saisie et c'est pourquoi il faut prévoir des garanties constitutionnelles s'y rapportant.

M. Jack Ramsay: Faut-il comprendre que le fait de prendre un prélèvement d'ADN de gens comme Clifford Olson constituerait une fouille et une saisie?

M. Michael Pierce: Oui.

M. Jack Ramsay: Dans ce cas, le fait de faire un prélèvement d'ADN sur qui que ce soit constitue une fouille et une saisie.

M. Michael Pierce: C'est exact.

M. Jack Ramsay: Faut-il obtenir un mandat de perquisition?

M. Michael Pierce: Il faut normalement le faire si c'est dans le cadre d'une enquête criminelle. Il existe certaines exceptions à cette règle, mais c'est habituellement le cas.

M. Jack Ramsay: Est-ce ce qui est prévu dans le projet de loi C-104?

M. Michael Pierce: En effet.

M. Jack Ramsay: Vous dites donc qu'il s'agit d'un mandat de perquisition?

M. Michael Pierce: C'est exact.

M. Michael Zigayer: Il s'agit d'un mandat de perquisition spécialisé.

M. Jack Ramsay: J'aimerais maintenant aborder une autre question, et c'est celle des délais. Dans votre exposé, vous avez cité l'arrêt d'un juge. Le fait qu'il faille attendre assez longtemps les résultats d'une analyse génétique ferait en sorte qu'elle soit moins utile à la police que des empreintes digitales.

On nous a dit hier qu'on pouvait effectuer des analyses génétiques beaucoup plus rapidement qu'il y a quelques années. Pensez-vous que cela signifie que l'arrêt n'est plus valable? Est- ce ce dont il s'agit? Autrement dit, si l'on pouvait obtenir les résultats d'une analyse génétique en quelques heures, cela signifierait-il que l'argument que vous présentez dans votre exposé et qui repose sur l'arrêt du juge ne tiendrait plus?

M. Michael Zigayer: J'ai cité l'arrêt du juge La Forest dans l'affaire Beare et Higgins. Je me suis reporté à cet arrêt simplement pour montrer quelle était l'utilité de prendre des empreintes digitales dès le début d'une enquête criminelle.

• 1610

Vous avez vu l'autre jour comment on a pris les empreintes digitales de M. Newark. Cela n'a pris que quelques instants. Il suffit ensuite de comparer par voie électronique ces empreintes digitales avec celles qui figurent dans la banque de données de la GRC. Le processus de la prise, de l'analyse et de la comparaison des prélèvements d'ADN provenant des substances corporelles d'un suspect est bien différent.

Supposons que le crime n'ait pas eu lieu à Toronto ou à Montréal où il existe des laboratoires judiciaires ou à Regina où la GRC en a un. Supposons qu'il se soit produit à Baker Lake dans les Territoires du Nord-Ouest ou à Iqaluit. On fait le prélèvement sur le suspect et on ne peut pas l'envoyer au laboratoire avant deux jours à cause du mauvais temps. On a cependant un suspect qui, aux termes de la loi, doit comparaître devant un juge de paix dans un certain délai et qui doit être libéré si l'on ne peut pas démontrer qu'il y a de bonnes raisons de l'incarcérer.

La police peut prendre des empreintes digitales et, par voie électronique, les comparer avec la banque de données en quelques minutes ou en quelques heures. Le procureur de la Couronne pourra s'en servir s'il veut prouver qu'il y a des raisons d'incarcérer le prévenu. Quant au prélèvement d'ADN, il serait toujours sur place parce qu'il aurait été impossible, en raison du mauvais temps, de l'acheminer vers un laboratoire judiciaire qui pourrait l'analyser.

Il pourrait aussi exister un arriéré d'analyses. S'il était question de faire un prélèvement automatique d'ADN pour toutes les infractions désignées et pas seulement pour les infractions criminelles, ces laboratoires ne suffiraient pas à la tâche. Combien de vols par effraction sont-ils commis chaque année? S'il était obligatoire de faire un prélèvement sur toutes les personnes qui sont arrêtées, on se retrouverait avec d'énormes quantités d'échantillons.

Je suppose qu'il ne serait pas nécessaire de faire un nouveau prélèvement d'ADN sur un contrevenant sur qui on l'aurait déjà fait. Le profil génétique serait versé au casier judiciaire de cette personne tout comme ses empreintes digitales. Le problème se poserait cependant dans le cas d'une première infraction criminelle.

Tout ce que je dis c'est que le processus prend du temps et continuera d'en prendre parce qu'il n'est pas aussi simple que celui des empreintes digitales. Il sera peut-être un jour aussi facile de faire une analyse génétique que de prendre des empreintes digitales, mais ce n'est pas encore le cas. Je ne devrais peut-être pas le dire, mais je ne pense pas qu'il conviendrait de rédiger une loi en fonction de quelque chose qui n'existe pas encore.

Il ne s'agit pas de science-fiction. Il faut tenir compte de la technologie qui existe aujourd'hui. Si elle change dans l'avenir, on pourra réexaminer les choses. Quelle que soit la technologie, il faudra cependant tenir compte de la Charte, de la présomption d'innocence et de l'équilibre à rechercher entre le caractère intrusif de la méthode et son objectif.

Qu'est-ce qui justifierait le fait qu'on effectue un profil génétique pour une personne lorsqu'il n'y a pas d'éléments de preuve de la perpétration de l'infraction liés à l'ADN? Autrement dit, supposons que quelqu'un soit tué d'une balle de fusil tirée d'une certaine distance. Sur le lieu du crime on trouvera le corps de la victime et une balle, mais aucune substance corporelle de la victime ne se retrouvera sur le suspect ou sur le fusil. Par ailleurs, aucune substance corporelle du suspect ne se retrouverait non plus sur la victime. Dans un cas comme celui-là, une analyse génétique ne se justifierait pas.

• 1615

M. Jack Ramsay: Ce que vous dites, c'est qu'on nÂa aucune raison de prélever un échantillon d'ADN en vertu du projet de loi C-l04.

M. Michael Zigayer: On nÂa aucune raison de le faire, tout simplement.

M. Jack Ramsay: Non, pas pour le moment, mais nous nous penchons sur la législation qui permet de le faire. Si vous avez lu le témoignage des personnes qui ont comparu devant notre comité, vous comprendrez pourquoi elles le demandent. C'est pour établir si la personne qu'elles ont arrêtée ou contre qui elles ont porté des accusations a laissé, sur les lieux d'un autre crime, un spécimen d'ADN qui figure dans la banque de données. Voilà le but visé.

M. Michael Zigayer: Je comprends très bien. Je sais qu'en Grande-Bretagne, le système en place a permis de relier des gens à des actes criminels. Je m'attends à ce que nous puissions en faire autant avec le système que propose le projet de loi C-3.

M. Jack Ramsay: Et tel est le but...

M. Michael Zigayer: La différence—et je pense que M. Pierce sera d'accord avec moi—c'est que nos tribunaux nous ont dit qu'il fallait obtenir une autorisation judiciaire préalable pour prélever une substance corporelle dans le but de faire une analyse génétique. C'est une forme de perquisition. Ce sera considéré comme telle. Une perquisition exige une autorisation judiciaire.

M. Jack Ramsay: D'accord.

J'ai d'autres questions, mais j'y reviendrai.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay.

Monsieur Lee, avez-vous une ou deux questions à poser?

M. Derek Lee: Oui, certainement.

Je voulais aborder la façon dont nous discutons de ces questions au Parlement. Je respecte tout à fait votre opinion quant à l'évolution de la loi et l'aide que les tribunaux peuvent nous apporter. Vous avez dit que vous alliez nous expliquer certains des changements à la loi.

Si vous me permettez de changer un peu de sujet, c'est ici que nous faisons les lois. Tous changements importants risquent davantage d'être apportés ici et c'est ce que nous essayons de faire maintenant. Je sais que les tribunaux ont joué un rôle et qu'en tant qu'avocats, vous regardez tous les deux de leur côté plus souvent que de ce côté-ci. Mais nous avons pour tâche d'élaborer une loi et, même si ce qui se passe en pratique peut nous être utile, vous reconnaîtrez, j'espère, que la principale responsabilité que nous ont confiée les électeurs est de faire des lois. Nous allons le faire d'une façon qui sera conforme à la Charte et, si le ministère de la Justice ou si les tribunaux veulent confirmer sa validité, nous n'y verrons pas d'inconvénients.

Ce n'est pas une question, mais un commentaire que je tenais à faire. Je regrette de ne pas avoir posé de questions.

La présidente: Je m'attendais à ce genre d'observation.

