JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 5 novembre 1998
[Traduction]
La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-40, loi concernant l'extradition, et nous accueillons à nouveau un ministre.
Soyez le bienvenu. Je crois savoir que vous allez faire une déclaration. Les témoins qui vous accompagnent sont Darryl Robinson et Alan Kessel, de votre ministère, et M. Piragoff, du ministère de la Justice, qui passe beaucoup de temps avec nous ces jours-ci.
Je signale simplement à mes collègues que j'ai deux questions à poser.
Une voix: Avant ou après?
La présidente: J'aime prendre tout de suite le contrôle des opérations. Je le perds parfois.
L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères): Merci, madame la présidente.
Si les membres du comité n'y voient pas d'inconvénient, je vais dire quelques mots pour appuyer le projet de loi qu'a déposé ma collègue, la ministre de la Justice, en ce qui a trait à l'extradition.
Comme vous le savez certainement, ce projet de loi va moderniser notre loi sur l'extradition, qui est dépassée, et au départ, pour cette simple raison, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international l'appuie résolument. Les modifications apportées permettront au Canada de reprendre la négociation d'accords d'extradition efficaces avec nombre de nos partenaires internationaux.
Toutefois, si j'ai tenu à venir ici aujourd'hui—et j'apprécie l'invitation que m'ont faite les députés—c'est pour insister sur le fait qu'il est urgent d'adopter les amendements autorisant une collaboration avec les tribunaux pénaux internationaux et avec la Cour pénale internationale que l'on se propose d'instituer de manière permanente. Ce faisant, je vais replacer les amendements qui vous seront proposés dans le cadre des orientations de la politique étrangère, qui vise à promouvoir la sécurité des personnes et l'application des règles du droit international.
[Français]
Je voudrais aborder d'abord la question des tribunaux internationaux. Ces amendements permettront au Canada de remplir ses obligations envers les tribunaux créés par le Conseil de sécurité des Nations unies en réponse aux atrocités commises en ex-Yougoslavie et au Rwanda. Ces résolutions du Conseil de sécurité obligent les États membres, dont le Canada, à mettre en place les lois nécessaires pour assurer leur coopération avec ces tribunaux. Cela comprend les demandes d'extradition des personnes accusées devant les tribunaux de même que d'autres formes d'assistance aux tribunaux.
[Traduction]
Grâce à ces amendements, le Canada pourra extrader des personnes non seulement vers des États, mais aussi vers d'autres organismes, tels que les deux tribunaux. Les députés n'ignorent pas qu'il y a une forte évolution des dispositifs internationaux devant les amener à régler des problèmes de droit international sans dépendre exclusivement de l'application des droits nationaux.
D'autres modifications apportées à la loi garantiront l'efficacité de cette collaboration dans la pratique. C'est ainsi que ces tribunaux ne suivent pas la pratique qui consiste en common law à recueillir des déclarations assermentées au cours de leur procédure. Les règles de preuve simplifiées qui figurent dans ce projet de loi nous permettront d'aligner notre procédure sur celle des autres pays et, par conséquent, de collaborer efficacement en matière d'extradition avec nos partenaires tels que ces tribunaux.
Je pense que vous comprenez bien que le recours à la méthode classique qui consiste en common law à recueillir des déclarations assermentées est quelque peu délicat et d'application difficile lorsqu'on s'efforce de régler une affaire de génocide dans une région quelconque de l'ancienne Yougoslavie, où on a éventuellement du mal à réunir les témoins et où ceux qui savent quelque chose sont intimidés. Par conséquent, il faut que les preuves soient recueillies par un organisme chargé des poursuites comme celui qu'a pu constituer le juge Louise Arbour. Aux termes de notre législation actuelle, nous ne pourrions pas l'accepter. Ces amendements nous permettent de le faire et rendent ainsi cette procédure bien plus efficace.
L'adoption de cette législation devant nous permettre de collaborer avec les tribunaux internationaux est prioritaire pour un certain nombre de raisons. Tout d'abord, et c'est le plus important, le Canada est tenu en droit international d'adopter cette législation. Les efforts faits par le Canada pour promouvoir un système de relations internationales fondées sur les règles de droit seraient remis en cause si nous ne réussissions pas à respecter l'obligation la plus fondamentale que nous impose le Conseil de sécurité. Le respect de ces obligations est d'autant plus important aujourd'hui que le Canada a été élu pour la durée d'un mandat au sein du Conseil de sécurité. Ce projet de loi vient donc à point nommé et le temps compte.
De plus, un refus d'adopter cette législation irait à l'encontre de l'appui déterminé que nous avons accordé au travail des tribunaux. Le Canada a aidé de nombreuses manières les tribunaux. C'est ainsi qu'en septembre 1997, nous avons déposé un mémoire en tant qu'amicus curiae devant le tribunal yougoslave pour appuyer ses pouvoirs d'émettre des ordonnances visant à protéger les éléments de preuve. En décembre 1997, le Canada a dispensé un ensemble d'aides au tribunal de La Haye comprenant un versement de 400 000 $ devant permettre d'exhumer les corps des charniers, le détachement d'enquêteurs de la GRC et le lancement de négociations devant mener à un accord de réinstallation des témoins.
Nous avons toujours demandé que la communauté internationale s'efforce activement d'appréhender les suspects condamnés et nous sommes heureux que l'on ait fait des progrès pour traduire ces criminels de guerre devant la justice. D'après ce que j'ai pu voir dans les journaux, dans la correspondance que nous fait parvenir le public et à la suite des échanges que nous avons eus avec les organisations non gouvernementales, il apparaît clairement que la plupart des Canadiens—il y a quelques exceptions, mais la plupart d'entre eux—appuient la mission du tribunal et sont très fiers du succès obtenu par Louise Arbour, le juge et procureur en chef canadien, pour rendre ce tribunal plus efficace.
Je signale aussi à l'attention du comité que je viens d'écrire aujourd'hui même au ministre des Affaires étrangères de la Yougoslavie pour lui demander instamment d'accorder des visas à la juge Arbour et à son équipe d'enquêteurs pour qu'ils puissent enquêter sur les accusations de crimes de guerre et sur la situation qui règne au Kosovo. Jusqu'à présent, les visas accordés étaient très limités et ne permettaient pas à son équipe d'enquêteurs de l'accompagner.
Là encore, il s'agit de toute une série d'initiatives très cohérentes que nous prenons pour renforcer justement les pouvoirs du tribunal.
[Français]
Ces lois ne visent pas seulement nos obligations envers les tribunaux existants, mais ouvrent aussi la voie à une coopération avec la Cour pénale internationale lorsqu'elle sera créée.
[Traduction]
La Cour pénale internationale, dont la création a été adoptée à une écrasante majorité lors des réunions de Rome au début juillet, est la suite logique des tribunaux ad hoc. Ces tribunaux ont joué un rôle important dans la lutte contre l'impunité, mais ces solutions adaptées à des cas particuliers présentent en soi d'importantes faiblesses telles que l'ampleur des frais imposés au départ, les retards et la dépendance vis-à-vis du Conseil de sécurité lors de leur création. Le fait qu'on doit dépendre du Conseil de sécurité peut donner l'impression qu'il y a une justice sélective.
• 1620
La création d'une institution permanente et indépendante va
remédier à nombre de ces défauts et sera un élément dissuasif bien
plus efficace contre les violations flagrantes que l'on a
enregistrées au cours des grandes guerres civiles qui se sont
produites ces dix dernières années environ.
La Cour pénale internationale dissuadera les belligérants de commettre certaines des plus graves violations à l'encontre du droit humanitaire international, notamment les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. On attend aussi du tribunal qu'il facilite la procédure de réconciliation à la suite des conflits en faisant en sorte que chacun soit comptable de ses actions. Par ailleurs, en isolant et en stigmatisant les extrémistes qui commettent ces crimes, il permettra de faire en sorte que ceux-ci soient tenus responsables de leurs actions.
Cela nous aidera à rompre le cercle de l'impunité et de la violence vengeresse qui souvent ont des effets corrosifs sur ces sociétés et les empêchent de passer par une procédure de réconciliation devant leur permettre de rebâtir leur pays à l'issue du conflit. L'expérience récente nous a enseigné que sans justice, il n'y a pas de réconciliation, et sans réconciliation, pas de paix durable.
