JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 10 février 1999
Le président (M. John Maloney (Erié—Lincoln, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte.
Nous avons reçu un avis de motion de M. Reynolds. Peut-être pourrions-nous en traiter tout de suite.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Je propose, monsieur le président, que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne entreprenne l'examen immédiat de l'usage et des conséquences de l'article 742.1 du Code criminel relatif aux condamnations conditionnelles, dans l'intention de le modifier afin d'assurer que l'appareil judiciaire ne l'utilise pas dans les affaires impliquant un crime violent.
Monsieur le président, je crois savoir que Mme Bakopanos a un amendement à proposer, que j'accepterai volontiers si c'est le même que celui dont nous avons parlé il y a quelques minutes.
Le président: Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Je n'ai pas de changement à proposer, monsieur Reynolds. J'en ai discuté avec les membres du comité représentant l'opposition, sans vouloir leur faire dire des choses qu'ils n'ont pas dites, ils se sont dit d'accord en principe avec une motion modifiée qui se lirait comme suit: que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne entreprenne tel que demandé par la ministre de la Justice dans sa lettre du 20 avril 1998, l'examen immédiat de l'usage et des conséquences...
J'aimerais faire une remarque, si je le peux, monsieur le président.
Le président: Un moment, je vous prie.
Mme Eleni Bakopanos: D'accord.
Le président: J'ai une question pour vous, monsieur Reynolds. Voulez-vous inclure cet amendement dans votre motion?
M. John Reynolds: Oui.
Le président: Très bien. Il n'y aura donc qu'une mise aux voix sur la motion.
M. John Reynolds: D'accord.
Le président: Reprenons la discussion. Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos: J'aimerais avoir une décision de nos attachés de recherche. Lorsque l'article 742.1 du Code criminel a été adopté, il a été indiqué qu'il ne devait pas s'appliquer aux crimes violents. Si telle était l'intention du législateur, il est inutile de le préciser dans votre motion, monsieur Reynolds. J'aimerais une précision là-dessus. Pour ce qui est du débat, je peux vous assurer que ce n'était nullement l'intention du législateur lorsqu'il a fait adopter l'article sur les condamnations avec sursis. Je ne veux pas m'engager dans un débat, mais si vous le vouliez bien, nous pourrions supprimer la partie de votre motion qui suit «condamnation conditionnelle». Si vous tenez à la fin de votre motion, je ne m'engagerai pas dans un débat avec vous là-dessus, monsieur Reynolds.
M. John Reynolds: J'aimerais conserver cette partie de la motion; si tel est déjà le cas, nous le constaterons lorsque nous entendrons les témoignages.
Mme Eleni Bakopanos: Très bien. Je tenais simplement à préciser cette question juridique.
M. John Reynolds: Nous sommes tous d'accord, je crois pour dire que cet article ne doit pas s'appliquer aux délits d'agression. Toutefois, il semble que cela se produise parfois.
Mme Eleni Bakopanos: Oui.
Le président: Nos attachés de recherche peuvent-ils répondre à cette question?
M. Philip Rosen (attaché de recherche du comité): Ce que je peux vous dire, c'est que la modification originale au Code criminel prévue dans le projet de loi C-41 a été modifiée pour exiger que les juges tiennent compte des principes ou objectifs de la détermination de la peine concernant l'effet dissuasif général et particulier. Ainsi, on avait probablement pour intention de s'assurer que les juges n'imposent pas de condamnation avec sursis dans les cas de délits d'agression ou ayant causé la mort.
Mme Eleni Bakopanos: Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres remarques ou questions? Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos: Si nous adoptons cette motion, monsieur Reynolds, nous alourdirons encore la charge de travail du comité.
M. John Reynolds: J'en ai déjà parlé au président. Nous nous réunirons mardi prochain pour en discuter, et je suis prêt à accepter la décision du comité quant au moment où se fera cette étude.
Le président: Le comité directeur se réunira avant notre réunion habituelle, mardi prochain, pour traiter de ces questions. Vous faites bien de le souligner, cependant.
Mme Eleni Bakopanos: C'est très bien, merci.
Le président: Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): À ce sujet, puisque la motion dit «examen immédiat» la date précise de cette étude reste à déterminer.
M. John Reynolds: Ça signifie qu'on devrait entreprendre cette étude dans les meilleurs délais. Nous devrons nous entendre là-dessus au comité directeur.
Le président: Peut-être devrais-je lire la motion telle que je l'ai entendue. M. Reynolds propose que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne entreprenne, comme l'a demandé la ministre de la Justice dans sa lettre adressée au comité le 20 avril 1998, l'examen immédiat de l'usage et des conséquences de l'article 742.1 du Code criminel relatif aux condamnations conditionnelles, dans l'intention de le modifier afin d'assurer que l'appareil judiciaire ne l'utilise pas dans les affaires impliquant un crime violent.
Tout le monde comprend bien la motion?
(La motion est adoptée)
Le président: Merci.
Oui, monsieur Saada.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'aimerais aussi que la version française de la motion figure au compte rendu. Je voudrais que la version française modifiée soit aussi déposée.
Le président: Oui.
M. Jacques Saada: Merci.
Le président: Cela étant fait, nous pouvons passer à l'audition de nos témoins. Aujourd'hui, nous accueillons Me Carole Brosseau, du Barreau du Québec.
[Français]
une avocate du Comité en droit criminel; et Jean Asselin.
[Traduction]
Je crois savoir que vous avez un exposé d'environ 10 minutes à faire. Il y a aura ensuite une période de questions.
[Français]
Me Carole Brosseau (avocate, Comité permanent en droit criminel, Barreau du Québec): Je vous remercie.
D'entrée de jeu, je voudrais, au nom du bâtonnier du Barreau du Québec, vous transmettre ses remerciements de nous avoir invités encore cette fois-ci pour présenter nos commentaires relativement au document de réflexion qui a été soumis à notre attention.
D'autre part, pour les fins méthodologiques, j'aimerais vous dire qu'au cours des prochains jours, nous ferons parvenir au greffier notre mémoire sur le sujet. Faute de temps, nous ne sommes pas en mesure de vous le présenter aujourd'hui.
J'aimerais vous expliquer brièvement comment fonctionne le Barreau du Québec. Je suis avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec, qui comprend un comité d'experts où siège notamment Me Jean Asselin, ici présent, qui est un avocat spécialisé dans le domaine du droit criminel et du droit de la défense. Toutes nos décisions sont entérinées par le Comité administratif du Barreau du Québec et elles deviennent finalement la position officielle du Barreau du Québec.
Puisque nous n'avons pas de présentation écrite à vous offrir aujourd'hui, je vous reporte notamment au document de réflexion. Nous allons revoir toutes les questions qui nous ont été posées et répondre de façon systématique à chacune d'elles.
Je vais commencer par la première question qui est la suivante: «Les sanctions actuellement prévues dans le Code criminel reflètent-elles adéquatement la gravité des diverses infractions, surtout dans le cas de récidivistes ou de personnes aux facultés affaiblies dont la conduite cause des blessures ou des pertes de vie?» La seconde question est la suivante: «Les sanctions actuelles sont-elles suffisamment dissuasives?»
Nous ne sommes pas d'accord sur une gradation autre que celle qui est déjà contenue au Code criminel. Nous ne pensons pas que la gradation des infractions et même l'augmentation potentielle de la sévérité de ces sanctions contribueront à dissuader les conducteurs délinquants de conduire leur automobile. On ne connaît que de rares cas où la sanction a vraiment eu l'effet dissuasif que recherche actuellement le comité.
• 1540
Sans faire un rappel historique très
poussé au sujet de la gradation des sanctions, j'aimerais vous
rappeler les recommandations qu'avait formulées la
défunte Commission de réforme du droit canadien. De 1983 à 1991,
elle avait fait de la recherche à ce sujet et en était
arrivée à des conclusions relatives au niveau de la
gradation des sanctions qui sont maintenant toutes intégrées
dans le Code criminel. Ce fut une réflexion de longue
haleine qui est, selon nous,
encore à jour à l'heure actuelle. La gradation que prévoit
l'article 249 du Code criminel est toujours
justifiée. On ne parviendra certainement pas à atteindre
l'effet dissuasif recherché en augmentant la sévérité
des sanctions.
Vous nous soumettiez ensuite la sous-question suivante: «Y a-t-il des raisons justifiant une suspension de permis à vie et, dans l'affirmative, dans quelles circonstances devrait-on appliquer cette mesure?» Nous croyons que la suspension à vie des permis risque de créer plus de difficultés et de provoquer plus de délinquance. Il y a un effet pervers à la révocation. Par exemple, on a révoqué les permis de 18 000 conducteurs au Québec en 1997 et on a constaté qu'il arrivait que ces derniers utilisaient des voitures qui ne leur appartenaient pas, cela sans permis. On peut difficilement contrôler tous les actes des conducteurs délinquants dont le permis a été révoqué. D'ailleurs, comme l'indique votre document de réflexion, il ne faut pas oublier que toute la réflexion autour de ces dispositions législatives relève autant des provinces et des territoires que du gouvernement canadien, qui dispose du Code criminel. Dans ce dossier, il faut pouvoir compter sur les efforts concertés du gouvernement fédéral et des provinces, qui sont plus habilitées à administrer les difficultés inhérentes à la révocation de permis. La révocation de permis à vie n'est certainement pas une solution souhaitable, puisqu'elle va occasionner, à notre avis, des effets pervers.
Je passe à la question suivante: «Le Code criminel devrait-il prévoir une évaluation obligatoire de tous les conducteurs aux facultés affaiblies afin d'identifier les buveurs invétérés?» On ne voit pas de quelle façon on pourrait vraiment identifier les buveurs invétérés. Comment pourrait-on en arriver à une définition exhaustive d'un buveur invétéré? Il sera très difficile d'en arriver à une définition, tant au niveau des dispositions législatives qu'à celui de l'application même de ces dispositions. L'évaluation obligatoire pourrait être possible si on était vraiment capable de les identifier, bien que très difficile, d'autant plus que nous nous heurterions à une difficulté constitutionnelle parce qu'il y aurait une atteinte à la vie privée des personnes. Constitutionnellement parlant, on ne saurait garantir la viabilité d'une disposition comme celle-là.
La prochaine sous-question se lit: «Devrait-il exiger que les conducteurs qui sont des buveurs invétérés suivent des traitements, en plus de les assujettir aux sanctions habituelles?» Cette question pose deux problèmes, dont le premier est d'ordre purement sociologique. Le premier critère de succès d'un programme de désintoxication est la participation volontaire, sans quoi il risque d'être perçu comme une double sanction. Un tel programme obligatoire n'aurait qu'un très faible taux de réussite.
J'aimerais aussi vous rappeler qu'il y a actuellement une cause pendante à la Cour suprême. Il ne s'agit pas tout à fait du cas d'un conducteur avec facultés affaiblies. C'est le cas de la jeune autochtone du Manitoba qu'on voulait obliger à se faire désintoxiquer pour prévenir les problèmes du foetus qu'elle portait. On a jugé, dans ce cas, que la désintoxication obligatoire était inconstitutionnelle et transgressait la Charte. Je pense que la Cour suprême ne s'est pas prononcée, mais, après la décision de la Cour d'appel du Manitoba, on peut dire que cette disposition pose encore un problème constitutionnel important.
• 1545
Ensuite, dans la question suivante, et qui n'est pas la
moindre, on demande: «Devrait-on abaisser à moins de
.08 la limite légale du taux d'alcoolémie?» La réponse
à cette question en est purement une de choix. À titre
d'exemple, dans différentes provinces au Canada et
dans différents États des États-Unis, les taux
d'alcoolémie varient beaucoup. Nous ne disposons pas
d'études en toxicologie qui nous permettent d'affirmer
que tel taux d'alcool affaiblit les facultés d'un
conducteur au point où il ne doive pas conduire. Nous
ne sommes pas toxicologues, d'ailleurs. Il n'y a pas
de mesure reconnue scientifiquement. Pour l'alcool, on
en a, mais pour les drogues, il n'existe aucune mesure qui
permette de l'affirmer scientifiquement. Notre
opinion, là-dessus, c'est qu'il s'agit vraiment d'une
question de choix.
