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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 18 novembre 1998

• 1544

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib)): Madame Bakopanos, voulez-vous commencer?

Mme Eleni Bakopanos (Ahunstic, Lib): Merci, madame la présidente.

Il y a deux grandes catégories d'amendements qui ont été présentées par M. Reynolds et j'aimerais faire une suggestion pour accélérer quelque peu le processus. Les amendements s'attaquent au principe qui est à la base du projet de loi, à savoir le pouvoir discrétionnaire du ministre.

Monsieur Reynolds, vous proposez de remplacer le ministre par un juge. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas prêts à accepter cela. Nous pouvons peut-être commencer par ces amendements avant de discuter des autres.

C'est ce que je propose parce que les choses se passent entre États souverains. Si nous commençons à discuter du pouvoir discrétionnaire, nous remettons en question le principe qui est à la base du projet de loi.

La présidente: Si je vous comprends bien, vous proposez que, quand nous en arriverons au premier de ces amendements, nous les discutions tous ensemble parce qu'ils soulèvent essentiellement les mêmes arguments des deux côtés.

Est-ce acceptable, John?

• 1545

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): Oui.

Mme Eleni Bakopanos: Je propose, par exemple, que les amendements 17, 20 et 21... Désolée.

La présidente: Si c'est acceptable, quand nous discuterons de l'article 3 du projet de loi...

Mme Eleni Bakopanos: J'ai la liste des amendements du Parti réformiste dont je parle. Les amendements 1, 5, 7, 16, 18 et 23 suppriment le pouvoir discrétionnaire du ministre complètement. Il y en a une autre série qui le remplace par celui d'un juge.

La présidente: Très bien. Pouvez-vous me dire quels sont ces amendements?

[Français]

Mme Eleni Bakopanos: D'accord. Ce sont les articles 1, 5, 7, 16, 18 et 23, dans la Partie 1.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Nous allons les traiter en bloc, si vous me permettez l'expression.

Mme Eleni Bakopanos: Oui.

[Traduction]

La présidente: Il y en a une autre série qui propose de remplacer...

Mme Eleni Bakopanos: Le pouvoir du ministre par celui d'un juge.

La présidente: Très bien.

[Français]

Mme Eleni Bakopanos: D'accord. Une deuxième série d'amendements porterait sur des substitutions à apporter aux articles 8, 17, 20, 21, 25, 27 et 28.

[Traduction]

Je veux aussi m'assurer, monsieur Reynolds, que je ne me trompe pas.

M. John Reynolds: Quel est le premier amendement? Le premier que j'ai a trait à l'article 3.

La présidente: Non. L'amendement porte le numéro Réf-1.

M. John Reynolds: Je vois.

Mme Eleni Bakopanos: Il porte un numéro—du moins ceux que j'ai reçus hier soir.

La présidente: Il ne consulte pas le même document.

Mme Eleni Bakopanos: Oh, non?

M. John Reynolds: Ça va.

La présidente: Donc, on a regroupé les amendements 1, 5, 7, 16, 18 et 23 dans une première catégorie, et les amendements 8, 17, 20, 21, 25, 27 et 28 dans une deuxième catégorie, pour qu'on en discute en bloc.

Quand j'en arriverai aux amendements du Parti réformiste, la première motion visera en fait à discuter des motions 1, 5, 7, 16, 18 et 23 du Parti réformiste en même temps. D'accord.

Très bien, je vais lire mon texte qui dit ici bon après-midi. Non, ce n'est pas vrai.

Mme Eleni Bakopanos: Il est déterminé que le ministre exercerait un rôle d'exécuteur, ce qui est entièrement conforme aux pratiques en matière d'extradition. C'est pourquoi nous ne serions pas disposés à accepter ces amendements.

M. John Reynolds: J'aimerais expliquer notre point de vue à ce sujet. Nous croyons que la décision finale devrait être prise par le juge et non par le ministre.

La présidente: D'accord. Considérez-vous qu'on en a discuté?

M. John Reynolds: Discuté.

La présidente: Tout un homme.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Nous allons maintenant commencer.

Mme Eleni Bakopanos: Est-ce que j'ai mélangé tout le monde?

La présidente: Donnez-moi une minute. J'ai besoin d'un peu de temps. Ce n'est jamais simple.

M. Réal Ménard: Tout le monde vous aime, je pense.

La présidente: Bon, allez-y.

[Français]

M. Réal Ménard: Madame la présidente, est-ce qu'on peut, avant de discuter des amendements, poser une question à la secrétaire parlementaire ou à nos aimables fonctionnaires?

Vous savez qu'hier, les quatre témoins qu'on a reçus ont tenu le même discours. Je voudrais savoir pourquoi, finalement, le gouvernement ne s'est pas rendu à leur argument. Je ne suis pas convaincu qu'il fallait le faire, mais je désire connaître vos motifs. On nous a dit qu'il fallait deux régimes juridiques distincts pour traiter de l'extradition, selon qu'on l'ordonne à l'égard d'un tribunal international ou à la demande d'un État partenaire.

Peut-être mon collègue pourra-t-il ajouter un complément d'information à ce que je vais dire. On nous a fait valoir qu'entre autres, dans le cas d'un tribunal pénal international, la ministre n'avait pas de pouvoir discrétionnaire sur la décision d'extrader. Je céderai la parole à mon collègue pour qu'il complète par un peu plus d'information ce que je viens de dire et peut-être pourrez-vous ensuite nous faire connaître vos motifs.

Mme Eleni Bakopanos: C'est seulement une information sur un point technique. Cela ne touche aucun des amendements dont on discute dans le moment, Réal.

M. Réal Ménard: C'est juste pour comprendre...

Mme Eleni Bakopanos: C'est une discussion sur le principe.

M. Réal Ménard: C'est pour comprendre.

• 1550

[Traduction]

Mme Eleni Bakopanos: Madame la présidente, voulez-vous encore discuter du principe? Nous discutons maintenant des amendements. Je ne veux pas bousculer M. Ménard, mais on revient sur le principe dont on a discuté hier. On en a même parlé avec la ministre quand elle est venue témoigner devant nous.

La présidente: Si nous ne pouvons nous entendre pour laisser cela de côté, je vais commencer. Mais parlons-nous encore de ces amendements?

Mme Eleni Bakopanos: Nous n'allons pas discuter du principe—les amendements, monsieur Reynolds... Je peux me tromper, mais je pense que M. Ménard pose une question sur le principe du pouvoir discrétionnaire du ministre à l'égard des tribunaux internationaux, si j'ai bien compris.

La présidente: M. Ménard veut soulever une question à ce sujet. J'aimerais toutefois qu'on attende pour en discuter qu'on arrive à l'article 3 qui est le premier article pour lequel on propose un amendement. J'aimerais d'abord pouvoir commencer l'étude article par article en bonne et due forme.

Je veux signaler que M. Yvan Roy est de retour parmi nous. Nous sommes heureux de voir que vous vous portez bien, monsieur. Je pense qu'on vous a amené à l'hôpital la dernière fois que nous nous sommes vus.

M. Yvan Roy (avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci, madame la présidente.

Mme Eleni Bakopanos: Oui, nous devons faire attention cette fois-ci.

La présidente: Nous devons ménager M. Roy parce qu'apparemment nous le faisons réagir très fortement.

M. Yvan Roy: Oui, très fortement, effectivement.

La présidente: Nous accueillons également M. Lemire du ministère de la Justice. M. Roy est avocat général principal et M. Lemire est conseiller juridique auprès du Groupe d'entraide internationale.

Conformément au paragraphe 75(1) du Règlement, nous reportons l'étude de l'article 1 pour y revenir plus tard.

Le premier article dont nous allons discuter ici est l'article 2. Monsieur McKay.

(Article 2—Définitions)

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): J'aimerais avoir des précisions sur la définition des mots «État ou entité». Je comprends les deux premières lignes, mais ensuite c'est un peu moins évident. Je ne vois pas vraiment pourquoi les «territoires gérés en condominium» figurent dans cette définition.

    «État ou entité»

      a) Un État étranger, ses provinces [...] ses colonies, dépendances, possessions, territoires gérés en condominium ou placés sous son protectorat [...]

M. Jacques Lemire (conseiller juridique, Groupe d'entraide internationale, ministère de la Justice): On ne parle évidemment pas, comme vous l'avez deviné, de...

M. John McKay: J'ai seulement étudié le droit immobilier, je m'excuse.

M. Jacques Lemire: Malheureusement, je devrai vous répondre de façon limitée. Je pense que c'est une expression utilisée pour désigner un genre de territoire ou de possession—au risque de me tromper.

Mme Eleni Bakopanos: Le représentant du ministère des Affaires étrangères veut-il ajouter quelque chose?

La présidente: Voudriez-vous vous présenter?

M. Keith Morrill (directeur adjoint, Direction du droit onusien, de la criminologie et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): À ce sujet, comme Jacques l'a bien dit, cette expression désigne une colonie ou une dépendance qui est administrée par deux États distincts. Les Nouvelles-Hébrides en sont un exemple. C'était une colonie administrée par deux pays, ou trois ou quatre. Il n'existe plus beaucoup de territoires dans cette situation.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Je pense que c'est cela. Je crois qu'il n'y a plus de condominiums dans le monde maintenant. Ce n'est donc peut-être pas si pertinent qu'on veut bien le suggérer. Il faudrait vérifier, mais je crois qu'il n'en existe plus.

Mme Eleni Bakopanos: Mais est-ce qu'il est encore possible d'en créer de nouveaux?

M. Daniel Turp: Oui, bien sûr.

Mme Eleni Bakopanos: On doit le laisser, dans ce cas-là. S'il est possible d'en créer de nouveaux, il faut le laisser.

[Traduction]

La présidente: Il fallait le demander, n'est-ce pas?

Mme Eleni Bakopanos: Merci de nous avoir renseignés.

M. John McKay: Combien de gens ici savaient cela?

La présidente: M. Maloney et moi le savions, mais nous ne voulions pas nous en vanter.

Mme Eleni Bakopanos: Pas étonnant qu'il ait échoué à l'hôpital.

La présidente: Monsieur Turp.

[Français]

M. Daniel Turp: Lors de la réunion à laquelle j'ai participé, j'avais mentionné à M. Lemire, je crois, qu'il me paraissait pertinent de distinguer l'extradition de la remise puisque, devant les tribunaux pénaux internationaux visés par cette loi, la notion d'extradition n'existe pas. La notion utilisée, par exemple, à l'article 89 du nouveau statut de Rome créant un tribunal pénal international, c'est la notion de remise ou, en anglais, de surrender.

• 1555

En ce sens, je crois que le texte n'est pas aussi juste et rigoureux qu'il devrait l'être. Une façon de le rendre rigoureux sans trop en changer l'économie générale serait d'ajouter une définition du mot «extradition» à l'article 2, définition qui comprendrait la notion de remise. Par conséquent, le texte de la loi ne prêterait plus flanc à la prétention que la notion de remise n'y est pas incluse.

Autrement, il se pourrait qu'une personne qu'on veut assujettir à une procédure en vertu de cette loi prétende que cette procédure ne s'applique pas dans le cas d'un tribunal international, parce qu'il ne s'agit pas alors d'extradition mais bien plutôt de remise.

Je fais donc la suggestion constructive de mettre dans l'article 2 une définition d'«extradition» comprenant la notion de remise, clairement indiquée, telle que l'entendent les décisions du Conseil de sécurité et le traité créant la Cour pénale internationale.

