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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 mars 1998

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-3, Loi concernant l'identification par les empreintes génétiques et modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence. Nous examinons également le projet de loi C-104 qui porte sur l'application au dépistage génétique des articles du Code criminel concernant les mandats.

Nous recevons aujourd'hui M. Ron Fourney, qui est le chercheur scientifique responsable des méthodes et banques de données génétiques au Laboratoire judiciaire central de la Gendarmerie royale du Canada. Bienvenue, Ron.

M. Ron Fourney (chercheur scientifique responsable des méthodes et bases de données génétiques, Laboratoire judiciaire central de la Gendarmerie royale du Canada): Merci.

La présidente: Nous savons que vous allez nous présenter un exposé et des diapositives.

M. Ron Fourney: Oui. Je voudrais d'abord remercier le Comité de me donner l'occasion de prendre la parole ici aujourd'hui. J'ai suivi les questions et commentaires divers qui ont été présentés devant votre comité. Aujourd'hui, je vais essayer d'aborder certains aspects technologiques de façon, je l'espère, simplifiée, afin que les gens puissent les comprendre; je pourrai peut-être ainsi régler certaines des questions qui semblent se poser régulièrement.

Je vous promets que cet exposé sera un peu plus facile à comprendre que celui que j'ai présenté hier à l'Université de Toronto. Si vous avez des questions techniques, j'espère que vous me les poserez. J'essaierai de vous donner des explications.

La présidente: Il faudra que vous alliez lentement aujourd'hui, parce qu'il y a surtout des juristes.

M. Ron Fourney: Je travaille à la section des méthodes des banques de données génétiques de la GRC. Nous sommes un groupe relativement petit. Nous sommes cinq. Nous nous occupons essentiellement d'un aspect très important de la technologie génétique. Notre tâche à la GRC est de mettre au point, de tester et de valider toutes les méthodologies génétiques avant que les groupes opérationnels puissent les utiliser pour effectuer des analyses. Par conséquent, nous nous occupons de beaucoup de questions techniques qui posent des problèmes. Nous nous assurons qu'une procédure fonctionne bien afin qu'elle soit valide et fiable.

Aujourd'hui, je commencerai par vous expliquer l'histoire de cette technologie et ce que nous avons fait. Avant tout, je voudrais vous souligner que, si je travaille comme chercheur scientifique judiciaire, je suis également biologiste moléculaire.

Sur cette image, vous voyez où le dépistage génétique a commencé. Le 21 novembre 1983, à une quinzaine de pieds à côté de ce talus qu'on voit ici en noir, à Enderby, près de Leicester, en Angleterre, on a retrouvé le corps de Lynda Mann, une jeune fille de 15 ans, qui n'était pas rentrée chez elle ce soir-là. Elle avait été étranglée et agressée sexuellement. Un frottis vaginal a été effectué et l'analyse des résultats, réalisée avec une technique d'examen des protéines qu'on utilisait à l'époque, la sérologie, correspondaient à 10 p. 100 de la population masculine de l'Angleterre. On a organisé une vaste chasse à l'homme, sans pouvoir pour autant trouver l'assassin de Lynda Mann.

• 1540

Trois ans plus tard, à moins de cinq ou dix minutes en voiture de cet endroit, sur un autre petit talus obscur, dans une ruelle appelée Ten Pound Lane, Dawn Ashforth a été agressée sexuellement et brutalement étranglée. Les résultats de l'analyse sérologique de son frottis vaginal correspondaient, en fait, à ceux de la première victime. Par conséquent, la police savait qu'elle cherchait quelqu'un qui était potentiellement l'auteur des deux crimes et que les résultats de l'analyse pouvaient s'appliquer à 10 p. 100 de la population totale de l'Angleterre.

Vers cette époque, un jeune généticien de Leicester, en Angleterre, qui étudiait l'évolution a découvert une composante de l'ADN qui semblait varier beaucoup d'une personne à l'autre. Ce chercheur, Alec Jeffreys, est ensuite devenu Sir Alec Jeffreys. Ce titre lui a été décerné en hommage à ses travaux, et c'est lui qui est, en fait, le père de l'identification génétique.

La police a présenté à Alec Jeffreys les pièces trouvées sur les lieux. Il avait deux choses à dire à la police après les avoir examinées. Un jeune garçon de cuisine, Richard Buckland, avait été arrêté et avait confessé avoir commis le deuxième meurtre. Il connaissait la victime et avait avoué. Quand Alec Jeffreys a comparé son empreinte génétique avec les autres, elle ne correspondait pas. Il a dit à la police que les deux agressions sexuelles et assassinats avaient le même auteur, mais que la personne qu'ils avaient arrêtée n'était pas le coupable.

On a donc écrit une nouvelle page de l'histoire de la justice en 1986. La toute première fois qu'on a utilisé l'identification génétique dans une enquête criminelle, elle a servi à exonérer un innocent.

Une vaste chasse à l'homme a eu lieu dans la région. Des prises de sang ont été effectuées auprès de 4 500 hommes appartenant à un groupe d'âge déterminé. Lors de la première série de tests, l'accusé, Colin Pitchfork, n'a, en fait, pas été identifié. Quelqu'un d'autre avait soumis un échantillon de sang à sa place. C'est seulement dans un pub local, en écoutant par hasard une conversation, que quelqu'un a entendu que quelqu'un avait donné un échantillon pour Colin Pitchfork. La police lui a fait une prise de sang, et voilà qu'elle avait un appariement parfait. Tout cela est expliqué dans l'ouvrage de Joseph Wambaugh, The Blooding. Pour moi, en tant que spécialiste des sciences judiciaires, c'est le premier cas concret où l'identification génétique a révélé son grand potentiel.

Je voudrais signaler que, du point de vue de l'utilisation de l'identification génétique par la police, une grande discrimination est possible. Voilà pourquoi nous aimons cette technologie. Il n'y a pas deux personnes dont l'ADN est structurée de la même façon, à part les jumeaux identiques, qui sont essentiellement des clones. La continuité génétique signifie tout simplement que les cellules de votre peau, de vos cheveux, de votre sang et de votre sperme contiendront le même ADN. Cela signifie que l'ADN que vous aviez quand vous êtes né est celui que vous aurez au moment de mourir. Le procédé d'analyse est extrêmement sensible. De toutes petites quantités sont suffisantes.

Quand je vais retracer l'historique de l'identification génétique, vous constaterez que nous avons commencé avec une quantité de sang équivalant à la taille d'une pièce de 25 sous et qu'on peut maintenant se contenter de ce qui tient sur la tête d'une épingle. Nous n'avons pas besoin de beaucoup de matériel. Une des caractéristiques clés de l'identification génétique judiciaire est la stabilité. Cette molécule est unique. L'acide désoxyribonucléique n'est pas une protéine qui a tendance à se décomposer quand elle est attaquée par un agent environnemental ou des bactéries. Il est très résistant. Cette molécule résiste aux attaques de nombreux agents environnementaux et peut être utilisée pour identifier du matériel très vieux. On peut par exemple établir une concordance entre une affaire vieille de 17 ans et une autre qui s'est produite hier.

Pour faire cette identification génétique, on utilise le sang, le sperme, le tissu, les cheveux, la salive, la pulpe dentaire ou les os. Tous ces matériaux donneraient essentiellement la même structure génétique. Ce qui nous intéresse dans notre travail de chercheurs scientifiques pour la police, c'est le matériel que l'on trouve sur les lieux d'un crime et qui fournit des preuves par association.

La double hélice est une molécule comportant deux types d'échelles hélicoïdales. Le code génétique est très simple. Il a seulement quatre lettres au lieu des 26 de notre alphabet. C'est la répétition de ces quatre lettres selon une certaine séquence qui établit une différence entre moi, mon frère et vous ici, dans le public. Si la séquence est légèrement différente, la personne est différente. Si la fréquence dans cette échelle est identique, c'est soit qu'on a un échantillon venant de la même personne, soit qu'il s'agit d'un jumeau identique. Ici, vous voyez ce dont on parle tant, c'est l'acide désoxyribonucléique. On l'a purifié en enlevant toutes les membranes cellulaires, les protéines, les parois des cellules, etc. et décomposé. Ce gros plan montre que, quand on le précipite en utilisant un produit chimique, on dirait un long fil blanc floconneux.

• 1545

En réalité, notre travail consiste à identifier des êtres humains. Je suppose que ces deux agents du FBI de Quantico possèdent un échantillonnage complet d'ADN dans leur système. Examinons-les de plus près. En fait, ils sont frères et ils auront des bandes communes. Par exemple, voici la maman et le papa. Le frère numéro un a une bande en commun avec sa maman et une deuxième en commun avec son papa. Cela me donne beaucoup de renseignements. Cela me dit qu'ils sont de la même famille, qu'ils sont différents et que je peux les identifier individuellement si j'utilise un nombre suffisant de tests pour l'analyse génétique.

Examinons ceci. C'est ce qu'on appelle une membrane d'identification génétique RFLP. J'utilisais cela déjà en 1989, je crois, un an après mon entrée à la GRC. Ici il y a des échelles. Ce sont simplement des étalons de masse moléculaire, une sorte de règle. Ici, il y a la bande de la maman. Ici, on voit la concordance entre la bande de la maman et celle de l'enfant numéro un et celle de la bande du papa avec l'enfant numéro deux.

Je suis particulièrement fier de cette membrane pour de nombreuses raisons. Premièrement, tout cet échantillon vient d'un frottis buccal qu'on pratique dans la bouche avec un cure-dent. On extrait l'ADN et voilà ce que ça donne. Ici, on a utilisé un seul cheveu. Nous avons extrait l'ADN de la racine et nous avons une distribution identique. Il se trouve que ce sont mes enfants. J'étais, bien sûr, très content que le résultat soit positif pour ma paternité. Vous constatez ici que Christopher présente les mêmes caractéristiques que moi et, ici, que ma femme Anne. Il y a donc une identité biologique. C'est une distribution mendélienne. C'est très sensible. C'est la continuité génétique. C'est la mine d'or de l'identification génétique. Cela nous permet d'identifier les gens.

Au moment même où nous commencions à prendre pour acquis l'existence de cette technologie, une grande révolution a eu lieu en 1992. Pour moi, il y a eu deux types de révolutions en matière de médecine judiciaire. La première a eu lieu quand nous avons découvert l'analyse génétique et que nous l'avons appliquée à nos activités. C'était la même chose que quand on a découvert les empreintes digitales il y a plus de 100 ans. C'est l'outil d'identification humaine le plus important qu'on ait trouvé depuis un siècle. Ensuite, quelques années plus tard seulement, ce fut l'arrivée de la PCR, la réaction de polymérisation en chaîne. Je vais vous montrer comment ça se passe. C'est une procédure complexe, mais je pense que la façon dont nous l'expliquons ici va vous permettre de comprendre. C'est une technique basée sur une façon spécifique d'examiner l'ADN et cela rend cette technologie encore plus utile pour les études judiciaires, tout comme pour les analyses et les diagnostics cliniques, etc.

Pourquoi trouvons-nous la PCR intéressante? Elle est très sensible. De petites quantités sont suffisantes. Elle marche très bien avec le matériel dégradé. Donc, quand l'ADN vieillit et se dégrade, sa taille diminue; voici des morceaux d'ADN. Parfois ils sont difficiles à utiliser avec la première procédure que je vous ai montrée. La technologie PCR permet d'utiliser des quantités plus petites. Elle se prête à la mécanisation et au traitement rapide—et je vais vous montrer dans une minute comment ça marche—, ce qui permet d'ajouter toutes sortes de normes supplémentaires d'assurance de la qualité.

