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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 novembre 1998

• 0910

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Aujourd'hui, nous sommes le jeudi 19 novembre 1998 et nous entreprenons l'étude du projet de loi C-57, Loi portant modification de la Loi sur le Nunavut relativement à la Cour de justice du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence.

Pour votre gouverne, le ministre comparaîtra en dernier au sujet du projet de loi. Je trouve que ce sera une bonne façon de tout résumer. Nous allons en quelque sorte entrer dans l'histoire, puisque nous allons créer un nouveau système judiciaire pour un nouveau territoire.

Nous allons entendre aujourd'hui Howard Bebbington qui est conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, et Karen Markham qui est aussi conseillère juridique à la même section. Pour ceux d'entre vous qui êtes nouveaux au Comité de la justice, c'est-à-dire tout le monde sauf John Maloney, je précise que Karen a voyagé avec nous pour l'étude de la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous sommes heureux de la retrouver. Il y a aussi Adair Crosby, conseillère juridique, Service des affaires judiciaires, et Moray Welch, conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal. Nous accueillons aussi John Merritt, conseiller principal, Secrétariat du Nunavut, Programme du Nord du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je l'ai aussi déjà rencontré à une séance d'information. Bienvenue à notre comité.

Voulez-vous commencer, monsieur Bebbington?

M. Howard H. Bebbington (conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Oui, merci.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour.

Ce matin, je veux commencer par remercier le comité de nous permettre de comparaître devant lui alors qu'il entreprend l'étude du projet de loi C-57. Je profite aussi de l'occasion pour remercier le greffier du comité, M. Roger Préfontaine, de nous avoir gentiment aidés au cours des dernières semaines à préparer notre comparution de ce matin.

Je crois comprendre que M. Préfontaine vous a distribué l'aide-mémoire que nous avons produit à l'intention des membres du comité pour leur étude du projet de loi C-57. Nous espérons que cette documentation vous sera d'un certain secours. Je veux vous signaler certaines choses. Outre l'analyse exhaustive article par article que vous allez trouver à l'onglet six, il y a à l'onglet trois du cahier à anneaux une série de questions et réponses et, à l'onglet quatre, un bref résumé de trois pages du projet de loi que vous devriez trouver assez intéressants. Bien entendu, toute la documentation existe dans les deux langues; vous avez donc deux volumes, un en français et un en anglais.

• 0915

La présidente: Je tiens absolument à ce que le ministère sache à quel point nous apprécions ces aide-mémoire que vous nous remettez à chacune de vos comparutions. Nous savons que cela exige beaucoup de travail supplémentaire, mais nous, ça nous permet d'avoir le luxe de laisser nos attachés de recherche aller manger chez eux le soir.

M. Howard Bebbington: Oui. Nous savons que c'est important.

La présidente: On ne veut pas que ça devienne exagéré. Nous apprécions l'aide que nous apporte le ministère.

M. Howard Bebbington: Merci. Madame la présidente, vous pouvez croire que ce sera fait régulièrement. Nous l'avons fait pour les derniers projets de loi. Ça paraît logique. Nous sommes contents de fournir des renseignements qui aident les gens à se concentrer sur le fond.

La présidente: Nous vous en sommes très reconnaissants.

M. Howard Bebbington: Merci.

Madame la présidente, je propose que mes collègues et moi fassions un bref exposé de l'objet et de l'effet du projet de loi. Ensuite, nous répondrons avec plaisir à toutes vos questions sur le projet de loi. Si vous êtes d'accord, je vais commencer par lire une déclaration sur la raison d'être du projet de loi. À cet égard, le mieux c'est encore de demander aux membres du comité de se reporter au sommaire et à l'explication figurant à la première page du projet de loi.

Si vous permettez, je voudrais vous en lire le début:

    En réponse à la demande faite au ministre de la Justice par les parties à l'Accord politique sur le Nunavut du 30 octobre 1992 et appuyée par d'autres organismes du Nunavut, le texte institue un tribunal de première instance à palier unique pour le territoire du Nunavut, afin d'y établir un système judiciaire efficace, accessible et propre à répondre aux besoins particuliers du territoire, tout en garantissant à ses justiciables les mêmes droits substantiels et procéduraux que ceux des autres Canadiens.

Madame la présidente, en termes plus simples, je dirais que le projet de loi C-57 a pour objet de mettre sur pied un nouvel appareil judiciaire pour le territoire du Nunavut. Quand je dis «nouvel appareil judiciaire», je prête deux sens à l'adjectif «nouvel». Premièrement, c'est évidemment dans le sens où en créant le nouveau territoire du Nunavut, il faut le doter de son propre système judiciaire. Deuxièmement, je parle aussi d'un nouvel appareil parce que la structure que nous proposons d'instaurer pour le Nunavut est toute nouvelle au sens où elle est différente de celle qu'on retrouve dans tous les autres ressorts au Canada.

Les membres du comité savent pertinemment que, partout ailleurs, il y a deux paliers de première instance, la Cour provinciale ou territoriale, dite cour inférieure, et la Cour suprême ou supérieure du ressort. Le projet de loi C-57 propose de fondre ces deux paliers en un seul tribunal de première instance qui s'appellera la Cour de justice du Nunavut.

C'est ainsi parce que, comme les membres du comité le savent, la justice est rendue dans le Nunavut en faisant voyager les intéressés en avion d'une localité isolée à l'autre. Parmi ces intéressés il y a le juge, les avocats, le greffier audiencier, souvent un accusé et les policiers, et tout ce monde voyage à bord du même avion. Nous trouvons insensé d'amener ainsi en avion dans les localités isolées deux paliers de première instance dont aucun ne peut tout faire.

Le projet de loi C-57 propose de les regrouper en un seul tribunal de première instance qui fera la tournée en avion pour entendre toutes les causes au rôle, depuis les affaires graves jusqu'aux cas mineurs, que ce soit en droit de la famille, en droit civil ou en droit criminel. Nous espérons qu'ainsi, le système sera plus simple et plus efficace. Nous espérons réduire le nombre et donc le coût des tournées du tribunal et raccourcir le délai d'attente pour les parties qui doivent se présenter devant le juge. À la deuxième lecture du projet de loi, on a parlé de l'effet accablant de ces délais sur certaines gens qui attendent de comparaître devant le tribunal.

Nous espérons aussi qu'un tribunal de première instance à palier unique rapprochera la cour des gens, puisque la communauté apprendra à mieux connaître la cour et les juges et que les juges apprendront aussi à connaître la communauté. Nous espérons également que ce tribunal laissera une marge de manoeuvre suffisante pour que la population du Nunavut puisse adapter son appareil judiciaire à ses besoins après la naissance du Nunavut le 1er avril 1999.

Si vous permettez, je vais maintenant vous entretenir du contenu même du projet de loi. Si vous êtes d'accord, mes collègues et moi allons vous donner un aperçu de ce que renferme le projet de loi.

Les députés remarqueront que le projet de loi se divise en deux parties. La partie 1 modifie la Loi sur le Nunavut même. La partie 2 est intitulée «Modifications corrélatives et conditionnelles et entrée en vigueur». Le titre peut induire en erreur. La seconde partie forme nettement le gros du projet de loi. Elle renferme une kyrielle de modifications, notamment au Code criminel, à la Loi sur les juges, à la Loi sur les jeunes contrevenants et à une foule d'autres lois fédérales. Les modifications du Code criminel sont les plus nombreuses; elles se trouvent aux articles 25 à 58 inclusivement du projet de loi.

• 0920

Dans un moment, je vais demander à mes collègues de m'aider à vous expliquer les diverses modifications figurant à la partie 2 du projet de loi. Auparavant, je vais vous expliquer rapidement ce qui se trouve dans la partie 1. Je vous fais remarquer que cette partie 1 est elle-même divisée en quatre sections, les sections 1 à 4. La section 1 de la partie 1 modifie la partie 1 de la Loi sur le Nunavut.

La plupart de ces modifications sont corrélatives, c'est-à- dire qu'elles substituent le nom de la Cour de justice du Nunavut à celui de la Cour suprême du Nunavut. Mais vous voudrez certainement vous pencher plus particulièrement sur les articles 2 et 5 du projet de loi. L'article 2 modifie l'article 31 de la Loi sur le Nunavut et crée ainsi le tribunal de première instance à palier unique appelé la Cour de justice du Nunavut. En modifiant l'article 34 de la Loi sur le Nunavut, l'article 5 du projet de loi établit le principe primordial que la Cour de justice du Nunavut pourra entendre toutes les affaires—non seulement celles ressortissant à une juridiction supérieure, mais aussi toutes les affaires ressortissant aux tribunaux dits inférieurs et aux fonctionnaires de la cour.

Le paragraphe 34(2), tel que modifié par le projet de loi C- 57, énonce très clairement que, quoi qu'il en soit, le tribunal de première instance à palier unique conserve sa qualité de juridiction supérieure. C'est un autre concept très important pour la mise sur pied d'un tribunal de première instance à palier unique.

La section 2 modifie la partie IV de la Loi sur le Nunavut qui règle les problèmes de transition, par exemple le transfert ou la possibilité de transfert des causes en instance au nouveau tribunal du Nunavut. La section 3 apporte une modification corrélative à la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest, tandis que la section 4 modifie l'annexe III de la Loi sur le Nunavut, qui énonce un grand nombre de modifications corrélatives.

Les modifications apportées à l'annexe III seront abrogées, si bien que les modifications corrélatives prévues dans le projet de loi—et vous verrez de très nombreuses modifications à diverses lois fédérales dans la partie 2 du projet de loi—substituent le nom de la Cour de justice du Nunavut à celui de la Cour suprême du Nunavut.

Je vais demander à mes collègues de vous exposer la partie 2, à commencer par Karen Markham qui va vous expliquer certains aspects ou certaines caractéristiques des modifications du Code criminel.

Karen.

Mme Karen Markham (conseillère juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci beaucoup, Howard.

Je voudrais vous entretenir de deux questions, la première c'est celle de la juridiction. Comme Howard l'a dit, ce tribunal de première instance à palier unique, la Cour de justice du Nunavut, sera censée entendre toutes les causes, c'est-à-dire pour le droit criminel, tout ce qui se rapporte au Code criminel.

À l'article 50 du projet de loi, on trouve le projet de paragraphe 573(1), qui confère essentiellement à la Cour de justice du Nunavut les pleins pouvoirs et le droit d'exercer les fonctions et attributions des juridictions criminelles et des fonctionnaires des tribunaux, prévus dans le Code.

La deuxième partie de cet article confirme que, lorsque le juge de la Cour de justice du Nunavut exerce ces pouvoirs, quels qu'ils soient, il le fait en sa qualité de juge de juridiction supérieure. Cette disposition vise essentiellement à éviter la fragmentation des fonctions de ce juge comme personne désignée, et à confirmer qu'effectivement, lorsque le tribunal agit, indépendamment de la fonction qu'il exerce, il le fait en qualité de juridiction supérieure. Et c'est très important pour le concept de tribunal unifié.

Je veux aussi vous parler des appels. Les articles 55 à 57 du projet de loi portent sur les appels. Je veux seulement vous faire remarquer que la seule modification de fond qu'on va apporter vise les appels des décisions rendues par une cour de poursuites sommaires constituée d'un juge de la Cour de justice du Nunavut. Comme vous le savez, dans la plupart des ressorts, dans tous les ressorts au Canada d'ailleurs, la cour supérieure constitue généralement le premier degré d'appel dans les affaires de poursuites sommaires. Donc, bien entendu, il fallait décider qui, au Nunavut, entendra l'appel lorsque la décision en première instance aura été rendue par un juge de la Cour de justice du Nunavut.

Pour atteindre les objectifs ciblés dont Howard vous a parlé, c'est-à-dire préserver un droit d'appel équivalent et choisir un recours qui n'aggrave pas le problème des délais dans le Nord causés par le système des tribunaux itinérants, on propose aux articles 55 à 57 de cette partie du projet de loi de permettre à un juge seul de la cour d'appel d'entendre l'appel d'un jugement de première instance rendu dans une poursuite sommaire par un juge de la Cour de justice du Nunavut. Il y aurait aussi un droit d'appel secondaire, comme ailleurs au Canada, pour des motifs bien plus restreints, devant une formation complète de la cour d'appel. Mais nous n'avons pas modifié les motifs d'appel, seulement les juridictions.

• 0925

Il importe de préciser que pour les appels dans les affaires procédant par mise en accusation, les juridictions et les motifs dans les cas où un juge de paix peut entendre une cause n'ont pas du tout changé et seront les mêmes au Nunavut et dans le reste du Canada.

Voilà les principales remarques que je voulais faire au sujet des appels. Je vous renvoie à mon collègue, Howard.

M. Howard Bebbington: Merci, Karen.

En deuxième lecture, un député de l'opposition a posé une question au sujet des instances d'appel. Nous tenons à préciser que le tribunal de première instance à palier unique—celui qui combine les deux degrés de première instance—entend les causes en première instance, pas en appel. Les juridictions d'appel seront à peu près les mêmes, hormis les changements que Karen a exposés. Donc, les droits d'appel seront sensiblement les mêmes qu'ailleurs.

