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JURI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 avril 1998

• 1534

[Traduction]

La présidente (Mme Shaughnessy Cohen (Windsor—St. Clair, Lib.)): La séance est ouverte. Nous étudions le budget des dépenses et nous accueillons aujourd'hui les représentants des Commissariats à l'information et à la protection de la vie privée du Canada, nommément le commissaire, M. John Grace, et le sous-commissaire, M. Alan Leadbeater.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.

Monsieur Grace, vous avez la parole.

• 1535

[Français]

M. John Grace (commissaire à l'information): Madame la présidente et membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité ici cet après-midi. Cela me fait grand plaisir,

[Traduction]

d'autant plus que, après 15 années de comparutions, c'est aujourd'hui la dernière fois que j'ai le privilège de témoigner devant le comité, ce qui est toujours une expérience passionnante et intéressante.

La présidente: Il me semble vous avoir déjà entendu dire cela auparavant.

M. John Grace: Je vous ai déjà dit cela, en effet, mais j'ai toujours eu de bonnes intentions.

La présidente: Vous essayez constamment de partir, n'est-ce pas?

M. John Grace: Au point où en sont les choses, madame la présidente—je refuse de vous désigner par l'expression anglaise «Chair». Vous n'êtes assurément pas un objet inanimé.

La présidente: M. Galloway, qui faisait auparavant partie de notre comité, m'appelle

[Français]

madame le fauteuil.

[Traduction]

M. John Grace: J'avise donc le comité qu'au point où en sont les choses, ma dernière journée de travail sera le 30 avril.

J'ai pensé que puisque vous faites partie d'un nouveau parlement et que votre comité compte plusieurs nouveaux membres, il serait utile que je décrive brièvement mon rôle. Vous en trouverez une description plus complète à la page 5 du rapport sur le rendement.

Comme bon nombre d'entre vous le savent, le commissaire à l'information est un agent indépendant du Parlement qui relève non pas du gouvernement, non pas d'un ministre, mais bien du Parlement.

Mon rapport annuel, dont le dernier sera déposé dans environ un mois, est présenté au Parlement par l'entremise des présidents des deux chambres. L'indépendance et la perception d'indépendance sont des caractéristiques essentielles à la crédibilité du commissariat. Le commissaire à l'information est un ombudsman dans le sens traditionnel du terme. Il fait enquête sur les plaintes déposées par des gens qui croient qu'on leur a refusé l'exercice des droits énoncés dans la Loi sur l'accès à l'information, notamment le droit de recevoir dans des délais raisonnables—la loi dit 30 jours—des documents qu'ils ont demandés à des institutions du gouvernement fédéral, qui sont au nombre d'environ 158. L'année dernière, quelque 15 000 demandes officielles d'accès à des renseignements ont été présentées à ces institutions.

Le commissaire à l'information ne peut pas ordonner à un ministère du gouvernement de divulguer les renseignements demandés. Il peut seulement en recommander la divulgation en invoquant les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Bien sûr, les plaintes ne sont pas toutes fondées.

D'après les statistiques pour 1997-1998, 1 378 plaintes ont été reçues par mon bureau, dont 968 ont été réglées, les plaignants ayant reçu la totalité ou une partie de ce qu'ils avaient demandé. Seulement trois cas ont abouti à des recours devant la cour fédérale. J'en suis fier, parce que lorsqu'un commissaire est forcé de s'adresser aux tribunaux, c'est un constat d'échec du processus de négociation. Le Parlement a créé le poste de commissaire justement pour éviter le recours aux tribunaux, et de tels recours devraient donc être très rares et limités aux cas fort importants. L'année dernière, seulement trois cas sont allés devant les tribunaux et 347 plaintes ont été jugées non fondées; c'est-à-dire que mon bureau a convenu avec le ministère visé que les renseignements demandés étaient exemptés aux termes de la loi. Une soixantaine de plaintes ont été retirées.

Mais ce n'est pas par le nombre de demandes officielles présentées que l'on peut mesurer pleinement l'importance des commissariats à l'information et à la protection de la vie privée du Canada et de la législation sur l'accès à l'information. En effet, l'accès par des voies officieuses est de loin préférable.

La loi sur l'accès est, d'abord et avant tout, un engagement du Parlement à assurer l'ouverture et la transparence de l'appareil gouvernemental et à faire respecter le droit du citoyen de savoir ce que son gouvernement mijote. Une loi efficace signifie une plus grande responsabilité de la part de toutes les instances gouvernementales, depuis les ministres jusqu'aux fonctionnaires. Cela signifie un public mieux informé et même un transfert de pouvoirs du gouvernement aux gouvernés. Le cliché «l'information, c'est le pouvoir» est juste. Enfin, la législation sur l'accès à l'information est gage de normes d'éthique plus élevées, ne serait-ce qu'en raison d'une saine crainte d'être découvert.

Mais assez parlé de théorie. Je voudrais plutôt m'attarder sur mes huit années d'expérience et d'apprentissage sur le tas pour partager avec vous mon expérience qui est riche d'enseignements.

La première leçon que l'on peut en tirer, c'est qu'il ne faut pas créer de bureaucratie trop lourde. Pour être efficace, un bureau d'ombudsman doit rester petit et doit éviter de devenir une lourde bureaucratie anonyme. On ne peut pas charger une armée de fonctionnaires de surveiller d'autres fonctionnaires.

• 1540

Je suis fier d'avoir une équipe de gestion de l'accès à l'information formée de seulement trois personnes: M. Leadbeater, M. Dupuis, qui est directeur des plaintes, et moi-même. Mais en raison des compressions budgétaires, le bureau a subi un régime minceur qui l'a fait passer de mince et athlétique à maigre et famélique; ce raccourci est de mon cru, je n'ai lu cela nulle part.

Voici les statistiques. Depuis 1990, le nombre de plaintes reçues annuellement par mon bureau a augmenté de près de 300 p. 100, passant de 550 en 1990-1991 à 1 406 cette année. Je suis également fier de dire que durant la même période, le nombre d'employés est demeuré exactement le même, soit 33, tandis que les frais d'exploitation autres que les salaires ont été réduits de 60 p. 100, passant de 731 000 $ au niveau actuel de 295 000 $. Je pense que notre bureau est une véritable aubaine pour les citoyens du Canada.

Je dois dire qu'en l'absence d'une modeste augmentation d'effectifs—trois enquêteurs, peut-être quatre—la rapidité et la rigueur de nos enquêtes risquent d'être compromises. À l'heure actuelle, il nous faut en moyenne 4,16 mois pour compléter une enquête. C'est trop long. C'est en deçà de l'objectif recommandé par le comité il y a longtemps, mais nous ne sommes pas toujours maîtres de notre propre échéancier. En ces matières, nous ne pouvons pas faire cavalier seul, mais nous visons trois mois. Nous en sommes à 4,16, ce qui est une amélioration, mais l'arriéré devrait diminuer et non pas augmenter. Cette année, notre arriéré a augmenté pour atteindre 431 cas, en comparaison de 387 l'année d'avant.

Voilà donc pour la première leçon. Il faut que le service soit restreint, mais pas trop, sous peine de perdre en efficacité.

Deuxièmement, la loi établit un juste équilibre entre les éléments fondamentaux, par exemple entre la transparence et la protection de la vie privée, mais elle a besoin d'être modernisée. Les projets de loi d'initiative parlementaire, dont j'ai été heureux de constater le dépôt, touchent tous des amendements qui sont nécessaires, par exemple une application plus large, des pénalités pour des abus flagrants de la loi, ou encore pour destruction flagrante de dossiers, ainsi qu'une mise à jour générale nécessitée par les changements technologiques et par l'expérience accumulée au fil des ans.

Je suis content de voir que de plus en plus de députés utilisent la loi et se montrent intéressés à en assurer la survie. Ce niveau d'intérêt accru de la part des députés est l'un des changements les plus positifs que j'aie connus au cours de mes huit années en fonction. Les députés qui invoquent la loi savent comment elle fonctionne et en connaissent les lacunes. Je pense que les députés constatent que c'est un meilleur moyen d'obtenir de l'information que de poser des questions orales ou d'inscrire des questions au feuilleton.

La leçon numéro trois, l'échec pour ce qui est de respecter les délais prescrits par la loi, continue d'être le principal problème qu'éprouve le gouvernement dans l'application de cette loi. De toutes les plaintes reçues cette année, 588, soit 44 p. 100 du total de 1 378, étaient des plaintes de retard, c'est-à-dire que le ministère visé n'avait pas donné la moindre réponse à une demande dans un délai de 30 jours. Quasiment toutes ces plaintes de retard étaient bien sûr fondées.

