JURI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS
COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 février 1999
Le président (M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.)): Monsieur Reynolds, nous allons d'abord traiter d'une motion qui a été déposée et nous passerons ensuite à vous. Nous ne prendrons pas trop de temps, je l'espère.
Monsieur Cadman, vous vouliez présenter une motion.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Réf.): Oui. Je vous remercie, monsieur le président.
Comme suite à la lettre envoyée le 10 février 1999 par le premier ministre de la Colombie-Britannique et le procureur général de la Colombie-Britannique au premier ministre du Canada et à la ministre de la Justice et procureur général du Canada (copie ci-jointe) et étant donné les intérêts et les préoccupations de tous les Canadiens concernant l'invasion de domicile, je propose que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne examine immédiatement le phénomène de l'invasion de domicile en vue de: souligner jusqu'à quel point le Parlement considère comme graves l'invasion de domicile et l'effet de terreur qu'elle exerce sur les occupants; et modifier le Code criminel de manière à faire de l'invasion de domicile un facteur aggravant devant être pris en compte dans la détermination de la peine à infliger sur condamnation relative à toute infraction en résultant; ou si nécessaire, modifier le Code criminel afin de créer une nouvelle infraction.
• 0945
Monsieur le président, le problème de l'invasion de domicile
a pris l'ampleur d'une épidémie en Colombie-Britannique. Il y a
même eu un meurtre qui en a résulté, c'est-à-dire que nous savons
qu'il y en a eu au moins un. Il y a à peine deux semaines, un juge
de Victoria a imposé une peine de 14 ans d'emprisonnement à un
jeune de 21 ans qui a participé à une invasion de domicile. Nous
sommes certains que la peine fera l'objet d'un appel. Je sais qu'il
en sera ainsi.
Je propose cette motion parce que la question préoccupe les citoyens de la Colombie-Britannique, et le reste du Canada également, je pense, car nous entendons certainement dire que c'est devenu un véritable fléau à Toronto et dans les autres grands centres urbains.
Il s'agit de bien plus que de simples introductions par effraction. Il y a des gens qui pénètrent dans des maisons et dans bien des cas ils ne volent rien, ils le font simplement pour avoir une impression de contrôle. Ces gens entrent par effraction et terrorisent des personnes âgées et des familles. C'est une question que nous devons examiner.
Je sais que le temps du comité est précieux, mais c'est une motion que je tiens à déposer et je pense que nous devrons discuter un jour de cette question, car le premier ministre de la Colombie-Britannique et le procureur général de cette province veulent des conseils et de l'aide au sujet de cette question.
Je m'en tiendrai à cela.
Le président: Quelqu'un veut-il faire des observations sur la motion?
Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.
Nous comprenons certainement les préoccupations de M. Cadman en ce qui concerne les invasions de domicile, et c'est une préoccupation qui ne se limite pas à la Colombie-Britannique, on la ressent dans toutes les régions du pays. Un cas en particulier a fait la manchette à Toronto. Il ne s'agissait pas réellement d'une invasion de domicile, mais plutôt de l'enlèvement en pleine rue d'un avocat bien connu de Toronto.
Cependant, nous avons une copie de la lettre du premier ministre et du procureur général de la Colombie-Britannique, une lettre déjà parvenue au premier ministre et à la ministre de la Justice. C'est peut-être un peu bête de dire cela, mais il faut tenir compte du temps dont dispose le comité et de sa charge de travail. Comment pourrons-nous parvenir à faire tous les travaux que la Chambre nous envoie, comme la Loi sur les jeunes contrevenants, que nous nous attendons à recevoir bientôt et qui représente une importante tâche législative que le comité devra entreprendre?
Il est vrai que cette question nécessite certainement un examen, mais je ne vois pas comment le comité pourrait l'inclure dans son programme à l'heure actuelle. Les choses sont déjà enclenchées, étant donné l'intervention du premier ministre et du procureur général de la Colombie-Britannique, et je pense que c'est la bonne façon de s'occuper de cette question.
Le président: Quelqu'un a-t-il d'autres observations?
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Je ne veux pas discuter du bien-fondé de la motion, parce que j'accepte en tout point ce que M. Cadman a dit, mais je me demande s'il accepterait un amendement à sa motion pour supprimer le mot «immédiatement». Ainsi, nous inscririons cette question sur la liste des autres sujets importants et nous pourrions l'étudier, comme le dit souvent la ministre de la Justice, «en temps opportun», peut-être après notre étude de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, de la conduite avec facultés affaiblies, et de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est une option que je propose.
M. Chuck Cadman: Je n'ai pas de difficulté à accepter cela, monsieur le président. Je répète que je comprends; je suis pleinement conscient de notre charge de travail. J'estime seulement que nous devrions examiner cette question, pas nécessairement dès demain, mais dans un avenir relativement rapproché. Je n'ai cependant pas de difficulté à accepter cet amendement.