Certains observateurs et certains pays se sont interrogés sur les effets d'une institution permanente de justice pénale. Pour répondre à ces interrogations, il nous faut avoir une compréhension claire et pragmatique du rôle devant être attribué au tribunal.
Personne ne prétend que la création de ce tribunal va empêcher tous les crimes contre l'humanité, de même que nos tribunaux nationaux ne peuvent empêcher que des crimes soient commis à l'intérieur de nos frontières. Il est tout aussi clair cependant que la création d'une Cour pénale internationale indépendante va représenter un grand progrès par rapport à la situation actuelle, puisqu'il n'existe aujourd'hui aucun mécanisme cohérent et permanent de justice internationale.
L'adoption de la loi sur la Cour pénale internationale nous éloigne de l'inaction et de l'impuissance qui ont caractérisé une histoire marquée par de véritables atrocités et ce sera un pas en faveur d'une politique cohérente visant à affirmer l'importance de la règle de droit et de la sécurité des personnes.
La création du tribunal international est la réponse tardive mais indispensable au sort qui a été fait à des millions de civils, femmes et enfants, ayant perdu la vie ou la santé dans les nombreux conflits qui ont éclaté au cours des 50 dernières années.
Je vais vous faire part d'une statistique, si vous me le permettez, madame la présidente. Depuis les années 70, 80 p. 100 des conflits déclarés sont de nature civile et non pas des conflits débordant des frontières d'un même État, et 90 p. 100 des victimes sont des civils et non pas des militaires.
J'ai rencontré hier Mme Ogata, haut commissaire aux réfugiés des Nations Unies. Elle m'a fait part d'une statistique intéressante: ces dernières années, le nombre de meurtres et de crimes violents commis à l'encontre du personnel humanitaire a été bien plus grand qu'à l'encontre des militaires gardiens de la paix. Pourtant, nous disposons d'une bien meilleure législation pour protéger nos militaires lors d'interventions à l'étranger que celle qui protège le personnel chargé de l'aide humanitaire.
Nous cherchons donc dans ce cas à remédier à cette exigence, et je suis heureux de pouvoir annoncer que le Canada a pris l'initiative dans ce domaine, et à établir un nouveau régime humanitaire visant à protéger les civils rendus vulnérables du fait des violations, des atrocités et des transgressions qui sont commises. Il est clair que le tribunal international joue un rôle clé de ce point de vue.
L'expérience des deux tribunaux nous enseigne que les institutions internationales de justice pénale peuvent être efficaces lorsqu'elles bénéficient de l'appui de la communauté internationale. C'est pourquoi nous appuyons aussi résolument la création de la cour.
Lors des premières négociations, le Canada a été à l'origine de l'apparition d'un groupe de pression influent composé d'États recherchant tous la création d'un tribunal ayant d'importants pouvoirs. Le rôle du Canada est devenu d'autant plus important en juin 1998 qu'il lui a été demandé de présider les négociations de la Conférence diplomatique. J'ai assisté aux premières et aux dernières réunions de la conférence pour aider les fonctionnaires canadiens à concevoir la structure d'un tribunal qui vaille la peine d'être créé.
Permettez-moi de saisir cette occasion pour rappeler que plusieurs des personnes qui m'accompagnent ici ont pris part aux réunions de Rome et ont su merveilleusement s'acquitter de leur mission au nom du Canada en faisant en sorte que ce tribunal voit le jour. Ces trois personnes ont joué un rôle absolument décisif et je pense qu'il faut que le comité en prenne acte.
Je suis heureux de signaler que la loi constitutive de ce tribunal contient de nombreuses dispositions qu'ont longtemps recherchées les tenants d'un tribunal fort—et j'ai l'impression que Warren Allmand regarde par-dessus mon épaule lorsque je dis cela.
Des voix: Oh, oh!
M. Lloyd Axworthy: Il y a notamment l'acceptation automatique de la compétence du tribunal par les États qui ratifient cette loi; un rôle bien défini et limité du Conseil de sécurité; une compétence qui englobe les conflits armés internes; un procureur indépendant relevant uniquement des mécanismes de contrôle internes de la cour; enfin, ce qui pourrait être à bien des égards le plus important, des dispositions touchant le triste sort réservé aux femmes et aux enfants dans les conflits armés. C'est la première fois que les violations commises à l'encontre des femmes et des enfants seront reconnues comme des crimes contre l'humanité.
• 1625
La loi prévoit de nombreux mécanismes de protection pour
protéger les intérêts nationaux légitimes. Plusieurs dispositions
permettent de s'assurer que la cour ne pourra pas procéder à des
enquêtes ou à des poursuites pour des motifs frivoles ou
politiques. La cour ne pourra intervenir que lorsque les États
concernés ne peuvent ou ne veulent pas procéder véritablement à des
enquêtes ou à des poursuites. Il s'ensuit que la cour
n'interviendra que lorsque les structures nationales se sont
effondrées ou lorsque les pouvoirs nationaux cherchent délibérément
à soustraire un accusé à la justice.
[Français]
Enfin, l'efficacité de la cour dépendra du niveau d'appui qu'elle recevra. Le statut entrera en vigueur lorsque 60 États l'auront ratifié. Ce n'est que le commencement. Le Canada se joindra aux autres pays qui partagent la même vision pour encourager une ratification des plus larges possibles. Nous devrons travailler à comprendre les préoccupations légitimes des États qui hésitent face à cette cour et essayer de trouver des réponses à celles-ci, afin de nous assurer que l'institution soit crédible et responsable.
[Traduction]
Comme vous pouvez le voir, la mise en place de cette législation est un élément important de la politique globale du Canada visant à promouvoir la Cour pénale internationale. Sans ces amendements venant modifier la façon dont la procédure d'extradition peut être organisée et appliquée vis-à-vis de ces nouveaux organismes internationaux, il serait très difficile, sinon impossible, que le Canada puisse prendre part à la ratification. Ces amendements sont donc indispensables si nous voulons poursuivre la politique et les orientations que nous avons adoptées pour mettre en place un nouveau régime de sécurité des personnes et un véritable cadre juridique s'appliquant à la communauté internationale.
Je suis heureux d'avoir ici l'occasion de donner mon point de vue et de souligner la grande importance de la législation qui a été déposée devant votre comité.
Je vous remercie.
La présidente: Monsieur le ministre, savez-vous quand le Canada sera en mesure de procéder à la ratification?
M. Lloyd Axworthy: Tout dépend à mon avis du moment auquel vous allez adopter cette loi.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): J'ai une ou deux questions à vous poser. Je tiens à remercier le ministre d'avoir accepté de nous rencontrer.
Vous avez répondu en fait à la plupart de mes questions et je vous remercie de cet exposé. Il m'en reste simplement une, qui a trait aux coûts. Lorsqu'il va falloir payer la facture d'une audience d'extradition lors d'une demande d'extradition présentée par un pays, si les frais s'élèvent à des centaines de milliers de dollars, est-ce que c'est uniquement le contribuable canadien qui va être mis à contribution ou va-t-on mettre en place un certain type de mécanisme de partage des coûts avec le pays qui fait la demande?
M. Don Piragoff (avocat général, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Les pays ont l'habitude de déterminer entre eux les frais d'extradition. Il y a un accord de partage des coûts auquel s'en tiennent généralement les pays et en vertu duquel le pays dans lequel est présentée la demande assume le coût de toute procédure judiciaire interne, le pays demandeur assumant pour sa part le coût du transport.
Par conséquent, nous prenons en charge au Canada tous les frais de la procédure judiciaire interne et ce sont les autres pays qui assument les frais de transport. Bien entendu, le traitement est réciproque ce qui fait que si l'on présente une demande à un autre pays, celui-ci assume tous les frais de justice internes et nous ne prenons en charge que le coût du billet d'avion et les frais de transport liés au rapatriement de la personne concernée. Au bout du compte, étant donné qu'il s'agit d'accords de réciprocité, les coûts s'équilibrent généralement.
M. Chuck Cadman: Je vous ai dit que ce serait rapide.
La présidente: Merci, monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman: Merci.
La présidente: Monsieur Robinson, vous avez la parole.
