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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 4 mai 1999

• 0907

[Traduction]

Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Pour l'étude du projet de loi C—69, nous accueillons, du ministère du Solliciteur général, Mme Mary Campbell et M. Richard Zubrycki.

Vous êtes les bienvenus. La parole est à vous.

M. Richard Zubrycki (directeur général, Direction des affaires correctionnelles, ministère du Solliciteur général): Merci, monsieur le président. Avec votre permission, je vais juste formuler quelques observations pour présenter le projet de loi. Je suis sûr que les députés ont hâte de poser des questions et je vais essayer d'en arriver là le plus rapidement possible.

Comme vous le savez, le projet de loi C—69 a pour objet de modifier la Loi sur le casier judiciaire, qui est le principal instrument législatif régissant la réhabilitation des contrevenants dans certaines conditions. Le projet de loi compte 10 articles, mais je ne les passerai pas tous en revue.

Les cinq premiers articles sont essentiellement administratifs. Ils clarifient le texte de la loi. Par exemple, ils introduisent la notion de «délivrance» d'une réhabilitation, en plus de la notion d'«octroi» d'une réhabilitation, parce que chacun de ces deux termes est relié au traitement des infractions par procédure sommaire ou par mise en accusation. Nous avons donc essayé de rendre le libellé aussi général que possible. Il y avait également des questions de concordance entre les versions anglaise et française. Nous espérons avoir réglé toutes ces questions. Nous avons également éclairci certains termes, surtout en ce qui concerne les conséquences d'une réhabilitation, en éliminant des expressions archaïques du genre «effacer les conséquences d'une condamnation», pour les remplacer par une description de l'effet réel d'une réhabilitation. Cela concorde avec la version française actuelle de la loi.

Les mêmes articles rendent un peu plus efficaces certaines dispositions et resserrent des procédures, en imposant par exemple, en cas de refus ou de révocation de la réhabilitation, que les intéressés ne puissent normalement présenter que des observations écrites et que les personnes dont la demande de réhabilitation est refusée ne puissent pas en présenter une nouvelle avant l'expiration d'un délai d'un an.

L'article 6 constitue vraiment le coeur du projet de loi. Il traite de questions dont j'ai déjà discuté avec le comité dans le passé. Je veux parler de l'accès aux dossiers scellés de réhabilitation pour fins de vérification judiciaire des personnes qui postulent des emplois de confiance pouvant les mettre en situation d'autorité par rapport à des enfants ou à des personnes vulnérables.

Comme vous le savez, le système de dossiers criminels informatisés connu par le sigle CIPC, qui veut dire Centre d'information de la police canadienne, contient des dossiers sur la quasi-totalité des condamnations par mise en accusation et sur certaines condamnations par procédure sommaire, surtout si on dispose d'empreintes digitales.

• 0910

Comme je l'ai expliqué dans le passé, le gouvernement, en partenariat avec les organismes de police et le secteur bénévole, a mis en place en 1994 un programme national de sélection qui permet aux organismes qui examinent la candidature de personnes postulant des emplois de confiance d'accéder aux dossiers du CIPC.

Toutefois, comme vous le comprendrez, je pense, lorsqu'une réhabilitation est octroyée en vertu de la Loi sur le casier judiciaire, les dossiers correspondants sont retirés du système d'information du CIPC pour être placés dans une base de données scellée distincte. Ainsi, lorsque l'agent sur le terrain interroge le CIPC, il ne trouve rien. C'est comme si le dossier n'existait pas du tout, même s'il se trouve bel et bien dans la base de données scellée. De toute évidence, c'est là une lacune du système de vérification judiciaire. Un organisme qui examine des candidatures peut être induit en erreur et croire qu'il n'y a pas de dossier, alors qu'il y en a un.

L'article 6 du projet de loi, qui modifie l'article 6 de la Loi sur le casier judiciaire, met en place un système qui signalera les cas où un dossier a été retiré du CIPC. Un «drapeau» ou, pour reprendre le texte de la loi, une «indication» figurera dans la base de données à la place du dossier retiré. Ainsi, en cas d'interrogation, l'agent qui fait une recherche verra l'indication montrant qu'il existe un dossier qu'il est possible de demander. Si le dossier est demandé, le personnel de la GRC au bureau central du CIPC portera le dossier à l'attention du solliciteur général qui décidera alors s'il convient ou non de le divulguer.

Ces dispositions générales figurent à l'article 6.3 du projet de loi. D'autres détails se trouvent dans le projet de règlement d'application de la Loi, qui a été communiqué au comité. Des renseignements plus détaillés, reflétant le libellé final de la Loi et du règlement, figureront dans le Manuel de politiques du CIPC, qui sera mis à la disposition des agents de police sur le terrain.

Très rapidement, l'article 6.3 prévoit d'inclure dans le fichier automatisé du CIPC une indication montrant qu'une réhabilitation a été accordée à un contrevenant déclaré coupable de l'une des infractions sexuelles figurant dans une liste. Cette liste paraîtra dans le règlement. Elle comprend 27 infractions sexuelles et 11 anciennes infractions comparables à des infractions actuelles, mais qui ont été modifiées au fil des ans. Ainsi, si une personne a reçu une réhabilitation après avoir été déclarée coupable de l'une de ces infractions sexuelles, une indication à cet effet sera placée dans le fichier du CIPC.

Les paragraphes 6.3(2) et 6.3(3) permettent à la police ou à un autre organisme autorisé de rechercher cette indication avec le consentement du postulant, c'est-à-dire la personne faisant l'objet de la recherche. En pratique—mais cela ne figure pas dans le projet de loi—l'agent responsable introduira un code dans le CIPC qui indiquera au système qu'il s'agit d'une vérification judiciaire. C'est seulement après l'introduction de ce code que les indications en question deviendront visibles.

En ce qui concerne l'objet de la recherche, le projet de règlement contient des définitions d'«enfant» et de «personne vulnérable», s'appliquant dans le cas d'une vérification judiciaire effectuée au sujet d'une personne qui postule un emploi de confiance auprès d'enfants ou de personnes vulnérables.

Le paragraphe 6.3(4) du projet de loi prévoit, lorsqu'une indication est trouvée et que le dossier est demandé, que la GRC, au bureau central du CIPC, porte le dossier à l'attention du solliciteur général pour déterminer s'il convient ou non de le divulguer. Le paragraphe 6.3(5) autorise le solliciteur général à divulguer le contenu du dossier. Pour prendre la décision, le ministre doit tenir compte d'un certain nombre de facteurs qui figurent dans le projet de règlement qui vous a été communiqué.

• 0915

Le paragraphe 6.3(6) autorise la communication du contenu du dossier si la personne faisant l'objet de la recherche y consent. Le consentement de cette personne est donc nécessaire d'une part pour vérifier s'il existe ou non une indication sur le dossier et, de l'autre, pour que le contenu du dossier puisse être communiqué à des tiers. À défaut de ce consentement, le dossier ne serait communiqué qu'à l'intéressé lui-même. Celui-ci recevrait donc une copie de son propre dossier qu'il pourrait, à son gré, décider de transmettre à l'organisme auprès duquel il postule un emploi.

Le paragraphe 6.3(7) interdit d'utiliser ou de communiquer les renseignements tirés du dossier à une autre fin que l'examen d'une demande d'emploi.

L'article 6.4 prévoit l'application rétroactive de l'ensemble de ces dispositions. Ce régime s'appliquerait donc à l'ensemble des quelque 4 500 dossiers qui se trouvent actuellement dans la base de données des dossiers criminels.

L'article 7 est une autre disposition qui resserre la loi d'une certaine façon en prévoyant la révocation automatique de la réhabilitation si l'intéressé se rend coupable de n'importe quelle infraction criminelle. À l'heure actuelle, si une personne réhabilitée est à nouveau déclarée coupable d'un acte criminel par mise en accusation, sa réhabilitation est automatiquement révoquée ou annulée. Cette même révocation automatique s'appliquera maintenant aussi aux infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

L'article 8 autorise le gouverneur en conseil à prendre des règlements comme celui dont vous avez actuellement le projet. L'article 9 permet de reporter dans le Code criminel l'ajout des mots «ou délivrée» prévu dans le projet de loi. Enfin, l'article 10 porte sur l'entrée en vigueur du projet de loi.

En conclusion, je voudrais répéter que l'article 6 constitue vraiment le coeur du projet de loi, même si celui-ci a plusieurs autres objets. Je dois préciser que tout le processus a commencé il y a plus de deux ans avec l'examen de la Loi sur le casier judiciaire, qui a compris la publication d'un document de travail et la tenue d'importantes consultations avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, des groupes intéressés du secteur public et des groupes professionnels.

Parallèlement à ces consultations, des consultations distinctes ont eu lieu à la demande des ministres de la Justice du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Un groupe de travail fédéral-provincial a examiné soigneusement toute la question des systèmes d'information ainsi que la meilleure façon de s'en servir pour protéger les jeunes et les personnes vulnérables. L'une des dix recommandations de ce groupe de travail, qui ont toutes été acceptées par les ministres,—je veux parler de la recommandation 7—se retrouve à l'article 6 du projet de loi.

Il y a donc un vaste consensus sur la question: tout le monde convient que ce sont des modifications utiles et nécessaires de la Loi sur le casier judiciaire, qui apportent des changements dont nous avons besoin après une longue période d'étude et de consultations. C'est tout ce que j'avais à dire.

Je ne crois pas que Mary Campbell ait une déclaration préliminaire à présenter. Elle pense d'ailleurs qu'elle va rester tranquillement assise à mes côtés, sans avoir rien à dire. Je crois qu'elle aura des surprises.

Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Zubrycki.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je passe directement au règlement, monsieur Zubrycki. C'est quelque chose de nouveau, que je n'ai jamais vu auparavant. Je sais que le comité a demandé à voir le projet de règlement pour pouvoir procéder à des comparaisons avec le projet de loi C-284 et pour mieux comprendre les effets de ce projet de loi, qui se reporte si souvent au règlement.

• 0920

Je voudrais me concentrer sur la partie du règlement qui traite du consentement à la communication de renseignements. C'est à la page 5.

Ce qui me frappe—vous pourrez peut-être apaiser certaines de mes préoccupations—c'est à quel point les dispositions manquent de précision. Si j'étais employé du ministère ou du ministre lui- même et que je doive déterminer s'il convient ou non de divulguer un dossier... Je vois, par exemple, qu'il faut déterminer s'il y a un rapport entre les infractions ayant fait l'objet d'une réhabilitation et l'emploi postulé.

Il y a aussi ce critère en trois points. Je ne sais pas si les trois critères sont mutuellement exclusifs ou s'ils s'appliquent simultanément: le critère de la violence, celui des enfants ou des personnes vulnérables et celui de l'abus de confiance. Recherchez- vous un seul de ces critères ou les trois en même temps? Il y a également des critères concernant le temps écoulé depuis la perpétration de l'infraction et l'âge de la personne.

Ce sont là des critères intéressants, mais j'aurais préféré voir une règle du genre: «Le dossier sera divulgué sauf...». Cette règle serait suivie de critères, comme «le temps écoulé depuis la déclaration de culpabilité est de x années», «l'âge de la personne est de y» ou d'autres tests ou précisions pour établir s'il y a eu violence, si des enfants étaient en cause et s'il y a eu abus de confiance. «Abus de confiance» est d'ailleurs une expression au sens très vague. Je crois qu'on pourrait dire, pour toutes les infractions énumérées dans le règlement, qu'il y a eu une forme ou une autre d'abus de confiance.

Le règlement ne me donne donc pas une idée précise des cas où vous allez divulguer l'information et des cas où vous n'allez pas le faire. Vous nous avez dit qu'il s'agit d'un projet. N'y aurait-il pas moyen de le resserrer un peu?

M. Richard Zubrycki: Bien sûr, ces règlements peuvent toujours être modifiés. Il nous faut garder à l'esprit, tout d'abord, que c'est un règlement. Ce n'est pas un manuel de politiques. On peut donner plus de détails dans d'autres documents, si le ministre le souhaite, à des fins d'illustration. Il peut certainement y avoir d'autres facteurs pertinents.

Les facteurs qui figurent dans le règlement sont essentiellement ceux que le ministre envisage actuellement et dont on a tenu compte depuis de nombreuses années, je crois, lorsqu'il fallait prendre ce genre de décision. Je dois dire qu'au cours des trois importants processus de consultation auxquels nous avons procédé, nous n'avons jamais entendu de plaintes au sujet de l'application du pouvoir discrétionnaire du ministre. À ce moment, ces critères, qui ne figuraient dans aucune loi ni règlement, étaient appliqués dans le cadre de politiques informelles.

On peut donc dire pour le moins qu'ils ont passé l'épreuve du temps. Bien sûr, il peut toujours y avoir des lacunes. Je ne crois pas qu'il soit possible de penser à toutes les combinaisons et permutations de situations, d'infractions, de circonstances, etc. Ce sont des schémas très complexes. Dans une certaine mesure, c'est pour cette raison que le pouvoir discrétionnaire est prévu. Je doute qu'il soit possible de beaucoup améliorer le règlement en appliquant des critères plus stricts. En fait, plus les critères sont stricts, plus ils seront ouverts à la contestation et plus ils auront d'effets pervers.

M. Eric Lowther: Puis-je vous demander qui, en pratique, prend ces décisions? Si ces critères sont appliqués à l'heure actuelle... Cela ne va pas jusqu'au ministre quand même?

M. Richard Zubrycki: Oui, monsieur.

M. Eric Lowther: Donc le ou la ministre prend des décisions délibérées sur chacune de ces demandes?

M. Richard Zubrycki: Oui. C'est ce qui se fait actuellement et je ne vois aucune raison pour que les choses changent.

M. Eric Lowther: Lorsque les gens sauront qu'ils peuvent enclencher ce processus, qu'il y aura des indications portées au dossier et que le public en sera conscient, je vous affirme que le ministre aura vraiment beaucoup à faire pour examiner toutes les demandes qu'il recevra. Je me demande s'il pourra en pratique continuer à le faire.

De toute façon, pourquoi n'est-il pas possible d'établir une règle disant: «Le dossier sera divulgué» sauf s'il ne satisfait pas à un ensemble donné de critères. Le ministre aurait alors à examiner des exceptions, plutôt que de considérer chaque cas séparément.

• 0925

M. Richard Zubrycki: D'après nos estimations, la charge de travail ne sera pas très considérable. Bien sûr, si elle le devenait, nous aurions à faire des rajustements. Nous savons qu'il y a dans le système environ 4 500 dossiers couvrant 20 à 30 ans. Par conséquent, au départ, le nombre de dossiers de délinquants sexuels réhabilités n'est pas considérable et, dans ce groupe, le nombre de ceux qui postulent des emplois de confiance est encore beaucoup plus petit. À l'heure actuelle, nous ne croyons pas que les demandes seront très nombreuses. Nous estimons en même temps que chaque demande mérite un examen soigneux. D'une façon générale, nous pensons que le système continuera à fonctionner comme à l'heure actuelle.

M. Eric Lowther: Passons à une autre question, si vous le permettez, monsieur le président. À moins d'avoir manqué quelque chose, je n'ai trouvé nulle part, ni dans le projet de loi C-69 ni dans le règlement, de dispositions visant à éviter des difficultés à l'organisme qui offre le poste. Si le ministre autorise la divulgation des renseignements et que l'organisme apprend que le postulant est un délinquant sexuel réhabilité, il lui dira probablement: «C'est bien malheureux, nous vous aimions bien avant de le découvrir, mais, maintenant que nous le savons, nous ne pouvons pas vous engager.» Le postulant ne manquera pas de répondre que le fait de ne pas l'engager à cause de sa situation de personne réhabilitée constitue une violation des droits que lui confère la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il peut intenter des poursuites contre l'organisme.

L'organisme aura alors le plaisir d'aller au tribunal pour expliquer pourquoi il était justifié dans ce cas de ne pas engager la personne en cause. Dans l'autre mesure législative, le projet de loi C-284—que les membres du comité connaissent, je crois—il y avait une disposition qui protégeait les organismes s'ils n'engageaient pas un postulant à cause de sa situation de personne réhabilitée. Mais il n'y a pas de disposition de ce genre dans le projet de loi C-69. Pouvez-vous nous en parler, s'il vous plaît?

M. Richard Zubrycki: Nous avons soigneusement tenu compte des avis juridiques que nous avons reçus à ce sujet. Selon ces avis, le projet de loi, tel qu'il est structuré, avec des garanties appropriées et un ciblage assez étroit, serait conforme à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Charte.

Comme je l'ai déjà mentionné devant le comité, l'article 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne comprend un critère permettant d'évaluer le caractère raisonnable d'une restriction. D'après les avis juridiques que nous avons reçus, ce régime serait considéré comme une intervention raisonnable dans les libertés civiles de telles personnes, si elles postulent un emploi de confiance après avoir été déclarées coupables d'infractions sexuelles. Voilà une première considération.

La seconde, c'est que la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique principalement aux organismes fédéraux qui agissent au nom du gouvernement ou sont autorisés par lui. La plupart des organismes dont nous parlons ici relèvent de la réglementation provinciale et ne sont donc pas directement assujettis à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Même si la plupart d'entre eux, je dois le dire, respectent cette loi et s'y conforment, ils n'y sont pas directement soumis. Ainsi, si une personne avait une plainte légitime de cette nature, elle s'attaquerait à l'organisme fédéral qui a divulgué le dossier plutôt qu'à l'organisme qui en a fait usage. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre. Quoi qu'il en soit, je demeure convaincu que la Loi canadienne sur les droits de la personne permet ce genre de disposition.

Mme Mary Campbell (directrice, Politiques correctionnelles, ministère du Solliciteur général): Je vais peut-être ajouter une précision, si vous le permettez. D'après nos analyses, le problème n'est pas vraiment relié à la Loi canadienne sur les droits de la personne qui, comme M. Zubrycki l'a noté, s'applique à des agences fédérales et non aux organismes qui ont en général ce genre de postes à pourvoir.

La difficulté, à notre avis, réside davantage dans la Charte et dans la protection qu'elle accorde en vertu de l'article 7. C'est la raison pour laquelle le projet de loi C-69 a été soigneusement rédigé pour éviter qu'il ne puisse être considéré comme une violation de l'article 7 ou, du moins, comme une violation injustifiée de cet article. C'est pour cette raison aussi que le projet de loi énumère des infractions précises, qui sont toutes centrées sur des crimes de nature sexuelle. Le règlement définit «personne vulnérable» et «enfant». Il relie la divulgation à l'emploi postulé et maintient des pouvoirs discrétionnaires. Bien sûr, nous n'avons pas apposé une étiquette «conforme à l'article 7» sur ces dispositions, mais c'est la raison pour laquelle elles sont là: établir un processus de vérification judiciaire qui résistera à une contestation fondée sur la Charte.