Le président: Est-ce un amendement? L'avez-vous proposé, monsieur MacKay?
M. Peter MacKay: Oui.
Le président: Bien.
Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos (Ahuntsic, Lib.): Je tiens simplement à dire, monsieur le président, que la ministre est constamment en contact avec le procureur général de la Colombie-Britannique, et que cette question figurera à l'ordre du jour des prochaines discussions fédérales-provinciales.
Je conseillerais que nous attendions qu'il y ait eu plus de discussions entre les procureurs généraux et la ministre. S'il le faut, je suis persuadée que la ministre sera disposée à revenir au comité nous dire d'étudier cette question, mais pour l'instant, il serait un peu prématuré d'agir, surtout étant donné les discussions qui se poursuivent entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial sur cette question.
Le président: Monsieur Reynolds.
M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Réf.): J'ajouterai seulement que nous ne devons pas toujours attendre que le gouvernement nous dise que nous devrions faire quelque chose ou qu'il pense que nous devrions le faire. Si le comité estime que c'est une question importante, je peux accepter la suggestion de mon collègue du Parti conservateur de supprimer le mot «immédiatement», mais disons à la population que le comité va examiner cette question en temps opportun. Nous avons en effet d'autres questions à examiner, et je ne vois donc pas pourquoi nous devrions attendre que le gouvernement dise au comité ce qu'il devrait faire.
Le président: Monsieur Saada.
M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'allais seulement présenter le même argument que Mme Bakopanos. Il y a un processus qui existe. C'est bien beau de montrer que la question nous préoccupe, et il est très bien de le faire, mais nous devrions éviter les dédoublements.
• 0950
Il y a un processus qui existe pour examiner la question. Si
cela ne se fait pas, nous devrions en effet nous en occuper, mais
la question sera examinée.
Le président: Monsieur Harris.
M. Dick Harris (Prince George—Bulkley Valley, Réf.): Je veux parler en faveur de la motion telle qu'elle pourrait être modifiée par la suppression du mot «immédiatement».
Il incombe au comité d'adopter cette motion pour montrer l'intérêt que le Comité de la justice porte à la question. Si la motion est adoptée, la ministre sera prévenue que le comité l'a adoptée et nous pourrions peut-être demander qu'elle nous fasse part de son opinion sur la question et peut-être même de nous expliquer exactement ce qu'elle pense faire à ce sujet.
Le président: Monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: M. Reynolds a dit que le comité ne devait pas toujours attendre que le gouvernement lui dise quoi faire, mais c'est plutôt le contraire, car tout ce que le comité recommande doit passer par le processus législatif et le gouvernement se trouve alors en mesure de donner son opinion. L'opposition n'aime peut-être pas cette situation, mais...
En outre, l'inscription d'une foule de travaux à l'ordre du jour du comité sans préciser d'échéances ne me semble pas être la meilleure façon de procéder, monsieur le président. Nous ne serions pas vraiment honnêtes face à la population si nous disions que nous allons examiner toutes les questions du jour, les accumulant dans le programme du comité sans avoir vraiment la possibilité de le faire. Ce n'est pas ainsi que le comité devrait fonctionner.
Le président: Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Je répondrai au député, ainsi qu'à Mme Bakopanos et à M. Saada, que d'inscrire un sujet au programme est une chose. Nous ne fixons pas d'échéance.
Je suis fort conscient de notre programme très chargé. Cependant, si rien ne ressort des discussions entre la ministre et les gouvernements provinciaux et territoriaux à ce sujet, nous aurions au moins le mandat d'examiner la question. Dans le cas contraire, s'il y a des résultats qui répondent aux préoccupations exprimées par M. Cadman dans sa motion, nous pouvons simplement enlever la question de notre programme
Le président: Monsieur Alcock.
M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas avec certitude qui a le mérite de ce dicton, les Chinois ou les Indiens d'Amérique du Nord, mais ne dit-on pas qu'il ne faut pas courir deux lièvres à la fois?
Le problème que je vois dans cette façon particulière de procéder, c'est qu'on soutienne d'une part vouloir examiner ici des questions d'intérêt public importantes en toute objectivité politique, mais nous nous retrouvons avec un si grand nombre de dossiers que le comité ne pourra jamais les examiner tous d'une manière responsable. Toute personne raisonnable qui nous regarde faire nous demandera à quelle question nous accordons la priorité. Nous en avons une foule.
Il y a donc lieu de se demander pourquoi il en est toujours ainsi. Est-ce parce que nous voulons vraiment avoir la possibilité de discuter de ces questions, ou est-ce simplement parce que vous voulez que nous, de ce côté-ci de la Chambre, rejetions votre demande afin que vous puissiez ensuite dire que nous sommes en faveur des invasions de domicile ou de la pornographie juvénile, par exemple? Je dois vous dire que je trouve cela un peu stupide.