M. Darryl Robinson (agent du service extérieur, Nations Unies, Direction des droits de la personne et droit humanitaire, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): J'aimerais moi aussi ajouter quelque chose.
Cet été, le conseil des ministres a adopté un projet sur les crimes de guerre reconnaissant que le Canada ne doit pas être un refuge pour les criminels de guerre. Dans le cadre de ce programme, plus d'un million de dollars ont été affectés à l'extradition des criminels de guerre du Canada. Par conséquent, nous n'avons pas besoin de ressources supplémentaires pour collaborer avec ces tribunaux et avec la Cour pénale internationale, lorsqu'elle entrera en fonction.
Je vous remercie.
La présidente: Merci.
Monsieur Turp, vous nous rendez visite, et nous sommes heureux de vous accueillir. Je vais veiller à ce que chacun d'entre nous pose rapidement ses questions, parce que nous n'avons pas souvent l'occasion de rencontrer le ministre, et je sais que nous sommes nombreux à vouloir lui poser des questions. Allez-y.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Je vais rapidement poser quatre questions.
La présidente: Je vais vous laisser poursuivre encore un peu, mais il faudra peut-être que je vous arrête et que je vous redonne la parole plus tard.
[Français]
M. Daniel Turp: Avant de poser mes questions, madame la présidente, j'aimerais profiter de la présence des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, que nous avions reçus au comité avant leur départ pour Rome, pour les féliciter, et leur demander de transmettre ces félicitations à Philippe Kirsch qui présidait la conférence, d'avoir permis l'adoption de ce statut de Rome qui crée la Cour pénale internationale. Je pense qu'il s'agit d'un événement important dans l'histoire de la communauté internationale. Je voudrais donc, messieurs, vous féliciter au nom du Bloc québécois.
Voici ma première question. Le ministre a déjà évoqué qu'il faudrait adopter une loi de mise en oeuvre du statut de Rome créant la Cour pénale internationale. Est-ce que, par conséquent, il y aura des modifications additionnelles à la Loi concernant l'extradition lorsqu'une telle loi de mise en oeuvre sera présentée au Parlement? Ou est-ce que la Loi concernant l'extradition, telle qu'on nous la présente, suffira pour mettre en oeuvre la loi créant le statut? C'est ma première question.
En fait, je me demande s'il faudra modifier à nouveau cette loi quand on voudra adopter une loi de mise en oeuvre du statut de Rome.
M. Lloyd Axworthy: D'abord, je pense que les éléments contenus ici sur le sujet de l'extradition sont suffisants. Il est possible qu'il faille des amendements aux autres lois pour s'assurer qu'elles concordent avec le statut de Rome et l'établissement de la Cour criminelle internationale.
M. Daniel Turp: Très bien. Ma deuxième question est la suivante. Si on considère qu'en fait, dans le domaine des cours pénales internationales, on a bien fait de ne pas parler d'extradition... Vous savez sans doute autant que moi, sinon mieux, que dans les deux résolutions du Conseil de sécurité créant les tribunaux ad hoc, et même dans le statut de Rome créant la Cour pénale internationale, on n'a pas employé en français le mot «extradition» mais le mot «livraison», je crois.
Ne voudriez-vous pas établir la même distinction ici en ne parlant pas d'extradition lorsqu'il s'agit de livrer aux tribunaux internationaux des personnes que l'on veut traduire en justice devant ces cours? C'est qu'on n'a pas utilisé le terme «extradition» dans les documents et les instruments internationaux. Vous savez pourquoi on l'a fait: c'est parce que certains pays ne peuvent pas extrader leurs nationaux, ce qui n'est peut-être pas le cas du Canada. Mais j'aimerais savoir s'il ne serait pas opportun de faire cette distinction dans cette loi-ci.
[Traduction]
M. Lloyd Axworthy: Je vais demander à M. Kessel de vous répondre sur ce point.
M. Alan Kessel (directeur, Division du droit onusien, de la criminologie et des traités, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.
Merci, madame la présidente.
M. Turp vient effectivement de soulever un argument très intéressant d'un point de vue juridique. Nous n'avons pas voulu employer le terme d'«extradition», parce que cela venait compliquer la position de certains pays qui souhaitaient uniquement procéder en fonction de la notion d'extradition et qui, lorsqu'ils n'avaient pas une constitution prévoyant l'extradition de leurs ressortissants, allaient immédiatement se référer à ce terme et dire: «Désolé, mais nous ne pouvons pas extrader».
La solution assez astucieuse que nous avons retenue a consisté à ne pas parler d'extradition, mais de «livraison». Les pays ont donc l'obligation de livrer effectivement ces personnes et ne peuvent pas se cacher derrière leur constitution pour ne pas les extrader.
Cela permet effectivement aux pays qui éprouvent ce genre de difficulté de disposer d'un mécanisme pour contourner le problème. Comme M. Turp s'en souvient certainement, il y a un argument qui nous est couramment opposé en droit international et que nombre de pays contre lesquels nous luttons constamment cherchent à nous opposer. Ce qu'a voulu affirmer haut et fort le Canada c'est «changez votre droit. Extradez vos ressortissants. Ne les laissez pas se cacher à l'abri de votre constitution.»
M. Lloyd Axworthy: Il est important de signaler cependant que le grand intérêt de cette loi et de ces amendements, c'est d'apporter des changements par rapport au statu quo. Ils s'adressent aux tierces parties constituées par des tribunaux internationaux et modifient les règles de preuve. Ce sont les deux dispositifs dont nous avons besoin pour nous acquitter de nos obligations devant les tribunaux et finalement devant la cour.
[Français]
M. Daniel Turp: Madame la présidente, il y a une chose qui me dérange quand même dans la loi de mise en oeuvre; elle concerne la publication des accords d'extradition. Quand on compare le nouvel article 8 de la loi à l'ancien article 7, on voit que l'on prévoit maintenant seulement la publication des accords multilatéraux et non plus des accords bilatéraux d'extradition, qui sont plus nombreux, et que l'on exclut maintenant le dépôt au Parlement des conventions d'extradition.
J'aimerais donc savoir pourquoi on exclut maintenant de la publication les accords bilatéraux et pourquoi on ne veut plus maintenir la pratique du dépôt, devant les deux Chambres du Parlement, des conventions d'extradition. Cela a été soulevé dans les débats avec M. Axworthy à la Chambre des communes récemment.
[Traduction]
M. Lloyd Axworthy: En effet, la question a déjà été abordée.
M. Alan Kessel: C'est la première fois que je suis devant le comité et je ne sais pas si la question a été évoquée. Ah, elle l'a été? Est-ce que la réponse a été satisfaisante ou faut-il apporter d'autres éléments? Je ne sais pas ce qui a été répondu.
La présidente: Le problème vient à mon avis du fait que M. Turp n'était pas là.
M. Daniel Turp: Oui, je suis désolé.
La présidente: M. Piragoff pourrait peut-être...
M. Alan Kessel: Si vous voulez donner le point de vue du ministère de la Justice, vous pouvez ajouter quelques mots.
M. Don Piragoff: Madame la présidente, je pourrais peut-être donner une réponse parce que c'est moi qui avais en partie répondu à la question.
La présidente: Effectivement.
M. Don Piragoff: C'est une question qu'a posée M. MacKay un peu plus tôt cette semaine. Il nous a demandé, comme vient de le faire M. Turp, pourquoi n'est-on plus obligé de déposer les traités devant les deux Chambres du Parlement en plus de les publier dans la Gazette du Canada.
Si cette exigence de dépôt a été supprimée dans ce projet de loi c'est parce que cette procédure n'est plus employée pour les autres traités dont le Canada est signataire. De manière générale, ces traités sont tout simplement publiés dans la Gazette du Canada ou dans le Recueil des traités du Canada.
Comme l'a fait remarquer le ministre hier, la Loi d'extradition est un très vieux texte de loi—il a plus de 100 ans—et utilise une procédure qui n'est pas conforme à la pratique actuelle concernant les autres traités. Pour rapprocher ce texte de la pratique actuelle et moderne des Affaires étrangères, nous avons dû supprimer la nécessité de déposer les traités devant la Chambre et faire en sorte qu'ils soient tout simplement publiés officiellement dans la Gazette du Canada ou dans le Recueil des traités du Canada.