M. Derek Lee: Je voulais aborder la question de la technologie qui évolue. M. Ramsay vous a invités à parler de ce qui se passerait si nous pouvions obtenir une empreinte génétique en quelques minutes. Je suis convaincu que cela finira par se faire. Lors des témoignages, on nous a déjà dit qu'un simple mouvement de la main, avec ou sans empreintes digitales, mais qui laisse l'empreinte de la paume peut fournir un spécimen d'ADN suffisant. Un jour ou l'autre, un petit appareil prélèvera un très petit fragment de peau, à un endroit dépourvu de nerfs pour fournir une empreinte génétique. Je suppose que cela arrivera un jour.

Savez-vous combien de temps il faut actuellement pour obtenir un profil d'identification génétique dans la grande ville?

M. Michael Zigayer: C'est une question qu'il aurait fallu poser aux témoins d'hier.

Je crois que les témoins d'hier ont dit qu'il fallait sans doute compter quatre jours environ, mais seulement si vous avez un spécimen parfait.

• 1620

Par exemple, vous vous dites: Voici un spécimen qu'il n'est pas nécessaire de prélever sur des jeans, un mur ou un endroit de ce genre, ce qui augmente la durée, la complexité et le coût global de l'opération. On propose de prélever un échantillon sanguin. Encore une fois, M. Newark a contribué à l'expérience. Un échantillon de sang a été prélevé sur son doigt sous la forme d'une tache de sang de la taille d'une pièce de 25c. déposée sur du papier buvard. Il suffit de piquer le doigt et d'analyser le sang. Il n'est pas nécessaire d'avoir à se dévêtir ou à faire des efforts particuliers et, d'après ce qu'ils ont dit, il faut environ quatre jours pour ce genre d'analyse.

M. Derek Lee: D'accord. Le dernier cas que vous avez mentionné à propos des empreintes génétiques en tant qu'instrument scientifique remonte à une dizaine d'années. Il s'agissait de l'affaire Beare.

M. Michael Zigayer: Cela ne portait pas sur des empreintes génétiques, mais uniquement des empreintes digitales.

M. Derek Lee: Mais il n'avait pas alors été question d'empreintes génétiques?

M. Michael Zigayer: Il avait été question de prélever des substances corporelles.

M. Derek Lee: C'est suffisant. Le problème est qu'il y a 10 ans, on estimait que le fait de prélever une substance corporelle constituait une ingérence corporelle, car vous aviez à faire une sorte de sondage pour obtenir la substance. Comme vous le savez, 10 ans c'est très long dans ce contexte et ça l'est certainement pour ce qui est des empreintes génétiques.

Dans cette cause, ou une cause ultérieure—et si je me trompe, dites-le-moi—les tribunaux ont estimé que la prise de spécimen génétique constituait une ingérence corporelle et devait être justifiée. C'est une sorte de perquisition. Mais la prise d'empreintes digitales n'a jamais été considérée comme une perquisition. Est-ce exact? C'est ce que vous avez dit, je crois.

M. Michael Pierce: C'est exact. Dans l'affaire Beare, il n'y a pas eu de prise de spécimen au moment de l'arrestation. La jurisprudence n'est pas uniforme quant à savoir si la prise d'empreintes digitales constitue ou non une perquisition. Dans certains cas on a estimé que oui et dans d'autres, que non.

M. Derek Lee: Puis-je conclure, d'après tout ce que nous avons entendu et ce que vous avez dit ici aujourd'hui que la prise d'empreintes digitales sert maintenant à la fois pour identifier le suspect et pour enquêter sur d'autres actes criminels?

M. Michael Zigayer: Oui, on s'en sert tant pour le crime pour lequel la personne a été arrêtée que pour d'autres actes criminels.

M. Derek Lee: Si vous remplacez les empreintes digitales par le profil d'identification génétique dans le cas d'une personne accusée d'une infraction, je ne vois pas de différence dans la façon dont la police et la poursuite traiteront le profil.

Je ne vois pas de différence si je me place dans le contexte actuel et non pas en fonction de cette affaire qui remonte à 10 ans. Le profil d'identification génétique servirait aujourd'hui aux mêmes fins que les empreintes digitales. N'est-ce pas le cas?

M. Michael Pierce: Je pense qu'il y a certaines caractéristiques différentes. Si j'ai bien compris, vous dites qu'il ne faudrait pas s'occuper du prélèvement de l'échantillon, mais uniquement du profil comme tel, qu'il faudrait faire l'analyse et voir à partir de là.

De nos jours, et ce sera certainement encore plus vrai à l'avenir, il se peut que le profile nous dise bien plus sur une personne que son identité. C'est la principale chose à considérer. Le profil risque d'identifier les maladies que peut présenter l'intéressé ou ses relations avec d'autres personnes, peut-être avec des membres de sa famille. Cela pourrait certainement identifier un frère jumeau. L'empreinte génétique contient donc beaucoup plus d'informations que l'empreinte digitale.

M. Derek Lee: Je sais qu'une empreinte génétique peut fournir tous ces renseignements...

M. Michael Pierce: Pas les profils.

M. Derek Lee: ... mais la police... Si vous avez raison, nous avons été induits en erreur car c'est ce qu'on nous a dit très clairement en nous montrant le profil d'identification génétique. Il indique seulement l'identité. Il se contente de vous donner un code numérique. C'est tout ce qu'on recherche et c'est tout ce qu'on désire obtenir.

• 1625

M. Michael Pierce: Les jumeaux, par exemple, peuvent avoir le même code numérique.

M. Derek Lee: Nous le savons. On nous a dit que si vous êtes un jumeau identique, quelqu'un d'autre sur la planète a le même code d'identification.

Par conséquent, le processus d'identification ne recherche pas des maladies ou d'autres renseignements. Il cherche seulement une série de caractéristiques numériques uniques. C'est tout ce qu'il y aura dans la banque de données. C'est seulement à cela que sert le profil d'identification génétique pour le moment et je suis certain que c'est tout ce qui intéresse le commissaire de la GRC. Si ce n'est pas le cas, nous avons un autre problème à régler à propos de ce projet de loi.

Je comprends que vous vous inquiétez que les empreintes génétiques fournissent plus de renseignements que ceux que nous recherchons. Toutefois, dans ce projet de loi, nous cherchons seulement les codes d'identification. C'est tout ce que nous aurons dans la banque de données.

Y a-t-il d'autres différences entre les empreintes digitales et les empreintes génétiques?

M. Michael Zigayer: Me permettez-vous de revenir à une question fondamentale? Si les empreintes digitales vous donnent tous les renseignements dont vous avez besoin, pourquoi vous faut-il plus?

M. Derek Lee: Dans ce cas, nous n'avons pas du tout besoin des empreintes génétiques. Pourquoi se donner cette peine?

M. Michael Zigayer: Non, vous avez besoin des empreintes génétiques comme instruments d'enquête, pour résoudre les énigmes policières, comme dans le cas de Borden où la victime n'a pas pu identifier son agresseur ou encore l'affaire Bernardo ou l'affaire Stillman où la victime est morte. Dans l'affaire Borden, la victime a survécu, mais c'était une femme âgée, il faisait sombre et elle n'a pas pu identifier son agresseur.

M. Derek Lee: Vous avez déjà dit que les empreintes digitales servaient aux fins d'enquête.

M. Michael Zigayer: Oui.

M. Derek Lee: Pourquoi serait-il difficile de se servir du profil d'identification génétique aux fins d'enquête si nous n'avons pas de difficulté à nous servir d'empreintes digitales?

M. Michael Zigayer: Vous avez déjà un moyen de l'obtenir. La loi prévoit une procédure qui semble constitutionnelle et qui vous permet d'obtenir ce profil si vous en avez besoin aux fins d'enquête au lieu d'aller simplement à la pêche.

M. Derek Lee: Le fait de prendre des empreintes digitales au moment de l'accusation et de s'en servir pour établir si l'accusé est impliqué dans un autre acte criminel revient au même que de prendre le profil d'identification génétique pour voir s'il a commis un autre délit.

M. Michael Pierce: Bien entendu, mais malheureusement, le profil d'identification génétique ne tombe pas du ciel. Il faut prélever des spécimens d'ADN.

M. Derek Lee: Une empreinte digitale ne tombe pas du ciel non plus.

M. Michael Pierce: Elle n'exige pas une ingérence corporelle.

M. Derek Lee: Notre discussion se fonde sur une empreinte génétique dont on dispose déjà. Comme vous vous en souviendrez, c'était très clair au départ.

M. Michael Zigayer: Nous pouvons convenir que si vous avez un profil d'identification génétique dans votre banque de données, vous pouvez le comparer à n'importe quoi. Vous pourrez le comparer à tout ce qui sera trouvé sur la scène du crime. Ce sera automatique.

Le profil d'identification génétique d'un coupable—la série de chiffres dont vous avez parlé—reste indéfiniment dans le dossier du coupable. À chaque fois qu'il y aura un nouveau crime non résolu, ces données seront comparées aux indices trouvés sur les lieux. Néanmoins, il y a une distinction à faire pour ce qui est du prélèvement.