C'est donc une technologie très fiable, et elle a valu le prix Nobel à Kary Mullis en 1993. C'est peut-être la technologie la plus importante qui soit apparue dans le monde scientifique depuis, je dirais, trois ou quatre siècles. C'est un outil très spécifique de haute technologie.

Pour quoi utilise-t-on la PCR? On l'utilise pour identifier les victimes des accidents d'avion. Quand l'avion qui assurait le vol 800 de la TWA s'est écrasé il y a quelques années au large de Long Island, c'est cette technologie qu'on a utilisée pour identifier ce qu'on a retrouvé des victimes de ce gros accident. Au laboratoire du comté de Suffolk, Jack Ballantyne a utilisé une technologie très semblable à celle que nous utilisons actuellement dans les laboratoires de la GRC.

On l'a également utilisée pendant les opérations Bouclier du désert et Tempête du désert pour identifier les soldats morts sur le front. C'était probablement une des premières fois dans l'histoire des conflits armés qu'on pouvait identifier presque toutes les victimes dans tous les cas. Il y avait en particulier un véhicule armé de transport de troupe qui avait été frappé par un missile Hellfire tiré par un hélicoptère Apache. Il avait été complètement incinéré. Il y avait cinq personnes à bord, et on a pu identifier chacune d'entre elles en utilisant la technologie PCR.

• 1550

Elle permet également d'examiner des restes préhistoriques. Il y a quelques années, des touristes suisses escaladaient une montagne. Ils ont vu un corps qui dépassait de la neige. Non, je ne pense pas que c'était un homicide, mais on estime que cet homme était là depuis environ 4 500 ans. C'est l'Homme des glaces, dont la découverte a été un événement important pour l'anthropologie à l'époque.

Ce que nous voyons maintenant est la façon dont l'être humain et sa structure génétique ont évolué depuis quelques milliers d'années. Il y a des chercheurs de notre secteur qui travaillent en collaboration avec des universitaires qui étudient l'histoire et l'évolution de l'espèce humaine à travers les âges.

On a également utilisé cette technologie pour identifier les restes de la famille royale du tsar Nicolas II, qui est mort il y a plus de 70 ans. Un soir, tous les membres de sa famille ont été fusillés et enterrés dans une fosse. Leurs restes ont ensuite été déplacés à plusieurs reprises. Ils avaient été brûlés, je crois, et arrosés d'acide. Le Service des sciences judiciaires du British Home Office a utilisé cette technologie pour identifier ces restes. Je pense que le tsar est maintenant enterré à un endroit approprié en Russie. On a beaucoup parlé de cette histoire. C'est la technologie PCR qui a permis de le faire.

Pour nous, c'est une technologie très utile. Autrefois, il nous fallait cinquante microlitres de sang. Un microlitre correspond à peu près à une pièce de 25 sous. La technologie PCR nous permet d'examiner des choses comme un timbre-poste ou le rabat d'une enveloppe. Nous pouvons faire un frottis sur un combiné de téléphone. Nous pouvons examiner cette éclaboussure de sang ici ou les petits points là. C'est ce bouleversement technologique, cette augmentation de la sensibilité qui suscitent notre enthousiasme au sujet de cette technologie. Le fait qu'il y ait eu deux révolutions en médecine judiciaire en une décennie est quelque chose d'incroyable.

Cette image est très compliquée. Je vais essayer de la simplifier à votre intention. Ceci est la réaction de polymérisation en chaîne. Tous les chromosomes qui contiennent votre ADN sont enroulés de façon très serrée en 23 paires, c'est-à-dire 46 chromosomes, dans le noyau cellulaire. Ce que nous faisons consiste essentiellement à dérouler ces morceaux d'ADN dans des tubes pour obtenir des éléments alpha-hélicoïdaux qui ressemblent à des rubans.

Ici, nous avons les deux brins. Pour la réaction de polymérisation en chaîne, on utilise simplement des produits chimiques naturels, des enzymes, pour décomposer l'ADN et, si on ajoute des lieurs à ce qu'on appelle les sites d'amorce, qu'on expose cela à une enzyme, la polymérase, et qu'on ajoute tous les éléments structuraux, on obtient un nouveau morceau d'ADN qui est en fait une copie conforme de la séquence cible originale.

Si on le fait une fois, on obtient deux copies. Si on le fait deux fois, on en obtient d'autres. Si on le fait 40 fois, on obtient plus d'un milliard de copies. Voilà tout le secret de la technologie PCR.

Cela nous plaît, parce que si on ajoute des éléments de différentes couleurs, les marqueurs fluorescents, dans un tube, on peut exécuter simultanément plusieurs analyses. Avec l'ancienne technologie RFLP, il nous fallait jusqu'à huit semaines pour tester les divers éléments. Avec la technologie actuelle, on peut le faire en quelques jours.

Le secret est le fait qu'on chauffe et refroidit l'ADN pour permettre aux enzymes d'agir. Donc, si nous plaçons tous les éléments dans cet appareil de chauffage et de refroidissement très perfectionné, le thermocycleur—c'est comme une copieuse moléculaire—, celui-ci donnera des copies supplémentaires reproduisant fidèlement chaque morceau de votre ADN en ajoutant un marqueur de couleur à chaque élément.

Voici la photocopieuse moléculaire, le thermocycleur 9600 que nous utilisons dans notre laboratoire.

Voici la procédure que nous utilisons actuellement. Nous examinons les pièces, nous extrayons l'ADN et nous le nettoyons. Cela ressemble à la pièce filamenteuse d'ADN que je vous ai montrée au début. Tout ce qui est dans le tube est de l'ADN. Nous le reproduisons avec notre photocopieuse moléculaire, le thermocycleur. Nous plaçons cela dans un appareil très particulier.

Je vais m'attarder un petit peu plus là-dessus, parce que je pense qu'il y a eu des questions au sujet de nos méthodes de détection. Comme il y a des marqueurs fluorescents sur tous les morceaux d'ADN, nous pouvons utiliser une caméra munie d'un laser très perfectionné pour sélectionner différentes couleurs d'ADN. Nous pouvons les classer. Quand nous avons déterminé leur ordre, nous pouvons identifier les différents éléments et retracer cela d'une personne à une autre.

Quelle quantité d'ADN avons-nous? Cela nous amène à la question de savoir dans quelle mesure nous sommes uniques. Eh bien, supposons que nous avons là des pièces de Lego. J'ai préparé cet exposé pour la classe de sixième année de l'école de mon fils.

• 1555

Pour un morceau moyen, l'élément de base de l'ADN—disons que c'est la pièce de Lego qui est ici—, si nous disons que c'est cette pièce de Lego de trois centimètres, il y a assez d'ADN dans une cellule de ces pièces de Lego pour couvrir 90 000 kilomètres. C'est la même longueur que toutes les côtes du Canada. Si on agrandissait les deux brins qui constituent un seul élément de base de l'ADN, en tenant compte du fait qu'il y en a 3 milliards, on couvrirait toutes les côtes du Canada de pièces de Lego.

Nous n'utilisons, en fait, cependant que 0,1 p. 100 de ces 90 000 kilomètres. En d'autres termes, il y en a 90 kilomètres qui diffèrent d'une personne à l'autre. Donc, en réalité, nous pensons peut-être que nous sommes différents, mais nous avons plus de ressemblances que de différences. Et sur cette proportion de 0,1 p. 100, il y a de très jolies zones de régions polymorphes, que nous utilisons pour nos analyses, parce qu'elles sont particulièrement polymorphes, c'est-à-dire différentes, et nous permettent de procéder à une identification.

Toute cette technologie est issue d'un projet important—je crois que cela vient du numéro de Science de 1990—qui s'appelle le Projet de cartographie du génome humain, dans le cadre duquel des chercheurs scientifiques du monde entier combinent leurs efforts pour établir la totalité de la séquence génétique humaine afin que nous en connaissions tous les différents éléments. C'est important parce qu'ils cherchent les sites de liaison qui permettront peut-être de dire si quelqu'un souffre d'une maladie particulière ou a une prédisposition pour cette maladie, ce qui peut permettre d'entamer un traitement.

Hier, j'étais à l'Université de Toronto. J'ai fait une conférence à l'Hôpital des enfants malades. Un des groupes qui y travaillent est en train d'établir la séquence d'un chromosome, le chromosome 7. Je voulais leur communiquer nos résultats parce que certaines de nos techniques ont maintenant bouclé la boucle.

Quand j'ai commencé à travailler dans ce programme, en 1988, je m'occupais des diagnostics et de la génétique du cancer. Je me suis alors mis à m'intéresser au domaine judiciaire, et la GRC m'a proposé de me joindre à ce programme et de rencontrer son équipe pour établir un programme d'ADN. Donc, à cette époque, nous empruntions les méthodes de recherche et de diagnostic des universitaires et nous les utilisions dans le secteur judiciaire; maintenant, la boucle est bouclée parce que les gens qui font des diagnostics cliniques veulent aussi pouvoir utiliser certaines des procédures dont nous sommes parvenus à déterminer la validité, la fiabilité et la sensibilité.

Nous avons ici une carte chromosomique. Il y a fondamentalement 23 chromosomes. Cet exemple est celui d'un individu de sexe masculin. Ceci est un chromosome Y. Il est un petit peu plus petit. C'est en fait un chromosome assez intéressant parce qu'il est assez ennuyeux. La plus grosse partie de ce chromosome Y est composée d'une répétition qui ne présente pas beaucoup de différences. De ce fait, le chromosome X nous paraît plus intéressant à examiner.

Des voix: Oh, oh.

M. Ron Fourney: Néanmoins, du point de vue de l'identification du sexe, si nous pouvons faire la différence entre un homme et une femme, c'est très important sur les lieux d'un crime.

Chacun des points jaunes et rouges correspond à des variations importantes que nous devons examiner dans nos analyses. Et ce qui est aussi intéressant ici est que nous examinons surtout des chromosomes différents. Les points rouges correspondent à la nouvelle technologie PCR, et les jaunes à l'ancienne technologie, que nous appelions RFLP, le polymorphisme des sites de restriction.

Pourquoi examinons-nous des chromosomes différents? Cela revient à utiliser les probabilités pour déterminer la discrimination. Disons que ceci ne code pas pour un morceau particulier d'ADN mais pour une caractéristique de quelqu'un. Disons que ce chromosome 1 code pour le bilinguisme et que le chromosome 2 code pour les yeux marron.

Si je connais ces deux régions et la caractéristique à laquelle elles correspondent, je pourrai commencer à faire un tri entre les gens pour isoler ceux qui sont bilingues et qui ont les yeux marron. Nous pourrions ensuite chercher un trait distinctif réellement rare—disons le fait d'être un partisan des Toronto Maple Leafs. Les gens disent que c'est étrange de ma part, mais il se trouve que j'aime les Leafs, et disons que c'est le cas d'une personne sur 2 000. Disons que cela correspond à 50 p. 100 des gens, une moitié, et on a une moitié ici. Cela fait la moitié d'une moitié d'une personne sur 2 000.