Ce problème de retard est particulièrement embarrassant et inexcusable, parce qu'après tout, la loi sur l'accès comporte de très généreuses dispositions permettant de prolonger les délais. Les ministères gouvernementaux peuvent reporter l'échéance de 30 jours pendant une période raisonnable quelconque pour mener à bien des consultations, qui sont souvent nécessaires, ou bien pour fouiller dans des dossiers volumineux, ce qui prend du temps et coûte cher. Pourtant, les ministères échouent constamment à respecter soit la période originale de 30 jours, soit les périodes prolongées qu'ils choisissent parfois d'appliquer.

Au cours des deux dernières années, le commissariat a travaillé de concert avec les pires contrevenants à cet égard. Je dois les nommer. Je les ai nommés dans mon rapport annuel. Ce sont: le Bureau du Conseil privé, le ministère de la Défense nationale, Revenu Canada, Citoyenneté et Immigration, et Santé Canada. La bonne nouvelle, c'est qu'il semble que les hauts fonctionnaires de ces ministères ont enfin compris le message et prennent des mesures pour remédier aux problèmes. Ce n'est toutefois que l'an prochain que l'on apprendra, en consultant les statistiques, si les manifestations de bonnes intentions se sont traduites par le respect des échéances. Je suis optimiste. Je crois que nous avons enfin obtenu l'engagement de la haute direction de ces ministères.

• 1545

Je passe maintenant à la quatrième leçon que l'on peut tirer de mon expérience, à savoir qu'il ne s'est pas encore produit de véritable mutation pour passer de la culture du secret à la culture de la transparence au gouvernement. Une loi renforcée encouragerait la transparence, mais il est essentiel que le leadership vienne d'en haut. Je crois que les premiers ministres et les principaux dirigeants de l'appareil gouvernemental n'ont pas donné à la fonction publique des signes suffisamment tangibles de leur engagement pour assurer le bon fonctionnement de la loi, pour raffermir l'engagement des hauts fonctionnaires envers le respect de cette loi. Quand ces derniers ne constatent aucun enthousiasme particulier à l'égard de cette loi de la part de leur premier ministre, vont-ils risquer de devenir des héros dans leur ministère en divulguant des renseignements qui risquent peut-être de leur causer des ennuis temporaires? Je ne crois pas que ce soit trop demander que de s'attendre à un tel leadership de la part de ceux qui occupent le sommet de la pyramide.

Le président des États-Unis et le procureur général des États-Unis l'ont fait. Au Canada, le premier ministre de l'Alberta l'a fait. Je devrais dire qu'avant cela, le nouveau premier ministre de Grande-Bretagne, Tony Blair, en présentant un remarquable livre blanc énonçant la nouvelle législation sur l'accès à l'information proposée par son gouvernement, s'est engagé lui-même personnellement à diriger un gouvernement ouvert. Je rends hommage au premier ministre de l'Alberta, qui a manifesté un engagement personnel envers la Loi sur la liberté de l'information qui a été adoptée il y a environ un an dans sa province. Je pense que ce n'est pas pure coïncidence si la loi fonctionne probablement mieux en Alberta qu'ailleurs au Canada.

Je voudrais aborder un sujet bien triste: la destruction de dossiers. Je suis content de signaler qu'aucun nouvel incident de destruction ou de modification fautive de documents ne s'est produit au cours de l'année écoulée, mais il n'empêche que les scandales entourant le Comité canadien du sang et les dossiers du MDN sur la Somalie nous ont douloureusement enseigné une leçon: la Loi sur l'accès à l'information est impuissante quand il s'agit de punir des actes de désobéissance délibérée. Je réitère mon appel en faveur de pénalités sévères, j'appuie les simples députés qui ont fait une telle proposition dans des projets de loi et je félicite le gouvernement d'avoir signalé qu'il est en faveur de cette idée.

Peut-être certains employés sont-ils enclins à contourner les règles seulement parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas de signal clair venant d'en haut que l'accès est une priorité, que c'est pris au sérieux et qu'il faut respecter l'esprit et la lettre de la loi. Au Canada, le silence a été quasiment assourdissant. Je crains que ce silence ne transmette aux fonctionnaires le message que la culture du secret est encore florissante et que la loyauté est peut-être plus importante que la transparence.

Enfin, au sujet de l'accès et du recours aux tribunaux, j'ai de bonnes nouvelles à signaler. Cette année, la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada ont rendu des décisions appuyant fermement la liberté d'accès à l'information. Je suis particulièrement heureux que la Cour fédérale ait rejeté, en affirmant que cette démarche n'avait aucune possibilité d'aboutir, une contestation contre mon bureau par le ministère de la Défense nationale. Le MDN avait demandé au tribunal d'affirmer qu'il n'était pas obligé de répondre aux demandes d'accès émanant d'une personne qui, d'après le ministère, serait motivée par des raisons qui ne sont pas valables. De plus, le MDN avait demandé au tribunal de décréter que je ne devrais pas faire enquête sur des plaintes émanant de cette personne qui n'a manifestement pas l'heur de plaire au MDN. La décision du tribunal a été rendue rapidement et est très claire: les motifs perçus des demandeurs d'information ne sont pas pertinents. Il faut répondre aux demandes et faire enquête sur les plaintes. Pour s'assurer que le MDN ait bien compris le message, le tribunal a infligé au ministère des dommages-intérêts punitifs.

Cette année, la Cour suprême du Canada a fait une déclaration ferme au sujet du rôle de la législation sur l'accès à l'information dans notre système. La cour a en effet décrété que la loi sur l'accès joue un rôle essentiel pour préserver la démocratie. Voilà une décision de la Cour suprême que personne ne va contester. C'est un ordre du tribunal. La transparence, a décrété le tribunal, est essentielle pour assurer la responsabilité. En outre, la cour a affirmé que cette valeur de la responsabilité a préséance sur certains droits à la vie privée des titulaires de charges publiques. D'après la Cour suprême, parce que les titulaires de charges publiques administrent les deniers publics et exercent des pouvoirs qui régissent nos vies, ils n'ont pas le droit de camoufler leurs agissements par des déclarations intéressées en ce qui a trait à leur vie privée.

• 1550

Je remercie les membres du comité de leur appui envers mon commissariat et envers la loi sur l'accès au fil des ans. Je vous encourage à exiger des ministres et des hauts fonctionnaires qui comparaissent devant vous qu'ils rendent des comptes pour ce qui concerne le respect de la loi sur l'accès. Mais, comme on dit, il est beaucoup plus important de changer les mentalités que de changer la loi. Je sais que vous pouvez y contribuer.

Cela met fin à mon message, à mon sermon. Merci beaucoup. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente: Merci, monsieur Grace.

Aujourd'hui, je vais donner d'abord la parole à Mme Finestone, parce qu'elle doit partir tôt.

L'hon. Sheila Finestone (Mont-Royal, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci, chers collègues, de me permettre de prendre la parole en premier.

Premièrement, monsieur Grace, c'est vraiment un plaisir de vous revoir. Je vous ai rencontré à intervalles plus ou moins réguliers depuis peut-être neuf ou dix ans. Je me rappelle que vous avez été le premier à occuper le poste de commissaire à la protection de la vie privée, et vous avez maintenant occupé le poste de responsable de l'accès à l'information. Je ne peux imaginer personne qui soit mieux placé que vous pour traiter des deux commissariats, et aussi peut-être de la Loi sur les secrets officiels.

En tablant sur votre expérience, sur ce que vous savez des compressions d'effectifs, sur l'opinion que vous avez toujours défendue selon laquelle un gouvernement transparent, c'est la démocratie en action, pourriez-vous peut-être nous dire en deux mots comment nous pouvons mieux servir le public en étant ouverts et transparents? Serait-ce une bonne idée d'amalgamer le rôle du commissaire à la protection de la vie privée et votre rôle actuel? Quelle en serait l'incidence sur la Loi sur les secrets officiels? Est-ce que cela a un rôle à jouer? Enfin, mais peut-être est-ce le plus important, à votre avis, quels seraient les changements majeurs que vous apporteriez si nous devions les amalgamer? Cela comprend évidemment les besoins financiers que vous avez déjà signalés.

M. John Grace: Je vous remercie de ces excellentes questions, madame Finestone. Je vais y répondre de façon approfondie, mais ne vous inquiétez pas, cela ne sera pas trop long.

L'hon. Sheila Finestone: Ne soyez pas trop long. J'ai un avion à prendre. Au besoin, je lirai le hansard.

M. John Grace: Non, ne vous inquiétez pas.

Il m'apparaît clairement, et les tribunaux l'ont confirmé, que ces deux valeurs—l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, un gouvernement ouvert et la protection de la vie privée—sont égales, fondamentales, importantes. C'est mon point de départ, et je sais que c'est le vôtre également.