Je voudrais vous en donner un exemple concret. Comme je vous le disais, il y a quand même une espèce d'évolution de la part de la société canadienne et québécoise sur la tolérance envers les conducteurs en état d'ébriété ou avec facultés affaiblies, que ce soit attribuable à des substances toxiques comme la drogue ou à l'alcool.
Au Québec, tout récemment, il y a à peine deux ans, on a modifié le Code de la sécurité routière en s'attaquant principalement aux jeunes de 18 à 25 ans. On n'admet plus que ces jeunes consomment quelque quantité d'alcool que ce soit. Ce programme, dit de «tolérance zéro», fait en sorte que maintenant, aucun jeune conducteur ne doit conduire avec quelque niveau d'alcool que ce soit dans le sang. Il s'agit d'une mesure; zéro est une mesure.
Je pense qu'il revient au gouvernement de prendre la décision requise dans les circonstances. Tous les choix sont permis. Vous posez la question à propos du taux de .08. Or, tous les choix sont possibles. Je crois qu'il s'agit d'un choix de société. Au Québec, on a estimé que pour les jeunes conducteurs, compte tenu de leur inexpérience, compte tenu aussi des statistiques révélant qu'ils formaient la principale catégorie de gens qui avaient des accidents, on devait adopter la tolérance zéro.
Est-ce que ce choix sera entériné dans le Code criminel? Cela dépend de vous. Mais je sais que ce choix-là n'est pas facile à faire. Est-ce que ce sont des études de toxicologie qui vont vous permettre de le faire? On n'en sait rien. Ce n'est vraiment pas une question facile à régler.
Quant à la deuxième sous-question, je vais donner la parole à mon collègue.
Me Jean Asselin (avocat, Comité permanent en droit criminel, Barreau du Québec): Dans la deuxième sous-question, on demande si, à notre avis, il serait valable de prévoir une gradation dans les peines selon le taux d'alcoolémie du conducteur. La réponse, à tout le moins du Barreau et du Comité permanent en droit criminel, est non. La principale raison en est qu'une gradation des peines pourrait inciter les gens à refuser de souffler dans l'ivressomètre.
Je dois vous dire, en tant que praticien du droit criminel, que la majorité des juges appliquent leur pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse et juste, en fonction évidemment des cas d'espèce et des faits. Quand la personne dépasse réellement la limite permise, il est clair que la majorité des juges donneront une sentence beaucoup plus sévère même s'il s'agit d'une première offense.
Par exemple, pour une première offense, l'amende minimale prévue au Code criminel est de 300 $ pour un conducteur déclaré coupable d'avoir conduit son véhicule avec facultés affaiblies. Mais si cette personne sans antécédents judiciaires a un taux d'alcoolémie de, mettons, .18, le juge lui donnera une sentence beaucoup plus sévère que l'amende minimale prévue au Code criminel. Je pense qu'il faut faire confiance aux juges en cette matière et que le législateur ne devrait pas intervenir.
• 1550
On nous demandait aussi si, à
notre avis, on devait augmenter les pouvoirs de la
police pour qu'elle puisse exiger des échantillons
d'haleine, de sang ou de salive pour dépister la
présence d'alcool ou de drogue. Encore une fois, nous
répondons non. Nous pensons que le Code criminel
prévoit des pouvoirs exhaustifs et complets pour les
policiers. S'il était de l'intention du législateur
d'augmenter les pouvoirs de la police, il faudrait se
rappeler que la Cour suprême s'est déjà prononcée, en
1995, en statuant que l'exigence de motifs raisonnables
pour soumettre quelqu'un à l'ivressomètre, prévue à
l'article 253 du Code criminel, est une exigence
constitutionnelle prévue à l'article 8 de la Charte
canadienne des droits et libertés. Encore là, il y
aurait un problème constitutionnel évident si jamais on
voulait augmenter le pouvoir des policiers et abaisser
le niveau des motifs raisonnables.
Une autre sous-question: «Le Code criminel laisse-t-il suffisamment de temps à la police pour recueillir les échantillons d'haleine ou de sang?» Là-dessus, je vous dirai que les dispositions du Code criminel sont, à mon avis, assez claires et donnent, selon la position du Barreau, tous les pouvoirs requis aux policiers pour prélever des échantillons d'haleine ou de sang.
Je pense que ce qui est prévu au Code criminel, à l'article 258, c'est qu'on doit obtenir un échantillon d'haleine ou de sang dès que c'est possible de le faire, à l'intérieur d'un délai de deux heures, pour que la présomption de culpabilité puisse s'appliquer. Si le législateur l'a prévu ainsi, c'est évidemment pour faire en sorte que les taux d'alcoolémie relevés reflètent l'alcoolémie du conducteur au moment où il a commis l'infraction. À notre avis, il ne serait pas opportun de changer cela.
La sous-question qui suit recoupe quant à nous cette dernière sous-question: «Est-ce que les conducteurs impliqués dans des accidents graves devraient être systématiquement soumis à des tests de dépistage d'alcool ou de drogue?» Encore là, évidemment, il y a un problème qui pourrait se poser en rapport avec la Charte. Les pouvoirs des policiers sont quand même assez exhaustifs.
Si vous considérez l'article 256 du Code criminel, vous allez vous apercevoir que les policiers peuvent obtenir des télémandats très rapidement afin de prélever un échantillon de sang, lorsqu'il y a lésion corporelle du conducteur ou de tiers, ou lorsqu'il y a mort de personne. Le délai prévu pour l'obtention d'un télémandat est de quatre heures. Nous pensons donc que les dispositions du Code criminel sont suffisantes.
Le problème que la Charte pourrait poser a été étudié par la Cour suprême, qui y a répondu en 1993, dans l'affaire Dersch. Des policiers avaient demandé au médecin de prendre des échantillons de sang sans le consentement de la personne. La Cour suprême avait jugé que cela violait des droits garantis par la Charte.
Je passe maintenant à l'autre question, qui est: «Les infractions pour conduite avec facultés affaiblies devraient-elles être soumises au pouvoir absolu des juges des tribunaux provinciaux ou territoriaux afin d'éliminer le droit d'un accusé de choisir une enquête préliminaire ou un procès devant jury?»
D'entrée de jeu, je vous répondrai que, si le législateur a l'intention de faire en sorte que les personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies, soit simple, soit ayant causé des lésions corporelles ou la mort, n'aient plus droit à une enquête préliminaire ou à un procès devant jury, il pourrait se heurter à l'alinéa 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet alinéa prévoit qu'une personne susceptible d'être condamnée à une peine de plus de cinq ans a droit au bénéfice d'un procès devant jury.
Donc, si le législateur veut effectivement que les personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies n'aient plus droit à un procès devant jury, il lui faudra nécessairement diminuer les peines maximales prévues à l'article 255 du Code criminel.
• 1555
Ma consoeur vous donnera une réponse concernant un
autre volet de cette question.
Me Carole Brosseau: En complément de réponse, je vous dirai que, d'une part, nous avons essayé d'obtenir des statistiques avant de nous présenter ici, mais que nous n'avons pas réussi. Nous étions curieux de connaître le pourcentage réel ou le nombre de causes qui sont vraiment amenées devant jury dans de telles circonstances. À notre avis et selon notre expérience, il est très minime.
D'autre part, toute la question de l'enquête préliminaire est soulevée régulièrement depuis quelques années. Lorsqu'on veut pratiquer une brèche dans une procédure comme celle de l'enquête préliminaire, quant à un aspect spécifique du Code criminel, il peut en résulter un déséquilibre dans l'ensemble du Code. L'enquête préliminaire est d'application universelle. Je pense que le contentieux ou toutes les difficultés qui sont soulevées depuis quelques années à propos de l'enquête préliminaire devraient être abordés dans ce contexte. Dans les circonstances, on ne devrait pas éliminer toute possibilité d'enquête préliminaire, compte tenu des arguments apportés par mon collègue.
Nous voulions aussi parler de façon fort générale de l'aspect de ces interrogations. Cela vient s'ajouter à ce qui a déjà été proposé ou soulevé en rapport avec la constitutionnalité, en rapport avec la Charte.
La dernière question qui nous est posée est la suivante: «Est-il correct, comme le Code criminel le permet aux tribunaux à l'heure actuelle, de libérer sous probation une personne condamnée pour conduite avec facultés affaiblies et qui a besoin d'un traitement curatif, à condition qu'elle suive ledit traitement?»
Évidemment, il est correct, de notre point de vue, de compter sur l'effet curatif ou d'employer la dissuasion si la personne est très consciente de son problème. Je pense qu'on vient de sauver une vie en partant, et peut-être plusieurs autres, ou en tout cas l'intégrité de plusieurs personnes. C'est là l'objectif: dissuader et faire que des événements malheureux ne se reproduisent plus.
Enfin, il y avait la sous-question suivante: «Devrait-on offrir aux tribunaux des solutions de rechange?»
En dernier recours, on pourrait offrir aux tribunaux certaines solutions de rechange. Par exemple, il y aurait, au niveau technique, le dispositif antidémarreur qui pourrait être d'application générale et qui pourrait être fort utile. Je pense qu'il faudrait y songer sérieusement. La technologie s'améliore dans ce domaine, et cela pourrait devenir un outil fort utile, tant pour le chauffeur que pour la société en général.
Mais l'élément le plus constructif, et je pense qu'on a pu le vérifier au Québec ces dernières années, est la sensibilisation et la dissuasion à long terme. Les gens doivent être sensibilisés aux dangers de l'alcool au volant comme à ceux des drogues même si, à l'heure actuelle, il n'existe aucun moyen médical ou scientifique qui nous permette d'évaluer le degré d'affaiblissement de la capacité d'un chauffeur à conduire son véhicule lorsqu'il a des substances toxiques ou des drogues dans le sang. Je crois qu'une campagne de sensibilisation pourrait se faire, mais je ne sais pas de quelle manière. Ce serait certainement en collaboration avec les provinces. À cet égard, j'aimerais vous donner un exemple.
Il y a quelques années au Québec, pour ceux qui auraient vu...
[Traduction]
Le président: Madame Brosseau, je suis désolé de vous interrompre, mais le temps qui vous avait été alloué est écoulé et les membres du comité souhaitent vous poser des questions. Pourriez-vous en venir à votre conclusion? Nous n'avons prévu que trois quarts d'heure pour vous entendre, et cela comprend la période de questions.
[Français]
Me Carole Brosseau: Parfait. Je pense que nous avons répondu à toutes les questions.
Le sujet est sûrement fort complexe. Il est d'ailleurs, comme je vous le disais, de compétence partagée et doit être étudié conjointement avec les provinces.
Je dois vous dire que je ne connais pas la situation dans l'ensemble des provinces, mais pour ce qui est du Québec, il y a déjà des mesures administratives qui ont porté un coup aux chauffeurs. Le permis de conduire est retiré instantanément aux gens qui conduisent avec facultés affaiblies, etc. Des mesures administratives ont été prises et il existe un courant vers une plus grande conscientisation du public à ce problème. Voilà qui complète ma réponse.
Le président: Merci.
[Traduction]
Monsieur Harris, je vous demanderai d'être bref, et j'espère que les réponses le seront aussi, afin que nous puissions céder la parole aux autres le plus rapidement possible.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je tenterai d'être bref, monsieur le président.
Le président: Merci.
M. Dick Harris: Merci de vos remarques.
Vous savez certainement que les conducteurs en état d'ébriété tuent environ 1 400 personnes et provoquent plus de 50 000 blessures chaque année. Cela entraîne des centaines de millions de dollars de dépenses en soins de santé. En dépit de ces statistiques tragiques et alarmantes, j'ai l'impression, d'après votre exposé, que vous préférez le statu quo, que vous estimez que les lois en matière de conduite avec facultés affaiblies sont acceptables et qu'il serait inutile de les modifier pour accroître leurs effets dissuasifs ou pour prévoir des peines qui seraient révélatrices de la gravité du crime. Vous ai-je bien compris?
[Français]
Me Carole Brosseau: Non, ce n'est pas exactement ce que nous avons dit. Nous avons répondu aux questions à la lumière des décisions qui ont été prises.