Voilà la probabilité. Puisque tous ces traits figurent sur des chromosomes différents, nous pouvons faire une multiplication et déterminer l'identité d'une personne en se fondant sur cette discrimination, parce qu'on procède à une analyse différente pour chacune de ces caractéristiques.

Examinons ceci en détail. Il y a une chose que je tiens à signaler, parce que je sais qu'un de vos témoins s'inquiétait parce que nous pouvions identifier d'autres parties ou d'autres caractéristiques sur la base du dépistage que nous faisons. Ce n'est pas vrai. Pour le moment, nous travaillons seulement sur ce que nous appelons des «morceaux anonymes d'ADN». Nous ne savons pas pour quoi ils codent. Nous ne cherchons pas les yeux bleus. Nous ne cherchons pas un indice de schizophrénie. Nous examinons des morceaux d'ADN qui ne comportent essentiellement aucune région présentant un codage génétique.

• 1600

En fait, nous allons même plus loin. Je fais partie de plusieurs comités internationaux qui s'occupent de l'identification judiciaire, et nous travaillons en collaboration. En 1993, il en a été question lors de la conférence de la International Society of Forensic Human Genetics, et nous en sommes arrivés à la conclusion que nous devions veiller à choisir un ensemble de marqueurs génétiques qui ne codent pour aucune maladie génétique connue ou ne présentent aucune valeur prédictive du point de vue médical.

Cela s'est fait en coopération avec des experts éminents en génétique médicale et en génétique des populations humaines. En fait, nous publions régulièrement nos travaux et nous en parlons publiquement lors de conférences. Nous parlons à des gens—comme hier, à l'Université de Toronto—et nous nous tenons constamment au courant des nouvelles découvertes, parce que la dernière chose que nous voulons, c'est utiliser un morceau anonyme d'ADN dont on constate d'un seul coup qu'il code pour une maladie génétique. Si cela se produit, il faudrait enlever ce marqueur de la base de données.

Jusqu'à présent, on a toujours veillé avec soin à pratiquer une sélection très rigoureuse. De nombreux généticiens des populations soutiennent ces travaux, et il y a une coopération entre des gens du monde entier pour cibler spécifiquement les marqueurs des séquences courtes répétées en tandem, les STR, que nous examinons actuellement.

Je vais essayer de vous expliquer cela, parce que c'est un sujet intéressant. Je vais vous expliquer comment fonctionne la réaction de polymérisation en chaîne, la PCR, et ce que nous examinons. Disons que le volume 21 est le chromosome 21, qu'une zone particulière est la page 27 et qu'une région plus petite est la ligne 18; il se trouve que vous vous retrouvez avec cette phrase venant de votre père: l'ADN est une molécule longue, longue, longue qui est enroulée de façon très serrée. On examine la PCR sur un site amorce, c'est la région dont je vous ai parlé où on attache d'autres morceaux d'ADN, et nous allons délimiter un segment ici, dans la partie rouge, qui est identifié par le mot «est», et dans cette deuxième phrase, qui vient de votre mère, il y a seulement deux segments comportant le mot «longue» ici, et il y en a quatre là.

Nous allons alors examiner les différences entre les phrases en examinant les différences de longueur dans l'ADN. Combien y a-t-il de segments? Ceci, croyez-le ou non, s'appelle une séquence répétée en tandem, une STR. Nous utilisons ici des mots et des phrases, mais, en fait, l'alphabet génétique comporte seulement quatre lettres: A, G, C et T. C'est donc cela que nous aurions ici, et c'est ce qui donne une STR.

Disons que nous examinons une zone déterminée, la ligne 128 de la page 2, d'un autre chromosome, le chromosome 6, et qu'on y trouve cette phrase: l'identification génétique peut identifier, identifier, identifier les victimes de catastrophes et peut être etc. Oh oui, on peut identifier, identifier beaucoup de choses, avec l'identification génétique. Bon, on a ici une page totalement différente du livre, c'est le volume 6, le volume 21, le chromosome 21, le chromosome 6, et on a là des séquences brèves répétées en tandem, et, ici, c'est la région où nous allons procéder à la réaction de polymérisation en chaîne pour faire des copies supplémentaires.

Nous avons donc maintenant deux phrases différentes. Comment les examinons-nous dans la pratique? Il y a toutes les phrases ici, mais nous avons une façon de... Une fois la réaction de polymérisation en chaîne effectuée, il y a seulement le segment qui est là au milieu.

Donc, entre les deux sites de PCR, le mot «est», ici et encore ici, constitue, en l'occurrence, la séquence répétée en tandem. On utilise une procédure de gélification électrique. Imaginez qu'on verse du Jell-O entre deux plaques de verre. On met l'ADN sur le dessus et on fait passer un courant électrique à travers le tout. Bon, il se trouve que l'ADN a une charge négative et qu'on va passer du négatif au positif et que tous les fragments plus petits vont se déplacer beaucoup plus vite à travers ce Jell-O. Essentiellement, ce qu'on va avoir est une façon de séparer tous ces fragments de tailles différentes, les séquences courtes répétées en tandem, selon qu'ils sont grands ou petits.

Voilà le principe de base de la façon dont nous allons utiliser les STR pour les analyses judiciaires.

Disons que nous mettons ici une règle moléculaire. Je connais les tailles là en haut. Si je connais les tailles, je peux relier cela à tous les différents éléments. Si je vois du rouge ici, je sais que celui-ci est plus grand que celui-là et cela peut me suffire pour commencer à déterminer la longueur du fragment. En fait, nous mesurons le nombre de répétitions dans cette région pour les différentes tailles.

Voilà à quoi cela ressemble. C'est le produit de la PCR avec la gélification électrique. La couleur rouge indique les marqueurs, le jaune correspond à un test et le vert à un autre test. Bon, rappelez-vous ce que je vous ai dit au sujet de l'identification du sexe. Il se trouve que c'est une personne qui a un chromosome Y, il a donc cette bande et il a le chromosome Y. Il s'agit d'un homme. Ici, c'est une femme; il y a deux chromosomes X mais pas de Y.

Ce que je veux que vous vous rappeliez est que ce... À un rang en dessous, ici, il y a une personne; il y en a une autre là en bas. Il y en a une troisième là en bas, et nous faisons tout cela simultanément. C'est très important. Et vous allez voir dans quelques minutes pourquoi on ne peut pas tout simplement retirer un rang sans détruire le tout.

• 1605

Quelle probabilité y a-t-il qu'une personne autre que le suspect ait fourni le matériel présenté comme preuve? C'est la question fondamentale. S'il n'y a pas d'appariement, on peut l'exclure—la partie est terminée; on exclut cette personne. En cas d'appariement, il faut savoir combien de gens dans le monde peuvent avoir un élément identique; si nous ne faisons qu'un test, il y a des chances que le résultat s'applique à beaucoup de gens. Si nous en faisons deux, le nombre de gens sera moindre.

C'est pour cela qu'à la GRC, nous utilisons actuellement trois systèmes multiplex. Nous faisons trois grandes séries différentes de tests: ici, on a trois STR différentes, trois tests différents; ici, il y en a quatre; ici il y en a trois autres, plus le test d'identification du sexe.

Le taux moyen de discrimination—nous venons juste de faire ce test—est de un sur 7 812. Nous pouvons donc faire un tri parmi 7 812 personnes. En fait, c'est ce que cela veut dire, la discrimination potentielle. Ici, c'est une personne sur 9 345. Ici, une sur 1 275.

En utilisant tous ces tests, le taux de discrimination est de une personne sur 93 milliards. Voilà donc, en fait, la puissance de cette technologie.

L'un des problèmes que nous avons est d'expliquer devant un tribunal comment nous savons que nous pouvons exclure des gens ou établir leur appariement avec certitude.

Si on regarde simplement notre premier test, qu'on appelle multiplex 1 et multiplex 2, l'appariement le plus commun dans la population caucasienne est d'environ une personne sur 1,2 million. Cela ne veut pas dire que c'est le plus rare; le plus rare est 2,2, suivi de 31 zéros. Comment expliquer devant un tribunal à quel point cela est rare? Nous avons eu toutes sortes de recommandations. Une de celles que j'aime bien est qu'en 1995, le Ice Research Centre du Canada a estimé qu'il tombait chaque année au Canada 1024, c'est-à-dire dix septillions, de flocons de neige. Nos tests en arrivent à un point où on peut trouver une caractéristique plus rare que le nombre total de flocons de neige qui tombent en une année.

Maintenant, je vais vous donner un aperçu de l'histoire de cette technologie, et c'est important parce que je pense qu'une des questions posées était celle de savoir pourquoi il est important de conserver l'échantillon dans notre base de données.

À quelle vitesse cette technologie change-t-elle? En tant que biologiste moléculaire, je peux vous dire que c'est sans doute le domaine le plus actif, le plus difficile et celui qui change le plus rapidement de toutes les sciences. Quand j'ai commencé en 1988, voilà le type d'indication génétique que j'utilisais quand je travaillais sur le cancer du sein et le cancer du côlon. Quand je suis entré au laboratoire judiciaire, nous avons mis au point une procédure un peu plus simple. On pouvait imaginer le problème d'essayer de présenter cela à un tribunal en disant qu'il y a deux personnes là. Nous avons simplifié cela pour avoir juste une série de bandes.

En avril 1989, nous sommes devenus le premier laboratoire de police en Amérique du Nord à utiliser sa propre identification génétique devant un tribunal. Je pense que le FBI l'a fait environ trois semaines plus tard. Jusque-là, la plupart des services judiciaires étaient fournis par des sociétés commerciales, des sociétés privées. Donc, en 1989, nous nous sommes présentés au tribunal, et c'est ce à quoi ressemblait notre ADN séquencé. Il s'agissait d'une agression sexuelle commise contre une femme âgée. Je vais simplement vous montrer cela rapidement. Ici il y a l'accusé, deux bandes. Cela concordait avec le sperme trouvé sur le lieu du crime. Et ces deux bandes venaient de l'échantillon de la victime elle-même.

Quand nous avons fait les calculs pour sept tests différents, je crois que les chances d'appariement avec une personne dans la population en général étaient de une sur plusieurs milliards. Quand nous avons terminé notre déposition pour la poursuite, il y a eu une brève pause. Quand la séance a repris, la défense a présenté une motion et, fondamentalement, l'accusé a plaidé coupable sur tous les chefs d'accusation. C'était notre toute première affaire, en 1989.

Examinons la vitesse à laquelle cette technologie a changé. C'était en 1989. Voici à quoi ressemblaient les gels et l'identification environ un an plus tard. Vous voyez que les marqueurs sont bien différents.

C'est une affaire très intéressante. Je vais vous dire rapidement ce qui s'est passé là.

Ces deux fragments d'ADN concordent avec les échantillons qui sont ici. C'est du sang trouvé dans la voiture de l'accusé, parce qu'il a déplacé un corps. Cette jeune femme a été assassinée, il y avait du sang partout dans le coffre de sa voiture, et le sang a été trouvé dans sa voiture. L'ADN du corps a été trouvé dans une décharge publique. Ce qui s'est produit, c'est qu'un corps avait été placé dans une décharge, il avait été arrosé d'essence, et quelqu'un y avait mis le feu. Les températures d'incinération étaient tellement élevées dans cette décharge que cela a fait fondre le corps d'une jeune femme en laissant trois ou quatre livres de matériel sur le fond.