Je suis fermement convaincu qu'il serait avantageux d'amalgamer les deux commissariats. À mon avis, la fusion mettrait certainement fin aux anomalies que comporte l'existence de deux commissariats et de deux commissaires. Il doit y avoir un message quelconque à retenir du fait que nulle part ailleurs au Canada ni dans le monde, à ma connaissance, on a adopté le modèle des deux commissaires. Des provinces ont étudié la question. Récemment, c'étaient l'Alberta et la Colombie-Britannique. Dans les deux cas, on a conclu qu'il fallait établir un seul commissaire et commissariat. Au Québec, en Ontario, partout, on a créé une fonction unique.

Je pense que le message est qu'un bureau unique permet d'unifier la supervision de deux éléments qui peuvent après tout, en dépit des apparences, donner l'impression qu'il y a conflit. Les gens nous demandent comment on peut mettre ensemble les valeurs de la protection de la vie privée, qui visent à protéger la confidentialité de renseignements, et celles de l'accès, qui visent à divulguer des renseignements. À mon avis, ces lois sont essentiellement complémentaires. Il n'y a pas plus conflit entre les valeurs de la confidentialité et de la vie privée et les valeurs de l'ouverture, entre la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur l'accès à l'information, qu'il n'y en a au sein de la loi sur l'accès elle-même. En effet, quand il s'agit d'accès à l'information, nous sommes forcés de mettre dans la balance des valeurs qui sont parfois conflictuelles. Nous rendons un jugement dans les cas où il y a conflit.

J'ajouterais à cela qu'un commissariat unique mettrait fin à la situation malheureuse créée par des recommandations contradictoires faites au gouvernement par deux commissaires. Ce genre de situation ne se produit pas trop souvent, mais il survient. À mes yeux, cela mettrait assurément fin au scandale, aussi rare soit-il, de voir deux commissaires, deux fonctionnaires du Parlement, plaider des points de vue opposés devant un juge de la Cour fédérale.

• 1555

Un commissariat unique mettrait fin—et je pense que vous l'avez dit, ou en tout cas quelqu'un l'a fait, quand M. Gilmour et moi-même bavardions—à la confusion qui existe encore parmi le grand public quant au rôle de chacun des commissariats. Je continue d'être sidéré par le grand nombre de gens qui ne comprennent pas vraiment la différence fondamentale entre les deux bureaux.

Ce bureau unique offrirait un guichet unique. Un bureau unique forcerait aussi le titulaire du poste—et je signale en passant qu'à ce sujet, je suis merveilleusement désintéressé, puisque je m'en vais, comme vous le savez. Ma position n'est donc nullement intéressée. Un bureau unique permettrait d'éviter la situation déplaisante où un ministère, un ministre, reçoit des conseils conflictuels de deux commissaires. J'ai entendu des ministres et des sous-ministres me dire: «John, pourquoi vous-même et le commissaire à la protection des renseignements personnels ne vous mettez-vous pas d'accord? Vous dites qu'il faut divulguer, eux disent qu'il faut garder cela confidentiel, et je suis donc coincé entre l'arbre et l'écorce; peu importe ce que je décide, j'aurai des ennuis avec l'un ou l'autre des commissaires».

À mon avis, il faudrait qu'il y ait une seule personne indépendante, un seul fonctionnaire du Parlement qui assumera la responsabilité de ces décisions et, dans le cas particulier dont nous discutons, qui tranchera entre ces deux valeurs, la valeur importante de la vie privée et la valeur importante de l'ouverture, qui décidera dans quels cas la valeur de l'intérêt public l'emporte sur la valeur de la protection de la vie privée.

C'est rare, mais il faut à l'occasion prendre une telle décision et je crois qu'il est préférable qu'elle soit prise par une seule personne qui en assume l'entière responsabilité. Le gouvernement pourra accepter ou refuser cette recommandation, car ce n'est après tout qu'une recommandation, mais le processus s'en trouvera rationalisé. Et s'il faut demander aux tribunaux de trancher, qu'on le fasse.

Je pense que ce sont là des raisons importantes et d'ordre philosophique qui militent en faveur de la création d'un commissariat unique. Du point de vue pratique, un bureau unique entraînerait d'importantes économies. À mon avis, ces économies pourraient facilement atteindre 500 000 $ par année à partir du montant de base, surtout grâce à l'élimination de personnel de gestion excédentaire, pas seulement par l'élimination de l'un des deux commissaires et de tout ce qui entoure habituellement un bureau de commissaire, mais aussi en réduisant le nombre d'avocats, de directeurs et de conseillers en matière de politiques. Je crois que nous pouvons...

L'hon. Sheila Finestone: Monsieur Grace, je vous suis reconnaissante de votre franchise et je sais que votre expérience nous a été précieuse à nous tous, mais dans vos recommandations—et je ne me rappelle plus où cela se trouve dans tous les documents que j'ai lus—vous traitez du fait que vous êtes fermement d'avis que tout acte ou omission visant à enrayer le droit d'accès devrait devenir une infraction passible d'une pénalité pouvant atteindre cinq ans de prison.

M. John Grace: Oui.

L'hon. Sheila Finestone: Pourtant, vous venez de dire, à moins que je vous aie mal entendu, qu'après tout, si nous amalgamons les deux commissariats... vous feriez une recommandation et il incomberait ensuite au ministre ou au gouvernement de prendre la décision.

Si vous estimez qu'il faudrait aller jusqu'à des peines de prison, vous feriez donc plus qu'une simple recommandation, n'est-ce pas? La décision que vous prendriez serait plus qu'une recommandation, puisqu'elle pourrait entraîner une peine d'emprisonnement.

M. John Grace: L'accusation serait portée de la façon habituelle. Elle ne serait pas portée par un commissaire.

L'hon. Sheila Finestone: Comment l'accusation serait-elle portée?

M. John Grace: Elle serait portée par le procureur général du Canada, dans le cas d'une infraction au Code criminel.

L'hon. Sheila Finestone: Puis-je poser une dernière question?

La présidente: Allez-y.

L'hon. Sheila Finestone: Ma dernière question... et vous m'avez peut-être déjà entendue poser cette question, parce que je trouve tout à fait scandaleux, franchement, qu'on parle de protection de la vie privée, parce qu'une fois qu'on s'est ingéré dans la vie privée d'une personne et que des renseignements confidentiels sont divulgués, on ne peut plus revenir en arrière.

Le gouvernement a décidé de protéger ses droits au titre de la Loi sur l'assurance-chômage en utilisant des formulaires des Douanes, de manière qu'on puisse retracer les gens qui abusent... Il y a des gens qui sont au téléphone 12 heures par jour et qui peuvent retracer les coupables et récupérer l'argent qui a été versé à des fraudeurs. Je comprends la volonté du gouvernement de ne tolérer aucune fraude. Par contre, je trouve que c'est une épouvantable ingérence dans la vie privée.

Comment trancheriez-vous en cas de conflit entre l'accès à l'information et la protection de renseignements personnels en pareille circonstance, dans une instance gouvernementale?

• 1600

M. John Grace: Il y a, comme vous le savez, des principes fondamentaux en matière de pratique équitable de traitement de l'information, et l'un de ces principes est que tout renseignement recueilli dans un but donné ne doit servir que dans ce but. Dans le cas que vous décrivez, le gouvernement recueille des renseignements dans un but et s'en sert à une autre fin, quoique je ne connaisse pas bien ce dossier.

En pareil cas, nous pourrions procéder par ce que l'on appelle la «notification préalable». Cela consiste à aviser les gens que les renseignements qu'ils fournissent pourront servir à déceler la fraude financière ou tout autre méfait, et la personne peut avoir le choix, ou ne pas avoir le choix—probablement pas—de fournir ce renseignement.

Mais, écoutez, c'est au Parlement d'en décider. Si le Parlement décrète par voie législative que dans tel cas précis, il faut fournir tel ou tel renseignement à un organisme gouvernemental et que l'organisme en question a le droit, aux termes de la loi, et c'est un fait connu de tous, d'utiliser ce renseignement pour déceler la fraude... Si le Parlement juge qu'un tel empiétement sur la confidentialité des renseignements sert l'intérêt national, l'intérêt public, alors c'est à vous qui siégez autour de cette table d'en décider.

L'hon. Sheila Finestone: Le ministre vous a-t-il consulté au sujet des révisions que l'on apporte à la Loi sur l'accès à l'information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, ainsi qu'à la Loi sur les langues officielles?

M. John Grace: Certainement pas au sujet de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Non, je n'en ai pas entendu parler. Il y a eu certaines consultations sur des changements à la Loi sur l'accès à l'information, il y a quelques années, mais je n'en ai plus entendu parler depuis. J'ai fait mes recommandations en privé à un comité formé de hauts fonctionnaires.

L'hon. Sheila Finestone: Très bien. Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci beaucoup, monsieur Grace. Je vous souhaite une retraite très agréable et remplie de joie.

M. John Grace: Merci, madame Finestone.

La présidente: Merci, madame Finestone.

Monsieur Gilmour.