Il y a actuellement une gradation dans le Code criminel. Nous vous disions que ce n'était pas l'augmentation des sanctions qui avait un effet dissuasif. À titre d'exemple, vous nous donniez des chiffres tout à l'heure. J'ai vérifié. De 1973 à 1986, au cours d'une période d'environ 15 ans, selon mes notes, on est passé au Québec d'un nombre approximatif de 2 300 accidentés et de morts, à la suite d'accidents de la route, à 877. Il faudrait que je consulte mes statistiques. Je vous les donnerai plus tard.
Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas le seul élément. Il y a des choix à faire. Tout à l'heure, vous avez parlé de la limite légale de la mesure d'alcoolémie, du taux de .08. C'est une question qui est soumise à l'attention du comité aux fins de réflexion et de réponse. C'est un choix qu'on peut faire. On pourrait décider de ne tolérer aucun alcool dans le sang pour avoir le droit de prendre le volant. C'est un choix que vous pouvez faire et qui corrigerait la situation assez rapidement. Mais c'est un choix à faire.
Au niveau des gradations, ce qu'on vous exposait, ce sont les difficultés légales auxquelles vous devrez probablement faire face si vous répondez favorablement à certaines questions. Toute la question, comme je le disais tout à l'heure, en est une de sensibilisation. Il y a aussi, par exemple, le dispositif antidémarreur et d'autres moyens auxquels on peut songer qui peuvent prévenir cela. On ne dit pas que c'est un drame.
[Traduction]
M. Dick Harris: Si je peux me permettre une remarque, nous savons tous que le système judiciaire, dans son traitement des conducteurs avec les facultés affaiblies par la drogue ou l'alcool est truffé de problèmes, et sauf votre respect, représente le paradis pour les avocats de la défense, car il leur permet de faire innocenter des récidivistes de la conduite avec facultés affaiblies, et ce, même si souvent, ils ont causé la mort. Même si les juges peuvent imposer des peines d'emprisonnement allant jusqu'à 14 ans, en général, la peine ne dépasse pas deux ans et demi ou trois ans d'emprisonnement. Ce sont là certains des problèmes que nous voulons corriger.
Je ne suis pas de votre avis...
[Français]
Me Carole Brosseau: Est-ce que je peux...
[Traduction]
M. Dick Harris: ... sur l'effet dissuasif des peines plus lourdes. Il y a quelques jours nous avons entendu des témoins experts des blessures de la route qui nous ont montré un graphique remontant à une vingtaine d'années; nous avons pu voir que, lorsque les gouvernements provinciaux et fédéral, ont décidé d'imposer des peines plus lourdes dans les cas de conduite en état d'ébriété, le nombre de ces cas a baissé.
D'ailleurs, d'après les sondages, la principale raison, et de loin, pour laquelle les gens ne prennent pas le volant en état d'ébriété, c'est qu'ils craignent de se faire prendre et non de ne pas pouvoir conduire en toute sécurité. Ils craignent les sanctions, s'ils se font prendre.
• 1605
Alors, si cela fonctionne assez bien pour dissuader les gens
de conduire en état d'ébriété, aux yeux de beaucoup dont je suis,
l'effet dissuasif pourrait être encore plus grand si les sanctions
étaient plus lourdes.
[Français]
Me Carole Brosseau: D'une part, j'aimerais vous expliquer que les propositions qu'on vous soumet aujourd'hui ont été faites avec le consensus de plusieurs personnes, comprenant autant de procureurs de la Couronne que d'avocats de la défense. Alors, nous ne représentons pas que la position de la défense. Des professeurs d'université, des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense font partie de notre comité. On essaie vraiment de prendre une vue générale de la situation.
Par rapport à la gradation, si vous vous rappelez, nous vous disions au début que l'effet dissuasif de l'augmentation des sanctions n'est pas automatique. Vous risquez de créer des situations où vont surgir d'autres types de problèmes, tels que les délits de fuite. On pense qu'en augmentant les sanctions, on se trouvera face à d'autres difficultés parce que les gens vont quitter les lieux de l'accident.
Je vous citerai un cas récent qui s'est passé au Québec. Le cas Carrière a été abondamment traité dans les journaux. Il y a un risque potentiel quand on augmente les sentences.
Quant à l'application, certains disent que ce n'est peut-être pas le contenu de la... Il y a déjà une gradation. Pou les cas extrêmes dont vous parlez et quand il y a récidive, il y a des dispositions du Code criminel qui sont très sévères. Je ne les citerai pas. Selon l'article 255, quand il y a récidive et qu'une mort s'ensuit, la peine est de 14 ans. Je ne vous citerai pas le texte, mais c'est quand même une sentence de 14 ans qui doit être appliquée. Comme le disait tout à l'heure Me Asselin...
[Traduction]
M. Dick Harris: La marge de manoeuvre va de 0 à 14 ans.
[Français]
Me Carole Brosseau: C'est cela, mais Me Asselin vous a dit tout à l'heure que les juges, quand il y a récidive, appliquent une sentence en fonction du cas qui leur est soumis et augmentent progressivement les sanctions.
[Traduction]
M. Dick Harris: Sauf votre respect...
Le président: Monsieur Harris, je dois vous interrompre.
Avez-vous terminé votre réponse?
[Français]
Me Carole Brosseau: Oui, ça va.
Le président: Monsieur Marceau.
M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): D'abord, maître Brosseau, maître Asselin, je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui et d'avoir accepté l'invitation du comité.
Un des enjeux qui ont été exposés à ce comité, c'est le problème du délit de fuite. On s'est rendu compte qu'il est parfois plus payant, dirais-je, pour quelqu'un qui conduit en état d'ébriété et qui a un accident de quitter les lieux plutôt que d'y rester, parce que la sentence pour le délit de fuite peut être moindre que pour la conduite en état d'ébriété.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, s'il vous plaît.
Me Carole Brosseau: Votre question appelle un peu la réponse que je viens de donner à M. Harris précédemment. Effectivement, on craint qu'il y ait plus de délits de fuite si on augmente les sentences. Augmenter les sentences encourage le délit de fuite. Plus vous allez augmenter les sentences, plus vous allez encourager les délits de fuite.
M. Richard Marceau: À cette réponse-là, certaines personnes diraient que la solution est peut-être simplement d'augmenter la peine pour le délit de fuite de façon concordante avec l'augmentation des sentences pour la conduite en état d'ébriété.
Me Jean Asselin: Vous savez que dans certains États américains, on a décidé de réinstaurer la peine de mort parce qu'il y avait beaucoup d'homicides. Est-ce que cela a fait diminuer le taux d'homicide dans ces États? Je ne le pense pas. Cela n'a pas fait cesser les meurtres commis dans certains États.
Mon impression est que si on met l'accent sur la prévention, sur l'information et sur la sensibilisation, comme le font certaines campagnes du type «Nez rouge»—que vous connaissez probablement, vous qui venez de la région de Québec— cela aura des effets sur la population en général.
• 1610
Me Brosseau a des statistiques qui démontrent qu'au
Québec, il y a eu une diminution considérable des
décès et des blessures graves attribuables à l'état d'ivresse
de certains conducteurs. Je ne pense pas que
l'augmentation de la sévérité des peines ait un effet
dissuasif.
Il faut bien comprendre que la personne qui conduit un véhicule avec facultés affaiblies n'est pas toujours le délinquant ou le criminel qu'on peut s'imaginer. Bien souvent, c'est un bon père de famille ou une bonne mère de famille qui, un soir, a malheureusement pris un verre de trop et a décidé de conduire quand même sa voiture. Elle frappe quelqu'un, le tue ou le blesse.
Personnellement, je pense que la majorité de la population a besoin d'être sensibilisée au problème que constitue la conduite avec facultés affaiblies. À mon avis, les mesures administratives prises au Québec quant au Code de la sécurité routière dissuadent les gens de conduire avec des facultés affaiblies.
M. Richard Marceau: Quelle a été cette baisse, en pourcentage ou en nombres absolus?
Me Carole Brosseau: Les statistiques de la Société de l'assurance automobile du Québec, la SAAQ, sont les suivantes: en 1973, on dénombrait 2 200 morts sur les routes du Québec et en 1997, on en dénombrait 867. Cependant, ce ne sont pas toutes des morts attribuables à la conduite avec facultés affaiblies.
M. Richard Marceau: Et est-ce qu'on a les chiffres sur les personnes arrêtées pour conduite avec facultés affaiblies?
Me Carole Brosseau: J'ai essayé de les obtenir. On devait me les fournir en début de semaine, mais je ne les ai pas eus.
M. Richard Marceau: Donc, on n'a aucune certitude que les campagnes de dissuasion ont un effet si...
Me Carole Brosseau: Eh bien, il y a une combinaison de plusieurs facteurs. Les dispositions actuelles du Code criminel remontent à peu près à l'année 1994. Cela a vraiment suivi le processus enclenché par la Commission de réforme du droit du Canada, qui avait commencé ses travaux en 1983 et remis son rapport final en 1991. On en a suivi un peu les recommandations. Je l'ai relu et je pense que la situation est presque inchangée, à l'heure actuelle.
Il y a aussi une combinaison de ce qu'ont fait les provinces chacune à leur façon. L'ensemble des provinces, au Canada, ont adopté des mesures ou un code de sécurité routière beaucoup plus rigoureux, tenant compte des groupes à risque, donc des jeunes. Je peux parler facilement pour le Québec; le groupe à risque était celui des hommes de 18 à 25 ans. Donc, on a pris des dispositions particulières pour ces jeunes-là. C'est une combinaison de tout cela et des campagnes de publicité, qui ont eu beaucoup d'impact.
D'ailleurs, certains fonctionnaires de la SAAQ me disaient qu'au Québec, il y avait eu un message publicitaire qui avait eu un impact très fort, chez les jeunes entre autres. Il s'agissait d'un jeune homme en larmes qu'on voyait se remémorer un accident de voiture qui avait causé la mort de sa conjointe ou de sa petite amie. Il n'était pas en état d'ébriété, mais il conduisait rapidement et contrôlait mal son véhicule. Donc, il y a des campagnes de dissuasion.
M. Richard Marceau: D'accord. Il y a une chose que vous avez dite, maître Brosseau, qui m'a un peu frappé. Vous avez parlé d'un dispositif antidémarreur.
Me Carole Brosseau: Oui.
M. Richard Marceau: C'était dans la réponse...
Me Carole Brosseau: À la toute fin.
M. Richard Marceau: Oui, quand vous parliez de solutions de rechange. Donc, ce dispositif antidémarreur serait imposé par un tribunal. C'est un tribunal qui en ferait l'obligation à une personne qui a déjà été arrêtée.
Me Carole Brosseau: On pourrait aussi en parler à propos de tout véhicule automobile. Ce pourrait être intégré au système...
M. Richard Marceau: Voilà! J'allais vous poser la question. Donc, c'est quelque chose qui pourrait être la norme.
Me Carole Brosseau: Justement.
M. Richard Marceau: C'est quelque chose qui serait couramment installé, comme les feux de position à l'arrière.
Me Carole Brosseau: Exactement.
Me Jean Asselin: Ce dispositif antidémarreur existe au Québec. Lorsqu'une personne est condamnée pour conduite avec facultés affaiblies et qu'il s'agit d'une première infraction, elle a une ordonnance qui lui interdit de conduire, en vertu du Code criminel, pendant une période de trois mois. Après ces trois mois, le Code de la sécurité routière prévoit que cette personne pourra installer un dispositif antidémarreur jusqu'à la fin de la période de suspension, qui est d'un an en vertu du Code de la sécurité routière. Donc, pendant neuf mois, elle loue un appareil chez un spécialiste en la matière et, chaque fois qu'elle démarre son véhicule, elle est obligée de...
Ce que la société veut, en général, c'est prévenir que des conducteurs ou conductrices conduisent avec des facultés affaiblies.
• 1615
Je suis convaincu que les fabricants d'automobiles
seraient capables d'équiper systématiquement tous les véhicules de ce
dispositif. On s'assurerait ainsi que
toute personne qui prend le volant ne le fait pas avec
des facultés affaiblies. Cela existe.
M. Richard Marceau: Je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
Le président: Bien.