[Français]
M. Daniel Turp: Pourquoi ne pas publier les accords bilatéraux? La loi ne prévoit maintenant que la publication des accords multilatéraux. Auparavant, on parlait également de la publication des accords bilatéraux.
[Traduction]
M. Alan Kessel: Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue du ministère de Justice. Là non plus, il n'y a aucune obligation constitutionnelle de dépôt, mais c'est ce que l'on faisait effectivement auparavant, lorsque nous ne disposions pas du mécanisme plus moderne dont nous disposons actuellement concernant les traités et qui permet en fait la publicité de ces traités.
Nous avons réduit les frais que suppose le dépôt de 800 exemplaires expressément prévus à cette fin, mais nous avons aujourd'hui une version imprimée qui peut être mise à la disposition du public. Par ailleurs, nous aurons très bientôt des versions informatisées auxquelles, je l'espère, on pourra avoir accès à partir de notre base de données sur les traités au sein du ministère. On a ainsi supprimé les frais d'imprimerie, qui étaient assez énormes, et en plus vous avez immédiatement accès à tous ces traités.
[Français]
M. Daniel Turp: Mais vous ne répondez pas à ma question. Elle ne porte pas sur le dépôt, mais sur la publication des accords bilatéraux. Pourquoi publier seulement les accords multilatéraux maintenant?
[Traduction]
M. Alan Kessel: Je ne pense pas qu'il en existe encore ou qu'il y en ait à l'avenir. Nous n'avons pas pour pratique de déposer ces traités.
M. Daniel Turp: Non, non, il ne s'agit pas du dépôt, mais de la publication. Dans la loi antérieure, vous aviez l'obligation de publier tous les traités d'extradition.
M. Alan Kessel: Effectivement.
M. Daniel Turp: Aujourd'hui, à l'article 8, vous restreignez la publication aux traités multilatéraux. Je n'en comprends pas la raison. Si vous maintenez l'obligation de publier, pourquoi la restreindre aux seuls traités multilatéraux?
M. Alan Kessel: Je ne peux pas vous répondre sur ce cas précis, mais nous publions effectivement tous les traités qui sont signés par le Canada.
M. Daniel Turp: Oui, je sais, mais à partir du moment où vous vous référez à une obligation particulière de publier aux termes de la loi, pourquoi ne pas l'étendre aux traités bilatéraux?
M. Don Piragoff: Je pense que cela tient peut-être à une question d'interprétation de l'article 8. Il convient d'interpréter l'article 8 à la lumière de la définition donnée au terme «accord» à l'article 2 de la loi.
L'article 8 dispose qu'il s'agit des accords ou des dispositions d'un accord multilatéral qui traitent de l'extradition. Comme l'a précisé M. Kessel, s'il s'agit d'un accord d'extradition, c'est un accord bilatéral. Un accord multilatéral va parfois contenir une cinquantaine d'articles n'ayant rien à voir avec l'extradition et peut-être deux articles qui s'y rapportent.
Ainsi, dans certaines conventions qui viennent d'être adoptées récemment, de nombreux articles portent sur des questions telles que les drogues—trafic, substances de base et fabrication des drogues—et il y a ensuite un ou deux articles qui traitent des obligations en matière d'extradition.
Ce que l'on dit ici c'est qu'en raison du fait qu'il s'agit d'une loi d'extradition, aux termes de cette loi, toute disposition figurant dans un traité, qu'il soit bilatéral ou multilatéral, sera publiée en tant que telle dans la Gazette du Canada ou le Recueil des traités du Canada. Toutefois, le traité multilatéral lui-même pourra être publié intégralement par ailleurs par le ministère des Affaires étrangères en vertu d'autres pouvoirs.
Ce que l'on dit ici, c'est qu'en matière d'extradition, on s'assure dans ce projet de loi que toute disposition traitant de l'extradition, qu'elle figure dans un traité bilatéral portant uniquement sur l'extradition ou à l'intérieur d'un traité multilatéral qui traite entre autres de l'extradition, sera publiée dans un des deux recueils en vertu des pouvoirs légaux et du mandat conféré par le Parlement.
La présidente: Monsieur Turp, avez-vous d'autres questions à poser?
M. Daniel Turp: Il m'en reste une.
La présidente: Bien, je vous redonnerai la parole tout à l'heure, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Le temps nous est compté et il y a cinq partis.
Monsieur Mancini, vous avez des questions à poser?
M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Oui, comme toujours. Excusez-moi d'être en retard.
J'ai rapidement une question à vous poser. Les Affaires étrangères ne sont pas toujours ma grande spécialité, mais j'ai une question à poser. Il se peut que le ministre y ait déjà répondu lorsqu'il a fait son exposé et je vous prie à nouveau de m'excuser d'être arrivé en retard.
Je vais reprendre en quelque sorte ce qu'a déclaré M. Turp. Il y a d'excellentes dispositions dans cette loi. Ce qui me préoccupe, cependant, c'est qu'à un moment donné nous acceptons les critères établis par nos partenaires pour ce qui est de l'extradition, des règles de preuve, etc.
Là encore, il se peut que je me laisse abuser par ma propre ignorance, mais je lis au paragraphe 9(2) que le ministre des Affaires étrangères peut, avec l'accord du ministre, radier tout nom de l'annexe ou en rajouter d'autres. Pour ma propre gouverne, pouvez-vous nous dire quels sont les moyens de contrôle dont nous disposons pour nous assurer que l'État avec lequel nous passons un accord d'extradition possède une justice convenable, devant laquelle nous n'avons pas peur d'extrader quelqu'un? Je ne sais pas s'ils existent et j'aimerais que l'on me réponde sur ce point.
M. Alan Kessel: Vous allez voir qu'effectivement un certain nombre de pays figurent déjà expressément à l'annexe.
Deux mécanismes d'extradition existent d'ores et déjà en droit canadien, et j'espère que mon collègue de la Justice ne me contredira pas. Le premier est celui des pays du Commonwealth, qui est un régime qui se réclame de ce que l'on a appelé la livraison. Il y a ensuite le régime des traités en vertu duquel on signe des traités avec d'autres pays. Cette loi cherche à rationaliser la procédure tout en nous permettant, à l'annexe, de ne pas avoir à signer des traités précis avec d'autres pays si nous avons déjà un régime en place. L'annexe nous aide aussi à y parvenir.
Lorsqu'il s'agit de déterminer quels sont les pays jugés admissibles, nous entretenons depuis longtemps des liens bien déterminés avec ces pays en vertu de la common law et nous sommes donc satisfaits du droit qui y est appliqué. Si la Justice veut procéder à des rajouts à cette liste d'une autre manière, elle est libre de le faire.
M. Peter Mancini: Je comprends la situation des pays qui figurent déjà à l'annexe. Ce qui m'inquiète, c'est que le ministre a le pouvoir de faire figurer d'autres pays à l'annexe, si je comprends bien.
M. Alan Kessel: Deux ministres sont concernés ici: le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Justice, qui doivent en discuter ensemble. Le ministre des Affaires étrangères a déclaré à maintes reprises—et il l'a précisé bien clairement—que nous sommes parfaitement conscients de la diversité des régimes judiciaires dans les différents États avec lesquels nous avons des relations ainsi que de la situation des droits de la personne dans ces États. Ce sont là les questions qui font l'objet d'une discussion lorsque nous envisageons de signer un traité d'extradition ou de prendre des dispositions spéciales avec un État.
L'autre moyen de contrôle, c'est celui des tribunaux et le pouvoir d'appréciation dont dispose la ministre de la Justice lorsqu'il faut décider à un moment donné de livrer le criminel. Si la ministre de la Justice—et là encore elle me corrigera si je me trompe—estime à un moment donné que la situation ne lui permet pas de livrer une personne à un pays donné, elle pourra alors en tenir compte pour prendre la décision qui s'impose en définitive.