M. Yvan Roy: Je peux ajouter un commentaire puisque j'ai le sentiment que la suggestion fait aussi suite à l'analyse qu'Amnistie internationale a présentée à ce comité.

M. Daniel Turp: Non, pas nécessairement.

M. Yvan Roy: Du moins, le document que j'ai lu contenait la thèse selon laquelle il fallait distinguer entre l'extradition et la procédure de surrender. On invoquait l'argument que le statut de Rome, auquel vous faites allusion, monsieur Turp, le requiert. De fait, dans le document même, on cite un passage à l'appui de cette argumentation.

Or, de notre point de vue tout au moins, ce n'est certainement pas requis. Comme vous le savez aussi bien que moi, le Canada a pris une part active à l'élaboration de ce texte-là. De fait, l'un des témoins qui se sont présentés devant vous, M. Piragoff, faisait partie de la délégation canadienne ainsi que M. Kirsch et d'autres qui ont participé aux travaux.

Notre position à cet égard est que, tel que le texte est présenté, du fait qu'il évoque la possibilité de remise par voie d'extradition, mais de remise tout de même à un tribunal étranger, le problème n'existe pas.

Je vais vous citer le texte d'Amnistie internationale à cet égard et je verrai si vous êtes d'accord avec moi.

On lit, au 5e paragraphe de la page 2 de leur document,

[Traduction]

que le statut de Rome indique que «... les exigences de la procédure de remise dans l'État requis... ne devraient pas entraîner plus de complications que celles qui s'appliquent aux demandes d'extradition, conformément aux traités ou aux arrangements entre l'État requis et les autres États, et devraient, si possible, en entraîner moins, compte tenu de la nature distincte du tribunal.»

[Français]

La plupart de ces mots-là sont entre guillemets, étant tirés directement du statut de Rome lui-même.

Selon nous, ce paragraphe contient une double indication. Premièrement, il faut que le régime mis en place pour remettre quelqu'un à un tribunal international n'entraîne pas plus de complications que l'extradition. Or, comme c'est le même régime qui s'applique, nous croyons satisfaire à cette première condition. En deuxième lieu, puisqu'on nous parle en même temps de la distinction entre «surrender» et «extradition», c'est que le tribunal lui-même reconnaît que cela peut exister et que, par voie d'extradition, on peut envoyer quelqu'un devant le tribunal.

Sur cette base, nous croyons que ce que la ministre présente au Parlement satisfait pleinement aux exigences. Je vous dirai bien humblement que nous serions malvenus d'avoir un texte de loi qui viendrait à l'encontre de ce que nous avons négocié à Rome au cours de l'été. Le Canada est considéré comme étant l'un des grands promoteurs dudit texte.

Je comprends votre intention quand vous suggérez de parler d'une définition de «remise», de «surrender». Cependant, notre processus à nous tient compte de deux étapes: une étape de committal—j'emploie les termes anglais parce que c'est plus facile—, faite par le juge, et une étape de surrender, faite par le ministre.

• 1600

À notre avis, ce n'est pas plus onéreux dans le cas d'un tribunal international que dans celui de l'extradition en général, ce qui satisfait à cette première condition. Je pense que le tribunal international lui-même reconnaît qu'en matière d'extradition, on peut satisfaire à cette condition. Je pense que nous y réussissons sans—sauf le respect que je vous porte—procéder à l'amendement que vous voudrez peut-être proposer.

M. Daniel Turp: Ce n'est pas pour qu'on débatte de la question de fond que j'ai fait la proposition. Je comprends que l'amendement proposé veut changer le régime. Il est vrai qu'il n'est peut-être pas nécessaire de changer le régime à la lumière du statut ou des deux autres décisions du Conseil de sécurité. Cependant, une certaine rigueur s'imposerait, à mon avis, parce que la notion d'extradition est vraiment différente de celle de remise au sens des conventions internationales. On a fait exprès pour ne pas utiliser la notion d'extradition, et vous savez probablement pourquoi; c'est à cause de la problématique concernant l'extradition des nationaux.

On devrait avoir ce souci de rigueur, sans changer nécessairement le fond, à moins que les réformistes aient des appuis ici. On devrait faire preuve de rigueur et dire que la notion d'extradition comprend la notion de remise, afin d'être conformes à nos obligations internationales et à la terminologie utilisée dans les traités internationaux auxquels on veut se conformer, notamment par une loi comme celle-ci. C'est peut-être technique, mais c'est rigoureux sur le plan de la terminologie.

M. Yvan Roy: Je vois que M. Lemire veut intervenir. J'en ferai autant plus tard.

M. Jacques Lemire: Je note que, dans votre intervention, vous spécifiez bien clairement que cette référence à un terme plus précis se rapporterait à la situation particulière de certains États qui ne font pas la remise ou l'extradition de leurs citoyens. L'emploi d'une terminologie un peu différente aurait peut-être pour but de tenir compte de ce genre de situation. Pour le Canada, la question ne se pose pas, puisque nous pouvons procéder à l'extradition, à la remise de nos citoyens.

Ma réaction est donc la suivante: dans la mesure où notre loi nous permet d'extrader nos citoyens, ou des personnes qui ne sont pas citoyens canadiens, vers une cour d'un État partenaire chez qui nous pouvons extrader, je crois que la loi, telle qu'elle existe, nous permet de remplir nos obligations.

M. Daniel Turp: Là-dessus, je dirais que la Cour suprême pourrait toujours changer d'idée et vouloir interpréter la Charte canadienne de façon plus stricte qu'elle ne l'a fait dans l'affaire Finta, je crois, et qu'il serait prudent d'inclure la notion de remise dans cette loi-ci.

M. Réal Ménard: Acceptez donc ce bel amendement, madame Bakopanos. Je ne comprends pas vos réticences.

Mme Eleni Bakopanos: Je crois que nous avons déjà fait connaître nos positions, lesquelles étaient déjà claires hier si je ne me trompe.

M. Daniel Turp: Cette fois, cela ne porte pas sur le fond, si vous me comprenez bien.

Mme Eleni Bakopanos: M. Roy a bien compris, mais je crois que cela aurait par la suite certaines conséquences. Je suis d'accord avec lui.

M. Yvan Roy: J'allais dire—et je souscris tout à fait aux propos tenus par M. Lemire quant à la nécessité...—que je ne suis pas certain que l'affaire Finta, qui m'est très familière, ait quoi que ce soit à voir avec ce dont on discute ici aujourd'hui. Autrement dit, je n'accepte pas nécessairement l'analyse que fait Amnistie internationale de cette décision et des conséquences qu'elle peut avoir en matière d'extradition.

La crainte que j'ai relativement à l'amendement que vous proposez pour rendre le texte de la loi techniquement plus correct, c'est que le régime, tel qu'il est structuré dans tous ses articles, est fondé sur le fait que nous avons un régime d'extradition s'appliquant aussi bien à des États qu'à des quasi-États ou à un tribunal international. En introduisant une distinction comme celle-là—qui peut fort bien être valide, j'en conviens tout à fait—, on risque de devoir revoir le projet de loi dans son entier, ligne par ligne, pour déterminer quel pourrait en être l'impact sur d'autres formes d'extradition et, justement, sur les formes d'extradition relatives au tribunal international. Autrement dit, le texte et la structure que nous avons là n'ont pas été bâtis et pensés en fonction d'une distinction établie entre «surrender» et «extradition», mais plutôt en fonction du concept général de l'extradition, incluant le surrender.

• 1605

Introduire à ce stade-ci la définition que vous proposez, qui pourrait en droit être tout à fait correcte, n'est pas quant à moi nécessaire et exigerait de porter une attention particulière à chacun des articles pour voir quels ajustements il faudrait leur apporter. Monsieur Turp, en tout respect pour votre opinion, cela ne nous semble pas nécessaire. C'est la raison pour laquelle vous rencontrez une certaine résistance de notre côté.

[Traduction]

La présidente: Avez-vous quelque chose à ajouter, Réal?

[Français]

M. Réal Ménard: J'aimerais simplement conclure. La raison fondamentale pour laquelle vous n'avez pas fait cette distinction entre une demande d'extradition venant d'un tribunal international et la demande venant d'un État partenaire est celle que vous venez de nous exposer, celle qui, essentiellement, emporte votre adhésion. Cependant, il n'y a pas qu'Amnistie internationale qui ait demandé cela. Il y a aussi le Conseil canadien pour les réfugiés et les quatre témoins d'hier. Ces derniers nous ont dit que cette distinction devait prévaloir.

Est-ce que vous ne craignez pas qu'il puisse y avoir contestation en vertu de la Charte?

Des voix: Non, non.

M. Réal Ménard: Vous pensez qu'on ne prête pas flan du tout à quelque velléité de discrimination potentielle?

M. Yvan Roy: Vous savez, monsieur Ménard, des contestations en vertu de la Charte, il y en a eu de tous genres. Il ne serait pas prudent de ma part de prétendre qu'il n'y en aura pas.

M. Réal Ménard: Vous savez, monsieur Roy, que je suis dans une période de ma vie où, en plus, je suis en train de les apprendre.

M. Daniel Turp: Il suit des cours en droit.

Mme Eleni Bakopanos: On ne peut pas prédire l'avenir.

M. Daniel Turp: C'est très bien, n'est-ce pas?

M. Yvan Roy: Relativement à ce changement-là, je n'ai pas vraiment de grandes craintes.

M. Réal Ménard: Bon. Cela me rassure, monsieur Roy. J'ai confiance en vous.

M. Daniel Turp: La seule crainte que j'aurais, monsieur Roy, c'est..

[Traduction]

La présidente: Mesdames et messieurs, je m'apprête à intervenir.

[Français]

M. Daniel Turp: J'ajouterais que la seule crainte que vous pourriez avoir, c'est de devoir revenir nous proposer des amendements dans quelques années, sinon plus tôt que cela, si vous voyez que ce régime qui n'établit pas cette distinction ne fonctionne pas.

Une voix: Voilà.

M. Daniel Turp: Peut-être pourrait-on éviter cela.

M. Yvan Roy: Si on en arrivait là, c'est que les tribunaux auraient rendu des décisions qu'à ce stade-ci je ne saurais prévoir. Si cela arrivait, le dialogue qu'entretiennent le Parlement et la Cour suprême, qui prend des décisions et donne des orientations, s'en occuperait. Le Parlement serait alors appelé à apporter les modifications nécessaires.

À ce stade-ci, toutefois, si j'entretenais vraiment une crainte sérieuse que cela puisse se produire, je dirais qu'il nous faut retourner à notre table à dessin. Pour le moment, encore une fois et tout en respectant l'opinion contraire, je n'en ai pas à cet égard-là.

M. Daniel Turp: Merci.

[Traduction]

(L'article 2 est adopté)

(Article 3—Principe général)

La présidente: Le premier amendement du Parti réformiste a trait à l'article 3. La discussion va englober les amendements 1, 5, 7, 16, 18 et 23 du Parti réformiste qui se rapportent aux articles 3, 13, 15, 39, 43 et 46 du projet de loi.

M. John Reynolds: Je crois que l'amendement numéro 5 est erroné. Ce n'est pas ce dont nous parlions.

La présidente: D'accord.

M. John Reynolds: La référence numéro 5 n'est pas un amendement où il y a «doit».

La présidente: L'amendement Réf 5 n'est pas...

M. John Reynolds: L'amendement Réf 5 n'est pas un ce ceux-là. C'est tout autre chose.

La présidente: D'accord. Donc ça ne couvre pas l'amendement 5.