M. Derek Lee: Je vous ai demandé d'établir la distinction entre les empreintes digitales et les empreintes génétiques et vous nous avez signalé l'exhortation du tribunal quant à l'ingérence corporelle que représente le prélèvement d'une empreinte génétique. Je reconnais qu'il y a alors une certaine ingérence corporelle.

Vous nous avez dit que l'empreinte génétique pouvait révéler beaucoup d'autres informations sur une personne, mais à mon avis, ce n'est pas une considération dans le cas présent. C'est une bonne raison de reconsidérer la protection de la vie privée par rapport à l'ADN, mais à l'exception de ces deux cas, et peut-être également d'un facteur coût, je ne vois toujours pas de raison de faire une distinction entre les empreintes digitales et l'empreinte génétique.

Je vous invite donc à m'aider à faire cette distinction, car on m'a demandé, en tant que législateur, de considérer les avantages qu'il y aurait pour la société à faire des prélèvements d'ADN au moment où une personne est accusée, par exemple, d'une infraction primaire.

• 1630

De toute façon, je vous remercie. C'est probablement ma dernière question, mais cela dépendra de la réponse.

M. Michael Pierce: J'aurais énormément de mal à faire une distinction entre un prélèvement d'ADN et les informations qu'on peut en tirer. Je comprends ce que vous dites; effectivement, nous aimons à penser que la vie privée des gens sera suffisamment protégée. Toutefois, les dispositions constitutionnelles nous obligent à envisager la possibilité d'un déraillement quelque part, la possibilité d'une ingérence dans la vie privée des gens.

Lorsque nous mentionnons la possibilité de faire des prélèvements au moment de l'arrestation, ce sont précisément ces protections constitutionnelles qui sont en cause. Et ces considérations méritent d'être examinées sérieusement.

La présidente: Mais si nous avons... je vous demande de me pardonner, monsieur Mancini, mais ce matin mon cerveau semble fonctionner de façon intermittente. Les interprétations juridiques comme celles qui sont dans la loi, et qui empêchent d'utiliser ces informations à mauvais escient, de les utiliser à d'autres fins, est-ce que cela ne constitue pas une solution? Après tout, dans tous les domaines où c'est humainement possible, nous avons imposé des limitations pour éviter ce genre d'abus. Finalement, est-ce que la seule question n'est pas de savoir si une fouille ou une perquisition est justifiée?

M. Michael Pierce: Je pense que cette question de la protection de la vie privée doit être considérée dans un contexte politique, c'est-à-dire que tout dépend de la décision que vous prendrez: est-ce oui ou non une bonne idée? Mais sur le plan juridique, et en particulier sur le plan de la Charte, ce n'est malheureusement pas une solution.

Si l'on considère les garanties contre les fouilles, les perquisitions et les saisies qui figurent à l'article 8 de la Charte, le tribunal entreprend une analyse pour tenter d'évaluer à quel point il risque d'y avoir violation de la vie privée lorsque l'État a, en sa possession, ces informations à votre sujet. Par exemple, dans le cas d'une conversation, le risque augmente si la conversation a été enregistrée par l'État. Une fois que l'État possède un enregistrement, il peut exercer un contrôle, il peut utiliser cet enregistrement ou même en abuser.

Malheureusement, je ne cherche absolument pas à critiquer le gouvernement, c'est une hypothèse qui est toujours présente dans l'analyse constitutionnelle.

La présidente: Mais à mon avis, les tables d'écoute sont un type d'intrusions les plus graves dans la vie des gens: on s'approprie leurs pensées, leurs communications privées. Et cela se produit.

M. Jack Ramsay: À leur insu.

La présidente: Oui, dans l'anonymat, sans faire de bruit, et la victime ignore qu'il y a eu intrusion.

Cette notion me donne beaucoup de mal car je considère que c'est un des outils les plus utiles pour résoudre des crimes, et également une des meilleures choses que nous puissions faire pour les victimes d'un crime. C'est un peu exaspérant. Dans cinq ans, dans deux ans ou dans six mois, lorsqu'on pourra prélever de l'ADN sans qu'il y ait intrusion—et nous n'en sommes pas loin—j'imagine que tous ces arguments disparaîtront.

J'accepte l'argument de l'intrusion—cela ne me plaît pas, mais je l'accepte—mais à mon avis, nous faisons beaucoup de choses qui constituent une intrusion plus grave que d'arracher un de mes cheveux.

M. Michael Pierce: Puis-je répondre très rapidement?

La présidente: Non, pas du tout, je ne laisse jamais personne répondre. Je parle interminablement. C'est un trait de personnalité.

Des voix: Oh, oh.

M. Michael Pierce: Pour commencer, vous avez parfaitement raison quand vous dites que les tables d'écoute sont une intrusion considérable. C'est la raison pour laquelle le Code criminel contient des protections extrêmement solides à ce sujet. Elles le sont dans le cas des tables d'écoute privées—par exemple si je souhaite enregistrer une conversation téléphonique—et également dans le cas des enregistrements dans le cadre d'une enquête de police. Et dans ce cas-là, un mandat est exigé. Autrement dit, pour faire un prélèvement d'ADN dans le cadre d'une enquête de police, il faut un mandat.

• 1635

Voilà pour une chose. Deuxièmement, la situation actuelle n'est pas définitive, et les progrès futurs vont changer toute la situation en ce qui concerne l'ADN. Cela ne fait aucun doute. Cela changera également l'analyse juridique.

La présidente: Autrement dit, si nous faisons une erreur aujourd'hui, si nous allons trop loin, la Cour suprême risque de nous taper sur les doigts, et nous ne pourrons pas réagir aussi rapidement que nous l'aurions pu si nous avions attendu que la technologie nous rattrape. C'est ce que vous nous dites?

M. Michael Pierce: C'est exact.

La présidente: D'accord. Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Je reviens à cet aspect, car je crois voir les choses d'une façon un peu différente...

La présidente: Comme un avocat de la défense.

M. Peter Mancini: Oui. Certains diront que c'est un point de vue déformé. Je m'attends à ce qu'il y ait une contestation en vertu de la Charte. Quand le tribunal parle d'intrusion, je vois les choses d'une façon différente car certains témoins ont abordé cet aspect. Derek, vous avez, vous aussi, posé des questions qui montrent que vous y pensez: dans quelle mesure est-ce vraiment une intrusion d'arracher un cheveu de la tête de quelqu'un, ou de lui faire une petite piqûre d'épingle? Supposons que nous ayons la technologie pour prélever une cellule sans que les gens s'en aperçoivent.

Si j'ai bien compris les paramètres fixés par les tribunaux, et que nous pouvons ignorer si nous le souhaitons, peu importe que cela fasse mal, peu importe qu'on s'en rende compte ou pas: l'être humain est sacro-saint, à tel point que même s'il était possible de faire un prélèvement dans ces conditions, ce serait tout de même prélever une portion de mon être. C'est cela que nous voulons dire par intrusion. Ce n'est pas une question de le sentir, de savoir qu'un prélèvement a été fait, c'est la question de savoir si l'État a le pouvoir de prélever une portion de mon être.

Est-ce que j'interprète bien les choses? Est-ce à cela que vous pensez quand vous parlez d'intrusion et du prélèvement d'ADN? Est-ce là la différence entre un prélèvement d'ADN et des empreintes digitales? Les empreintes digitales sont une impression d'une partie de moi, mais par contre, si on prélève mon ADN pour analyse, c'est une partie de moi, de la personne que je suis, qu'on prélève. C'est bien ça, monsieur Pierce?

M. Michael Pierce: Je n'aurais pas pu l'exprimer mieux moi-même.

Des voix: Oh, oh.

M. Peter Mancini: D'accord.

M. Michael Pierce: Vous avez parfaitement raison, et c'est une chose qui provoque beaucoup de confusion. Quand on parle d'intrusion, on pense à une douleur physique, à des conséquences physiques, mais ce n'est pas la question. C'est l'intrusion, la violation de l'être...

M. Peter Mancini: Exactement.

M. Michael Pierce: ... et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la cour a délimité des circonstances spéciales lorsqu'il s'agit de substances corporelles et décidé que normalement, quand on utilise le corps d'une personne contre elle-même, par exemple lors d'une séance d'identification de suspect, on n'enlève rien à l'être même. On a donc créé cette nouvelle catégorie où quelque chose est enlevée à l'être même, et dans ces cas-là, les exigences seront beaucoup plus sévères. C'est exact.

M. Peter Mancini: Très bien, je vais donc aller un peu plus loin et parler des dispositions de la Charte et des prélèvements sur des individus qui ont déjà été inculpés, qui ont purgé leur peine et qui ont été libérés. Vous nous avez donné des indications très claires, vous nous avez dit qu'il y avait des restrictions car on cherche à protéger les droits de ceux qui ont déjà purgé leur peine. C'est la raison pour laquelle les conditions pour faire de tels prélèvements éliminent un certain nombre de personnes.