[Français]
M. Richard Marceau: C'est trop court.
[Traduction]
Le président: Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Dans la même veine, dans le cas des automobilistes en état d'ébriété qui récidivent, une partie de l'effet dissuasif vient du fait qu'ils doivent payer pour l'installation du dispositif antidémarreur avec alcoomètre. Je pense qu'on le fait déjà en Alberta et je suis ravi d'apprendre qu'on le fait aussi au Québec.
Vous avez certes fait des suggestions utiles et je suis content d'entendre ce qui se fait au Québec mais comme d'autres, je n'ai pu m'empêcher de remarquer qu'en réponse aux questions, vous disiez essentiellement et littéralement qu'il ne fallait rien changer au Code criminel, qu'il ne fallait pas changer la loi. Bien franchement, je ne pense pas que nous puissions nous permettre de ne rien faire. Les statistiques qui ont été données montrent bien qu'un changement doit se produire, qu'il faut agir au niveau législatif.
Je vais vous dire que je suis avocat au criminel. À ce titre, et je puis dire qu'il y aura beaucoup de contestations judiciaires si des changements sont apportés au Code criminel. C'est inévitable. D'ailleurs, j'ai entendu certains de mes collègues dire qu'il faudrait changer le Code criminel, simplement pour donner du travail aux avocats, étant donné l'application de la Charte. C'est inévitable. En gros, c'est à nous à donner la priorité, en tant que législateurs, à la lutte contre ce fléau que nous révèlent les statistiques.
Je vais vous poser ma première question. Au sujet du pouvoir de la police de faire faire un test de sobriété sur la route, la jurisprudence des années 80 révèle qu'on a empêché la police d'agir ainsi. On nous suggère maintenant de légiférer pour leur rendre ce pouvoir. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
[Français]
Me Jean Asselin: Je peux vous dire à ce sujet que l'article 636.1 du Code de la sécurité routière du Québec prévoit le test de coordination physique à partir du moment où l'agent de la paix a des raisons de soupçonner la présence d'alcool.
L'article 254.2 permet un contrôle à l'aide d'un appareil de dépistage lorsque l'agent de la paix a des raison de soupçonner la présence d'alcool.
Ce que vous proposez peut constituer une possibilité intéressante. Devrait-on faire en sorte que le Code criminel prévoie dorénavant des tests de coordination physique lorsque l'agent de la paix a des raisons de soupçonner la présence d'alcool ou de drogue? C'est une mesure qui pourrait s'avérer intéressante. Je ne veux pas m'engager au nom du Barreau, mais je pense qu'en tant que législateurs, vous pourriez examiner cette possibilité. Si vous maintenez l'exigence de motifs raisonnables, je pense qu'en droit, cela ne posera pas de problèmes.
Par contre, comme vous agissez sur la personne contre sa volonté, en raison des soupçons d'un agent de la paix, comme vous dites, il pourrait y avoir des contestations judiciaires en vertu de la Charte.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Vous soupçonnez donc qu'on reviendrait à l'argument initial, selon lequel cela enfreignait l'article 8 de la Charte. Même avec une présomption législative selon laquelle le policier n'agit qu'en fonction d'un soupçon raisonnable, je présume qu'on reviendrait à la charge, devant les tribunaux, avec des arguments relatifs à l'article 1.
[Français]
Me Jean Asselin: Quant à moi, la violation est évidente. Le procureur général du Canada pourra peut-être présenter une preuve irrécusable en vertu de l'article 1 de la Charte et justifier cette mesure.
Me Carole Brosseau: Il y a d'ailleurs une jurisprudence qui prévaut à cet effet. On a reconnu, dans certains cas, que cela constituait une entrave à la vie privée mais qu'elle était justifiée compte tenu des circonstances. Je n'ai pas les arrêts en tête, mais il y a eu un arrêt de la Cour suprême dans ce sens.
Me Jean Asselin: Souvenez-vous d'une décision de la Cour suprême, dans l'affaire Thompson...
Me Carole Brosseau: C'est cela.
Me Jean Asselin: ...où on avait contesté le fait que le policier avait fait subir un test de dépistage parce qu'il avait des soupçons. Cela avait été contesté en vertu de la Charte. En fait, la personne détenue invoquait son droit à la présence d'un avocat, droit prévu à l'alinéa 10b) de la Charte. Dans ce cas, la Cour suprême a dit qu'il s'agissait bien d'une violation, mais d'une violation justifiée par l'article 1 de la Charte.
Pourquoi? Parce qu'on se rend compte, et une preuve exhaustive en été faite par le procureur général du Canada et les procureurs généraux des provinces, que la conduite avec facultés affaiblies constitue un fléau et qu'il faut des mesures pour la prévenir.
Alors, la mesure que vous proposez d'introduire dans le Code criminel satisferait la Cour suprême du Canada dans la mesure où une preuve solide serait apportée en vertu de l'article 1 de la Charte, même s'il y a une violation du droit à la vie privée et du droit à la protection contre les perquisitions, les fouilles et les saisies prévu à l'article 8.
Me Carole Brosseau: Toutefois, il faut toujours que le policier ait des motifs raisonnables d'avoir des soupçons. Je pense que cela serait admis. Je suis d'accord avec mon collègue.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Madame Brosseau, vous avez parlé d'une affaire actuellement devant la Cour suprême, relative à la constitutionnalité de la désintoxication obligatoire. Avez-vous une référence à nous donner, ou le nom de cette affaire?
[Français]
Me Carole Brosseau: Vous l'aurez dans notre intervention législative. Vous aurez toutes ces références. J'y ai déjà cité l'arrêt sur la désintoxication obligatoire.
Me Jean Asselin: C'est un dossier qui est devant la Cour suprême.
Me Carole Brosseau: Actuellement, oui. On n'a qu'une décision de la Cour d'appel.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Bien, merci.
J'ai une dernière question au sujet de votre échange avec M. Harris.
Vos points de vue divergent manifestement au sujet des effets des mesures dissuasives sur les conducteurs en état d'ébriété. À mon avis, il y a manifestement un groupe de personnes pour lesquelles on ne peut rien changer par les lois, ce sont les buveurs invétérés, les alcooliques. Quoi qu'il arrive, ils ont un problème. C'est une maladie, dont ils ne pourront peut-être pas guérir eux-mêmes.
Monsieur Asselin, vous avez donné l'exemple de la peine de mort au Texas ou dans le sud des États-Unis. On pourrait vous répliquer que si ça n'en dissuade pas d'autres, ça dissuade certainement ceux qui en font l'objet. Une interdiction à vie ou une interdiction de conduire pendant assez longtemps aura un effet. Si on prolonge cette interdiction, cela aura une incidence sur les statistiques. Et si cela sauve des vies, nous devons le faire.
Le président: Pouvez-vous donner une courte réponse, s'il vous plaît?
[Français]
Me Carole Brosseau: Je vais répondre.
Je puis vous dire oui, à condition que la personne ne conduise pas. Ce n'est pas parce qu'on révoque le permis d'une personne qu'elle ne se permettra pas de conduire. C'est là le problème. Plusieurs personnes conduisent malgré la révocation de leur permis, et il est difficile d'exercer un contrôle sur ces personnes.
Alors, on peut répondre oui, en principe. Concrètement, c'est autre chose. Est-ce assez court?
Le président: Merci, madame Brosseau. Monsieur Saada.
M. Jacques Saada: Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Je dois vous avouer que je suis vraiment partagé. Je suis vraiment déchiré parce que, d'un côté, je sais que votre présentation s'appuie sur des arguments très sensés mais que, de l'autre, je me sens démuni.
Intuitivement, il n'y a rien pour m'indiquer que l'augmentation de la sévérité des peines va aider à quelque chose. La gradation ou la révocation du permis de conduire à vie pose toutes sortes de problèmes auxquels vous avez fait allusion. Je ne vois pas que cela donnerait des résultats de quelque nature. Je parle de l'augmentation de ce qu'on a actuellement.
Vous parlez de programmes de sensibilisation, mais d'après ce que j'avais lu quelque part, il n'y a pas très longtemps, 1 p. 100 des personnes accusées étaient responsables de plus des deux tiers des accidents. Je présume que si ces personnes pouvaient être sensibilisées, elles l'auraient déjà été. Donc, j'ai aussi des doutes sur l'efficacité des programmes de sensibilisation sur cette population spécifique.
• 1625
Quand on examine les tableaux ou l'évolution des
courbes relatives aux cas d'infraction, il faut bien
comprendre une chose; c'est que les programmes de
sensibilisation marchent d'abord et avant tout sur ceux
qui, peut-être de bonne foi ou autrement, commettent
une erreur, mais n'auraient pas voulu commettre cette
erreur. Pour le reste, on ne fait rien avec cela.
Donc, je comprends certainement ce que vous me dites mais, d'un autre côté, il se produit quand même 1 400 morts par année.
Me Carole Brosseau: Écoutez, nous comprenons que les réflexions aillent dans ce sens. Nous savons bien que, du moment qu'on aborde ce sujet, il suscite toujours de grandes émotions. À cela, nous avons proposé deux solutions: celle du niveau d'alcoolémie de .08, tout en se demandant si on doit maintenir un niveau d'alcoolémie et lequel.
Nous avons dit aussi que le dispositif antidémarreur nous semblait un moyen technique fort utile parce que c'est un moyen préventif; nous ne voulons pas que l'accident se produise.
En ce qui concerne la dissuasion, un seul accidenté est toujours un de trop.
M. Jacques Saada: Permettez-moi la remarque suivante quant au taux d'alcoolémie qui serait permis. On nous a amplement démontré, à plusieurs reprises d'ailleurs, et cela m'a particulièrement frappé, que la marge d'erreur qui s'applique à la lecture du taux d'alcoolémie fait en sorte que plus la limite de ce taux est basse, plus l'impact de la marge d'erreur est grand auprès des juges. Autrement dit, au niveau de .08, l'impact est de x, mais à .04, l'impact est beaucoup plus élevé que x. Cela veut donc dire que plus on réduit la limite, plus il est difficile de démontrer la culpabilité et, par conséquent, de traiter le problème.
Finalement, la question de la limite de l'alcoolémie est vraiment, comme vous l'avez dit tout à l'heure, un choix de société. Il est évident qu'on pourrait très bien promouvoir la tolérance zéro. On pourrait aussi promouvoir un taux de .04 comme cela se fait dans certains pays, ou encore, de .08 comme ici. Mais, sincèrement, je n'ai pas la preuve que par ce moyen, à part se donner bonne conscience comme société, on arrivera vraiment à régler le problème de ce noyau dur de 1 p. 100. Toutes mes antennes sont dressées pour entendre ce qui traite de ce problèmes du 1 p. 100. En ce qui me concerne, c'est là qu'est le problème.
Me Jean Asselin: Peut-être que si le législateur décidait de mettre de l'avant la tolérance zéro, vous régleriez votre problème, en partie à tout le moins. Les gens qui décideraient de conduire avec des facultés affaiblies, tout en sachant que la tolérance permise par la loi est de zéro, risqueraient une sentence beaucoup plus sévère. Mais, comme vous dites, c'est un choix de société, un choix du législateur. Est-ce qu'on veut aller jusque-là? Si on veut le faire, je pense qu'on pourra régler une bonne partie des problèmes.
Il faut aussi comprendre une chose qui est probablement arrivée à tout le monde. La limite de .08 n'est pas évidente. Comment pouvez-vous savoir si vous dépassez la limite permise par la loi?
M. Jacques Saada: Je suis un mauvais exemple; je ne bois jamais quand je conduis.
Me Jean Asselin: Voilà! Au contraire, vous êtes un bon exemple. Mais quand on sait que le législateur permet à tout le moins que vous consommiez de l'alcool jusqu'à une certaine limite, jusqu'à une limite où vos facultés ne sont pas affaiblies par l'alcool...
Je puis vous dire que bon nombre de clients dont le taux est de .09 ou de .10, ce qui est près de .08, nous disent qu'ils se croyaient en état de conduire leur voiture. Et l'écart, chez les gens qui décident de prendre leur véhicule après avoir consommé de l'alcool, est très ténu. Parfois, quand les clients nous expliquent cela, je trouve qu'ils ont raison en partie. C'est quoi, l'affaiblissement des facultés par l'effet de l'alcool?