La présidente: Monsieur Bebbington, vous permettez que je vous interrompe?

M. Howard Bebbington: Je vous en prie.

La présidente: Il y a plusieurs avocats autour de cette table et je mettrais ma main au feu qu'ils pensent à la même chose que moi. Pourriez-vous simplement nous dire d'où seront issus les juges d'appel? Donnez-nous une explication sommaire pour que le comité comprenne que le projet de loi ne crée aucune cour d'appel.

M. Howard Bebbington: Certainement. Les juges n'ont pas encore été nommés et il m'est impossible de vous parler directement de ces nominations. Toutefois, pour ce qui est de la politique de base, je peux vous dire qu'en gros, c'est la Cour d'appel de l'Alberta qui forme la Cour d'appel des Territoires du Nord-Ouest. La juge en chef de l'Alberta, Catherine Fraser, est aussi juge en chef des Territoires du Nord-Ouest.

Lors des consultations et des discussions avec les gens du Nord sur le système judiciaire qui conviendrait le mieux au Nunavut, une partie du débat tournait autour de la structure qu'aurait la cour d'appel. Vous savez sans doute qu'on voudrait bien dans le Nord avoir une cour d'appel établie dans le territoire. Malheureusement, il faudrait pour ça que les juges d'appel résident en permanence dans le Nord et ça pose des difficultés et des problèmes de logistique considérables.

L'idée d'une cour d'appel panarctique qui servirait les trois territoires ne fait pas l'unanimité dans le Nord. Donc, comme il n'y a pas un net consensus sur la solution à privilégier et compte tenu du peu de temps qui reste d'ici à la création du Nunavut et tout ce qu'il faut faire pour que ce tribunal soit parfaitement opérationnel, on a décidé de se désintéresser de cette question pour laisser le gouvernement du Nunavut, lorsqu'il sera établi, régler ces affaires lui-même.

Pour le moment, on prévoit donc que l'actuelle Cour d'appel des Territoires du Nord-Ouest sera la Cour d'appel du Nunavut, du moins pendant la période de transition.

Est-ce que ça répond à votre question?

La présidente: J'ai plein de questions. Pourquoi avoir choisi l'Alberta alors qu'Iqaluit est plus près de Montréal? Pourquoi avoir choisi l'Alberta alors que Rankin Inlet est plus près de Winnipeg ou d'Ottawa?

M. Howard Bebbington: Voilà d'excellentes questions. Il y a plusieurs modèles possibles. S'il y avait une cour d'appel nordique, établie dans le Nord et s'occupant des trois territoires, même si la distance entre Whitehorse et Iqaluit est immense, on pourrait imaginer que la cour d'appel du Nunavut serait établie plus à l'est de l'Alberta étant donné les lignes de communication entre Ottawa ou Montréal et Iqaluit.

Mais ces décisions devront être prises après force discussions et mûre réflexion et je suis vraiment convaincu qu'il est préférable que le gouvernement du Nunavut y réfléchisse lui-même et prenne les décisions qu'il juge pertinentes. Comme des juges de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest siègent aussi à la Cour d'appel des Territoires, il y aura des juges dans le Nord—tant à Iqaluit qu'à Yellowknife, je crois—qui pourront être appelés pour siéger en appel.

On a cru préférable, pendant la période de transition, de garder une juridiction dont on connaît l'efficacité et à qui la géographie du territoire est familière. De plus, vous savez sans doute que les tribunaux des Territoires du Nord-Ouest font appel à des juges d'autres ressorts que l'Alberta, par exemple la Saskatchewan.

La présidente: Ou Windsor.

M. Howard Bebbington: Rien n'est impossible.

La présidente: Il y a un juge délégué de Windsor. Je le sais parce que j'ai fait mon stage chez lui.

• 0930

M. Howard Bebbington: Les juges délégués et les juges d'office du Sud siègent aussi en première instance. Le Nunavut devra se montrer très souple, mais il vaut mieux le laisser décider de ses instances d'appel après le 1er avril 1999. Franchement, l'établissement d'une nouvelle structure et la révision du Code criminel et des autres lois fédérales pour mettre sur pied cette structure était une tâche déjà assez lourde, parce que ce devait être fait assez tôt avant le 1er avril 1999 pour avoir le temps de vérifier son efficacité.

À ce sujet, il faut absolument comprendre qu'on n'a pas seulement jusqu'au 1er avril. Il y a bien des choses à faire dans le Nord pour se préparer à ce nouvel appareil judiciaire. Les gens dans le Nord devront savoir assez longtemps d'avance si la loi a été adoptée afin de pouvoir arrêter les règles de procédure et de permettre l'adaptation des greffiers, des greffes et des structures à un tribunal de première instance à palier unique. Je répète que le délai est assez serré.

La présidente: Mais s'il y a une condamnation le 10 avril et qu'il y a appel, est-ce qu'il y aura quelqu'un pour entendre cet appel jusqu'au bout?

M. Howard Bebbington: Certainement.

On fait tout notre possible pour qu'il n'y ait aucune brèche. Je suis certain que vous en saurez plus long quand le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest comparaîtra devant vous pour vous parler de la loi territoriale qui va être adoptée avant le 1er avril 1999 et qui prendra effet au Nunavut afin qu'il n'y ait aucune brèche; il ne manquera rien.

La présidente: Je m'excuse de vous avoir fait dévier de votre exposé.

M. Howard Bebbington: Il n'y a pas de quoi. Ne vous gênez pas pour récidiver.

Je vais maintenant demander à mon collègue, Moray Welch, de vous expliquer d'autres détails des modifications du Code criminel.

M. Moray Welch (conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Je veux seulement vous exposer certains aspects plus techniques des modifications. L'une des conséquences de la création d'un tribunal de première instance à palier unique au niveau de la cour supérieure, c'est que ce qu'on appelle les recours extraordinaires ou brefs de prérogative en common law ne seront plus recevables.

Le projet de loi cherche à remplacer en partie ces recours dans les cas où ils ont encore une certaine utilité dans une affaire criminelle. Par exemple, pour les mandats de perquisition et la révision des enquêtes préliminaires, en matière criminelle au Canada on utilise encore ces brefs comme principal moyen de révision dans certaines circonstances. On a donc codifié dans la loi des recours semblables pour les décisions du tribunal de première instance à palier unique qui, autrement, ne seraient sujettes à aucun recours en révision, par exemple pour les enquêtes préliminaires, parce que, ailleurs au Canada, l'enquête est faite par un juge d'une cour inférieure, et il y a donc automatiquement possibilité de présenter un bref.

C'est aussi un recours qui est restreint à certains points très précis. Ça ne vise que les décisions qui, ailleurs au Canada, sont généralement rendues par les juges des juridictions inférieures. Si une décision donnée était rendue ailleurs au Canada par un juge d'une cour supérieure, elle ne serait pas sujette à révision, pas plus que dans le reste du Canada.

Je dois ajouter que pour ce régime, comme pour celui des appels des décisions rendues à l'issue de poursuites sommaires, le recours sera entendu par un seul juge de la cour d'appel. Comme pour les autres recours extraordinaires, il y aura possibilité d'en appeler ensuite devant une formation de trois juges de la cour d'appel.

Si vous avez eu le temps de jeter un coup d'oeil sur le projet de loi, vous avez sans doute remarqué que la plupart des modifications du Code criminel, les articles 35 à 49 du projet de loi, sont de nature assez technique. Je peux vous les expliquer assez rapidement parce que leur principe est simple. Ce sont des modifications au régime du choix du type de procès qu'on subira au Canada. Elles tiennent compte du fait qu'il n'y aura plus de juges d'une cour provinciale ou l'équivalent au Nunavut. Nous avons remplacé ce type de procès par une nouvelle option de procès devant un juge sans jury et sans enquête préliminaire.

• 0935

On a donc conservé les trois types de procès parmi lesquels on peut choisir ailleurs au Canada et ces modifications visent à adapter le Code criminel ou son application au fait qu'il n'y aura plus deux tribunaux, mais un seul. Il y aura donc trois types de procès, mais un seul tribunal. Je répondrai avec plaisir à vos questions là-dessus, mais ce sont des modifications surtout très techniques qui n'avancent pas vite.

En terminant, je veux vous faire remarquer qu'en ce qui concerne la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, nous prévoyons que la plupart des décisions à ce sujet seront rendues par des juges de paix, comme c'est le cas en ce moment. Ce régime ne changera pas. Cependant, lorsque la décision de remettre en liberté ou non une personne accusée d'un crime est rendue par un juge de juridiction supérieure de la Cour de justice du Nunavut, elle sera révisable par un juge de la même cour.

Ce qui n'a pas changé, toutefois, c'est la règle voulant que, pour certains crimes très graves, l'appel d'une décision rendue par un juge d'une cour supérieure au sujet de la remise en liberté d'un accusé est entendu par la cour d'appel. Je veux parler du meurtre et des autres crimes visés à l'article 469.

Voilà certaines des dispositions les plus techniques du projet de loi et peut-être y aura-t-il des questions, mais pour le moment, je cède le micro à Adair Crosby.

Mme Adair Crosby (conseillère juridique, Service des affaires judiciaires, ministère de la Justice): Je veux vous parler des modifications que le projet de loi apportera à la Loi sur les juges. Vous savez tous que le gouvernement fédéral est responsable du paiement des traitements, indemnités et avantages sociaux de tous les juges des cours supérieures et de tous les juges nommés par le fédéral au Canada, que ces dépenses doivent être approuvées par le Parlement et qu'elles sont prévues dans la Loi sur les juges.

La présidente: Faut-il vraiment parler de ça? C'est une blague. Vous êtes déjà venue ici.

Mme Adair Crosby: Comme mon collègue Howard l'a fait remarquer, ce sera une cour supérieure. Par conséquent, il faut modifier la Loi sur les juges afin d'autoriser la rémunération des juges qui siégeront à la Cour de justice du Nunavut.

Le projet de loi apporte trois changements à la Loi sur les juges. Les dispositions se trouvent aux articles 72 à 77 du projet de loi. La disposition la plus importante, c'est celle prévoyant la rémunération des trois juges siégeant à la Cour de justice du Nunavut, dont le traitement sera le même que celui des autres juges puînés des juridictions supérieures au Canada.

Ensuite, après avoir prévu les salaires, le projet de loi accorde aux juges de juridiction supérieure de la Cour de justice du Nunavut les mêmes avantages qu'à tout autre juge siégeant dans le Nord ou dans le Sud. Il y a donc plusieurs modifications d'ordre technique pour accorder l'indemnité de vie chère, des frais de représentation et une allocation de déménagement.

La dernière modification relativement importante qu'apporte le projet de loi vise à reconnaître les juges principaux de chacun des trois territoires du Nord comme des membres à part entière du Conseil canadien de la magistrature. Comme vous le savez, le Conseil canadien de la magistrature est l'organisme composé des juges occupant les rangs les plus élevés, dont la principale attribution prévue par la loi est de recevoir et d'étudier les plaintes concernant les juges nommés par le fédéral. C'est aussi un important forum de discussions et de consultations sur des sujets intéressant la magistrature.

Le projet de loi va permettre à chacun des juges principaux d'en être membre à part entière. La loi prévoit actuellement que les juges principaux des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon en sont membres à tour de rôle pendant deux ans; ils se partagent donc un siège.

Les autres modifications prévues dans le projet de loi, comme je l'ai déjà dit, sont de nature technique. Des définitions sont modifiées pour tenir compte du fait qu'il y aura établissement d'une juridiction à une certaine date et que trois juges seront alors nommés. Si les trois sont nommés exactement le même jour, il faudra déterminer qui sera le juge principal.

Sur ce, s'il n'y a pas de questions, je redonne la parole à mon collègue Howard.

M. Howard Bebbington: Merci, Adair.

Je passe à nouveau le micro à Karen qui va nous présenter rapidement la dernière partie du projet de loi qui s'applique à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Mme Karen Markham: Merci beaucoup, Howard.

Je tiens à souligner qu'aucune des modifications apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants, qui se trouvent aux articles 86 à 89 du projet de loi, ne constitue un changement de fond. Ce sont plutôt des modifications d'ordre technique pour tenir compte de l'existence d'un tribunal de première instance à palier unique au Nunavut et du fait que la Cour de justice du Nunavut agira comme tribunal pour adolescents.

• 0940

À cet égard, il est important de souligner que, même si d'autres personnes au Nunavut sont autorisées à agir en qualité de tribunal pour adolescents—et je songe en particulier aux juges de paix—le seul magistrat apte à juger les affaires de meurtre au tribunal pour adolescents sera un juge de la Cour de justice du Nunavut. C'est prévu au projet d'article 19.1. On y expose les choix offerts à un jeune qui est accusé de meurtre devant le tribunal pour adolescents. Il pourra choisir d'être jugé par un juge seul ou par un juge avec jury.