Si vous départagez les gens en mesurant les risques de récidive, si après avoir parcouru la liste vous savez quels sont ceux qui risquent de récidiver, pourquoi ne pas garder seulement l'article A et dire qu'il s'agit de ceux dont les tribunaux ont décidé qu'ils étaient des contrevenants dangereux?

Prenons les choses à l'inverse: pourquoi prenons-nous aussi les autres catégories? Au lieu d'étendre le champ d'application, pourquoi ne pas le limiter à ceux qui ont été déclarés contrevenants dangereux par les tribunaux, ce qui justifierait une ingérence dans leurs droits et un prélèvement de substances après qu'ils ont purgé leur peine.

M. Michael Pierce:, C'est une bonne question. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le ministère de la Justice est souvent l'objet de pressions à ce sujet...

La présidente: Vraiment? Bienvenue dans notre club.

Des voix: Bravo, bravo.

M. Michael Pierce: ... tout comme vous au Parlement, j'en suis certain. Je parle d'une façon générale de cette notion d'un risque futur et de la protection de la société.

• 1640

Il est certain que les contrevenants qui ont été déclarés dangereux appartiennent à une catégorie de risques futurs. Toutefois, les dispositions sur les contrevenants dangereux comportent d'autres caractéristiques, par exemple, il peut y avoir des contrevenants qui présentent un risque de récidive élevé, mais qui ne sont tout de même pas des contrevenants dangereux. C'est la raison pour laquelle nous avons été plus loin et ménagé une catégorie pour laquelle nous savons que le risque de récidive est élevé.

M. Peter Mancini: J'ai presque peur de poser la question suivante; dans ma circonscription, quelqu'un m'a dit que les avocats ne faisaient rien d'autre que se disputer sur «peu» et«doit».

En fait, cela découle d'une question que M. Ramsay m'a posée. Lorsque je lis ce projet d'alinéa 487.055(1), en cas de demande ex parte, le juge a le pouvoir discrétionnaire de décider si on peut faire des prélèvements sur des gens qui ont été déclarés coupables d'infractions antérieures. Cela ne signifie pas que cette autorisation sera accordée dans tous les cas. Ce n'est pas ce que nous prévoyons, n'est-ce pas? Le pouvoir discrétionnaire existe. Nous n'avons pas dit «doit». Nous n'avons pas dit: «le juge, sur demande ex parte, doit» agir de telle façon. Nous avons simplement dit que le juge, sur demande ex parte, peut émettre les documents nécessaires au prélèvement de substances sur des individus qui ont déjà été reconnus coupables.

M. Michael Pierce: Permettez-moi d'expliquer les choses. Si je me trompe, ou si vous voulez ajouter des précisions, Michael, n'hésitez pas à m'interrompre. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons mis en place un processus ex parte qui donne, au minimum, la possibilité d'invoquer un argument constitutionnel. Il est toujours possible de dire: Attendez un instant, cela n'est pas normal.

La demande ex parte n'a pas pour fonction d'introduire un pouvoir discrétionnaire. Il faut la distinguer, par exemple, du projet d'article 487.051 où nous créons expressément un pouvoir discrétionnaire lorsqu'une personne est reconnue coupable d'une infraction. Ce n'était pas le but de cette disposition, mais c'est tout de même un recours en cas de circonstances vraiment anormales.

M. Peter Mancini: Ne vous méprenez pas, je suis tout à fait en faveur. Je me suis seulement dit que cela méritait d'être mentionné.

M. Michael Zigayer: J'aimerais ajouter une petite observation à ce sujet. Dans sa décision au sujet de l'affaire R. v. F(S), le juge Casey Hill, de l'Ontario, s'est intéressé particulièrement au processus d'audition ex parte. Cela a été contesté. On a dit que la procédure de mandat pour prélèvement d'ADN devrait être différente, qu'il faudrait donner un préavis au suspect, puis ensuite lui donner la possibilité de comparaître devant un juge de la cour provinciale au lieu de suivre un processus ex parte. Dans le système de mandat pour prélèvement d'ADN, on spécifie que le processus est ex parte.

Le juge Hill a déterminé que le processus ex parte ne posait pas de problème lorsque le contrevenant était en liberté. D'une part, il n'était pas possible de détruire l'empreinte génétique ou de la modifier d'une façon quelconque, mais d'un autre côté, il était toujours possible que le suspect prenne la fuite. Dans ces conditions, tout comme pour n'importe quel autre mandat de perquisition, le processus de demande ex parte était tout à fait approprié. Toutefois, il a reconnu la possibilité que le juge de la cour provinciale exige un préavis et tienne une audition régulière, par exemple dans le cas d'un suspect en état d'arrestation, soit qu'il purge une peine, soit parce qu'on lui a refusé une mise en liberté provisoire par voie judiciaire.

M. Peter Mancini: Vous parlez de la rapidité avec laquelle on prélève des empreintes digitales, et également des informations que cela peut nous fournir. Certains témoins nous ont dit qu'il devrait être possible de prélever des échantillons d'ADN au moment de l'arrestation, et cela, à des fins d'identification et de mise en liberté sous caution. Mais les empreintes digitales vont continuer à fournir ce genre d'indice aux fins de l'audience de mise en liberté sous caution, n'est-ce pas?

Les empreintes digitales permettent de savoir que le type a des antécédents. Il y a un mandat pour son arrestation en Colombie- Britannique. Vous savez qu'il est recherché, et tout cela constitue un indice pour la police...

• 1645

M. Michael Zigayer: Le moyen existe déjà, mais c'est une technologie qui coûte moins cher.

M. Peter Mancini: D'accord.

Je n'ai pas d'autres questions, mais je vous prie de m'excuser car je dois me rendre à un autre comité spécial. J'ai promis d'y être à 17 heures. Si je pars en avance, ce n'est pas pour une autre raison.

La présidente: Merci, monsieur Mancini.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

Ma question porte également sur la Charte et la rétroactivité. Si j'ai bien compris vos arguments, vous dites que pour les deux catégories qui ont été choisies, on considère généralement qu'elles résisteraient à une contestation fondée sur la Charte puisque la probabilité de récidive serait plus élevée dans ces deux catégories. Je vous ai bien compris?

M. Michael Pierce: Nous sommes en mesure de présenter des arguments convaincants devant un tribunal en ce qui concerne les deux catégories choisies. Toutefois, cela comporte tout de même des risques constitutionnels car c'est un territoire nouveau.

M. Paul DeVillers: Mais si vous avez choisi ces deux catégories, c'est à cause de la probabilité de récidive pour ce type d'infraction, et cela, en comparaison d'autres types d'infractions pour lesquelles un prélèvement d'ADN serait obligatoire.

M. Michael Pierce: C'est exact. C'est le facteur primaire.

M. Paul DeVillers: Mais vous nous dites que c'est un nouveau territoire, que cela n'a pas été mis à l'épreuve.

M. Michael Pierce: C'est vrai également.

M. Paul DeVillers: C'est ce que je voulais comprendre.

La présidente: Merci.

Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Je respecte les opinions que nous avons entendues au sujet des contestations au titre de la Charte. Vous avez certainement une riche expérience, et je suis maintenant convaincu que vous avez plus d'expérience que quiconque autour de cette table.

Nous avons parlé de l'intrusion que représentait le prélèvement d'ADN. Je sais bien que les tribunaux ont exprimé des opinions à ce sujet, et il est facile également de comprendre le point de vue de M. Mancini. Il est certain que piquer le bout du doigt avec une épingle n'est pas une grande affaire quand la plupart des diabétiques le font deux fois par jour, tous les jours. Le prélèvement buccal au moyen d'un tampon de coton représente une plus grande intrusion. Comme vous l'avez dit, avec les progrès, qui sait, cela peut être possible.

Je suis tenté par la position de M. Lee, mais cela me pose tout de même des problèmes. Il compare le prélèvement au moment de l'accusation et le prélèvement à la suite d'une inculpation. Un avocat aussi compétent que vous peut plaider l'un et l'autre cas avec autant de conviction.

Supposons que nous décidions d'adopter un amendement qui permette de prélever un échantillon au moment de l'arrestation, est-ce que nous nous aventurerions sur de la glace mince? Pas de glace du tout? C'est quelque chose de nouveau. Pouvons-nous prendre une nouvelle orientation?

Quand je compare cela aux protections contre les abus qui figurent dans la loi, et également l'utilité que cela pourrait avoir pour enquêter sur d'autres crimes... c'est un équilibre délicat, la protection de la vie privée d'une part, un outil d'enquête très utile d'autre part.

Je constate qu'il a fallu 2,5 millions de dollars pour poursuivre l'enquête Morin depuis que M. Morin a été reconnu non coupable. J'ai survécu à l'affaire Bernardo. Je considère tout cela et je me dis que peut-être le temps est venu de changer les choses, de donner de nouvelles instructions aux tribunaux. Est-ce que ma position est défendable?