M. Bill Gilmour (Nanaimo—Alberni, Réf.): Merci, monsieur Grace, de comparaître devant nous. J'ajoute que votre témoignage tombe à pic. En effet, le projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Colleen Beaumier, qui fait l'objet d'un vote, et qui porte précisément sur ce que vous disiez à propos du tripatouillage de documents, est justement mis aux voix aujourd'hui. Mon propre projet de loi d'initiative parlementaire traite des sociétés d'État. Comme vous le savez, certaines sociétés d'État sont assujetties à la législation sur l'accès à l'information, tandis que d'autres ne le sont pas, notamment la Société Radio-Canada et la Société canadienne des postes. Ce projet de loi-là sera mis aux voix demain.

Nous avons donc deux projets de loi sur l'accès à l'information qui seront mis aux voix, des projets de loi émanant des députés sur lesquels la Chambre va se prononcer, et cela fait ressortir qu'il faut que de simples députés se chargent d'introduire ces projets de loi et que l'on ne peut pas compter sur le gouvernement pour le faire. Je constate que vous êtes dans la situation peu enviable de causer des embarras au gouvernement, et en fait, il se pourrait fort bien que l'on vous coupe les fonds, pour vous punir, en quelque sorte. Mais vous avez survécu à un certain nombre d'administrations et je ne veux pas m'en prendre au gouvernement actuel. Cela fait partie de votre emploi.

Voici ce que je voudrais savoir. Dans le passé, avez-vous jamais subi des menaces ou une forme quelconque de coercition, ou bien quelqu'un a-t-il tenté essentiellement de vous manipuler, que ce soit quelqu'un du gouvernement ou de la haute fonction publique, sous un gouvernement quelconque?

M. John Grace: Je vais répondre rapidement et catégoriquement à cela: non, je n'ai jamais subi de coercition. Je n'ai jamais subi la moindre forme d'ingérence politique.

Je n'ai pas le sentiment que l'on a réduit les ressources de mon bureau par dépit. Nous avons subi des compressions comme tout le monde, on nous a imposé une coupure de 3 p. 100 et nous l'avons absorbée. Je serais le premier à me plaindre au Parlement si j'estimais que le gouvernement nous privait des ressources nécessaires pour faire le travail que le Parlement nous a confié.

Chose certaine, nous avons eu sur certaines questions d'âpres discussions avec des membres de la haute fonction publique, mais tous ces différends portent sur des questions de principe et je n'ai aucune plainte à formuler quant à la façon dont mon bureau, le commissariat, a été traité par le gouvernement.

M. Bill Gilmour: Je vous suis reconnaissant de cette réponse franche.

Vous avez fait allusion au cabinet du premier ministre et aux ministères. À titre d'information, où avez-vous éprouvé les plus grandes difficultés ou rencontré la plus forte résistance? Est-ce au gouvernement lui-même—vous avez vu passer un certain nombre d'administrations—ou bien de la part de la fonction publique? Est-ce un peu des deux? Où se situent à votre avis les pierres d'achoppement?

M. John Grace: Disons que j'ai la tâche beaucoup plus facile avec les ministres et les parlementaires qu'avec les mandarins de la fonction publique. Pour ce qui est de la transparence, vous avez une bonne longueur d'avance sur eux. C'est la vérité.

M. Bill Gilmour: C'est bon à savoir.

• 1605

La présidente: C'est bien d'entendre des réponses franches. Elles sont peut-être un peu décevantes pour M. Gilmour, mais au moins, elles sont franches.

Des voix: Oh, oh.

M. Bill Gilmour: Comme vous l'avez dit, vous quittez vos fonctions. Votre poste sera difficile à combler. Comment voyez-vous le processus d'examen et d'approbation de la personne qui sera nommée pour vous remplacer?

Je pose cette question du point de vue...

M. John Grace: Quel mot avez-vous utilisé?

M. Bill Gilmour: «Examen et approbation». En effet, le gouvernement pourrait être tenté de nommer à ce poste une personne qui ne ferait pas preuve de franchise, par exemple. Voici où je veux en venir: dans le système américain, les candidats désignés aux postes supérieurs font l'objet d'un examen par des comités, par le gouvernement, et les gens ont la possibilité de se pencher sur les antécédents de la personne, d'examiner ses vues. Si je comprends bien, cela n'existe pas à l'heure actuelle.

En voyez-vous le besoin? À votre avis, est-ce un instrument qui devrait être à la disposition du comité ou du Parlement quand vient le temps de nommer des gens à des postes-clés, afin que les personnes nommées aient l'appui de tous les partis, ne serait-ce qu'en raison de leur calibre et de leur absence de tout parti pris?

M. John Grace: Le Parlement a son mot à dire dans la nomination d'un commissaire à l'information ou d'un commissaire à la protection de la vie privée. Les noms des candidats désignés par le gouvernement sont communiqués au Parlement, lequel est tenu, avant que des candidats ne soient confirmés dans leur poste, d'adopter une résolution appuyant leur nomination. Voilà la procédure actuelle du Parlement.

Le Parlement peut, sur le parquet de la Chambre—et c'est peut-être une façon un peu lourde de procéder—soulever des questions sur la compétence ou les qualités d'une personne. Aucune disposition, au Canada, ne permet à votre comité, par exemple, de procéder à un examen approfondi du candidat, de le convoquer devant vous et de l'interroger sur ses vues. Peut-être serait-ce utile de le faire. Mais n'allez pas croire que vous n'avez aucun moyen d'influencer le processus de nomination.

Je conviens avec vous que la nomination d'un commissaire à l'information ou à la protection des renseignements personnels devrait se faire à l'unanimité. Autrement, la personne commencerait son mandat sur un très mauvais pied. Après tout, c'est un mandat de sept ans ferme. Il faut une résolution des deux chambres pour congédier un commissaire.

Je crois donc que la nomination d'un fonctionnaire du Parlement devrait se faire, de préférence, à l'unanimité du Parlement ou presque. Vous exercez donc un certain contrôle.

M. Bill Gilmour: Je vous remercie de votre réponse.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Gilmour.

Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci.

Ce qui me préoccupe, ce sont les gens qui font fréquemment des demandes. Je ne sais pas ce qu'il en est de la loi fédérale, mais je sais que dans ma province, l'Ontario, la loi provinciale ne comporte aucune sauvegarde contre ce que nous appelons les «demandeurs fréquents». Nous avons aussi d'autres appellations, mais c'est celle que nous utilisons quand nous essayons d'être polis.

J'ai eu personnellement connaissance du cas d'une personne incarcérée au Centre de santé mentale de Penetanguishene. Celui qui occupait à l'époque le poste de commissaire en Ontario m'a dit que cette personne à elle seule représentait environ 75 p. 100 de la charge de travail du commissariat de l'Ontario. Dans ma propre municipalité, l'une des demandes portait par exemple sur la totalité des demandes de permis de construction dans la ville de Penetanguishene pendant les années 1966 à 1990. Ce renseignement est manifestement inutile pour quelqu'un qui est incarcéré dans un établissement à sécurité maximale.

Premièrement, la loi fédérale comporte-t-elle une protection quelconque contre cette situation, et sinon, que pensez-vous de cette situation?

• 1610

M. John Grace: J'ai beaucoup entendu parler des demandeurs fréquents au fil des ans et je connais le cas dont vous parlez. Une façon de dissuader ces gens-là, c'est de les faire payer. Vous n'ignorez pas qu'aux termes de la loi fédérale, il faut payer 5 $. Cette somme de 5 $ ne rapporte pas d'argent au gouvernement, elle sert seulement à enrayer l'avalanche de demandes du genre de celles dont vous parlez. Il n'existe actuellement aucune disposition spécifique de la loi pour contrer ce que l'on pourrait décrire, je crois, comme des demandes vexatoires et malveillantes.

Je n'ai pas vraiment d'objection à ce qu'on modifie la loi pour y insérer une disposition à cet effet. J'en ai fait la recommandation, mais avec la réserve que si l'on permet à un ministère de contrôler le nombre des demandes, premièrement, il faudrait prévoir la possibilité d'interjeter appel au commissaire, parce que nous avons vu des cas de ministères, qui ne sont pas très éloignés d'ici, qui décident de haïr un demandeur, pour des raisons qui peuvent être bonnes ou mauvaises. Je crois qu'il faudrait toujours qu'il y ait une soupape de sécurité, afin qu'un ministère ne puisse se débarrasser des gens que les fonctionnaires jugent tannants. Le bureau du commissaire pourrait dire: «Non, cette personne n'est pas malveillante». L'autre moyen, c'est d'imposer des frais.

Je serais en faveur d'une disposition de ce genre et de supprimer les frais de 5 $. Je ne voudrais pas que les règles dissuadent les demandeurs légitimes.