L'autre modification que nous apportons vise les appels des décisions rendues à l'issue de poursuites sommaires. Ailleurs au Canada, les appels des décisions rendues en première instance par un juge de juridiction supérieure agissant comme tribunal pour adolescents sont entendus par une formation de trois juges de la cour d'appel.

Nous voulons que le régime des adolescents et celui des adultes soient symétriques. Nous avons aussi tenu compte des problèmes de délai et cherché à préserver des droits équivalents dans les cas de poursuites sommaires. Par conséquent, si une affaire est entendue par un tribunal pour adolescents composé d'un juge de la Cour de justice du Nunavut, l'appel sera entendu par un juge de la cour d'appel siégeant seul.

Voilà les deux aspects du régime des adolescents sur lesquels je voulais attirer votre attention et qui sont visés par les modifications.

Merci.

M. Howard Bebbington: Je veux faire une brève remarque au sujet de la Loi sur les juges et de la Loi sur les jeunes contrevenants en réitérant ce que Karen vient de dire.

Ces deux lois soulèvent des questions de fond plus importantes que votre comité va étudier et qu'il a d'ailleurs déjà étudiées. Toutefois, dans le projet de loi qui nous intéresse, les modifications sont de nature purement technique, destinées seulement à accommoder le tribunal de première instance à palier unique. Donc, comme la présidente l'a déjà mentionné, les modifications à la Loi sur les juges et aussi celles à la Loi sur les jeunes contrevenants soulèvent des questions plus fondamentales.

Mais en l'occurrence, nous ne nous occupons pas des grandes questions de fond soulevées par l'une ou l'autre de ces deux lois. Les modifications apportées par le projet de loi servent uniquement à faciliter la mise sur pied du tribunal que nous proposons pour le Nunavut.

En conclusion, je vous touche un mot du dernier article du projet de loi, l'article 92 qui prévoit l'entrée en vigueur. Je ne vais pas vous ennuyer avec ça. Le texte est assez clair.

Madame la présidente, voilà qui termine notre exposé. Nous répondrons avec plaisir à toutes les questions des députés.

La présidente: Je dois avertir mes collègues que j'ai moi-même des questions à poser.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Nous serons heureux de vous faire une place, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Je vous avertis, nous avons jusqu'à 11 heures seulement. Vous aurez donc chacun trois minutes seulement. C'est pas vrai.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Chuck, on vous écoute.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Merci, madame la présidente. Je veux aussi remercier les témoins d'être là aujourd'hui.

J'ai deux questions à poser. Supposons que le nouveau tribunal est maintenant établi. Tout nouveau régime connaît habituellement quelques ratés. Je me demandais qui allait vérifier le fonctionnement du tribunal. Comment est-ce que ce sera contrôlé? Comment est-ce que ce sera signalé et corrigé? Voilà ma première question.

D'autres régions du pays, par exemple dans les territoires, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, dans certains endroits de la Colombie-Britannique, dans le nord du Québec, sont tout aussi isolées. On y a accès aux tribunaux à distance. Ce que je veux dire, c'est est-ce qu'on envisage ça comme un modèle possible pour d'autres régions du pays? Si oui, quelles modifications constitutionnelles faudra-t-il apporter si on veut réaliser de tels changements dans les provinces?

Voilà mes deux questions.

M. Howard Bebbington: Je vous remercie pour ces questions.

Premièrement, au sujet du contrôle des ratés. Quand on essaie de faire quelque chose de nouveau, il y a toujours le risque que des imprévus surviennent et comme personne n'est parfait, des problèmes sont toujours susceptibles de se poser.

Le ministère de la Justice du Nunavut et le ministère fédéral de la Justice sont tous deux en train d'établir un cadre d'évaluation. Ils vont surveiller de près la mise sur pied du nouveau tribunal et les débuts de son fonctionnement. Nous allons surveiller les choses étroitement. Nous espérons aussi conserver la possibilité d'intervenir en cas de problèmes.

Je répète que c'est une nouvelle juridiction. Il n'y a pas de précédent. C'est un premier essai au Canada. Je pense que les gens vont être étonnés d'entendre dire que c'est nouveau ou controversé. Pour eux, ça peut être un changement assez simple et banal. Pour le système judiciaire, toutefois, c'est un changement important qui va modifier la structure en place depuis la Confédération.

Nous allons donc suivre ça. Je vous assure que le ministère de la Justice du Nunavut va suivre les choses de près. Il va évaluer les changements et, en cas de problèmes, il cherchera à réagir très rapidement.

Pour ce qui est de votre deuxième question sur les autres régions isolées, c'est vrai que certains des problèmes éprouvés et certaines des méthodes bien particulières utilisées pour rendre la justice au Nunavut pourraient s'appliquer aux régions isolées dans les autres provinces.

• 0945

Notre travail en l'occurrence consiste à structurer un appareil judiciaire qui convienne à la situation particulière du Nunavut. Pour le moment, ni le ministère de la Justice ni aucun autre programme fédéral n'a l'intention de modifier l'organisation des tribunaux à l'échelle du pays.

C'est la population du Nunavut qui a discuté avec nous du système judiciaire qui conviendrait le mieux. Les dirigeants du territoire ont décidé qu'un tribunal de première instance à palier unique conviendrait le mieux et c'est ce que nous mettons sur pied pour répondre à leur souhait. Nous croyons qu'une telle structure offre des avantages potentiels considérables pour le Nord.

J'avoue que les autres ressorts auront ainsi l'occasion d'observer ce tribunal, d'en tirer des leçons qu'ils pourront peut- être appliquer chez eux.

Si d'autres ressorts sont intéressés—et j'espère personnellement qu'ils le seront, qu'ils surveilleront ça—nous entreprendrons avec eux des discussions sur l'opportunité de modifier leur système dans ce sens. Ça soulèverait des questions plus vastes que nous sommes incapables de traiter parfaitement en ce moment.

Néanmoins, je ne crois pas qu'il faudrait modifier la Constitution avant d'apporter ces changements, mais il faudrait examiner individuellement le cas de chacun des ressorts. Certains membres du comité savent peut-être que le Nouveau-Brunswick s'intéresse depuis quelque temps à l'établissement d'une cour criminelle unifiée ou d'un tribunal de première instance à palier unique. Il y a périodiquement des discussions depuis longtemps, mais pour réaliser cette idée au Nouveau-Brunswick, il faudra surmonter quelques obstacles.

Chaque ressort devra réfléchir à la question en tenant compte de sa situation propre. On pourrait profiter de ce qui va se passer au Nunavut pour voir quelles leçons on pourrait bien en tirer.

Nous sommes tout à fait disposés à en discuter avec ceux que ça intéresse.

Est-ce que mes collègues Karen ou Moray voudraient ajouter quelque chose?

Mme Karen Markham: Je n'ai vraiment rien à ajouter. Merci.

M. Howard Bebbington: Est-ce que ça répond à votre question?

La présidente: Je veux me rendre jusqu'à M. Lee.

Allez-y, monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je vous remercie tous d'être venus. C'est une période très intéressante, très excitante, j'en suis certain, pour le système judiciaire du Nunavut.

J'ai quelques réserves au sujet de l'utilisation des juges de paix dans ce système. J'ai remarqué dans la note d'information, parmi les documents qui nous ont été remis, le passage suivant:

    Si on donnait aux juges de paix une formation appropriée, on pourrait faire appel à eux davantage pour tenir des enquêtes préliminaires et entendre des poursuites sommaires.

Si j'en juge d'après votre exposé de tout à l'heure, les juges de paix vont jouer un rôle important puisqu'ils vont tenir des enquêtes préliminaires et rendre des décisions sur les mises en liberté sous caution. Comme vous le savez, les juges de paix ont déjà un certain pouvoir discrétionnaire relativement aux cautionnements. Voulez-vous dire que, dorénavant, les juges de paix joueront un rôle plus important dans ce domaine? Vont-ils aussi rendre des décisions dans des causes d'infractions graves, par exemple les infractions visées à l'article 469?

M. Howard Bebbington: C'est une question très importante.

Karen, voulez-vous y répondre?

Mme Karen Markham: Oui, je peux y répondre. Il est très important de préciser que nous ne proposons absolument pas d'étendre la compétence des juges de paix qui est prévue dans la loi.

Selon la définition figurant actuellement dans le Code criminel, «juge de paix» s'entend soit d'un juge de paix soit d'un juge de la cour provinciale. Les deux ont donc déjà le pouvoir de tenir une enquête préliminaire. Cependant, ils ne sont pas habilités à décider des mises en liberté sous caution dans les cas d'infractions visées à l'article 169 et ce ne sera pas différent au Nunavut. Nous ne proposons pas d'étendre leur compétence. La note d'information reconnaît simplement qu'avec une formation adéquate... Il s'agit d'un projet de formation à long terme.

Nous ne proposons pas qu'à partir du 1er avril 1999, les juges de paix qui n'ont jamais fait d'enquêtes préliminaires, par exemple, se mettent à en faire. Ça veut dire qu'après avoir reçu la formation appropriée dans le Nord, les juges de paix pourraient commencer à exercer certaines des fonctions qui sont prévues dans le Code criminel. Leur rôle serait plus étendu qu'en ce moment.

Ça aurait l'avantage de permettre que les causes débutent dans la collectivité au lieu d'attendre que le tribunal itinérant se présente.

Donc, en jouant certains rôles, les juges de paix pourraient faciliter l'accès à la justice. Mais on ne propose pas pour l'instant...

Et bien entendu, la réglementation des activités des juges de paix, la détermination de leur compétence et leur nomination relèvent des territoires. Les autorités territoriales vont suivre ça de près.

En particulier, on croit que le juge principal de la Cour de justice du Nunavut va se charger de délimiter leur compétence. Nous envisageons qu'à long terme, les juges de paix auront une compétence accrue.

• 0950

M. Peter MacKay: Je prends votre déclaration pour argent comptant. Si j'ai posé la question, c'est que je sais que, depuis le peu de temps que je suis député, on a déjà étendu la compétence possible des juges de paix.

Rappelez-vous l'arrêt Feeney qui a entraîné des modifications aux demandes de mandat. On craint aussi que les policiers fassent de plus en plus appel aux services des juges de paix. Leur disponibilité suscite des inquiétudes réelles dans toutes les provinces et certainement aussi dans les territoires.

Je redoute un peu cette nouvelle orientation, car si on confie plus de responsabilités aux juges de paix, ils seront plus occupés et moins disponibles, surtout s'ils peuvent faire des enquêtes préliminaires. Je sais qu'ils ont déjà le pouvoir d'en faire, mais à ma connaissance, ça n'est jamais arrivé. Je ne me souviens pas qu'une enquête préliminaire ait été menée devant un juge de paix. Et franchement, ça m'inquiéterait énormément s'ils n'avaient pas d'abord reçu une bonne formation.

Alors, j'en arrive à ma question: qui va payer pour la formation? Je présume que ce sera le gouvernement fédéral. Cette formation devra être considérable parce que, sauf votre respect, la plupart des juges de paix ne sont pas diplômés en droit. Il y a beaucoup de policiers à la retraite ou de simples citoyens qui ont une certaine expérience des tribunaux mais qui n'ont pas la formation juridique voulue pour rendre des décisions. Une enquête sur cautionnement ou la décision de décerner un mandat peuvent être très techniques de nos jours, vous le savez, et elles ont des ramifications étendues. J'espère donc que la formation sera importante et que tout ne va pas se faire relativement vite pour accélérer l'adoption du projet de loi.

M. Howard Bebbington: Votre crainte est fondée, si je peux dire. Vos propos montrent que vous avez l'expérience du système judiciaire criminel.

J'ajouterais une remarque importante à ce que Karen vient de dire. Il est important de ne pas oublier que les juges de paix au Nunavut seront supervisés par le juge principal de la Cour de justice du Nunavut. Nous croyons pouvoir faire confiance aux juges de la Cour de justice du Nunavut, en particulier au juge principal, qui veilleront à ce que les juges de paix n'outrepassent pas leurs compétences.

Comme vous l'avez dit, à ma connaissance, il n'y a nulle part des juges de paix qui font des enquêtes préliminaires, bien que j'entende parler parfois de certaines expériences étranges. Il ne faut pas oublier combien il est difficile d'offrir des services judiciaires dans le Nord ni quel potentiel recèlent les juges de paix, puisqu'ils vivent dans les localités mêmes et qu'ils peuvent donc mettre le système judiciaire à la portée de la collectivité.

C'est vrai qu'ils n'ont pas de formation en droit et que dans le Nunavut, ils ne sont pas susceptibles d'être avocats, mais les juges du tribunal de première instance à palier unique habiteront vraisemblablement à Iqaluit et iront en avion dans les localités isolées, tandis que les juges de paix seront choisis parmi les résidents des localités. À notre avis, les juges de paix représentent un moyen de bien intégrer le système judiciaire dans les localités, mais il faudra du temps pour actualiser leur potentiel et le gouvernement territorial est très conscient des difficultés.

