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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 mars 1998

• 1009

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte.

Nous sommes heureux de vous accueillir de nouveau devant notre comité.

Je m'excuse, madame O'Brien. La séance de notre comité directeur s'est prolongée et je trouvais qu'il nous fallait prendre le temps de nous dégourdir un peu avant de reprendre la séance.

• 1010

Ce matin, nous poursuivons notre examen du projet de loi S-5, Loi modifiant diverses lois, notamment la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées.

Nous recevons ce matin Mme Eileen O'Brien, qui est présidente du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, DAWN. Bienvenue, Eileen. Je sais que vous avez des observations à faire. Nous vous poserons ensuite des questions.

Mme Eileen O'Brien (présidente, Réseau d'action des femmes handicapées du Canada (DAWN)): Bonjour. J'arrive de Vancouver et je n'en reviens pas comme c'est ensoleillé ici. C'est comme si la neige nous éblouissait, et c'est magnifique de venir...

La présidente: Il fait plus doux ici aujourd'hui qu'à Vancouver.

Mme Eileen O'Brien: Oui.

La présidente: Peu de gens le savent, mais c'est habituellement le cas.

Mme Eileen O'Brien: Si vous le dites.

Je tiens à vous remercier de nous avoir invitées à cette séance de votre comité portant sur le projet de loi à l'étude. Nous ne sommes pas ici uniquement parce que vous êtes saisis de ce projet de loi qui modifie la Loi sur les droits de la personne et le Code criminel; ce sont des questions sur lesquelles nous nous penchons depuis longtemps. Vous savez bien sûr que ces questions nous touchent de très près dans nos vies quotidiennes, et j'espère que vous recevrez notre mémoire sous peu. C'est à peu près le même mémoire que nous avons présenté au comité du Sénat, et je me demandais si les gens avaient eu l'occasion de le lire.

Encore une fois, nous avons eu très peu de préavis et l'avocat qui a suivi les audiences n'a pu se libérer, de sorte que vous vous retrouvez avec moi, présidente du Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Je suis présidente de cet organisme depuis les quatre dernières années. Nous avons commencé à participer à tout ce processus juridique, je dirais, pour la première fois dans l'histoire. Je pense que ce qui est le plus important dans cette loi pour nous, c'est sa place dans l'histoire.

L'été dernier nous avons participé à la conférence internationale sur les femmes handicapées et, comme vous le savez bien, le Canada est très respecté et admiré pour son leadership dans le domaine des droits de la personne. Nous en sommes très fiers et nous avons toujours... Je pense que vous le savez sans doute, mais nous ne faisons que commencer à codifier et à définir la façon dont la Loi sur les droits de la personne est interprétée et les mesures à prendre pour lutter contre la discrimination au Canada.

Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada a présenté un mémoire, non pas sur le Code criminel du Canada, mais sur l'obligation de répondre aux besoins des personnes handicapées et la contrainte excessive. Nous avons appuyé la position de l'Association canadienne des centres de vie autonome sur les modifications apportées au Code criminel. Vous avez entendu leurs témoignages et nous appuyons leurs recommandations. Elles semblent être excellentes. Nous n'avons pas eu l'occasion en tant que groupe national d'aborder ces questions. Donc grâce à l'aide du Programme de contestation judiciaire, nous avons approfondi la question de l'obligation d'accommodation.

Un avantage du fait que ce soit moi qui comparaisse devant votre comité, c'est que je peux vous faire l'historique de la situation des femmes handicapées. Sachez que nous sommes un groupe très désavantagé et que nous sommes victimes de discrimination quotidiennement dans ce pays. Vous devez savoir qu'en tant que femmes handicapées, nous travaillons avec le Conseil des Canadiens avec déficiences—et je fais également partie de la direction de ce groupe—, mais en tant que femmes handicapées, je dirais que le fait que nous ayons une voix dans ce domaine est quelque chose de tout à fait nouveau.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences a travaillé d'arrache-pied pour que des modifications soient apportées aux dispositions de la Loi ontarienne sur les droits de la personne relatifs à l'obligation d'accommodation. Le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada a également travaillé avec le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes dans de nombreuses causes judiciaires, et en est arrivé à la position que l'incorporation de l'obligation d'accommodation dans la Loi sur les droits de la personne à ce moment-ci de l'histoire est pour vous un sujet de préoccupation.

• 1015

À mon avis, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes a présenté un très bon argument, et leur mémoire est excellent.

Nous craignons que la question de l'obligation d'accommodation nous mette dans une position d'inégalité; ce n'est pas une égalité véritable. Ce que nous en déduisons—et nous avons eu des réunions pour essayer d'éclaircir tout cela—c'est qu'il ne s'agit pas tout simplement d'égalité. Il faut comprendre que ces questions sont portées devant la Justice et que la justice n'a pas terminé son cheminement pour ce qui est de comprendre en quoi consiste la discrimination. Lorsque nous parlons de discrimination en tant que personnes handicapées, nous, les hommes et les femmes membres du conseil, faisons valoir que nous ne pouvons obtenir que ce que la justice est prête à nous accorder.

Nous allons insister pour obtenir l'obligation d'accommodation en nous fondant sur le principe que nous allons obtenir des avantages pour les personnes handicapées. DAWN du Canada reconnaît que l'obligation de répondre aux besoins des personnes handicapées aura des avantages, mais nous savons que puisqu'au départ nous sommes des gens différents et que ce sont les personnes privilégiées et dont nous sommes victimes de discrimination qui devront assurer l'accommodation, nous n'avons pas vraiment l'égalité.

Je voulais tout simplement souligner que nous sommes en train de discuter de cette question. En octobre, nous rencontrons le Conseil des Canadiens avec déficiences et tous les intervenants dans ce débat. Comme je l'ai dit, nous n'avons entamé ce débat que tout récemment. Nous venons tout juste de nous joindre à ce débat qui se poursuit depuis longtemps sur l'interprétation et l'établissement du Code canadien sur les droits de la personne.

Vous devez comprendre que nous sommes d'avis que l'utilisation de l'obligation d'accommodation pose un problème important. Je ne peux pas présenter l'argument aussi bien que l'a fait le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, mais toutes les personnes, toutes les femmes handicapées à qui nous avons parlé trouveraient horrible que l'accommodation se fasse en fonction de leur race ou de leur sexe. Lorsqu'on dit qu'il y aura accommodation parce que nous sommes différents, il est important de comprendre que ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons avoir l'égalité à part entière.

Nous savons par ailleurs que les membres de votre comité se sont engagés à défendre les droits de la personne et appuient bon nombre des avantages dont profiteront les personnes handicapées. Nous savons par ailleurs qu'en fait, c'est une décision que vous devez prendre et que vous la prendrez sans doute en comprenant bien notre dilemme. Nous n'avons pas de solution claire pour résoudre ce dilemme au sein de la communauté des personnes handicapées, et DAWN du Canada se réjouit que vous proposez de tels changements qui profiteront aux personnes handicapées. Nous craignons cependant qu'à ce moment-ci de l'histoire, l'obligation d'accommodation ainsi définie risque de nous limiter.

En ce qui concerne la question de contrainte excessive en matière de coût de l'obligation de répondre aux besoins des personnes handicapées, nous nous opposons au fait que le coût soit incorporé dans tout cela. Nous le disons clairement dans notre mémoire, mais je voulais vous donner à ce sujet mon point de vue personnel et celui de notre groupe.

Nous savons qu'à l'heure actuelle au Canada il y a un sentiment grandissant de désapprobation des personnes handicapées. Les gens ont de plus en plus de problèmes financiers et c'est un grand danger pour nous. Il y a déjà des syndicats qui administrent leur propre régime de prestations d'invalidité, qui font appel à des sociétés d'assurance au rabais et qui rappellent à l'ordre les tire-au-flanc parmi leurs membres.

• 1020

Le syndicat des enseignants dans notre province—je vis en Colombie-Britannique—demande dans un bulletin à ses propres membres de se surveiller les uns les autres au sujet des pensions d'invalidité afin de réduire les versements de prestations d'invalidité à long terme. Il y a de plus en plus d'associations qui administrent leurs propres fonds de cette façon.

On a de plus en plus l'impression que les personnes handicapées sont un fardeau pour la société et on le constate dans les coupures pratiquées dans les services partout au pays. Nous avons très peur que dans un tel climat toute restriction sur l'obligation d'accommodation fera en sorte que ceux d'entre nous qui demandent justice aux termes de cette loi pourront être concaincus qu'elle aura suffisamment de poids pour être efficace. Nous craignons que les facteurs économiques déterminent jusqu'à quel point ils seront obligés de ne pas faire de discrimination. Nous pensons que c'est une question de volonté politique et que le coût n'est qu'un autre mot pour parler d'inégalité.