M. Paul DeVillers: Aux termes de la loi provinciale, on a le droit de demander un dépôt pour frais de photocopie, frais divers, etc. Dans le cas d'une demande ridicule de ce genre, on pourrait répondre: «Très bien, envoyez-nous un dépôt de 1 000 $». La personne en question n'avait pas d'argent et c'est ainsi qu'on s'en est sorti. Mais c'est quand même une situation très dangereuse, quand la loi n'offre aucun autre moyen de s'en sortir dans le cas d'une demande qui est manifestement vexatoire et frivole.

M. John Grace: Vous me rappelez que la même disposition... Je suppose qu'elle existe. La loi fédérale prévoyait la possibilité de faire payer des frais légitimes, et je suis partisan des frais légitimes. Je ne crois pas que le fermier de Saskatchewan devrait être obligé de payer pour les interrogatoires à l'aveuglette des grandes entreprises, des journalistes ou de simples particuliers, quels que soient leurs motifs. La loi vous autorise à obtenir gratuitement cinq heures de recherche pour la modique somme de 5 $. Par la suite, si les ministères peuvent justifier de faire payer plus quand il faut déployer davantage de ressources pour fouiller dans des dossiers volumineux, je suis tout à fait d'accord pour faire payer des frais. Encore là, le bureau du commissaire pourra, le cas échéant, empêcher que l'on fasse payer des frais excessifs pour dissuader les demandeurs. Je répète qu'au Canada, aux termes de la loi fédérale, les demandeurs ou plaignants peuvent se plaindre à mon bureau au sujet des frais qu'on leur fait payer. En général, nous avons tendance à maintenir les frais. Je n'ai pas reçu de plainte à ce sujet. Nous sommes d'accord pour que l'on fasse payer des frais légitimes correspondant aux coûts engagés.

Les ministères devraient mieux gérer leurs dossiers. C'est parfois une question d'équilibre. Je ne veux pas non plus que les demandeurs soient forcés de payer le coût de la gestion des dossiers. Mais en ces matières, il faut toujours faire la part des choses.

La présidente: Merci, monsieur DeVillers.

Monsieur Mancini.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Merci. Je serai assez bref, parce que je dois partir, tout comme Mme Finestone, mais j'ai seulement deux ou trois questions à poser.

Vous nous avez donné une liste de ministères qui, d'après vous, posent certaines difficultés: le Conseil privé, le ministère de la Défense, Revenu Canada... Les avez-vous énumérés par ordre de difficulté?

M. John Grace: Je ne sais pas. Nous donnons chaque année dans notre rapport annuel une liste de mentions honorables. Je vais en parler à mon collègue, M. Leadbeater. C'est assez serré.

M. Peter Mancini: Ils sont tous à peu près ex aequo.

M. Alan Leadbeater (sous-commissaire, Commissariat à l'information): Sur cette liste figurent les ministères avec lesquels nous travaillons étroitement pour résoudre leur problème de retard. Nous avons aussi dressé selon un ordre de priorité une liste, que je pourrais vous donner, de ceux qui font l'objet du plus grand nombre de plaintes. Je veux parler des plaintes pour retard et d'autres types de plaintes. Je devrai vous fournir cette liste séparément.

M. Peter Mancini: Je vous en serais reconnaissant.

• 1615

M. Alan Leadbeater: Ce sont les mêmes institutions qui sont en cause, mais je ne saurais vous dire laquelle vient en première place et laquelle en cinquième place. J'ai ce renseignement au bureau et je me ferai un plaisir de vous le faire parvenir.

M. Peter Mancini: Je m'inquiète particulièrement au sujet de Revenu Canada.

M. Alan Leadbeater: Bien sûr, je vais vous fournir ce renseignement.

M. Peter Mancini: Ce ministère s'inquiète à mon sujet, lui aussi.

Des voix: Oh, oh.

M. Peter Mancini: Non, ce n'est pas vrai.

Je suppose que la question suivante est celle-ci: quelles mesures prenez-vous? Comment vous attaquez-vous à ce problème posé par ces ministères en particulier? Comment les aidez-vous à corriger les lacunes?

M. John Grace: Pour établir s'il y a un véritable problème, nous nous invitons parfois nous-mêmes et nous faisons une vérification complète de tout le système: comment les demandes sont traitées depuis le moment où elles sont reçues jusqu'à la divulgation des dossiers, et toutes les approbations entre les deux. Les problèmes nous sautent aux yeux à cause du grand nombre de plaintes pour retard. Souvent, les ministères se félicitent de notre aide et nous n'avons pas besoin de nous imposer.

La clé, c'est d'obtenir l'attention et l'engagement des cadres supérieurs, et je veux dire le sous-ministre et autres personnages de ce rang. Nous devons obtenir qu'ils s'engagent personnellement, les aider à prendre conscience qu'il y a un grave problème et les amener à engager les ressources voulues et à mettre en place les systèmes nécessaires pour mettre fin à ces retards scandaleux. Nous avons plaisir à travailler avec eux. Ce n'est pas un système mettant en présence des adversaires, croyez-le ou non, bien qu'il m'arrive à l'occasion de parler durement. Quand M. Dupuis et ses collaborateurs vont sur place pour travailler, c'est une situation collégiale. Ils travaillent tous ensemble. Je suis un éternel optimiste et cette fois-ci, je suis encore un peu plus optimiste que d'habitude.

M. Peter Mancini: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Mancini.

Monsieur McKay.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Je voudrais moi aussi aborder la question de votre liste de mentions honorables, tout particulièrement en ce qui concerne le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et vous demander quelles sont les catégories de problèmes mettant en cause ce ministère.

M. John Grace: Je vais demander à M. Leadbeater de vous répondre.

M. Alan Leadbeater: Dans le cas de Citoyenneté et Immigration, comme dans le cas de la plupart des ministères qui figurent sur la liste, le problème consiste surtout à respecter le délai de réponse; le problème n'est pas que l'on ait la manie du secret. La plupart des ministères sont maintenant capables d'appliquer les exemptions prévues dans la loi de façon responsable et n'exagèrent pas à ce sujet.

Citoyenneté et Immigration a des problèmes qui tiennent à l'éparpillement de ses activités. Une affaire peut mettre en cause des dossiers de partout dans le monde et il peut être difficile et long d'aller chercher les renseignements demandés dans ces dossiers. Le ministère a du travail à faire pour mieux gérer sa charge de travail courante. Nous n'attendons pas des ministères qu'ils puissent composer avec les surcharges de travail imprévues. C'est pourquoi il y a possibilité de prolonger les délais.

M. John McKay: Y a-t-il des catégories de dossiers pour lesquels le ministère ne donne pas de réponse dans les délais prescrits?

M. Alan Leadbeater: Tous les types de dossiers peuvent être visés, depuis les dossiers personnels jusqu'aux dossiers de politique. On ne peut distinguer nettement une catégorie en particulier. C'est un ministère qui a au moins un demandeur fréquent, ce qui incite en fait le ministère à simplifier quelque peu sa procédure de divulgation. Je pense qu'il se rend compte que ce demandeur obtient les renseignements voulus et que ce n'est pas une demande frivole.

Peut-être devrait-il rendre ces dossiers accessibles en ligne dans une base de données, pour que tous y aient accès. Beaucoup de conseillers en immigration et d'avocats cherchent à savoir quelles sont les intentions de ce ministère, quels sont les quotas, quelles sont ses diverses politiques, etc. Je pense que le ministère apprend, grâce à l'accès à l'information, à être un peu plus proactif en matière de divulgation des renseignements.

M. John McKay: Je crois savoir que certains avocats invoquent la loi pour avoir accès à leurs propres dossiers. Ils n'arrivent pas à obtenir des réponses rapides du ministère à propos de dossiers auxquels ils travaillent et ils trouvent plus utile de passer par l'accès à l'information. Êtes-vous au courant de cela?

M. Alan Leadbeater: C'est vrai. Ils utilisent cette loi pour avoir accès aux dossiers de leurs clients...

M. John McKay: Quand ils ont ainsi accès à des dossiers, la liberté du citoyen est-elle remise en question?

M. Alan Leadbeater: Oui, parfois.

• 1620

M. John McKay: Je vois. Le problème est donc doublement grave: non seulement nous ne répondons pas aux demandes à temps, mais nous mettons en cause la liberté des citoyens et peut-être la liberté de gens qui aspirent à devenir citoyens.

M. Alan Leadbeater: Oui, mais dans notre bureau, nous essayons de ne pas nous attarder aux motifs de la demande. Oui, il est possible que l'on veuille utiliser le renseignement demandé pour s'en servir dans une affaire entendue par un tribunal ou dans une audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais nous essayons simplement de faire en sorte que le ministère s'en tienne à cette exigence des 30 jours, qu'il respecte cette exigence. Par exemple, si nous pensions qu'une personne a besoin d'obtenir son renseignement plus vite qu'une autre et si nous organisions nos propres ressources en conséquence, nous commettrions des erreurs. Nous traitons tout le monde sur le même pied, comme si tous avaient les mêmes...