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Sur la mâchoire de ce corps, dans les restes qu'il y avait dans la décharge, il y avait une ou deux dents. Nous avons extrait la moelle osseuse des dents, et nous l'avons appariée aux traces de sang trouvées dans la voiture de l'accusé. C'est une affaire assez intéressante. Elle montre la stabilité incroyable de l'ADN, pour qu'il puisse résister à de telles températures.

Ensuite, en 1991, voici la technologie; c'était la première fois que nous utilisions la réaction PCR—ce n'était pas très excitant. Cela nous donnait des résultats. Nous sommes passés à l'utilisation de la couleur—c'était un peu mieux. C'était vers 1993. Nous commencions à avoir une meilleure résolution.

Voilà ce que nous allons maintenant utiliser pour la banque de données si nous allons de l'avant. C'est ce qu'il y a de plus moderne. C'est devenu disponible commercialement en décembre. Notre laboratoire a servi de site de validation sur le terrain pour cette technologie depuis deux ou trois ans.

Il y a un système qui se fait maintenant dans un tube. On fait neuf tests et l'identification du sexe. Il se trouve qu'on a un homme là. Vous voyez les chromosomes X et Y, deux bandes. Ce sont uniquement des femmes. Au lieu de prendre trois gels et trois multiplex consécutifs comme auparavant, nous pouvons maintenant le faire en une seule fois.

En juin, nous allons commencer à former notre personnel de laboratoire avec cette technologie et nous allons nous convertir complètement à ce système.

Ce que vous avez vu est l'évolution depuis 1988. Voilà l'importance des changements intervenus dans cette technologie. Et elle va encore changer. Cela fait partie des exigences de mon programme; je dois toujours être en avance de deux ou trois ans dans mes recherches.

C'est la totalité de l'ADN mitochondrial—c'est une autre sorte d'ADN qu'on trouve dans le corps—placé sur une micropuce. Chaque fois qu'on voit une petite bande, cela veut dire qu'une séquence s'est hybridée. En fait, on peut obtenir un résultat en environ cinq secondes avec approximativement 16 000 paires d'ADN. Tout se trouve sur une puce d'environ un centimètre sur un centimètre. On ne peut pas encore tout à fait utiliser cela pour les analyses judiciaires, mais je pense qu'on se servira de ces micropuces pour les diagnostics d'ici environ trois ans.

Les applications judiciaires sont toujours le parent pauvre de la science, dans le sens où, si un laboratoire veut gagner de l'argent commercialement, il mettra d'abord au point un test de diagnostic. La technologie sera ensuite modifiée pour les domaines qui nous intéressent. Voilà comment nous allons obtenir cette technologie basée sur l'utilisation de ces puces.

Voilà ce que nous faisions en 1989, en plaçant manuellement un gel sur un matériau de type agarose. C'est Jeff Madler, de notre laboratoire de Halifax.

Aujourd'hui, un séquenceur 377 coûte environ 150 000 $. Il traite l'ADN automatiquement. Un laser fait un balayage et on peut voir l'image apparaître. Nous avons 12 séquenceurs comme celui-ci dans nos laboratoires de la GRC. Il y en a quatre à Ottawa, quatre à Regina et quatre à Vancouver.

Je suis intervenu lors d'une réunion en octobre; les gens voulaient savoir à quelle vitesse l'identification génétique avait changé. Ils m'ont demandé d'en parler parce que, m'occupant de cela depuis longtemps, je peux probablement me rappeler les anciennes techniques.

J'ai consulté les archives de la International Society of Forensic Human Genetics. J'ai examiné les actes de toutes les réunions de 1987, 1989 et 1991, et j'ai calculé le pourcentage de communications présentées sur les différents types de PCR. En 1987, 94 p. 100 des communications présentées à cette grande réunion européenne et internationale portaient sur la technologie RFLP. Aujourd'hui, 97 p. 100 des communications portent sur la PCR. Il n'y a presque plus personne qui parle de l'ancienne technologie RFLP. C'est simplement de 1987 à 1997.

Pour insister réellement sur la vitesse de ces changements... j'avais un dimanche de libre il y a quelques années et je suis allé au British History Museum. Il y avait là le premier thermocycleur que j'avais utilisé quand j'étais étudiant; il était exposé au British History Museum pour montrer l'histoire de la biologie moléculaire. Quelque chose que je me rappelle avoir utilisé au cours des années 80 est maintenant considéré comme digne d'être exposé au British History Museum.

Voyons comment cette technologie fonctionne dans la pratique. Je vais expliquer ce qu'elle permet d'obtenir pour une agression sexuelle courante.

Voici une indication, le numéro 7 ici... il y a trois fractions différentes d'ADN. Avec un frottis vaginal, en utilisant ce que nous appelons l'«extraction différentielle», nous pouvons isoler l'élément masculin des cellules épithéliales féminines. Nous pouvons prendre l'ADN qu'on trouve dans le sperme et le séparer de l'ADN qu'on trouve dans les cellules épithéliales de la victime.

C'est ce que nous avons fait ici. La victime, le numéro 10 ici, présente ce profil. Le numéro 11 est le suspect. Avec le premier traitement de l'échantillon, on extrait la cellule épithéliale féminine—voyez comment on apparie ce fragment avec elle. Ces deux-là concordent avec elle, les deux suivants et ces deux autres aussi.

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Nous faisons cela à plusieurs reprises et nous obtenons en fin de compte la fraction masculine qui ne correspond pas à la victime mais qui concorde certainement avec le suspect numéro un. Le suspect numéro deux ici a été exclu. Voilà une des choses qu'on peut faire avec le gel.

Dans notre travail, nous aimons lire des images et des graphiques comme ceci. Nous pouvons les imprimer et faire ce genre d'analyse de fragment.

Ici, il se passe la même chose. C'est un homme. Il y a les chromosomes X et Y du suspect numéro un. Ici, on a les chromosomes X et Y du suspect numéro deux. Et ici, c'est un échantillon prélevé sur les lieux du crime. On peut voir qu'il ne concorde pas. Il y a une exclusion ici et une autre exclusion là. La concordance est parfaite avec l'échantillon du suspect numéro un.

Voilà comment on utilise cette technologie dans la pratique sur les lieux du crime: nous prélevons des échantillons sur place—en l'occurrence, il y en a quatre. On les amène au laboratoire judiciaire et on ouvre un dossier. On examine les pièces avec soin, on en fait une description complète et on note tout cela. On fait des tests initiaux pour déterminer si ce sont des échantillons de sang, d'urine ou de je ne sais quoi. On fait ensuite faire l'analyse génétique de l'échantillon avec nos séquenceurs 377, et on obtient ce fichier contenant les données brutes que nous appelons un fichier de gel STR. Il faut le traiter avec l'ordinateur pour nous donner l'information que nous allons vraiment pouvoir utiliser.

Vous voyez ce graphique? Tout y est présenté de façon simplifiée, et ce que nous pouvons faire c'est, en fait, simplifier cela encore plus. On peut simplifier toute cette distribution de l'échantillon qu'il y a ici en une série de nombres de deux chiffres correspondant à chacun de ces fragments en fonction de leur taille et du nombre de répétitions. Par exemple, cette bande ici pourrait être 12-14, 11-18, 20-28—c'est le chromosome X-Y d'un homme—, 11-16, 27-34. C'est le profil génétique final que nous voulons pouvoir comparer.

Les données brutes sont traitées informatiquement, et on les examine de différentes façons. Nous pouvons les examiner sous forme graphique, ce qui est une présentation simplifiée. En réalité, toutefois, on se retrouve avec quelque chose qui ressemble à ça. C'est la présentation finale de l'ADN. C'est important, parce qu'une des questions qui a été posée portait sur ce que nous entreposons en fait et ce que nous pouvons retirer du gel ou la façon dont nous retirons de l'information du gel.

On a ici le suspect numéro un. Ce sont ses chromosomes X et Y. C'est un test particulier; on a le numéro 10 et le numéro 12. Sur les lieux du crime ici, on peut voir le D21S11. Ici, c'est un test réalisé sur le chromosome 21.

Je vais vous apprendre à lire les chromosomes. L'ADN... le D représente le chromosome 21. Le S est un gel à copie unique, et c'était la onzième fois que quelqu'un signalait un site particulier sur ce chromosome. Vous êtes donc maintenant tous officieusement des biologistes moléculaires. On a donc 29 appariements avec 29, 30,2 appariements avec 30,2, etc. C'est le code numérique final.

La banque nationale de données génétiques sera un outil d'enquête. Elle oriente simplement la police dans la bonne direction. Elle peut établir des liens entre différents crimes ou orienter l'enquête vers un délinquant. C'est l'outil d'enquête que beaucoup de services de police veulent vraiment pouvoir utiliser, aussi bien dans tout le Canada que dans le monde entier. Ils veulent pouvoir établir un lien entre les données trouvées sur les lieux du crime et une personne déterminée.

En fait, je tiens à dire d'abord que nous ne savons pas exactement comment la base de données génétiques va fonctionner. Nous sommes encore en train d'en discuter avec les autres laboratoires judiciaires du Canada. Je vais vous indiquer une façon dont elle pourrait fonctionner.

Certaines de nos lignes directrices seront établies en fonction du règlement et de la loi que vous allez adopter. Par exemple, dans ce cas-ci où nous traitons du matériel génétique, l'information qui sera envoyée ici inclura un code à barres, un numéro alphanumérique, le nom de l'organisme qui a présenté l'échantillon et une version simplifiée des STR. Voilà à quoi cela va ressembler. Si le Centre des sciences judiciaires nous envoyait un échantillon pour que nous l'analysions dans la banque de données, il ressemblerait probablement à cela: ACX56783. C'est un numéro d'identification unique établi par le Centre.

• 1620

C'est son fichier de gel. Nous ne savons pas ce qu'il y a dans son fichier concernant cette affaire, mais le voilà. Il est important pour les gens du Centre de le savoir afin qu'ils puissent s'y référer. Les données ont été présentées, et ils vont nous envoyer une série de codes à barres. C'est tout; il n'y là aucune autre information.

Il y a trop de choses sur cette diapositive, et je vais probablement en sauter certaines. Mais voilà ce que le Centre nous envoie. Les gens du Centre vont nous demander de comparer cet échantillon à celui d'un délinquant. Nous allons le faire. Disons que nous trouvons un appariement avec l'échantillon d'un délinquant. On l'indique alors dans le dossier judiciaire, et c'est eux qui doivent signaler au laboratoire judiciaire qu'ils ont un appariement et à qui appartient cet échantillon.

Nous n'en savons rien; nous avons seulement un code à barres et cette série de chiffres. Nous ne savons pas à qui cela correspond. Son identité figure dans le dossier judiciaire.

De même, pour ce qui est du fichier de criminalistique, disons qu'un échantillon concorde avec un autre qui vient du laboratoire de la GRC de Vancouver. Tout ce que nous savons c'est que ces deux échantillons concordent. Je n'ai pas d'autres renseignements précis à part le fait qu'ils concordent. Je peux dire d'où ils viennent et quand ils ont été présentés, mais je ne sais pas si c'est un échantillon d'un suspect ou un échantillon de sang. Je ne connais aucun des renseignements pertinents que le laboratoire judiciaire qui s'en occupe doit connaître.