M. Jacques Saada: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Je veux connaître l'opinion du comité. Nous avons épuisé le temps prévu pour ces témoins. Voulons-nous continuer encore pour quelques rondes de trois minutes? Nous pouvons peut-être faire une courte période de questions et réponses.
Monsieur Harris, allez-y.
M. Dick Harris: Je dois poser cette question. Vous avez dit que les gens qui conduisent en état d'ébriété, dans bien des cas, ont pratiquement perdu la capacité de décider raisonnablement s'ils peuvent ou non conduire leurs véhicules, puisque leur jugement est appauvri par l'alcool, les drogues, ou autre chose. Eh bien, j'aimerais vous présenter une hypothèse qui nous a été donnée l'autre jour par l'Association des policiers, pour voir ce que vous en pensez.
• 1630
Imaginons qu'une personne prenne sa voiture pour aller à un
bar, à une fête, à un club de nuit, sans savoir si elle boira.
Cette personne n'a pas pensé à d'autres façons de revenir chez elle
qu'en conduisant son véhicule. Je dirais, comme l'ont fait
l'Association des policiers et bien d'autres, que la culpabilité
commence au moment où cette personne quitte son domicile. Il y a là
des arguments très forts pour prendre des mesures plus dissuasives
pour empêcher cette personne de quitter son domicile, sachant
qu'elle va boire, et sans avoir pensé à un autre moyen de revenir
chez elle.
Vous dites que ces gens sortent, prennent un verre ou deux, sans penser qu'ils ont dépassé la limite. Or d'après la loi, la limite légale d'alcoolémie est de .08—c'est différent dans certaines provinces. Je pense que la responsabilité revient à la personne qui s'apprête à boire. C'est à elle de savoir qu'elle ne doit pas songer à revenir à la maison en conduisant, parce que dans 99 p. 100 des cas, elle ne pourra pas déterminer si ses facultés sont affaiblies ou non. Elles le sont peut-être bien, mais la personne ne le sait pas.
J'essaye de présenter les arguments en faveur des mesures dissuasives, afin qu'on fasse bien comprendre à cette personne que c'est un crime grave de conduire sa voiture après avoir bu, qu'il est préférable de prendre des dispositions avant d'aller à une fête ou à un bar, parce qu'on aura de graves problèmes si on se fait prendre. Vous ne semblez pas d'accord avec moi.
[Français]
Me Jean Asselin: Je reviens encore à ce que je disais tout à l'heure; si vous voulez enrayer le fléau, la meilleure solution est la tolérance zéro. Les gens sauront à quoi s'attendre à ce moment-là. D'autre part, si on revient à...
[Traduction]
M. Dick Harris: Si vous vouliez mettre fin à la conduite en état d'ébriété, recommanderiez-vous alors la tolérance zéro?
[Français]
Me Jean Asselin: On vous a dit, par rapport à cela, que c'était un choix politique et que le Barreau ne voulait pas s'immiscer là-dedans. Je pense que c'est à vous, comme députés de la Chambre des communes, de prendre cette décision. Ce n'est pas au Barreau que cela revient. Vous parlez d'un fléau. Si vous voulez l'enrayer, c'est peut-être une avenue à emprunter.
Mes propos sont peut-être redondants, mais je répète que nous avons parlé tout à l'heure d'un dispositif antidémarreur. Le gouvernement canadien pourrait obliger les fabricants d'automobiles à l'installer systématiquement. Je pense qu'il est assez sophistiqué pour qu'une personne ayant consommé de l'alcool ne puisse pas démarrer. On enrayera peut-être ainsi les accidents de la route attribuables aux gens qui conduisent avec des facultés affaiblies.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Asselin.
Madame Bakopanos.
[Français]
Mme Eleni Bakopanos: Je n'ai qu'une question. Je vous remercie beaucoup de votre présentation. En vous fondant sur votre expérience, croyez-vous que l'éducation des jeunes doit être encore renforcée? Personnellement, je crois à la zero tolerance pour les jeunes. C'est mon opinion personnelle, et non en tant que secrétaire parlementaire. Je crois qu'il faut les atteindre dès le début, et non pas quand ils se sont déjà habitués à l'alcool. Est-ce que vous avez un commentaire à faire à ce sujet?
Me Carole Brosseau: On ne peut pas mesurer, à l'heure actuelle, ce que ça va avoir comme effet chez les jeunes. La tolérance zéro pour les jeunes a été adoptée dans plusieurs provinces, je crois. Ce que je peux vous dire, c'est qu'elle est en application au Québec depuis seulement deux ans. Il ne faut pas oublier que ces jeunes seront considérés comme adultes à part entière à compter de 25 ans et que peut-être ils auront déjà pris l'habitude de ne pas boire quand ils prennent le volant.
L'éducation n'est jamais un processus à court terme. On va à l'école assez longtemps dans notre vie pour savoir que c'est un processus à long terme, et Dieu sait qu'on apprend toujours.
• 1635
Je pense donc que c'est un processus en devenir et
qu'il faut faire confiance à des mesures à long terme.
C'est sûr que si vous voulez un résultat immédiat,
cela entraîne toujours des drames, ce qui
n'est jamais souhaitable. Des changements
instantanés, spontanés, ça n'existe pas. Il faut
toujours un travail à long terme.
Tout dépend aussi des choix que notre société fait. On ne tolère plus maintenant la cigarette comme on la tolérait il y a 20 ans. C'est un peu la même chose pour l'alcool. Il y a des changements de société, des changements dans les attitudes, des changements dans la tolérance. C'est la même chose pour l'alcool.
Mme Eleni Bakopanos: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur MacKay, il vous reste assez de temps pour une courte question.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Je vais moi aussi remercier les témoins. J'aurais dû le faire à la première ronde de questions, car nous leur savons vraiment gré de leur participation. C'est extrêmement utile.
Ma question se rapporte de nouveau à la jurisprudence en pleine croissance. C'est un domaine du droit qui est devenu le gagne-pain de certains avocats. Des décisions ont été rendues par les tribunaux qui ont bouleversé ce domaine du droit. Si nous suivons la voie du changement législatif—par exemple en accroissant les peines minimales ou en rendant le traitement obligatoire—prévoyez-vous qu'il y aura une augmentation de la jurisprudence? Pour éviter cela, ne devrions-nous pas envisager d'en faire une infraction sans droit d'option, dès le départ, dans les cas où la sanction ne serait pas d'une peine maximale de cinq ans? Devrions-nous enlever cette option? Ne risquons-nous d'alourdir considérablement l'arriéré des affaires en cours, ce qui entraînerait des retards donnant lieu à des arguments comme ceux qui ont été donnés dans l'affaire Askoff, ce qui annulerait des poursuites à cause des retards excessifs?
Ce sont de longues questions, qui demandent une courte réponse.
[Français]
Me Carole Brosseau: D'une part, quant aux peines minimales, nous sommes souvent venus devant le comité permanent pour dire que nous n'étions pas d'accord sur les peines minimales, dans tous les cas où elles sont imposées. Cela pose plus de problèmes qu'autre chose. Si vous me le permettez, je me ferai un plaisir de vous envoyer nos nombreuses interventions à cet égard.
On fait toujours confiance à nos tribunaux, à notre système judiciaire, heureusement d'ailleurs.
Quant à la désintoxication obligatoire, on ne répétera pas les arguments qu'on a énoncés tout à l'heure. De telles mesure doivent être volontaires pour avoir un effet réel. Mais j'extrapole. Je ne vous parlerai pas du jugement de la Cour d'appel du Manitoba ni même la décision éventuelle de la Cour suprême à ce sujet.
[Traduction]
M. Peter MacKay: Sauf votre respect, ma question ne portait pas du tout sur ça. Je vous demandais si un changement législatif alourdirait la charge de travail des tribunaux. Je ne conteste pas ces questions. Je demande simplement si nous allons augmenter le volume de travail des tribunaux, si nous choisissons cette voie.
Le président: Une courte réponse, s'il vous plaît.
[Français]
Me Jean Asselin: Je pense que oui. Plus on applique des mesures répressives, plus on augmente le nombre de litiges. Quant à moi, c'est évident.
Me Carole Brosseau: C'est cela.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aurais simplement un commentaire à formuler au sujet de ces antidémarreurs avec alcoomètre qu'on veut installer sur les voitures. Je n'y crois pas beaucoup. Depuis deux ou trois ans, les constructeurs automobiles affirment que leurs voitures sont à l'épreuve des voleurs, qu'on ne peut pas les faire démarrer en rapprochant les fils de contact. Pourtant, on en vole de plus en plus. Je peux imaginer qu'il sera très rentable d'avoir une petite entreprise de contournement de ces alcoomètres. Ce n'est tout simplement pas une bonne solution.
Merci.
Le président: Avez-vous des commentaires au sujet du commentaire?
[Français]
Me Jean Asselin: À cela je répondrai que M. Harris serait très justifié de faire en sorte que les contrevenants qui modifieraient les dispositifs soient sévèrement punis.
Me Carole Brosseau: Oui.
[Traduction]
Le président: Monsieur Asselin, madame Brosseau, merci d'être venus témoigner. Nous apprécions beaucoup votre participation.
Nous allons prendre une pause d'une minute pour laisser aux témoins suivants le temps de s'installer, puis nous reprendrons.
Merci.
Le président: Souhaitons la bienvenue à M. Larry Campbell. Il représente bon nombre de personnes des organismes suivants: B.C. Transit, Cycling B.C., Automotive Retail Association, Registered Nurses Association of B.C., Business & Professional Woman's Clubs of B.C. and Yukon, B.C. Safety Council, Vancouver Police Department, B.C. Coalition of Motorcyclists, Chinese Advisory Board, Youth Advisory Committee BC, B.C. Trucking Association, Young Drivers of Canada, B.C. Chamber of Commerce et la section de la Colombie-Britannique de l'Association des consommateurs du Canada.
Vous parlez au nom de beaucoup de gens, aujourd'hui. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Campbell; vous pouvez faire un exposé d'environ dix minutes, puis nous vous poserons des questions.
Votre mémoire a-t-il été traduit?
M. Larry Campbell (coroner en chef, ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique): Non, et je m'en excuse. Faute de temps, je n'ai pu le terminer que lundi. J'en ai des copies et j'ai donné l'original à M. Préfontaine pour qu'il soit traduit.
Le président: Peut-être que s'il y a consentement unanime, on pourra remettre le mémoire. Tout le monde l'a, et il n'y a pas d'objection.
Allez-y, monsieur Campbell, vous avez la parole.
M. Larry Campbell: Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité ici, aujourd'hui. J'ai suivi les conseils de vos lignes directrices et je me suis associé à d'autres groupes pour préparer cet exposé.
Pour commencer, je suis ici principalement à titre de coroner et je représente les gens qui ont perdu la vie en Colombie-Britannique à cause de conducteurs aux facultés affaiblies.
Il est vraiment difficile de comprendre la peine que vivent les parents ou les proches d'une personne tuée par un automobiliste en état d'ébriété, à moins d'en avoir été témoins. Les survivants se rendent compte que la vie qu'ils avaient ne sera plus jamais la même, les fêtes et les événements qui en font naturellement partie, comme les repas familiaux, ne seront plus jamais les mêmes. Il est toujours traumatisant d'aviser les familles du décès d'un de leurs proches, mais ce l'est encore plus lorsqu'ils se rendent compte du caractère insensé de l'acte qui leur a ravi un être cher: la conduite avec facultés affaiblies.
Je n'arrive pas à comprendre que des citoyens raisonnables, sains d'esprit, qui sont révoltés à la pensée qu'une personne puisse en tuer une autre avec une arme à feu ne puissent voir le parallèle avec ceux qui tuent quelqu'un parce qu'ils ont pris le volant en état d'ébriété. La seule différence entre les deux crimes, c'est le choix de l'arme: le fusil ou le véhicule.
J'aimerais que votre comité modifie le Code criminel de manière à rendre socialement inacceptable la conduite en état d'ébriété.
Chaque année, je m'adresse à environ 5 000 à 10 000 étudiants diplômés et je suis convaincu que les jeunes ne sont pas un problème. Je pense que l'éducation a atteint son but. À mon avis, le problème se trouve plutôt chez nous, les plus vieilles générations, que j'appellerai M. tout le monde. On a l'impression qu'on peut se dire que cela peut arriver à n'importe qui. Je vais me battre contre cela.