En ce qui concerne le financement, je crois que le ministère de la Justice a l'intention d'aider le ministère de la Justice du Nunavut à subventionner la formation des juges de paix. Si je ne m'abuse, on prévoit nommer un coordonnateur à temps plein des juges de paix qui aura plusieurs fonctions, notamment une fonction d'action sociale et de vulgarisation juridique, et aussi celle de travailler avec les juges de paix dans les localités en s'occupant de la nomination des personnes compétentes et, évidemment, de la formation. Ce sera extrêmement important.

Pour en revenir à ce que je disais au début, je crois qu'on peut faire confiance au juge principal de la Cour de justice du Nunavut qui ne confiera pas aux juges de paix des fonctions qu'ils n'ont pas d'affaire à assumer ou pour lesquelles ils ne sont pas compétents.

Laissez-moi vous raconter une anecdote. L'an dernier, en novembre 1997, nous étions tous à Iqaluit pour rencontrer plusieurs juges de paix de l'endroit et des travailleurs sociaux auprès des tribunaux. Nous avons eu l'occasion de discuter avec eux de ce qu'ils entrevoient pour le système, de ce qu'ils se croient capables de faire, du genre de formation et de soutien dont ils auront besoin. Je vous assure que les dirigeants du Nunavut, qui participaient aussi à la conférence, sont parfaitement au courant de ces questions et que c'est extrêmement important.

Karen, est-ce que j'ai oublié quelque chose?

Mme Karen Markham: Non. En fait, la question de la formation dont Howard a parlé est très importante et a été jugée prioritaire par le sous-ministre de la Justice du Nunavut. On est donc tout à fait conscient de la nécessité de former les juges de paix si l'on décide de faire davantage appel à eux.

• 0955

M. Peter MacKay: Alors, est-ce qu'on est en train d'établir un programme de formation pour les juges de paix du Nunavut?

M. Howard Bebbington: Je pense que oui. Je ne peux pas vous donner de détails, mais je crois que votre comité va entendre la semaine prochaine deux fonctionnaires du bureau du commissaire intérimaire, dont un est le sous-ministre désigné de la Justice du Nunavut. Ce serait de très bonnes questions à leur poser.

La présidente: Qui nomme les juges de paix, le fédéral ou le territoire?

M. Howard Bebbington: Le gouvernement territorial.

M. Peter MacKay: Vous avez mentionné le comité consultatif de la justice pour le Nunavut. Avez-vous une idée de la date où il sera opérationnel?

M. Howard Bebbington: Adair, voulez-vous répondre à ça?

Mme Adair Crosby: La ministre a fait savoir qu'elle avait l'intention de former un comité au Nunavut. Je crois savoir que c'est en voie de réalisation. Si je ne m'abuse, on a écrit à ceux qui proposeront des candidatures pour les membres du comité et on prévoit que ce sera fait bientôt. À part ça, je ne connais pas les détails.

M. Peter MacKay: De quoi s'occupera ce comité? Il me semble qu'il y a un risque de chevauchement ici, puisque certaines des personnes qui feraient probablement de bons juges de paix—et comme je suis déjà allé dans le Nord, je sais que certaines de ces localités sont minuscules—pourraient être les mêmes qui sont aptes à siéger au comité consultatif. Je me demande quelles conséquences ça pourrait avoir.

M. Howard Bebbington: Monsieur, je crois qu'il y a un malentendu. Quand vous avez parlé d'un comité consultatif, nous avons présumé que vous parliez du comité consultatif chargé de la nomination des juges de la cour supérieure, mais en fait, vous vouliez parler du comité sur la justice communautaire...

M. Peter MacKay: Oui, je m'excuse, j'aurais dû le préciser.

M. Howard Bebbington: J'avoue qu'il est difficile de répondre à la question. Il vaudrait mieux que vous la posiez à des représentants du Nunavut. Je pense qu'en plus du bureau du commissaire intérimaire, des représentants de NTI, Nunavut Tunngavik Incorporated, vont comparaître. Ces personnes sont très au courant de la façon dont les comités sur la justice fonctionnent dans ces localités. Je ne voudrais pas vous induire en erreur. Au bout du compte, nous ne vivons pas dans ces localités. Il serait préférable de leur poser la question à eux.

M. Peter MacKay: Certainement.

Si vous permettez, j'ai une dernière question qui s'adresse à Mme Markham. Je ne vous en veux pas, mais vous avez parlé des jeunes contrevenants et vous êtes certainement au courant que la loi pourrait être modifiée bientôt.

Je m'inquiète au sujet des demandes de renvoi. Vous avez expliqué qu'on allait essentiellement fondre la cour supérieure et la cour provinciale en un seul tribunal. Or, si je ne m'abuse, lorsqu'un jeune est renvoyé à la juridiction pour adultes, seul un procès devant juge et jury est permis. Comme la présomption est maintenant inversée, c'est-à-dire qu'il y a présomption de renvoi, est-ce que cette disposition va être éliminée? Est-ce que ça continuera d'être la même procédure? Est-ce que les étapes resteront les mêmes maintenant qu'il n'y aura plus qu'un seul palier?

Mme Karen Markham: Je ne peux vous parler que de la Loi sur les jeunes contrevenants en vigueur...

M. Peter MacKay: Évidemment.

Mme Karen Markham: ... et de son application au Nunavut. Je précise que le régime des renvois sera appliqué au Nunavut exactement de la même façon qu'ailleurs au Canada. Donc, un juge de la Cour de justice du Nunavut entendra les demandes de renvoi et si un jeune est par la suite renvoyé au tribunal pour adultes, il comparaîtra évidemment devant le même tribunal, mais dans un contexte différent, sous le régime des adultes.

Je précise que c'est seulement dans les causes de meurtre que l'accusé, même s'il comparaît devant le tribunal pour adolescents, a le choix d'avoir un procès devant juge et jury...

M. Peter MacKay: C'est exact.

Mme Karen Markham: ... ou un juge seul. Ça ne va pas changer. Est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. Peter MacKay: Oui, puisque vous dites que ça ne changera pas. C'est ce qui m'inquiétait.

M. Howard Bebbington: En vertu de notre projet de loi.

Mme Karen Markham: Oui, évidemment.

M. Howard Bebbington: Bien entendu, nous ne nous occupons pas nous-mêmes des modifications qui pourraient être proposées bientôt. Nous ne pouvons donc pas vous en parler. Mais nous voulons tenter d'offrir au Nunavut un système de justice pour adolescents qui, à toutes fins utiles, fonctionne de la même façon qu'ailleurs au pays, malgré un tribunal à palier unique. Et bien entendu, le tribunal de première instance à un seul palier fera office de tribunal pour adolescents, ou plutôt ce seront les mêmes juges.

Il se pourrait qu'éventuellement les juges de paix siègent comme juges au tribunal pour adolescents, selon la façon dont le territoire décidera d'organiser le tribunal. Mais comme Karen l'a dit, à toutes fins utiles, dans le contexte de notre projet de loi, le régime fonctionnera de la même façon qu'ailleurs.

• 1000

M. Peter MacKay: De même, et je crois que vous en avez parlé, la procédure d'appel sera comme ailleurs, à toutes fins utiles. Si à l'issue d'un procès on fait appel... Vous voulez dire que ce serait un juge différent. Ce serait toujours le même tribunal, mais on pourrait comparaître devant un juge seul de la cour du Nunavut, puis il y aurait un deuxième ou troisième niveau où l'appel serait entendu par une formation complète.

Mme Karen Markham: Je dois apporter des précisions parce que vous avez mal compris ou je me suis mal exprimée. Il n'y a que pour les poursuites sommaires que la filière a changé. Vous savez qu'en vertu de l'article 27 de la Loi sur les jeunes contrevenants, lorsque le tribunal pour adolescents est une cour supérieure, l'appel est normalement porté devant la cour d'appel.

Nous avons voulu garder cette symétrie, si on veut, en modifiant les voies d'appel pour les causes de déclaration sommaire de culpabilité chez les adultes. Ainsi, le premier niveau d'appel serait un juge seul de la cour d'appel. La seconde instance d'appel, comme ailleurs au Canada, serait une formation de trois juges.

M. Peter MacKay: Donc, l'appel d'une décision du tribunal pour adolescents suivra la même procédure. Vous dites que c'est la seule modification naturelle.

Mme Karen Markham: C'est la seule modification. Seule la juridiction a changé, pas les motifs. Rien d'autre n'est modifié. Les voies d'appel en matière criminelle seront les mêmes. C'est la seule modification de fond, si on veut.

M. Peter MacKay: C'est peut-être une vérité de La Palice, mais jamais le juge qui aura entendu seul un appel ne fera partie de la formation entendant l'appel de sa décision. Est-ce que les juges seront assez nombreux pour éviter ça?

Mme Karen Markham: Vous parlez de la cour d'appel?

M. Peter MacKay: Oui.

Mme Karen Markham: Vous parlez d'un juge seul de la cour d'appel? C'est une question de planification du rôle dont s'occupera soit le juge en chef, soit le responsable désigné de l'administration de la cour d'appel du Nunavut.

M. Peter MacKay: Ce n'est précisé nulle part.

Le vice-président (M. John Maloney (Erié—Lincoln, Lib.)): Je crois qu'on va passer à un autre.

M. Peter MacKay: Très bien.

Le vice-président (M. John Maloney): Vous aurez de nouveau la parole au second tour.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee: Merci, monsieur le président.

En théorie, la création d'un tribunal unifié paraît simple, mais je constate que c'est en fait très complexe.

M. Howard Bebbington: C'est certainement notre avis, monsieur Lee.

M. Derek Lee: Presque toute la discussion jusqu'à présent a porté sur le Code criminel. Je présume que le projet de loi établit aussi le tribunal qui entendra les causes civiles. Et les affaires en droit de la famille? Est-ce que c'est pareil?

M. Howard Bebbington: Oui.

M. Derek Lee: Et la Cour fédérale?

M. Howard Bebbington: Pour la Cour fédérale, ça ne change pas. C'est une entité distincte qui a sa propre juridiction. Elle n'est donc pas touchée. Elle continuera d'avoir un rôle à jouer dans le Nord comme maintenant. Le nouveau tribunal sera assimilable à la cour supérieure d'une province ou d'un territoire et il aura une compétence absolue pour connaître de toutes les affaires civiles, criminelles, en droit de la famille, graves ou mineures.

M. Derek Lee: Mais il n'entendra pas les affaires qui ressortissent à la Cour fédérale.

M. Howard Bebbington: C'est exact.

M. Derek Lee: On a parlé un peu des brefs de prérogative. Je crois que nos témoins ont dit qu'il y aurait une sorte de recodification.

M. Moray Welch: Oui, une codification.

M. Derek Lee: Les brefs de prérogative font partie de la common law. Le bref d'habeas corpus est un droit, mais les autres proviennent de la common law et les Canadiens peuvent s'en prévaloir. S'il y a aujourd'hui codification, il est très important que nous sachions quel effet ça aura, parce qu'il se pourrait qu'en plus d'établir un nouveau tribunal, on modifie les droits des citoyens en common law, compte tenu de la raison d'être des brefs de prérogative au départ.

Pouvez-vous me donner quelques précisions—je ne veux rien de trop approfondi—pour me montrer qu'un citoyen du Nunavut pourra se prévaloir des brefs de prérogative aussi facilement qu'un autre?

M. Howard Bebbington: Je répondrai le premier puis je demanderai à Moray de prendre la relève.

Sachez, monsieur Lee, que la difficulté à laquelle nous nous heurtons en ce qui concerne l'établissement d'un palier judiciaire unique est que tous les juges seront des juges de cour supérieure. En common law, la décision de ces juges ne peut être sujette à révision par voie de bref de prérogative. Cela va totalement à l'encontre des principes mêmes de la common law.

Le problème lorsqu'on établit ce type de structure judiciaire est que lorsqu'on supprime la juridiction inférieure de sorte que tout se déroule au niveau de la cour supérieure, on a de ce fait complètement éliminé la possibilité de révision par voie de bref de prérogative.

Une formule qui aurait pour conséquence, comme l'a dit Moray, de supprimer la forme de révision expéditive et généralement interlocutoire possible dans toutes les autres juridictions, qui est d'une importance capitale, nous semblerait inacceptable au niveau des principes voire au niveau juridique.

• 1005

Par conséquent, nous avons essayé d'établir un mécanisme analogue par la voie législative. Vous faites allusion aux problèmes de la codification. Vous avez évidemment raison. Lorsqu'on codifie, il est toujours possible d'avoir négligé certains aspects ou d'avoir été un peu trop loin.

En préparant les modifications prévues dans ce projet de loi, nous avons eu recours libéralement—pardonnez-moi l'expression—à des experts de diverses régions du pays qui ont une connaissance approfondie des brefs de prérogative. Nous nous sommes assuré le concours d'un professeur de l'Université Queen's qui est un expert en la matière. Nous avons consulté nos procureurs et un certain nombre d'avocats, de juristes et de juges de diverses régions du pays.