Je ne fais que comparer les deux échantillons et établir des liens avec eux. Nous allons donc appeler les deux laboratoires judiciaires et leur dire que tel numéro correspond à ce numéro et nous leur demanderons de comparer leurs notes et d'examiner leurs fichiers de gel.

Nous ne pouvons donc fournir aucune identification personnelle au sujet de suspects ou d'autres personnes à partir des données concernant le matériel prélevé sur les lieux du crime. Nous n'avons pas ces renseignements; ils figurent dans les dossiers de l'affaire au laboratoire judiciaire. Nous ne pouvons fournir aucune identification personnelle du suspect parce que cela figure dans le dossier judiciaire. Nous nous contentons d'avoir ces données en dépôt afin de pouvoir faire toutes sortes de comparaisons.

Une question a été posée il y a quelque temps: pourquoi ne peut-on pas retirer un échantillon d'une image de gel entière? Eh bien, la première chose que je vous dirai est que c'est une image brute et que chaque échantillon est relié à un autre. Si on retire l'échantillon numéro neuf, on ne peut plus rien faire. Je ne peux plus comparer quoi que ce soit à l'échantillon onze et à l'échantillon sept. Cela tient à la technologie que nous utilisons pour obtenir ces renseignements. C'est particulier à l'identification génétique. Ce n'est pas un logiciel normal; c'est un logiciel très spécifique adapté à l'utilisation d'un séquenceur 377 pour collecter des fragments d'ADN sur lesquels on a placé automatiquement des marqueurs fluorescents.

C'est compliqué. Ce gel sera soumis à 193 balayages, un toutes les 1,5 secondes. On établira alors une image complète sur la base de 4 500 balayages. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, ces fragments-là sont plus gros que ceux qui sont ici en bas. L'ADN va maintenant se présenter de façon plus linéaire.

Voilà ce que nous proposons. Disons que quelqu'un figure dans la base de données des délinquants et que nous voulons retirer cet échantillon-là. Nous ne pouvons pas le faire sans détruire la totalité des 26 autres échantillons qui sont sur ce gel.

Nous pouvons faire la chose suivante. Vous vous rappelez que cet échantillon qui est ici doit être identifié au moyen d'un code à barres. C'est ce code qui nous permet d'identifier les données relatives à l'échantillon que nous soumettons à toute notre procédure de traitement pour obtenir notre code numérique.

Disons simplement que nous prenons ce code à barres ici, et ce code à barres là. Il se peut que nous ayons cet échantillon ici, mais je ne sais ni d'où il vient ni à quoi il correspond, je ne peux donc pas le traiter pour trouver le code. Il est en fait devenu inaccessible.

Examinons donc cela de façon un peu plus détaillée. Nous voulons retirer l'échantillon neuf. Eh bien, si je coupe le lien à l'entrée et celui qui est à la sortie, je ne sais pas ce que c'est et je ne sais pas comment traiter l'information, puisqu'elle n'est plus là. Toute l'image du gel reste intacte.

Voici pourquoi on ne peut pas détruire le fichier du gel: c'est un fichier contenant des données brutes. C'est comme un gros classeur qui contient de nombreux dossiers: si on en retire un, tout le classeur est détruit.

Dans cet appareil, il y a un laser. Il est juste dans le coin en bas, mais vous ne pouvez pas très bien le voir. C'est un laser très perfectionné qui illumine le matériel comportant des marqueurs fluorescents, et il y a une lumière qui est émise.

Derrière ce laser, il y a une caméra qui enregistre la fluorescence. C'est en fait un dispositif à couplage de charge. C'est l'ordinateur qui fait le tri entre toutes les couleurs différentes et qui détermine les liens entre elles.

• 1625

Voilà donc une vue latérale du gel. On voit cela en quelque sorte depuis le bord de l'appareil. Voilà le laser et la caméra. On va mettre les morceaux d'ADN ici. C'est ce que nous appelons une analyse en temps réel. Nous mettons l'ADN ici et nous l'exposons à un choc électrique. C'est comme une course: ce morceau-là va être le premier à passer devant le laser, puis ce sera celui-là. En fin de compte, tous les morceaux de l'ADN vont passer du gel au tampon, dans le fond. Nous le nettoyons, nous retirons le gel, nous le jetons et nous versons un nouveau gel. C'est une sorte de course électrophorétique.

Voilà ce que cette entreprise faisait pour analyser seulement une bande à la fois. On pouvait placer le laser ici. Au bout de 20 minutes, la bande rouge va presque disparaître. Au bout de 26 minutes, le laser ne la voit plus. Au bout de 30 minutes, c'est le tour des bandes bleues. Au bout de 45 minutes, la dernière bande bleue a disparu. Au bout d'environ 50 minutes, il n'y a plus d'ADN sur ce gel. L'ADN est tout à fait sorti du gel en passant à côté du laser.

Les gens de cette entreprise étaient très intelligents: ils ne voulaient pas se contenter d'identifier une bande, ils voulaient en identifier 26. En fait, la nouvelle technologie permettra d'en identifier 96 à la fois.

Ici, on a un laser qui fait un mouvement continu d'aller-retour pour collecter l'information. Donc, quand l'ADN passe devant le laser, il est en fait en mouvement. Faisons comme si nous observions ce laser. Au bout de 0,3 seconde, il est ici en train de prendre cette image. Au bout de 0,5 seconde, il prend celle de toute la bande qui est ici. Au bout de 0,75 seconde, il a couvert la moitié du gel et pris cette image-là. Quand il arrive à l'autre extrémité du gel, au bout de 1,5 seconde, il est prêt à revenir en arrière. Il effectue 4 500 balayages pour collecter des données. Il collecte de l'information en faisant des mouvements d'aller-retour. Il effectue un balayage et demi par seconde.

Donc, ce que nous faisons revient à mettre des perles sur un fil pour collecter l'ADN. Celle-ci est la première qu'on ajoute. On voit comment le fil est connecté. C'est la deuxième qu'on ajoute. C'est la dixième qu'on ajoute. C'est la onzième, parce que celle-ci est la dixième, etc.

En fin de compte, on les met toutes ensemble, on arrive à l'extrémité du gel et l'assemblage commence en même temps que le laser fait ses allers et retours. On fait cela à de nombreuses reprises et on se retrouve avec une image de gel.

Que se passe-t-il alors si on essaie de couper le fichier de gel brut? En gros, on perd toutes les perles. Toute l'information est perdue, en même temps que toutes les associations avec tous les autres fragments.

Plus particulièrement, il y a ici les normes concernant les bandes internes, les règles pour mesurer tous les morceaux d'ADN. Si nous essayons d'en retirer un, ce qu'on ne peut pas faire d'après l'entreprise, on détruit tout le classeur et non pas simplement une bande ou un fichier de renseignements.

Je veux simplement dire quelques mots au sujet de cette technologie. Je crois que quelqu'un, la semaine dernière ou la semaine précédente, vous a expliqué comment nous allons prélever divers échantillons. Eh bien, nous avons perfectionné cela encore plus.

Disons que nous nous intéressons aux taches de sang. Nous essayons de perfectionner une technologie qui s'appelle l'analyse FTA. Il s'agit, en gros, d'un papier spécialement traité avec des agents non toxiques. Mais quand on y place du sang, les cellules se décomposent toutes et l'ADN colle au papier. Nous pouvons littéralement découper un petit morceau du papier, enlever tout le matériel de la cellule de sang et grossir la partie qui nous intéresse pour l'ADN directement à partir de ce papier.

Cette image n'est pas excellente, mais certains d'entre vous arrivent peut-être à voir de tous petits points. C'est un poinçon de un millimètre. Avec certaines des images que je vous ai montrées, nous pouvons même effectuer une analyse génétique complète sur le sang prélevé avec un poinçon de un millimètre. Nous en utilisons en fait seulement 300 avec le séquenceur 377. C'est une technologie très sensible.

Une des choses que nous faisons à la GRC est que nous travaillons en étroite coopération avec de nombreux groupes dans le monde entier. Nous formons des groupes de travail pour établir des conventions afin de tous travailler plus ou moins dans le même sens et de pouvoir échanger des données. Nous voulions en particulier savoir sur quoi nous travaillons vraiment—les allèles elles-mêmes—et quelle désignation nous allons employer. Nous voulions standardiser la technologie. Nous voulions élaborer certains systèmes spécifiques pour la PCR. Nous voulions être en mesure d'échanger des bases de données si cela s'avère nécessaire à l'avenir.

Nous coopérons à des études de validation. Cela veut dire que si mon homologue du FBI effectue un test et constate qu'il marche parfaitement et si nous avons fait le même à la GRC, on considère cela comme une évaluation par des pairs. Les gens ont accepté ce système, et c'est une méthode valide et fiable. Nous voulons établir des normes d'assurance de la qualité en coopération.

• 1630

Je vais vous donner un exemple d'un des tests que nous faisons. En Amérique du Nord, de nombreux laboratoires commencent à utiliser les STR dans leurs analyses. Le laboratoire de la GRC fait des recherches à ce sujet depuis 1991. Nous sommes sans doute un des plus gros laboratoires à le faire et un de ceux qui le font depuis le plus longtemps. Quand nous avons commencé, il y avait peut-être cinq laboratoires dans le monde qui utilisaient cette technologie.

Récemment, en mars 1996, le FBI, par l'entremise du ministère de la Justice des États-Unis, a financé une étude internationale dans le cadre de laquelle nous coopérons avec 26 laboratoires—il y en a seulement quelques-uns qui sont mentionnés ici—pour élaborer un ensemble commun de normes sur les STR afin que, si on compare un échantillon en Floride et un autre au Canada, les procédures utilisées soient les mêmes, les mêmes STR, et que les résultats soient les mêmes. Vous serez peut-être étonnés d'apprendre que pour les empreintes digitales, les empreintes digitales latentes laissées sur des objets... à différents endroits des États-Unis, on utilise des procédures différentes pour l'examen des empreintes digitales. En fait, ce que nous voulions faire, c'est établir un ensemble universel de normes.

C'est ce que nous avons fait. En novembre dernier, après une étude combinée à laquelle participaient tous nos laboratoires et qui a coûté approximativement 1 million de dollars—et, là encore, c'est le ministère de la Justice des États-Unis qui l'a financée—, nous avons mis au point 13 systèmes de test qui constitueront la norme internationale pour l'analyse judiciaire en Amérique du Nord.

Je voulais simplement vous montrer un peu comment se fait ce travail ici. C'est un échantillon de la population. On a ici un numéro d'identification pour un échantillon déterminé. Ici, ce sont tous les différents tests; et regardez, il y a les données: un 15-16, un 22-24. Il se trouve que c'est un homme, XY, un 12-13. Ce matériel est justement ce que nous prélevons.

Dans le fichier génétique des délinquants, nous pouvons en fait découper toute une bande ici et nous en débarrasser. Voilà comment nous pourrions éliminer un échantillon. Par exemple, en cas de pardon, si on nous dit de retirer l'échantillon no tant, il nous suffit d'accéder à la banque de données, et il est éliminé. On ne l'a pas seulement rendu inaccessible, il a disparu.

Je voudrais rendre hommage aux membres de mon groupe. Ils sont cinq. Au fil du temps, j'ai reçu également beaucoup d'étudiants. Il s'agit de Kathy Bowen, Benoît Leclerc, Chantal Frégeau et Jim Elliott. Ils ont travaillé très fort pour mettre au point et valider les procédures que nous utilisons actuellement dans les laboratoires judiciaires de la GRC.