M. Don Piragoff: M. Kessel a évoqué les contrôles établis dès le départ, avant qu'un pays soit désigné à l'annexe, et il a fait allusion aux motifs de refus. Il s'agit là d'une question dont a longuement parlé hier la ministre McLellan. L'article 44 de la nouvelle loi oblige la ministre à ne pas extrader une personne si elle est convaincue que l'extradition, dans ce cas précis, serait injuste ou tyrannique, compte tenu de toutes les circonstances, ou que la demande d'extradition est en fait présentée dans le but de poursuivre la personne en cause. Donc, même lorsqu'on en arrive à l'examen des situations cas par cas, un mécanisme de protection est prévu et le ministre peut encore refuser.
En fait, il y a deux types de protection. La première vient de l'examen auquel procède les ministères des Affaires étrangères et de la Justice pour savoir si un pays mérite de figurer sur la liste. Ensuite, bien entendu, lorsqu'un pays figure sur la liste, il y a encore un dispositif de protection dans chaque cas particulier avant qu'une personne puisse être en fait extradée.
M. Peter Mancini: Très bien, je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur Mancini.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, madame la présidente.
Je tiens à remercier le ministre ainsi que son personnel.
Les derniers échanges m'amènent à une question d'ordre plus général que je me pose au sujet de l'échange et des demandes d'information. J'imagine que dans certains cas, monsieur le ministre, votre ministère sera le premier contacté. Parallèlement, ce projet de loi confère à mon avis un plus grand pouvoir discrétionnaire au ministre que par le passé. Il semble qu'il enlève quelques pouvoirs à la justice, ce qui me paraît d'ailleurs être une bonne chose pour des raisons évidentes liées au climat politique et éventuellement au fait qu'il faut pouvoir adopter un point de vue plus large.
Toutefois, j'aimerais savoir ce que vous pensez, monsieur le ministre, de la quantité d'information devant être échangée et de la nécessité pour votre ministère de faire connaître la situation du pays demandeur pour que l'on puisse s'assurer que le ministre de la Justice va être bien mis au courant du climat politique, de la situation concernant les droits de la personne et éventuellement de l'état de ses relations avec le Canada.
M. Lloyd Axworthy: Laissez-moi apporter un petit correctif, monsieur MacKay. La demande est transmise au départ au ministre de la Justice. C'est ce dernier qui va ensuite demander à nos services diplomatiques de procéder à une évaluation et c'est par ce biais que nous lui transmettrons l'information.
M. Peter MacKay: J'imagine cependant que le pays demandeur ne saura pas nécessairement qu'il est censé présenter cette demande au ministère de la Justice. J'imagine qu'il ne sera pas au courant de cette loi.
Je peux comprendre que vous en référiez immédiatement au ministère de la Justice.
M. Lloyd Axworthy: Effectivement. Si tel ou tel pays souhaite obtenir une extradition du Canada, il se peut qu'il s'adresse à notre ambassade ou à notre haut-commissariat pour nous demander comment procéder. S'il existe un traité, celui-ci établira la procédure à suivre sans aucune exception mais, dans les autres cas, nous lui donnerons des conseils. Il lui faudra toutefois s'adresser d'abord au ministre de la Justice.
M. Alan Kessel: Des discussions se tiennent en permanence avec les États qui cherchent à obtenir une aide. Ils ne vont pas du jour au lendemain venir déposer un dossier sur notre bureau. Ils vont nous appeler et nous dire: «Nous nous occupons de telle affaire et nous recherchons quelqu'un. Nous croyons savoir que cette personne se trouve au Canada. Que fait-il faire? Comment procéder? Comment accélérer les choses?» Nous leur fournissons alors l'information dont ils ont besoin. Nous allons soit les mettre directement en contact avec le ministère de la Justice, soit leur indiquer exactement les règles à suivre soit, si nous recevons en fait un courrier d'une ambassade, les diriger vers le service compétent.
M. Peter MacKay: Dans un certain nombre de cas, les articles de ce projet de loi renvoient au ministre des Affaires étrangères et c'est pourquoi je vous repose la question: pensez-vous qu'avec ce nouveau texte de loi il vous faudra maintenir des contacts plus étroits entre votre ministère et celui de la justice?
M. Lloyd Axworthy: Je peux vous assurer, monsieur MacKay, que sur ces questions, nous faisons pratiquement vie commune.
Des voix: Oh, oh!
M. Peter MacKay: C'est ce que j'imagine.
L'autre question que j'ai à vous poser porte sur l'éventualité que les autres pays aillent dans le même sens que le nôtre. Si vous en jugez par votre expérience personnelle—vos voyages et votre travail aux affaires étrangères—pensez-vous que l'on assiste à la même évolution au sein de la communauté internationale?
M. Lloyd Axworthy: Ce qui amène entre autres des pays à demander que l'on puisse procéder plus facilement à des extraditions, ce sont les incidences du trafic de drogues, du terrorisme et des crimes internationaux. Un certain nombre de conventions entrent en vigueur ou sont en cours de négociations dans tous ces domaines. Comme vous le savez tous, il ne s'agit pas là de problèmes nationaux. Par conséquent, beaucoup de choses évoluent à l'heure actuelle dans ce domaine au niveau international.
Pour que l'on puisse procéder aux arrestations, il y a un niveau de communication très élevé et de plus en plus développé entre les forces de police, les services de renseignement, les ministères des Affaires étrangères et des départements comme celui du Solliciteur général et de la Justice, qui traitent de ces questions avec leurs homologues. Par conséquent, on s'est aperçu que si l'on voulait être partie prenante à ces pactes... J'ai passé beaucoup de temps à vous parler précisément de la cour internationale, mais vous pouvez faire la même analyse au sujet des nouvelles conventions portant sur le trafic de drogues, les crimes internationaux et le terrorisme. Ce sont exactement les mêmes exigences qui s'appliquent.
J'entrevois donc, monsieur MacKay, un intérêt bien plus grand. Il y a des États qui hésitent à nous rejoindre, parfois en raison de la source du problème. Mais c'est en partie la raison pour laquelle la Cour pénale internationale va être efficace parce que l'on aura le sentiment que ses compétences seront élargies.
M. Peter MacKay: Je vous remercie.
Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci.
Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'ai deux questions à vous poser concernant la certification, qui figure à l'article 33. Il me semble qu'hier ou avant hier, M. Piragoff a répondu au sujet de la certification, si je l'ai bien compris, qu'en demandant au partenaire de certifier, on l'amenait en quelque sorte à prendre ses responsabilités.
Je demande au ministre des Affaires étrangères quelles seraient ces responsabilités s'il était prouvé que la certification est fausse ou inexacte. Quelle serait la responsabilité du partenaire demandant l'extradition, à laquelle s'est référé M. Piragoff? Est-ce que le partenaire sera tenu responsable dans un tel cas?
M. Alan Kessel: C'est une question très intéressante et il est bien difficile d'y répondre. En fait, ce n'est pas bien plus difficile que de savoir dans quelle mesure on peut influencer les gens. C'est la raison d'être des Affaires étrangères: les pressions subtiles que l'on peut exercer sur les gouvernements, la responsabilité internationale que l'on peut faire peser sur certains intervenants qui ne veulent pas agir comme nous le voudrions. Nous avons vu dans l'affaire des mines terrestres que nous avons réussi à manoeuvrer de manière à obliger de nombreux pays au monde à agir d'une manière qui ne les tentait peut-être pas particulièrement.
Précisément dans ce type de situation, les pays n'aiment pas beaucoup qu'on leur rappelle qu'ils n'ont pas respecté leur parole ou qu'ils n'ont pas agi comme ils l'avaient promis. Mettre les gouvernements dans l'embarras, c'est à peu près tout ce que l'on peut faire en matière diplomatique et c'est l'unique sanction que l'on peut appliquer en droit international, parce que s'ils se sentent mis au banc de la communauté internationale, bien d'autres événements vont se produire alors: les échanges commerciaux chutent en flèche et les flots de touristes se tarissent parce que soudain ces derniers se demandent: «Une fois là-bas, est-ce qu'on va me mettre en prison?»
• 1655
Les États évitent délibérément de se placer dans une telle
situation. S'ils sont tenus responsables par le ministre, ils vont
respecter les règles.
M. Paul DeVillers: Ils ne vont pas vous prendre au sérieux.
M. Lloyd Axworthy: Il est intéressant de voir le déroulement de l'affaire Lockerbie. La Libye, qui pendant longtemps est restée isolée, en raison principalement de la position qu'elle a adoptée, négocie activement à l'heure actuelle pour que les personnes accusées de terrorisme soient traduites en justice, précisément pour les raisons qu'a avancées M. Kessel: elle a payé très cher son exclusion.