• 1645
D'après moi, et d'après les groupes que je représente
aujourd'hui, le Code criminel devrait faire comprendre que la
conduite automobile n'est pas un droit, mais un privilège. Ce
privilège est assorti d'un certain nombre de responsabilités pour
lesquelles nous avons créé des lois et des règlements. Un certain
nombre de changements au Code criminel renforceront à notre avis
cette idée et contribueront beaucoup à la sécurité des routes, pour
tous les citoyens.
Quand on prend le volant, on prend des décisions conscientes, je le répète, conscientes. Je n'aime pas le mot «accident» lorsqu'on parle de conduite avec facultés affaiblies; on a consciemment décidé de prendre le volant et de courir le risque de se tuer soi-même ou de tuer quelqu'un d'autre.
Je vais commencer avec le consentement tacite. Pour tous nos commentaires sur les questions posées par le comité permanent, il faut se rappeler que nous estimons que fondamentalement, la conduite automobile est une pratique dangereuse. Nous délivrons des permis et adoptons des règlements, au Canada, pour réduire les risques associés à la conduite automobile. Nous faisons passer des tests de compétence et nous appliquons un code de la route, pour atténuer ces dangers. Dans l'élaboration de nos réseaux routiers, nous avons fait primer le bien de la société sur celui des particuliers, afin de réduire les risques de la conduite automobile.
Par conséquent, à notre avis, si quelqu'un décide consciemment de se livrer à cette activité dangereuse, assujettie à un permis et à des règlements, il consent tacitement à toutes les obligations qui y sont associées. Cela comprend le consentement de passer un test, s'il y a un doute raisonnable, pour déterminer la présence dans son organisme de substances susceptibles de nuire à sa capacité de mener cette activité dangereuse de manière sûre.
Les contestations des lois sur la conduite avec facultés affaiblies ont souvent reposé sur la Charte. Ainsi, on prétend souvent que les mesures policières comme les barrages, les interceptions aléatoires, les tests d'haleine et les analyses de sang portent atteinte aux droits de la personne. Bien des questions dont le comité a proposé l'étude peuvent nécessiter des solutions contestables de la même façon en vertu de la Charte. Sans trop enfreindre les droits des particuliers, il est possible de réduire le risque de contestations couronnées de succès des lois sur la conduite avec facultés affaiblies. Je le répète, nous croyons fermement que la conduite automobile est un privilège et non un droit.
La question de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues se rapporte aussi au consentement tacite. Les dispositions actuelles du Code criminel sur les tests relatifs aux conducteurs en état d'ébriété permettent aux policiers de faire des analyses d'haleine ou de sang pour y déceler la présence d'alcool. Bien que le Code criminel contienne une infraction pour la conduite avec facultés affaiblies par les drogues, il ne renferme pas de dispositions permettant aux policiers d'arrêter les conducteurs pour procéder à des tests de détection de drogue, ni ne prévoit d'infractions pour le refus de se soumettre à ces tests.
À mesure que la consommation occasionnelle de drogues devient de plus en plus courante, on peut en dire autant de la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. En 1998, 371 personnes sont mortes par overdose de drogues intraveineuses, en Colombie-Britannique. Si on fait une extrapolation pour l'ensemble de la population, on a une idée du nombre de gens qui conduisent avec les facultés affaiblies du fait de drogues illégales sans compter les médicaments d'ordonnance.
Nous voudrions que le Code criminel soit modifié de manière à ce qu'on puisse ordonner des tests de salive. Les alcotests détectent facilement l'alcool, mais ne peuvent pas déceler la présence de drogues. Les tests de sobriété, qui évaluent la coordination du conducteur, par exemple, ont pendant longtemps été pour les policiers une méthode courante d'évaluation de l'affaiblissement des facultés. Actuellement, ces tests ne se font que sur une base volontaire. Nous voudrions qu'on donne aux agents de police le pouvoir d'obliger quelqu'un à passer ces tests de coordination sur la route, avec les mêmes sanctions en cas de refus que pour les appareils de détection approuvés.
Notre comité estime que les sanctions actuelles tiennent compte de la gravité des diverses infractions. Dans nos discussions avec les milieux policiers et des membres du Barreau, nous avons pu malheureusement constater qu'il y a des problèmes dans l'application des sanctions, particulièrement dans le cas des premières infractions. Nous reconnaissons que ce problème est peut-être particulier à la Colombie-Britannique, mais nous avons estimé qu'il convenait de vous en parler puisque vous posiez des questions sur la sévérité des sanctions actuellement imposées dans les cas de conduite avec facultés affaiblies.
Nous pensons que le Code criminel devrait rendre obligatoire une évaluation pour tous ceux qui sont condamnés pour conduite avec facultés affaiblies et pas seulement les buveurs invétérés. On reconnaît généralement que la conduite avec facultés affaiblies est un crime, mais ce n'est pas toujours perçu comme un problème social grave.
• 1650
L'alcoolisme et les toxicomanies ont des conséquences graves
pour la santé et pour la société. Nous pensons qu'une évaluation
doit avoir lieu avant la détermination de la peine, qu'elle doit
être présentée au juge afin qu'il en tienne compte dans sa
décision.
Nous ne sommes pas convaincus du bien-fondé d'abaisser la limite légale du taux d'alcoolémie, non pas parce que nous croyons que les gens doivent pouvoir boire avant de prendre le volant, mais parce que nous prévoyons des difficultés d'application et, par conséquent, une diminution du nombre d'accusations de conduite en état d'ébriété, en vertu du Code criminel. Comme nous l'avons déjà dit, à notre avis, la conduite avec facultés affaiblies n'est pas considérée avec autant de sérieux que les autres crimes; en abaissant le seuil, on fait comprendre que les facultés sont affaiblies même à des taux d'alcoolémie assez faibles, mais aussi, on banalise la loi.
Au sujet de la gradation des sanctions, nous ne pensons pas que ce sera une mesure corrective particulièrement efficace et nous préférerions une évaluation obligatoire pour tous les conducteurs condamnés pour conduite avec facultés affaiblies, comme nous l'avons déjà dit. Nous pensons que cela contribuera davantage à régler le problème des conducteurs qui sont des buveurs invétérés, puisqu'on pourra savoir dans quels cas l'infraction est associée à un problème de consommation d'alcool, et garantir un traitement.
Notre position sur les pouvoirs accrus pour les policiers est directement associée à notre deuxième priorité, soit la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Les pouvoirs actuels des agents de police sont insuffisants pour obtenir une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Bien que cela soit une infraction, les policiers n'ont pas le pouvoir de faire faire un test pour déterminer si les facultés du conducteur sont affaiblies par des drogues, et il n'y a pas non plus d'infraction en cas de refus de se soumettre à des tests, comme c'est le cas pour l'alcool.
Nous sommes préoccupés par les résultats d'un sondage récent en Colombie-Britannique, selon lequel la conduite avec facultés affaiblies par les drogues est en recrudescence au Canada et, particulièrement, en Colombie-Britannique.
Comme nous l'avons déjà dit, notre comité estime que le consentement pour subir les tests doit être compris comme un devoir implicite associé au privilège de conduire un véhicule automobile. Si ce n'est pas possible, nous voudrions que la loi permette le prélèvement d'échantillons sur les conducteurs impliqués dans tous les accidents causant la mort ou des blessures graves. C'est un fait prouvé: 50 p. 100 des conducteurs décédés au volant en 1996 avaient consommé de l'alcool. Nous reconnaissons que ce n'est pas une mesure particulièrement dissuasive pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies, mais nous estimons que cela contribuera à déceler davantage de conducteurs avec facultés affaiblies et à veiller à ce que des accusations soient portées, que des évaluations soient faites et que des traitements soient donnés.
Nous sommes en faveur de l'élimination des enquêtes préliminaires dans les cas de conduite avec facultés affaiblies. Nous sommes tout à fait conscients de la nécessité d'offrir des procès justes et impartiaux, mais nous estimons que l'enquête préliminaire porte à croire que le système est plus avantageux pour l'accusé que pour l'ensemble de la société. L'élimination de cette option accélérerait le processus judiciaire et, ce qui est plus important, faciliterait les choses tant pour les victimes que pour les témoins. Il faudrait tout de même donner aux conducteurs avec facultés affaiblies le choix d'un procès avec juge ou avec jury.
Nous ne croyons pas que les conducteurs avec facultés affaiblies doivent être libérés, en aucune circonstance. Nous le répétons, l'évaluation devrait être obligatoire pour tous les condamnés pour conduite avec facultés affaiblies et tout traitement doit être considéré comme un complément à la sanction qui convient.
Toutes nos recommandations sont dans le rapport que je vous ai remis et je ne prendrai pas le temps de les résumer.
En terminant, précisons qu'en Colombie-Britannique comme au Canada, la lutte contre la conduite avec facultés affaiblies a eu un certain succès. Malgré les effets des récents programmes et des sanctions administratives, le problème continue d'être important, touchant la vie de milliers de Canadiens, chaque année. Le plus tragique, c'est qu'il y a moyen d'éviter toutes ces pertes de vie et blessures.
Si les pouvoirs conférés par le Code criminel sont suffisants pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies, pourquoi y a-t-il encore tant de gens qui meurent? On nous répète toujours qu'il y a des risques de contestation en vertu de la Charte, d'une façon ou d'une autre. N'est-ce pas là une raison de modifier et d'améliorer le Code criminel? Devrions-nous éviter de faire des changements, simplement parce que certains craignent de déclencher des contestations en vertu de la Charte?
Nous continuons d'encourager les provinces à prendre des mesures elles-mêmes, mais nous croyons que le gouvernement fédéral a aussi son rôle à jouer en modifiant le Code criminel. L'engagement ferme des gouvernements provinciaux et territoriaux de lutter contre la conduite avec facultés affaiblies, associé à des mesures décisives prises par le Parlement fédéral sauveront bien des vies et éviteront bien des souffrances.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Harris, vous avez sept minutes.
M. Dick Harris: Monsieur Campbell, je vous remercie d'être venu nous faire part de votre point de vue, qui représente bien celui des nombreuses organisations auxquelles vous êtes associé.
Le meilleur argument que vous ayez présenté aujourd'hui, nous le connaissons tous, mais il vaut la peine de le réitérer: ce qu'il y a de plus tragique dans tout cela, c'est qu'on aurait pu éviter ces pertes de vie et blessures. De tous les crimes commis dans notre pays, la conduite avec facultés affaiblies est un crime qu'on peut prévenir à 100 p. 100 si personne ne conduit après avoir consommé de l'alcool ou des drogues.
Je crois que vous avez raison de dire que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership au sujet de la conduite avec facultés affaiblies. J'espère qu'à l'issue de nos délibérations, notre rapport représentera l'attitude de tolérance zéro de la part du gouvernement fédéral au sujet de la conduite avec facultés affaiblies et que nous pourrons donner aux provinces et aux forces policières, de même qu'au système judiciaire, tous les moyens dont ils ont besoin pour réduire radicalement le nombre des morts, 1 400 par an, ainsi que celui des dizaines de milliers de blessures chaque année.
Cela étant dit, j'aimerais connaître votre point de vue sur deux choses. L'Association canadienne des policiers a fait remarquer que la latitude dans la détermination de la peine pour les conducteurs avec facultés affaiblies ayant causé la mort va de zéro à 14 ans d'emprisonnement mais que traditionnellement et historiquement, les peins imposées se sont situées au bas de cette échelle. D'ailleurs, dans ma propre ville, quelques cas m'ont vraiment scandalisé et choqué, de même que toute la communauté. On recommande que la peine minimale pour les conducteurs avec facultés affaiblies ayant causé la mort, après une première infraction de conduite avec facultés affaiblies, soit de sept ans. Que pensez-vous de cette recommandation faite par l'association des policiers?