Je ne peux pas vous garantir que c'est une réussite totale. Nous avons toutefois essayé d'établir les fondements du système. Nous avons essayé de pourvoir à l'essentiel afin que les participants, c'est-à-dire les diverses parties, bénéficient des mêmes options et des mêmes facilités d'accès. C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire. Seule l'expérience nous dira si nous avons réussi.

Peux-tu continuer, Moray?

M. Moray Welch: Je ne pense pas avoir grand-chose à ajouter, sinon que...

M. Derek Lee: Je voudrais une réponse un peu plus approfondie.

M. Howard Bebbington: Vous l'aurez.

M. Moray Welch: Je prends le même point de départ. La situation est différente d'emblée au Nunavut, parce que toutes les décisions seront prises par une cour supérieure. C'est un système différent de celui qui est en vigueur dans les autres régions du pays où la plupart des décisions sont généralement prises par des juridictions inférieures et sont par conséquent presque toujours sujettes à révision. On pourrait dire que c'est un avantage pour le Nunavut du fait qu'il y aura plus de juges qualifiés. Nous ne sommes pas sûrs que ce soit également le cas dans le contexte pénal.

Nous n'essayons pas de créer un régime absolument identique à celui qui est en vigueur dans les autres régions. Il s'agit d'un régime différent. Nous partons de ce principe, puis nous déterminons les domaines dans lesquels les brefs de prérogative continuent à jouer, au niveau des principes mais pas nécessairement dans le contexte de la Charte des droits ou de la Constitution, un rôle qu'il est nécessaire de maintenir au Nunavut pour que l'appareil judiciaire soit organisé et efficace.

M. Derek Lee: D'accord.

M. Moray Welch: Comme il s'agit d'une cour supérieure, nous n'estimons pas...

Si cela faisait partie de votre question...

M. Derek Lee: J'espère que vous ne croyez pas que l'on ne commettra pas d'erreurs.

M. Moray Welch: On commettra peut-être des erreurs. Notre codification comportera peut-être certaines erreurs mais j'espère que non.

M. Derek Lee: Bien.

M. Moray Welch: Nous ne pensons toutefois pas que ce nouveau système aura une incidence sur le recours aux brefs de prérogative dans les autres régions du Canada. J'ajouterais qu'au Nunavut, pour ce qui est des décisions prises par des fonctionnaires d'une juridiction inférieure, il ne s'agira pas d'une cour provinciale mais de juges de paix et peut-être d'autres types de tribunaux. On continuera d'utiliser les brefs de prérogative au Nunavut comme dans le reste du pays.

M. Howard Bebbington: Nous avons peut-être suffisamment approfondi. Je n'en suis pas sûr. Certains participants à nos consultations ont peut-être affirmé qu'en raison même de leur statut de juges de cour supérieure, ces juges ne commettraient pas d'erreurs et qu'une telle révision ne serait pas nécessaire.

Par principe, nous avons décidé d'essayer d'intégrer au système de tribunal de première instance à un seul palier du Nunavut les mécanismes fondamentaux destinés à préserver les droits des parties. Par conséquent, nous avons rejeté la prémisse voulant que les juges de cour supérieure soient infaillibles. Nous avons en fait essayé de prévoir un type de révision analogue, par le biais d'un mécanisme législatif. Il ne s'agit pas d'une formule identique mais analogue.

M. Derek Lee: Bien. Je commence à comprendre que les divers types de brefs de prérogative accessibles au citoyen seront limités en quelque sorte par cette codification.

Je voudrais que vous me disiez si vous avez rédigé un document indiquant brièvement les incidences de cette codification. Existe- t-il un document résumant les opinions des experts que vous avez consultés quant aux incidences de cette codification sur les divers types de brefs de prérogative, y compris l'habeas corpus? Avez-vous un tel document? Quelqu'un a-t-il fait une sorte de comptabilité des avantages et des inconvénients?

M. Howard Bebbington: Monsieur Lee, comme je l'ai déjà signalé, nous avons demandé à un professeur de la Faculté de droit de l'Université Queen's de faire une étude approfondie sur les brefs de prérogative actuels. Les avis qu'il nous a donnés sont longs et détaillés. Je ne doute pas qu'ils fassent l'affaire. Nous avons établi une note d'information en nous basant sur ces avis. Cette note a été rédigée de façon à expliquer clairement...

• 1010

Dans le cadre de cette codification, nous avons notamment essayé de déterminer les domaines du système judiciaire pénal où une certaine révision est essentielle. Veuillez jeter un coup d'oeil sur l'article 50 du projet de loi. Nous ne possédons pas le genre de document que vous réclamez. Cela n'existe pas. Par contre, le projet d'alinéa 573.1(1) indique six catégories de décisions relevant du système judiciaire criminel où une certaine révision est nécessaire: les décisions concernant un mandat ou une sommation, les décisions concernant la tenue d'une enquête préliminaire y compris le renvoi à procès ou la libération, les ordonnances concernant une assignation, les ordonnances concernant la communication de renseignements ou l'accès à la salle du tribunal pour tout ou partie des audiences, les décisions portant refus d'annuler une dénonciation ou un acte d'accusation et les décisions concernant la détention, l'aliénation ou la confiscation de biens.

M. Derek Lee: C'est un bon bouquet de sujets traités dans le Code criminel mais il ne faut pas oublier les affaires civiles. A- t-on prévu quelque chose à cet égard?

M. Moray Welch: Notre responsabilité se limite à la législation fédérale. Une nouvelle Judicature Act sera adoptée simultanément pour le territoire du Nunavut.

Si j'ai bien compris, on n'a pas maintenu les droits de prérogative dans le contexte de la juridiction civile ou du tribunal de la famille. Je peux vérifier pour vous et je dirai au ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest que vous avez posé la question.

M. Derek Lee: Pouvez-vous nous donner le nom de l'expert de l'Université Queen's qui a fait cette étude?

M. Howard Bebbington: Oui. Il s'agit du professeur Allan Manson qui nous a aidés dans le cadre de ce processus. Au cours de nos consultations, nous avons également obtenu l'avis de nombreux juges et avocats qui ont examiné ce processus.

En ce qui concerne le droit civil ou le droit de la famille, la plupart des dispositions se trouvent dans la législation territoriale. Vous feriez peut-être mieux de poser ces questions au ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest lorsqu'il témoignera. Comme l'a dit Moray, nous essaierons de lui signaler que c'est un sujet qui vous intéresse.

M. Derek Lee: Le droit d'habeas corpus prévu dans la Charte est-il solidement établi? Est-il protégé?

M. Howard Bebbington: Il est protégé. Je doute que notre projet de loi puisse affaiblir ce droit de quelque façon que ce soit. Nous le protégeons au projet de paragraphe 573.2.

M. Derek Lee: Vous avez examiné la question et vous l'avez réglée.

M. Howard Bebbington: Nous sommes certains de l'avoir réglée complètement.

M. Derek Lee: Merci.

Il y a des chances que dans ces tribunaux, on utilise souvent la langue autochtone, l'inuktitut. Je suppose que ce sont les habitants du Nunavut qui décideront du fonctionnement des tribunaux, mais je suis curieux de savoir si vous avez prévu quelque chose ou si certaines dispositions du projet de loi essaient de déterminer la langue qui sera utilisée, étant donné que l'on s'attend à ce que l'on parle français et anglais. La personne qui sera chargée de remettre les assignations devra certainement parler souvent inuktitut.

A-t-on essayé de régler cette question d'ordre pratique d'avance ou laissera-t-on cette tâche aux habitants du Nunavut?

M. Howard Bebbington: En bref, cette question n'est pas réglée et ne peut être réglée dans le projet de loi. Elle relève des fonctionnaires de la cour, des juges et des fonctionnaires du gouvernement territorial.

John Merritt, notre collègue de AINC, a peut-être quelques mots à ajouter, et peut-être aussi Karen.

John.

M. John Merritt (conseiller principal, Secrétariat du Nunavut, Programme du Nord, ministère des Affaires indiennes et du Nord): Merci, Howard.

Vous n'ignorez probablement pas que toutes ces questions seront régies par le gouvernement du Nunavut, en vertu des lois des Territoires du Nord-Ouest, y compris de la législation en matière de langues officielles qui renferme des garanties concernant le statut de l'anglais et du français et fait également mention des langues autochtones.

On s'attend à ce qu'après le 1er avril, un débat animé sur la politique linguistique et sur les possibilités de promotion de l'usage de l'inuktitut comme langue de travail s'amorce au Nunavut. La Loi sur le Nunavut confère à l'Assemblée législative du Nunavut la compétence nécessaire pour préserver l'inuktitut et promouvoir son usage, mais aucune disposition législative n'a été proposée jusqu'à présent. Nous prévoyons que c'est au ministère de la Justice et dans les tribunaux que l'on discutera de la langue de travail et d'autres questions d'ordre administratif.

Une conférence relativement importante sur la question de la langue a eu lieu il y a quelques mois mais aucune proposition particulière n'a été retenue à l'issue des discussions. Nous sommes certains que la question de la langue utilisée dans les tribunaux ainsi que dans les autres services publics fera l'objet de nombreuses discussions.

• 1015

Le vice-président (M. John Maloney): Je crois qu'il va falloir céder la parole à quelqu'un d'autre, monsieur Lee.

M. Derek Lee: Ceci n'est pas une question, mais une simple requête. Pourriez-vous si possible nous fournir un exemplaire de l'avis du professeur Manson ou du document sur les brefs de prérogative en common law qui a été présenté à un moment ou l'autre dans le cadre des discussions?

M. Howard Bebbington: Il faudra que je vérifie.

M. Derek Lee: Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci.

Monsieur John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Il y a une chose qui m'intrigue. Ce type de tribunal «passe- partout» ne convient pas tout à fait ailleurs que dans le Nord. Je suppose que ce sont l'étendue du territoire, les ressources et la densité de population qui motivent la décision. Elle paraît extrêmement logique mais étant donné la façon dont s'élabore la jurisprudence dans notre pays, les principes qui sous-tendent un tribunal de la famille, un tribunal pour adolescents, un tribunal criminel et une cour supérieure sont souvent très différents voire incompatibles.

Ma question est plutôt d'ordre général. Avez-vous réfléchi à la façon dont la jurisprudence s'élabore dans les autres parties du pays et avez-vous pensé que la décision d'opter pour une cour «passe-partout» pour le Nunavut risque de la faire évoluer dans une autre direction? Est-ce que, en instaurant cette structure, vous n'êtes pas en fait en train de faire évoluer la jurisprudence dans une tout autre direction et de vous fonder sur des principes complètement différents? Avez-vous réfléchi à cet aspect? C'est une question d'ordre très général.

M. Howard Bebbington: C'est une question importante.

On a insinué que nous étions en train de créer un système juridique complètement différent pour le Nunavut, mais ce n'est pas le cas. Nous modifions l'appareil judiciaire mais le système juridique en vigueur au Nunavut sera le même que partout ailleurs. La common law continuera de prévaloir et les décisions de la Cour suprême du Canada feront foi au Nunavut comme partout ailleurs. Les lois fédérales qui s'appliquent à l'échelle nationale continueront, pour ce qui est du fond, de s'appliquer plus ou moins de la même façon au Nunavut que dans tous les autres ressorts. Il ne s'agit pas d'un système judiciaire entièrement nouveau mais d'un changement structurel.

Permettez-moi de vous citer deux ou trois exemples pour vous aider à comprendre. Il n'y a pas très longtemps—et je vais peut- être trahir mon âge—il y avait encore des cours de comté et de district dans la plupart des provinces. Au cours des deux dernières décennies, elles se sont atrophiées et ont fini par disparaître.

C'est pareil pour la structure judiciaire. En Ontario, il existe une Cour divisionnaire que l'on ne retrouve dans aucune autre province. Il s'agit donc plutôt d'un changement de structure, d'une réduction du nombre de paliers de première instance et d'une évolution différente de la procédure. Par contre, le système juridique restera le même au Nunavut que partout ailleurs tant en ce qui concerne les lois que la common law.

Ce changement structurel nous oblige toutefois à apporter des modifications au Code criminel, à la Loi sur les juges, à la Loi sur les jeunes contrevenants et à d'autres lois, ce qui entraînera de légères différences. Karen vous a parlé de la procédure d'appel dans les cas de poursuites sommaires et certaines règles de jurisprudence sont peut-être axées sur ces procédures d'appel. Certaines règles de jurisprudence sont peut-être axées sur le système de révision législative. La procédure sera effectivement légèrement différente au Nunavut dans ces domaines.

Il importe toutefois de savoir que, pour ce qui est de l'essentiel, le système juridique proprement dit ne changera pas. C'est au niveau de l'administration et des procédures que se manifesteront les différences entre le Nunavut et les autres régions. Au cours d'une séance de consultation, nous nous sommes comparés à des plombiers. Nous modifions l'infrastructure du système mais pas le système législatif proprement dit.