M. Paul DeVillers: J'ai une deuxième question que j'aurais pu éventuellement poser un peu plus tôt à M. Piragoff. Il y a une incompatibilité apparente, du moins à mon avis, entre l'alinéa 33(3)a), aux termes duquel nous acceptons qu'une certification aux termes de la loi du partenaire qui demande l'extradition suffit à justifier les poursuites, et l'obligation imposée au ministre de la Justice par l'article 46, qui dispose que le ministre «refuse» l'extradition s'il est convaincu que toute poursuite à l'endroit de l'intéressé est prescrite en vertu du droit du partenaire.
On accepte d'un côté la certification et l'on impose ensuite l'obligation au ministre de vérifier les délais de prescription, etc., ce qui me paraît quelque peu contradictoire.
M. Don Piragoff: L'alinéa 46(1)a) fait état d'une exception reconnue ou de motifs de refus que l'on retrouve dans presque tous les traités d'extradition. On les retrouve aussi dans le traité type d'extradition de l'ONU. C'est un motif classique de refus pour indiquer que...
M. Paul DeVillers: Effectivement, mais il est question du droit du partenaire qui procède à l'extradition et, aux termes du sous-alinéa 33(3)a)(i), nous acceptons de reconnaître le certificat comme étant le reflet de l'état du droit.
M. Don Piragoff: Oui, en effet. Vous relèverez que les alinéas 33(3)a)(i) et 33(3)a)(ii) s'excluent l'un l'autre. Cela vient du fait que certains pays sont en mesure de certifier que les éléments de preuve suffisent en vertu de leur droit à justifier des poursuites. C'est essentiellement un critère de common law.
Ainsi, les États-Unis vont donner une attestation en vertu des dispositions de l'alinéa 33(3)a)(i). Ils ne peuvent pas le faire en vertu de l'alinéa 33(3)a)(ii) parce qu'aux termes de leur constitution ils ne peuvent pas savoir si les éléments de preuve ont été obtenus légalement tant que l'affaire n'a pas été traduite devant les tribunaux. Le tribunal y tient une audience pour déterminer dans quelle mesure les éléments de preuve ont été obtenus par des voies légales et si elles sont recevables ou non. C'est pourquoi les deux alinéas s'excluent.
M. Paul DeVillers: Toutefois, pour pouvoir signer le certificat aux termes de l'alinéa 33(3)a)(i), le signataire doit affirmer qu'il n'y a pas prescription, alors qu'aux termes de l'alinéa 46(1)a), nous demandons à la ministre d'être convaincue qu'il n'y a pas prescription. Est-ce qu'elle doit s'en remettre exclusivement à ce certificat? Est-ce là la position dans laquelle elle sera placée? Ou va-t-elle procéder à sa propre enquête?
M. Don Piragoff: Elle se fondera sur d'autres éléments de preuve aux termes de l'alinéa 46(1)a) en ce qui concerne le droit étranger. L'article 33 traite en fait des éléments de preuve—à savoir s'ils sont suffisants pour justifier des poursuites. Pour ce qui est de la prescription, c'est une autre loi de l'État étranger qui s'applique et qui dit qu'il y a prescription.
Bien évidemment, c'est éventuellement la personne en fuite qui fait état de cet élément de preuve. L'État doit nous dire qu'il possède des éléments de preuve justifiant des poursuites et la personne concernée fera alors valoir, devant le ministre ou lors d'une audience d'extradition, qu'il y a prescription et que le délai prescrit est dépassé. On prévoit ainsi le cas où l'État ne nous dirait rien mais où c'est la personne en fuite qui nous informerait.
La présidente: Je sais que le ministre doit partir bientôt et que M. McKay a une très bonne question à poser.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): L'affaire portant sur l'extradition du général Pinochet fait ces temps-ci les manchettes des journaux. Imaginons que le général Pinochet soit venu à Ottawa pour un traitement médical et qu'au moment où nous nous parlons l'Espagne ait demandé son extradition, la question que je me pose, c'est si cette loi va nous amener à traiter différemment une telle affaire comparativement à la situation actuelle. Une demande d'extradition dans un pays donné est-elle différente de celle qui porte sur l'extradition devant un tribunal? Y a-t-il des incidences sur les demandes d'immunité diplomatique ou d'immunité de représentant de l'État selon qu'il s'agit d'un tribunal ou d'un pays?
[Français]
M. Daniel Turp: Bonne question.
[Traduction]
M. Lloyd Axworthy: Je vous répondrai simplement, selon la vieille tradition parlementaire, qu'il s'agit là d'une question hypothétique.
Des voix: Oh, oh!
M. John McKay: Effectivement.
M. Lloyd Axworthy: Je vais néanmoins m'efforcer de vous répondre. Il me faut cependant être prudent parce que c'est une affaire qui est devant la Chambre des lords en Grande-Bretagne et que bien évidemment nous devons nous abstenir de commenter, même si elle est d'un grand intérêt.
La législation du Royaume-Uni qui s'applique aux extraditions est différente du régime qui vous est présenté aujourd'hui. Aux termes de la définition des «actes de l'État»...
M. Daniel Turp: Ça, c'est une autre...
M. Lloyd Axworthy: Disons que cela permet d'établir une distinction afin de savoir si cette personne se trouve là au service de l'État ou pour le représenter. Il appartient toutefois aux tribunaux d'en décider dans ce cas.
Il y a une chose que je peux vous dire. Si un comité parlementaire avait la bonne idée d'adopter cette loi, M. Pinochet serait bien avisé de ne pas se présenter au Canada.
M. Daniel Turp: Pourquoi?
M. John McKay: Oui, pourquoi? C'est la question de fond: pourquoi?
M. Lloyd Axworthy: Je viens de vous répondre. C'est là ma réponse.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Monsieur Lee, puis nous laisserons partir le ministre.
M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Je vous remercie.
Cette loi, monsieur le ministre, établit les bases à partir desquelles on peut expulser un Canadien du Canada et l'envoyer à l'étranger, là où il ne peut plus se prévaloir de notre charte. Cette loi établit le cadre qui va permettre au gouvernement d'expulser un Canadien loin du Canada. C'est mon point de départ.
Pour poursuivre ma démonstration, je vais reprendre les arguments de M. Mancini et de M. MacKay. Les initiatives prises au niveau international partent en fait du désir collectif de promouvoir au plan international les droits individuels et collectifs de la personne. J'applaudis à ces initiatives et je n'en conteste pas les motifs, mais ici au Canada, tous nos citoyens bénéficient des avantages que leur confère la charte. Qu'ils soient bons ou méchants, etc., ils ont toujours le droit de se prévaloir de la charte. Par conséquent, lorsque la procédure d'extradition entre en jeu, c'est notre État qui au nom de la collectivité se saisit de la personne canadienne concernée et la livre à l'étranger.
J'affirme que la charte a un rôle à jouer. Nous le savons tous. Même si nous sommes favorables à l'action collective internationale, notre charte n'accorde pas moins des droits individuels.
Par conséquent, lorsque le ministre de la Justice prend sa décision il est primordial, ainsi qu'on l'a déjà fait remarquer, que les droits conférés par la charte aux Canadiens soient pris en considération après l'audition de l'intéressé lorsqu'il convient de décider de le livrer ou non. Le ministre de la Justice ne sait pas toujours très bien ce qui dans les autres pays peut venir empiéter sur les droits conférés par la charte aux Canadiens.
Il est probable que cette question ne reviendra pas sur le tapis à moins qu'on l'évoque dans l'autre chambre, mais je vous demande, à vous et à votre ministère, de nous garantir que votre ministère, aujourd'hui comme demain, sera pleinement en mesure de savoir ce qui se passe à l'étranger pour que soient accordés au cours de cette procédure tous les droits que confère la charte à nos ressortissants, une communication étant remise au ministre de la Justice afin qu'il puisse prendre en toute connaissance de cause la décision qui s'impose. C'est tout à fait fondamental. C'est très important.