• 0930

M. Eric Lowther: Dans le même ordre d'idées, puis-je vous demander pourquoi certains articles du Code criminel ont été exclus, des articles que je pensais trouver dans la liste, avec cet élargissement des dispositions qu'assure le projet de loi C-69? L'article 273, agression sexuelle grave, est absent de la liste. L'agression sexuelle y est, mais pas l'agression sexuelle grave. Cela fait partie de l'article 273. Il y a aussi l'article 163, distribution de matériel obscène. Il y a en a également d'autres: nudité dans un lieu public, tenue d'une maison de débauche, etc. Ces infractions sont du même ordre que celles qui figurent dans la liste mais, pour une raison ou une autre, elles n'y sont pas. J'en ai quatre ou cinq autres que je pourrais vous mentionner. Y a-t-il une raison pour laquelle ces infractions ont été exclues? Il s'agit pourtant d'infractions sexuelles.

Mme Mary Campbell: Si le comité estime que ces infractions devraient être ajoutées et qu'elles s'inscrivent bien dans cette catégorie, nous sommes tout à fait disposés à les examiner. Je ne peux pas tout de suite vous donner une réponse au sujet des infractions que vous avez mentionnées. Elles sont peut-être enterrées là quelque part.

Le président: Merci, monsieur Lowther.

Monsieur Marceau.

M. Richard Zubrycki: Je m'excuse, monsieur le président, j'aimerais donner un peu plus de détails au sujet de la liste d'infractions. Cette liste a été examinée à plusieurs reprises par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial, qui se compose surtout de procureurs principaux de la Couronne ou de hauts fonctionnaires de ce secteur représentant toutes les provinces et tous les territoires. Certaines infractions qui figuraient sur la liste ont été rayées. Cela se fondait sur l'expérience des membres du groupe de travail et sur leur compréhension de ce que ces infractions représentaient ordinairement.

Dans certains cas, ils ont jugé que, même si l'infraction était de nature sexuelle, elle n'était pas pertinente dans les circonstances. Dans d'autres cas, ils ont estimé que l'infraction était comprise dans une autre qui figurait déjà sur la liste. De toute façon, celle-ci a été soigneusement examinée. Cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être modifiée encore, mais elle ne devrait peut-être pas l'être d'une façon... J'allais dire «cavalière», mais je sais que personne n'agirait ainsi. Il ne faudrait donc le faire qu'après un examen soigneux, pour ne pas prendre le risque de perdre en cas de contestation en vertu de la Charte.

Le président: Merci, monsieur Zubrycki.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Je vous remercie d'être venus témoigner devant nous. J'ai apprécié la brièveté et la pertinence de vos remarques.

Vous avez mentionné que le coeur du projet de loi C-69 était l'article 6, et j'aimerais que nous penchions sur les dispositions qu'il renferme.

Au paragraphe 6.3(2) proposé, on lit:

    (2) Un corps policier ou autre organisme autorisé peut, à la demande d'un particulier ou d'une organisation responsables du bien-être d'un ou de plusieurs enfants ou d'une ou de plusieurs personnes vulnérables, vérifier si la personne qui postule un emploi...

On accorde donc un pouvoir discrétionnaire à un corps policier. Est-ce que je me trompe ou si j'ai raison?

Le paragraphe 6.3(4) proposé stipule que:

    (4) Dans le cas où la vérification permet d'établir que le postulant fait l'objet d'une indication mentionnée au paragraphe (1), le corps policier ou l'autre organisme autorisé qui y a procédé peut demander au commissaire de remettre au ministre...

Voilà un deuxième pouvoir discrétionnaire.

La dernière phrase de ce même paragraphe se lit ainsi:

    Le commissaire peut donner suite à la demande.

Il s'agit d'une troisième pouvoir discrétionnaire.

On lit au paragraphe 6.3(5) proposé que:

    (5) Le ministre peut communiquer au corps policier...

C'est un quatrième pouvoir discrétionnaire.

Au paragraphe 6.3(6), on lit:

    (6) Le corps policier ou l'autre organisme autorisé peut communiquer les renseignements...

On accorde donc cinq différents pouvoirs discrétionnaires.

Dans tout ce processus que vous avez mis en place, il y a cinq éventualités où, même dans des cas de violence aussi graves que ceux qu'a décrits M. Lowther, une personne peut refuser de communiquer le dossier. N'estimez-vous pas que cela est trop?

• 0935

[Traduction]

M. Richard Zubrycki: Dans un instant, je vais probablement demander à Mary Campbell de répondre à l'une de nos questions favorites: «peut» ou «doit».

Tout d'abord, nous ne pouvons pas réglementer les opérations de la police. Même si la GRC assume des fonctions de police dans près de 70 p. 100 du pays, la plupart des opérations policières relèvent des autorités provinciales.

Il est certainement concevable qu'un service de police dise: Non, nous ne participerons pas à ce programme ou nous n'acceptons pas tel détail particulier. Cela est concevable. Je dois dire que jusqu'ici, depuis que nous avons mis en place le système national de sélection, le niveau de conformité a été très élevé. Nous avons la coopération de tous les services de police. C'est essentiellement un système conjoint plutôt qu'un système imposé à nos différents partenaires. Voilà donc la première des raisons.

Deuxièmement, je crois que le mot «peut» vise à autoriser ces activités plutôt qu'à les imposer.

[Français]

M. Richard Marceau: J'aimerais revenir à votre premier point où vous disiez, à juste titre, que vous ne pouviez pas forcer un corps policier à faire quoi que ce soit. Ne croyez-vous pas qu'il aurait été préférable d'utiliser le mot «doit» au lieu de «peut» dans ce projet de loi? Je suis d'accord qu'il y a certaines choses que vous ne pouvez contrôler, mais lorsqu'il s'agit de choses qu'on peut contrôler par cette loi, ne devrait-on pas faire tout en notre pouvoir pour qu'il y ait obligation? On ne parle pas de cas peu importants, mais de crimes assez graves. Je dois vous avouer qu'étant nouveau père, j'aimerais bien être assuré dans la mesure du possible que des criminels dangereux ne travaillent pas à la garderie où je songe à envoyer mes enfants. Je comprends le problème que pose la Charte canadienne des droits et libertés, mais il me semble que dans certains cas, nous devrions enlever ce pouvoir discrétionnaire.

[Traduction]

M. Richard Zubrycki: Nous allons certainement prendre cela en considération et en discuter, à l'échelon interne, avec le ministre. Je pense toutefois qu'il y a certains cas—mais pas dans tous les cas cités—où il serait possible d'envisager un libellé plus strict, surtout lorsqu'il s'agit de la façon dont la GRC doit traiter le dossier une fois qu'il est porté à son attention. Nous examinerons cela un peu plus attentivement. Votre commentaire est très valable. Nous verrons s'il est possible de faire quelque chose.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord. Je présume qu'un des buts de ce projet de loi est la protection des personnes qui ont été réhabilitées et qui ont reçu un pardon. On veut que les personnes qui ont été réhabilitées puissent mener la vie la plus normale possible. On s'entend là-dessus et c'est correct.

Selon vous, combien de temps faut-il pour traiter une demande de renseignement à partir du moment où elle est formulée, puis transmise au corps policier, au commissaire et au ministre, jusqu'au moment où elle redescend?

[Traduction]

Mme Mary Campbell: Cela varie. En situation d'urgence, tout peut se faire dans les 24 heures, à partir du moment où la demande est reçue et celui où la décision est prise de communiquer ou non le dossier.

[Français]

M. Richard Marceau: C'est le délai qu'il y a dans des circonstances exceptionnelles. Quel est le délai dans des circonstances normales?

[Traduction]

M. Richard Zubrycki: Je crois que le délai habituel est d'une trentaine de jours.

[Français]

M. Richard Marceau: Croyez-vous qu'on rend service à la personne réhabilitée qui postule un emploi dans une garderie ou une école si elle doit attendre 30 jours qu'on transmette la demande au ministre et qu'elle revienne? Ce délai de 30 jours ne lui enlève-t-il pas toute chance ou beaucoup de chances d'être engagée? Lorsque j'engage un employé, je n'attends pas 30 jours avant qu'il puisse entrer en fonction. J'attends jusqu'au lendemain de l'entrevue ou jusqu'à la semaine suivante tout au plus. En tant qu'employeur, je refuserais un tel délai et je bifferais le nom de cette personne de la liste des candidats. Je ne crois pas qu'on rende service à une personne réhabilitée en lui imposant un délai de 30 jours.

• 0940

[Traduction]

M. Richard Zubrycki: Il n'y a pas de doute, je crois, que si un organisme a besoin de faire des vérifications de ce genre, dans la plupart des cas, il sera disposé à en accepter les conséquences.

Si vous me permettez une comparaison, dans l'administration fédérale, comme à bien d'autres endroits, il est nécessaire d'obtenir un classement sécuritaire pour accomplir certaines fonctions. Cela n'empêche pas les gens d'être embauchés, mais, dans certains cas, cela peut les empêcher d'assumer toutes leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils aient reçu leur cote de sécurité. Ce n'est peut-être pas la meilleure analogie du monde, mais je pense que beaucoup d'organismes, s'ils sont raisonnablement certains d'avoir la personne qu'ils veulent pour l'emploi à remplir, pourraient l'engager à titre provisoire. Après l'embauche, il y a ordinairement une période d'adaptation, à la suite de laquelle la personne assume progressivement ses fonctions.

En définitive, s'il y a à choisir entre deux candidats et que l'un d'eux a un dossier imposant un délai tandis que l'autre n'en a pas, il est possible que l'employeur opte plutôt pour la personne sans dossier. C'est peut-être là une réalité qu'il faudra accepter.

Le président: Monsieur MacKay.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci, monsieur le président.

Je veux admettre que je suis moi aussi un peu préoccupé par certaines des questions soulevées par mes deux collègues, surtout l'utilisation des termes «peut» et «doit».