Notre comité a un programme de travail très sérieux comportant de très grandes questions qui préoccupent M. Cadman et les autres membres du comité, comme la Loi sur les jeunes contrevenants et la conduite avec facultés affaiblies. Il y a une limite à ce que nous pouvons faire. La secrétaire parlementaire a signalé que la ministre était saisie de la question et que le ministère s'en occupera et s'adressera à nous s'il estime qu'il faut apporter des changements législatifs.
La suggestion de M. MacKay est utile au moins parce qu'il dit que nous reconnaissons tous que personne dans cet édifice n'est en faveur des invasions de domicile et que nous y voyons tous un problème grave. La question est celle-ci: que pouvons-nous sérieusement faire?
Je n'accepte tout simplement pas ce qu'on dit être les raisons pour lesquelles vous faites de telles propositions.
Merci.
Le président: Bien. Ce sera la dernière observation que nous entendrons et nous mettrons ensuite la question aux voix.
Je vous en prie, monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman: Je suis vexé qu'on dise que je suis stupide parce que je formule cette proposition. Je suggérerais au député de participer à certaines des réunions qui se déroulent à Vancouver-Est et à Surrey, en Colombie-Britannique, où l'on peut entendre des personnes âgées très préoccupées parce qu'elles ont maintenant peur d'ouvrir leurs portes le soir. Ce n'est pas stupide. C'est une réponse à leur appel.
M. Reg Alcock: C'est la même chose à Winnipeg, à Toronto et à Montréal.
M. Chuck Cadman: Certainement. C'est ce que j'ai dit. Le phénomène s'étend à l'ensemble du Canada. On le voit partout dans le pays. Je soulève la question parce que mes électeurs me l'ont demandé et que cela fait partie de mes responsabilités. Je ne vois rien de stupide en cela.
• 0955
Si le comité ne veut pas examiner la question, tant pis; qu'il
en soit ainsi. Je comprends que nous avons une lourde charge de
travail. Je suis pleinement conscient de cette charge de travail.
Je pense seulement que nous devrions au moins montrer à la
population du Canada que la question préoccupe le comité.
M. John Reynolds: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Monsieur Alcock, je suis tout à fait disposé à participer à deux réunions par jour, à n'importe quelle heure, pour discuter de certaines de ces questions. Nous savons quelles sont importantes et les membres de notre parti seront présents. Augmentez le nombre de réunions du comité autant que vous voulez.
Une voix: Que pensez-vous du samedi matin?
Le président: Je mets aux voix l'amendement. L'amendement vise à supprimer le mot «immédiatement».
Une voix: C'était un amendement à l'amiable.
- (L'amendement est adopté)
Le président: Je mets aux voix la motion principale telle que modifiée.
Une voix: Je demande un vote par appel nominal.
- (La motion telle que modifiée est rejetée par sept voix contre
cinq)
Le président: Nous pourrions peut-être maintenant passer à nos témoins.
Tamra Thomson et Heather Perkins-McVey, je vous remercie beaucoup d'être venues. Je crois que vous avez un exposé à nous faire. Vous disposez d'une dizaine de minutes, après quoi nous aurons une période de questions et réponses. Je vous en prie.
Mme Tamra L. Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Merci, monsieur le président.
L'Association du Barreau canadien témoigne fréquemment devant votre comité. C'est notre première comparution depuis le décès vraiment tragique de votre ancienne présidente, Shaughnessy Cohen. Nous tenons à vous dire que son zèle pour la justice et sa joie de vivre nous manqueront. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur le président, et nous serons heureuses de continuer de travailler avec votre comité.
Le président: Merci. Shaughnessy nous manque aussi à tous.
Mme Tamra Thomson: L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 35 000 juristes du Canada. Ses principaux objectifs comprennent l'amélioration du droit et l'amélioration de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous témoignons devant vous aujourd'hui.
Nous sommes ici au nom de la section nationale de droit pénal de l'Association du Barreau canadien. Cette section est composée des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense du pays, ce qui confère à la section un point de vue très équilibré sur les aspects juridiques de ces questions.
Je demanderai à ma collègue, Heather Perkins-McVey, de vous présenter les faits saillants de la lettre qu'on vous a remise au nom de l'Association du Barreau canadien, et nous serons ensuite heureuses de répondre à vos questions.
Mme Heather E. Perkins-McVey (vice-présidente, Section nationale de droit pénal, Association du Barreau canadien): Bonjour.
Au sein de l'exécutif de la section de droit pénal, nous avons discuté longuement des questions abordées dans votre document et nous avons préparé la lettre du 16 février que nous vous avons remise.