Auriez-vous quelque chose à ajouter, Karen et Moray?

M. Moray Welch: Comme l'a si bien dit Howard, il s'agit d'un changement d'ordre structurel. Si je comprends bien, vous dites que la culture des tribunaux évolue différemment selon leur mandat. Étant donné que le Nord constitue un cas particulier, les tribunaux sont nécessairement des tribunaux à vocation générale, qu'il y en ait deux ou qu'il s'agisse d'un palier unique. Notre cour sera un tribunal à vocation générale. Nous n'y pouvons pas grand-chose. On ne dispose pas d'un bassin suffisant de juges pour pouvoir faire de la spécialisation. Les juges devront faire tout ce que l'on fait dans le Sud, où la population est plus dense et où la spécialisation se justifie davantage... Cette spécialisation n'existe pas dans le Nord.

• 1020

Je ne sais pas si vous voulez prendre la parole, Karen.

Mme Karen Markham: La seule chose que je voudrais ajouter—et je comprends le but de votre question sur... Je crois que Moray a indiqué qu'il ne fallait pas oublier que, lorsqu'on a affaire à un adolescent par exemple, les principes qui sous-tendent la Loi sur les jeunes contrevenants sont très différents de ceux qui sous- tendent le système pénal pour adultes.

Je crois que l'on peut avoir l'assurance que... Cela dépend bien entendu des juges qui sont nommés et de la connaissance qu'ils ont du Nord. La Cour supérieure traite actuellement des affaires concernant les adultes et les adolescents—du moins les plus graves, en ce qui concerne les adolescents—et tout dépend par conséquent des personnes qui occupent ces postes. Je crois toutefois qu'une cour à palier unique qui se rend par avion dans les petites localités présente certains avantages. Cette formule permet aux juges et aux collectivités d'avoir des contacts plus fréquents et d'apprendre à se connaître. En outre, grâce à ce système de circuit unique, ce sont toujours les trois mêmes juges qui se déplaceraient et entendraient toutes les causes.

M. John McKay: Je ne conteste pas qu'à certains égards vous vous contentiez, au même titre que des plombiers, d'apporter certains changements strictement structurels et je ne mets pas en doute votre volonté d'essayer de fermer les brèches que ces changements risquent de provoquer par rapport au système en vigueur dans les autres régions et provinces. Sur le plan culturel, par contre, les différences entre ces régions et le Nord sont énormes; j'ai par conséquent l'impression que les changements structurels et la reconnaissance accrue de l'influence marquée de cette culture risquent de produire une jurisprudence dont l'orientation n'est pas nécessairement compatible avec la conception de la justice dans les autres régions du pays.

Cette situation pourrait être une source de litiges. Ce sont de pures suppositions mais je me demande comment l'on peut former des juges de cour supérieure—que l'on pourrait qualifier de juges conformistes—de façon à ce qu'ils puissent exercer les fonctions de juges de tribunal pour adolescents un jour, celles de juges de tribunal pénal un autre jour, puis celles de juges de tribunal de la famille ou encore celles de juges appliquant des règles de droit incontestables, en tenant compte du fait que la conception de la justice qu'ont les Inuit peut être très différente de la nôtre? Comment s'organiser pour tenir compte de toutes ces considérations tout en évitant d'instaurer un régime incompatible avec celui qui est en vigueur dans le reste du pays?

M. Howard Bebbington: Encore une fois, il ne faut pas oublier que les différences que vous avez signalées existent déjà dans une certaine mesure et je ne crois pas que notre structure puisse les aggraver beaucoup; il existe en effet des différences d'ordre culturel partout. Les diverses cours d'appel territoriales et provinciales prennent parfois des décisions contradictoires. C'est en partie la raison d'être de la Cour suprême du Canada. Lorsqu'il s'agit d'une question assez importante, celle-ci est chargée d'assurer une certaine uniformité.

Il est bien entendu exact que... Nous espérons que la culture unique des Inuit influencera effectivement le système judiciaire en vigueur dans leur région et qu'il s'adaptera à cette culture. Nous espérons toutefois que ce système n'engendrera pas un domaine de droit fondamentalement différent. Un régime juridique différent n'est pas acceptable et une certaine uniformité doit être assurée en conformité des dispositions de l'article 15 et d'autres principes constitutionnels.

À propos de la question que vous vous posez au sujet de la possibilité de former un juge de cour supérieure dans toutes ces disciplines, je vous signale que ces juges sont déjà très polyvalents et qu'ils ne sont généralement pas confinés à des domaines particuliers. Ils doivent un jour entendre un procès par jury pour meurtre et un autre jour une action civile. Il en sera bien entendu toujours de même au Nunavut. Nous allons seulement un peu plus loin, parce que les juges entendront tous les types de causes.

• 1025

Je crois que la nomination des juges de la Cour de justice du Nunavut sera d'une importance capitale. Il faudra choisir des juges particulièrement sensibles au milieu culturel dans lequel ils seront appelés à travailler. Et si ce n'est pas le cas au début, j'ai tendance à croire qu'après avoir pratiqué pendant un certain temps dans cette région, ils connaîtront mieux le milieu.

Il s'agit d'un milieu unique, d'un milieu d'un caractère tout particulier. Un des avantages de la simplification de la structure judiciaire—puisque c'est principalement de cela qu'il s'agit—est qu'elle permettra aux juges d'avoir des contacts plus étroits avec la collectivité. Celle-ci apprendra à les connaître et réciproquement.

Lorsque c'est opportun, la culture doit avoir une influence sur les règles de droit et sur le système juridique. Par contre, il ne faut pas que cette influence soit telle qu'elle engendre un système juridique radicalement différent du système en vigueur dans les autres régions. Je ne pense pas que ce sera le cas. Je ne pense pas que ce soit possible dans le contexte de la structure juridique et du système constitutionnel actuels.

M. John McKay: Merci.

M. Howard Bebbington: Je ne sais pas si nous avons touché au coeur du problème qui vous préoccupe mais c'est...

La présidente: C'est parfois impossible.

M. John McKay: Non, il est vrai que...

M. Peter MacKay: Mais c'est le coeur des ténèbres.

M. Howard Bebbington: C'est une préoccupation qui se manifeste partout dans le pays. Je crois qu'elle est particulièrement vive parce que nous faisons au Nunavut une installation de plomberie différente des installations classiques.

De nos jours, les plombiers sont probablement plus prospères que la plupart des avocats. Nous valorisons peut-être notre profession, mais c'est à peu près ça. Nous n'apportons aucune modification de fond aux règles de droit.

M. John McKay: Par contre, les changements structurels entraînent parfois des modifications de fond et c'est là le problème, je présume.

M. Howard Bebbington: Je crois que nous devrons tous suivre la situation de près pour s'assurer que ces changements n'auront pas d'effets fâcheux et qu'ils répondront à nos attentes.

Le vice-président (M. John Maloney): Nous en reparlerons plus tard.

Madame Cohen.

Mme Shaughnessy Cohen: Un territoire est une entité très différente d'une province et certains de nos collègues ne sont peut-être pas au courant du degré de participation du gouvernement fédéral à l'élaboration du système judiciaire du Nunavut.

Je crois savoir notamment que tous les procureurs de la Couronne sont nommés par le gouvernement fédéral. Les premiers employés ne sont-ils pas des fonctionnaires du ministère de la Justice?

M. Howard Bebbington: Oui, c'est exact.

Mme Shaughnessy Cohen: Utilise-t-on des procureurs mandatés sur une base journalière au Nunavut?

M. Howard Bebbington: Pas à ma connaissance. Je dois dire que je ne peux vous le garantir, mais je crois que non. Nous avons des procureurs à plein temps à Iqaluit et le bureau de Yellowknife dessert la plupart des localités de l'Arctique de l'Est par l'intermédiaire du même système de cour itinérante.

Vous savez peut-être que dans bien des ressorts, on a tendance à parler de délégation des responsabilités en matière de poursuites. Les discussions viennent à peine de commencer mais il a été question de délégation des responsabilités au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. En ce qui concerne les Territoires du Nord-Ouest, ces discussions ont été en grande partie reléguées à l'arrière-plan par la répartition des pouvoirs et tout ce que cela implique.

Il se pourrait qu'un jour le territoire veuille prendre la responsabilité des poursuites. C'est une pure supposition. Ce n'est pas le cas actuellement.

On fait actuellement des projets d'établissement d'un bureau régional à Iqaluit, qui serait placé sous la responsabilité d'un directeur régional du ministère de la Justice. Plusieurs procureurs y seront affectés. Par conséquent, dans tout l'Arctique de l'Est le service des poursuites ne devra plus être assuré à partir de l'Ouest, à partir de Yellowknife.

Votre remarque est extrêmement pertinente. Le ministère de la Justice joue un rôle très actif.

Sur le plan constitutionnel, il existe effectivement une différence entre une province et un territoire mais j'ai l'impression que nous nous efforçons tous de traiter les territoires comme une entité autonome, au même titre qu'une province. Par contre, il y a bien entendu des différences, notamment dans le domaine des poursuites.

Mes collègues ont-ils quelque chose à ajouter?

Mme Shaughnessy Cohen: Monsieur Merritt, je voudrais seulement m'assurer que vous participiez à la discussion.

M. Howard Bebbington: Faites-lui faire ses preuves.

Mme Shaughnessy Cohen: Au cours des quelques voyages que j'ai faits dans le Nord, j'ai notamment remarqué qu'il existe un gouffre culturel entre le Yukon et la nouvelle version réduite des Territoires du Nord-Ouest que représente le Nunavut. Les différences sont aussi prononcées en ce qui concerne la culture des diverses populations autochtones qu'en ce qui concerne la durée du jour ou les arbres par exemple.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord s'assure-t-il que la justice respecte les différences culturelles ou du moins, en tient compte? Est-il capable de le faire? Je ne parle pas de la façon dont...

M. John Merritt: Je suppose que non. La seule expérience personnelle sur laquelle je puisse m'appuyer concerne la préparation de ce projet de loi. Je dirais qu'il est le fruit d'une collaboration très étroite entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord et le ministère de la Justice. Cette collaboration s'étend également aux divers organismes dont Howard a parlé tout à l'heure. En fait, l'origine du concept de système judiciaire unifié remonte au rapport de la Commission d'établissement du Nunavut, qui avait été créée pour faire des recommandations sur la structure du gouvernement institué en vertu de la loi de 1993. Cette commission était entièrement composée d'Inuit.

• 1030

Cette formule a été préconisée en 1996, dans le premier rapport de cette commission. Elle représentait une première étape de la réforme du système judiciaire. Cette recommandation a été faite à la suite du débat public organisé par le ministère de la Justice auquel j'ai participé mais auquel ont participé également un grand nombre d'habitants du Nord.

Je dirais que la plupart des habitants du Nunavut considèrent une simplification de la structure comme la première étape et non comme l'étape finale. Beaucoup de Canadiens sont certainement prêts à envisager notamment d'améliorer beaucoup le système judiciaire communautaire.

On reconnaît qu'il faudra encore compter pendant un certain temps sur le système de la cour de circuit pour régler les affaires criminelles graves. On constate que, pour le moment, un seul Inuit du Nunavut est membre du barreau. Par conséquent, on sait qu'il faudra attendre un certain temps avant que des Inuit accèdent aux postes de commande dans le système officiel.

Mme Shaughnessy Cohen: Je crois qu'on est sur le point de l'assermenter.

M. John Merritt: Oui.

Par conséquent, on est conscient du fait qu'une amélioration importante du système judiciaire prendra du temps mais c'est une bonne idée d'essayer de surmonter certains des obstacles structurels qui risquent d'être une source de confusion et de frustration au cours des prochaines années.

Vous entendrez des témoins du Nord la semaine prochaine mais je m'attends à ce qu'ils vous parlent d'un programme à plus long terme. Ce projet de loi est une étape logique mais il y aura encore d'autres étapes à franchir lorsque le Nunavut commencera à avoir de l'aplomb et que ses habitants auront une idée plus précise des autres changements qu'ils veulent apporter.

Mme Shaughnessy Cohen: Il y a une chose que je tenais à signaler. Certains d'entre nous ont eu l'occasion d'avoir des entretiens informels avec la ministre et elle a dit une chose qu'il importe de savoir et de confirmer officiellement. Elle nous a dit qu'il ne s'agit pas d'un système judiciaire conçu par le gouvernement fédéral en fonction des désirs du Nunavut, tels que nous les percevons. C'est plutôt le système judiciaire réclamé par le Nunavut. C'est lui qui l'a conçu et nous le mettons en oeuvre pour lui.

Est-ce exact, monsieur Bebbington?

M. Howard Bebbington: C'est exact et je suis très heureux que ce soit confirmé officiellement.

Je vous signale que nous avons inséré dans la documentation une note d'information expliquant brièvement le processus d'élaboration du projet de loi.