M. Michael Zigayer: Je vais demander à Michael de répondre à cette question.

La présidente: C'est exactement ce que M. Roy aurait fait.

M. Michael Zigayer: C'est exactement ce qu'il aurait fait.

M. Michael Pierce: Quel Michael?

M. Michael Zigayer: Je voulais seulement vous dire que lorsque nous avons commencé nos travaux en 1993, nous nous sommes penchés sur toutes sortes d'options, y compris celles suggérées par l'Association canadienne des policiers, et qui était de faire un prélèvement au moment de l'arrestation. Cela comporterait une analyse immédiate qui permettrait de l'utiliser comme moyen de renseignement et non pas seulement comme un moyen de déterminer la mise en liberté sous caution.

Nous avons également examiné la possibilité de procéder par mise en accusation ou autre chose, parce que même avec la technologie actuelle, ce genre de choses n'est pas possible. Cela prend du temps. Si on utilise les prélèvements comme source d'information, pour déterminer si la personne a été impliquée dans une autre infraction dont on ne connaissait même pas l'existence, c'est une chose que nous pouvons savoir avec certitude après que la personne a été reconnue coupable—si cela se produit—car on aura pu comparer avec les données de la banque de données.

Nous avons considéré le modèle de l'Association canadienne des policiers. Nous avons étudié certaines options, comme le prélèvement au moment de l'arrestation et de la mise en accusation, mais sans analyse immédiate, un prélèvement qu'on conserverait jusqu'à la condamnation. En cas de non-condamnation, le prélèvement serait jeté. Est-ce que cela réduirait les risques sur le plan de la Charte? Est-ce que cela représenterait une intrusion moindre dans la vie privée du suspect, un suspect qui finit par être acquitté?

• 1650

D'un autre côté, si vous faites le prélèvement en même temps que les empreintes digitales et la photographie, cela diminue les frais administratifs. On évite toutes ces ordonnances qui sont exigées actuellement à la suite d'une condamnation. Ce serait déjà fait. On dirait simplement au juge si oui ou non cela doit figurer dans la banque de données, ou encore cela pourrait être automatique, cela dépendrait des circonstances.

Nous avons examiné un grand nombre d'options, et en fin de compte, nous avons dû reconnaître qu'à la lumière des décisions passées sur la protection de la vie privée, sur les perquisitions et saisies, la proposition qui avait le plus de chance de survivre à l'épreuve de la Charte était celle qui figure maintenant dans le projet de loi C-3.

M. Michael Pierce: J'aimerais, pour un instant, parler en mon nom personnel et non plus en tant que représentant du ministère de la Justice. Je tiens à donner au comité les avis juridiques les meilleurs au nom du ministère de la Justice. Normalement, nous vous fournissons des informations, mais non pas des conclusions, et dans une certaine mesure, ce sont des conclusions que vous nous demandez aujourd'hui.

Voici donc mon opinion personnelle. Chaque année, je suis un des premiers à patiner sur le canal, mais je vous assure que j'hésiterais à patiner sur cette glace-là.

La présidente: Je vous présente mon avocat Michael, et voici mon autre avocat Michael.

Des voix: Oh, oh.

M. Michael Pierce: Exactement.

À mon avis,...

M. John Maloney: Et pourquoi pas?

M. Michael Pierce: ... si vous faisiez le prélèvement au moment de l'arrestation, le tribunal dirait que c'est un outil parfaitement acceptable, que c'est conforme à toutes les sauvegardes constitutionnelles qui ont été mises en place depuis les débuts de la Charte des droits. Cet outil, c'est le mandat pour prélèvement d'ADN qui vous permet de faire des prélèvements au moment de l'arrestation à condition d'avoir rempli les conditions imposées par les tribunaux, des conditions dont les tribunaux n'ont cessé de répéter qu'elles sont le fondement même de nos protections constitutionnelles.

L'affaire Hunter et Southam, qui est l'affaire avec un grand A dans ce domaine, dit clairement qu'il faut une autorisation judiciaire préalable pour effectuer une perquisition ou une saisie, surtout si cela constitue une intrusion dans l'intégrité corporelle—et à l'époque, l'intégrité corporelle avait été mentionnée spécifiquement—lorsque cet exercice est à des fins d'enquête criminelle. C'est précisément le cas.

Par conséquent, nous nous sommes donnés la peine d'élaborer ce système de mandats qui exige non seulement une autorisation judiciaire préalable, mais qui impose également toutes sortes de sauvegardes obligeant le tribunal à observer ces conditions. Vous le savez peut-être, mais les tribunaux inférieurs ont commencé à réexaminer le système des mandats dans le cadre du projet de loi C-104.

Deux tribunaux au moins ont maintenu l'ensemble du système, à l'exception du prélèvement de cheveux. Lorsque le tribunal a réexaminé le système de mandats, ça n'a certainement pas été sans mal. De bons arguments, des arguments très puissants ont été présentés par des avocats de la défense qui ont fait valoir que même le système des mandats ne suffisait pas sur le plan constitutionnel, et qu'un prélèvement d'ADN constituait une norme dépassant la norme des motifs raisonnables et probables. Certains ont fait valoir devant la Cour suprême qu'il serait peut-être bon d'adopter une norme plus élevée.

Toutefois, en fin de compte, les tribunaux inférieurs ont examiné tout le système des mandats et conclu que, si l'on considérait toutes les sauvegardes, ce système était justifiable. La Cour suprême elle-même, sans avoir examiné la question en profondeur, a tout de même commenté le système des mandats, disant que ce n'était pas mal du tout.

• 1655

C'est donc l'option que je choisirais. Vous atteindrez la plupart de vos objectifs en prélevant des échantillons à la suite d'une condamnation, quand il n'y a plus de présomption d'innocence et que vous pouvez dire au coupable: «Vous avez maintenant été déclaré coupable de cette infraction, et nous vous demandons de vous soumettre à un prélèvement.»

M. John Maloney: Sans mandat.

M. Michael Pierce: Sans mandat.

En effet, l'audience judiciaire a eu lieu, c'est-à-dire le procès, et on peut donc dire: «Dans ces circonstances, nous avons entendu tous les aspects de cette affaire et vous n'êtes plus présumé innocent. Vous êtes coupable et nous allons faire le prélèvement.»

M. Michael Zigayer: L'ordonnance est tout de même l'équivalent d'un mandat car la Couronne doit toujours suivre la démarche dans le cas d'infractions secondaires et présenter une requête au tribunal ou décider de ne pas le faire. Dans le cas d'une infraction primaire, le pouvoir discrétionnaire existe. Ce n'est pas automatique. Nous pensons qu'il y aura très peu de cas où un contrevenant condamné réussira à convaincre le tribunal de ne pas délivrer une ordonnance pour une infraction primaire. D'un autre côté, il arrive très souvent que la couronne provinciale, surtout la couronne provinciale, décide de ne pas faire de demande dans le cas d'une infraction secondaire.

M. John Maloney: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: J'ai trois observations très courtes. D'une part, au sujet de l'ordonnance, il y a une exception dans le cas où une ordonnance aurait sur la vie privée et la sécurité d'une personne «un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public en ce qui touche la protection de la société». Je m'interroge sur la raison de cette exception. Est-ce que certains détenus, entre autres, ne pourraient pas en abuser et invoquer ce critère pour obtenir des exemptions? Pourquoi avons-nous ajouté cette disposition?

M. Michael Pierce: C'est pour s'assurer de la constitutionnalité du système. Les tribunaux l'ont dit à de nombreuses reprises, en cas de perquisition ou de saisie (et les prélèvements en font partie), les tribunaux tiennent à conserver une certaine discrétion pour les cas extrêmes, pour pouvoir refuser d'ordonner un prélèvement.

Dans l'affaire Baron, la Cour suprême a critiqué un système de perquisition et de saisie qui n'offrait aucune discrétion. Dans ce système, le mandat de perquisition était obligatoire. La cour a conclu que ce n'était pas acceptable sur le plan constitutionnel. Voilà pour la première étape.

La cour, lors de l'examen d'autres statuts, a indiqué que ce pouvoir discrétionnaire était important pour sauvegarder le système destiné aux contrevenants dangereux dont nous avons entendu parler. Dans ce système, les contrevenant désignés sont considérés comme des contrevenants dangereux. Ce système-là a été maintenu par la Cour suprême, en partie parce qu'il laissait le pouvoir discrétionnaire de ne pas délivrer une ordonnance de contrevenants dangereux. C'est donc assez commun.

D'autre part, en établissant ce pouvoir discrétionnaire, nous avons fixé la norme au niveau le plus élevé qui soit raisonnable. C'est une norme qui permettra de peser la vie privée et la sécurité de la personne et la protection de la société et la bonne administration de la justice pour déterminer si ces deux éléments sont «nettement démesurés».