M. John Reynolds: Pourquoi ne pas les voir l'un après l'autre? Nous pourrions brièvement passer sur chacun.

La présidente: D'accord. Monsieur Reynolds, vous faites cette motion?

M. John Reynolds: Oui.

Notre position est la même à propos de ces amendements. D'après nous, le ministre ne devrait pas avoir de pouvoir discrétionnaire. La plupart du temps, les décisions des juges sont respectées par la Couronne. C'est donc une étape inutile.

La présidente: Merci.

Madame Bakopanos, aviez-vous d'autres commentaires à formuler là-dessus?

Mme Eleni Bakopanos: Non. Je crois avoir été assez claire au début. C'est le principe général derrière ce projet de loi.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Moi, j'ai un commentaire. C'est que les juges ne sont pas responsabilisés. Ils observent la loi, mais ils ne sont sûrement pas tenus responsables de leurs actes au même titre que le sont les ministres à la Chambre des communes. Donc, à mon avis, le régime actuel que propose le gouvernement, qui maintient la structure d'extradition déjà en vigueur, est la plus appropriée et elle est plus transparente pour les Canadiens que le sceau d'un juge.

Merci.

• 1610

(L'amendement est rejeté—Voir le procès-verbal)

(L'article 3 est adopté)

(L'article 4—Nouvelle procédure)

La présidente: L'article se rapporte à l'amendement Réf 2. Monsieur Reynolds, faites-vous la motion?

M. John Reynolds: Je propose que l'article 4 soit modifié par substitution, à la ligne 40, page 3, de ce qui suit:

    «mêmes actes, en application de la présente loi sauf si un juge est d'avis que l'introduction de la nouvelle procédure équivaut à un abus de procédure.»

Cela évite une reprise éternelle des audiences, et le juge peut déterminer qu'il n'y a plus rien de vraiment nouveau.

La présidente: Est-ce que quelqu'un a des commentaires à faire? Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos: Ça ne change pas vraiment grand-chose; ça ne fait que clarifier l'article.

M. John Reynolds: C'est vrai. C'est une clarification que nous tenons de criminalistes qui étaient ici l'autre jour. Nous avons pris le temps d'examiner la question. C'est l'une des clarifications proposées. Je ne crois pas que ça change rien au projet de loi, ça ne fait que le rendre plus clair.

La présidente: D'accord, merci.

Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Monsieur Roy.

M. Yvan Roy: En deux mots, madame la présidente, je crois que cet amendement ne fait que répéter ce qui est déjà dans la loi, soit qu'un juge aura toujours le pouvoir d'interrompre la procédure s'il y a abus de procédure. C'est clair dans la common law.

D'après ce que nous comprenons à cet article—et M. Reynolds peut me corriger si nous nous trompons—il vise uniquement à stipuler dans la loi que le juge a ce pouvoir. Si c'est le cas, nous pouvons certainement l'appuyer, à tout le moins.

La présidente: Où voulez-vous en venir?

Mme Eleni Bakopanos: Que nous acceptons l'amendement.

La présidente: Merci.

Mme Eleni Bakopanos: C'est bien.

(L'amendement est adopté)

(L'article 4 est adopté tel que modifié)

La présidente: Je ne vois pas d'amendements aux articles 5 à 8. Est-ce qu'il y a des commentaires sur les articles 5, 6, 7, et 8?

Monsieur McKay.

M. John McKay: Les criminalistes que nous avons entendus ont remis en question l'alinéa 5a), selon lequel l'extradition peut avoir lieu

    a) que les actes de l'intéressé—à l'origine de la demande d'extradition—aient été ou non commis dans le ressort du partenaire;

Donc, on pourrait nous demander d'extrader quelqu'un vers un autre État pour un acte commis en principe par l'un de ses ressortissants ou de nos nationaux, même si cet acte ne relève pas de la compétence de l'État en question. C'est plutôt bizarre.

La présidente: Le procès de Nuremberg.

M. Yvan Roy: Je ne suis pas convaincu que cet article dit que ça ne relèverait pas de la compétence de l'État. Il n'exercerait pas un droit territorial; ce serait de son ressort pour une autre raison, ce qui est tout à fait correct en droit international.

En général, le Canada se contente d'engager des poursuites relativement aux actes criminels commis sur son territoire. Il y a d'autres moyens de faire les choses; par exemple, si une victime ou un agresseur est citoyen d'un pays et que le crime est commis à l'extérieur des frontières de ce pays, certains pays permettent tout de même des poursuites contre les accusés qui se trouvent sur leur territoire. La Chambre des Lords a d'ailleurs devant elle, actuellement, un cas assez célèbre de ce genre. L'accusé est en Angleterre et est réclamé par l'Espagne, mais les actes criminels, si toutefois c'est lui qui les a commis, ont été perpétrés au Chili. C'est ce que ça permettrait de faire si les pays s'entendaient à ce sujet. C'est tout.

Donc, ce serait de leur ressort, mais cette compétence serait fondée sur d'autres motifs que ceux que fait généralement valoir le Canada—la territorialité.

M. John McKay: D'accord, c'est logique.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee: En sommes-nous à l'article 8? Allons-nous aussi parler de l'article 8, entre autres?

La présidente: Oui.

M. Derek Lee: D'accord, je n'ai qu'une question.

Même si ce n'est pas la Chambre des communes qui s'occupe de ces accords d'extradition, notre loi en traite et elle prévoit des modalités de publication des accords, ce qui est tout à fait pertinent. Il semble que l'obligation de publier soit incontournable, et aussi le délai de 60 jours après l'entrée en vigueur de l'accord d'extradition qui s'applique à cette publication.

• 1615

Est-ce que je peux demander au ministère qu'est-ce qui arrive si l'accord d'extradition n'est pas publié dans les 60 jours? C'est à l'article 8. À ce que je comprends, le traité ne serait pas... Je ne dirais pas qu'il serait invalide, mais puisque c'est un article de loi, ça pourrait paraître suspect. Qu'en pense le ministère?

M. Jack Lemire: Je pourrais donner une réponse préliminaire, mais peut-être que mes collègues des Affaires extérieures pourraient... pas encore?

Cette disposition vise à ce que les traités soient publiés et qu'ils soient de notoriété publique, aux fins de la poursuite. La publication se fait après l'entrée en vigueur du traité. Donc, il est déjà valide.

M. Derek Lee: Mais est-ce que le traité serait exécutoire s'il n'était pas publié conformément à cette règle de publication de l'accord d'extradition dans les 60 jours? J'aimerais vous entendre dire qu'il ne serait pas exécutoire. Que si le gouvernement n'observait pas minutieusement les exigences de la loi, il ne serait pas habilité à se fonder sur un tel accord pour priver quelqu'un de sa liberté.

M. Yvan Roy: En fait, vous demandez quelle serait la pénalité si le traité n'était pas publié.

M. Derek Lee: Le gros problème... ça devient très technique parce que si le traité n'est pas publié après 60 jours et qu'il est déclaré invalide, il n'y a même plus moyen de le déposer après 90 jours. On pourrait soutenir qu'il vous faudrait renégocier l'accord.

La présidente: Ou en conclure un autre et le déposer à nouveau.

M. Derek Lee: Je ne suis pas sûr.

Une voix: Il faut agir dans les 60 jours ou ça ne compte pas.

Mme Eleni Bakopanos: C'est ce que les experts essaient de... je n'occupe pas le fauteuil.

La présidente: Non. Ça va. Il se passe quelque chose au bout de la table que... C'est moi qui ai le maillet.

Mme Eleni Bakopanos: Je ne pas de maillet.

La présidente: Nous provoquons un bourdonnement au coin de la table, il n'y a qu'à attendre.

Vouliez-vous faire un commentaire, monsieur Turp?

[Français]

M. Daniel Turp: Comme vous le savez, il n'y a jamais eu de sanction pour la non-publication des traités; cela n'existe pas au niveau interne. Au niveau international, cela existe; quand on n'enregistre pas les traités aux Nations unies, ils ne peuvent pas être invoqués devant les tribunaux. Mais en droit canadien, il n'y a jamais eu de telles sanctions. Ce ne serait pas sans intérêt que de créer une sanction de ce type, laquelle ferait en sorte que si le traité n'a pas été publié dans les délais prévus, il ne pourrait pas être invoqué devant les tribunaux. On accorderait ainsi une garantie aux personnes contre lesquelles on veut intenter des procédures d'extradition. Sinon, il n'y a pas de conséquence à l'absence de publication. Vous pourriez peut-être songer à cela.

Je vous avertis déjà à l'avance que notre parti présentera probablement des amendements, pas aujourd'hui, mais à l'étape de la troisième lecture en Chambre, afin que vous vous y prépariez. D'une part, en n'obligeant plus le gouvernement à déposer les traités en Chambre, on limite la publicité et la connaissance de ces traités. On a essayé de me convaincre la dernière fois que cette obligation de dépôt devant les tribunaux était désuète et ne devait plus être appliquée. Au contraire, je pense qu'elle devrait être élargie à l'ensemble des traités auxquels le Canada devient partie.

Il y a une chose que je ne comprends pas: c'est la raison pour laquelle on ne veut publier que des extraits de traités multilatéraux dans le recueil des traités du Canada, ce qui n'est pas conforme du tout à la pratique de publication des traités dans ce recueil.

À mon avis, il y a deux choses qui ne tiennent pas et qui devraient être modifiées pour que cette notion de publication des accords et de dépôt des accords puisse être améliorée dans le projet de loi.

[Traduction]

La présidente: Veuillez vous identifier, s'il vous plaît, aux fins du compte rendu.

• 1620

M. David Allin (directeur adjoint et chef de la Section des traités, Direction du droit onusien, de la criminalité et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Je suis David Allin, directeur adjoint de la Direction du droit onusien, de la criminalité et des traités.

En ce qui concerne la publication des traités, nous avons le Recueil des traités du Canada, dans lequel sont publiés la plupart des traités qui entrent en vigueur au Canada. Cela s'inscrit dans une procédure. Ce recueil contient environ 3 000 traités. Les traités plus récents qui ne sont pas dans le Recueil des traités du Canada—parce que ça prend un peu de temps avant qu'un traité puisse être publié—sont accessibles au public. Bientôt, peut-être d'ici un an ou deux, nos traités pourront être diffusés sur Internet.

Donc, pour répondre à votre commentaire, nos traités sont accessibles au public. Ils sont publiés sous forme de brochures et ils sont bien connus.

La présidente: Monsieur Allin, est-ce que je peux vous poser une question? Nous l'avons déjà posée. Je crois pouvoir être d'accord avec M. Turp, du moins en théorie. Je ne comprends pas pourquoi tous les traités que votre ministère négocie au nom du gouvernement du Canada, c'est-à-dire avec nous ici présents, ne sont pas déposés et discutés à la Chambre des communes. Je ne vois pas pourquoi vous vous y opposez. Je ne comprends pas pourquoi les traités ne sont pas publiés. Vous ne travaillez pas pour vous-mêmes, mais pour les Canadiens.

M. Daniel Turp: Mais ils sont publiés.

M. John McKay: Pas dans la Gazette. C'est ça le problème. Si ce n'est pas dans la Gazette, ça ne compte pas.

M. Daniel Turp: Peut-être devraient-ils aussi être publiés dans la Gazette du Canada. Ils sont plus accessibles s'ils sont déposés. Ils devraient tous être déposés à la Chambre.