Pour faire suite aux questions qui ont déjà été posées, au sujet de la rétroactivité du projet de loi, pouvez-vous nous parler encore des risques de contestation en vertu de la Charte si certaines choses sont découvertes après coup? Supposons qu'une personne ait été engagée et qu'une enquête, faite par l'intermédiaire du ministre, révèle que cette personne, qui dirige les boy-scouts ou une organisation des Grands Frères, avait déjà eu un casier judiciaire pour une infraction énumérée dans la liste. À votre avis, que se passera-t-il si l'organisme en question prend des mesures?

Mme Mary Campbell: La rétroactivité s'applique à l'inscription d'une indication sur les dossiers du CIPC. Autrement dit, le projet de loi, une fois adopté, permettra de placer une indication sur le dossier d'une personne réhabilitée qui a déjà été condamnée pour l'une des infractions prescrites. La personne elle-même ne court aucun risque à moins qu'un événement quelconque ne se produise qui mette en jeu cette indication. Ce n'est pas une rétroactivité dans le sens où vous l'entendiez, où une personne qui fait actuellement du bénévolat, par exemple, ferait l'objet d'une vérification judiciaire rétroactive. Il appartiendra à l'organisme de prendre une décision de ce genre. S'il n'avait pas l'habitude de faire de telles vérifications dans le passé, il devrait décider de ce qu'il convient de faire dans le cas de ses employés et de ses volontaires actuels.

M. Peter MacKay: Je crois, avec tout le respect que je vous dois, que la simple publicité qu'entraînera l'adoption du projet de loi pourrait déclencher ce genre d'enquête portant sur les employés ou les volontaires actuels d'un organisme. On pourrait même affirmer qu'il s'agit là d'un nouveau moyen de vérification qu'il serait absurde de ne pas utiliser. Envisagez-vous des difficultés sur ce plan?

M. Richard Zubrycki: Il est difficile de dire ce qui se passera quant à la Charte, mais...

M. Peter MacKay: Je sais que...

M. Richard Zubrycki: ...il y aura certainement des difficultés. Lorsqu'on a commencé à parler du projet de loi, l'un des premiers appels que nous avons reçus venait d'une personne haut placée dans une organisation de garde d'enfants, qui a occupé son poste depuis de nombreuses années et qui avait—selon ses propres termes, commis une «indiscrétion» 35 ans plus tôt. Cette personne s'inquiétait de la possibilité que son dossier soit divulgué. Elle voulait savoir quelles chances il y avait que cela se produise. La seule réponse honnête à lui faire, c'est que c'est possible. Il est probable que cela n'arrivera pas, mais si son organisation établit une politique de vérification rétroactive, sa situation pourrait devenir délicate. Encore une fois, je crois que c'est là une partie du prix à payer.

Nous espérons que les gens vont aborder cela d'une manière raisonnable. Comme je vous l'ai expliqué... C'est peut-être une explication très superficielle, mais si ce sont là les faits de base, on peut espérer que l'organisme se dira qu'il connaît cette personne depuis très longtemps, que cela ne change pas l'opinion qu'il a d'elle et ne devrait pas mettre un terme à son emploi.

M. Peter MacKay: Je voudrais revenir à un autre sujet qui a été abordé, je crois, par M. Lowther et M. Marceau. C'est la question du pouvoir discrétionnaire du ministre. À votre avis, y aurait-il un avantage quelconque à avoir par exemple une liste A et une liste B, la première assortie d'une obligation de divulguer et la seconde, d'un pouvoir discrétionnaire?

• 0945

Je crois qu'il y a une grande différence, sur le plan du risque, entre une personne qui a un casier judiciaire à cause d'un appel téléphonique obscène et une autre personne, qui en a un pour avoir eu des relations sexuelles avec une enfant de moins de 14 ans. Je crois qu'il serait bon dans ce cas de remplacer le pouvoir discrétionnaire par une obligation de divulguer afin d'empêcher une telle personne de nuire si l'information n'est pas communiquée pour une raison ou une autre.

M. Richard Zubrycki: La déclaration de culpabilité enregistrée dans le cas d'une telle personne constituerait probablement la pire base pour prendre une décision. L'accusation portée peut dépendre de difficultés concernant la preuve et ne pas du tout refléter la gravité des circonstances. L'inverse peut également être vrai. Il y a des condamnations qui exagèrent probablement la gravité de l'infraction, mais qui sont techniquement exactes ou ont été les plus faciles à prouver. Plus le système sera rigide, plus il y aura de situations anormales, qui iront d'ailleurs dans les deux sens.

Nous avons bien sûr pensé à cela. Encore une fois, la question d'une contestation en vertu de la Charte impose qu'il y ait suffisamment de pouvoirs discrétionnaires et de garanties pour empêcher la divulgation injustifiée des dossiers. À notre connaissance, le ministre répond positivement à la majorité des demandes qui lui sont présentées. Toutefois, dans une situation où il y aurait lieu de refuser, le ministre ne devrait pas, je pense, avoir les mains liées et être obligé de prendre la mauvaise décision.

Mme Mary Campbell: Permettez-moi d'ajouter un commentaire. Il pourrait être trompeur de considérer une infraction sans tenir compte de la sentence, du moment où elle s'est produite, de l'âge de la personne, etc. Au Canada, par exemple, l'homicide peut donner lieu à des sentences allant de la condamnation avec sursis à l'emprisonnement à perpétuité.

Il serait sans doute facile de répartir cette liste aux deux extrémités, mais beaucoup plus difficile de le faire dans le milieu. Comme M. Zubrycki l'a dit, en se concentrant uniquement sur l'infraction, il y aurait des cas faciles dans la liste, mais il y en aurait aussi beaucoup où il serait nécessaire de considérer les autres facteurs pour prendre la décision de divulguer ou de ne pas divulguer.

M. Peter MacKay: Je trouve intéressant que vous parliez de condamnation avec sursis, parce que je crois qu'il y a de nombreuses infractions, mettant en cause de la violence et des agressions sexuelles, qui ne devraient absolument pas être admissibles à des condamnations avec sursis, mais c'est une autre affaire.

En ce qui concerne la divulgation, est-ce qu'elle serait dans tous les cas documentée? Je relisais justement le projet de loi et j'ai vu quelque part le mot «oralement». Cela voudrait-il dire qu'il n'y aurait pas de documentation?

M. Richard Zubrycki: Non, le processus serait toujours documenté.

M. Peter MacKay: Très bien.

J'ai une dernière question, si vous le permettez, monsieur le président.

Vous ne pourrez peut-être pas répondre, mais est-ce que le système actuel du CIPC est capable d'assumer le fardeau supplémentaire—je ne trouve pas de meilleur mot—ou bien y aura- t-il des problèmes techniques par suite de ces modifications? Nous avons beaucoup entendu parler de la charge actuellement imposée au système du CIPC. Je sais qu'un examen est en cours.

M. Richard Zubrycki: En rédigeant le projet de loi, nous avons collaboré très étroitement avec la GRC et avec l'ensemble des services de police. Nos interlocuteurs étaient certains que le système actuel pourrait très bien prendre la charge supplémentaire mais, comme vous le savez sans doute, le solliciteur général a récemment annoncé que le système serait modernisé à un coût de 115 millions de dollars. Nous aurons donc la possibilité d'en tenir compte lors de la conception du nouveau système, pour qu'il ne soit pas nécessaire de rogner sur les coûts.

M. Peter MacKay: Très bien. Je vous remercie.

Le président: Merci.

John McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

Comme ceux qui m'ont précédé, je suis assez préoccupé par l'étendue des pouvoirs discrétionnaires prévus dans ce régime. Je trouve que les pouvoirs discrétionnaires et de décision s'ajoutent l'un à l'autre pour former tout un secteur dans lequel la justice ne sortira peut-être pas toujours victorieuse.

• 0950

Passons au paragraphe 6.3(2). Supposons qu'un organisme responsable qui s'occupe d'enfants ou de personnes vulnérables présente une demande et qu'«un corps policier ou un autre organisme autorisé peut vérifier» si le postulant fait l'objet d'une indication. Je suis curieux de savoir pourquoi cette disposition dit «peut». C'est ma première question.

Ma deuxième question est la suivante: le ministre est-il obligé d'une façon quelconque d'établir ce système d'indications? Nous nous basons sur l'hypothèse que ce système sera en place, mais rien dans le projet de loi—à ce que j'ai pu voir—ne semble imposer au ministre d'établir un système.

Ma troisième question porte sur le paragraphe 6.3(4): une fois que la vérification a permis d'établir qu'un postulant fait l'objet d'une indication, le «corps policier ou l'autre organisme autorisé... peut demander au commissaire de remettre au ministre tout dossier ou relevé d'une condamnation». Je suis tout simplement curieux. Je ne comprends pas vraiment pourquoi la police «peut demander» par opposition à «peut ne pas demander». Le commissaire «peut» transmettre ou non le dossier. Ensuite, le ministre «peut» divulguer ou non l'information à la police.

Qu'on considère chaque point séparément ou qu'on examine l'ensemble, cela fait beaucoup de décisions à prendre par beaucoup de gens qui n'ont aucune responsabilité les uns envers les autres sauf, je suppose, une responsabilité assez limitée dans le cas du ministre. Cela expose le public canadien et, sûrement dans ce cas particulier, l'organisme ou encore les enfants ou les personnes vulnérables—c'est-à-dire ceux-là mêmes que nous voulons toujours protéger—à beaucoup de processus internes de décision. Pourquoi y a-t-il tant de «peut» dans le processus?