Le critère de l'effet nettement démesuré est un critère qui est appliqué dans la jurisprudence et par les tribunaux eux-mêmes, de sorte que nous savons ce qu'il signifie. Une personne ne peut pas simplement prétexter que l'ordonnance porte atteinte à sa vie privée ou à la sécurité de sa personne et refuser de fournir un échantillon. C'est uniquement pour les cas où le fait de ne pas ordonner de prise d'échantillon aurait pour effet de choquer la conscience du peuple canadien. C'est un critère bien connu en droit. Les tribunaux le connaissent bien également et sont certainement en mesure de l'appliquer. Rien n'indique qu'ils l'appliqueront de façon routinière.

En fait, il est très rare que ce critère s'applique. Spontanément, il ne me vient à l'esprit que le seul cas où la Cour suprême du Canada a jugé que le critère était respecté. Je vous dis cela spontanément. Et je peux aussi penser à de nombreux cas où il ne l'a pas été, même dans ce qui semblait être des circonstances convaincantes.

• 1700

En fixant cette exigence, nous nous trouvons à dire aux tribunaux que nous n'allons pas leur laisser le loisir d'établir la norme. Sur le plan constitutionnel, les tribunaux pourraient user de leur pouvoir discrétionnaire et établir la norme, qui pourrait bien être moins rigoureuse que l'effet nettement démesuré. Si c'était le cas, un plus grand nombre de demandes pourraient être acceptées.

L'ultime raison pour laquelle nous avons procédé ainsi, c'est que si quelqu'un respecte ce critère, qu'il peut faire valoir que l'ordonnance aurait sur sa vie privée et la sécurité de sa personne un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public en ce qui touche la protection de la société et la bonne administration de la justice, cette personne pourrait certes respecter l'exigence constitutionnelle voulant que l'on établisse que la disposition autorisant cette ordonnance est anticonstitutionnelle.

M. Nick Discepola: Mais ce qui me préoccupe surtout, c'est que certaines personnes, comme Olson, puissent exploiter cette disposition, présenter systématiquement des demandes et causer un engorgement du processus.

M. Michael Pierce: Ces personnes pourraient de toute façon contester la Constitution. Si nous n'avions pas établi cette norme, elles pourraient contester l'ordonnance aux termes de la Constitution.

M. Nick Discepola: Je voudrais aborder brièvement deux autres questions. J'ai remarqué que le projet de loi ne prévoit pas la destruction des échantillons d'ADN des personnes qui ont fourni volontairement un échantillon, ou des victimes innocentes. Est-ce un oubli, ou laisse-t-on cela à la discrétion des autorités policières? Pourquoi n'en est-il pas fait mention?

M. Michael Zigayer: À mon avis, cela nous ramène à l'élaboration d'un mécanisme de mandat. Nous avons mis au point un mécanisme qui, par le biais des tribunaux, donnerait aux forces policières le pouvoir d'obliger un suspect à fournir des substances corporelles à des fins d'analyse génétique. L'idée qu'il pourrait survenir une affaire Vermilion ne nous a pas tellement préoccupés. En fait, je ne me souviens même pas que nous ayons discuté de cette possibilité.

M. Nick Discepola: Je songe à une situation où un mari devrait fournir un échantillon de sperme, par exemple, pour s'exonérer lui-même.

M. Michael Pierce: Dans ce cas...

M. Michael Zigayer: D'accord.

Dans le cours normal d'une enquête, cela n'arrivera jamais jusqu'à la banque de données. Cela reste au niveau du laboratoire médico-légal régional. Comme M. Young l'a expliqué, si un cas comme celui-là se présentait, un cas où il faudrait prendre des échantillons de personnes qui avaient une bonne raison de se trouver sur les lieux du crime ou d'y avoir laissé de l'ADN, on souhaite pouvoir exclure ces personnes probablement innocentes de la liste des suspects, de sorte qu'on leur demande de fournir volontairement des échantillons. C'est précisément ce qui s'est passé dans l'affaire Manning.

J'ai parlé tout à l'heure de Michael Manning. Son fils et lui ont tous deux accepté de fournir des échantillons pour pouvoir être exclus de la liste des suspects dans cette affaire. Je crois savoir qu'ils étaient présents dans la maison au moment du meurtre.

Selon M. Young, dans le cours normal des choses, une fois que l'analyse génétique a permis d'exclure ces personnes, les substances sont détruites. Ce qui reste des substances corporelles est détruit. On ne s'en sert plus.

M. Nick Discepola: Il n'y a rien dans le projet de loi qui oblige cette personne à détruire l'échantillon.

M. Michael Zigayer: Vous avez absolument raison, il n'y a rien à ce sujet dans le projet de loi. Mais, à ma connaissance, les laboratoires ont coutume de se débarrasser de ces substances.

M. Nick Discepola: De s'en débarrasser.

M. Michael Zigayer: Étant donné que j'étais curieux, j'ai interrogé M. Young pour savoir ce qu'il envoie ou ce qu'il enverrait à la banque de données génétiques nationale. Ce genre d'information serait-elle incluse dans le fichier de criminalistique? Il a dit qu'il n'enverrait pas à la banque le profil génétique d'une personne ayant soumis volontairement un échantillon. Il se doit d'identifier un code à barres inconnu, le profil génétique d'un suspect encore non identifié.

M. Nick Discepola: Ma dernière question est d'ordre hypothétique, elle porte encore une fois sur la rétroactivité. Aux termes de l'examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, examen que le comité doit entreprendre l'année prochaine, si dans sa sagesse le comité décidait de recommander que l'on procède à l'identification exhaustive de tous les détenus dans les établissements fédéraux avec prise d'empreintes, photo d'identité et profil génétique, indépendamment des coûts, etc., quelles seraient les répercussions d'une telle recommandation dans le contexte de la Charte?

• 1705

M. Michael Pierce: Chose certaine, il y aurait un obstacle énorme à surmonter à cause de la Charte. En effet, cela ne serait pas différent... Il serait possible d'inclure cela dans le projet de loi actuel. Le problème, c'est qu'il faudrait demander un mandat de fouille ou de saisie sans motif particulier de croire qu'une infraction quelconque a été commise.

Voilà donc le genre de considérations qui entrent en ligne de compte. Si l'on envisage de recommander cela dans le contexte de l'examen de la LSCMLC, autrement dit à des fins correctionnelles, l'analyse sera quelque peu différente, et d'autres considérations devront être prises en compte. Il faudra tenir compte de facteurs correctionnels dans votre évaluation du caractère raisonnable d'un tel régime.

J'hésite à me prononcer plus clairement sans avoir auparavant passé davantage de temps à évaluer cette proposition.

M. Michael Zigayer: Encore une fois, il parlera en son nom propre.

Des voix: Oh, oh.

M. Michael Zigayer: J'aimerais répondre à votre première question, car elle a un rapport avec cette disposition, ce pouvoir discrétionnaire que nous avons intégré dans le système au sujet de l'infraction primaire. Il est parfois difficile d'envisager un cas exceptionnel.

Je ne veux pas dire qu'il s'agit d'un cas exceptionnel, mais il n'y a pas si longtemps nous avons eu le cas de M. Latimer, en Saskatchewan, qui a été reconnu coupable d'une infraction primaire. Si cela s'était produit plus tard, n'aurait-il pas pu invoquer qu'il s'agissait de circonstances exceptionnelles? N'aurait-il pas essayé de faire la preuve que l'ordonnance n'aurait pas dû être prise dans son cas, étant donné qu'il satisfaisait aux critères?

J'ignore s'il aurait ou non présenté une demande s'il avait été reconnu coupable dans le futur, et je ne sais pas si on lui aurait accordé une exception, mais je veux vous faire comprendre qu'il y a des cas—et nous ne sommes sans doute pas capables de les envisager tous à l'heure actuelle—où ce pouvoir discrétionnaire sera nécessaire, et ce, pour assurer le maintien du régime tout entier.

M. Nick Discepola: Ai-je le temps de poser une autre question?

La présidente: J'ai deux autres intervenants. Après tout, vous êtes le secrétaire parlementaire, et nous pourrons vous revenir tout à l'heure.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee: Merci.

Vous avez mentionné que la présomption d'innocence est un facteur lorsque vous demandez à quelqu'un de fournir un échantillon après un verdict de culpabilité. À ce stade, une fois le verdict de culpabilité rendu, la personne en question n'est plus présumée innocente. Elle vient d'être reconnue coupable.

M. Michael Pierce: C'est exact.

M. Derek Lee: Par conséquent, je vois mal la pertinence de la présomption d'innocence à ce moment-là. Vous dites que c'est fini. Qu'on n'est plus présumé innocent. Cependant, si l'on recueille un échantillon génétique, ce n'est pas pour savoir si la personne a bel et bien commis le crime pour lequel elle vient d'être reconnue coupable; c'est à des fins d'enquête, pour tous les autres crimes pour lesquels la personne est déjà présumée innocente.