La présidente: Je ne comprends pas. Ce n'est pas un club privé; c'est le Parlement du Canada. Nous représentons les Canadiens. Quelle objection y aurait-il à les déposer à la Chambre?

M. David Allin: Ils l'étaient jusqu'en 1990. Et puis il y a eu un problème de ressource. La pratique a donc été suspendue.

La présidente: Est-ce que ça coûte si cher de déposer les traités? Ce n'est qu'un bout de papier publié dans les deux langues officielles. Vous n'avez qu'à passer la porte et poser le document sur la table.

M. David Allin: C'est qu'il s'agit d'un tas de traités. Nous en concluons environ 70 par année, et il y en a toujours plus. C'est pourquoi la pratique avait été abandonnée. On pourrait bien la reprendre, parce que ça a soulevé quelques protestations. Nous pourrions recommencer une fois que les questions de ressources et autres auront été réglées.

M. Daniel Turp: Il le faudra bien. Vous contrevenez aux obligations dictées par la Loi sur l'extradition telle qu'elle est maintenant.

M. David Allin: Nos traités d'extradition, oui.

M. Daniel Turp: Vous n'avez déposé aucun des traités conclus depuis 1990.

La présidente: Un moment s'il vous plaît. Je sais que nous sommes sortis de notre sujet, mais j'aimerais avoir une réponse à cette question. Dites-moi combien ça coûte de déposer un traité dans les deux langues officielles à la Chambre? Vous les imprimez, de toute façon. Ce n'est guère qu'un bout de papier. Combien est-ce que ça coûte?

M. David Allin: Le coût moyen de l'impression d'un traité est d'environ 300 à 500 $. Nous avons environ 70 traités par année. Nous pouvons, pour ce prix-là, en obtenir le nombre d'exemplaires que nous voulons.

La présidente: Mais vous les publiez dans le Recueil des traités du Canada, n'est-ce pas?

M. David Allin: Oui, c'est exact.

La présidente: Pourquoi ne pas tout simplement les photocopier et les déposer à la Chambre?

M. Daniel Turp: Il n'y a qu'à prendre un de leurs exemplaires.

M. David Allin: Cela pourrait même se faire par voie électronique.

La présidente: Oui. Il y aurait des tas de façons de le faire, monsieur. Je ne comprends tout simplement pas.

M. Daniel Turp: Ça se fait maintenant en Australie, en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande. Tous les traités sont déposés au Parlement.

Mme Eleni Bakopanos: Est-ce qu'un amendement a été proposé, madame la présidente? Peut-être devrions-nous le faire maintenant. Cela éviterait bien des problèmes à la Chambre.

• 1625

La présidente: Puisque j'occupe le fauteuil, je ne peux pas faire de motion. Nous allons trouver l'article en question et nous y reviendrons.

M. Derek Lee: Madame la présidente, j'attends encore une réponse à ma question sur ce qui arrive si un accord n'est pas publié dans les 60 jours.

La présidente: S'il n'est pas publié dans les 60 jours, est-ce qu'on peut tout de même s'y référer devant une cour ou un tribunal au Canada?

M. Derek Lee: Madame la présidente, avant cela, je vais quitter ma place pour essayer d'obtenir une réponse par téléphone. Cela pourrait nous aider, ou du moins moi.

La présidente: Allez-y, Derek.

M. Derek Lee: Merci.

La présidente: Est-ce que les Affaires étrangères ont quelque chose à ajouter?

M. Keith Morrill: Tout ce que j'ai à dire, c'est qu'en fait, à propos de l'article 8, il y aurait deux formes de publication, soit une dans la Gazette du Canada et l'autre dans le Recueil des traités du Canada. Notre ministère n'est responsable que de la publication du Recueil des traités du Canada.

D'après ce que je comprends de cette loi, elle ne vise pas à ce qu'un manquement à la règle publication invalide forcément un traité d'extradition. D'après moi, une extradition ne pourrait se faire—corrigez-moi si je me trompe—si le tribunal n'a pas devant lui le texte du traité. Il me semble que cela va de soi. Je ne crois pas qu'on voudrait voir un traité qui est déjà entré en vigueur être déclaré nul parce qu'une échéance a été dépassée.

Peut-être M. Lemire peut-il expliquer comment ce serait possible.

M. Jacques Lemire: D'après la loi, la publication se fait après l'entrée en vigueur du traité. Il n'y a aucune indication selon laquelle le manquement à la règle de publication peut avoir la moindre répercussion sur la validité du traité.

Cette disposition vise à faire en sorte que le traité soit publié et qu'ainsi, il soit de notoriété publique. Si le traité n'était pas publié, il ne serait pas de notoriété publique. C'est tout.

La présidente: Donc on ne pourrait pas s'en servir devant un tribunal.

M. Jacques Lemire: Il faudrait s'appuyer sur d'autres preuves.

La présidente: Bon, d'accord. C'est plus clair.

Monsieur Reynolds, vous avez quelque chose à dire? Non.

M. Derek Lee: Avons-nous obtenu une réponse?

La présidente: Oui, mais on ne pourrait pas vous dire quoi. Il nous faudra la décortiquer.

Des voix: Bravo, bravo.

M. Derek Lee: Je suis désolé, est-ce que je peux demander qu'on me répète cette réponse?

La présidente: Oui.

M. Jacques Lemire: Je me ferai un plaisir, monsieur Lee, de le faire.

Ce que je disais, c'est que les dispositions de l'article 8 visent à ce que les traités soient publiés et qu'ils soient connus. Il y a obligation de publier, mais la non-publication du traité n'a pas d'effet sur sa validité. Tout ce que cela fait c'est que s'il n'y a pas publication, le traité n'est pas de notoriété publique, comme le prévoit le sous-alinéa 8(3), alors il faut s'appuyer sur d'autres preuves.

La présidente: Est-ce que cette réponse vous satisfait?

M. Derek Lee: D'accord. Je crois que cela correspond à...

La présidente: Ce que vous avez entendu.

Est-ce que les articles 5 à 8 sont adoptés?

[Français]

M. Daniel Turp: Est-ce que nous étudierons le projet d'amendement plus tard?

[Traduction]

La présidente: Est-ce que vous y travaillez?

M. Daniel Turp: Oui.

La présidente: C'est un amendement à quel article?

M. Daniel Turp: Ce serait le sous-alinéa 8(4).

La présidente: Je crois que j'ai empêché ça. Je viens de...

Vous opposiez-vous à l'adoption de l'article 8?

M. Daniel Turp: Oui.

La présidente: Les articles 5, 6 et 7 sont-ils, par conséquent, adoptés?

(Les articles 5 à 7 inclusivement sont adoptés)

(Article 8—Gazette du Canada)

La présidente: Aviez-vous quelque chose à dire au sujet de l'article 8?

[Français]

M. Daniel Turp: Si vous m'accordiez quelques minutes, je rédigerais un nouveau paragraphe sur le dépôt en Chambre des traités.

[Traduction]

La présidente: Je vais réserver l'article 8 pour quelques instants.

(L'article 8 est réservé)

(Article 9—Désignation)

Le Bloc a un amendement à proposer à l'article 9, soit la motion BQ-1. Souhaitiez-vous prendre la parole à son sujet?

[Français]

M. Daniel Turp: C'est une modification très technique. J'ai cru déceler une erreur dans la traduction française du paragraphe 9(1). Il faudrait s'assurer que la version française précise que ce sont seulement les membres du Commonwealth dont les noms figurent à l'annexe qui sont désignés partenaires. Il s'agit seulement d'apporter une correction à la version française.

• 1630

[Traduction]

Mme Eleni Bakopanos: Oui.

(L'amendement est adopté [Voir le Procès-verbal])

(L'article 9 modifié est adopté)

La présidente: En ce qui concerne l'article 10, le Parti réformiste propose l'amendement numéro...

M. John McKay: Avant de passer à autre chose...

La présidente: Oui.

M. John McKay: Il est question des États et des autres entités figurant à l'annexe qui sont désignés partenaires. Dans l'article sur l'entité, il est question d'«un territoire». Comment peut-on inscrire «un territoire» dans une annexe? Des territoires figurent-ils dans les annexes en tant que partenaires?

M. Jacques Lemire: Aucun territoire ne figure comme tel dans l'annexe actuellement.

La présidente: Pourrait-il y en avoir un?

M. Jacques Lemire: Oui.

La présidente: C'est la raison pour laquelle c'est prévu?

M. Jacques Lemire: Oui. On souhaite que la définition soit générale et souple.

La présidente: Je vous remercie.

M. Daniel Turp: On prévoit les territoires pour pouvoir inclure Taïwan.

M. Jacques Lemire: C'est une des possibilités.

M. John McKay: Le fait de ne pas figurer à l'annexe n'invalide pas le processus d'extradition.

La présidente: À l'ordre! La parole est à M. McKay.

M. John McKay: Je souhaite simplement préciser que le fait de ne pas inclure un territoire dans l'annexe n'invalide pas le processus d'extradition. C'est vous qui l'avez dit.

M. Jacques Lemire: Non. Rappelez-vous qu'il existe trois genres de partenaires: ceux avec lesquels nous avons signé un traité ou un accord multilatéral auquel ils sont également parties; ceux qui sont désignés dans l'annexe; et ceux avec lesquels nous avons un accord spécifique. Ce sont des entités, c'est-à-dire des États ou des territoires, vers lesquels nous pouvons extrader des personnes.

M. John McKay: Quelle est la différence entre un accord spécifique et un traité bilatéral?

M. Jacques Lemire: Un traité est un accord permanent intervenu entre deux pays; il se rapprocherait de ce que nous avons avec les États-Unis. Par contre, l'article 10 du projet de loi prévoit que le ministre des Affaires étrangères peut conclure avec un État ou une entité un accord spécifique. Essentiellement, le ministre des Affaires étrangères peut, avec l'accord du ministre de la Justice, conclure un accord spécifique avec un État ou une entité dans une fin bien précise, dans un cas déterminé. Cela s'appliquerait, par exemple, à l'État avec lequel nous n'avons aucun traité et qui ne figure pas dans l'annexe.

M. John McKay: Je tiens à m'assurer que j'ai bien compris. Il faudrait conclure un accord avec une entité avant de pouvoir amorcer le processus d'extradition?

M. Jacques Lemire: Effectivement, afin que cette entité puisse être réputée un partenaire.

La présidente: Monsieur McKay, je vous remercie.

Monsieur Saada.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'aimerais m'assurer que j'ai bien compris le mot «entité». Supposons qu'en Europe, on procède à une intégration complète de l'ordre juridique. La nouvelle Europe intégrée sera-t-elle réputée une entité?

La présidente: Nous n'avons que des questions-pièges aujourd'hui.

M. Jacques Lemire: La définition du mot «État» ou «entité» est générale et inclut le «territoire». Il me serait difficile de répondre à cette question; c'est une situation hypothétique, mais elle n'est pas exclue.

La présidente: Posons la question au monsieur des Affaires étrangères. Si le régime de droit était unifié en Europe, n'est-il pas probable que nous signerions un traité quelconque avec l'Union, de toute façon?

M. Keith Morrill: Comme l'a dit mon collègue M. Lemire, la situation est hypothétique. Cependant, nous signons certes des traités avec la Communauté européenne dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Il est peu probable que les questions de droit relèveraient de la compétence de l'Union européenne. Toutefois, si c'était le cas, la loi est ainsi libellée, selon moi, qu'elle s'appliquerait à des circonstances aussi inhabituelles. On pourrait probablement le faire, et ce serait une bonne chose. Manifestement, si, tout à coup, tous vos partenaires à un traité refusaient tout à coup de discuter avec vous et vous disaient de vous adresser au parlement de Bruxelles, ce serait une bonne idée d'avoir une loi qui vous permet de le faire.