Ma dernière diapositive est seulement une indication... En juillet 1993, nous avons publié une importante communication dans BioTechniques. Nous figurions également en page de couverture.

On voit ici l'évolution de la technologie à la GRC. C'est intéressant. Je pense que cela a été envoyé à 56 000 chercheurs dans le monde entier. C'est la première fois que j'ai envoyé une photographie de famille à 56 000 personnes. On voit ici l'identification RFLP, une génération de PCR, et un autre procédé que nous avons essayé en utilisant des marqueurs fluorescents. Même la technologie que vous avez vue aujourd'hui a été améliorée depuis 1993.

Je vous remercie de votre attention. Si vous avez des questions, je serais heureux d'y répondre.

La présidente: Il y en aura une ou deux.

Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): J'ai trouvé cela très intéressant, mais probablement au-dessus de mes capacités. J'étais déjà largement dépassé au bout d'un petit moment.

• 1635

Je pense que ce que nous voulons savoir quand nous abordons un projet de loi de cette nature et que nous nous penchons sur cette sorte de technologie, est si elle ne présente vraiment aucun danger en ce qui concerne la protection de la vie privée, si les renseignements contenus dans les échantillons peuvent être utilisés à d'autres fins que l'identification et s'il y a des risques d'utilisation abusive si, malgré les dispositifs de protection, quelqu'un a accès aux échantillons contenus dans la banque de données ou au profil des échantillons eux-mêmes. Si vous avez des commentaires ou des garanties que vous pouvez nous présenter au sujet de certaines de ces questions dans le cadre de notre examen du projet de loi C-3, je pense que les autres membres du comité et moi-même serions heureux de savoir ce que vous en pensez.

M. Ron Fourney: La première chose que je voudrais déclarer, du point de vue scientifique, est que l'information que nous collectons consiste en une série de nombres de deux chiffres et que, quand on additionne ces nombres, on identifie en fait un morceau d'ADN anonyme. On a choisi avec soin cette méthode afin de ne pas coder pour d'autres éléments comme une maladie ou des traits psychologiques ou physiques. En d'autres termes, même si quelqu'un obtenait ou avait ces codes à barres de deux chiffres figurant en bas et que je vous ai montrés sur un des gels, ce serait seulement l'identification d'un morceau d'ADN anonyme. Cela ne constitue aucunement un moyen de coder pour une maladie physique ou mentale.

Deuxièmement, du point de vue du projet de loi, je sais qu'il y aura des règles et des règlements stricts et des sanctions en cas d'utilisation illégitime de ces données, et il me semble que ce serait un élément de dissuasion pour toute personne qui voudrait essayer de les utiliser ainsi, mais, je le répète, c'est un morceau d'ADN anonyme. Je ne sais pas comment on pourrait l'utiliser autrement que pour l'identification humaine.

M. Jack Ramsay: Connaissez-vous d'autres banques de données génétiques?

M. Ron Fourney: Oui.

M. Jack Ramsay: Bien entendu, nous donnons tous des échantillons d'une façon ou d'une autre. Je suppose qu'il viendra un moment où nous n'aurons pas besoin de la racine d'un cheveu, on pourra donc prélever des échantillons chez le coiffeur, etc. Mais nous donnons des échantillons de sang. Je donne un échantillon de sang chaque fois que je me soumets à un examen médical ou à quelque chose comme ça. À ma connaissance, on prélève un échantillon à la naissance. Je ne sais pas ce qu'on fait de ces échantillons, si on les place ou non dans une banque de données. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est?

M. Ron Fourney: En fait, c'est une question que j'ai posée hier à certains généticiens cliniques de l'Hôpital des enfants malades, et ils m'ont dit qu'il y a des règles interdisant certaines utilisations et régissant ce qu'ils peuvent faire avec les échantillons présentés pour déterminer la présence d'une maladie. Donc, à part le fait qu'ils prélèvent des échantillons pour leur propre détermination génétique, je crois que leur commission d'éthique peut les autoriser à utiliser ces échantillons—s'ils en retirent tous les éléments d'identification—pour faire de la recherche, c'est-à-dire essayer d'établir une liaison pour un trait particulier chez les membres d'une même famille. C'est comme cela que, par exemple, le Dr Korneluk, ici, à Ottawa, a cloné les gènes de la dystrophie myotonique. Il avait reçu des familles la permission d'examiner la distribution de ce trait parmi leurs membres pour essayer de déterminer la région de l'ADN pouvant contenir le gène de la dystrophie myotonique.

Donc, les laboratoires de diagnostic clinique utilisent couramment cela, mais je pense qu'ils ont des règles assez strictes régissant l'utilisation de ces échantillons.

M. Jack Ramsay: Qu'en est-il de l'autorisation de prélever les échantillons?

M. Ron Fourney: Du point de vue des diagnostics cliniques?

M. Jack Ramsay: Oui.

M. Ron Fourney: À ma connaissance, toute personne qui soumet un échantillon pour qu'il soit analysé cliniquement autorise par écrit la réalisation de ce test. Les gens savent donc parfaitement pour quoi ces échantillons vont être utilisés.

M. Jack Ramsay: Donc, si je donne un échantillon de sang pendant un examen médical et que j'ai signé un formulaire à un moment donné, peut-il être placé dans une banque de données?

M. Ron Fourney: Si vous ne l'avez pas encore fait, vous le ferez, parce que je pense que les commissions d'éthique des hôpitaux de tout le Canada s'intéressent beaucoup à cela.

M. Jack Ramsay: Que se passe-t-il actuellement dans les cliniques de tout le pays? Qu'advient-il de ces échantillons de sang?

M. Ron Fourney: Je pense qu'on les garde dans les laboratoires de recherche et que tous les éléments d'identification en sont retirés.

M. Jack Ramsay: C'est tout ce que je voulais demander pour le moment, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Discepola.

• 1640

M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vous prie d'excuser mon retard, mais j'ai été abordé par les représentants de l'Association de la police de Toronto qui m'ont gardé en otage dans mon propre bureau jusqu'à ce que nous convenions que j'avais des choses plus importantes à faire pour parler ici de l'ADN, et ils m'ont laissé partir.

Une des préoccupations que j'ai depuis le début de ce débat concerne deux choses. Premièrement, on nous a dit à plusieurs reprises que le profil proprement dit, le lien entre le profil et l'identificateur, pourrait être retiré, mais qu'on ne peut pas effacer l'entreposage électronique proprement dit—je n'ai pas pu obtenir une réponse précise—de ce profil.

M. Ron Fourney: Avez-vous assisté à mon exposé?

M. Nick Discepola: Je n'étais pas là pendant les 20 premières minutes environ.

M. Ron Fourney: D'accord. Je pense que ce que j'ai essayé de montrer au moyen de diagrammes c'est qu'à son arrivée, un échantillon est muni d'un code d'identification; ensuite, l'appareil examine l'ADN et crée une image gel contenant des données brutes qui est propre au séquenceur d'ADN utilisé; et c'est à partir de là qu'on peut procéder à l'interprétation et établir le profil génétique. Il faut établir un lien, effectuer l'identification proprement dite.

Si on supprime le code à barres ou le lien à l'entrée ou à la sortie du fichier de gel, on a alors un fichier qui contient un échantillon que nous pouvons voir, mais nous n'avons aucune idée de ce en quoi il consiste et nous ne pouvons plus l'interpréter. Nous ne pouvons pas simplement retirer une bande de ce fichier, parce qu'elles sont toutes reliées entre elles. On détruirait toute l'information qui figure sur ce gel.

M. Nick Discepola: Pourquoi ne pouvez-vous pas vous débarrasser de l'ensemble du profil au lieu de...

M. Ron Fourney: Vous pouvez détruire la totalité des 28 échantillons, si vous voulez, mais cela reviendrait à détruire toute l'image du gel.

M. Nick Discepola: La loi prévoit l'élimination de ce lien et non pas celle des 28 échantillons de profil que vous avez mentionnés.

M. Ron Fourney: C'est exact. Alors, on retirerait l'élément d'identification quand on commence la collecte de données sur l'image du gel et quand on la termine et, ensuite, ce serait comme si on examinait quelque chose où on voit qu'il y a 26 bandes alors que nous avons seulement des renseignements sur 25.

M. Nick Discepola: À votre avis, cela suffit-il à rendre tout ce profil inutilisable?

M. Ron Fourney: Oui.

M. Nick Discepola: Très bien.

Une autre chose dont j'ai discuté est que l'association de la police veut pouvoir prélever des échantillons au moment de l'arrestation ou au moment où des accusations sont portées.

D'après votre exposé et en reprenant la comparaison avec les empreintes digitales, je suis tout à fait convaincu qu'en lui-même, le profil ne peut servir à rien d'autre qu'à l'identification, surtout si on a retiré certains des éléments qui nous préoccupaient relativement aux maladies, les chromosomes qui permettent d'identifier des maladies, etc.

À votre avis, pensez-vous que le profil établi au moyen de toute l'analyse génétique est débarrassé d'assez d'éléments pour répondre à toutes les préoccupations que les gens pourraient avoir au sujet de la protection de la vie privée ou de l'utilisation illégitime du profil—c'est du profil que je parle maintenant, pas des échantillons—, et est-ce que, peut-être, dans quelques années, quand l'opinion publique sera plus prête à accepter l'utilisation de ces données génétiques et que cela l'inquiétera moins, on pourrait en fait pratiquer ce prélèvement d'échantillons à plus grande échelle?

M. Ron Fourney: Je pense qu'il y a deux aspects à votre question. Premièrement, du point de vue scientifique, je ne vois pas comment on pourrait utiliser ce code à deux chiffres pour autre chose que l'identification humaine. Du point de vue non scientifique, je n'ai, en réalité, aucune influence sur ce qui entre dans la banque de données ou en sort. Cela dépend réellement de la loi et du règlement.

Je dirai que je suis tout à fait neutre. Ce dont je m'occupe fondamentalement c'est de mettre au point la technologie et de gérer le système pour l'identification.

M. Nick Discepola: Donc, pour vous, les deux iraient de pair. En d'autres termes, le profil serait entreposé et nous devrions faire attention à ce que nous entreposons, mais, pour les raisons que vous avez mentionnées précédemment, les changements concernant la technologie et la rapidité de ces changements, nous devrions également entreposer l'échantillon.

M. Ron Fourney: Je serais tout à fait en faveur de conserver l'échantillon fourni initialement. Bien entendu, en fin de compte, ce qui nous intéresse est le résultat final, le code à deux chiffres. Le matériel utilisé en cours de route peut, en fait, être détruit pour ce qui est des sous-produits, de l'extraction et du grossissement.

• 1645

Si nous devions jamais pratiquer à nouveau une analyse génétique à l'avenir—par exemple si on met au point une nouvelle technologie de pointe qui rendrait tout beaucoup plus pratique, beaucoup plus efficace et probablement moins cher—, nous pourrions analyser à nouveau ces échantillons. Si nous n'avions plus les échantillons originaux, il faudrait que nous les obtenions à nouveau.

M. Nick Discepola: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Après avoir assisté à votre exposé, je me demande si l'analyse comporte encore une part de subjectivité.