M. Larry Campbell: Je suis pour.
M. Dick Harris: Cela m'amène à ma deuxième question, au sujet d'une idée qui me plaît beaucoup, ainsi qu'à beaucoup de gens. Prenons le cas d'une peine d'incarcération, je ne sais pas pour quelle période—nous le saurons peut-être à la fin de nos délibérations—disons de deux ans. Quelqu'un reçoit une peine de deux ans, ou quelque chose comme ça. Avec cette peine, on dirait clairement aux condamnés qu'il doit absolument terminer avec succès un programme de désintoxication, que ce soit pour usage de drogues ou d'alcool, avant qu'on envisage une libération conditionnelle. Seriez-vous en faveur de cette idée?
M. Larry Campbell: Tout d'abord, je suis d'accord avec les témoins qui m'ont précédé: il s'agit bien d'une question de santé. En général, quelqu'un qui est dans cette situation et qui est alcoolique a un problème et doit vouloir en guérir ou doit vouloir recevoir le traitement pour qu'il soit efficace. À mon avis, si vous ne voulez pas guérir, si vous ne voulez pas suivre de cure, vous ne devriez pas non plus être libéré. Je suis donc d'accord: si une personne ne veut pas prendre part à ce programme qui lui est offert et qui n'a nulle part ailleurs où aller, je me demande vraiment s'il y a lieu de lui faire réintégrer la société.
M. Dick Harris: Mettons que quelqu'un est condamné en vertu des dispositions actuelles à trois ans et demi ou quatre ans de prison pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles. Pensez-vous que cette personne...? Je crois que personne ne veut être alcoolique...
M. Larry Campbell: Je suis d'accord.
M. Dick Harris: ... ou toxicomane.
M. Larry Campbell: D'accord, encore une fois.
M. Dick Harris: La personne pourrait choisir de purger la peine de trois ans et demi ou de quatre ans en prison. Mais si on lui donnait la possibilité de suivre un traitement curatif qui réussisse et d'avoir la possibilité d'une libération conditionnelle selon l'échéancier normal, pensez-vous que cela encouragerait la personne à opter pour le traitement curatif?
M. Larry Campbell: Dans un monde idéal, après trois ans de prison, on devrait pouvoir penser que la personne ne boit plus.
M. Dick Harris: Oui.
M. Larry Campbell: Dans un monde idéal.
M. Dick Harris: D'accord, c'est une autre question.
M. Larry Campbell: Je ne vis malheureusement pas dans un monde idéal. Je ne sais donc pas si cela aurait un effet dissuasif ou non, monsieur Harris. Si la personne est un buveur invétéré qui refuse d'entendre raison, je ne suis pas convaincu qu'on puisse faire quoi que ce soit pour le dissuader de récidiver.
M. Dick Harris: D'accord.
Le président: Chuck, voulez-vous intervenir pendant ce premier tour?
M. Chuck Cadman: J'attendrai le deuxième tour.
Le président: On passera donc à M. MacKay.
M. Peter MacKay: Merci.
Monsieur Campbell, merci beaucoup de votre exposé concis et détaillé.
Les préoccupations exprimées à l'égard des dispositions sur la conduite avec facultés affaiblies découlent en grande partie de l'interprétation qu'en font les juges. Selon bon nombre de témoins, si les juges appliquaient des peines plus sévères, cela pourrait changer des attitudes en matière d'effet dissuasif et d'acceptation des dispositions actuelles. D'après votre expérience, croyez-vous que des peines minimums obligatoires influeraient sur ces attitudes?
M. Larry Campbell: Je crois qu'il y aurait effectivement une incidence sur les attitudes. Je n'accepte pas l'idée que quelqu'un qui a causé la mort d'autrui puisse s'en tirer avec une peine de prison ou des heures de travail communautaire. Je ne l'accepte pas à cause du principe que j'ai déjà exprimé, c'est-à-dire que l'individu choisit intentionnellement d'agir ainsi. Personne ne l'a forcé à boire. C'est un choix délibéré.
M. Harris a soulevé un point exprimé, je suppose par la police. Quand je prends ma voiture pour une sortie le soir, je sais si je vais boire ou non. Je dois donc prendre une décision à ce moment-là. Comment vais-je rentrer? J'ai plusieurs options. Ce n'est pas très compliqué.
Je crois que si vous enlevez la vie à quelqu'un, il doit y avoir des sanctions. Je ne suis pas d'accord avec l'idée que cela peut arriver à n'importe qui. Ni que c'est monsieur ou madame tout le monde. Ce n'est pas vrai. Si vous tuez quelqu'un, vous n'êtes plus monsieur tout le monde à mes yeux. Je pense donc qu'une peine minimum pour conduite causant la mort, où certains diront des blessures graves aussi, aurait un effet dissuasif. On nous a dit que la raison principale pour laquelle les gens ont moins tendance maintenant à prendre le volant après avoir bu, c'est qu'ils ont peur de se faire arrêter. Si vous ajoutez à cela une peine minimum de prison, je pense que monsieur tout le monde aura assez peur de se retrouver dans une de nos prisons que ce sera un élément de dissuasion efficace.
M. Peter MacKay: Vous avez affirmé très clairement que vous n'êtes pas d'accord avec la disposition du Code criminel concernant la libération dans les cas où le détenu est prêt à suivre un traitement curatif et que vous voulez voir l'élimination de cette disposition. Ma question va un peu plus loin, même si elle est étroitement liée et à propos: que pensez-vous des sentences conditionnelles dans des cas de conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des lésions corporelles? Une sentence conditionnelle signifie que la personne purge sa peine dans la société.
M. Larry Campbell: Je ne crois pas qu'une sentence conditionnelle soit appropriée pour quelqu'un qui a enlevé la vie à un autre.
M. Peter MacKay: Je suis d'accord.
J'ai terminé mes questions. Merci.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Du côté du gouvernement, monsieur Saada.
M. Jacques Saada: Merci beaucoup de votre exposé.
Je comprends les recommandations que vous faites concernant le renforcement de la loi afin de remédier au problème posé par ceux qui commettent des crimes pendant qu'ils sont en état d'ébriété. Peut-être que je me trompe, mais je ne vois aucune étude qui montre que ces principes ont été appliqués dans un territoire donné—en d'autres termes, le renforcement, des sanctions plus sévères, etc.—et pourtant la situation s'est améliorée.
M. Larry Campbell: Je doute qu'il existe une telle étude au Canada, puisque nous n'avons jamais eu la situation où de telles sanctions existent.
M. Jacques Saada: Ou à l'étranger.
M. Larry Campbell: Je ne peux pas répondre à cette question, mais je peux vous dire ceci. C'est peut-être hors propos, mais selon certaines études, quelqu'un qui se fait prendre en conduisant avec facultés affaiblies a sans doute pris le volant en état d'ébriété des centaines de fois déjà. À tout moment donc, il y a des gens comme ça sur la route.
• 1705
J'ai déjà été policier, et je peux vous dire qu'au début des
années 70, nous avons constaté qu'une personne sur trois qui
conduisait sur la route appelée Big Cut dans Vancouer-Nord après
minuit était ivre.
M. Jacques Saada: Je comprends. Je pense que vous comprenez aussi ma question à moi.
Un des points fondamentaux de votre position semble être l'intention. Comme vous l'avez dit, si on prend sa voiture en sachant qu'on va prendre un coup, on déjà établi les conditions pour faire du tort, et il faut donc en assumer la responsabilité.
Si je sors un soir pour aller chez un ami et si je sais que nous allons prendre un verre ou deux, et que plus je reste pour discuter avec lui, plus je vais boire, et si je dépasse le niveau d'alcool dans mon sang qui me permette de conduire sans être en état d'ébriété, est-ce que l'intention existe, d'après vous, dans un tel cas hypothétique?
M. Larry Campbell: Je ne veux pas être cavalier, mais vous voudrez peut-être choisir une défense fondée sur l'aliénation mentale, puisque le poids juridique est à peu près égal, à mon avis. L'intention fait partie intégrante de la décision de boire.
Si je prends un verre et puis un autre, au fur et à mesure où le taux d'alcoolémie augmente, je sais que je mets de l'alcool dans mon système, et que je cours de plus en plus le risque de devenir ivre.
M. Jacques Saada: Mais d'abord, comme vous le savez, monsieur Campbell, plus on boit, moins on exerce un bon jugement d'une part.
M. Larry Campbell: J'ai déjà eu cette expérience.
M. Jacques Saada: D'autre part, nous savons pertinemment que le niveau de .08—et que ce soit .08, .04 ou .05 ne change rien à mon argumentation—est très difficile à juger. Si vous avez moins de résistance, si vous êtes fatigué ou pour une autre raison quelconque, vous pourriez vous retrouver avec un taux d'alcoolémie de .09, .10 ou .11 après seulement deux verres.
Je ne veux pas dire que ces personnes ne sont pas responsables de leurs actes. Néanmoins, il est très difficile de dire ou de présumer que l'intention existait dans ce cas-là, et vous ne semblez pas en avoir tenu compte dans vos recommandations.
M. Larry Campbell: Je n'en tiens pas du tout compte. D'après moi, il n'y a pas lieu de faire de distinction. Si je prends un verre, je ne conduis pas, un point c'est tout.
M. Jacques Saada: Ce que vous proposez donc, c'est la tolérance zéro.
M. Larry Campbell: Ce n'est pas ce que je propose. Je dis que la limite de .08 a peu d'importance, puisque vous avez raison de dire qu'il y a des gens qui sont ivres à un taux d'alcoolémie de .04. Il y a en a sans doute qui sont ivres à un taux encore plus bas.
Vous parlez de l'intention. Quand je prends un coup, j'introduis un produit toxique dans mon système, et je devrais savoir que si je bois plus d'un verre... Un verre, ça va sans doute, mais qui c'est? Mais il n'y a pas de doute que si je prends plus d'un verre, je cours le risque de me retrouver avec facultés affaiblies. L'intention existe donc.
M. Jacques Saada: Je comprends ce que vous dites, mais je ne suis pas d'accord avec vous. J'aimerais, cependant, aller au bout de cette logique.
Si le simple fait de conduire ou d'avoir l'intention de conduire après avoir bu pouvait susciter un problème—et vous avez dit vous-même que lorsque vous conduisez vous ne buvez tout simplement pas—l'aboutissement de votre logique, c'est le contraire de ce que vous disiez. Vous ne voulez pas changer la limite, mais vous proposez en fait une tolérance zéro à toutes fins pratiques.
M. Larry Campbell: La loi prévoit .08. Notre groupe ne recommande pas de changement à ce taux.
Je continue à croire que cela ne change en rien la question de l'intention. La limite peut-être zéro ou plus; cela n'est pas vraiment important. Ce que je veux dire, c'est que, vous n'avez pas le droit de conduire en état d'ébriété. Même le fait de conduire n'est pas un droit. C'est ça ma position de départ.
Deuxièmement, il faut se rendre compte que si on prend quelque chose qui peut affaiblir nos facultés, l'intention existe dès le départ. Plus vous buvez, comme on sait, plus élevé sera le taux d'alcool dans le sang et plus il y aura de chance que vous soyez en état d'ébriété.
M. Jacques Saada: Vous voulez dire donc que l'intention n'a rien à voir avec les limites prévues par la loi.
M. Larry Campbell: Non.
M. Jacques Saada: En d'autres termes, l'intention n'a rien à voir avec le fait d'obéir à la loi en restant en deçà des limites prévues par la loi.
M. Larry Campbell: Vous l'avez dit vous-même: vous pouvez rester en deçà des limites. Si la limite prévue est de .08, il faut connaître son propre corps et savoir comment il va réagir, parce que c'est jouer à la roulette. Nous avons vu des circonstances en Colombie-Britannique où des personnes bien connues ont reçu une suspension automatique au bord de la route parce qu'elles avaient couru un risque en ne reconnaissant pas le fait que le point .08 est très difficile à jauger quand on prend la décision de prendre ou non un verre de plus.
J'ai choisi de conduire et de ne rien boire, ou de boire et de ne pas conduire. C'est ça l'intention. Il me semble que toute personne sensée qui sort... C'est pour cela que je reviens à cette question d'événement fortuit. Quand je parle à tous ces finissants, ils comprennent bien la situation. Quand je parle aux gens de mon âge, ils me disent que cela aurait pu arriver à n'importe qui. C'est cette idée-là que je voudrais supprimer. Cela n'arrive pas à n'importe qui si on n'a pas l'intention de conduire après avoir bu.