M. Lloyd Axworthy: Il y a tout d'abord une chose qu'il faut bien comprendre. Lorsque nous parlons de porter des affaires devant des tribunaux ou des cours en vertu du droit international, il s'agit là d'un dernier recours.
• 1705
On s'est entendu très clairement, lorsque l'on a jeté les
bases de la Cour pénale internationale à Rome, que lorsqu'un pays
poursuit une affaire devant ses propres tribunaux, en appliquant
ses propres règles, il n'est alors pas question de saisir la cour
internationale. C'est là un moyen, aux termes du droit
international—et M. Turp me corrigera si je me trompe—de procéder
à une application horizontale du droit en recourant aux instances
judiciaires internes pour se prononcer sur un crime contre
l'humanité.
Si donc, par exemple, un Canadien était inculpé d'une violation, d'un acte de génocide commis quelque part, tant que la justice et que les tribunaux canadiens se chargeront de cette affaire, il n'y aura aucune intervention des mécanismes internationaux. Il y a donc là une protection très claire.
S'il s'agit simplement d'un acte criminel direct, un Canadien rentré au Canada étant inculpé de meurtre à l'étranger, s'il est appréhendé et si l'autre pays demande son extradition pour le traduire devant ses tribunaux, voici quelles sont les conditions que l'on cherche généralement à vérifier, Derek: de quel type de protection il va bénéficier en prison et quels sont les droits qui vont s'appliquer en vertu de la charte. Voilà le genre de négociations et de discussions que la ministre de la justice, en compagnie de notre ministère, va entamer avec le pays qui demande l'extradition.
M. Derek Lee: Avez-vous le sentiment que votre ministère s'acquitte pleinement de cette mission et va continuer à le faire à l'avenir?
M. Lloyd Axworthy: Oui.
La présidente: Je vous remercie.
Est-ce que M. Maloney peut vous poser une question?
M. Lloyd Axworthy: Bien sûr.
M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Très rapidement, monsieur le ministre, cette question s'adresse à vous et à vos fonctionnaires.
Les articles 74 et 75 portent sur les personnes en transit au Canada alors qu'elles sont extradées d'un pays vers un autre, et l'article 76 traite des escales imprévues. Est-ce que les articles 74 et 75 sont susceptibles d'être le moindrement appliqués étant donné que nous n'avons en fait de frontières terrestres qu'avec un seul pays et que le transport se fait généralement par voie aérienne lorsqu'une personne est extradée d'un pays à l'autre? Avons-nous en fait besoin de ce genre d'article?
Par ailleurs, si une personne se trouve effectivement en transit au Canada, a-t-on les moyens de l'empêcher de présenter une demande de statut de réfugié alors qu'elle est en transit, et que peut-on faire pour cela?
M. Don Piragoff: Laissez-moi répondre à la première question. Étant donné notre situation géographique, il n'y a pas de nombreux vols qui passent par le Canada pour aller ailleurs, sauf bien entendu lorsqu'il s'agit de vols entre le Canada et les États-Unis ou de vols partant directement du Canada vers l'Est ou vers l'Ouest. Toutefois, certains aéroports, comme Gander, servent effectivement d'escale de ravitaillement pour les vols venant de l'Amérique latine et de l'Europe. Ces vols remontent la côte de l'Amérique du Nord, s'arrêtent à Gander et se dirigent ensuite vers l'Europe, ou vice versa. Il pourrait y avoir dans ce cas un point de transit.
M. John Maloney: Et pour ce qui est de ma deuxième question concernant les réfugiés?
M. Don Piragoff: Pour ce qui est des demandes de réfugié, il vous faudrait poser la question aux fonctionnaires de l'Immigration; je pense d'ailleurs qu'ils vont venir témoigner la semaine prochaine. C'est leur loi à eux. Je ne pourrais faire que des suppositions et je ne veux pas vous induire en erreur.
M. John Maloney: Je vous remercie.
La présidente: Merci, monsieur le ministre.
J'aimerais que les fonctionnaires restent encore quelques minutes car je sais que nous avons encore quelques questions à leur poser.
Nous vous remercions.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Je pense qu'il y a un problème de traduction concernant l'article 9. Vous devriez relire comme il le faut la version française de cet article car elle ne dit pas la même chose que le texte anglais.
[Traduction]
Le paragraphe 9(1) dispose:
-
Les membres du Commonwealth et les États ou entités figurant à
l'annexe sont désignés partenaires.
[Français]
En français, on dit «les membres du Commonwealth». Il faudrait stipuler «les noms des membres du Commonwealth» parce que c'est tout à fait différent. Il faudrait ajouter beaucoup de noms à la liste, ou bien les partenaires qui se trouvent dans la liste ne seraient pas tous des partenaires, selon la version française. Je pense qu'il faut absolument corriger cela pour que tous les membres du Commonwealth ne soient pas visés. Je ne pense pas que ce soit là l'intention.
En deuxième lieu, pourquoi n'est-il pas question de la peine capitale ou la peine de mort au paragraphe (3) de l'article 40, alors qu'il en est question au paragraphe (2) de l'article 44? Il me semble qu'il serait aussi approprié de faire une référence à la peine de mort dans le paragraphe (3) de l'article 40.
• 1710
Donc, ce pourrait être:
«le ministre
peut demander au partenaire de lui fournir les assurances que la
peine de mort ne sera pas imposée à une personne qu'il
veut extrader, avant de
l'extrader». Vous savez que cela a fait l'objet de
plusieurs affaires devant la Cour suprême et devant la
Cour européenne des droits de l'homme.
Y a-t-il une raison pour ne pas parler de la peine de mort au paragraphe (3) de l'article 40? Sinon, je vous suggérerais de l'ajouter. Je crois qu'il s'agirait d'une amélioration apportée au projet de loi.
[Traduction]
M. Don Piragoff: Si l'on n'a rien précisé, c'est parce que l'on peut exiger des garanties sur de multiples points, notamment la non-imposition de la peine de mort, mais il est déjà arrivé que l'on demande des garanties concernant le type de sentence prononcée ou le déroulement du procès. Dans une affaire récente, nous avons demandé certaines garanties concernant la possibilité de superviser le procès et d'autres questions.
Toutes les garanties que nous sommes susceptibles d'exiger ne se rapportent pas nécessairement à la peine de mort. Nous avons donc fait figurer une disposition générale aux termes de laquelle, pour remplir l'une des conditions susceptibles d'être exigées par l'article 44, le ministre peut demander une garantie. Bien entendu, cela peut porter entre autres sur la peine de mort, mais il se peut aussi que nous voulions être rassurés sur un autre point.
[Français]
M. Daniel Turp: Je comprends, mais je pense qu'il serait important de faire référence à la peine de mort de façon précise dans le paragraphe (3) de l'article 40 afin que les partenaires comprennent bien que le Canada n'acceptera jamais d'extrader quelqu'un s'il n'obtient pas l'assurance que la peine de mort ne sera pas imposée à cette personne.
C'est un peu différent du paragraphe 44(2) parce que, dans ce cas, il est question du refus de l'extradition. Le Canada peut vouloir extrader, dans certains cas et, pour ce faire, obtenir certaines assurances. C'est une façon de pouvoir extrader, de ne pas nécessairement refuser si on obtient des assurances quant à la la peine de mort. To make a point, le Canada est bien contre la peine de mort et, si je ne m'abuse, on va même modifier la Loi sur la défense nationale à cet égard. Je pense donc qu'il serait utile de l'ajouter dans le paragraphe (3) de l'article 40.
Ma dernière question porte sur la liste des motifs, à l'alinéa 44(1)b):
-
...la race, la nationalité ou l'origine
ethnique, la religion, les convictions politiques, le sexe ou le
statut de l'intéressé...
Cette liste n'est pas nécessairement conforme à la liste contenue dans la Charte canadienne des droits ou libertés ou dans les engagements internationaux du Canada, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Qu'est-ce qui est à l'origine de cette liste? De quoi est inspirée la liste de motifs que l'on retrouve à l'alinéa 44(1)b)? Je vous suggérerais d'étendre la liste à tous les motifs qui sont contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés ou dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est incomplète dans l'état où elle est maintenant. Elle ne comprend pas, notamment, l'orientation sexuelle, un nouveau motif qui vient d'être ajoutée à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Pouvez-vous m'expliquer quelle est l'origine de la liste qui est là?