J'ai tout simplement mis quelques idées sur papier ici. Avez-vous déjà essayé de calculer le coût d'adapter à vos propres besoins ceux qui n'ont pas été classifiés comme étant différents? Je veux parler ici de la dimension sociale de la déficience. Avez-vous déjà calculé le coût de l'éclairage des milliards de locaux à bureaux comme celui-ci pour des réunions? Imaginez le coût que cela représente. Il suffit de regarder toutes les lumières la nuit à Ottawa. Les aveugles seraient malmenés par une telle loi. S'ils étaient plus nombreux et qu'on les considérait comme étant la norme, le coût que cela représenterait pour répondre à vos besoins de personnes voyantes serait prohibitif.

Prenons ceux d'entre nous qui apportent leur propre fauteuil. J'utilise parfois un fauteuil, mais je ne l'ai pas fait cette fois-ci. Imaginez ce qu'il en coûterait pour répondre à vos besoins de vous fournir l'un de ces fauteuils coûteux dans lequel nous sommes assis à l'heure actuelle—non pas une ou deux fois au cours d'une vie, comme c'est le cas avec les fauteuils roulants, mais partout où vous allez, vous vous attendez à ce que vous puissiez vous asseoir: à l'arrêt d'autobus, dans un théâtre, dans des salles de réunion, à des événements publics, dans les restaurants. Ne vous paraîtrait-il pas bizarre qu'il y ait une loi selon laquelle on jugerait qu'il est trop coûteux de vous fournir quelque chose dont vous avez besoin pour fonctionner, pour participer comme citoyens?

En tant que personnes handicapées, nous ne sommes handicapées que dans la mesure où la société nous considère comme étant différentes. Une personne qui est sourde, une personne qui est aveugle, une personne qui a besoin d'un horaire de travail souple à cause de problèmes de fatigue, n'est pas handicapée si on ne l'empêche pas de participer à la société par des obstacles érigés à cause du manque de volonté politique. Je dirais qu'à mesure que notre société se diversifie, que notre population vieillit, que les blessures liées au travail augmentent, il serait trop coûteux pour nous tous dans notre société de ne pas modifier notre Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'éliminer la contrainte excessive en matière de coûts.

Je songe à une amie qui est employée du gouvernement fédéral ici à Ottawa, et qui occupe un poste de responsabilité au sein du gouvernement. Elle souffre de sclérose en plaques. Son emploi a été immédiatement reclassifié dès qu'elle a pris congé pour aller à l'hôpital. Je suis vraiment inquiète lorsque nous lisons en quoi consiste nos droits de la personne et ce que cela veut dire. Il est très inquiétant de constater que cette obligation... lorsque cela se résume à une question de coûts à la lumière des restrictions financières pour le gouvernement—il est très inquiétant de voir des gens comme cela, les femmes dont on nous parle, qui sont en danger à cause de cet article sur le coût.

Je n'ai plus tellement de choses à dire. Vous connaissez sans doute les statistiques au sujet des personnes handicapées et les désavantages pour nous, particulièrement pour les femmes handicapées. Nous sommes absolument catégoriques: nous voulons le droit de participer en tant que citoyens. Nous craignons que ces articles concernant l'obligation de répondre aux besoins des personnes handicapées et la contrainte excessive en matière de coûts restreignent notre égalité au Canada.

• 1025

Je suis désolée de ne pouvoir répondre vraiment aux questions concernant des détails juridiques, mais je pourrai répondre à certaines questions en me fondant sur notre expérience et le travail que nous avons accompli.

La présidente: Merci, madame O'Brien.

Monsieur Forseth, voulez-vous commencer?

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci.

Vous présentez votre argument de façon très éloquente, mais je pense que vous seriez d'accord avec moi pour admettre que les ressources financières sont limitées à un moment donné. J'aimerais que vous nous disiez jusqu'où nous devrions aller, ou jusqu'où nous pouvons aller, sur la question des coûts. Je suppose que vous voulez que toute mention des coûts soit entièrement éliminée du projet de loi, alors où établiriez-vous la limite? Qu'est-ce que nous devons faire?

Je pense que vous devez reconnaître également que les municipalités sont en train de changer considérablement les codes du bâtiment et que de nos jours les immeubles sont conçus de façon assez très différente de ce qu'ils étaient il y a seulement 10 ou 15 ans. On continue à faire des pressions pour que les immeubles soient conçus de façon à répondre aux besoins des personnes ayant des besoins différents.

Vous pourriez peut-être nous parler un peu de ce qu'on fait dans ce domaine et de la modernisation des immeubles à cet égard. Il est particulièrement difficile de moderniser de vieux immeubles historiques puisqu'il faut maintenir leur intégrité historique, mais même sur la colline du Parlement, on a fait de nombreux efforts pour moderniser et répondre aux besoins des personnes handicapées.

Vous pouvez peut-être nous parler de ces deux questions. Naturellement, à un moment donné, on est limité par le coût. Vous avez parlé également de changements au sein de la société de sorte que les immeubles et la façon dont nous voyons certaines choses... Ce n'est pas seulement une question technique; c'est plutôt une question d'attitude de la part de la société. Vous pouvez peut-être nous parler de ces deux questions.

Mme Eileen O'Brien: On tient compte des coûts dans presque toute décision. L'inclure dans la loi est une grosse erreur. Cela affaiblit tout espoir que peut entretenir une personne handicapée d'avoir du succès dans une cause, et cela crée une certaine confusion pour ce qui est de savoir si la loi pourra ou non être appliquée.

Lorsque vous dites qu'on est en train d'adapter les nouveaux immeubles, cela est directement lié à l'attitude. On construit toujours des immeubles sans que nous soyons consultés, sans que les gens soient consultés. On a beaucoup consulté lors de la construction de l'aéroport à Vancouver, il y a toujours des problèmes, mais c'est un bon exemple d'une attitude efficace et d'une véritable intention de faire en sorte qu'il soit accessible.

Ce que nous voulons du gouvernement fédéral, c'est une véritable déclaration d'égalité. Voilà ce que nous voulons. Nous craignons qu'en incorporant ce libellé et ces conditions, cela affaiblisse la déclaration, particulièrement lorsque nous savons que ceux qui font de la discrimination le font comme ils le feraient à l'égard d'immigrants ou autres; les gens ne sont pas à l'aise de ne pas discriminer.

Il faut avoir un incitatif. Il faut pouvoir dire: «C'est notre valeur en tant que gouvernement fédéral. Voilà ce à quoi nous nous attendons.» Et, naturellement, lorsqu'un jugement est rendu ou compris, il devrait y avoir le même caractère raisonnable qui y est rattaché. Par exemple, on ne va pas s'attendre à ce qu'un immeuble ne puisse être adapté, ou il devrait y avoir un délai, ou quelque chose.

Le fait de dire que nous pouvons avoir l'égalité mais que c'est une question de coût est tout à fait différent de dire que nous avons l'égalité. Comprenez-vous? C'est quelque chose de différent. Nous ne disons pas qu'il faut être radical. Nous parlons du gouvernement fédéral et des sociétés qui relèvent du gouvernement fédéral... Nous ne voulons pas qu'une femme qui a la sclérose en plaques soit congédiée parce que son emploi a été reclassifié. Nous voulons une déclaration à l'effet que, à mesure que nous vieillissons ou que nous changeons, l'attitude du gouvernement fédéral sera telle que nous aurons les mêmes droits que tous les autres.

• 1030

Les gens qui font de la discrimination contre les personnes handicapées, qui construisent de nouveaux immeubles qui ne sont pas accessibles, qui sont des employeurs et qui ne veulent pas avoir d'employés handicapés, sont les mêmes qui, par le passé, ne voulaient pas embaucher des gens de couleur parce que leurs clients étaient surtout des blancs. C'est la même chose: la discrimination dont nous sommes victimes n'est pas une question de coût; c'est une question d'attitude. C'est le principe sous-jacent à la question et je dirais, étant donné l'historique des droits de la personne, que si le coût avait été un problème pour ce qui est de l'intégration dans les écoles dans le Sud, cela ne se serait jamais fait, ou cela se serait fait très différemment d'un État à l'autre et d'une ville à l'autre.

Je sais que cela n'est pas tout à fait pertinent, mais le transport en commun à Toronto ou à Montréal est tout à fait horrifiant. Il ne semble pas... En fait, il y a très peu d'incitatif pour que cela change. Dans les réseaux de métro à l'heure actuelle, il y a des personnes handicapées qui utilisent leur fauteuil tricycle, qui descendent avec leur fauteuil tricycle dans les escaliers roulants, et il n'y a absolument aucun plan pour changer la situation.

On a mis fin aux subventions pour les taxis adaptés. Il n'y a plus de subvention de 5 000 $ du gouvernement fédéral pour les taxis. Les choses changent, eh oui, elles changent en raison des coûts.