M. Jacques Saada: Merci de votre exposé.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Harris, deuxième tour?
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): J'ai une courte question pour vous, monsieur Campbell. Merci beaucoup d'être venu ici aujourd'hui.
Ma question porte sur la sensibilisation des enfants. J'ai vu l'exposé que vous avez donné avec le Dr Campana. Pourriez-vous parler brièvement au comité de la réaction des jeunes à l'exposé que vous leur donnez?
M. Larry Campbell: Il s'agit d'un exposé de 45 minutes destiné aux élèves de douzième année. Le coanimateur est Bruce Campana, médecin d'urgence. Il leur montre des images crues de toutes les étapes, en commençant par l'arrivée de la personne à l'urgence jusqu'à la fin, où on voit le cadavre sur la table, ouvert et avec des clamps partout. Il leur parle de ses visites aux parents pour les informer de la nouvelle.
Sur 500, nous en perdons environ 10 ou 15 à ce stade-là. C'est alors que je prends la relève, et je décris l'arrivée sur les lieux et comment on a retiré les victimes de la voiture. Ce qui est plus important, ce qui semble être plus efficace, c'est lorsque je décris comment je dois me rendre à deux heures du matin chez les parents pour ensuite amener leur père à la morgue pour qu'il identifie son fils ou sa fille.
L'effet est très différent de ce que j'aurais cru. J'ai un fils de 18 ans, donc je connais bien cette attitude arrogante des jeunes. Mais l'effet est vraiment très différent. À la fin de l'exposé, il règne un silence absolu. C'est incroyable. Et il s'agit bien de 500 élèves qui se retrouvent dans divers états de détresse émotive à ce moment-là.
On nous rappelle à maintes reprises pour venir nous entretenir avec ces jeunes. Mon seul regret c'est que la plupart de mes exposés sont faits dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, et je peux vous dire que dans cette région j'ai vu toute une différence. On ne parle plus que de trois ou peut-être quatre décès. On ne voit plus les nombres qu'on voyait autrefois. On les voit plutôt dans les régions plus éloignées, où les distances sont longues entre la fête qui se déroule dans les bois et la cérémonie de la remise des diplômes. Alors je me rends dans ces régions-là.
J'ai tellement d'espoir pour eux et si peu pour nous, ma génération des cinquante ans et plus. Je peux vous dire que bien qu'il ait certaines petites zones dans notre pays où les attitudes sont un peu plus évoluées, il y en a d'autres où la distance entre le point A et le point B est mesurée par le nombre de bières qu'on peut boire en s'y rendant. C'est un fait reconnu. C'est tout simplement accepté. C'est là que nous devons faire en sorte qu'il y ait des changements.
S'il doit y avoir des contestations en vertu de la Charte, tant pis. La Charte ne me fait pas peur. Elle existe pour nous en tant que société. Si l'on doit empiéter sur les droits d'une personne pour le bien de tous les citoyens et pour sauver des vies, tant pis. Cela ne touchera personne qui obéit déjà à la loi. Ça ne touchera personne qui n'a pas bu lorsqu'il doit prendre le volant. Pour les autres? Je regrette, mais ils le méritent. C'est ma seule réponse.
Le président: Merci, monsieur Cadman.
Monsieur Grose.
M. Ivan Grose: Monsieur Campbell, merci d'être venu aujourd'hui.
• 1715
Je tiens à vous féliciter. J'ai la réputation d'être
pointilleux et de dire eh bien, c'est une merveilleuse
recommandation que vous faites-là, mais nous ne pouvons pas le
faire parce que cela ne marchera pas. Toutefois, je suis d'accord
avec vos dix recommandations, et je crois qu'elles sont
réalisables—peut-être simplement comme première étape, mais au
moins c'est un pas en avant.
J'aimerais rajouter une autre chose. Si vous êtes pris en train de chasser ou de pêcher illégalement, tout votre équipement—les fusils, les cannes à pêche, etc.—seront confisqués, tout comme votre véhicule, et vendus aux enchères publiques. Pourquoi ne pas saisir les véhicules des conducteurs en état d'ébriété? Je sais qu'on me répondra que toutes les voitures sont acquises par location bail ou financées par une tierce partie de nos jours. C'est vrai, mais si la voiture est vendue aux enchères publiques, la personne qui l'a louée ou achetée se verrait toujours tenue de payer. Donc, il aurait défaut de paiement.
Voilà donc pour la deuxième chose la plus importante dans la vie. La première est la liberté, et la seconde est votre cote de solvabilité. Ça va faire mal, mais on n'a pas besoin de loger cette personne pendant six mois ou un an—ou pendant sept ans comme le prévoit la recommandation. Je crois que ce serait une mesure très efficace.
Il existe déjà un précédent: cela se fait pour la chasse et la pêche. Pour l'amour du ciel, si vous prenez deux poissons de plus que votre limite, on enlèvera votre voiture, mais en cas de conduite en état d'ébriété, ce qui constitue vraiment un fusil chargé prêt à tuer quelqu'un, on vous laisse votre voiture.
M. Larry Campbell: Nous y avons vraiment réfléchi. C'est une des options auxquelles nous allons songer.
On nous a dit qu'un pour cent des gens commettent deux tiers des infractions, mais j'aimerais vraiment savoir d'où vient ce chiffre, parce que j'ai du mal à le croire. Nous savons, par contre, qu'il existe des récidivistes, des buveurs invétérés, et nous visons surtout ces gens-là, j'imagine.
En toute honnêteté, ça ne vaut pas la peine de vendre la voiture qu'ils conduisent aux enchères, et ils vont simplement s'acheter une autre bagnole.
Je suis d'accord avec vous. Cependant, je dois vous dire, je ne connais pas de sanction puisqu'il s'agit de quelque chose qui me touche personnellement... Et je ne me réfère pas à l'incarcération à perpétuité ou quoi que ce soit. Si une telle peine constitue une dissuasion, on devrait pouvoir s'en servir parce que tout ce que je veux, c'est mettre fin à la mort, en Colombie-Britannique, de 200 personnes qui perdent leur vie pour conduite avec facultés affaiblies. C'est ma seule mission: empêcher la mort de ces gens.
M. Ivan Grose: J'ai soulevé cette question en particulier parce que vous avez parlé de votre groupe d'âge—pas le mien, nous avons déjà abandonné toutes ces choses-là. Mais il y a le cas de l'homme d'affaires ordinaire, respecté dans sa collectivité, qui consomme trop d'alcool avant de rentrer chez lui. Eh bien, la personne qu'il tue est aussi morte que votre gars du Old Crock. Eh bien, sans doute que ce gars du Old Crock est un alcoolique aussi. Mais c'est une autre paire de manches. Je ne sais pas comment nous allons nous attaquer à cette question. Je vise surtout les gens qu'on peut plus facilement arrêter. C'est-à-dire, les gens qui se trouvent au bas de l'échelle.
Je ne crois pas ces chiffres indiquent qu'un pour cent provoque deux tiers des accidents. Ce n'est pas la réalité. J'ai vu pas mal d'accidents entre Noël et le Nouvel An. Une jeune femme de ma ville a perdu la vie, et il s'agissait d'un cas pur et simple de conduite avec facultés affaiblies. Le gars avait brûlé trois feux rouges avant d'entrer en collision avec la voiture de cette jeune femme. C'était le quatrième feu rouge et cette fois-ci, il n'a pas pu le faire. Il est toujours en vie. Elle est morte.
Si c'est possible, visons d'abord ce groupe-là, c'est-à-dire les hommes respectables en costume, et ensuite nous allons aborder la question des gars qui se trouvent au bas de l'échelle. Il est ridicule, d'après moi, de saisir la voiture de quelqu'un qui pêche hors saison, mais si vous conduisez en état d'ivresse...
M. Larry Campbell: Je serai d'accord avec vous, et non pas le contraire. C'est tout comme la peine minimale. Vous avez raison. Si vous conduisez une belle voiture, cela vous fait réfléchir davantage. «En plus de cela, votre voiture n'est plus là».
M. Ivan Grose: Et vous n'avez plus de crédit, non plus.
Le président: Merci, monsieur Grose.
Monsieur Peter MacKay.
M. Peter MacKay: Oui, merci, monsieur le président. Je serai très concis.
Monsieur Campbell, encore une fois, je tiens à vous dire que nous apprécions vos observations directes et intéressantes. Je crois que vous avez dit de façon très explicite que la plus grande priorité pour nous tous doit être la protection de la vie en raison du nombre de personnes ayant perdu la leur. Vous avez parlé de 200 morts en Colombie-Britannique. Au Canada, on parle de quelque 1 400 morts.
J'aimerais pouvoir vous inviter en Nouvelle-Écosse pour que les élèves des quelques écoles qui s'y trouvent entendent votre exposé.
M. Larry Campbell: Vous avez ma carte. Ne vous gênez pas.
M. Peter MacKay: Je l'ai, effectivement.
Je ne sais pas si vous connaissez John Butt, le coroner en chef de la Nouvelle-Écosse.
M. Larry Campbell: Je suis fier de le connaître.
M. Peter MacKay: Il serait intéressant si vous pouviez faire équipe en venant visiter notre province, à un moment donné.
• 1720
J'aimerais vous poser une question qui ne relève pas des
dispositions du droit criminel que nous examinons. Certaines
initiatives sont très novatrices. Certaines provinces ont étudié la
possibilité d'identifier les plaques d'immatriculation ou les
permis de conduire des récidivistes. On a également suggéré, et
cette idée semble être originale, d'apposer des étiquettes
d'avertissement sur les boissons alcoolisées, tout comme on fait
pour les cigarettes. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus.
M. Larry Campbell: Nous avons étudié la possibilité d'apposer des étiquettes d'avertissement, non seulement sur les boissons alcoolisées mais aussi sur les médicaments d'ordonnance et ceux en vente libre, parce que nous sommes également préoccupés par ces problèmes. C'est sans doute une bonne idée. Il s'agit d'une chose de plus... Du point de vue de l'intention, si je prends une bouteille de bière, et que je vois une étiquette disant que cette boisson va provoquer une conduite avec facultés affaiblies... Cette étiquette pourrait peut-être faire réfléchir.
En toute honnêteté, les récidivistes se fichent pas mal de ce qu'on met sur leur permis de conduire. Sans doute n'ont-ils pas de permis de conduire. Ils n'ont pas d'assurance. Et ils s'en fichent. C'est triste, parce que je soutiens, notamment, que quiconque prend de la drogue par voie intraveineuse a un problème de santé. Quelqu'un qui est rendu au point où s'il s'en fout s'il n'a pas de permis de conduire, s'il n'a pas d'assurance et qui se fiche de ce qui se passe se trouve exactement dans la même position. C'est une question de santé. Il faut trouver un moyen de les aider. Je ne vois pas comment ce qu'on pourrait inscrire sur leur permis de conduire va changer quoi que ce soit.
M. Peter MacKay: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Harris, avez-vous une question?
M. Dick Harris: Oui.
Pour faire suite à la question de M. MacKay, et je sais que les défenseurs de la Charte vont devenir fous, mais pourquoi ne pas identifier les plaques d'immatriculation des conducteurs récidivistes avec facultés affaiblies? En voyant une telle plaque d'immatriculation, la police pourrait arrêter la voiture pour s'assurer de la sobriété du conducteur.
M. Larry Campbell: J'y vois un petit obstacle.
M. Dick Harris: Ah, oui? D'accord.
M. Larry Campbell: De plus, je ne crois pas que ces gens-là possèdent même un permis de conduire. Ils n'ont sans doute pas d'assurance ou quoi que ce soit.
M. Dick Harris: Vous avez sans doute raison. D'accord.
M. Larry Campbell: Ils s'en fichent.
M. Dick Harris: C'est simplement une idée que j'ai eue.
Le président: Monsieur Campbell je vous remercie d'avoir comparu aujourd'hui.
M. Larry Campbell: Merci, monsieur.
Le président: Nous vous remercions de vos observations très honnêtes. Merci.
M. Larry Campbell: Merci.
Le président: Puisqu'il n'y a plus de questions, la séance est levée pour ce soir. Merci.