M. Ron Fourney: Une subjectivité...

M. John McKay: Oui. Reste-t-il une part quelconque d'interprétation?

M. Ron Fourney: Je vous ai seulement présenté la pointe de l'iceberg. C'est très technique. De nombreuses sciences différentes entrent en jeu: la biologie moléculaire, la génétique des populations humaines, certains éléments de chimie, l'électrophorèse, etc.

Nous recevons souvent des échantillons provenant d'un crime qui sont composés d'une combinaison d'éléments. Ils peuvent être partiellement dégradés. Il est très important de maîtriser parfaitement cette technologie et d'en connaître les limites afin de ne pas outrepasser ses possibilités.

Ce que je veux dire est que plus un échantillon est dégradé, plus il est petit. Ces petites bosses, ou les couleurs que vous avez vues, finissent par devenir de plus en plus difficiles à déchiffrer. Il faut que nous déterminions un seuil au-delà duquel nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que tel échantillon ou tel fragment concorde avec un autre. C'est à ce moment-là que nous avons tout à fait les moyens de faire une interprétation pour exploiter ce dont nous disposons. Il est très important pour nous de connaître non seulement les avantages de cette technologie, mais également ses limitations.

Nos spécialistes reçoivent une formation très poussée pour pouvoir avoir une idée plus complète de ce qu'on peut faire et de ce qu'on ne peut pas faire avec cette technologie. Nous organisons régulièrement des stages de formation très complets chez nous; ils durent deux semaines avec un grand nombre d'heures chaque jour. Ces spécialistes doivent ensuite rentrer chez eux et analyser les images de gel que nous avons préparées dans notre laboratoire et qui correspondent à ce qu'on utilise dans la pratique. Tout cela prend environ six ou sept mois. Nous évaluons tout cela en tant que tests de capacité et de compétence. Dans l'ensemble, toute interprétation doit reposer sur une énorme quantité de réflexion rationnelle.

M. John McKay: Comment formulez-vous cela quand vous présentez les preuves? Quand vous témoignez au sujet de l'analyse génétique, comment décrivez-vous au tribunal la qualité de l'échantillon que vous avez reçu et ses limites?

M. Ron Fourney: En fait, si la qualité de l'échantillon n'est pas suffisante, les résultats ne sont pas concluants.

M. John McKay: C'est donc bon à 100 p. 100 ou pas du tout.

M. Ron Fourney: C'est exact.

M. John McKay: C'est ce que vous déclarez à la police.

M. Ron Fourney: Nous dirons que nous pouvons réaliser une interprétation partielle de certains profils. Par exemple, dans certains cas, un échantillon a été fortement dégradé et nous n'avons pu faire peut-être qu'un ou deux tests. On obtiendra ainsi une discrimination bien moindre, mais cela pourra suffire à fournir un indice pour l'enquête.

M. John McKay: Les procureurs de la Couronne ou les policiers exercent-ils parfois des pressions auprès de vous relativement à la qualité de l'interprétation ou à la qualité du témoignage que vous pouvez présenter?

M. Ron Fourney: Je ne suis pas sûr qu'on peut parler de «pressions».

M. John McKay: Est-ce qu'ils insistent auprès de vous?

La présidente: Cela n'arriverait jamais, monsieur McKay.

M. John McKay: Le problème, madame la présidente, est qu'il y a ici une apparence d'objectivité qui est tout à fait convaincante. Il y a très peu de choses qu'on peut contester ou qu'on peut utiliser pour rejeter tout cela, mais c'est pour en arriver là que c'est, à certains égards, beaucoup plus problématique.

Je me demande si, en fait, en tant que membre de ce groupe nord-américain, vous avez établi des normes pour ce qui est d'en arriver là.

M. Ron Fourney: Absolument. C'est un groupe aux travaux duquel nous participons. Il y en a un autre qui est un groupe de travail technique sur les méthodes d'analyse génétique, le «TWIGDAM». Il a été créé en 1988, initialement sous le parrainage du FBI. Nous en faisons partie au même titre qu'une cinquantaine ou une soixantaine d'autres laboratoires. Nous nous réunissons deux ou trois fois par an.

Pendant ces séances, nous élaborons des lignes directrices sur l'interprétation des analyses ainsi que des normes relatives à l'assurance de la qualité, à la validation et à la formation. Leur mise au point est très poussée et elles doivent être validées.

• 1650

En travaillant avec d'autres chercheurs scientifiques dans des groupes comme ceux-là, nous parvenons à nous entendre conjointement non seulement sur l'interprétation, mais aussi sur les limites de cette technologie.

M. John McKay: Donc si j'étais procureur de la Couronne ou avocat de la défense, je pourrais insister pour obtenir des renseignements précis sur la qualité de l'échantillon, son degré de dégradation, les méthodes utilisées pour le prélèvement de l'échantillon, etc.

M. Ron Fourney: En tant que biologiste moléculaire, je dirai que cette technologie est difficile, mais nous sommes très satisfaits des résultats que nous allons obtenir.

Comme vous êtes nombreux à le savoir à la suite de certains événements antérieurs et d'affaires dont on a beaucoup parlé, les échantillons que nous utilisons pour en extraire l'ADN peuvent avoir été traités de différentes façons. Ils peuvent être contaminés ou je ne sais quoi encore. Il est également très important de former les personnes qui prélèvent ces échantillons.

Au Canada, je crois que nous nous en tirons très bien pour le prélèvement des échantillons et nous respectons des normes de qualité très élevées, mais la qualité des preuves obtenues dépend de celle du matériel que reçoit le laboratoire.

M. John McKay: J'ai une question de nature différente. On nous a posé des questions sur le fait de savoir si c'est la GRC qui devrait gérer la banque. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Cela a-t-il jamais posé un problème par le passé pour ce qui est de la contestation de l'objectivité des preuves présentées?

M. Ron Fourney: Parce que le témoignage ne serait pas objectif?

M. John McKay: Oui.

M. Ron Fourney: Les avocats peuvent certainement avoir pour tactique de contester ce que nous disons devant le tribunal, mais en même temps, tout le monde sait qu'un chercheur en science judiciaire est fondamentalement un témoin pour le tribunal et qu'il n'appuie ni une partie ni l'autre. Nous avons déjà témoigné pour la défense aussi bien que pour la poursuite.

Mon premier objectif est d'être un chercheur scientifique qui fait preuve d'éthique dans son utilisation de la technologie et qui explique au tribunal ce que les données obtenues peuvent ou non vouloir dire.

M. John McKay: Merci.

La présidente: Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay: Les conclusions qu'on peut tirer des preuves génétiques sont extrêmement convaincantes. Je regarde parfois l'émission Law and Order—elle porte sur le droit et les tribunaux, je suppose—, et je peux envisager la possibilité d'obtenir un échantillon de votre ADN et de le placer sur le corps de la victime sur les lieux du crime.

Si cela se produisait et si on vous donnait un échantillon de sperme placé subrepticement sur le corps de la victime d'un assassinat, cela fournirait une preuve si concluante que c'est une source de préoccupation. Il y a eu deux personnes qui ont été innocentées simplement sur la base d'une preuve génétique. Mais il y a aussi le revers de la médaille, dans le sens où les conclusions découlant de la présentation de preuves génétiques pourraient, dans certains cas, entraîner la condamnation de personnes innocentes.

Avez-vous des préoccupations à cet égard?

M. Ron Fourney: La première chose que je voudrais souligner est que l'ADN ne condamne personne. C'est une des preuves présentées au tribunal, et la décision dépend généralement d'un groupe de gens.

Deuxièmement, si on a trouvé du sperme dans la cavité vaginale d'une victime, il pourrait être difficile d'expliquer comment il s'est retrouvé là sinon par le moyen à l'emploi duquel la plupart des gens concluraient.

Troisièmement, l'analyse génétique judiciaire n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres. C'est un outil qui a une forte valeur probante et qui nous donne une énorme capacité de discrimination entre diverses personnes. Mais on construit une affaire à partir de nombreux éléments, et la preuve génétique pourrait n'en être qu'un parmi d'autres. Il pourrait s'agir d'une enquête sur un incendie volontaire. Il pourrait y avoir des empreintes digitales. Il pourrait y avoir des armes à feu. Il pourrait y avoir d'autres preuves ne relevant pas de la science. Ce n'est qu'un élément parmi d'autres.

• 1655

Par exemple, quand j'ai témoigné dans l'affaire Légère, il y avait 42 témoins experts. Un bon nombre d'entre eux étaient des experts en génétique, mais je pense que, dans l'ensemble, il y a eu beaucoup de témoins pour d'autres aspects de l'affaire, des éléments autres que la science judiciaire ou les preuves génétiques. C'est en se basant sur l'ensemble des éléments apportés par tout le monde que le jury a pris sa décision.

L'autre chose que je voudrais souligner est que je suis au courant de certains cas... Il y a eu notamment une affaire du FBI concernant une agression sexuelle contre une jeune femme. La tache de sperme trouvée sur sa culotte ne correspondait pas à l'ADN de l'accusé. Ce renseignement a été présenté au tribunal, et un agent du FBI a témoigné en faveur de l'exclusion de l'ADN de l'accusé. En l'occurrence, il y avait une énorme quantité d'autres preuves—apparemment, le témoin oculaire avait fait une déposition excellente—, si bien que le jury a jugé l'accusé coupable du crime même si le sperme trouvé sur les lieux ne correspondait pas à son ADN.

Je dirai donc que l'ensemble de l'affaire doit être examiné en tenant compte de tous les éléments et que, même si nous sommes très enthousiastes au sujet de la technologie génétique, ce n'est qu'un des outils dont nous disposons dans notre arsenal.

M. Jack Ramsay: J'ai une dernière question. Je ne sais pas si je devrais vous la poser ou non, mais avez-vous été en mesure de déterminer la qualité des preuves génétiques fournies dans l'affaire O.J. Simpson?

M. Ron Fourney: Premièrement, je n'ai rien eu à voir avec l'affaire O.J. Simpson.

Des voix: Oh, oh!

M. Ron Fourney: D'après ce que je sais, étant donné que je connais les personnes qui ont participé aussi bien à la poursuite qu'à la défense, l'ADN lui-même n'a pas causé de problèmes dans cette affaire. Les preuves paraissaient extrêmement bonnes. Robin Cotton, de Cellmark Diagnostics, a confirmé les conclusions génétiques du laboratoire de Berkeley du ministère de la Justice de Californie. D'après ce que j'ai lu, dans l'affaire O.J. Simpson, le problème concernait la nature du prélèvement.

M. Jack Ramsay: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Monsieur Maloney.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Combien coûte l'analyse d'un échantillon d'ADN?

M. Ron Fourney: Le coût actuel d'une analyse génétique effectuée par la GRC est d'environ 4 500 $. C'est le coût total. Ce qui est caché dans ce coût—je ne devrais pas dire caché—est qu'il y a énormément de choses à faire pour l'assurance de la qualité. Nous effectuons des contrôles positifs et négatifs. Nous allons probablement réexaminer des échantillons qui posaient des problèmes au départ à cause de la façon dont ils avaient été prélevés, par exemple des échantillons qui n'étaient pas assez propres. Et pour ce qui est de la séparation, je vous ai montré les éléments masculins et féminins.