Pour ce qui est de l'attitude, si le principe est là, alors avec le temps nous voulons tous une société qui inclut la diversité. C'est une chose merveilleuse. Ce n'est pas une question de dépenses; il s'agit de décider quel genre de société nous voulons. Nous ne disons pas qu'il faut immédiatement investir des tonnes d'argent; nous parlons d'éliminer la discrimination.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

M. Paul Forseth: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Forseth.

Madame.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci d'être là et de trouver que la neige est belle.

J'ai lu votre mémoire et j'aimerais vous parler de votre vision de la composition du Tribunal des droits de la personne. À la lecture, j'ai le sentiment que vous mettez de l'avant des quotas. J'avoue que j'ai personnellement un petit peu de misère avec les quotas. Alors, je vous demanderais de bien vouloir m'expliquer les raisons qui militent en faveur du modèle que vous suggérez, en tenant compte du fait que ce tribunal ne recevra pas que les plaintes de personnes handicapées. Il va y avoir d'autres personnes qui vont se présenter devant cette cour.

[Traduction]

Mme Eileen O'Brien: Lorsque je lis cela, il semble que ce soit la façon de procéder pour obtenir de l'aide du gouvernement pour un projet. Nous demandons toujours plus que ce que nous obtenons.

Ce que nous savons, c'est qu'on nous tient à l'écart, et nous savons que souvent, ces tribunaux n'ont pas le point de vue des femmes, qu'ils n'ont pas le point de vue des femmes handicapées.

Je dirais que ce n'est pas du tout rigide. Ce que nous voulons, c'est la participation. Nous voulons être représentés afin que nos membres soient appuyés et que les gens comprennent nos problèmes. En voulant être ce 50 p. 100, nous voulons nous assurer d'avoir voix au chapitre. C'est tout.

• 1035

La présidente: Merci.

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib): On demande constamment au gouvernement de faire une analyse comparative entre les sexes pour les projets de loi. Voilà maintenant quelques semaines que nous vivons et que nous travaillons avec ce projet de loi, et je serais très intéressé de savoir si vous considérez que ce projet de loi est particulièrement discriminatoire à l'égard des femmes.

Mme Eileen O'Brien: Je ne m'y connais vraiment pas très bien en statistiques. C'est pour cette raison que j'aimerais bien que l'avocat soit ici.

Je peux vous obtenir une réponse à cette question.

En ce qui concerne ce qui est discriminatoire, les emplois qu'occupent les femmes sont des emplois qui peuvent facilement disparaître. Bon nombre des emplois qu'occupent des femmes au sein de la fonction publique fédérale ne sont pas des postes de pouvoir. Ces types d'emplois que la plupart des femmes occupent sont donc moins protégés.

Nous savons que s'il sera coûteux de procéder aux adaptations nécessaires pour une personne handicapée, il est beaucoup plus raisonnable de le faire dans le cas d'une personne qui est en mesure d'exercer sa pensée critique et de faire bouger les choses.

Si vous deveniez handicapé, il ne serait sans doute pas trop coûteux... Ils feraient beaucoup de choses pour s'assurer que vous pouvez participer. Si vous aviez besoin de matériel spécialisé, d'heures flexibles ou autres...

On n'accorde pas la même valeur au travail des femmes. Souvent, on ne forme pas les femmes pour qu'elles occupent des postes de pouvoir, de sorte que lorsqu'elles deviennent handicapées, très souvent il est facile de se passer d'elles.

M. John McKay: Le problème dont vous parlez est en fait davantage attribuable à l'attitude de la société qu'à un aspect particulier de ce projet de loi.

Mme Eileen O'Brien: Je pense qu'un projet de loi qui inclut les coûts dans...

M. John McKay: Vos commentaires au sujet du coût et de la contrainte excessive s'appliqueraient. Je me demande si cela s'appliquerait de la même façon si c'était un homme plutôt qu'une femme qui souffrait de la sclérose en plaques, un homme plutôt qu'une femme qui était dans un fauteuil roulant.

Mme Eileen O'Brien: Je dirais qu'il est certain que les femmes souffriront davantage en raison de cet article, surtout pour les raisons que je vous ai données.

Oui, les hommes handicapés également... mais d'après moi, les femmes sont encore plus désavantagées en raison de leur sexe.

M. John McKay: Vous donnez des statistiques à la page 3 de votre document. Elles sont tirées des résultats de l'enquête sur la santé et les limitations d'activités, et vous décrivez toutes sortes de pourcentages. Essentiellement, vous dites que les femmes gagnent moins que les hommes.

Dans la société canadienne, je crois que le revenu des femmes est passé d'environ 58 p. 100 à environ 73 p. 100 de celui des hommes.

Mme Eileen O'Brien: C'était aux nouvelles hier soir.

M. John McKay: Oui, c'est exact.

Ce pourcentage est-il différent pour les personnes handicapées?

Mme Eileen O'Brien: Je ne pense pas que nous le sachions. Les statistiques sur les personnes handicapées proviennent de l'enquête sur la santé et, pour autant que je le sache, nous n'avons pas eu de statistiques récentes sur l'emploi. Je ne sais pas quelle est la réponse sur le plan des statistiques, mais nous savons certainement que les femmes handicapées ont beaucoup de problème à trouver de l'emploi.

• 1040

M. John McKay: Il est certain que lorsqu'on a un désavantage qui vient s'ajouter à un autre, cela amplifie le problème. J'étais tout simplement curieux de savoir...

Mme Eileen O'Brien: Il faudra que je vous obtienne cette information. Comme je l'ai dit, ma connaissance du sujet est limitée, et je ne connais pas très bien les dernières statistiques.

M. John McKay: Merci.

La présidente: Merci. Y a-t-il d'autres questions?

M. Telegdi est toujours au poste.

M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, madame la présidente.

Les gouvernements qui essaient d'équilibrer leur budget cessent d'assurer certains services. Je sais que l'Ontario ne s'occupe plus de logement à but non lucratif et que le gouvernement fédéral se retire lui aussi de ce secteur.

Lorsque j'étais en politique municipale, je me souviens d'une femme handicapée qui était vraiment partie en croisade pour obtenir des logements accessibles, en particulier des coopératives. Un certain nombre de coopératives dont elle s'est occupée, en particulier Shamerock Cooperatives, se sont beaucoup dépensées pour que les nouvelles coopératives, ou certaines parties d'entre elles, soient accessibles de manière à permettre aux gens de sortir des établissements et de vivre en société, de façon autonome.

Pour moi, c'est un exemple. Je pense aussi aux compressions des budgets pour le transport des handicapés. Est-ce que votre groupe suit ce dossier? En savez-vous quelque chose?

Mme Eileen O'Brien: Nous avons fait une étude pour Condition féminine sur les effets du transfert social canadien sur les services offerts aux handicapées. Il n'y a pas de normes, si bien que la situation varie d'une province à l'autre, mais nous trouvons terrifiant de perdre nos logements coopératifs.

D'après ce que nous savons, les femmes, à cause des coupures, qu'il s'agisse des budgets pour des prothèses auditives ou pour le sida, dans tous les domaines de leur vie, se retrouvent délaissées tant par les autorités municipales que provinciales.

À ma connaissance, le logement n'est pas censé être épargné. On est en train d'équilibrer les budgets partout. Comme vous le savez, ceux qui souffrent de schizophrénie ou de troubles psychiatriques ont beaucoup de mal à se loger et à trouver de l'argent pour se loger et vont grossir les rangs des sans abri. Cela fait peur.

Je ne sais pas quoi dire sauf que c'est ce que je constate dans ma vie. Nous avons organisé des groupes de consultation partout au pays et les protestations sont vives de la part de ceux qui voient leurs services réduits.

Vouliez-vous des renseignements plus précis?

M. Andrew Telegdi: Oui, j'aimerais savoir de quelle information vous disposez sur la question.

Mme Eileen O'Brien: Sur le logement?

M. Andrew Telegdi: Le logement, les transports et le service en général.

Mme Eileen O'Brien: Notre mémoire a été retenu pendant un an et demi par Condition féminine. On est sur le point d'invoquer la Loi sur l'accès à l'information pour le ravoir. Mais oui, le Conseil des Canadiens avec déficiences recueille de l'information là-dessus. Je vous le ferai savoir.

• 1045

M. Andrew Telegdi: Très bien, merci.

La présidente: Merci. J'aimerais savoir: vous avez dit vouloir déposer une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information à Condition féminine. Pourquoi?

Mme Eileen O'Brien: Lorsque nous faisons du travail à contrat pour eux, ils deviennent propriétaires du travail. S'ils n'approuvent pas la publication des résultats, cela reste indéfiniment sur les tablettes. Nous avons fait tous ces travaux de recherche et nous ne pouvons pas les ravoir. Cela fait un an.

Le président: Vous n'en avez pas gardé de copies?

Mme Eileen O'Brien: Oh, oui, bien sûr, mais nous ne pouvons pas le distribuer ou le publier.

La présidente: Je vois.