M. John McKay: On ne se demande pas si c'est la liberté du citoyen qui est en cause ou si le demandeur essaie simplement de localiser son dossier.

M. Alan Leadbeater: Exactement. Nous essayons d'encourager le ministère à obéir à la loi, peu importe quelle est la raison de la demande.

M. John McKay: Quelles sont vos relations avec le SCRS, à supposer que vous en ayez?

M. Alan Leadbeater: Le SCRS est assujetti à la loi. Il se comporte de façon très responsable et professionnelle dans l'administration de la loi. Vous serez peut-être étonnés d'apprendre qu'un service de sécurité divulgue en fait passablement de renseignements. Bien sûr, il ne divulgue pas de renseignements sur ses cibles actuelles, pas plus qu'il ne va confirmer ou nier que des personnes en particulier sont ciblées. Je pense que nous pouvons tous comprendre cela. Probablement parce que c'est du domaine de l'application de la loi, à l'instar de la GRC, nous constatons que c'est l'un des services qui respecte le mieux la Loi sur l'accès à l'information.

M. John McKay: Si Immigration Canada effectue une enquête de sécurité sur un demandeur potentiel, qu'il s'agisse d'un réfugié ou d'un immigrant, il est évident que c'est le SCRS qui est chargé de mener cette enquête de sécurité. Avez-vous accès à ces renseignements?

M. Alan Leadbeater: Si quelqu'un a demandé au SCRS d'avoir accès au dossier, si la demande est refusée et qu'il y ait plainte, nous prenons connaissance du dossier, oui.

M. John McKay: Et les délais? Si je présente une demande d'établissement et que je fasse l'objet d'une enquête de sécurité, et si l'Immigration passe le dossier au SCRS, comment le délai de 30 jours prévu par votre loi est-il calculé dans le cas d'un dossier qui passe ainsi du ministère au SCRS?

M. Alan Leadbeater: Les 30 jours sont calculés à partir de la date à laquelle votre demande est reçue au SCRS.

M. John McKay: Vous trouveriez donc extraordinaire que quelqu'un se plaigne d'un délai de trois ans pour obtenir une réponse?

M. Alan Leadbeater: Oui, je trouverais cela extraordinaire. Il me semble qu'un ministère peut au moins dire non en 30 jours. Mais si vous dites qu'il n'y a eu aucune réponse, alors ce serait en effet extraordinaire.

M. John McKay: Comment pourrait-on y remédier?

M. Alan Leadbeater: En portant plainte à notre bureau, et nous recommanderions alors que le dossier soit divulgué au plus tard à une date précise. En cas de refus de la part du ministère, nous nous adresserions alors à la Cour fédérale et demanderions une ordonnance.

M. John McKay: En quoi l'article 30 ou l'article 39 influe-t-il sur une plainte avérée comme celle-là, ou en tout cas une plainte qui peut être jugée fondée?

M. Alan Leadbeater: L'article 30 ou l'article 39 de quelle loi?

M. John McKay: De cette loi-ci. Les articles 30 et 39 autorisent le commissaire à l'information à présenter un rapport spécial au Parlement.

M. Alan Leadbeater: Oh, je vois.

Lorsque l'on refuse de divulguer les renseignements demandés, le commissaire a toujours choisi de s'adresser à la Cour fédérale et de lui demander une ordonnance.

M. John McKay: Mais cette disposition est-elle censée servir en cas de problèmes systémiques? Si l'on portait à votre connaissance une série de plaintes comme celles dont je vous parle, feriez-vous rapport au Parlement de cette manière?

M. Alan Leadbeater: Pas nécessairement. Cela peut se faire dans un rapport annuel. La disposition en question est prévue pour les cas qui présentent une telle urgence que l'on ne peut pas attendre le rapport annuel. Par exemple, quelqu'un a évoqué tout à l'heure la possibilité qu'on nous coupe les fonds. Si le ministère décidait de punir le commissariat en supprimant son budget au milieu de l'année, il nous faudrait alors présenter un rapport spécial au Parlement. Cela ne pourrait même pas attendre le rapport annuel. Mais les problèmes systémiques sont normalement traités dans le rapport annuel au Parlement.

M. John McKay: Merci.

La présidente: Merci, monsieur McKay.

• 1625

Monsieur Forseth et ensuite madame Bakopanos.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je vais peut-être poursuivre dans la même veine que M. McKay, qui a évoqué les articles 30 et 39 et la présentation de rapports spéciaux, et je voudrais aussi aborder la possibilité de porter plainte quand vous êtes convaincus qu'il faut aller au fond d'une affaire. Je me demandais si vous pourriez nous parler de ces articles de façon plus générale, dans l'optique des pratiques antérieures de votre bureau. A-t-on déjà utilisé ces dispositions? Sinon, pourquoi pas? À quoi servent ces articles et ont-ils déjà été invoqués?

M. John Grace: Je vais laisser M. Leadbeater poursuivre, mais je peux dire rapidement que cette disposition n'a jamais été utilisée. Nous n'avons jamais présenté de rapport spécial au Parlement. Je pense que si le Parlement recevait, disons régulièrement, des rapports de notre part, cela risquerait d'amoindrir l'importance de tels rapports. Je pense que nous devons être capables de lutter avec nos propres armes aussi longtemps que nous le pouvons, mais M. Leadbeater a peut-être quelque chose à ajouter.

M. Alan Leadbeater: Pour ce qui est de la disposition prévoyant la possibilité de porter plainte, oui, il n'est pas rare que le commissaire utilise cet article; en fait, il l'utilise même très fréquemment. Nous l'invoquons dès que nous voulons examiner l'ensemble du processus dans une organisation donnée, pour en faire une vérification systématique. Quand nous constatons que nous recevons un nombre considérable de plaintes à propos de retards, nous décidons de porter plainte pour examiner tout le système.

Par ailleurs, la loi stipule que les plaintes doivent être faites par les gens dans un délai d'un an à compter de la date de la présentation de leur demande. Si un ministère fait traîner les choses pendant plus d'un an et dit ensuite à la personne qu'il est trop tard, qu'elle ne peut plus se plaindre, alors nous portons nous-mêmes plainte. Il n'est pas question que nous acceptions que l'on joue ainsi sur les mots et nous portons alors plainte de notre propre chef et faisons enquête.

M. Paul Forseth: Je voudrais poser une dernière question qui a trait à un tableau sur les dossiers de 1993 à 1997; il est question de plaintes non fondées et de plaintes retirées. Que veut-on dire par «plaintes retirées» et sur quelle base sont-elles retirées, par rapport aux plaintes non fondées? Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus?

M. John Grace: Eh bien, les plaintes sont retirées par les plaignants. Le plaignant a peut-être reçu d'une manière quelconque les renseignements demandés, ou bien il a perdu tout intérêt.

Y a-t-il une autre raison, Alan?

M. Alan Leadbeater: Il arrive parfois qu'un demandeur essaie d'attirer l'attention d'un ministère sur une question. Une fois qu'il a réussi à obtenir l'attention du ministère, il nous écrit pour nous dire qu'il souhaite retirer sa plainte. C'est alors consigné dans la catégorie «plaintes retirées».

M. John Grace: Vous voudriez peut-être une explication au sujet des plaintes non fondées. Une plainte non fondée est une plainte à l'égard de laquelle nous appuyons la position du gouvernement. Le gouvernement a refusé d'accéder à une demande de renseignements. Le demandeur est mécontent d'avoir essuyé un refus et pense que le gouvernement a tort et il porte donc plainte à mon bureau. Nous faisons enquête sur toute l'affaire. Nous examinons le document original, les dossiers qui font l'objet du litige, et nous portons de façon indépendante un jugement quant à savoir si le refus de divulguer le renseignement demandé est conforme à la loi.

Quand nous sommes d'accord avec le gouvernement, nous disons, oui, il est clair qu'il s'agit là d'un renseignement qui a été communiqué confidentiellement par un autre gouvernement ou une autre province; ou bien c'est un renseignement qui met en cause une enquête en cours par la GRC, par exemple; ou encore cela ressort légitimement du secret du Cabinet, quoique je ne devrais peut-être pas mentionner le secret du Cabinet, car c'est une autre histoire. Mais en pareil cas, nous faisons savoir que nous sommes d'accord.

Il est intéressant de signaler que le nombre de fois où nous sommes d'accord avec le gouvernement a tendance à diminuer. Je ne sais pas comment cela s'explique. Peut-être que les ministères gouvernementaux eux-mêmes sont plus conscients de ce qu'ils ont le droit de refuser de divulguer. J'aime à croire que c'est l'explication. Je ne pense pas que nous devenions plus mous. Je crois plutôt que nous devenons plus fermes.