Si l'on accepte le principe que le plus simple est toujours le meilleur, pourquoi ne pas faire le contraire? Pourquoi ne pas définir une catégorie très limitée d'infractions et dire «doit», puis avoir une sous-catégorie plus vaste avec des «peut»?

M. Richard Zubrycki: Je ne crois pas qu'un tel système soit plus simple. Il serait alors beaucoup plus complexe de chercher à faire des distinctions quant à la façon de procéder dans un cas par rapport à un autre.

Mais je ne crois pas que ce soit là le point le plus important. Tout d'abord, nous avons dit que nous allons revoir l'ensemble du libellé. Dans certains cas, il nous sera peut-être possible de le rendre plus strict, mais je dois répéter qu'il nous est impossible d'imposer ce système aux services de police. C'est le premier point à garder à l'esprit.

En deuxième lieu...

M. John McKay: Pourquoi est-ce impossible?

M. Richard Zubrycki: Le gouvernement fédéral ne peut pas légiférer en matière de procédure policière...

M. John McKay: Permettez-moi d'en douter. Je vous ai entendu donner cette réponse tout à l'heure et je ne comprenais pas. Si les boy-scouts s'adressent à la police pour demander une vérification de dossier, pourquoi le projet de loi ne peut-il pas dire que la police «doit» faire des vérifications? Cela fait partie de vos pouvoirs législatifs, non?

M. Richard Zubrycki: Non, je ne le crois pas. Je ne suis pas un expert dans ce domaine et peut-être quelqu'un d'autre pourrait-il vous répondre, mais l'essentiel, c'est qu'il s'agit dans ce cas d'un système conjoint fondé sur la coopération. Il a été mis au point avec la pleine collaboration des services de police, qui le respectent et s'y conforment. Ils le font de leur propre gré et certaines politiques figurant dans le manuel du CIPC contiennent des lignes directrices s'adressant à tous les services de police. Ceux-ci les appliquent. C'est la base du système. Tous les «peut» du projet de loi ont pour objet de les habiliter à faire ces choses sans craindre des récriminations, des procès ou quoi que ce soit d'autre.

M. John McKay: Cependant, si vous mettez «doit» dans ces dispositions, il n'y aura non plus aucune crainte de procès, de récriminations, etc.

M. Richard Zubrycki: Non, mais...

M. John McKay: Voilà qui répond à cette question.

M. Richard Zubrycki: Mais ils n'ont pas à obéir à des ordres.

M. John McKay: Les représentants de la police qui sont venus témoigner devant nous au sujet du projet de loi C-284 semblaient aimer ce qu'ils y voyaient ainsi que—comment dire cela?—son élégante simplicité. Certains diront peut-être élégante constance ou obstination. Quoi qu'il en soit, le projet de loi se caractérisait par une simplicité que les représentants de la police semblaient approuver. Encore une fois, je vous interroge au sujet de cet aspect de l'habilitation.

• 0955

M. Richard Zubrycki: Je crois que la police empruntera résolument cette direction. Je n'ai personnellement aucune crainte à ce sujet. Nous n'aurons pas besoin de forcer les services de police à agir. Deuxièmement, même si nous essayons de les forcer, je ne crois pas que nous puissions le faire. Ce sont les deux éléments du problème.

Il y a peut-être des endroits... Comme je l'ai dit, nous allons examiner tout le libellé pour essayer de le rendre plus impératif, dans toute la mesure du possible, particulièrement dans ce qui relève du domaine fédéral, comme le système du CIPC et la GRC...

M. John McKay: En dehors des services de police, c'est votre domaine, n'est-ce pas?

M. Richard Zubrycki: C'est exact.

M. John McKay: C'est essentiellement...

[Note de la rédaction: Inaudible]

...là.

M. Richard Zubrycki: Oui.

M. John McKay: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant aux tours de trois minutes. Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci.

Je suis reconnaissant à mes collègues d'avoir approfondi cette question de «peut» et «doit». Je les appuie à fond, mais je ne tiens pas vraiment à aller beaucoup plus loin dans cette direction, sauf pour une exception, comme M. Cadman l'a mentionné.

Je vais vous présenter un scénario. Une personne se présente et remplit une demande. Il s'agit d'un dossier portant une indication. Par conséquent, les demandes voulues sont remplies, l'affaire va chez le ministre, le ministre dit oui, autorise la divulgation du dossier à la police et le dossier atterrit sur le bureau d'un agent. Cet agent prend le dossier et se dit: «Tiens, je ne vais tout simplement pas divulguer ce dossier. La loi dit Àpeutä. Je décide par conséquent de ne pas le faire.» Nous apprenons cela plus tard, une fois que l'information devient publique.

Quels risques cet agent de police court-il en ne transmettant pas le dossier? Quelle est sa responsabilité? Ce n'est qu'un exemple pour réfléchir, mais il met en perspective toute cette question de «peut» et «doit», dont certains aspects peuvent devenir très complexes.

M. Richard Zubrycki: Les agents de police ont des comptes à rendre dans leur propre organisation. Si le service de police en question a pour politique de respecter la loi et de se conformer aux règlements et au Manuel des politiques du CIPC, alors cet agent aura des comptes à rendre à ses supérieurs pour ne pas s'être conformé aux directives. Je crois que si le système devait être imposé, il le sera ainsi, sur une base interne.

M. Eric Lowther: Si j'ai bien compris, même si la loi dit «peut», l'agent est obligé d'obtempérer et, s'il ne le fait pas, il aura des ennuis.

M. Richard Zubrycki: Il aura sûrement des ennuis avec son propre chef de police s'il ne se conforme pas à la politique de son service. Et on peut s'attendre à ce que cette politique soit conforme à la loi et à la politique du CIPC.

M. Eric Lowther: Revenons un peu en arrière pour explorer encore cette question de «peut» et «doit». Certains membres du comité n'ont peut-être pas devant eux le projet de règlement.

Le règlement comprend un formulaire ou une ébauche de formulaire que le postulant doit signer, d'abord pour permettre qu'une copie de son dossier lui soit envoyée personnellement et, ensuite, pour que ce dossier soit communiqué à l'organisme ou à l'organisation bénévole qui veut l'engager. Par conséquent, une fois qu'une demande est envoyée, le postulant l'a déjà signée deux fois pour donner son consentement à la communication des dossiers. Il n'y a donc pas de doute qu'il ou elle est d'accord.

Pourtant, nous demeurons encore pris avec ces «peut» par opposition à «doit». Si le postulant est lui-même d'accord pour que le dossier soit communiqué, pourquoi laissons-nous «peut» dans le cas du ministre et des autres personnes qui interviennent dans le processus?

M. Richard Zubrycki: Je répète encore une fois que nous examinerons tout le libellé. À mon avis, le «peut» suffit certainement, parce que le processus est très clair. À ce stade, on s'attend à ce que le dossier soit communiqué selon le consentement donné. Il incombera à chaque service de police de décider de la mise en oeuvre de cette disposition. Dans certains cas, la police pensera qu'il n'y a pas de grands efforts à faire; dans d'autres, il pourrait y avoir des politiques et des procédures détaillées.

M. Eric Lowther: Maintenant, vous dites...

Le président: Merci, monsieur Lowther. Nous devons poursuivre.

Monsieur Alcock.

• 1000

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vais suivre votre conseil, puisque nous avons deux projets de loi, celui-ci et le C-79, qui ont des répercussions sur les droits des victimes.

J'ai déjà parlé de cette affaire à M. MacKay. Il s'agit d'une histoire authentique: une jeune femme révèle à l'âge de 16 ans qu'elle a été pendant longtemps victime d'abus sexuels de la part de son beau-père. Par la suite, celui-ci est inculpé et condamné et elle s'en va vivre ailleurs. Dix ou onze ans plus tard, il réapparaît. Il a purgé sa peine, a obtenu une réhabilitation, l'a retrouvée et a commencé à la harceler. Elle s'adresse à la police, mais comme il n'y a pas de trace de casier judiciaire, elle est obligée, si elle veut faire cesser le harcèlement, d'intenter des poursuites au civil, à ses propres frais, et de reprendre tout le travail de définition du fait que...

Dans ce cas, il n'y a pas de zone grise dans ce qui s'est effectivement produit. L'affaire est passée devant les tribunaux, la personne a été jugée coupable. Mais, parce que le dossier a été scellé, la jeune femme se trouve dans une situation qui la rend victime une fois de plus. Ma question est la suivante: y a-t-il une solution dans ce cas et, si oui, relève-t-elle plutôt du projet de loi C-69 ou du projet de loi C-79?

Mme Mary Campbell: Permettez-moi de préciser les pratiques actuelles. Comme M. Zubrycki l'a dit, le dossier d'une personne réhabilitée n'est pas détruit, mais scellé ou mis à part. Dans la plupart des cas, la police aura d'autres dossiers, qui seront conformes à l'esprit de la Loi sur le casier judiciaire, même si elle ne s'applique pas aux dossiers qui ne sont pas détenus par les autorités fédérales.

Il est possible de demander, en vertu de la Loi actuelle, qu'un dossier soit sorti de la base de données scellée, si on sait qu'un tel dossier existe. Comme l'a mentionné M. Zubrycki, en matière de sélection, la difficulté est que, dans la plupart des cas, on ne sait pas qu'il existe un dossier de réhabilitation si on ne dispose pas des empreintes digitales. Dans un cas comme celui que vous venez de mentionner, il me semble qu'il doit rester quelque part des traces de l'existence d'un dossier de réhabilitation. Cela suffit, en vertu de la loi, pour présenter au ministre une demande de divulgation du dossier, pourvu qu'il existe une bonne raison pour le faire.

M. Reg Alcock: Vous dites que c'est dans la loi actuelle.

Mme Mary Campbell: C'est exact. L'article 6 actuel permet cela.