Mme Eileen O'Brien: Nous ne pouvons pas vous le montrer. C'est cela le problème.

La présidente: Vous êtes-vous adressée directement au ministre?

Mme Eileen O'Brien: Non, mais nous travaillons avec eux. Nous allons le ravoir et nous allons le distribuer. Les gens doivent savoir ce qu'il y a là-dedans.

La présidente: Merci.

Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Ma question sera brève et j'espère que la réponse le sera aussi.

J'ai examiné la modification au Code criminel. Pour les personnes souffrant de déficiences physiques ou mentales, la disposition crée une sorte de bulle protectrice autour de la personne handicapée dans ses rapports avec ceux dont elles sont dépendantes ou avec qui elles sont en situation de confiance ou en rapport d'autorité.

Ce genre d'infraction, qui interdit à quelqu'un d'inviter, d'engager ou d'inciter la personne handicapée à avoir un contact sexuel, enfreint la liberté d'expression des citoyens handicapés et non handicapés. Il faut donc une bonne justification pour intenter à ces droits.

Vous qui connaissez sans doute la situation pensez-vous que le problème visé par la modification est suffisamment grave pour limiter la liberté d'expression? Je n'ai pas vu beaucoup d'indications à cet effet. Quelle est l'ampleur du problème de personnes en situation d'autorité ou de confiance qui incitent une personne handicapée à avoir des contacts sexuels?

Mme Eileen O'Brien: Nous n'avons pas reçu de fonds et nous ne pouvons pas commenter cet aspect du projet de loi et nous ne l'avons donc pas fait. Nous en avons discuté avec l'Association canadienne des centres de vie autonome. Son mémoire—l'avez-vous lu? Oui.

Comme femmes handicapées, nous savons que les agressions sexuelles par les personnes en situation de confiance sont nombreuses. C'est ce que les femmes me disent. Nous donnons des conseils aux femmes. Nous avons fait des vidéos pour aider les femmes à le déclarer. Nous avons travaillé avec l'Institut de la justice à Vancouver. Le Réseau d'action des femmes handicapées de l'Ontario a travaillé sur la question de l'agression sexuelle des femmes en situation de dépendance. Nous savons que ça se produit, mais je ne sais pas ce que je pourrais faire pour vous aider, parce que nous n'avons pas examiné cette disposition-là. Je le regrette.

• 1050

M. Derek Lee: Je vais reformuler la question en termes plus concrets.

Vous-même êtes handicapée.

Mme Eileen O'Brien: Oui.

M. Derek Lee: Sans parler de votre situation personnelle, j'imagine que si vous étiez mariée ou si vous aviez un partenaire, si vous dépendiez de cette personne en situation de confiance—c'est le cas dans la plupart des relations—cet article pourrait créer une distance entre vous et elle, en termes de liberté d'expression, pour pouvoir communiquer, parce que la disposition n'exclut pas les relations normales. Cela dit seulement, «toute personne qui est en situation d'autorité ou de confiance» qui, invite, engage ou incite...

Vous qui avez une déficience, admettez-vous que cette disposition pourrait créer une distance de nature juridique dans les relations de couple? Pensez-vous que cette bulle protectrice autour des personnes ayant une déficience physique ou mentale est justifiée par l'ampleur des problèmes d'exploitation?

Mme Eileen O'Brien: Tout ce que je peux dire, c'est que je n'en sais pas assez à propos de ce que vous me demandez. J'aimerais bien que ce soit autrement. Comme je l'ai dit, on s'est occupé de ce qu'on pouvait faire avec le peu de temps, d'argent et de consultation qu'on avait. On n'a pas discuté de cela et je regrette que ça vous inquiète et que nous ne puissions pas nous prononcer là-dessus.

Il faudrait que je fasse un peu de travail et que je recommunique avec vous. Dans nos appels conférence avec le CCD et ACCVA, nous n'en avons pas parlé et ça m'inquiète. Parfois j'ai l'impression que ces projets de loi combinent... Nous ne sommes pas des juristes. Tant que nous ne demanderons pas à des avocats ce que cela signifie exactement...

Si vous pouviez me donner votre carte, je pourrais essayer de réfléchir à la question. Dites-moi aussi pour quand vous avez besoin de la réponse. Hier, n'est-ce pas?

M. Derek Lee: Il est évident qu'il y a des délais.

Mme Eileen O'Brien: Nous allons essayer de vous obtenir quelque chose.

M. Derek Lee: Si la réponse contient des informations fracassantes, les autres membres du comité voudront sans doute la recevoir aussi. Merci.

La présidente: Merci, Derek. Merci beaucoup, chers collègues.

Merci, madame O'Brien. Nous sommes très heureux que vous ayez comparu devant le comité.

Mme Eileen O'Brien: Je voulais seulement avoir la chance de vous parler. Je n'ai pas souvent l'occasion de vous voir tous.

La présidente: Dites ce que vous voulez.

Mme Eileen O'Brien: Pour la première fois en dix ans, nous espérons recevoir des fonds de Développement des ressources humaines et peut-être qu'avec les changements apportés au financement accordé par Condition féminine, nous aurons des employés rémunérés pour la première fois. Nous avons travaillé très dur sur le volontariat... sauf pour le financement des projets. Ça veut dire qu'une partie de ce que nous faisons portera sur ces problèmes, de manière à contribuer davantage à vos discussions.

Je vous remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos travaux. C'est une grosse décision et c'est un moment important de l'histoire.

La présidente: Merci beaucoup.

La séance sera suspendue quelques instants, le temps que les témoins suivants se préparent: le Congrès du travail du Canada.

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• 1112

La présidente: La séance reprend. Nous recevons maintenant quelqu'un dont personne n'a jamais entendu parler, Nancy Riche, vice-présidente exécutive du Congrès du travail du Canada, accompagnée de Davis Onyalo, représentant national. L'objet de la rencontre d'aujourd'hui est d'accaparer Mme Riche pour qu'elle n'aille pas en Nouvelle-Écosse.

Mme Nancy Riche (vice-présidente exécutive, Congrès du travail du Canada): Le mal est fait. Je ne viens pas de la Nouvelle-Écosse. De fait, je suis une femme de la campagne. J'aurais sans doute pu voter. J'ai contribué suffisamment de fonds à la campagne. Je devrais pouvoir voter.

Je peux faire autant de dons personnels que je veux. Nous ne parlerons pas des sommes que le CTC ou les autres syndicats ont versées. C'est une autre paire de manches.

La présidente: Je sais, et vous aurez un trou de mémoire.

Nous savons que vous avez des commentaires à faire à propos du projet de loi et nous sommes très heureux de vous accueillir. Il y aura quelques questions après votre exposé. Si vous voulez bien commencer.

Mme Nancy Riche: Merci. Je vais lire tout le document.

Au sujet de l'évolution du Congrès du travail du Canada, je veux mentionner que David Onyalo, actuellement représentant national au service des femmes et des droits de la personne, deviendra sans doute prochainement le directeur national du service de lutte contre le racisme et des droits de la personne, bien que ce soit difficile à dire tant que les nominations ne sont pas confirmées. Cela montre l'évolution de l'action du mouvement syndical, qui essaie de travailler avec divers groupes et de faire face à la diversité en milieu de travail. Nous sommes très fiers de cette décision récente.

Je vais lire tout le document parce qu'il est très court et que nous ne commentons pas la totalité du projet de loi. Nous pourrons donc ensuite parler des questions qui nous touchent de plus près pendant les échanges.

Au nom des 2,4 millions de syndiqués et des membres de leur famille, le Congrès du travail du Canada se réjouit de l'occasion qui lui est donnée de commenter le projet de loi S-5 devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Comme vous le savez, cette année nous célébrons le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU. Cette convention internationale devrait rappeler au Canada, comme signataire et défenseur des droits de la personne, la vaste portée de ces droits, qui comprennent les droits sociaux, économiques et politiques.

Les droits des Canadiens sont menacés par le chômage élevé, l'absence d'accès universel aux soins de la santé, au logement, à l'enseignement et à la formation au pays. De par son action en faveur des droits à l'égalité et nos interventions publiques sur les dossiers de politique économique et sociale, le CTC apparaît comme un défenseur vigoureux des droits des femmes, des gens de couleur, des lesbiennes, des gais, des personnes handicapées, des Autochtones—de fait, de tous les groupes qui aspirent à l'égalité. De concert avec nos partenaires sociaux et nos alliés dans les milieux que nous représentons, nous combattons en faveur de politiques progressistes en matière de droits syndicaux, de droits des travailleurs, d'équité salariale, d'équité en matière d'emploi et d'immigration de manière à favoriser les droits de tous les citoyens, y compris les nouveaux venus au pays.