M. Paul Forseth: Les dossiers non fondés empiètent-ils sur le domaine dont M. DeVillers a parlé tout à l'heure, c'est-à-dire les plaintes vexatoires? Avez-vous un moyen de faire le tri des demandeurs en déterminant leurs motifs ou quoi que ce soit?

• 1630

M. John Grace: Nous ne faisons absolument aucun tri. Quiconque se plaint à moi obtient une enquête complète.

Mon prédécesseur à l'accès à l'information a été inondé de quelque 3 000 à 4 000 demandes émanant d'un seul et unique enquêteur il y a dix ans. Ces demandes n'ont pas été rejetées. Elles ont fait l'objet d'une enquête. Elles ont abouti à une réforme de Revenu Canada, qui refusait de dévoiler de façon systématique les décisions préalables et les politiques en matière de fiscalité.

Mais nous prenons chaque demandeur très au sérieux et je signe chaque lettre de réponse qui est envoyée par mon bureau, peu importe que nous jugions le demandeur farfelu ou quoi que ce soit.

M. Alan Leadbeater: Pourrais-je ajouter quelque chose, peut-être en réponse au point soulevé par M. DeVillers? Au niveau fédéral, nous avons eu de la chance. Nous n'avons jamais rencontré ce que l'on pourrait appeler un demandeur frivole et vexatoire. Il y a des demandeurs qui envoient beaucoup de demandes, mais ce sont des gens d'affaires responsables qui utilisent la loi et qui vendent peut-être leurs services à d'autres, qui se spécialisent dans la présentation de demandes d'accès à l'information. Nous n'avons jamais eu affaire à un plaignant qui essayait de perturber le système.

Une voix: Nous devrions peut-être transférer notre patient au Royal Ottawa.

M. Alan Leadbeater: Nous espérons qu'il ne va pas apprendre notre numéro d'appel sans frais.

M. John Grace: Vous serez peut-être intéressés à savoir quelle sorte de gens utilisent la Loi sur l'accès à l'information et par conséquent les services de notre bureau. Seulement 10 p. 100 de toutes les demandes émanent de gens des médias; or, les demandeurs des médias reçoivent évidemment beaucoup d'attention parce qu'ils publient très souvent les résultats obtenus.

La majorité des demandeurs sont rangés dans une catégorie assez vague, je suppose, celle des gens d'affaires. Les compagnies de produits pharmaceutiques cherchent par exemple à se renseigner sur leurs concurrents en essayant de connaître des renseignements que ceux-ci ont déposés à Santé Canada au sujet des résultats des essais de produits. Il y a aussi les avocats du domaine de l'immigration. Les universitaires sont relativement peu nombreux à utiliser la loi; ils représentent 3 ou 4 p. 100 des demandeurs. La majorité des autres demandeurs sont issus du grand public.

La plupart des gens croient que les principaux usagers sont les médias. Ce n'est pas le cas.

La présidente: Merci, monsieur Forseth.

Madame Bakopanos.

Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai deux questions. Voici la première: avez-vous été consultés par le ministère de la Justice au sujet des changements que l'on propose d'apporter à la Loi sur l'accès à l'information et aussi à la Loi sur les secrets officiels?

M. John Grace: Je viens de répondre à Mme Finestone au sujet de la Loi sur les secrets officiels. On ne nous a absolument pas consultés sur cette loi. Quant à savoir si nous avons été consultés par le ministère de la Justice au sujet des changements à la Loi sur l'accès à l'information, pas vraiment. J'ai dit tout à l'heure que j'ai bel et bien comparu devant un comité dont faisaient partie de hauts dirigeants de la justice et d'autres institutions pour donner mon opinion sur des modifications possibles, mais nous n'avons jamais été officiellement mis au courant de quelconques changements proposés. Je ne pense pas que nous l'ayons été, non.

Mme Eleni Bakopanos: Je sais que Mme Finestone vous a en effet posé cette question, mais je voulais poursuivre dans la même veine.

Vous avez bel et bien dit, si je vous ai bien compris, que vous n'êtes pas nécessairement en faveur des pénalités.

M. John Grace: Non, je n'ai pas dit cela. J'en suis venu à contrecoeur à la conclusion que quand on détruit délibérément des dossiers pour éviter d'accéder à une demande d'accès à l'information, la possibilité de pénalités, de sanctions...

Mme Eleni Bakopanos: La possibilité.

M. John Grace: Oui, il faut...

Mme Eleni Bakopanos: Au cas par cas.

M. John Grace: Au cas par cas, mais je peux vous dire que dans les rares cas dont nous avons eu connaissance, je crois que des pénalités devraient être sérieusement envisagées.

J'ai déjà dit que lorsque cette loi a été adoptée, je crois que le Parlement ne croyait pas que d'honnêtes fonctionnaires pourraient jamais détruire délibérément des dossiers. Le législateur n'a jamais envisagé cette possibilité. On n'a donc prévu aucune pénalité. Bien sûr, on répugne toujours à ajouter une disposition au Code criminel, à mettre des gens en prison pour avoir détruit des papiers. Car si quelqu'un refuse de payer l'amende, c'est la prison.

Il n'est pas question de banaliser le droit pénal, et je ne pense pas que ce serait banaliser le droit pénal que de pénaliser des gens qui foulent au pied la Loi sur l'accès à l'information en détruisant des renseignements que les gens ont le droit de connaître.

• 1635

Mme Eleni Bakopanos: Vous n'envisageriez pas une pénalité qui consisterait à congédier sur-le-champ le fonctionnaire en question ou à lui enlever ses années d'ancienneté ou lui refuser une promotion, au lieu de passer par l'application du Code criminel.

M. John Grace: Je pense que ce seraient là des gestes exemplaires qui pourraient fort bien être envisagés, mais en fin de compte, il faut revenir au Code criminel.

Mme Eleni Bakopanos: D'accord. Vous voulez donc aller jusqu'à l'application du Code criminel. Je sais que je pose les mêmes questions, mais je veux savoir jusqu'où il faut aller dans cette voie.

Mon autre question portait sur le secret du Cabinet, auquel vous avez fait allusion tout à l'heure. Dans quelle mesure la loi devrait-elle protéger le secret du Cabinet? Qui se lancera en politique s'il savait que pour chacune de ses décisions—je sais que je pousse un peu loin—quelqu'un aurait accès aux délibérations. Il faut bien que certaines décisions prises par le gouvernement soient protégées par un degré quelconque de confidentialité.

Nous sommes élus. Tous les quatre ans, le public a effectivement le droit de nous mettre à la porte s'il le veut et s'il n'est pas content des décisions que nous avons prises. Mais il faut prévoir une certaine marge de manoeuvre, tout au moins au niveau du Cabinet.

M. John Grace: Il y aurait une marge de manoeuvre amplement suffisante. La loi ne doit absolument pas nuire au fonctionnement du système de gouvernement ou à la responsabilité du Cabinet. Je n'irais jamais jusqu'à m'ingérer dans le processus décisionnel du Cabinet. On ne devrait même pas songer à utiliser la loi comme moyen de savoir qui a voté en faveur de quoi.

Je crois donc qu'il faut absolument protéger la solidarité du Cabinet. Vous n'entendrez pas d'objection de ma part là-dessus.

Le problème tient au fait que l'on a parfois tendance à définir de façon plutôt large ce qui constitue un document du Cabinet. Disons que l'on tombe sur un document sérieux du Cabinet. Bien sûr, il est parfois dans l'intérêt du gouverneur en place d'en élargir la définition. Bien sûr, il est de l'intérêt d'un défenseur de la transparence du gouvernement de rétrécir cette définition. Mais je crois que les documents qui énoncent diverses solutions de rechange dans une affaire donnée pourraient être facilement divulgués sans dire qui a combattu en faveur de quelle solution, ou encore qui sont les gagnants et les perdants dans un débat.

Plus que toute autre chose, je tiens à soulever le point suivant. Les documents du Cabinet sont la seule catégorie de dossiers que le commissaire à la protection des renseignements personnels et le commissaire à l'information ne sont pas autorisés à voir pour vérifier qu'ils sont bien ce que l'on prétend. Nous devons nous fier à l'attestation du greffier ou d'une personne déléguée par le greffier pour dire qu'il s'agit bel et bien d'un document du Cabinet.

Ce sont tous des gens honorables, nous le savons, mais je n'aime pas beaucoup dire à un plaignant qu'il s'agit d'un document du Cabinet. Je n'ai aucune raison de croire que ce ne sont pas des documents du Cabinet, mais je ne peux pas en prendre connaissance. Comme vous le savez, je ne peux pas le vérifier moi-même.

D'ailleurs, on a donné au commissaire à l'information le pouvoir de prendre connaissance des documents originaux, comme dans le cas de n'importe quel autre document. Car nous pouvons voir tout le reste. Nous pouvons prendre connaissance des documents les plus ultrasecrets du SCRS, mais nous ne pouvons pas voir ces documents.