Ce que vous avez dit est parfaitement exact. Quand les dirigeants du Nunavut ont essayé de déterminer le système judiciaire qu'ils voudraient instaurer, ils nous ont demandé de les consulter. Nous leur avons recommandé diverses options mais ce sont eux qui ont fait le choix. Comme l'a dit John, le processus a commencé assez tôt, à l'époque de la Commission d'établissement du Nunavut et de la publication de son rapport intitulé «L'empreinte de nos pas dans la neige fraîche, Volume 2». L'initiative vient par conséquent du Nunavut.

Nous lui avons fourni des services consultatifs. Nous avons préparé un document de travail permettant d'examiner les diverses options mais le choix a été fait par le Nunavut et c'est lui qui en a fait la demande. Nous estimons bien entendu que c'est un choix judicieux et qu'il ouvre de vastes horizons. Je vous recommande toutefois de jeter un coup d'oeil sur la note en question.

À propos de ce que John a dit, j'ajouterais que le ministère a largement compté sur la collaboration du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Comme l'indique la note en question, on avait établi un groupe de travail composé de représentants des ministères fédéraux, du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, du bureau du commissaire intérimaire du Nunavut et de la Nunavut Tunngavik Inc. Vous aurez d'ailleurs l'occasion d'entendre le témoignage de ces deux derniers organismes.

Le groupe de travail a supervisé l'élaboration de la législation territoriale et fédérale et je crois que la formule a été très fructueuse. Les recommandations qui ont été faites et les discussions nous ont été d'une aide précieuse.

J'espère que vous aurez l'occasion d'entendre la semaine prochaine des témoins qui pourront vous donner leur avis sur cette collaboration. J'estime pour ma part que ce projet de loi n'aurait pas pu voir le jour sans une collaboration aussi étroite.

Mme Shaughnessy Cohen: Monsieur Welch, si j'étais accusée d'avoir commis un acte criminel à Iqaluit et que je comparaissais devant un juge de paix pour faire mon choix, quelles options aurais-je? Comment...

M. Moray Welch: Il faudrait avant tout exclure les actes criminels les moins graves. Dans les autres régions du Canada, ces actes relèveraient de la compétence exclusive des juges des cours provinciales.

Mme Shaughnessy Cohen: Que se passerait-il si j'étais accusée de vol qualifié?

• 1035

M. Moray Welch: Le vol qualifié est une infraction qui vous donnerait droit à un certain choix. Vous auriez le choix entre juge et jury avec ou sans enquête préliminaire, juge sans jury avec ou sans avec enquête préliminaire, et juge seul sans enquête préliminaire. C'est la troisième option qui correspond au système en vigueur dans les autres régions du Canada où le juge de la cour provinciale...

Mme Shaughnessy Cohen: Le juge seul.

M. Moray Welch: ... s'occupe de l'affaire parce qu'il n'existe actuellement qu'une seule cour. Votre choix n'aurait donc aucune influence sur la cour devant laquelle vous seriez traduite. Il aurait uniquement une influence sur le type de procès.

Mme Shaughnessy Cohen: Par conséquent, mon droit de choisir le type de procès pour vol qualifié serait le même si j'étais inculpée à Iqaluit que si j'étais inculpée à Windsor.

M. Moray Welch: Il existe essentiellement trois options. Elles varient d'une province à l'autre et chaque cour a ses propres caractéristiques, son propre rôle. Il existe deux cours et il est un fait connu que les avocats spécialisés en matière pénale en profitent pour retarder le plus possible l'instruction.

Mme Shaughnessy Cohen: Ce sont des mythes, monsieur Welch.

M. Howard Bebbington: Aucun d'entre nous ne ferait cela.

Mme Shaughnessy Cohen: Non.

M. Moray Welch: Dans le cas du Nunavut, il n'y aurait qu'un seul tribunal et un seul rôle.

Mme Shaughnessy Cohen: Supposons qu'au cours de l'enquête préliminaire, le juge qui préside commette une grave erreur qui ait pour conséquence d'apporter des éléments de preuve qui, d'après mon avocat, n'auraient pas dû intervenir et que je dise à celui-ci de faire le nécessaire pour interdire au juge de faire ce qu'il vient de faire. Si nous étions à Windsor, je pourrais aller demander une ordonnance à un juge à deux pas du tribunal—et dans quelques mois, il suffira que j'aille au troisième étage. Qu'arrivera-t-il si, à Iqaluit, je ressens le besoin de prendre des recours extraordinaires pendant une enquête préliminaire?

M. Moray Welch: Il faudra que vous voyiez un juge de la cour d'appel.

Mme Shaughnessy Cohen: Il est à Edmonton ou à Calgary.

M. Moray Welch: Il est peut-être Edmonton ou elle peut être à...

Mme Shaughnessy Cohen: C'est une précision pertinente.

M. Moray Welch: ... à Whitehorse ou à Yellowknife.

Mme Shaughnessy Cohen: Comment obtenir cette audience quand j'ai affaire à un juge qui mène cette enquête préliminaire à toute vitesse?

M. Moray Welch: Je crois que vous devrez attendre la fin de l'enquête préliminaire ou demander au juge de surseoir aux procédures et lui dire que ce qu'il vient de faire vous pose un grave problème, que vous vous adresserez au juge seul de la cour d'appel et qu'il se doit par conséquent de suspendre les procédures sur-le-champ. C'est au juge concerné qu'il appartient de décider mais s'il refuse, vous pouvez demander à un juge seul de la cour d'appel de suspendre les procédures. Vous avez la possibilité de demander un redressement provisoire.

Mme Shaughnessy Cohen: Mais je suis au chômage et j'ai besoin de communiquer avec le juge de Whitehorse, localité située, comme vous le savez, à une très grande distance. Comment obtenir l'ordonnance provisoire nécessaire pour interdire au juge de poursuivre l'enquête préliminaire tant que je ne suis pas parvenue à obtenir l'aide dont j'ai besoin?

M. Moray Welch: Cela dépendra en grande partie de l'infrastructure du système judiciaire du Nunavut et c'est le Nunavut qui est chargé de l'administration de la justice. Étant donné les distances, je reconnais que le problème que vous nous soumettez comporte de grosses difficultés d'ordre pratique.

Mme Shaughnessy Cohen: Cela n'arrivera pas très souvent.

M. Moray Welch: Non.

Je profite de l'occasion pour vous signaler qu'il y a eu à notre connaissance un bref de prérogative au Nunavut, en 1996.

Mme Shaughnessy Cohen: D'accord. Y aurait-il possibilité de tenir une téléconférence?

M. Moray Welch: J'allais justement signaler que c'est une formule qui semble intéresser la juge en chef de la Cour d'appel des Territoires du Nord-Ouest. Comme l'a dit Howard, nous ne savons pas si elle sera nommée juge en chef du Nunavut, mais nous supposons que ce sera le cas dans un premier temps, afin d'assurer une certaine continuité. Elle a manifesté son intérêt au sous- ministre de la Justice du Nunavut et je sais que l'on examine très sérieusement ces possibilités.

La possibilité de procéder par vidéoconférence est très attrayante, surtout s'il s'agit d'une affaire toute simple. Par contre, s'il s'agit d'un cas plus ambigu, je crains que vous deviez patienter jusqu'à la fin de l'enquête et attendre que le juge vienne à Iqaluit quelques semaines plus tard.

• 1040

Mme Shaughnessy Cohen: Alors,... Excusez-moi, monsieur Bebbington.

M. Howard Bebbington: J'avais quelque chose à ajouter, madame Shaughnessy Cohen. Je crois que vous avez signalé la principale difficulté que présente la fourniture de services judiciaires dans le Nord, à savoir les distances et la nécessité d'un accès rapide à certaines personnes. Nous avons essayé de nous en assurer en faisant ces changements structurels. C'est pourquoi un système de révision par les pairs a été instauré en ce qui concerne les libérations sous caution, où une accessibilité immédiate est nécessaire.

Bien que nous n'intervenions pas dans la nomination des membres de la cour d'appel, il est possible que certains des juges du tribunal de première instance à palier unique d'Iqaluit puissent être également membres d'office de la cour d'appel. Par exemple, le doyen des juges de la Cour de justice du Nunavut pourrait être membre d'office de la cour d'appel, ce qui permettrait aux participants d'avoir immédiatement accès à un juge qui réside en ville.

Par ailleurs, l'intérêt pour la technologie audio ou vidéo pour la tenue de ce type d'audiences répond à un réel besoin dans ce genre de milieu, et pas seulement au Nunavut mais dans d'autres territoires et dans certains autres ressorts provinciaux également.

C'est une possibilité que le ministère examine dans le contexte de la réforme de la procédure criminelle et dans d'autres domaines. La juge en chef Fraser a été une des premières à préconiser l'utilisation innovatrice de la technologie et celle-ci est évidemment assez perfectionnée pour que ce soit devenu parfaitement possible. Il faudra que cela se fasse avec le temps.

Votre remarque est extrêmement pertinente mais il faut s'assurer que le système puisse répondre rapidement et efficacement à des besoins spécifiques. C'est pourquoi nous nous sommes efforcés d'établir un mécanisme de révision législative qui permette de ne s'adresser qu'à un juge seul de la cour d'appel plutôt qu'à une formation de juges, ce qui serait beaucoup plus difficile et beaucoup plus long. Nous espérons—et je vous rappelle que ce genre de décisions ne dépend pas de nous—qu'il y aura, sinon à Iqaluit, du moins à Yellowknife, des juges capables de répondre rapidement aux besoins de cette nature.

Mme Shaughnessy Cohen: J'ai deux ou trois autres questions à poser. Un document de travail établi par votre ministère, mais pas nécessairement par les fonctionnaires qui sont ici, a été rendu public. Si les principes qui y sont exposés étaient mis à exécution, l'accessibilité des enquêtes préliminaires diminuerait pour les personnes mises en accusation pour certaines infractions. Ce projet de loi contient-il des dispositions ayant pour conséquence que les personnes mises en accusation au Nunavut auront moins facilement accès au mécanisme des enquêtes préliminaires que celles des autres régions du pays?

M. Moray Welch: Pas du tout.

Le vice-président (M. John Maloney): Ce sera votre dernière question, madame Cohen.

Mme Shaughnessy Cohen: Très bien, j'en poserai encore une. N'oubliez pas que je récupère le marteau, monsieur Maloney.

Vous m'avez fait perdre le fil de mes pensées.

Se préoccupe-t-on de savoir comment on va pouvoir arriver à former un jury dans cette région? Lorsqu'il s'agit d'un procès pour meurtre commis à Resolute Bay, le jury sera-t-il toujours composé d'habitants d'Iqaluit? Ce sont deux milieux très différents.

M. Howard Bebbington: C'est un gros problème. Il se pose déjà. Notre projet de loi ne contribue malheureusement pas à le régler mais nous espérons qu'il ne l'aggrave pas. Il s'agit d'un gros problème. La langue parlée dans la salle des jurés est un gros problème. C'est important.

Comme je l'ai déjà dit, je voudrais être en mesure d'affirmer que nous sommes en train de résoudre certains des gros problèmes persistants qui se posent dans le système judiciaire. Ce n'est toutefois pas le cas. Nous modifions une partie de la structure. Nous espérons que ces changements apporteront aux habitants du Nunavut certains outils et une certaine latitude leur permettant d'accomplir les durs efforts nécessaires pour rendre le système efficace dans des conditions extrêmes qui posent des défis bien particuliers. Encore une fois, c'est une question qui devra être réglée par le Nunavut. Nous comptons aider le Nunavut de notre mieux mais rien n'est prévu dans les dispositions du projet de loi à ce sujet.

Mme Shaughnessy Cohen: Je ferais peut-être mieux de m'adresser à vous, monsieur Merritt. Je crois que c'est une question qui reviendra continuellement au cours des audiences. Les Dénés ont toujours de grosses réticences en ce qui concerne la création du nouveau territoire et je me demande si certaines dispositions de ce projet de loi auront des répercussions à cet égard. Je sais que leurs représentants viendront témoigner et je suis certaine que c'est ce qu'ils vont nous dire. A-t-on fait quoi que ce soit pour apaiser leurs craintes en ce qui concerne la création de ce système judiciaire? Pouvez-vous peut-être nous expliquer brièvement les motifs du désaccord entre les Dénés et le gouvernement fédéral, entre les Dénés et les Inuit?

• 1045

M. John Merritt: À proximité du Nunavut vivent un certain nombre de peuples autochtones qui ont déjà manifesté certaines inquiétudes quant aux conséquences que la création de cette nouvelle entité politique pourrait avoir pour eux. Dans certaines zones frontalières du Nunavut se sont déroulées des négociations qui ont donné naissance à des ententes frontalières importantes, des ententes sur le chevauchement des compétences. Dans d'autres régions, aucune entente précise n'a été prise. Par conséquent, plusieurs peuples autochtones comme les Dénés des Territoires du Nord-Ouest, les Denesulines du Manitoba et de la Saskatchewan...