• 1115

Vu notre attachement au droit à l'égalité, notre histoire a été jalonnée de luttes contre le sexisme, le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie, le capacitisme et toutes les formes de sectarisme et de discrimination. Dans nos efforts quotidiens de lutte pour les droits de la personne, la direction et le personnel du CTC collaborent étroitement avec les comités permanents des femmes et des droits de la personne du CTC, les groupes consultatifs en matière d'équité salariale et d'équité en matière d'emploi ainsi que les groupes de travail des minorités visibles, des peuples autochtones, des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des personnes handicapées.

L'exposé comporte deux parties. Nous parlons d'abord des changements généraux qui surviennent dans nos communautés et de la nécessité de disposer de lois sur les droits de la personne applicables à la réalité de ceux qui luttent pour les droits individuels et collectifs. Nous commenterons ensuite certains points du projet de loi S-5, en particulier l'obligation de répondre aux besoins des personnes handicapées, la multiplicité des motifs de discrimination et les modifications corrélatives.

En cette année de célébration du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il y a lieu de se rappeler que ces discussions se tiennent au moment où évolue la notion de droits individuels et collectifs. Par exemple, la droite est en train d'attaquer les lois progressistes en matière d'équité salariale et l'équité en matière d'emploi. Son message, c'est que l'équité salariale et l'équité en matière d'emploi sont un facteur d'exclusion et non d'égalité, qui encourage les quotas, les traitements de faveur et qui porte atteinte aux droits individuels.

Lassées de tant d'années de discrimination salariale au travail, les femmes ont combattu pour obtenir des lois sur l'équité salariale pour faire tomber les obstacles systémiques auxquels elles font face chaque jour. La lutte pour mettre fin à la discrimination salariale continue aujourd'hui. La décision rendue la semaine dernière dans l'affaire d'équité salariale opposant Bell Canada et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP) est une attaque contre les droits de la personne. Cette décision ne fait progresser en rien l'égalité des droits des femmes et compromet plutôt les droits de représentation et les droits collectifs des syndicats.

Tous les membres des groupes aspirant à l'égalité, y compris les populations autochtones, les personnes de couleur, les femmes, les personnes handicapées, les lesbiennes et les gais sont au coeur d'une lutte pour mettre fin à la discrimination en milieu de travail grâce aux dispositions et aux lois d'équité en matière d'emploi. Ils doivent affronter la puissance de la droite qui a réussi à faire abroger la Loi ontarienne sur l'équité en matière d'emploi.

Exaspérée par les lois actuelles en matière de droit de la personne, la communauté gaie a dû s'adresser aux tribunaux pour faire progresser les droits à l'égalité des lesbiennes et des gais. L'inclusion de l'orientation sexuelle dans les lois sur les droits de la personne, les avantages sociaux pour les couples de même sexe et l'accès sur un pied d'égalité aux avantages sociaux pour les lesbiennes, les gais et leur famille sont des questions capitales qui ne sont pas toutes couvertes par les lois relatives aux droits de la personne du pays.

Les membres des groupes aspirant à l'égalité sont lassés du peu de progrès dans la lutte contre la discrimination par suite de leurs plaintes. Il suffit de voir l'arriéré de travail de la plupart des commissions des droits de la personne au pays. Pour éliminer la discrimination systémique à laquelle sont assujettis les groupes marginalisés, nous réclamons des programmes de droit de la personne qui offrent des redressements systémiques. Nous ne jouissons pas de droits de la personne si la voix des groupes aspirant à l'égalité est étouffée ou marginalisée.

Le CTC est également ici aujourd'hui parce qu'il déplore que les groupes communautaires progressistes soient de plus en plus muselés faute de financement. Il suffit de voir le nombre d'organisations communautaires à but non lucratif qui n'ont pas de moyens financiers pour consulter leurs membres et présenter au gouvernement des mémoires étayés par l'appui de la communauté et de l'information solide.

Sur les questions qui nous intéressent plus particulièrement, nous trouvons encourageant de voir que le gouvernement a apporté des modifications à la loi dans le but d'améliorer la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il y a plus de 10 ans que nous attendons des modifications globales et en profondeur à la loi et à son application.

En ce qui concerne le projet de loi S-5, nous nous prononcerons sur les modifications visant la Loi canadienne sur les droits de la personne et non sur la Loi sur la preuve au Canada ou le Code criminel. Plus précisément, nous parlerons de l'obligation d'accommodation, la multiplicité des motifs de discrimination et les modifications corrélatives.

S'agissant de l'obligation de répondre aux besoins, nous savons que les tribunaux ont imposé des contraintes aux employeurs et aux syndicats dans la décision Alberta Central Dairy, Gohm and Renaud. Nous savons aussi que le paysage juridique sur l'obligation d'accommodation est complexe et en évolution constante. Par exemple, je suis intervenu avec les syndicats en faveur de Renaud avant d'intervenir à la Cour suprême pour l'autre partie. Voilà qui montre combien la situation est complexe.

Nous sommes aussi au courant des discussions qui ont lieu au sein du mouvement syndical et avec nos partenaires sociaux concernant les avantages et les inconvénients de redressements personnels et systémiques en matière d'accès au travail, au logement, aux études et aux services publics.

• 1120

Le CTC et le mouvement syndical canadien ont longtemps travaillé vigoureusement dans les dossiers relatifs à l'obligation d'accommodation et à la contrainte excessive. Nous avons une politique et des lignes directrices sur le sujet. De plus, divers syndicats affiliés et fédérations du travail ont préparé des trousses d'information et organisé des cours pour aider les syndiqués à comprendre les responsabilités juridiques et celles du syndicat en la matière.

Même si nous soutenons l'obligation d'accommodation, les droits à l'égalité et les redressements systémiques, nous ne renonçons pas pour autant à notre responsabilité de représenter tous les syndiqués et de défendre les conventions collectives. Nous demandons que le syndicat et les représentants de l'employeur négocient des accords particuliers au cadre de travail dans les cas où l'obligation d'accommodation influe sur la convention collective. Nous estimons que de cette façon nous pouvons promouvoir l'égalité des droits tout en protégeant les principes de base du syndicalisme que sont les droits collectifs, la responsabilité collective et la représentation syndicale.

Nous sommes heureux que la loi prévoit la multiplicité des motifs. C'est reconnaître que beaucoup de gens font face à un ensemble d'actes discriminatoires fondés sur le sexe, la race, la déficience, la religion et l'orientation sexuelle. C'est pour nous un pas important en vue de reconnaître le fait que notre communauté est diversifiée et que l'oppression et le sectarisme dans notre société touchent une proportion plus grande de la population.

Lorsque vous examinerez les modifications corrélatives du projet de loi S-5, nous vous invitons à revoir à la même occasion les modifications corrélatives apportées dans le projet de loi C-64, qui modifiaient les lois fédérales relatives à l'équité en matière d'emploi. Ces modifications portaient sur les articles 53 et 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui précisent le pouvoir du tribunal des droits de la personne nommé pour entendre les questions visées par cette loi.

Nous nous sommes opposés aux modifications corrélatives lors de notre comparution devant le Comité permanent des droits de la personne et de la situation des personnes handicapées, le comité de la Chambre qui a examiné le projet de loi C-64. Nous estimons que la discrimination systémique appelle des solutions systémiques comme l'équité en matière d'emploi, position entérinée par la Cour suprême et les tribunaux, y compris dans la décision sur Santé Canada.

Les modifications corrélatives que comportait le projet de loi C-64 limitent le pouvoir du tribunal d'ordonner des redressements systémiques. Les tribunaux des droits de la personne et la Cour suprême ont par le passé reconnu que la discrimination systémique au travail exige des redressements systémiques pour que le milieu de travail soit plus accessible aux membres des groupes aspirant à l'égalité.

Le plus connu de ces cas est celui du CN contre Action travail des femmes, qui a ordonné au CN de mettre en oeuvre un programme de redressement social assorti de mesures spéciales destinées à éliminer les obstacles auxquels font face les femmes chez cet employeur.

Pour conclure, nous aimerions que le gouvernement, d'ici à la fin de l'année, présente un examen exhaustif du texte, du règlement et des lignes directrices de la Loi canadienne sur le droits de la personne. Devraient être examinées toutes les lois relatives aux droits de la personne et à l'égalité pour que celles-ci soient à l'image de l'évolution de la situation au pays et à l'étranger.

L'examen devrait comprendre des consultations à la grandeur du territoire et de dates butoir. Il est indispensable que le comité chargé de l'examen se rende dans toutes les régions du pays pour rencontrer les organisations syndicales et communautaires si l'on veut que la consultation soit utile et efficace. L'État devra en profiter pour voir comment il pourrait améliorer la participation des membres des groupes aspirant à l'égalité à toutes les étapes du processus politique.

Nous demandons donc au gouvernement de s'engager immédiatement d'inclure un nombre important d'organisations syndicales et communautaires représentant les groupes aspirant à l'égalité à toutes les consultations futures du comité du Sénat et de la Chambre. Comme vous le savez, la participation de la population à l'élaboration des grandes orientations nationales est la pierre angulaire de la démocratie, laquelle souffre d'érosion ces dernières années.