• 1635

Le mot «entité» inclut aussi des entités infranationales comme Hong Kong ou Taiwan qui ont des régimes différents de l'État dont ils relèvent.

[Français]

M. Daniel Turp:

[Note de la rédaction: Difficultés techniques] ...les deux, je dirais.

[Traduction]

La présidente: Avez-vous encore besoin d'aide?

M. John McKay: Le problème posé par le concept des territoires, c'est qu'il commence à s'élargir. Je pense à des premières nations, au sein d'autres compétences.

La présidente: Eh bien, la Cisjordanie, la bande de Gaza ou encore le territoire palestinien en serait un exemple, n'est-ce pas?

M. Turp est d'accord avec moi. C'est une bonne idée de toujours être d'accord avec moi, monsieur Turp.

M. Daniel Turp: Vous avez quelque chose; vous êtes très...

La présidente: Désolée, mais est-ce que vous avez compris, John? Pouvons-nous continuer?

M. John McKay: Non, je n'ai pas fini. Je n'arrive pas tout à fait à comprendre le concept de territoire. La définition de ce mot, en droit, est très floue. Pourtant, le concept occupe beaucoup de place dans la loi.

La présidente: Bienvenue dans le monde du droit international.

M. John McKay: Exactement. Certes, quand il est question de la liberté du sujet, la précision est préférable à l'imprécision. Je persiste à croire que cette idée de territoire causera peut-être des difficultés d'ordre juridique plus tard. Je ne suis pas sûr de la nature de ces difficultés, mais diverses entités revendiquent la souveraineté, et je me demande si nous n'ouvrons pas la porte ici à diverses revendications.

La présidente: Pouvons-nous avoir un exemple? Serait-il utile...

M. John McKay: Je ne puis vous en donner. Si je le pouvais, je pourrais...

La présidente: Voyons voir. Qu'arriverait-il si quelqu'un venait ici après avoir commis un crime en territoire palestinien? Que se produirait-il? Que ferions-nous si l'on venait à nous pour nous informer que Fred Smith a commis un meurtre pendant qu'il visitait la ville de Ramallah et qu'on nous demandait de l'extrader pour lui faire subir son procès? Que ferions-nous?

M. Jacques Lemire: Ce serait au ministre des Affaires étrangères, après avoir consulté le ministre de la Justice, de décider s'il faut désigner ce territoire ou pas. Une pareille désignation viserait, après évaluation, à coopérer à l'administration de la justice et à faire subir leurs procès aux personnes visées. J'ai tout lieu de croire qu'on pèserait mûrement la question de savoir s'il faut désigner ou pas, mais la possibilité serait là et il faudrait non pas faire un choix politique mais décider s'il convient de coopérer dans l'administration de la justice lorsque les circonstances le justifient.

La présidente: Avez-vous mal quelque part?

M. Keith Morrill: Non. En réalité, j'admirais la réponse de Jacques.

Je ferai observer qu'il faut être deux pour signer un traité, alors que ce n'est pas essentiel pour désigner une entité. Un problème qui peut se présenter en relations étrangères, c'est que l'autre pays peut avoir une approche différente quant à la façon de signer un traité, à l'autorité responsable et à ce qu'elle peut faire.

Notre position est claire. Nous signons des traités avec des États et avec des organismes internationaux qui en ont l'autorité grâce aux pouvoirs conférés par le traité. Cependant, il existe peut-être des endroits—Hong Kong en est un bon exemple—qui relèvent d'un État—comme Hong Kong de la Chine—qui pourrait fort bien dire—je ne suis pas un expert de Hong Kong—qu'elle a signé un accord avec Hong Kong et le Royaume-Uni selon lequel elle n'est pas obligée de traiter de pareilles questions pour 50 ans. Elle refuse de parler d'extradition dans le cas de Hong Kong. Cette question est exclue.

• 1640

Cela veut-il dire que nous n'extraderons jamais personne vers Hong Kong? Autre solution, si Hong Kong n'a pas le pouvoir de signer des traités, on peut mettre un régime en place. Un des moyens de le faire consiste à désigner le territoire. Il n'est pas nécessaire d'avoir un traité, puisqu'on agit unilatéralement.

Il pourrait se présenter d'autres situations. Vous avez mentionné l'idée que l'entité puisse prétendre avoir le pouvoir de signer des traités. Cependant, en signant un traité avec elle, nous nous trouverions à la reconnaître comme État. Vous pouvez compter que le ministre des Affaires étrangères ne signe pas des traités avec n'importe qui. C'est un geste très important qui a de très graves conséquences. C'est pourquoi il importe que la loi prévoie un autre moyen de faire subir leur procès à de présumés criminels.

M. John McKay: Cependant, il y a un conflit ici. Il y a un conflit entre la reconnaissance politique d'un territoire, d'un État ou d'une entité particulière et le droit qu'elle revendique de faire subir son procès à une personne. Vous êtes alors confronté à un dilemme profond.

Pour des raisons que le ministre des Affaires étrangères est le seul à connaître, il se pourrait fort bien qu'il ne veuille pas reconnaître cette entité ou ce territoire particulier. Pourtant, la personne que nous avons en détention a commis un crime grave et serait, dans d'autres situations, extradée. Je ne suis pas très sûr de ce qu'il faudrait faire alors.

M. Keith Morrill: L'enjeu est important. C'est justement pour cette raison, je crois, que la loi prévoit ce qu'elle prévoit, c'est-à-dire qu'elle permet de désigner un pays avec lequel nous n'avons pas de traité. Cette disposition vise essentiellement à conserver ce qui a toujours existé au sein du Commonwealth et c'est ce que reconnaît l'article.

De plus, l'inscription de l'entité à l'annexe serait aussi très utile si une entité n'avait pas le pouvoir de conclure des traités, mais qu'il existait néanmoins une raison importante d'extrader la personne ou si, en fait, l'entité avait le pouvoir de signer un traité mais que, pour une raison quelconque, elle n'était pas disposée à le faire. La désignation donne le choix au gouvernement du Canada et au ministre de la Justice.

La présidente: Avons-nous répondu à votre question, John?

En ce qui concerne l'article 10,...

[Français]

M. Daniel Turp: Attendez un instant, je vous prie.

Je trouve que c'est une bonne question parce que l'article 9 accorde effectivement une certaine discrétion au ministre des Affaires étrangères, qui doit consulter le ministre de la Justice. Et dès que cette discrétion est accordée, il peut ajouter quelque État que ce soit ou quelque territoire que ce soit sur la liste, sans approbation ou contrôle législatif ou parlementaire. Pour satisfaire notre collègue, il faudrait peut-être envisager de préciser que les territoires qui seraient ajoutés devraient détenir la compétence en la matière. Il est vrai que le libellé actuel accorde au ministre une discrétion absolue et qu'il peut choisir les territoires. Peut-être est-il vrai qu'il exerce un jugement en général, mais on lui laisse une discrétion très large. Pour satisfaire notre collègue, il faudrait indiquer que les seuls territoires qui peuvent être désignés sont ceux qui détiennent une compétence en matière d'extradition, cette compétence n'étant pas toujours détenue par le gouvernement central d'un État.

Je ne suis pas sûr que ce soit essentiel, mais vous avez raison de souligner que cette discrétion pourrait peut-être poser un problème.

La présidente: Merci, monsieur Turp.

Maintenant, monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Je vais quand même émettre une réserve, bien qu'il me soit difficile de la définir. Il y a quand même des situations politiques où le ministre des Affaires étrangères doit avoir cette marge de manoeuvre et où elle est souhaitable.

• 1645

Prenons par exemple le cas d'un détournement d'avion. Cela peut très bien mettre en cause plusieurs parties, dont une qui n'a pas le pouvoir de décider, bien qu'elle soit partie prenante au processus. Je n'ai pas un exemple précis en tête, mais je soulève la question. Il me semble extrêmement important, du point de vue de l'efficacité, de donner cette marge de manoeuvre au ministre des Affaires étrangères. Je ne sais pas si c'est logique de penser ainsi, mais...

M. Daniel Turp: C'est logique. D'une part, on invite le Parlement à approuver une liste, tandis que d'autre part, il n'aura rien à dire au sujet du reste de la liste et des territoires et entités qui y figureront. Le libellé actuel confère au ministre des Affaires étrangères le pouvoir de procéder par arrêté et d'ajouter des noms à l'annexe.

M. Jacques Saada: Ça ne me dérange pas plus que cela, mais je comprends.

[Traduction]

La présidente: Pouvons-nous passer à l'article 10? Réal Ménard.

(Article 10—Accords spécifiques)

[Français]

M. Réal Ménard: J'aimerais poser une question au sujet de l'article 10.

[Traduction]

La présidente: Laissez-moi d'abord le présenter.

Nous en sommes à l'article 10. Les réformistes proposent un amendement qui y ajouterait un nouvel article.

Pour l'instant, contentons-nous d'examiner le texte de l'article 10 tel qu'il figure dans le document que nous avons, avant de passer à l'amendement de John. J'aimerais d'abord savoir si l'on a des observations à faire au sujet de l'article 10 actuel.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard: Certains d'entre vous ont été témoins de l'échange que nous avons eu hier avec des avocats en droit criminel qui s'inquiétaient beaucoup de toute la notion de preuve et de l'authenticité des documents qui permettront à un juge d'extradition et à d'autres acteurs dans le système de prendre des décisions.

J'aimerais vous demander pourquoi vous avez senti le besoin de suggérer au législateur, à la fin du paragraphe (3), un libellé qui précise que «le certificat est recevable en preuve sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité de la signature ou la qualité officielle du signataire.» Ne craignez-vous pas que cela donne lieu à des pratiques fausses et nous amène finalement à ce que des faussaires puissent profiter d'une telle disposition?

M. Yvan Roy: Une disposition comme celle-ci vise essentiellement à permettre le dépôt d'un certificat, lequel sert évidemment à favoriser la mise en preuve. C'est une formule usuelle que de dire que lorsqu'on utilise un certificat comme celui-là, on n'a pas en plus à faire la preuve de la signature. Sinon, on viendrait défaire ce qu'on a tenté de faire. Vous voulez avoir un certificat qui va faire preuve. Si vous devez faire venir la personne qui a signé ce certificat-là pour attester de sa signature, vous êtes aussi bien d'avoir la personne sur place. C'est une façon usuelle de mener les causes.

Cette disposition ne permet que l'admissibilité en preuve de ce document-là; s'il y avait des raisons de douter de sa valeur, il pourrait y avoir une preuve au contraire qui soit faite. C'est une question d'admissibilité et non pas de poids ou de faire en sorte que vous ne puissiez pas faire de preuve. Au contraire, cette disposition vise à favoriser un mode de preuve qui, en soi, ne devrait pas requérir que la personne vienne témoigner.

Ce libellé actuel du projet de loi concernant l'extradition me fait penser à des documents que signerait le secrétaire d'État américain. Est-ce qu'on convoquerait Madeleine Albright à venir ici au Canada chaque fois qu'elle atteste un document au nom du gouvernement américain? La réponse ne saurait être oui. Il nous faut un certificat. S'il nous fallait attester la signature, cet amendement ne nous servirait plus à rien.