[Traduction]
M. Don Piragoff: Je peux vous redonner la réponse qu'a apportée le ministre à une question similaire qui lui a été posée hier. Les motifs de refus se rapportant aux poursuites, à l'alinéa 44(1)b), découlent directement du traité type des Nations Unies sur l'extradition, qui a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1990. Il y a là la liste la plus complète, sur laquelle s'est clairement entendu la communauté internationale, des différents motifs sur lesquels les pays sont prêts à fonder un refus d'extradition sur la base des poursuites intentées.
• 1715
Je crois cependant que la secrétaire parlementaire, lors du
discours qu'elle a prononcé en deuxième lecture, de même que le
ministre, qui est intervenu directement hier, ont déclaré que si
pour des raisons qui lui sont propres le Canada souhaitait élargir
les motifs d'exclusion au paragraphe 44(1)b), ils étaient tout
disposés à connaître le point de vue du comité.
[Français]
M. Daniel Turp: Peut-être une dernière remarque. À propos de Pinochet, pouvez-vous compléter la réponse du ministre?
[Traduction]
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Il ne le saura jamais.
[Français]
M. Daniel Turp: Non, mais je m'adresse à ses fonctionnaires.
Seulement pour en informer les membres du comité, en Angleterre, au Royaume-Uni, le grand débat porte sur la portée du texte régissant «Sovereign Immunity Act». Si M. Pinochet peut bénéficier de l'immunité, tel que prévu dans ce texte, ici, au Canada, l'équivalent de ce texte n'abriterait pas M. Pinochet parce que cela ne couvre que le chef ou souverain d'un État dans l'exercice de ses fonctions officielles. Donc, il ne pourrait pas invoquer la Loi sur l'immunité des États du Canada, qui a été adoptée en 1982, je crois.
Cela étant dit, s'il ne pouvait invoquer cette loi, comme il semble pouvoir le faire au Royaume-Uni, serait-il passible d'extradition en vertu du projet de loi C-40?
Disons qu'il ne s'agit pas de M. Pinochet mais d'un autre ancien chef d'État.
[Traduction]
M. Alan Kessel: J'ai toujours des scrupules à répondre à une question lorsque mon ministre me dit qu'on y a déjà répondu.
Des voix: Oh, oh!
Une voix: Excellente réponse.
M. Alan Kessel: Je répéterai simplement ce que vous a dit le ministre, en l'occurrence que cette affaire est jugée en fonction de la loi du Royaume-Uni, qui est différente de celle du Canada. Le problème de savoir si une personne a agi au nom de l'État doit être réglé par les tribunaux et nous ne voulons pas préjuger de leur décision.
Toutefois, la nouvelle loi permettra de procéder à une extradition lorsque le crime s'est produit dans un pays tiers.
M. Daniel Turp: Que ferait-on dans le cas de Fidel Castro?
M. Alan Kessel: Je crois encore entendre la voie de mon ministre.
Des voix: Oh, oh!
La présidente: Ne revenons pas là-dessus. Son ministre a de grandes oreilles. Je trouve étrange, cependant, qu'il n'ait pas jugé bon... Bon, n'en parlons plus. C'est une observation superflue.
M. Daniel Turp: Il s'est bien fait comprendre.
La présidente: Monsieur Mancini.
M. Peter Mancini: En parlant de chose étrange, il y en a une que je trouve curieuse. L'article 35 n'exige pas la preuve de la signature. Un document censé avoir été signé par un fonctionnaire ou par un responsable de la justice, du ministère public ou d'un service correctionnel, peut être jugé recevable sans que l'on ait la preuve que la signature est bien la bonne ou que le signataire a bien agi officiellement dans le cadre de ses fonctions. Je me demande simplement pour quelle raison on n'exige pas cette preuve.
M. Don Piragoff: C'est devenu la pratique normale dans la plupart des traités d'extradition et l'on n'exige pas de documents supplémentaires pour prouver simplement que la signature est bien celle du juge ou du fonctionnaire censé être le signataire. Dans une large mesure, si des pays entreprennent de passer des traités, ils instaurent ce genre de relations parce qu'ils se font mutuellement confiance.
Bien entendu, la personne en fuite a toujours la possibilité d'affirmer que le document est un faux. C'est un sujet d'inquiétude qui peut être porté à l'attention du ministre. Le ministre peut se pencher sur la chose.
M. Peter Mancini: Ce n'est pas le traitement que nous accordons à nos propres avocats en Nouvelle-Écosse. Nous exigeons la preuve de leur identité.
Bien, je vous remercie.
La présidente: Vous avez une autre question à poser, monsieur Turp?
M. Daniel Turp: Puis-je faire simplement une observation? Tout à l'heure, lorsque nous avons discuté du dépôt des traités, vous avez déclaré que cette pratique était désormais périmée ou passée de mode.
La présidente: Dépassée, je crois.
M. Daniel Turp: Je ne suis pas d'accord avec vous. Il ne s'agit pas d'une pratique dépassée, parce que les traités qui sont déposés devant le Parlement, si je comprends bien, ne sont pas des traités d'extradition—alors qu'ils devraient l'être. Vous avez huit ans de retard pour ce qui est du dépôt des traités d'extradition. Vous avez l'obligation légale de le faire et vous n'avez pas respecté cette obligation pendant les huit dernières années.
• 1720
J'en ai parlé aujourd'hui avec l'un de vos collègues du
ministère et je pense qu'il a reconnu que cela n'avait pas été
fait, mais qu'il n'y a aucun retard pour ce qui est de la
législation actuelle, de sorte que vous n'avez pas totalement
désobéi à la loi.
Pour ce qui est des accords de sécurité sociale, vous avez aussi l'obligation de déposer les lois.
Si vous voulez mettre fin à cette pratique—et j'imagine qu'un jour vous allez vouloir le faire pour les accords de sécurité sociale—vous irez à l'encontre de la nouvelle politique des pays du Commonwealth. Au Royaume-Uni lui-même, ainsi qu'en Nouvelle-Zélande et en Australie, la plupart des traités sont déposés à l'heure actuelle. Ils sont déposés parce que d'autres pays du Commonwealth considèrent aujourd'hui qu'il est important que les traités soient déposés devant le Parlement pour l'information du législateur, même s'il n'a pas à les autoriser.
Je pense donc qu'il n'est pas bon de retirer cette obligation de la législation, qui était l'une des seules à imposer une telle obligation au gouvernement. Ce n'est pas bon pour la transparence et pour la démocratie.
Quoi qu'il en soit, vous verrez: nous devrons très bientôt en revenir à cette obligation de déposer les lois parce que nous voulons tous que tous les traités soient déposés devant la Chambre, comme c'était le cas auparavant. Cette pratique a été abandonnée en 1990, sauf pour ce qui est des traités d'extradition, même si ça n'a pas été fait en réalité.
Je vous demande d'y réfléchir. Il faudrait peut-être que vous mainteniez cette obligation dans cette loi. Par ailleurs, lorsque vous rédigerez de nouvelles lois portant sur des traités, il serait peut-être bon que vous fassiez figurer cette obligation de les déposer devant le Parlement.
M. Don Piragoff: Je ferai part de vos observations au ministre.
M. Alan Kessel: Je vous sais gré de vos observations au sujet du dépôt effectif de ces documents et je consulterai notre conservateur des traités pour voir quels sont ceux qui ont déjà été déposés.
Il faut voir aussi que voilà déjà cinq ans au moins que nous n'avons pas entrepris de négociations de traités d'extradition en prévision de l'adoption d'une nouvelle loi. Nous sommes tellement en retard par rapport au rythme normal de nos négociations de traités que ce serait une véritable aubaine pour nous de pouvoir mettre en application cette loi, ce qui nous permettrait de reprendre nos négociations de traités d'extradition avec d'autres partenaires qui nous l'ont demandé avec insistance. Jusqu'à présent, nous leur avons répondu que nous ne pouvions rien faire tant que cette loi ne serait pas adoptée.
Merci.
La présidente: Je vous remercie.
Merci, messieurs, d'être venus nous aider aujourd'hui. La séance est levée.