Au moment où nous célébrons le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il faut faire tout en notre pouvoir pour faire progresser les droits sociaux, économiques et politiques et les droits à l'égalité, qui font partie des droits de la personne de tous.

Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Forseth, avez-vous des questions?

M. Paul Forseth: En ce qui concerne le projet de loi lui-même, pourriez-vous dire exactement à quel article vous voudriez voir porter des modifications et nous dire si vous avez un libellé à nous recommander. Si j'ai bien compris, il s'agissait de redressements systémiques. Pourriez-vous nous donner plus de précisions?

• 1125

Mme Nancy Riche: Je n'aborde pas la question sous cet angle. Nous n'avons pas fait d'étude article par article. Laissez-moi répéter certaines choses.

En ce qui concerne la nécessité de répondre aux besoins, par exemple, nous pourrions nous accommoder du caractère raisonnable par opposition à des critères fixes. Nous savons que c'est parfois risqué, mais comme l'obligation d'accommodation est une responsabilité conjointe, cela se défend de laisser les choses telles quelles.

Si l'on va à l'autre extrême et si l'on regarde ce que certains employeurs demandent, nous serions tout à fait contre. Nous n'allons pas commenter les propos de certains témoins, mais nous en avons pris connaissance. Nous serions donc très satisfaits de ceci.

En ce qui concerne les motifs multiples de discrimination, ceux dont on a parlé, nous avons dit que ça allait.

Pour ce qui est des modifications corrélatives, nous vous renvoyons à ce que nous avons fait à propos du projet de loi C-64. Lorsqu'un tribunal administratif ordonne de corriger un problème donné, il n'y a pas de recours si sa décision reste lettre morte. Nous voudrions voir un changement pour que quelque chose soit fait si l'employeur refuse d'obtempérer.

Je vais laisser David vous parler des redressements systémiques. Lorsque nous avons adopté la Charte des droits, beaucoup d'esprits progressistes étaient contre parce qu'elle est fondée sur les droits individuels alors que nous du mouvement syndical accordons plus de crédit aux droits collectifs, à nos membres et à la communauté. Toutefois, elle a été adoptée, et maintenant nos plaintes et nos redressements sont en majorité de nature individuelle.

Comme on l'a fait pour l'équité en matière d'emploi et comme nous tâchons vigoureusement de le faire dans le cas de l'équité salariale, mais sans succès semble-t-il actuellement devant les tribunaux, nous aimerions rassembler un ensemble de renseignements sur un groupe relativement bien défini qui a souffert de discrimination imposée par le système. Je pourrais parler longuement de la situation des femmes, et je suis certaine que vous savez déjà ce quÂil en est à propos des postes qu'elles occupent, de la valeur de leur travail, etc.

Ce que nous disons, c'est qu'il faut inscrire un redressement collectif quelque part dans la Loi sur les droits de la personne. Lorsque tout un groupe défini ou toute une classe de gens s'est trouvé en butte contre la discrimination, comment redresse-t-on la situation de tout le groupe? Nous n'avons pas proposé d'amendement précis.

Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose, David.

M. David Onyalo (représentant national, Congrès du travail du Canada): Oui j'ai quelques autres choses à dire.

Il y a une raison pour laquelle le Congrès du travail du Canada voudrait élargir le débat. Le contexte dans lequel vous examinez les amendements à l'obligation de répondre aux besoins et à la multiplicité des motifs, c'est l'évolution de la discussion dans la société concernant l'évolution de ce que l'on entend par droits individuels et droits collectifs. Je ne sais pas quel est votre parti, mais si vous examinez le débat qui se déroule au sujet de l'équité en matière d'emploi, par exemple, cela se ramène en fait à la question de savoir si l'équité en matière d'emploi et l'équité salariale portent atteinte aux droits individuels.

Il m'apparaît important, en cette année où nous célébrons le 50e anniversaire de la Déclaration des droits de la personne, de ne pas se limiter aux quelques articles que vous avez entrepris d'examiner. Le CTC juge extrêmement important que toutes les discussions se tiennent dans le contexte de l'évolution des luttes qui se font actuellement au sein de la société.

Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, ce n'est pas par coïncidence que les communautés gaies et lesbiennes ont dû recourir aux tribunaux pour faire modifier les lois sur les droits de la personne. Ce n'est pas par coïncidence que les gens font face à des frustrations de plus en plus grandes en ce qui concerne l'équité en matière d'emploi. Lorsqu'il y a discrimination en milieu de travail, que ce soit parce qu'on refuse de prendre les mesures d'adaptation ou professionnelles voulues, les lois actuelles sur les droits de la personne mettent l'accent sur un système axé sur les plaintes que les particuliers doivent déposer.

Il nous est apparu important de faire quelques remarques particulières sur le contenu du projet de loi S-5, mais, à notre avis, le débat est un débat de bien plus grande envergure. Nous aimerions que votre comité recommande un examen exhaustif de la législation sur les droits de la personne du pays, examen qui devra prendre en compte le débat public qui a déjà eu lieu concernant les droits des gais et lesbiennes, les droits des handicapés, les droits des minorités visibles et l'équité en matière d'emploi. C'est ce dont nous tenions à vous faire part aujourd'hui.

• 1130

M. Paul Forseth: Vous dites donc que, même dans ce projet de loi-ci, vous aimeriez qu'on prévoie une distinction claire pour les programmes de promotion sociale, y compris les quotas.

Mme Nancy Riche: Non, nous n'avons pas parlé de quotas.

M. Paul Forseth: D'accord.

Mme Nancy Riche: C'est vous qui le dites.

M. Paul Forseth: Les programmes de promotion sociale se fondent néanmoins sur cet outil.

Mme Nancy Riche: Non, seules quelques théories de la promotion sociale se fondent sur les quotas. Nous sommes d'accord avec l'idée d'établir des objectifs et des échéanciers. Les quotas vont trop loin.

D'abord, c'est généralement la réponse de ceux qui s'opposent aux programmes promotion sociale—je ne veux pas dire par là que vous êtes de ceux là, mais c'est là généralement leur réponse—de dire qu'il ne s'agit que de quotas. De là, on débat du nombre de gens qui n'ont pas les qualités pour occuper leur poste. C'est ainsi qu'on crée le mythe selon lequel tous ce qui relève de la promotion sociale, tout ce qui vise à redresser les torts et la discrimination du passé, mène d'une façon ou d'une autre au recrutement d'incompétents et, par conséquent, comme l'a dit David, à la discrimination à l'endroit d'autres groupes. Nous ne croyons pas qu'il en soit nécessairement ainsi.

Nous, nous avons adopté des quotas. Je vous donne donc comme exemple cette très petite partie de la société que représente le Congrès du travail du Canada. Au milieu des années 80, nous avons ajouté six sièges pour les femmes à notre organe décisionnel le plus haut, ainsi que deux sièges pour les minorités visibles et un siège pour les Autochtones. Nous avons donc établi nos propres quotas.

Je pourrais vous parler longuement de la promotion sociale., Il y a une partie de moi qui se dit qu'on ne devrait pas avoir besoin de cela. Je ne suis peut-être pas entièrement d'accord avec l'idée, mais je ne n'ai encore rien trouvé de mieux. Les personnes faisant l'objet de discrimination au pays accusent encore du retard. Il y a peu d'occasions d'avancement pour les femmes, mais il y en a encore moins pour les femmes de couleur. Cela ne devrait pas être ainsi.

Nous n'appuyons pas nécessairement l'idée de quotas, mais nous croyons aux objectifs et aux échéanciers. Nous avons certainement appuyé une bonne partie de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, même si nous aurions aimé qu'elle ait davantage de mordant. Mais déjà que les entreprises soient tenues d'examiner leur milieu de travail—pour voir qui y travaille et qui manque, ce genre de choses...

En Europe, on parle d'action positive. Pour nous, c'est en effet positif. À moins qu'on puisse me prouver que dans notre société, dans tous les lieux de travail, dans l'accès à tous les services du gouvernement, tous sont égaux... Je ne crois pas que nous en soyons là. J'aimerais bien que ce soit le cas, mais je ne le crois pas. Il nous faut donc une forme de mesure palliative.

M. Paul Forseth: Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Telegdi.

M. Andrew Telegdi: Merci, madame la présidente.

En matière de mesures d'adaptation, le syndicat pourrait jouer un rôle d'importance. Je pense plus précisément aux accidentés du travail. Je pense à celui qui travaille pour la même entreprise depuis une vingtaine d'années, qui se blesse au travail et qui reçoit dorénavant des prestations d'invalidité à long terme. Je pense aussi aux employés municipaux, tels que les pompiers, qui ont un accident au travail. Le pompier qui n'est plus en mesure de lutter contre le feu peut peut-être travailler comme répartiteur. Or, il est plutôt rare qu'on trouve un emploi moins exigeant pour ces personnes.