Il y a beaucoup d'autres choses qui interviennent dans l'analyse, mais du début jusqu'à la fin, en incluant les frais de personnel et la formation de l'analyste—je pense que les chiffres qu'on m'a cités incluaient même le coût du chauffage du bâtiment, par exemple—, cela revient environ à 4 500 $ pour l'ensemble de l'affaire. En moyenne, il y a environ six échantillons de qualité douteuse ou dont les rapports avec l'affaire... Et il y a aussi les échantillons supplémentaires de contrôle que nous devons utiliser pour l'assurance de la qualité et la validation.

M. John Maloney: Mais avec ce projet de loi—ou peut-être avec les modifications qui pourraient être présentées—, il y aura beaucoup d'échantillons génétiques qui seront prélevés. Vous pouvez maintenant faire en quelques jours une analyse qui prenait auparavant des semaines et peut-être des mois. Cela réduira-t-il les coûts?

M. Ron Fourney: Permettez-moi de signaler quelque chose. Il ne faut pas confondre l'analyse effectuée pour une enquête avec les coûts qu'entraîne la banque de données elle-même. N'oubliez pas que dans un cas concret, il y a des normes inconnues qui interviennent, et il y aura le type d'identification effectuée, avec peut-être des tests présomptifs. Par exemple, est-ce du sang ou de l'urine? Il faudra ensuite utiliser une méthode spéciale d'extraction. Le sang prélevé sur un panneau mural sera sans doute extrait un peu différemment de celui trouvé sur des jeans, par exemple. Dans un cas concret, il y a beaucoup d'aspects spéciaux.

• 1700

Quand la base de données sera mise en place, nous avons tout à fait l'intention de normaliser le prélèvement. Je vous ai montré des cartes avec des taches de sang. Nous pouvons mettre du sang sur une de ces cartes, en prélever un millimètre avec un poinçon, et faire une analyse génétique en 15 à 20 minutes, en préparant l'échantillon pour la PCR et en effectuant la totalité du test. Pour un échantillon, on estime le coût à 50 ou 60 $.

Ce sont des estimations fondées sur ce que nous pouvons prévoir à l'heure actuelle. Les chiffres pourraient changer au fur et à mesure que la technologie devient plus sensible et plus rapide; il y a d'autres aspects en jeu qui peuvent évoluer. Mais on peut parler de 50 ou 60 $.

De plus, si tous les échantillons sont prélevés de la même manière, ce n'est pas très différent de ce que fait un laboratoire de diagnostic. Si je fais un test de diagnostic une ou deux fois par semaine, cela coûte assez cher, mais si on effectue le même test 50 fois le premier jour, on peut traiter les échantillons par lots, utiliser une série de tests normalisés et de contrôles semblables et utiliser les résultats pour tous ces échantillons, ce qui rend la procédure beaucoup plus efficace et beaucoup plus rentable.

M. John Maloney: Quand vous faites ce traitement par lots, y a-t-il un risque d'erreur humaine et de confusion entre différents échantillons?

M. Ron Fourney: J'espère certainement que non, mais, malheureusement, les êtres humains peuvent commettre des erreurs.

Mais je pense qu'une des choses que nous envisageons est l'automatisation. Nous désirons vivement passer à l'utilisation de postes de travail robotisés pour faire une bonne partie du traitement. Ce qu'on constate est qu'analyser constamment une série d'échantillons, en répétant sans cesse l'opération, est très ennuyeux. Si une machine peut le faire, elle peut le faire mieux qu'un être humain, semaine après semaine.

La présidente: Monsieur Ramsay.

M. Jack Ramsay: Vous avez donné un exemple intéressant au sujet de l'affaire aux États-Unis où les échantillons prélevés sur les vêtements de la victime d'un viol ne correspondaient pas à l'ADN de l'accusé. Savez-vous si on a pu déterminer dans cette affaire si la personne qui avait violé et assassiné cette femme... Si c'était son sperme qui était sur les vêtements? Est-ce qu'on a pu le déterminer?

M. Ron Fourney: Dans le cas dont j'ai parlé, la victime a survécu. Elle a identifié visuellement l'accusé. Son ADN ne correspondait pas à celui du sperme. Je connais certains cas qui se sont produits et où, pour des raisons éventuellement indépendantes des circonstances entourant l'affaire en question, la victime pouvait ne pas souhaiter dire d'où pouvait venir ce sperme.

M. Jack Ramsay: Vous me répondez donc que non.

M. Ron Fourney: À ma connaissance, dans cette affaire, l'ADN en question ne correspondait pas à celui du mari, ni à celui de l'accusé.

M. Jack Ramsay: Mais ce n'est pas la question que j'ai posée. Vous n'êtes peut-être pas en mesure d'y répondre. A-t-on déterminé que le sperme présent sur ses vêtements venait de son agresseur?

M. Ron Fourney: On ne pouvait pas le savoir. Je crois qu'il s'agissait, dans cette affaire, d'une femme qui avait été violée dans sa voiture. Elle s'est immédiatement rendue au poste de police et on a pris tous ses vêtements et on les a analysés. Le sperme trouvé sur sa culotte y avait été vraisemblablement déposé peu après la perpétration du crime.

M. Jack Ramsay: Nous avons eu ici un témoin d'une très grande intégrité, je crois, qui a signalé que les témoignages humains sont un des points faibles les plus courants dans les preuves présentées.

M. Ron Fourney: C'est exact.

M. Jack Ramsay: Bon, très bien. Merci.

La présidente: Je voulais vous poser quelques questions à propos du contrôle de la qualité du point de vue des vérifications extérieures ou des enquêtes extérieures sur le contrôle de la qualité pratiqué dans le laboratoire. Nous avons reçu M. Young du Centre des sciences judiciaires de Toronto. Bien entendu, il y a eu des controverses, non pas au sujet du dépistage génétique mais d'autres questions touchant le contrôle de la qualité. Il a parlé de l'importance d'avoir un organisme ou une association s'occupant du contrôle de la qualité qui pourrait intervenir de l'extérieur pour faire une vérification interne, de façon indépendante, et évaluer le laboratoire... et de l'importance d'avoir des normes régissant la marche à suivre. Est-ce quelque chose que votre laboratoire fait maintenant, ou est-ce quelque chose de réaliste?

M. Ron Fourney: Je pense que c'est réaliste. La GRC prévoit une procédure d'accréditation par l'entremise, je crois, du Conseil canadien des normes, et le Centre des sciences judiciaires a choisi l'ASCLAD, la American Society of Crime Lab Directors, un très bon organisme.

• 1705

La raison pour laquelle nous voulons nous adresser au Conseil canadien des normes est qu'il travaille à l'élaboration d'une norme internationale sur l'assurance de la qualité, la norme ISO 9001, et que c'est principalement ce à quoi nous voulons parvenir. Je crois que l'ASCLAD s'oriente également vers la même norme. Donc, en fin de compte, tous les laboratoires accrédités par un organisme respectant la norme 9001 auront une accréditation équivalente. C'est donc très important et nous sommes certainement en faveur de cela.

La présidente: D'accord.

Lorsque Milgaard a pu enfin faire faire son analyse génétique, je crois qu'elle a été effectuée en Écosse ou en Angleterre. Pourquoi? Pourquoi ne l'avez-vous pas faite? Pourquoi n'a-t-elle pas été faite ici?

M. Ron Fourney: L'ADN de Milgaard a été analysé à Wetherby par le Forensic Science Service. Ce que je peux vous dire est que je connais bien cette affaire. J'étais consultant auprès du ministère de la Justice. Quand la décision a été prise d'effectuer l'analyse génétique en utilisant la technologie STR, il n'y avait pas beaucoup de laboratoires qui la pratiquaient. Nous étions un de ceux qui auraient pu le faire, mais, à ma connaissance, il y a des considérations non scientifiques qui sont entrées en jeu. C'est peut-être notamment parce que les gens qui défendaient Milgaard souhaitaient que cela se fasse ailleurs.

Il faut également se rendre compte qu'une partie de la technologie qu'on considérait au départ importante pour l'analyse était une technologie plus ancienne, qui a été remplacée par la nouvelle technologie STR. Je pense qu'on a eu tout à fait raison d'avoir recours à un laboratoire qui utilisait pratiquement les mêmes protocoles et les mêmes procédures que nous. En fait, deux des séries de tests, D-21S11 et FGA, utilisées dans l'analyse du Forensic Science Service ont été en fait mises au point et utilisées en premier par notre laboratoire.

La présidente: Ce n'est donc pas parce que nous ne disposions pas de cette technologie au laboratoire de la GRC. C'était dû à d'autres considérations?

M. Ron Fourney: C'est exact.

La présidente: M. Ramsay parlait de ce qu'il aime regarder à la télévision. Je regarde Nova, et un de mes épisodes favoris est celui où on soumet à un test la femme qui prétendait être Anastasia. J'ai vraiment aimé cet épisode.

Ce qui me préoccupe est qu'on parlait d'échantillons biologiques prélevés sur des gens—des échantillons de sang et des choses de ce genre qui traînent dans les laboratoires des hôpitaux—, et la raison pour laquelle on a pu prouver qu'elle n'était pas Anastasia est que le laboratoire disposait de sang du Duc d'Édimbourg et d'un échantillon de tissu prélevé lors d'une opération chirurgicale qu'elle avait subie. Si je tue quelqu'un la semaine prochaine, je serai peut-être un peu inquiète, parce qu'il y a sans doute un morceau de mon corps dans un laboratoire quelque part, parce que moi aussi j'ai subi des opérations. Alors, comment pouvons-nous contrôler cela, et devons-nous le faire? Ou cela dépasse-t-il votre compétence? Quand vous analysez mon ADN d'après un échantillon prélevé sur les lieux du crime, allez-vous chercher à trouver cet autre morceau?

M. Ron Fourney: Ce que je peux vous dire est que cela nous ramène à l'aspect fondamental de la science judiciaire, la continuité des échantillons. Savons-nous exactement où l'échantillon a été prélevé, comment il l'a été et quels ont été tous les maillons de la chaîne de possession? Je dirai que si quelqu'un nous remet un échantillon sans savoir exactement d'où il vient, je ne le ferai pas tester. Cela n'aurait absolument aucune répercussion sur cette affaire.

Vous avez soulevé une question intéressante relativement au fait que l'analyse, dans cette affaire, avait été effectuée, je crois, par l'institut de pathologie des forces armées des États-Unis, le groupe de Mitch Holland à Bethesda, qui avait pratiqué une analyse de l'ADN mitochondrial.

La présidente: C'est exact.

M. Ron Fourney: C'est un petit peu différent de ce que nous utilisons actuellement dans nos propres laboratoires. Nous pouvons faire l'analyse mitochondriale, mais nous ne l'utilisons pas pour les analyses judiciaires, parce que la raison principale pour laquelle cette analyse est intéressante dans un cas comme celui-ci, c'est que l'ADN mitochondrial provient de la mère. C'est un ADN différent de celui que nous utilisons et, fondamentalement, il est transmis par la mère, la grand-mère, etc., et c'est comme cela qu'on a pu remonter au Duc d'Édimbourg.

La présidente: Oui, c'était une bonne émission.

Y a-t-il d'autres questions?

M. John McKay: Quand passe Nova?

La présidente: Nova passe deux fois par semaine à Windsor sur le canal 56 de Détroit.

Très bien. Merci beaucoup, monsieur Fourney. C'était très intéressant.

Merci, chers collègues. La séance est levée.