M. Nick Discepola: Puis-je intervenir? Ma question portait sur le même sujet.

M. Derek Lee: D'accord.

M. Nick Discepola: En l'occurrence, la première chose à faire est de consulter le fichier de criminalistique et de faire le lien avec tous les crimes commis par la même personne.

M. Derek Lee: Pour lesquels elle est présumée innocente.

La présidente: C'est exact.

M. Derek Lee: Je ne comprends toujours pas le rôle de la présomption d'innocence dans vos facteurs, puisqu'en fait le but auquel servira l'échantillon génétique concerne tous les autres crimes pour lesquels la personne est présumée innocente.

Si vous avez des inquiétudes quant à votre témoignage ici, à titre d'employé du ministère de la Justice, laissez-moi vous assurer que tous vos propos sont protégés par l'immunité parlementaire. Vous ne risquez pas de faire face à des inculpations. Vous ne pouvez pas non plus faire l'objet de poursuites. Vous ne pouvez pas être assujetti à des sanctions disciplinaires. Toute mesure de ce genre serait assimilée à un outrage au Parlement.

Si ce genre de chose devait se produire d'ici peu, vous n'avez qu'à me donner un coup de téléphone...

Une voix: Voilà qu'il reçoit un avis différent.

M. Michael Pierce: Pensez-vous que j'en ai besoin?

Des voix: Oh, oh!

M. Derek Lee: Je veux vous donner l'assurance qu'il en est ainsi.

La présidente: Cependant, en tout temps, nous savons quel Michael parlait.

• 1710

M. Derek Lee: Je ne comprends toujours pas pourquoi la présomption d'innocence est une notion pertinente pour toutes les autres fins auxquelles nous pourrions vouloir utiliser l'échantillon génétique.

La présidente: Voyons voir.

M. Michael Pierce: Tout échantillon génétique recueilli au moment de l'arrestation concerne une infraction précise au sujet de laquelle vous êtes sous enquête. Vous êtes présumé innocent de cette infraction précise, et c'est dans ce contexte qu'on prendra un échantillon et que la présomption d'innocence est pertinente.

Une fois reconnu coupable, vous ne faites plus l'objet d'une enquête pour une infraction en particulier, de sorte qu'il n'est plus nécessaire même de discuter de la présomption d'innocence en ce qui a trait à une infraction précise. À ce moment-là, nous prenons un échantillon parce que vous avez été reconnu coupable et que nous savons maintenant que vous représentez un risque. Vous commettez des infractions, et nous le savons. Vous venez tout juste d'être reconnu coupable d'une infraction, de sorte que nous pouvons prendre un échantillon. Cet échantillon sera intégré à la banque de données et permettra peut-être d'identifier des infractions antérieures, mais nous n'avons pas identifié d'infraction antérieure particulière pour laquelle vous faites l'objet d'une enquête.

C'est également un instrument de dissuasion important contre toute récidive. Nous avons désormais votre échantillon, et cela peut servir un but de dissuasion utile. Cela peut également nous aider dans une enquête sur une éventuelle infraction future. Nous ne supposons pas que vous en avez commis une, parce que nous n'avons même pas d'infraction particulière à l'esprit.

Voilà donc le rôle de la présomption d'innocence, et je sais bien que c'est compliqué. D'ailleurs, ce n'est certainement pas la seule considération pour agir avant la déclaration de culpabilité par rapport à après. Ce n'est qu'un facteur parmi d'autres.

M. Derek Lee: Prenons maintenant le cas où l'on recueillerait un échantillon auprès d'une personne qui a été reconnue coupable d'un crime. Prenons le cas d'une personne qu'on arrête et contre laquelle on porte des accusations sérieuses et qui, par la suite, est reconnue coupable d'un crime commis il y a un an ou deux. Y a-t-il un problème lié à l'obtention d'un échantillon de cet individu au moment de la mise en accusation? Cette personne possède déjà un casier judiciaire, a déjà été reconnue coupable d'un crime grave et est accusée d'un autre crime grave, et pourtant la procédure énoncée dans le projet de loi ne nous autorise pas à obtenir un échantillon génétique sans mandat. Je sais que nous pouvons en obtenir un avec mandat.

En l'occurrence, vous êtes en présence d'une personne qui n'est plus présumée innocente du crime précédent, même si elle a été reconnue coupable il y a 10 jours, et voilà que cette personne est de nouveau accusée d'un autre crime grave. Instinctivement, je dirais qu'il faudrait obtenir un échantillon génétique, et pourtant le projet de loi ne nous autorise pas à le faire. Dans le cas où une personne reconnue coupable d'un crime est arrêtée pour un autre motif et accusée d'un autre crime grave, pourquoi ne pourrions-nous pas recueillir un échantillon génétique?

M. Michael Zigayer: Nous ne disons pas que vous ne pouvez pas le faire, mais simplement qu'il faut obtenir un mandat.

M. Derek Lee: Obtenez un mandat.

M. Michael Pierce: D'autres facteurs entrent en jeu, notamment si l'on parle d'une personne reconnue coupable d'une infraction primaire avant l'entrée en vigueur de la loi, car si celle-ci est reconnue coupable ultérieurement, nous avons un régime qui nous permet de recueillir un échantillon. Pour qu'il nous soit interdit de recueillir cet échantillon, il faut que l'infraction ait été commise avant l'entrée en vigueur de la loi. Cela signifie que nous intervenons rétroactivement. Et en pareil cas nous savons que cela multiplie les préoccupations constitutionnelles en raison du principe reconnu de longue date selon lequel on ne peut imposer des sanctions additionnelles à la suite d'une condamnation pour laquelle la personne a reçu sa sentence. Dans votre scénario, la personne en question devrait avoir reçu sa sentence.

On s'inquiète aussi du fait qu'au moment de la préparation du crime et de sa condamnation la personne en question n'ait pas été avisée du risque lié au fait de fournir un échantillon génétique. Il y a donc d'autres préoccupations qui différencient votre cas et qui font en sorte qu'il serait prudent d'obtenir un mandat.

• 1715

M. Derek Lee: Tout au long de cette discussion, vous semblez assimiler la prise d'échantillons génétiques à une sanction ou à une sanction supplémentaire alors qu'il est possible—j'espère que vous l'admettrez—de considérer cette prise d'échantillons autrement que comme une sanction imposée à qui que ce soit, mais plutôt comme un processus que l'État peut imposer à un citoyen, pour des raisons qui peuvent se justifier dans le contexte de la Charte.

M. Michael Zigayer: Je vais commencer, et mon autre frère Michael finira.

Je conviens avec vous qu'on ne devrait pas considérer cela comme une sanction, mais comme une conséquence d'une condamnation, comme le serait une ordonnance d'interdiction de posséder une arme à feu. C'est une conséquence d'une condamnation. Nous considérons cela davantage comme une partie de la sentence. On peut vous imposer une peine d'emprisonnement ou une autre sanction, vous pourriez même être acquitté, et le tribunal pourrait quand même imposer une ordonnance d'interdiction de posséder une arme à feu.

Dans la même veine, on pourrait vous condamner ou vous acquitter de cette infraction primaire tout en vous imposant, aux termes de l'une de ces ordonnances, de fournir des substances corporelles comme conséquence de cette condamnation. Je me souviens qu'un témoin de l'Association des avocats criminalistes, je crois, demandait pourquoi nous autorisions la prise d'ordonnances à l'endroit de personnes acquittées. C'est simplement la même chose que nous faisons dans le cas des ordonnances d'interdiction de possession d'arme à feu à l'endroit des personnes trouvées coupables d'une infraction primaire.

Ce qui se passe, cependant, dans le cas d'un acquittement, c'est qu'il y a une solution de rechange à la condamnation, soit l'acquittement, mais la personne a été trouvée coupable. Parallèlement, aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants, de jeunes contrevenants peuvent être trouvés coupables d'une infraction, et ensuite il y a une disposition qui s'ensuit.

M. Michael Pierce: Je veux me faire l'écho des propos de Michael. Je me suis efforcé de ne pas présenter cela comme une sanction ou une punition, mais plutôt comme une disposition découlant de la condamnation, un aspect de la sentence, mais ce n'est pas nécessairement une punition ou une sanction en soi.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente: Monsieur Ramsay, vouliez-vous intervenir?

M. Jack Ramsay: Oui. Vous avez souligné plus d'une fois que la prise d'échantillons corporels était une question très sérieuse et que cela empêchait la protection de la Charte pour ce genre de mesure législative. Pourtant, la loi autorise la prise d'échantillons d'haleine et, dans nos prisons, d'échantillons d'urine. À mes yeux, il y a une incohérence. Compte tenu de cette incohérence, je ne sais pas trop comment prendre certains aspects de votre témoignage ici aujourd'hui.