M. Reg Alcock: Qui présente la demande?

Mme Mary Campbell: C'est ordinairement la police qui transmet la demande au ministre.

M. Reg Alcock: Et qu'en est-il de la personne intéressée, en l'occurrence la jeune femme?

M. Richard Zubrycki: Si elle s'est adressée à la police au sujet du harcèlement, la police pourrait elle-même demander le dossier. La jeune femme ou son avocat pourrait également envoyer une demande à la GRC, au bureau central du CIPC, s'ils savent qu'il existe un dossier de réhabilitation. Il n'y a pas de doute qu'un comportement de ce genre peut entraîner la révocation de la réhabilitation, s'il est porté à la connaissance de la Commission des libérations conditionnelles. Il est certain également que si le beau-père est condamné pour une nouvelle infraction, sa réhabilitation serait automatiquement révoquée.

M. Reg Alcock: Mais, jusqu'à ce moment-là, tout le fardeau repose sur les épaules de cette jeune femme.

M. Richard Zubrycki: Je ne suis même pas sûr qu'on ait besoin du dossier dans un cas de ce genre, mais il est évident qu'elle devra prendre l'initiative d'une façon ou d'une autre. On peut s'attendre à ce que la police l'aide et je serais étonné qu'elle ne le fasse pas. Si elle a raconté son histoire, l'affaire devrait être évidente. Si on ne peut pas trouver le dossier et qu'elle est convaincue...

Tout d'abord, ces dossiers sont probablement conservés au tribunal qui a prononcé la condamnation. Ces dossiers-là ne sont pas nécessairement scellés. Il arrive qu'ils le soient, mais pas toujours. De plus, il y a des comptes rendus dans les journaux et d'autres genres de documents. La police locale pourrait également avoir un dossier d'enquête. Il y a donc des indices. Si la police dit qu'il y avait un dossier, mais qu'il n'est plus là, alors la personne a sûrement été réhabilitée. On pourrait s'attendre, dans ces conditions, à ce que la police aide la personne à obtenir la divulgation du dossier.

Le président: Merci, monsieur Alcock.

M. Reg Alcock: Ce n'est cependant pas le cas. En réalité, ce n'est pas du tout le cas.

M. Richard Zubrycki: Eh bien...

M. Reg Alcock: En réalité, cette jeune femme ne peut s'en remettre qu'à elle-même. Nous avons parlé au responsable de la violence familiale et aux services d'aide à l'enfance du Manitoba—l'affaire s'était produite en Colombie-Britannique—et on nous a dit que c'est à elle seule qu'il incombe d'agir. La police ne veut pas intervenir sans preuves. J'ai l'impression que cette jeune femme est encore une fois en train de devenir une victime et, dans ce cas, par notre faute, parce que nous n'arrivons pas à l'aider.

Le président: Merci, monsieur Alcock.

Monsieur Marceau.

• 1005

[Français]

M. Richard Marceau: Madame Campbell, vous avez mentionné certaines choses que je ne suis pas sûr d'avoir bien comprises. J'espère arriver à les comprendre.

Le projet de loi C-69 vise des infractions mentionnées dans les règlements: contacts sexuels avec enfants de moins de 14 ans, inceste, bestialité en présence d'un enfant âgé de moins de 14 ans ou incitation d'un enfant de moins de 14 ans à commettre la bestialité; il y a plusieurs autres exemples.

Vous avez mentionné que ce qui est important, ce n'est pas seulement le fait d'avoir été trouvé coupable d'une de ces infractions, mais également les circonstances, les sentences, etc. Lorsqu'une personne a été trouvée coupable de bestialité, d'inceste ou de contacts sexuels avec des enfants âgés de moins de 14 ans, peu importe les circonstances ou la longueur de la sentence, si le parent est quelque peu intelligent, il ne voudra pas que cette personne soit en contact avec son enfant. Je ne comprends donc pas votre commentaire.

[Traduction]

Mme Mary Campbell: Je peux facilement comprendre votre inquiétude. Le pouvoir discrétionnaire est important parce que les infractions sont toutes différentes. On peut facilement penser à des cas où une personne a commis une infraction—que je n'essaie nullement de minimiser—une seule fois, peut-être à 19 ans, il y a une vingtaine d'années, et où elle a obtenu une réhabilitation depuis.

À mon avis, il est important de maintenir un certain pouvoir discrétionnaire pour les cas où, à la lumière de toutes les circonstances, le dossier devrait demeurer scellé.

[Français]

M. Richard Marceau: Supposons que le coupable avait 19 ou 20 ans lors de la commission de l'infraction. Si cette personne a eu des contacts sexuels avec un enfant de 8 ou 10 ans, c'est qu'elle avait des désirs sexuels pour un enfant de cet âge.

Je ne suis pas un expert-psychiatre, loin de là, mais la compréhension de M. Tout-le-Monde... Si on me mettait en prison pendant 25 ans, je sais que j'aimerais encore les femmes à ma sortie. Est-ce qu'une personne qui a déjà été attirée par un enfant de 8 ou 10 ne le sera pas encore plus parce qu'elle n'aura pas eu l'occasion de satisfaire ses désirs durant 20 ans? Comme elle ne peut le garantir—parce qu'il n'y a pas de garantie dans la vie—ne vaudrait-il pas la peine de protéger un enfant de contacts sexuels avec un adulte?

[Traduction]

Mme Mary Campbell: Encore une fois, je pense qu'il faut considérer tout le contexte. S'il s'agit d'une seule infraction qui remonte à 20 ans, la personne a peut-être été condamnée à une amende ou à une très courte période d'emprisonnement. Depuis, elle a été réhabilitée et je ne crois pas que nous devrions le perdre de vue. La réhabilitation a été précédée d'une enquête et s'il s'agissait d'une infraction sexuelle, l'enquête a été approfondie. Par conséquent, on a considéré entre-temps le comportement de la personne.

Est-ce une garantie? Non. Je ne crois pas qu'il existe beaucoup de garanties dans la vie. Il y a cependant un processus d'enquête approfondi. À titre de conseillère du ministre, je prends ces choses très au sérieux.

[Français]

M. Richard Marceau: Au lieu de vous considérer comme un adjoint du ministre ou du député ou quoi que ce soit, ne devriez-vous pas écrire ce projet de loi en vous mettant à la place de M. et Mme Tout-le-Monde, d'un parent, d'une mère ou d'un père? Je ne sais pas si vous avez des enfants, mais seriez-vous à l'aise devant l'idée qu'une personne qui a commis une telle infraction, même si cela remonte à 20 ans, travaille avec vos enfants ou vos petits-enfants?

• 1010

[Traduction]

M. Richard Zubrycki: Encore une fois, la déclaration de culpabilité en soi ne dit pas vraiment tout. Il faut connaître le contexte. Bénévoles Canada, par exemple, qui mène une campagne nationale de sélection et qui forme des organismes en matière de sélection, préconise un processus en dix étapes. Chaque fois que les représentants de l'organisme en parlent, ils insistent sur le fait que la vérification du casier judiciaire ne représente qu'un aspect de ce processus en dix étapes. Dans certains cas, lorsque le risque associé au poste est faible, on s'abstient même de vérifier le casier judiciaire. De toute façon, il ne s'agit que d'un seul aspect. Il faut considérer l'ensemble des circonstances.

Je crois que c'est difficile... J'ai moi-même des enfants et j'ai tenu à ce sujet des consultations avec des victimes, des membres de la collectivité, des organismes de garde d'enfants, des écoles, etc. Je sais bien sûr que beaucoup de gens s'inquiètent. Mais on commence à reconnaître qu'il faut regarder beaucoup plus loin que l'infraction elle-même.

En réalité, je crois qu'il est impossible de répondre à cette question. Qu'est-ce qu'on fait si on apprend qu'une l'infraction a été commise? Il faut placer ce fait dans le contexte de tout ce qu'on sait d'autre. S'il s'agit d'un ami de la famille qu'on connaît depuis 20 ans, avec qui on a été assez proche et à qui on a confié ses enfants, en lui accordant une confiance totale... Si on apprend un jour qu'il a été condamné il y a longtemps, est-ce que cela va complètement changer l'opinion qu'on a de lui? C'est bien possible, mais je pense quand même qu'il est extrêmement difficile de répondre à cette question.

Le président: Merci, monsieur Marceau.

Monsieur Derek Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

Incidemment, au sujet des «peut» et des «doit», je me rappelle que dans le cas du projet de loi sur l'ADN, nous nous étions servis du mot permissif «peut». Dans le cas présent, nous voulons mettre en place un système pour protéger des enfants vulnérables. Je comprends bien qu'il y a d'autres facteurs qui entrent en jeu mais, à l'examen, je voudrais vous demander de vous assurer que l'absence d'interdiction n'entraînera pas en définitive un effondrement du système. Je suis sûr que vous allez le faire lorsque vous réexaminerez tous ces «peut».

L'article 5 du projet de loi modifie le paragraphe 6(1) de la loi. Cela ressemble à une simple disposition administrative. Elle autorise le ministre à ordonner à toute personne ayant la garde ou la responsabilité d'un dossier judiciaire de le remettre. J'étais curieux. La disposition semblait très inoffensive, mais elle autorise en fait un ministre à donner des ordres, ce qui me permet de croire que la disposition s'applique à n'importe qui dans le pays qui aurait la garde d'un dossier, y compris les juges et les greffiers des cours provinciales.

Mme Mary Campbell: Il est clair que l'expression «toute personne» a bien ce sens. Cette disposition figure dans la loi depuis le début. À ma connaissance, on ne s'en est jamais servi.