Je sais que dans les usines particulièrement, l'ancienneté est très importante et que cela empêche parfois les accidentés du travail d'obtenir un poste moins exigeant. Ne pourrait-on pas réserver certains de ces postes aux accidentés du travail? Il me semble que les syndicats seraient les mieux en mesure de militer pour l'obtention de ce genre de changements et de mesures d'adaptation.

Mme Nancy Riche: Oui, je suis parfaitement d'accord avec vous et l'histoire du mouvement syndical prouve que c'est précisément ce qu'ont fait les syndicats. Ainsi, lorsque des mineurs sont blessés dans une mine, on prend des mesures pour leur trouver un travail ailleurs que dans la mine.

Lorsqu'une commission des accidents du travail juge qu'un employé a droit à une tâche réduite, c'est le syndicat qui se bat pour qu'on ne licencie pas cet employé. Vous n'avez qu'à lire la jurisprudence. J'ai lu un de ces arrêts pendant le week-end, sur un employé des postes. L'employeur lui a trouvé un poste à tâches réduites.

• 1135

J'estime que le bilan des syndicats à cet égard est très bon. Par contre, je ne suis pas sûre que nous ayons fait si bien dans les autres domaines de discrimination. Encore une fois, si vous lisez la jurisprudence, vous verrez que dans l'affaire Renaud, où il s'agissait de motifs religieux, et dans l'affaire Gohm, où il s'agissait aussi de motifs religieux, nous n'avons pas su jouer notre rôle. Voilà pourquoi nous parlons de concepts en évolution et que nous avons élaboré des lignes directrices pour nos propres syndicats et nos affiliés.

Je ne sais toutefois pas si les employeurs pourraient réserver des places aux accidentés du travail. Je ne suis pas certaine que les employeurs accepteraient de laisser des postes vacants pour les éventuels accidentés compte tenu de l'incidence sur la productivité.

Notre priorité est la santé et la sécurité en milieu de travail. Ainsi, on prévient le plus d'accidents possible. Mais si un accident du travail se produit, le syndicat, généralement, fait l'impossible pour qu'il soit tenu compte de cette incapacité. Si cela n'est pas possible, on s'assure que l'employé disposera d'un revenu qui lui permettra de vivre dignement. Cela dit, nous sommes toujours disposés à envisager des façons de tenir compte des capacités réduites de la personne blessée. Par conséquent, pour ce qui est de tenir compte des besoins des personnes ayant subi un accident de travail, notre bilan est très bon. Pour ce qui est de tenir compte des besoins des personnes nées avec un handicap ou qui ont des besoins particuliers pour des motifs religieux ou autres, nous tous, employeurs et syndicats, avons encore beaucoup à faire.

Voulez-vous ajouter quelque chose, David?

M. David Onyalo: Je voudrais seulement donner un exemple.

Nancy vous a donné des exemples de notre travail, dans le passé, pour les accidentés du travail. Elle vous a aussi dit qu'à certains égards, notamment en ce qui concerne les besoins pour des motifs religieux, nous avons encore du pain sur la planche.

J'ai déjà travaillé pour le CTC. Je viens d'un secteur où les accidents du travail sont fréquents. Je suis un ancien employé de Toronto Hydro. Certains employés travaillent à l'extérieur, d'autres à l'intérieur. Parmi ceux qui travaillent à l'extérieur, il y a les poseurs de lignes qui transportent de lourdes charges jusqu'au haut des poteaux. Il y a aussi ceux qui tirent des câbles très lourds sous terre.

Dans ce milieu de travail, avant même que cela ne soit inscrit dans la convention collective, avant même qu'on ne parle de cela comme étant une «obligation de prendre des mesures d'adaptation», nous réservions quelques postes où on ne faisait pas fonctionner d'équipement lourd et où on n'avait pas de charges lourdes à soulever pour les accidentés du travail qui pouvaient ainsi continuer à travailler et à toucher leurs salaires. Avec le temps, cela s'est transformé en une disposition précise de la convention collective.

À l'heure actuelle, la convention collective qui lie Toronto Hydro à la section 1 du SCFP contient une disposition qui renforce la pratique existante. Les syndicats ne font pas de publicité sur le genre d'arrangements qu'ils concluent avec les employeurs pour s'assurer que les employés syndiqués accidentés au travail voient leurs besoins pris en compte. Tous les autres membres du syndicat appuient ce genre de mesures, et dans la plupart des cas, les employeurs sont tout aussi satisfaits.

On ne parle pas de ce genre d'arrangements qu'on trouve un peu partout sur le marché du travail, on n'en fait pas la publicité. Ces mesures existaient bien avant qu'on commence à parler de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, bien avant que cela ne soit prescrit par la législation canadienne. Ces exemples existent.

Mme Nancy Riche: Je voudrais ajouter une chose au sujet de l'ancienneté, parce qu'à moins de s'être penché sur le sujet, on pourrait croire que toutes les conventions collectives comportent de bonnes dispositions sur l'ancienneté. Ce n'est pas vraiment le cas.

Moins de 1 p. 100 des conventions collectives ont une disposition selon laquelle l'ancienneté est le seul critère de sélection du titulaire d'un poste. Je dirais que les syndicats des sociétés ferroviaires ont probablement les meilleures conventions collectives à cet égard.

Les femmes l'on vite appris. Elles se sont fait dire que l'ancienneté était un obstacle à leur avancement et se sont mises à étudier la question attentivement. Ce n'est donc pas aussi rose que cela semble l'être. Les années de service sont de la plus grande importance pour les syndicats, mais l'ancienneté ne constitue pas l'obstacle que bien des gens croient, tout simplement parce qu'elle n'existe pas dans bien des conventions collectives.

La présidente: Merci, monsieur Telegdi.

Monsieur McKay.

M. John McKay: Je suis curieux: lorsqu'un employeur est mis en cause dans une poursuite concernant l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, si les employés sont syndiqués, le syndicat devrait-il aussi être mis en cause?

Mme Nancy Riche: Il l'est parfois.

• 1140

M. John McKay: Lorsqu'on discute du coût des mesures d'adaptation, demande-t-on parfois au syndicat, directement ou indirectement, de revenir sur ses demandes de salaires ou d'avantages sociaux afin qu'on puisse financer ces mesures d'adaptation?

Mme Nancy Riche: Pas à ma connaissance. Je ne connais pas toutes les conventions collectives, mais pas dans le cas des conventions collectives que je connais.

M. John McKay: Du point de vue philosophique, dans un lieu de travail syndiqué, pourquoi les employés ne devraient-ils pas aussi assumer une partie des coûts des mesures d'adaptation?

Mme Nancy Riche: Vous posez du point de vue philosophique une question très pratique.

M. John McKay: Vous vouliez parler de discrimination systémique.

Mme Nancy Riche: Parlons donc du point de vue philosophique et pratique, peu m'importe.

En vertu de l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, le mouvement syndical a plaidé sa cause devant la Cour suprême. Il faut tenir compte du pouvoir des deux parties. Je sais qu'il y a un mythe selon lequel le mouvement syndical est tout puissant, mais ce n'est pas vrai. En fait, vous n'avez qu'à lire n'importe quelle convention collective pour voir que la première page dit bien que la gestion conserve tous les droits non précisés par la convention collective. C'est un énoncé juridique. Les seuls droits dont jouit le syndicat sont ceux qu'il réussit à obtenir au terme des négociations.

Il y a donc au départ un déséquilibre des forces. C'est ce que nous avons fait valoir à la Cour suprême, même si nous voulons assumer notre responsabilité en matière de mesures d'adaptation. Nous ne rejetons pas cette responsabilité. Les coûts ne sont pas déterminés par le syndicat, et ils ne devraient pas l'être. Ce n'est pas à lui qu'incombe cette tâche, mais bien à l'employeur. C'est lui qui fait les projections.

Cela ne signifie pas que la disposition de la convention collective traitant des mesures d'adaptation ne prévoit pas aussi les coûts. En fait, tout ce qui fait l'objet de négociations collectives comprend un facteur coût. Si on négocie le libellé d'une disposition sur des mesures d'adaptation en vue de situations éventuelles... on ne peut toutefois prévoir toutes les situations. Dans une convention collective, on peut donner le droit à tous ceux qui pratiquent une religion quelconque de célébrer leur fête religieuse. Si vous le faites dans le cadre de la convention collective, vous tenez compte du facteur coût et cela n'est plus considéré comme un coût distinct.

Dans l'affaire Gohm, la dame était disposée à travailler le dimanche au taux horaire ordinaire pour avoir congé le samedi; le syndicat a dit: «non, le travail du dimanche est rémunéré à taux horaire double, et nous ne lui permettons pas de travailler contre une rémunération au taux horaire ordinaire parce que cela violerait les conventions collectives.». Le syndicat a donc tenu compte du coût pour les autres membres du syndicat. C'est bizarre, parce que cela aurait coûté 160 $ pour toute l'année si on avait permis à cette femme de travailler le dimanche. Le syndicat a refusé, comme il l'a fait dans l'affaire Renaud.