Mme Shaughnessy Cohen: Oui, ils nous en ont parlé.

M. John Merritt: Les Cris du Québec ont également manifesté certaines inquiétudes quant aux conséquences de la création de cette nouvelle juridiction.

Dans l'accord de base sur le Nunavut en vertu duquel on s'engageait à créer ce nouveau territoire, il est stipulé que les droits ancestraux et les droits issus de traités des peuples voisins ne seraient pas compromis. J'imagine que le ministère de la Justice dirait que le Nunavut n'a de toute façon pas la capacité légale de compromettre les droits d'un autre peuple autochtone.

La Loi de 1993 sur le Nunavut ne renferme aucune disposition susceptible d'abroger de quelque façon que ce soit les droits des peuples autochtones voisins ou d'y déroger. Le présent projet de loi, qui porte uniquement sur le système judiciaire, ne contient bien entendu aucune disposition de ce genre. Nous estimons par conséquent que les droits des peuples autochtones voisins ne peuvent être lésés.

Mme Shaughnessy Cohen: Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Peter MacKay.

Aviez-vous des questions à poser, monsieur DeVillers?

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Non, merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Un autre représentant du parti ministériel a-t-il des questions à poser?

J'ai une petite question à poser. Je signale qu'à l'heure actuelle, il y a huit juges dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce projet de loi en propose trois. Comment a-t-on opté pour ce nombre de juges pour le Nunavut?

M. Howard Bebbington: Il ne faut pas oublier qu'il y a actuellement des juges de cour supérieure et des juges de cour territoriale. Il y a quatre postes mais trois juges nommés dans les Territoires du Nord-Ouest. Il y a quatre ou cinq juges de cour territoriale. Est-ce que quelqu'un se souvient du nombre exact?

Une voix: Cinq.

M. Howard Bebbington: Cinq.

Pour assurer l'indépendance judiciaire, les juges ne peuvent pas être mutés ou envoyés dans une nouvelle juridiction et par conséquent, il n'y aura aucun changement à cet égard.

Je ne sais trop comment répondre à votre question. Adair peut peut-être m'aider. Si l'on créait une cour à deux paliers pour le Nunavut, il faudrait qu'il y ait des juges de juridiction territoriale et des juges de juridiction supérieure. Par conséquent, nous croyons que le nombre de juges serait supérieur aux trois que nous prévoyons pour le tribunal de première instance à palier unique. Comme je l'ai déjà dit, nous pensons que cette compression, que cette fusion, permettra à ces trois juges, qui peuvent assumer toutes les fonctions, d'être efficaces. Par conséquent, nous pensons que le nombre de juges de cette région diminuerait en fin de compte.

Pour l'instant, nous n'avons bien entendu pas de projets pour les juges actuellement en fonction, c'est-à-dire les trois juges de cour supérieure et les juges de la cour territoriale. Le ministère ou les gouvernements des territoires ne bougeront pas. Ces juges continueront d'exercer leurs fonctions dans cette région. Si certains sont surnuméraires, surtout en ce qui concerne les juges de juridiction supérieure, ils pourront être juges d'office au Nunavut. Les juges de cour supérieure de Yellowknife seront par exemple membres d'office—en vertu de la loi—du tribunal de première instance à palier unique d'Iqaluit. Par conséquent, ces juges pourront donner un coup de main.

Par ailleurs, en vertu des dispositions transitoires du projet de loi C-39 qui a été adopté au cours du printemps et qui ont été légèrement modifiées dans notre projet de loi, les causes en instance relèveront probablement du système des Territoires du Nord-Ouest. Par conséquent, les tribunaux des Territoires du Nord- Ouest aideront à régler cette série de causes en instance et les nouvelles causes seront prises en charge par le système du Nunavut. Je vous ai peut-être donné plus de précisions que vous n'en aviez besoin.

Adair, y a-t-il quelque chose à ajouter au sujet du nombre de juges?

Mme Adair Crosby: Non. Je crois qu'en fin de compte, il y aura deux juges de plus au degré supérieur, du fait même de la création du nouveau territoire. Il faut un certain nombre de juges capables de faire le travail.

Comme l'a signalé Howard, il y a quatre postes à la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, dont trois sont comblés et il est un fait établi que l'on a besoin de la quatrième nomination pour l'Arctique de l'Est. Grâce à ce projet de loi, ce poste sera transféré à la Cour de justice du Nunavut. Par conséquent, il s'agit d'un poste qui aurait été comblé de toute manière à la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest.

• 1050

La création de la cour unifiée nécessite des juges de cour supérieure supplémentaires. Nous avons calculé que, d'après la charge de travail et les indications des habitants du Nord, il faudra probablement un minimum de... Il faudra trois juges pour remplir les fonctions qui auraient été remplies par la cour territoriale dans l'Arctique de l'Est, ainsi que par la cour supérieure. Il n'y aura pas de cour territoriale et par conséquent le nombre total de juges sera inférieur au nombre de juges qui auraient été nécessaires si l'on avait établi une Cour suprême au Nunavut au lieu de cette Cour de justice.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci.

Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: Ma question fait suite à la vôtre, monsieur le président.

J'essaie seulement de me représenter ce que cela donnera dans la pratique. Étant donné qu'une juridiction civile, un tribunal de la famille, un tribunal pour adolescents voire une cour provinciale et une cour supérieure seront peut-être administrés par un seul et même juge, est-il possible qu'un juge se rende dans une localité pour y accomplir toutes ces tâches le même jour? Je suis par ailleurs conscient du fait que le système de cour itinérante est différent.

J'échafaude un scénario bizarre. Supposons que je choisisse d'être jugé par un juge de cour supérieure siégeant seul. S'il vient d'assumer les fonctions de juge de cour provinciale, va-t-il sortir de la salle puis revenir vêtu d'une toge? Annoncera-t-il que c'est la cour supérieure qui siège? Comment cela se passera-t-il dans la pratique? Où se situe la coupure entre la juridiction civile, la cour provinciale et le tribunal de la famille? Où sont les toges pour toutes ces fonctions?

M. Howard Bebbington: C'est extrêmement important. J'apprécie cette question.

Le juge ne siégera pas dans certains cas en qualité de juge de cour supérieure et dans d'autres en qualité de juge de cour provinciale. Il s'agira de fonctions différentes. Dans certains contextes, ce juge sera juge de tribunal pour adolescents. Dans d'autres, il sera juge de tribunal pour adultes.

À part cela, ces juges assumeront les fonctions de juges de la Cour de justice du Nunavut. Ils demanderont le rôle et ils entendront toutes les causes dans un ordre logique et raisonnable.

Dans certains cas où le juge devra prendre des décisions susceptibles de mettre en doute son impartialité dans d'autres causes, il faudrait attendre jusqu'à la tournée suivante. Sinon, ce juge aura une toge qui lui permettra d'entendre toutes les causes. Il ne devra pas changer de chapeau. Ces juges seront en quelque sorte un comptoir unique, si vous voulez bien me pardonner l'expression. Ils pourront entendre toutes les causes.

M. Peter MacKay: Vous comprenez ce qui m'amène à poser cette question. Les règles concernant ces divers paliers sont très codifiées. Je suppose que les juges qui assumeront ces fonctions devront être très compétents et très spécialisés, pour pouvoir s'identifier à chacun de ces rôles.

M. Howard Bebbington: Cela risque bel et bien de modifier radicalement la culture juridique. Je crois que vous avez visé juste. Cette cour devra être différente des autres et avoir une compétence différente.

Karen.

Mme Karen Markham: Tout ce que je voulais ajouter concerne l'article 50, dont j'ai parlé précédemment. Vous avez peut-être remarqué que les dispositions du paragraphe 573(1) proposé essaient de préciser que lorsque le juge de la Cour de justice du Nunavut siège, alors qu'il ou elle remplit toutes les fonctions énumérées dans le Code criminel qui sont normalement assumées par d'autres personnes que des juges de cour supérieure, il ou elle le fait à titre de juge de cour suprême, c'est-à-dire de la Cour de justice du Nunavut. Par conséquent, à l'ouverture et à la fermeture des audiences, on pourra faire la démarcation entre les causes relevant d'un tribunal pour adolescents et celles relevant d'un tribunal de la famille par exemple. Par contre, dans le contexte pénal pour adultes, il s'agit de la Cour de justice du Nunavut.

M. Howard Bebbington: C'est une des questions que j'ai déjà posées. On peut s'imaginer qu'un juge de cour supérieure vienne dans cette région vêtu de la toge et se fasse appeler «votre Seigneurie».

Je crois que ce type de culture devra évoluer avec le temps. Il faudra voir. Cela dépendra des juges. Il faudra des juges qui soient des personnes extraordinaires. Ils devront être très sensibles à ce milieu.

Ce projet de loi risque de modifier non seulement la structure mais aussi la culture judiciaires. Je crois que vous avez parfaitement raison d'en parler. On ne peut pas dire exactement comment cela se passera. Il faudra faire preuve d'intelligence, de souplesse et de bonne volonté.

M. Peter MacKay: C'est déjà le cas à mon avis dans les collectivités rurales, où les juges assument déjà ce rôle. Je peux voir par conséquent que cela prendra beaucoup de temps.

Une toute dernière question dans la même veine. Elle concerne le volume de travail. Existe-t-il des statistiques indiquant quel pourcentage de la charge de travail concerne des causes civiles par rapport aux causes criminelles et quel pourcentage concerne le tribunal pour adolescents par rapport à la cour provinciale et au tribunal de la famille?

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M. Howard Bebbington: Nous avons certains renseignements anecdotiques à ce sujet qui ont été glanés au cours des nombreux entretiens que nous avons eus. Nous avons établi des statistiques mais je dois dire que cela n'a pas été facile. La difficulté la plus flagrante est que les statistiques s'appliquent à l'ensemble des Territoires du Nord-Ouest et qu'il est par conséquent difficile de les ventiler pour pouvoir comparer les chiffres correspondant à l'Arctique de l'Est et ceux correspondant à l'Arctique de l'Ouest. En outre, les divers tribunaux ont des méthodes différentes en ce qui concerne les statistiques et nous avons par conséquent éprouvé de la difficulté à trouver des données précises suffisamment fiables pour vous les communiquer.

Le volume de travail est toujours difficile à évaluer. Je suppose que la création du territoire fera augmenter la charge de travail potentielle, pendant un certain temps du moins. On est notamment porté à croire que cette initiative engendrera à Iqaluit des activités économiques nouvelles et que la cour sera saisie de certains litiges liés à des contrats ou d'autres types de litiges qui n'étaient pas portés devant les tribunaux. C'est toutefois de la supputation pure.

Nous voulons nous assurer que la structure est en mesure de relever les défis auxquels elle sera confrontée. Je répète toutefois que les informations que nous pourrions vous donner quant au pourcentage de causes civiles et de causes criminelles, quant aux infractions passibles de poursuites criminelles et celles passibles de poursuites sommaires, quant au nombre de procès par jury et autres renseignements analogues relèveraient de la supputation. Par conséquent, il est difficile de vous donner des renseignements précis à ce sujet.

M. Peter MacKay: Merci. Je vous félicite pour vos efforts. C'est une entreprise gigantesque. Comme je l'ai dit dans ma première intervention, ce doit être passionnant parce que vous êtes en fait en train d'édifier un nouveau système judiciaire. C'est très intéressant. Merci.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur MacKay.

J'ai une toute dernière question à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre. Vous avez dit que les juges devaient être des personnes ayant des compétences bien particulières. Compte tenu du fait que le Nunavut est un poste éloigné, si je puis m'exprimer ainsi, et que c'est une région bien particulière à cause des distances, des conditions environnementales parfois pénibles ou du climat, pouvez-vous nous dire si le bassin de candidats habilités à occuper ces postes est large?

Mme Adair Crosby: En vertu de la Loi sur les juges, les candidats en question peuvent venir de toutes les régions du pays. Contrairement à ce qui se passe dans les provinces, où il est nécessaire d'être membre du barreau, dans les territoires, le bassin de candidats peut être gigantesque. La personne que la ministre essaiera de trouver devra bien entendu avoir une mentalité bien particulière et être très motivée, elle devra avoir des compétences particulières et avoir une certaine expérience du Nord. La ministre a déclaré qu'elle tient à trouver des candidats capables de répondre aux besoins uniques du Nunavut mais le bassin de recrutement sera illimité.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Nous vous remercions de nous avoir consacré un certain temps et d'avoir répondu à nos questions. Ce fut une discussion aussi intéressante pour nous que pour vous.

M. Howard Bebbington: Merci. Je dois dire que j'espère revenir pour l'étude article par article du projet de loi. Nous participerons probablement à toutes les audiences et si nous pouvons vous aider de quelque façon que ce soit ou répondre à d'autres questions, nous le ferons avec grand plaisir.

Le vice-président (M. John Maloney): Merci, monsieur Bebbington.

La séance est levée.