M. Réal Ménard: Mais ce n'est pas cela, la nuance que je voulais apporter, monsieur Roy. Hier, nous parlions justement de l'exemple américain et on nous a dit que dans un certain nombre de causes, on avait utilisé des affidavits qui étaient réputés être authentiques, bien qu'après vérification, ils se soient avérés faux. Pourquoi a-t-on écrit: «le certificat est recevable en preuve»? Je comprends qu'on ne puisse pas s'attendre à ce que les gens viennent ici physiquement, mais j'éprouve des réserves face au fait qu'il ne soit pas nécessaire de prouver l'authenticité de la signature.

Vous me dites que parce qu'un document est signé, il est réputé vrai. N'y a-t-il pas un mécanisme qui nous permettrait de nous assurer de l'authenticité? Comment fait-on pour s'assurer de l'authenticité? Vous semblez vous contenter du fait que le document est signé. Par contre, les avocats en droit criminel nous ont dit qu'il y avait justement eu des erreurs dans le système et ils ont tout particulièrement cité le cas des États-Unis.

[Traduction]

La présidente: Vous parlez là d'une toute autre question que l'objet de la disposition à l'étude, cependant. Votre question m'intéresse beaucoup...

[Français]

M. Réal Ménard: L'objet de l'article est l'affidavit; c'est ce dont on parle dans le cas des États-Unis. Mais peu importe le document, la question de principe est de savoir pourquoi on inscrit dans un projet de loi qu'il n'est pas nécessaire d'en prouver l'authenticité. On accepte le fait qu'un document soumis est réputé authentique.

• 1650

M. Yvan Roy: Je vais répondre à votre question en vous donnant un exemple. Le paragraphe 7(10) du Code criminel prévoit de façon spécifique l'admissibilité en preuve d'un certificat délivré par le secrétaire d'État aux Affaires étrangères. Le texte se lit de la façon suivante:

    (10) Lors de poursuites intentées en vertu de la présente loi, tout certificat en apparence délivré par le ministre des Affaires étrangères ou en son nom est admissible en preuve, sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité de la signature qui y est apposée ou la qualité officielle du signataire et fait foi...

Vous conviendrez que ce texte correspond exactement à ce que nous avons ici. C'est une manière de faire une preuve. Si nous devions toujours faire la preuve de l'authenticité de la signature apposée, cela voudrait dire qu'éventuellement, M. Axworthy devrait venir devant tout tribunal au Canada et dire: «Oui, c'est bel et bien ma signature qui apparaît dans ce document-là.»

La loi prévoit simplement que la signature est présumée authentique et nous permet de déposer ce document en preuve. Si on doit faire une preuve au contraire, cela sera possible. La loi prévoit que cette façon de faire par certificat est possible et, pour la rendre efficace, il faut que vous ayez cette mesure-là. Ce qu'on propose au projet de loi C-40 n'est rien d'autre que ça.

M. Daniel Turp: Il y a une disposition analogue dans plusieurs autres lois fédérales.

M. Yvan Roy: Oui, cela s'y retrouve régulièrement.

M. Daniel Turp: Par exemple, dans la nouvelle Loi sur les océans.

M. Yvan Roy: Et dans les lois provinciales aussi.

M. Réal Ménard: Mais vous savez ce que nous ont dit les témoins hier?

[Traduction]

La présidente: Il y a aussi des dispositions analogues dans la Loi sur l'immigration et dans la Loi sur la citoyenneté.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous vous rappelez ce que nous ont dit les témoins hier?

[Traduction]

La présidente: L'essentiel, monsieur Ménard, c'est que rien n'empêche l'avocat de la défense d'affirmer qu'il ne s'agit pas de la signature de Lloyd Axworthy et d'en fournir la preuve. La seule façon d'attester une signature devant un tribunal est de faire comparaître le signataire ou de demander à un témoin de l'attester. Par exemple, je pourrais affirmer que j'étais effectivement présent quand Réal Ménard a signé le document. C'est simplement un raccourci dans le cas de documents officiels d'usage courant. Par contre, cela n'empêche pas la défense de contester l'authenticité de la signature.

[Français]

M. Daniel Turp: C'est très difficile et ça ne réussit jamais.

[Traduction]

La présidente: Ce n'est pas la même chose que lorsqu'on obtient un faux affidavit, comme ce fut le cas dans l'affaire de Leonard Peltier. Il s'agissait-là d'une toute autre question. Nous y viendrons peut-être. Il faut en répondre plus loin, dans le projet de loi.

M. John McKay: Je me demande comment cette disposition interagit avec le paragraphe 10(3) qui prévoit que «le certificat est recevable en preuve sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité». Comment l'avocat de la défense peut-il contester l'authenticité des signatures dans ce cas-là?

La présidente: Non. On ne vous empêche jamais de contester l'authenticité de la signature.

M. John McKay: Pourquoi, dans ce cas-là, dire qu'il est recevable en preuve sans qu'il soit nécessaire d'en prouver l'authenticité?

La présidente: Si l'on a prouvé l'authenticité d'une signature, le contenu du document est accepté de manière à ce qu'il devienne de notoriété publique. C'est tout.

M. Yvan Roy: Donc, il est admissible. Quand il est présenté au tribunal, s'il n'est pas contesté, il devient la preuve de ce qu'il contient. Par contre, s'il est contesté, on en revient à la case départ et il faut en débattre devant le juge.

M. John McKay: On en revient à la case départ et on peut contester l'identité de la personne qui aurait signé le document.

M. Yvan Roy: Justement. Un document qui n'est pas authentique ne prouve rien. Il faut donc en établir l'authenticité au départ. Une fois que cela est fait, cependant, il établit sans conteste la validité de l'accord dont il est question.

La présidente: Rappelez-vous que l'on ne fait cela essentiellement que dans le cas des documents signés par des personnes ayant une charge publique. Il serait extrêmement rare qu'on conteste la signature du Registraire général du Canada, du ministre des Affaires étrangères ou du procureur général apposée sur l'acte d'accusation ou un autre document.

M. John McKay: Ce n'est pas ce que disaient hier les porte-parole du Criminal Lawyers Association of Ontario. Ils y voyaient une merveilleuse source de contestation judiciaire.

La présidente: Je crois que les occasions seraient rares et qu'il serait difficile de le faire.

M. John McKay: Je comprends la nécessité d'avoir cette disposition sur le plan administratif, mais je vous avertis simplement que j'ai l'impression que ce sera source de contestation.

La présidente: Pour ce qui est de la teneur de l'article 10, a-t-on autre chose à ajouter? Si vous n'avez rien à ajouter, nous passerons à la motion de M. Reynolds.

Monsieur Reynolds, vous avez la parole.

M. John Reynolds: Madame la présidente, je propose que le projet de loi C-40 soit modifié par l'adjonction, après la ligne 17, page 5, du nouvel article suivant:

    10.1 Malgré les autres dispositions de la présente loi et celles de toute autre loi fédérale, le ministre des Affaires étrangères est tenu de divulguer, à la personne faisant l'objet de la demande d'extradition et au tribunal auquel une ordonnance d'incarcération de cette personne est demandée conformément à l'article 29, la totalité du contenu de l'accord spécifique visé au paragraphe 10(3) et des documents accessoires nécessaires pour fournir, à cette personne et au tribunal, les renseignements quant au contexte dans lequel l'accord a été conclu. La divulgation du contenu de l'accord et des documents accessoires a pour objet de donner aussi bien à la personne qu'au tribunal l'occasion de vérifier la légitimité de la demande et de s'assurer que la demande est conforme aux conditions de l'accord.

• 1655

C'est ce que nous a recommandé le groupe qui a comparu hier. Il prévoit la divulgation complète de l'accord de manière à ce que l'accusé puisse faire une réponse complète.

M. Keith Morrill: J'avoue que mon interprétation de l'esprit de cette disposition est peut-être fondée sur la méconnaissance du paragraphe 10(3).

Tout accord spécifique sur lequel repose une demande d'extradition devrait être un document public. Il faudrait que le tribunal ait ces documents en main. La loi est ainsi conçue qu'il n'est pas réellement possible d'extrader quelqu'un.

J'aurais donc comme première observation qu'il faudrait certes que le texte complet de l'accord spécifique soit entre les mains du juge et mis à la disposition de la personne faisant l'objet de la demande. Nous parlons ici d'une forme très spécifique de traité qui est, comme tout autre traité, un document public.

Le juge aurait en main sans conteste le texte de l'accord spécifique qui serait aussi mis à la disposition de la personne. En ce sens, par conséquent, je ne comprends pas la nécessité de procéder à un tel amendement.

L'autre point soulevé par l'amendement proposé, soit que cette documentation est nécessaire pour renseigner tant la personne que le tribunal du contexte dans lequel a été conclu l'accord, me cause beaucoup de difficultés, en ce sens que les négociations internationales sont un processus pouvant se dérouler de diverses façons, mais il est certain que les communications entre États sont confidentielles.

Le résultat est un document qui est obligatoirement public et à la disposition du juge et de l'accusé. Cependant, je ne crois pas qu'il convienne de commencer essentiellement par mettre en question la raison pour laquelle un accord particulier a été conclu. L'accord comme tel est le document dont doit tenir compte le juge et dont doit prendre connaissance la personne faisant l'objet d'une demande d'extradition. La loi comme telle, naturellement, tout comme la loi actuelle, prévoit toute une série d'étapes à suivre pour dissiper les inquiétudes particulières de l'accusé, et il faut que le juge soit convaincu de certaines choses avant que l'on puisse faire une extradition. Le juge aurait donc devant lui l'accord, tout comme l'accusé, et la loi précise les garanties que doit obtenir le juge avant d'autoriser l'extradition.

Quant à l'expression «la légitimité de la demande», je trouve le libellé étrange. Il faut que la demande soit conforme aux conditions de l'accord, sans quoi elle n'est pas recevable. Si on laisse entendre que la demande est présentée pour les mauvaises raisons, le tribunal et le ministre de la Justice ont des pouvoirs discrétionnaires qui leur permettent de régler diverses questions. Toutefois, dans un accord spécifique, il est très peu possible naturellement d'invoquer de mauvaises raisons. C'est un accord qu'on négocie en ayant à l'esprit une situation particulière. Donc, lorsqu'il est négocié, on règle les questions qui y sont liées.

De pareilles questions peuvent se poser dans des traités de nature générale, mais, ici, tant le ministre de la Justice que le juge ont un pouvoir discrétionnaire qui leur permet de filtrer ces problèmes.

M. John Reynolds: Où peut-on lire, dans la loi, que le juge a tout devant lui?

• 1700

M. Keith Morrill: Vous avez parfaitement raison d'affirmer que la loi ne dit pas cela, mais la façon dont les lois sont organisées, il faut que le juge puisse examiner l'accord. Ces accords sont des documents publics. Aux termes de la loi, il faut que le juge les ait devant lui pour exercer ses pouvoirs.

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Roy, avez-vous quelque chose à dire?

M. Yvan Roy: Je suis convaincu que l'État a l'obligation constitutionnelle de laisser la personne dont on envisage l'extradition se renseigner sur l'affaire et de lui communiquer toute la preuve pour qu'elle puisse préparer sa défense.

Il n'est pas nécessaire, selon moi, d'énoncer ce qui fait déjà partie de la loi. Si l'article 10.1 a pour seul objet de faire en sorte qu'il y ait divulgation de la preuve réunie contre une personne en particulier, il est inutile.