M. Derek Lee: Mais elle permet au ministre d'obtenir ramasser n'importe quoi, s'il peut déterminer où un document se trouve. Était-ce là l'intention?

Mme Mary Campbell: Nous parlons de dossiers conventionnels.

M. Derek Lee: Je vois. La seule modification apportée porte sur les mots «or issued» dans la version anglaise. Je suppose donc... Quoi qu'il en soit, je ne me trompe pas à ce sujet, n'est-ce pas? L'objet, l'intention, même si on ne s'en est pas beaucoup servi, sont extrêmement vastes. C'est comme un énorme aspirateur qui ramasserait tout sur son passage.

M. Richard Zubrycki: Cette disposition s'appliquerait probablement dans des situations inhabituelles, dans lesquelles des dossiers pouvaient se trouver à un endroit où on ne s'attendrait pas normalement à ce qu'ils soient, de sorte qu'il n'y aurait aucune procédure automatique pour les sceller. Il s'agit principalement d'organismes fédéraux. Par exemple, dans un tribunal provincial, le relevé des condamnations et le dossier du tribunal ne seraient pas nécessairement assujettis à ce pouvoir, bien que dans beaucoup de cas, par ailleurs...

M. Derek Lee: Pourquoi dites-vous qu'ils ne seraient pas assujettis? Pourquoi une autorité provinciale ou municipale ne serait-elle pas soumise à cette disposition? Je lis bien pourtant «toute personne»...

• 1015

M. Richard Zubrycki: C'est une question dont nous ne nous sommes pas occupés directement en rédigeant le projet de loi.

M. Derek Lee: Très bien.

M. Richard Zubrycki: Je crois savoir que, dans beaucoup de cas, les autorités provinciales détruisent ces dossiers ou bien les regroupent pour les expédier au bureau central du CIPC, mais ce n'est pas toujours le cas. On n'est pas toujours certain de ce qui leur adviendra. À ma connaissance, les lois fédérales ne lient pas les autorités provinciales, même si, en général, celles-ci tendent à respecter l'esprit de la loi.

M. Derek Lee: C'est un point intéressant, mais il est discutable dans le cas du projet de loi.

Puis-je demander...

Le président: Dernière question, monsieur Lee.

M. Derek Lee: ...si le Code criminel prévoit des sanctions? Je suppose que oui.

M. Richard Zubrycki: Oui.

M. Derek Lee: Pouvez-vous me dire quelles sont les sanctions en cas d'abus du système? Nous parlons de fonctionnaires et d'agents de police qui exploitent un système. Quelle peine le Code prévoit-il en cas d'usage abusif délibéré ou, disons, accidentel de l'information contenue dans le système?

Mme Mary Campbell: Que ce soit délibéré ou non, les sanctions figurent dans l'actuel article 10, dont voici le libellé: «Quiconque contrevient à la présente loi commet une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.» En vertu du Code criminel, la peine maximale prévue pour une personne est une amende de 2 000 $ ou six mois de prison, ou les deux. Dans le cas d'une personne morale, l'amende peut atteindre 25 000 $.

Le président: Merci.

Monsieur Peter MacKay.

M. Peter MacKay: Très brièvement, l'exemple donné par mon collègue, M. Alcock, et votre réponse, monsieur Zubrycki, selon laquelle il y a des comptes rendus dans les journaux et certainement une mémoire collective également, me font penser à un cas dont je me suis occupé lorsque j'étais procureur. Après coup, trois années plus tard, la personne condamnée—pour des abus sexuels graves commis sur toute une série d'enfants—est revenue s'établir dans la région. Les parents ont alors placardé des avis dans le voisinage. Ils ont affiché la photo de l'homme, des renseignements sur sa condamnation et sur lui-même, ainsi que son adresse.

Je verrais mal un tribunal appliquer la Loi sur le casier judiciaire pour condamner les familles qui ont fait cela. Par conséquent, il nous arrive parfois de parler de choses assez anormales, parce qu'une réhabilitation est un pardon accordé par le système, mais qui ne nie pas que le fait s'est effectivement produit.

M. Richard Zubrycki: Vous avez raison.

M. Peter MacKay: La réhabilitation n'effacera jamais le fait que l'acte criminel—l'indiscrétion humaine ou morale—a eu lieu.

M. Richard Zubrycki: Non.

M. Peter MacKay: Je m'excuse de reprendre encore le même refrain, mais au sujet de «peut» et «doit», on m'a communiqué un passage d'une déclaration de M. David Griffin, directeur exécutif de l'Association canadienne des policiers. Je peux difficilement penser à des circonstances dans lesquelles un agent de police dirait qu'il ne va pas divulguer l'information obtenue à la suite d'une enquête. Mais voici ce que M. Griffin a déclaré:

    Dès le moment où on introduit ou exerce un pouvoir discrétionnaire, il arrive souvent que le centre de gravité se déplace: on se préoccupe moins de l'information, et davantage de la question de savoir si l'agent ou le membre du service de police a usé du pouvoir discrétionnaire d'une manière appropriée dans les circonstances. Nous nous préoccupons ensuite de ce que cet agent a fait ou n'a pas fait de l'information qu'il a reçue, au lieu de nous intéresser à ce que nous avons vraiment à faire ici, c'est-à- dire remettre l'information sur le bureau de l'organisme.

Cela ayant été dit par le chef de l'Association canadienne des policiers, on peut croire que les services de police ne voient aucun inconvénient à recevoir l'ordre de divulguer l'information. Faut-il enlever ce pouvoir discrétionnaire aux agents et les placer dans la situation moralement répréhensible d'avoir à décider s'il convient ou non de divulguer l'information? Je ne veux par ailleurs rien enlever à la police ni mettre en doute sa capacité de porter un jugement sûr. Je crois qu'il y a beaucoup d'agents de police, en fait la plupart, qui éprouvent un véritable respect pour les droits individuels des délinquants. De toute façon, j'ai de la difficulté à accepter «peut» au lieu de «doit» dans le cas de certaines de ces infractions extrêmement graves.

Je veux aborder un dernier point. Est-ce que l'opinion que vous avez d'un ami, d'un collègue ou même d'un membre de la famille va changer? C'est une affaire individuelle. Cependant, laisserez- vous cette personne garder votre fille de huit ans? À mon avis, votre opinion va certainement changer si vous apprenez que la personne a commis un acte criminel, même si cela s'est passé 25 ans plus tôt.

• 1020

M. Richard Zubrycki: Au sujet de «peut» et «doit», le passage que vous avez cité est, au mieux, hypothétique. Dans le cadre du système national de sélection, qui offre en fait un processus semblable à celui-ci dans le cas des dossiers n'ayant pas fait l'objet d'une réhabilitation, c'est-à-dire tous les dossiers de la base de données du CIPC, il n'y a même pas un «peut», parce qu'aucune loi n'en parle, bien qu'il s'agisse d'une politique du CIPC. En vertu de ce système, la police a procédé à près d'un million de vérifications au cours des dernières années, depuis l'introduction du système.

Encore une fois, il n'y a pas eu de problème, à ma connaissance. Je ne veux pas dire par là que le système ne suscite aucune difficulté. De toute évidence, il y a des problèmes opérationnels. Mais ce n'est pas une question qui crée de la confusion parmi les policiers au sujet de ce qu'ils doivent faire, du moment où ils doivent le faire, de la question de savoir s'ils doivent ou non divulguer un dossier ou des ennuis possibles que cela pourrait leur attirer. À ma connaissance, ce n'est pas un problème.

Même en ce qui concerne les avis au public, la plupart des provinces ont soit des lois soit des politiques strictes qui régissent les avis au public concernant les dossiers. Encore une fois, ces questions sont réglées d'une manière très coopérative. Personne n'essaie d'imposer un régime d'en haut.

M. Peter MacKay: Excusez ma franchise, mais n'est-ce pas là une façon de se décharger de vos responsabilités? Ne sommes-nous pas en train de créer de la confusion en adoptant des lois qui disent «peut» plutôt que «doit»? Ne sommes-nous pas en train de transmettre un message plutôt confus? La question est assez grave pour légiférer, mais pas assez grave pour donner l'ordre de divulguer l'information.

Mme Mary Campbell: Comme M. Zubrycki l'a mentionné tout à l'heure—et il n'exagérait vraiment pas, même si c'est difficile à croire—des volumes entiers ont été écrits au sujet de «peut» et «doit». Je sais que les choses devraient être plus simples, mais dans le monde de la rédaction législative, c'est une affaire très compliquée.

Cela étant dit, nous avons promis d'examiner en particulier les paragraphes 6.3(2), 6.3(4) et 6.3(6) pour voir s'il n'est pas possible de substituer une obligation à «peut», mais je dois dire, au nom de mes collègues rédacteurs, que la question est beaucoup plus complexe qu'on ne pourrait le croire.

Le président: Merci, monsieur MacKay.

Monsieur Paul DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Pour reprendre cette affaire de «peut» et «doit», je crains fort que nous soyons en train de parler non pas de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de divulguer ou de ne pas divulguer, mais de la dérogation au pouvoir discrétionnaire d'origine d'octroyer une réhabilitation. Si nous acceptons l'argument que, pour cette catégorie d'infractions, il y aura divulgation automatique, n'aurions-nous pas en fait annulé le pouvoir discrétionnaire d'octroyer la réhabilitation au départ? J'aimerais vous demander de nous parler du processus et de l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'octroyer une réhabilitation.

M. Richard Zubrycki: Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Lorsqu'une réhabilitation est octroyée ou délivrée, il s'agit d'un ordre donné à toutes les personnes touchées par cette mesure législative. Il y a une distinction entre les secteurs de compétence fédéral et provincial, mais, pour toutes les personnes régies par cette loi, c'est un ordre interdisant la divulgation du dossier à n'importe quelle fin que ce soit. C'est seulement...