Nous avons proposé un projet pilote au greffier. Je comprends que l'on est très nerveux là-bas à l'idée d'ouvrir tout cela, mais nous proposons une sorte de projet pilote pour voir comment cela fonctionnerait. Nous ne sommes pas allés très loin dans ce dossier.

Mais la réponse est non, vous et moi ne serons absolument pas en désaccord pour ce qui est de protéger les caractéristiques essentielles du régime de gouvernement par cabinet.

Mme Eleni Bakopanos: Une dernière question. J'ignore si elle témoigne de mon ignorance, mais dans quelle mesure avons-nous accès aux documents du Sénat?

M. John Grace: Le Parlement, y compris le Sénat, n'est pas assujetti à la loi.

Mme Eleni Bakopanos: Croyez-vous qu'ils devraient l'être?

M. John Grace: J'ai recommandé que le Parlement y soit assujetti. Je ne pense pas qu'absolument tout devrait être assujetti. Je pense que les députés devraient être en mesure de protéger la correspondance entre leurs bureaux et leurs commettants, mais je pense que nous devrions savoir un peu mieux que nous ne le pouvons actuellement combien tout cela coûte au Parlement. Je pense que le Parlement devrait être aussi transparent que possible, mais il n'affiche jusqu'à maintenant aucune inclination à s'orienter en ce sens.

Mme Eleni Bakopanos: Donc, les modifications que nous devrions apporter devraient aller jusqu'à ouvrir complètement certains aspects du fonctionnement de la Chambre des communes ou du Sénat.

M. John Grace: Je suis d'accord. Je pense que ce devrait être le cas. J'ai même déclaré que la loi sur l'accès devrait s'appliquer aux tribunaux. Elle ne devrait pas s'appliquer aux notes prises par un juge et tout cela, mais les coûts et les questions administratives devraient être visés.

La loi sur l'accès devrait s'appliquer au Bureau du commissaire à l'information. Nous n'y sommes pas assujettis, mais je ne vois aucune raison que nous ne le soyons pas. Nous devrions donner l'exemple.

Mme Eleni Bakopanos: Merci beaucoup. Je vous souhaite une bonne retraite.

M. John Grace: Merci.

La présidente: Monsieur Maloney.

• 1640

M. John Maloney (Erié—Lincoln, Lib.): Nous avons parlé de pénalités et vous avez signalé de très bonnes raisons qui expliquent la petite enquête sur le scandale du sang contaminé.

Ce sont des cas extraordinaires, il me semble, ou bien s'agit-il d'affaires ordinaires? Est-ce l'exception plutôt que la règle? Dans vos activités courantes, d'après vous, des pénalités s'imposent-elles? Si nous devons pénaliser quelqu'un, qui devrions-nous viser? Le coordonnateur de la politique?

M. John Grace: À qui devrions-nous faire quoi?

M. John Maloney: Le coordonnateur, le coordonnateur de l'accès à l'information au ministère.

M. John Grace: Pour lui faire quoi?

M. John Maloney: J'essaie simplement de découvrir à qui nous appliquerions les sanctions.

M. John Grace: Oh, je vois. D'accord.

M. John Maloney: Serait-ce le sous-ministre?

M. John Grace: Je m'en prendrais à la personne qui a détruit les dossiers.

M. John Maloney: Ce sont des cas exceptionnels, et il y a de très bonnes raisons pour cela.

M. John Grace: C'est effectivement exceptionnel.

M. John Maloney: Mais pour revenir à ma première question, est-il courant qu'un problème exige des pénalités ou la question ne se pose-t-elle que dans des cas exceptionnels?

M. John Grace: Dans des cas exceptionnels. Comme je l'ai dit tout à l'heure, au cours de l'année écoulée, qui fait l'objet du rapport, nous n'avons eu aucun cas de destruction. L'année d'avant, il y en avait eu trois. C'étaient trois grosses affaires. On a dit également qu'il y en avait eu un cas au ministère des Transports.

M. John Maloney: Trois cas sur combien?

M. John Grace: Nous avons été saisis de 1 500 plaintes. Nous ignorons combien de documents ont été détruits sans que personne ne s'en aperçoive, mais quelque 15 000 demandes d'accès ont été présentées. De ces 15 000 demandes, 1 500 ont donné lieu à des plaintes à mon bureau. Les enquêtes ont mis au jour seulement trois cas connus de destruction de documents.

Je ne pense donc pas que ce soit courant. Je n'essaie nullement d'éviter de répondre à votre question, mais je peux dire que ce qui m'inquiète plus que la destruction, c'est de voir certaines personnes se vanter de ne jamais rien mettre par écrit pour éviter l'accès à l'information.

M. John Maloney: Pas de documents.

M. John Grace: Pas de documents. J'ai recommandé—le comité voudra peut-être y réfléchir—que les décisions soient consignées par écrit.

Soit dit en passant, les Britanniques sont sur le point d'adopter une loi qui permettra de remédier au problème de la façon suivante. Ils proposent d'appliquer la loi non seulement aux documents écrits, mais à tout ce qui se trouve dans la tête de quelqu'un. On pourra demander des renseignements dont on a des raisons de croire qu'ils sont gardés en mémoire par une personne. Il faut prendre des décisions et, bien qu'elle soit extrême, c'est là la mesure proposée.

Pour revenir maintenant à votre question. Si un employé subalterne recevait l'ordre de son sous-ministre de détruire ses dossiers, il est évident que le blâme serait partagé.

Je ne pense pas que nous devrions réagir de façon exagérée, mais par contre, la destruction de dossiers met tellement en cause l'essence même de cette loi que nous devrions manifester vigoureusement notre répugnance si jamais une telle chose se produisait. Mais ce n'est pas chronique.

M. John Maloney: Le coordonnateur de l'accès à l'information devrait-il être indépendant du fonctionnement d'un ministère?

M. John Grace: Eh bien, c'est une bonne question, ça aussi. J'ignore comment cela fonctionnerait. Nous encourageons certainement les coordonnateurs à être professionnels, mais ils sont après tout des employés d'un ministère et ils sont déchirés par la loyauté que beaucoup d'entre eux ressentent envers l'accès à l'information. Ils deviennent de fervents partisans de l'accès. Ils sont donc déchirés entre cette loyauté et leur loyauté envers leurs ministères respectifs.

J'ai déjà écrit une lettre à une coordonnatrice pour la remercier d'avoir fait du très bon travail. En fait, c'était à l'époque où j'étais commissaire à la protection de la vie privée. Il m'avait semblé que c'était une bonne initiative. Elle a commis l'erreur de montrer cette lettre à son patron, lequel lui a dit qu'il se demandait si elle travaillait pour John Grace ou pour lui.

C'est une attitude qui est encore répandue, mais les coordonnateurs devraient être le plus indépendants possible. Je pense que ce sont des gens terriblement importants. Ils voient le tableau d'ensemble du ministère. Cela devrait être une étape favorable à la carrière d'un employé que d'être coordonnateur pendant un certain temps.

M. John Maloney: Mais comment voyez-vous l'objectivité et l'impartialité?

M. John Grace: Chez les coordonnateurs?

M. John Maloney: Actuellement.

M. John Grace: Il y a de très bons coordonnateurs et il y en a d'autres avec lesquels nous éprouvons des problèmes. Mais dans l'ensemble, nous les rencontrons et travaillons avec eux. On peut compter peut-être sur les doigts d'une seule main ceux qui nous causent des problèmes.

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M. Alan Leadbeater: Quand il y a des problèmes avec les coordonnateurs, le problème se situe habituellement au niveau des cadres supérieurs. Les coordonnateurs comprennent dans quelle situation ils se trouvent. Si on les récompense pour avoir la manie du secret, cela ne peut qu'accentuer cette manie.

M. John Maloney: Merci.

La présidente: Monsieur Lee.

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci. Je ne voulais pas que la séance se termine sans que j'aie eu personnellement l'occasion de faire part de mes réflexions à M. Grace. C'est ma dixième année au Parlement et M. Grace est en poste depuis que j'ai été élu.

Je voulais vous dire que du point de vue d'un parlementaire, vous et votre bureau vous êtes constamment comportés de façon professionnelle, depuis le début. Je vous en félicite.

C'est un poste où l'on peut subir de temps à autre des pressions politiques, et vous avez maintenu constamment une attitude équitable en représentant les objectifs du Parlement et du bon gouvernement. Je voulais le signaler et vous en remercier.

Je n'ai par ailleurs aucune question difficile à vous poser.

M. John Grace: Merci, monsieur. Vos propos me vont droit au coeur.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Grace, et félicitations pour votre prochaine aventure, quelle qu'elle soit.

M. John Grace: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Leadbeater.

M. Alan Leadbeater: Merci.

La présidente: La séance est levée.