Par contre, s'il a pour objet de faire connaître les dessous de l'accord, les négociations et les pourparlers qui l'ont précédé entre l'État du Canada et l'entité ou État en vue de signer cet accord spécifique, je suis obligé de donner entièrement raison à M. Morrill. Ce ne serait pas acceptable. Il s'agit de toute évidence de quelque chose qui se déroule d'État à État.

Par contre, il convient que la personne dont l'extradition est envisagée ait à sa disposition l'accord signé par les deux pays, et le tribunal aura cet accord. Cela ne fait pas de doute. Il faudra divulguer toute la preuve réunie contre la personne devant le juge, de sorte que cette personne pourrait se préparer. En bout de ligne, c'est en fonction de ces documents et de cette preuve que le juge et, en bout de ligne, le ministre de la Justice prendront leur décision.

M. John Reynolds: À quel endroit du texte peut-on lire que l'accusé a toutes ces informations en main? Les avocats qui sont ici affirment que rien dans la loi ne le prévoit.

M. Yvan Roy: Nous vivons dans un État de droit. L'obligation se trouverait à l'article 7 du projet de loi relatif à l'obligation de communiquer les renseignements. Ce serait une combinaison de l'article 7 du projet de loi et de l'article 6 de la Charte des droits et libertés. L'article 6 vous confère le droit de demeurer au Canada; c'est inscrit dans la Constitution. L'article 7 du projet de loi est la procédure à suivre quand vous entreprenez de faire extrader quelqu'un. Ces dispositions exigent nettement que toute la preuve soit communiquée à l'accusé, sans quoi vous aurez un gros problème lorsque vous vous présenterez devant le juge.

[Français]

C'est le droit à la liberté en fonction des principes de justice fondamentale. C'est l'arrêt Stinchcombe qui procède de cet article 7.

[Traduction]

Le vice-président (M. John Maloney): Monsieur Lee, suivi de M. Turp.

M. Derek Lee: Grâce à l'amendement proposé, il devient clair qu'un accord spécifique prévu à l'article 10 du projet de loi n'est pas un accord qui est publié aux termes de l'article 8 et que les accords spécifiques sont expressément exclus de la définition d'«accord». Donc, quand l'accusé se présente devant le juge, rien ne garantit qu'il aura à sa disposition le texte complet de l'accord spécifique. En fait, d'après le paragraphe 10(3), j'aurais tendance à croire qu'il s'agit ici d'un processus qui fait foi de façon concluante de l'existence d'un accord spécifique et de tout élément essentiel de l'accord spécifique ayant un rapport avec la demande d'extradition. Par contre, rien dans ce texte n'exige que l'accord spécifique soit communiqué dans sa totalité.

Si l'affaire est entendue par un juge, et je reprends ce qu'a dit M. Roy, il est fort improbable qu'une partie à ce procès serait incapable d'obtenir le texte complet de l'accord spécifique. Toutefois, le libellé actuel ne me convainc pas, et j'aimerais que M. Roy me confirme qu'un juge exigerait d'avoir en main le texte complet de l'accord spécifique avant de rendre sa décision. J'essaie seulement de protéger les déshérités de ce monde qui se retrouvent devant le juge sans avocat et qui ne comprennent pas grand chose au processus. J'essaie d'éviter que le juge n'ait pas le texte de l'accord spécifique en main, qu'il n'ait que la parole du ministre qu'il existe un accord spécifique et que celui-ci n'ait jamais été publié auparavant parce que la loi ne l'impose pas. Il existe un accord à caractère unique avec le Paraguay et il ne s'agit même pas d'un accord d'extradition; il s'agit simplement d'un accord spécifique à caractère unique visant à retourner M. X au Paraguay.

• 1705

J'aimerais donc que M. Roy me convainque que cette personne aura accès au texte complet de l'accord spécifique en vertu duquel elle va être extradée.

La présidente: Monsieur Roy, si vous voulez bien répondre.

M. Yvan Roy: Merci, madame la présidente.

J'essaie simplement de m'imaginer un cas où le juge n'aurait pas le texte de l'accord spécifique intervenu entre les États. Qu'il s'agisse d'un accord spécifique ou de tout autre type d'arrangement, par exemple d'un accord multilatéral ou d'un traité bilatéral, il demeure un texte juridique essentiel à l'atteinte de l'objectif de l'État qui est de faire extrader quelqu'un—d'envoyer quelqu'un ailleurs.

Je ne peux tout simplement pas m'imaginer une situation où le juge n'aurait pas le texte complet de l'accord spécifique devant lui avant de rendre sa décision. L'accord est, par définition, à l'origine de tout le processus. Si vous n'avez pas le texte de l'accord, vous n'avez rien. Si le juge a le texte de l'accord spécifique devant lui, mais que certains paragraphes en ont été retranchés, l'État cherche à tromper la magistrature. Il s'agit d'un grossier abus de pouvoir de sa part. Vous parlez ici de l'État du Canada qui compromettrait son honneur en agissant ainsi sans réfléchir aux conséquences qui en découleraient, sur le plan entre autres politique.

Je ne puis tout simplement pas concevoir qu'on le fasse, ce qui est très différent d'affirmer qu'il faut avoir en main toutes les ébauches qui ont précédé l'accord ou les notes prises par M. Lemire pendant qu'il négociait l'accord. Il s'agit-là d'une toute autre paire de manches.

Je fais allusion ici à l'accord intégral conclu entre deux pays qui ne serait pas soumis au juge. Ce serait quelque chose de très grave, et sur le plan politique et sur le plan juridique. J'imagine mal une telle situation. Le fait de ne pas respecter la loi entraînerait des conséquences graves—très graves.

Mes collègues souhaiteraient peut-être ajouter quelque chose.

M. Jacques Lemire: Je n'ai rien d'autre à ajouter. Je ne vois pas pourquoi la personne n'aurait pas en main l'accord spécifique lui-même. Mis à part ce fait, je suis tout à fait d'accord avec MM. Morrill et Roy. Le contexte dans lequel l'accord a été conclu et les documents accessoires constituent une toute autre question. L'accord devrait être appliqué de façon intégrale.

Par ailleurs, les renseignements que s'échangent les États sont confidentiels. Les autres dispositions soulèvent également des questions. Pour ce qui est de faire vérifier la légitimité de la demande par le tribunal en se fondant sur d'autres dispositions de la loi, cette décision revient non pas au tribunal, mais au ministre. Le réfugié peut s'opposer à la demande d'extradition.

La possibilité qu'une personne ne puisse obtenir une copie de l'accord spécifique lui-même n'existe tout simplement pas pour moi. Je ne crois pas qu'une telle chose puisse se produire. Il ne faut pas oublier qu'une personne faisant l'objet d'une procédure d'extradition, en vertu d'un accord spécifique, bénéficierait de toutes les garanties offertes par les dispositions de la loi. L'accord spécifique n'aurait pas préséance sur la loi. L'accord spécifique, quand il est appliqué, permet à une personne de bénéficier de la protection de la Loi sur l'extradition.

• 1710

Voilà ce que je pense de la question. Cela correspond en gros à ce qui a déjà été dit.

M. John McKay: Est-ce que l'accord spécifique est la même chose que l'accord d'extradition? Doit-il être publié dans la Gazette?

M. Jacques Lemire: Non.

M. John McKay: Vous connaissez bien les définitions, et l'accord spécifique est défini dans le projet de loi. Toutefois, il ressemble beaucoup à un accord d'extradition. Est-ce effectivement la même chose qu'accord d'extradition? Si oui, il doit alors être publié dans la Gazette.

M. Derek Lee: Non, la définition est claire...

M. John McKay: Je le sais, mais on peut s'en servir comme argument. Si vous êtes un avocat de la défense, c'est exactement ce que vous allez faire.

M. Daniel Turp: Mais il n'est pas publié dans la Gazette. L'article 2 le dit clairement: «... à l'exception de tout accord spécifique». Ce n'est pas la même chose.

M. John McKay: Un «accord spécifique» s'entend d'un «accord visé à l'article 10 et qui est en vigueur». Il faudrait peut-être bien préciser que ce n'est pas un accord d'extradition. Cela vous éviterait tous ces autres problèmes.

Une voix: Ce n'est pas un accord d'extradition.

M. John McKay: Ce n'est pas ce que dit l'article. Il dit tout simplement «un accord visé à l'article 10».

La présidente: Pourriez-vous me dire ce qu'on entend par un accord spécifique? A-t-on déjà conclu un tel accord? À quoi sert-il? En conclut-on souvent? Dans quelles circonstances?

Monsieur Lemire.

M. Jacques Lemire: Non, la loi actuelle sur l'extradition ne contient pas de dispositions sur les accords spécifiques. Elle contient des dispositions sur la désignation des États. Il y a très peu d'accords spécifiques qui ont été conclus. À ma connaissance, il n'y en a eu que trois. Et il n'en reste qu'un seul en vigueur. Ils ne sont pas très courants. Dans quelles circonstances seraient-ils conclus...?

La présidente: J'aimerais savoir ce que vous aviez en tête quand vous avez élaboré ce projet de loi, parce j'ai l'impression que vous voulez conclure un accord avec un État en vue de procéder à l'extradition de John Smith.

M. Yvan Roy: C'est exactement cela.

La présidente: Et pourquoi ferions-nous cela?

M. Jacques Lemire: Parce que nous n'avons, par exemple, de traité avec cet État...

La présidente: D'accord.

M. Jacques Lemire: ... et que cet État ne figure pas à l'annexe.

La présidente: Alors John Smith se rend en Albanie, sème la pagaille là-bas, retourne dans son pays, et nous n'avons pas d'accord avec l'Albanie, mais l'Albanie réclame son extradition. Alors nous discutons avec eux du procès qu'il va subir, de la façon dont fonctionne leur système, et nous concluons que, dans ce cas-ci, John Smith a commis un crime tellement atroce que nous allons signer l'accord en vue de son extradition. Il devient ensuite assujetti à cette loi et le processus est enclenché.

M. Jacques Lemire: C'est cela.

La présidente: Bien, je comprends.

M. Yvan Roy: Cela vaut pour les cas...

La présidente: J'aimerais bien avoir un tel dossier en main.

M. Yvan Roy: ... qui, autrement, ne sont pas visés par la loi.

La présidente: Très bien.

[Français]

M. Daniel Turp: J'aimerais revenir à l'amendement que propose le Parti réformiste, dont le but est de donner à une personne faisant l'objet d'une demande d'extradition l'accès à des documents. La lecture de la loi ne nous assure pas que cette personne pourra avoir en main l'accord spécifique parce que d'abord, comme l'a fait remarquer M. Lee, il n'est pas publié, car il est exclu de la publication. Ensuite, on pourrait peut-être interpréter le paragraphe 10(3) comme faisant en sorte que cet accord-là ne soit pas devant le tribunal, parce qu'un certificat pourrait faire foi de son contenu sans qu'il soit, de toute évidence, nécessaire qu'il soit devant le tribunal. Par conséquent, on peut très bien justifier la première partie de l'amendement si l'on veut que la personne puisse avoir l'accord spécifique en main.

Quant aux documents accessoires, c'est une autre question et c'est beaucoup plus compliqué. Les travaux préparatoires d'un accord ne sont généralement pas de notoriété publique; ils ne sont pas publiés. J'aimerais que vous précisiez votre point de vue là-dessus. Est-ce qu'il ne serait pas utile de supprimer l'exception prévue à l'article 2, qui veut qu'on ne publie pas les accords spécifiques pour nous assurer que la personne puisse avoir accès à l'accord en vertu duquel on l'extradera ou, si ce n'est pas le cas, d'ajouter une nouvelle disposition comme l'article 10.1 que propose le Parti réformiste?