Pour une raison ou pour une autre, le syndicat n'a pu accepter de rouvrir la convention collective pour régler la question. S'il l'avait fait, il aurait alors pu discuter des coûts et ainsi participer à la discussion sur les coûts.

M. John McKay: En principe, donc, si la participation du syndicat aux coûts et à la décision comme telle est bien balisée, le CTC ne s'oppose pas à l'idée que les travailleurs assument une partie des coûts.

Mme Nancy Riche: Je n'ai pas dit cela.

M. John McKay: Je vous pousse un peu.

Mme Nancy Riche: C'est bien essayé.

M. John McKay: Je voulais seulement voir jusqu'où vous étiez prête à aller.

Mme Nancy Riche: Les travailleurs assument déjà les coûts. Dès qu'on prend des mesures d'adaptation, aussi mineures soient-elles, on modifie les conditions de travail. Lorsqu'un employé prend congé du coucher du soleil le vendredi jusqu'au coucher du soleil le samedi, quelqu'un d'autre doit le remplacer au quart du samedi. C'est un coût des mesures d'adaptation. Nous le comprenons. Nous croyons aux mesures d'adaptation et sommes prêts à les appuyer. Il n'y a pas d'autre solution.

M. John McKay: Vous êtes prêts à payer?

Mme Nancy Riche: Nous payons déjà, n'est-ce pas? Les travailleurs paient déjà.

M. John McKay: On pourrait faire valoir en effet que vous payez déjà, indirectement.

• 1145

Mme Nancy Riche: Bien sûr.

M. John McKay: Mais je me demande si vous ne pourriez pas payer plus directement.

Mme Nancy Riche: Vous voulez dire en versant de l'argent?

M. John McKay: Précisément. Si vous êtes mis en cause dans une poursuite...

Mme Nancy Riche: Allez-vous alors nous donner le droit de gérer la production, de choisir les marchés, de décider où on ouvrira une usine?

Mme John McKay: Ce serait la contrepartie.

Mme Nancy Riche: Il y a quand même une démarcation entre ce que font les employés et ce que fait l'employeur. Je ne veux pas vraiment franchir cette ligne. Les patrons ont certaines choses à faire et ils ont le droit de le faire. Les syndicats ne sont pas des gestionnaires. Ils jouent un rôle différent dans la société.

Cela ne signifie pas que, à l'issue de discussions, on ne permettra pas à cette dame de travailler au taux horaire normal le dimanche. C'est le coût que le syndicat peut être prêt à assumer afin de tenir compte des croyances religieuses de cette employée. L'entreprise épargnera 160 $ par année et le syndicat violera la convention collective, mais il préfère peut-être cela à la réouverture de la convention collective. Tout ce dont on discute a un coût.

D'un point de vue pratique, non, nous ne croyons pas que cela devrait être notre rôle.

M. John McKay: J'aimerais savoir comment vous justifiez votre proposition selon laquelle on devrait modifier le projet de loi pour qu'il parle plutôt de «toutes les exigences professionnelles justifiées et pertinentes, y compris la santé, la sécurité et les coûts». Qu'est-ce qui ne vous plaît pas dans le libellé actuel?

Mme Nancy Riche: Rien, à première vue. C'est une question délicate. Nous vous faisons des recommandations concernant des problèmes systémiques, alors que chaque cas où il faut prendre des mesures d'adaptation est un cas d'espèce.

Les décisions rendues récemment par les tribunaux ont laissé entendre que, d'une façon ou d'une autre, nous avons négocié la discrimination à une époque où nous ne pouvions savoir que c'était ce que nous faisions. Il y a eu des décisions de ce genre, telles que la décision rendue la semaine dernière au sujet de l'équité salariale, où le juge a dit essentiellement que si ces femmes ne gagnent pas le salaire qu'elles méritent, c'est parce que le syndicat n'a pas su leur obtenir un salaire acceptable.

Le juge Sopinka a dit dans une de ces causes que cela ne fait pas de différence que ce soit l'une ou l'autre partie qui en fasse la proposition, ce genre de disposition finit toujours par être discriminatoire en rétrospective. Il a dit qu'il ne tenterait pas de savoir qui avait proposé cette disposition à l'origine car, de toute façon, les deux parties ont signé la convention collective et en sont donc responsables. Cela semble logique, n'est-ce pas? Ça me semble logique à moi. Je prononce des discours sur les conventions collectives, plus précisément sur le terme «collectif».

Dans certains cas, nous avons fait la grève et avons même été obligés de retourner au travail par suite de l'adoption d'une loi. Aux fins de la discussion, disons qu'il s'agit d'équité salariale pour les femmes. Si on adopte une loi pour nous forcer à retourner au travail, on peut difficilement dire que nous sommes un partenaire égal à l'entente discriminatoire.

Les trois facteurs, la santé, la sécurité et les coûts, sont restrictifs. Ce sont probablement les critères qui s'appliqueront. En fait, s'il y a un changement de quart, si un employé dit qu'il veut bien faire le quart du vendredi de son collègue, ça va. Cela n'a aucune incidence sur la santé, la sécurité ou les coûts. Ça ne coûte rien à qui que ce soit. Cela n'a aucune incidence sur la santé. Les deux sont en mesure de s'acquitter des tâches en question. Il n'y a pas non plus de problème de sécurité. Par conséquent, ces critères ne s'appliquent pas.

Nous devons trouver une autre solution, et je ne prétends pas que ce soit facile. Nous nous sommes accommodés du terme «raisonnable», et je prie Dieu pour que les décisions qu'ont rendues les tribunaux et qui désavantagent autant les employeurs que les syndicats nous permettront d'en venir à une solution qui permette la prise de mesures d'adaptation.

M. John McKay: Je suis heureux de voir que le sentiment religieux existe au CTC.

Mme Nancy Riche: Il a toujours existé. C'est pourquoi je fais du si bon travail.

M. John McKay: Cela me semble curieux. Vous trouvez les critères restrictifs; vous ne vous opposeriez donc pas à ce qu'on tienne compte d'autres facteurs pertinents.

Mme Nancy Riche: Je ne serais pas prête à dire cela. Je m'inquiète de la liste des employeurs, ils sont tous pareils. Vous parlez du CTC, mais George Smith, les banquiers et leurs autres amis vont vite se réunir, réfléchir à la question et proposer qu'on tienne compte aussi de la perturbation de la convention collective pour voir si nous appuyons leur position. Je les connais très bien.

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Je crois que nous aurons des difficultés si nous avons une liste courte, et encore plus de difficultés si la liste est longue. Nous devons, dans une certaine mesure, compter sur la jurisprudence et la façon dont on a, dans le passé, défini le terme «raisonnable», parce que chaque lieu de travail est différent.

Une entreprise de six ou sept employés aura beaucoup plus de mal à prendre les mesures d'adaptation que l'usine de General Motors à Windsor—oh, excusez-moi, je devrais dire «qu'une des trois grandes sociétés de Windsor». Il est plus facile pour les grandes sociétés de prendre des mesures d'adaptation. Une grande société minière n'a pas de mal à prendre des mesures pour s'adapter aux besoins de l'employé qui vient d'avoir un accident dans la mine.

Dans le passé, nous avons toujours préféré des critères plus restrictifs. À cet égard, je crois que l'employeur fait comme nous. Nous tentons d'appliquer les décisions des tribunaux... En 1993, notre conseil exécutif a approuvé des lignes directrices pour les syndicats concernant l'obligation de prendre des mesures d'adaptation, et ce, comme preuve de notre volonté d'assumer notre responsabilité et d'aider les personnes pour lesquelles on prend ces mesures.

Nous sommes donc prêts à nous en tenir à ce qui est raisonnable et à voir ce qui peut être fait dans chaque cas. Peut-être qu'un jour je regretterai d'avoir dit cela, mais pour l'instant, c'est notre position.

La présidente: Merci beaucoup. C'est toujours un plaisir de vous accueillir.

Nous vous félicitons de votre accession à ce poste, monsieur Onyalo, qui est presque nouveau.

Mme Nancy Riche: Je croyais que vous nous félicitiez de la presque accession des néo-démocrates au pouvoir en Nouvelle-Écosse!

La présidente: Non, ma chère. Vous exagérez!

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Chers collègues, et cela intéressera peut-être aussi les témoins, on me dit qu'il sera rendu aujourd'hui une importante décision sur l'indépendance du tribunal dans l'affaire Bell. Il semble que la décision a été rendue et qu'il y aura sous peu une conférence de presse. Il se pourrait que, dans cette décision, l'indépendance du tribunal soit remise en question du point de vue constitutionnel. Vous voudrez peut-être jeter un coup d'oeil au communiqué de presse, demain.

La séance est levée.