M. Paul DeVillers: Mais il y a un pouvoir discrétionnaire qui est exercé à ce stade, n'est-ce pas?

M. Richard Zubrycki: Il n'y a de pouvoir discrétionnaire que dans le cas du ministre. Le paragraphe 6(2) stipule que le dossier ne peut être divulgué qu'avec le consentement préalable du solliciteur général.

M. Paul DeVillers: Toutefois, lorsque le solliciteur général prend la décision d'octroyer ou de délivrer une réhabilitation, le fait-il parce qu'il s'agit d'un droit ou bien exerce-t-il un pouvoir discrétionnaire?

Mme Mary Campbell: Le libellé de l'actuel paragraphe 4.1(1), intitulé «Octroi—acte criminel», est le suivant: «[...] la Commission peut octroyer la réhabilitation...»

M. Paul DeVillers: «Peut».

Mme Mary Campbell: La disposition énumère ensuite les critères auxquels il faut satisfaire, mais elle dit quand même «peut octroyer la réhabilitation».

M. Paul DeVillers: Cependant, la Commission discute des circonstances de l'affaire et détermine s'il convient ou non d'octroyer la réhabilitation, n'est-ce pas? C'est ensuite que le solliciteur général signe.

Mme Mary Campbell: En fait, le solliciteur général n'a rien à voir dans ce processus. C'est la Commission qui octroie la réhabilitation.

M. Paul DeVillers: Très bien. La Commission se charge de tout le processus, mais je veux souligner le fait qu'elle exerce un pouvoir discrétionnaire dans ce cas.

Mme Mary Campbell: Exactement. Le libellé dit: «[...] la Commission peut octroyer la réhabilitation...».

• 1025

M. Paul DeVillers: Si nous adoptions un projet de loi disant que pour cette catégorie d'infractions, la divulgation sera automatique, ne priverions-nous pas la Commission de son pouvoir discrétionnaire? C'est cela qui me trouble.

M. Eric Lowther: Mais cela ne s'applique que si la personne postule un emploi d'un genre particulier.

M. Paul DeVillers: Oui, dans ce cas.

M. Eric Lowther: Si le poste ne met pas en cause des enfants, il n'y aura pas divulgation.

M. Paul DeVillers: Je crois que je comprends maintenant.

M. Richard Zubrycki: Vous avez certainement raison, en principe. Ces dispositions vont limiter dans une certaine mesure le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Par ailleurs, compte tenu du fait que l'intéressé peut accorder ou non son consentement et que le ministre peut décider de divulguer ou non le dossier, il y a quand même des garanties. Ce n'est certainement pas un processus laissé au hasard.

M. Paul DeVillers: Mon dernier point porte sur le consentement du postulant au paragraphe 6.3(6). Le paragraphe dit: «Le corps policier ou l'autre organisme autorisé peut communiquer les renseignements...» et, plus loin: «si le postulant auquel ils ont trait y a consenti par écrit». Que se passe-t-il si le postulant ne donne pas son consentement?

M. Richard Zubrycki: Cela s'applique en particulier à la situation dans laquelle le dossier peut être communiqué par la police directement à l'organisme qui a demandé la vérification. Dans ce cas, le postulant doit y consentir expressément. S'il ne consent pas, la police lui remettra le dossier et il pourra alors décider de ce qu'il doit en faire, parce qu'à ce moment, l'organisme lui aura certainement demandé d'apporter le dossier s'il y en a un—pour en discuter. La personne décide elle-même si elle ira porter le dossier à l'organisme ou si elle dira qu'elle ne veut pas apporter le dossier, s'éliminant du même coup du processus de sélection.

M. Paul DeVillers: Dans ce cas, l'organisme saurait qu'il existe un dossier, mais ne connaîtrait pas son contenu.

M. Richard Zubrycki: Il aurait alors de bonnes raisons de soupçonner quelque chose.

M. Paul DeVillers: Oui.

Le président: Merci.

Monsieur Saada, pour le dernier tour.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'aimerais soulever deux points très rapidement.

Il va sans dire que lorsqu'on étudie un projet de loi comme le projet de loi C-69, on a tendance à se concentrer sur sa rédaction et sa formulation. On a toutefois tendance à oublier un peu le processus de sélection qu'exercent les organismes bénévoles. Ils ont recours à un processus beaucoup plus approfondi, qui est très différent du processus d'identification dans le cadre du casier judiciaire. Par exemple, Bénévoles Canada s'occupe très activement de former toutes sortes d'organisations à un processus de présélection des candidats éventuels qui déborde largement le cadre du casier judiciaire.

Je ne voudrais pas qu'on minimise l'aspect très holistique du processus d'engagement. C'est une question dont j'ai parlé il n'y a pas très longtemps avec des gens qui sont très actifs dans le milieu. Ils partageaient les préoccupations de M. Marceau au sujet du délai, qui peut se prolonger jusqu'à 30 jours dans certains cas. Il n'est pas rare que le processus dans son ensemble prenne autant de temps. Il est évident que ce n'est pas vraiment perçu comme un handicap majeur. Si tel était le cas, nous pourrions raccourcir ce délai en ayant recours à certaines mesures plus expéditives.

J'aimerais exprimer non pas un point de vue d'avocat, mais un point de vue très pratico-pratique. À la lecture des choses, il me semble que ce projet de loi peut répondre à nos besoins et contraintes et qu'il doit comprendre trois discrétions: la discrétion du postulant de demander qu'on divulgue son dossier; la discrétion de l'employeur éventuel qui peut, sans pénalité, demander au postulant d'entreprendre cette démarche; et la discrétion du solliciteur général qui, de façon ultime, doit décider si, oui ou non, le dossier sera divulgué.

Je serais heureux—peut-être est-ce déjà le cas—que le projet de loi reflète cette discrétion-là et pas d'autres. Je crois qu'on parle tous la même langue, à savoir qu'on convient qu'il y a une différence entre «shall» et «may» et ainsi de suite. En français, le problème est encore pire parce qu'on les traduit tous deux par «peut». Amusez-vous bien avec tout cela. Il n'en demeure quand même pas moins que je déduis que le mot «peut», dans ce texte-là, veut dire qu'on respecte ces trois pouvoirs discrétionnaires et exclusivement ces trois pouvoirs discrétionnaires. J'aimerais m'assurer que l'interprétation qu'on pourra en donner sera exclusivement réservée à ces trois pouvoirs discrétionnaires.

Si j'ai encore une fraction de seconde, je poserai une très courte question. Je vous ferai part de l'essentiel de ce que je voudrais voir dans ce projet de loi.

• 1030

J'aimerais savoir si les deux «peut» qu'on utilise dans les paragraphes 6.3(2) et 6.3(3) proposés se complètent mutuellement. Aurais-je raison de dire que le mot «peut» qu'on utilise dans l'expression «un corps policier ou autre organisme autorisé peut», qui figure au paragraphe 6.3(2) proposé, doit se lire dans le même cadre que le paragraphe 6.3(3) proposé, où on trouve l'expression «nul ne peut vérifier»? Autrement dit, est-ce que les contraintes sont mutuelles? Puis-je affirmer que ce n'est pas un pouvoir discrétionnaire, mais plutôt un pouvoir d'encadrement de l'un par rapport à l'autre?

[Traduction]

Mme Mary Campbell: Comme M. Zubrycki l'a dit plus tôt, je crois que le «peut» a pour but d'autoriser. Il n'est pas utilisé dans le sens de «peut ou ne peut pas». Cela est très difficile à expliquer.

Au paragraphe 6.3(2), «peut» a pour but d'autoriser et, dans le paragraphe 6.3(3), le libellé signifie que personne d'autre n'est autorisé. Les deux dispositions sont effectivement complémentaires dans ce sens, comme vous l'avez signalé. C'est pour cette raison qu'on y trouve le mot «peut». C'est une autorisation, s'il y a lieu d'autoriser, qui signifie en même temps que personne d'autre n'est autorisé. Toutefois, comme nous l'avons dit, nous allons examiner la possibilité de substituer l'obligation au paragraphe 6.3(2), mais il importe de voir d'abord si cela ne va pas nuire à d'autres dispositions ou ne nécessitera pas d'autres modifications. Nous allons nous en occuper.

Le président: Je vous remercie. Cela met un terme aux questions.

Madame Campbell et monsieur Zubrycki, je vous remercie beaucoup d'avoir été des nôtres ce matin et d'avoir répondu aux questions que nous vous avons posées.

La séance est levée.

Oui, monsieur Saada?

M. Jacques Saada: Au sujet du calendrier, j'aimerais savoir quand nous allons examiner ces projets de loi, le C-284, le C-69, le C-69 modifié, etc. Aurons-nous assez de temps avant la date qui sera fixée?

Le président: Parlez-vous de l'examen article par article?

M. Jacques Saada: Oui, s'il faut donner sérieusement suite aux commentaires formulés aujourd'hui, je crois qu'il est important que nous ayons la possibilité de vraiment travailler sur ces points.

Le président: D'après le calendrier provisoire, nous passerons à l'examen article par article jeudi matin, tant pour le projet de loi C-284 que pour...

M. Jacques Saada: Est-ce que tout est réglé pour que nous puissions traiter de toutes ces questions avant jeudi matin?

Le président: Tout devrait être réglé.

M. Jacques Saada: Merci. J'essayais simplement de faire mon travail.

Le président: Je vous remercie.

Nous suspendrons la séance pendant cinq minutes avant d'entreprendre l'examen du projet de loi concernant la conduite avec facultés affaiblies.

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]