[Traduction]

M. Yvan Roy: Si vous me le permettez, je vais essayer de répondre en anglais, puisque c'est M. McKay qui a soulevé la question en premier. J'espère que mes explications seront ainsi plus claires. Je vais essayer d'être aussi logique que possible.

• 1715

L'article 8 dispose que les accords doivent être publiés, ce qui permet aux tribunaux d'en prendre connaissance d'office. Autrement dit, l'authenticité de l'accord n'a pas à être démontrée devant un tribunal. L'accord spécifique, lui, et nous nous entendons tous là-dessus, n'a pas à être publié, ce qui veut dire que vous devez en démontrer l'authenticité au tribunal pour que le document puisse servir à extrader une personne.

Le paragraphe 10.(3) précise que le ministre des Affaires étrangères délivre un certificat qui atteste que le Canada et l'État en question ont conclu un accord spécifique et que les deux pays se sont entendus sur le contenu de cet accord.

Cela ne veut pas dire que le Canada n'a pas à démontrer l'authenticité de cet accord. Cela signifie tout simplement qu'un accord a été conclu. Le Canada doit toujours, s'il doit extrader une personne vers un autre pays, démontrer l'authenticité de l'accord, parce que, autrement, le juge n'aura aucun document devant lui qui lui permet de donner effet à une demande d'extradition.

Vous avez un certificat qui précise qu'un accord a été conclu. J'atteste le contenu de l'accord qui est devant vous. Cet accord n'est pas publié. Quelqu'un doit en démontrer l'authenticité pour que le juge puisse exercer sa compétence en se fondant sur la loi. Autrement, il ne peut rien faire. Comment un juge peut-il extrader une personne vers un autre pays s'il n'a pas une copie de l'accord devant lui?

[Français]

M. Daniel Turp: On voulait juste garantir que l'accord spécifique serait connu de la personne qui fait l'objet de la demande d'extradition.

M. Yvan Roy: Plus tôt, je parlais de la divulgation qui doit avoir lieu avant qu'une personne puisse être extradée. Il est clair que l'accord en vertu duquel la personne risque d'être extradée doit être divulgué avant même l'audition en matière d'extradition. Il y a donc une divulgation qui a lieu en vue de permettre à la personne de se préparer. De plus, une preuve de cet accord doit être faite devant le tribunal pour que ce dernier soit convaincu qu'il y a effectivement un accord en place. Et finalement, il s'agit de faire la preuve des faits reprochés à l'individu en fonction de l'accord qui est là. Lorsque le tout est conforme, le tribunal rend sa décision quant à savoir si la personne devrait être extradée ou non.

M. Daniel Turp: Vous répondez donc oui à la question.

M. Yvan Roy: L'accord est devant le tribunal. Absolument.

M. Daniel Turp: En vertu de quoi? De l'article 7 de la Charte?

M. Yvan Roy: Quant à la divulgation préalable à l'audition en matière d'extradition, selon moi, l'article 7 établit clairement cette obligation de l'État canadien. Mais plus encore, il faut faire la preuve de l'accord lors de l'audition. C'est une chose que de divulguer; en matière criminelle, la divulgation de la preuve se fait continuellement. Ça ne veut pas dire que parce que je vous divulgue quelque chose, le tout sera admissible en soi. C'est un autre exercice lorsqu'on est devant un tribunal. Je dis donc que l'existence de l'accord spécifique doit aussi être prouvée.

M. Daniel Turp: Mais est-ce que la preuve implique la divulgation de son contenu?

M. Yvan Roy: Absolument. Je n'ai absolument aucun doute là-dessus, absolument aucun doute.

M. Réal Ménard: En vertu des garanties juridiques?

M. Yvan Roy: En vertu des garanties juridiques générales et spécifiques en matière de preuve en droit canadien. À mon humble avis, il n'y a absolument aucun doute là-dessus.

M. Daniel Turp: Est-ce que l'amendement que propose le Parti réformiste, qui fait suite à un témoignage, vous paraît superflu? Est-ce bien ce que vous nous dites?

M. Yvan Roy: Je ne suis pas certain de bien vous comprendre, monsieur Turp. Je m'en excuse.

M. Daniel Turp: Est-ce que selon vous, les dispositions de l'article 10.1 proposé, qui a pour objet d'assurer que la personne faisant l'objet de la demande d'extradition soit informée du contenu des documents qui l'intéressent, ne sont pas nécessaires parce que ces garanties existent déjà dans l'état actuel du droit?

M. Yvan Roy: Je crois que l'article 10.1 que propose M. Reynolds va plus loin que simplement exiger qu'il y ait divulgation de l'accord. Comme M. Morrill a tenté de le démontrer, ses dispositions exigent qu'on aille derrière l'accord et qu'on fasse, par exemple, une divulgation des documents accessoires nécessaires pour fournir à cette personne un contexte à cet accord.

• 1720

Cela va certainement plus loin que ce qu'on exige actuellement. Par conséquent, comme juristes de l'État, nous pouvons difficilement appuyer une telle mesure. Si ces dispositions se limitaient à l'accord lui-même, à mon humble avis, elles seraient superfétatoires parce qu'elles reprendraient ce qui est déjà prévu dans nos règles de droit.

Donc, de deux choses l'une: ou bien ça va plus loin que ce qui existe déjà, et là il y a un problème, à notre avis, ou bien on répète exactement ce qui existe déjà et, à ce titre-là, je ne pense pas que ce soit nécessaire. De fait, je pense que cela risque d'être plus nuisible qu'autre chose.

[Traduction]

La présidente: Pouvons-nous arrêter un instant? Nous avons un problème, car la secrétaire parlementaire doit nous quitter à 17 h 30 pour se rendre à la Chambre pour la période réservée aux affaires émanant des députés.

Je ne veux pas couper court à la discussion, et je ne vois aucune raison de le faire, mais nous devons trouver un autre moment pour poursuivre nos travaux. Nous pouvons le faire lundi après-midi. C'est l'option que nous avons. La semaine prochaine, nous allons rencontrer des témoins qui viennent de très loin pour discuter du projet de loi C-57 sur le Nunavut.

Je voudrais qu'on termine la discussion. Y a-t-il d'autres commentaires? Vous allez avoir le dernier mot, John, parce que c'est vous qui avez présenté la motion.

Peter MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): J'ai mis du temps à intervenir dans le débat, je le sais, mais d'après votre réponse à la question de M. Turp, le paragraphe 10.(1) va beaucoup trop loin pour ce qui est de la divulgation du contenu de l'accord spécifique et surtout du contexte dans lequel il a été conclu.

Vous avez dit qu'il existe déjà une garantie en vertu de la Charte. Seriez-vous satisfait si cet article limitait tout simplement la divulgation du contenu de l'accord spécifique aux personnes concernées? Je sais que vous avez dit que le contenu de l'accord va de toute façon être divulgué lors d'une autre audience préliminaire, question d'établir l'authenticité du document. Mais je crois que le point soulevé par M. Lee est valable. Les personnes qui se trouvent dans cette situation ne seront pas nécessairement représentées par un avocat. Et même si elles le sont, étant donné la complexité de cette mesure législative, il se peut que les avocats n'en connaissent pas tous les détails.

N'est-il pas plus important de faire en sorte que tout le contenu de l'accord soit divulgué? Est-ce que cette solution vous conviendrait davantage?

La présidente: Avant de répondre, Yvan, John Reynolds souhaite faire un commentaire.

M. John Reynolds: Je suis du même avis.

Comme nous allons ajourner, pourquoi ne pas réexaminer le tout et en rediscuter plus tard. Si nous éliminons simplement tout ce qui vient après l'alinéa 10.(3), les documents accessoires qui semblent poser problème, et tout le reste...

Je sais que vous dites que les documents sont inclus, mais ce texte-ci est très clair. Les avocats au criminel veulent que ces précisions figurent dans la disposition. Je sais, après avoir écouté vos propos, que la divulgation de renseignements confidentiels soulève certaines inquiétudes. Je crois que cette solution, si vous la jugez acceptable, pourrait, du moins en partie, satisfaire tout le monde.

La présidente: Nous sommes en train d'avoir un effet apaisant sur M. McKay, qui s'inquiète tout à coup du sort de l'accusé.

M. Peter MacKay: Madame la présidente, en tant que procureur de la Couronne, vous avez connu l'affaire Stinchcombe et vous savez fort bien que c'est ce qui va se produire. Ils vont exiger la divulgation de ces documents. C'est ce qui va arriver.

La présidente: Mme Bakopanos me signale qu'ils vont se pencher là-dessus, et je crois que c'est dans cet esprit que nous voulons que ces questions soient examinées, parce que nous avons des inquiétudes au sujet de la divulgation des renseignements et du droit de l'accusé à une défense pleine et entière.

Alors, mesdames et messieurs, à la suite de la période de questions, lundi après-midi, nous allons nous réunir et essayer de clore le dossier.

Mme Eleni Bakopanos: Comme M. Reynolds et les autres ont accepté, plutôt, de tenir un vote sur les motions qui traitent du ministre, pouvons-nous le faire maintenant, ou est-il trop tard?

La présidente: Non. Avez-vous le temps?

Mme Eleni Bakopanos: Je pense que nous pouvons le faire rapidement, puisque nous avons convenu, de toute façon, que nous ne pouvons pas appuyer les motions qui traitent de la discrétion ministérielle. Cela simplifiera notre tâche lundi, si tout le monde est d'accord.

La présidente: La motion du Parti réformiste... À quel numéro sommes-nous rendus?

Mme Eleni Bakopanos: Nous étions rendus à l'article 13, si je ne m'abuse.

La présidente: Ce sont les motions 5, 7, 16, 18 et 23.

Mme Eleni Bakopanos: C'est exact.

M. John Reynolds: Cinq n'en fait pas partie.

Mme Eleni Bakopanos: Très bien.

La présidente: D'accord, ce sont donc les motions 7, 16, 18 et 23.

M. John Reynolds: Oui, 7, 16, 18, 23.

La présidente: Ces motions sont rejetées?

M. John Reynolds: Oui, d'accord, pour les mêmes raisons que la motion 4.

Mme Eleni Bakopanos: Et même celles qui portent sur...

M. John Reynolds: Et 8, 17, 20, 21, 25, 27 et 28.

Mme Eleni Bakopanos: C'est exact.

• 1725

La présidente: Elles sont rejetées?

M. John Reynolds: Pour les mêmes raisons que la motion 4.

La présidente: D'accord.

Mme Eleni Bakopanos: Merci.

La présidente: Donc, les motions 7, 16, 18, 23, 8, 17, 20, 21, 25, 27 et 28 du Parti réformiste sont rejetées.

Merci, John.

Je voudrais vous demander de réfléchir à quelque chose en fin de semaine. J'ai ici un document qui énumère tous les projets de loi d'initiative parlementaire qui ont été déposés à la Chambre. Parmi ceux qui figurent sur la liste de priorité, 46 p. 100, s'ils sont adoptés, seront renvoyés à ce comité. Pour ce qui set des autres projets de loi qui ne figurent pas sur la liste de priorité, 31 p. 100, s'ils sont adoptés, vont être renvoyés à notre comité. J'aimerais que vous réfléchissiez à cela pendant le week-end.

Merci.

La séance est levée.