Pour ce qui est de la présomption d'innocence également, le simple fait que nous ayons une banque d'empreintes digitales, et qu'on soit en train de constituer une banque d'empreintes génétiques, le fait que la police sera en mesure d'utiliser ces empreintes ou un échantillon génétique pour faire enquête à mon sujet n'a rien à voir avec la présomption d'innocence. En allant de l'avant, les autorités policières violent la présomption d'innocence dès l'instant où elles commencent à diffuser dans toute la région ou dans toute la banque l'échantillon d'une personne qui a peut-être purgé sa peine. Il se peut que certains individus soient toujours en prison, mais, chose certaine, ils ne sont pas accusés de ce crime, pas plus qu'ils n'ont été arrêtés. Et pourtant, sans égard à la présomption d'innocence, on peut recourir aux empreintes digitales et on pourra aussi se servir d'une banque de données.

Dans le premier exemple que je vous ai donné au sujet des échantillons, il s'agit, comme Peter Mancini l'a dit, d'une atteinte au caractère sacro-saint de l'être humain. Or, cela se fait à l'heure actuelle dans le respect de la loi, et ce n'est pas une violation de la Charte des droits, d'après nos tribunaux.

• 1720

Encore là, lorsque vous soulevez la question de la présomption d'innocence—et je pense que M. Lee a bien cerné le problème—et j'ai écouté les arguments évoqués dans la discussion, je me demande de quoi il retourne exactement, car à mon sens il y a des incohérences.

Voulez-vous faire un commentaire?

M. Michael Pierce: Il s'agit manifestement de questions juridiques compliquées, et il est possible qu'il me soit arrivé—par mégarde—, de tenir des propos qui auraient pu vous amener à croire que ma position est incohérente. Permettez-moi de revenir sur ces questions, une à la fois.

Pour ce qui est de la prise d'échantillons, je n'ai pas voulu laisser entendre—loin de là—que la prise d'échantillons corporels ne pouvait se faire dans le respect de la Constitution. Cela peut certainement se faire. À notre avis, le régime de mandat pour l'obtention d'empreintes génétiques est un processus tout à fait respectueux de la Constitution. La banque de données génétiques dont nous proposons la création dans le projet de loi C-3 permet la prise d'échantillons dans le respect de la Constitution. Pour sa part, le Code criminel renferme certaines dispositions autorisant la prise d'échantillons corporels. Vous avez mentionné le contexte correctionnel, et il y a sans doute d'autres situations aussi. Je ne peux en parler spécifiquement.

Je sais qu'il existe une jurisprudence contradictoire à ce sujet, mais je n'ai pas examiné les cas les plus récents dans ce domaine. Chose certaine, il y a des cas où l'on peut obtenir des échantillons corporels sans enfreindre la Constitution, mais il y en a d'autres où cela soulève des problèmes constitutionnels. C'est parce qu'aux yeux de la Cour suprême du Canada la prise d'échantillons exige les meilleures garanties possible aux termes de la Charte que nous devons faire preuve de prudence. Nous devons nous assurer que ces garanties sont en place.

M. Jack Ramsay: Ma dernière question porte sur les critères liés à la prise rétroactive des empreintes génétiques.

Vous avez ouvert cette porte, et pourtant il me semble que vous êtes plutôt sensibles aux répercussions constitutionnelles des mesures que vous pouvez prendre une fois le seuil franchi, même dans ces deux domaines, et pour cette raison vous hésitez à aller plus loin. Peut-être est-ce un test? Voulez-vous, par l'entremise du projet de loi, sonder la constitutionnalité de votre approche?

M. Michael Pierce: Je ne dirai pas que c'est un test et je ne préciserai pas non plus si c'est ce que j'ai recommandé ou ce que je souhaite. Mais, chose certaine, cela servira de paramètre pour déterminer si c'est une approche viable, et jusqu'à quel point. Nous avons confiance en ce que nous avons proposé jusqu'à maintenant dans ce régime, notamment pour ce qui est des catégories de criminels dangereux et de ce que j'appellerais généralement les agresseurs sexuels en série. Nous avons de bons arguments pour défendre cela.

Il se peut qu'ultérieurement on puisse élargir les possibilités, mais c'est un territoire inexploré.

M. Jack Ramsay: Encore une fois, nous avons été témoins de la démonstration quand l'Association canadienne des policiers a comparu, et nous avons vu comment on prend des empreintes digitales ainsi que les trois domaines de l'ADN, et nous avons ensuite vu le test de l'éthylomètre, où la loi accorde aux policiers l'autorisation de nous mettre quelque chose dans la bouche en nous disant de souffler et de souffler encore, jusqu'à ce qu'ils nous disent d'arrêter.

Si la loi et la Constitution autorisent ce genre de choses en certaines circonstances, je crois alors que nous devons partager certaines des préoccupations exprimées par la présidente. Je ne comprends pas ce danger que l'on essaie de nous expliquer, parce que certains précédents ont été créés, et je ne crois pas que vous ayez reconnu cela au niveau de votre témoignage ici, aujourd'hui.

M. Michael Zigayer: Michael pourrait vous expliquer beaucoup mieux que moi les questions concernant la Charte, mais même si mes connaissances en la matière sont limitées, il me semble qu'il peut exister des différences qui justifient différentes justifications ou des façons différentes d'aborder différentes questions. Cela semble un peu obtus.

• 1725

J'aimerais tout simplement dire que dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies, le carnage sur nos routes, les répercussions que cela a eues auprès de la population, les trop nombreuses personnes tuées et blessées par des conducteurs aux facultés affaiblies, il ne faut pas oublier que le contexte global est étudié par le tribunal lorsqu'il s'agit de décider si le plan répond aux conditions énoncées dans la Charte. Vous avez tout à fait raison de dire, pour ce qui est de la conduite en état d'ébriété et du test de l'éthylomètre, qu'il n'existe aucune autorisation judiciaire préalable lorsqu'on vous impose le test de l'éthylomètre.

Elle existe cependant dans le cas où l'on exige un échantillon sanguin. Supposons que parce que vous avez été blessé dans l'accident ou que vous étiez sans connaissance, la police n'a pu vous faire subir le test de l'éthylomètre. Il lui faudrait alors demander à un juge une ordonnance précise pour obtenir cet échantillon sanguin. Il existe donc une intervention traditionnelle à ce niveau, mais, dans le contexte général, vous avez tout à fait raison.

Qu'est-ce qui justifie cela, alors? Voilà la question. C'est le contexte du problème que la loi doit servir à résoudre, et d'autres facteurs.

Le contexte entourant le mandat à propos de l'ADN est un peu différent.

Je n'en dirai pas plus. Je passe la parole à Michael.

M. Michael Pierce: On y reconnaît certainement les différences. Tout d'abord, il ne fait aucun doute que la jurisprudence a accordé certains gains concernant, par exemple, le prélèvement d'échantillons d'haleine. La loi a beaucoup évolué dans ce domaine.

Il existe cependant des différences importantes. Tout d'abord, la technologie de l'ADN est encore nouvelle, et les tribunaux font preuve de prudence lorsqu'il s'agit de se servir de nouvelles technologies et de tests spéciaux à titre de preuves devant les tribunaux. La prise d'un échantillon d'ADN représente des risques différents, et les préoccupations entourant la chose ne sont pas les mêmes que lorsqu'il s'agit du test de l'éthylomètre. Essentiellement, ce test permet de savoir combien d'alcool a été consommé. Ce test ne vous apprend rien d'autre à mon propos. Un échantillon d'ADN vous en apprendra beaucoup plus sur moi. Les informations plus nombreuses qu'on peut en tirer servent à expliquer, en partie, pourquoi il faut prévoir des mesures de protection plus importantes.

Il y a une circonstance spéciale qui s'applique lorsqu'il s'agit d'obtenir un mandat pour imposer le test de l'éthylomètre, et elle est reconnue et acceptée par les tribunaux. Il s'agit de la question du temps. Nous savons que l'alcool se dissipe, et il faut donc obtenir l'échantillon très rapidement. Les tribunaux ont reconnu l'importance du facteur temps lorsqu'il s'est agi d'évaluer la constitutionnalité de la méthode. Ce problème n'existe pas dans le cas de l'ADN. Nous avons le temps d'obtenir un mandat; l'ADN ne s'évapore pas.

Je ne vais pas vous donner les détails de toutes les différences, à moins que vous ne l'exigiez, mais cela vous donne une idée de la différence qui peut exister entre le test de l'éthylomètre et la prise d'échantillons d'ADN.

M. Jack Ramsay: C'est tout. Merci.

La présidente: Merci à tous les deux. Vous pourrez dire à M. Roy que nous ne nous plaindrons pas de son absence.

La séance est levée jusqu'à demain matin, 11 heures.