Les peines prévues actuellement au Code criminel vont assez loin dans le sens de l'opinion publique sur la gravité des diverses infractions visées. Il faut particulièrement noter que les dispositions actuelles du Code criminel prévoient seulement des peines minimales et que des peines plus sévères peuvent être imposées en fonction de chaque situation.
Les dispositions actuelles du Code criminel donnent aux juges plein pouvoir pour imposer de longues peines d'emprisonnement lorsque les circonstances le justifient. D'après l'expérience des procureurs de la Couronne et de la défense du pays, il est très clair que les juges ont compris le message et que les tendances actuelles en matière d'imposition des peines à des contrevenants lors de cas de conduite avec facultés affaiblies vont plutôt vers l'imposition de longues peines d'incarcération, en particulier dans les cas qui ont abouti à un accident causant des lésions corporelles ou la mort.
• 1000
Nous constatons que les juges imposent des peines dissuasives,
et nous ne devrions pas restreindre le pouvoir discrétionnaire des
juges en matière de détermination de la peine. Étant donné qu'une
peine minimale est prescrite, il ne peut même pas y avoir de
condamnation à l'emprisonnement avec sursis pour ce type
d'infraction. Les juges imposent au besoin des peines
d'emprisonnement dissuasives.
Nous reconnaissons que les dispositions actuelles du Code criminel concernant l'interdiction de conduire permettent d'imposer des suspensions de permis de conduire pour des périodes supérieures à 10 ans seulement dans les cas de négligence entraînant la mort et d'homicide involontaire. Nous reconnaissons qu'il y a d'autres infractions—la conduite dangereuse entraînant la mort, la conduite avec facultés affaiblies entraînant la mort et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, notamment—pour lesquelles le Parlement pourrait examiner la possibilité de conférer aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d'imposer des interdictions dépassant 10 ans lorsque les circonstances le justifient. Nous pensons que c'est nécessaire si les études qu'on vous a remises établissent un lien entre la suspension du permis de conduire et une réduction du nombre d'infractions.
Nous reconnaissons aussi que la limite de trois ans à la durée d'une suspension de permis de conduire pour un contrevenant récidiviste n'est peut-être pas suffisante, et nous recommandons que le pouvoir discrétionnaire des juges soit élargi de façon à interdire à une personne de conduire pour des périodes prolongées, surtout lorsqu'il s'agit de contrevenants récidivistes.
Il importe de noter, toutefois, que les provinces, par le biais de leur pouvoir de suspension du permis, ont déjà imposé de longues suspensions à des récidivistes. Je sais qu'en Ontario, par exemple, un contrevenant qui en est à sa troisième infraction peut faire l'objet d'une suspension indéfinie.
Nous reconnaissons aussi que, dans le cas des contrevenants ayant un problème sérieux d'alcoolisme ou de toxicomanie, des peines plus lourdes ne sont probablement pas la solution. Dans leur cas, l'impossibilité de conduire peut être suffisamment dissuasive et permettre de protéger le public en rehaussant la sécurité sur nos routes.
De plus, les lois fédérales, les dispositions du Code criminel, doivent être appliquées uniformément à l'échelle du pays. Il incombe aux tribunaux et à la Cour suprême de déterminer ce qui est indiqué selon les circonstances.
Par ailleurs, nous estimons qu'obliger des personnes à fournir un échantillon serait une forme d'ingérence trop grande dans leur vie privée. S'il existe des motifs de croire aux facultés affaiblies—comme vous le savez, il suffit de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme du conducteur pour lui ordonner qu'il subisse un alcootest routier—les dispositions actuelles permettent de procéder au dépistage de la façon la moins envahissante possible. Les dispositions permettant une demande fondée sur des motifs raisonnables et probables sont constitutionnellement valides; elles méritent d'être sanctionnées du fait qu'elles empiètent beaucoup moins sur les droits.
En ce qui a trait au temps prescrit par le Code criminel, une période de deux heures suffit pour présumer que l'alcool contenu dans le sang du conducteur au moment du test équivaut à celui qu'il avait lorsqu'il a pris le volant, selon les données de la science dans ce domaine. Au-delà de deux heures, la Couronne peut encore faire la preuve de ce qu'elle avance par le biais d'une preuve d'expert qui déduit le taux d'alcool en le faisant remonter au moment de la conduite.
Il faudrait spécifier que la participation obligatoire à ces méthodes de dépistage n'équivaut pas à de l'auto-incrimination et qu'elle ne peut être utilisée que comme justification pour exiger des échantillons d'haleine ou de sang.
Nous recommandons en outre de prescrire une limite de temps précise pour l'administration de ces tests, plutôt que de conférer uniquement à la police la vague obligation de mener le test de dépistage immédiatement. Des doutes subsistent quant au laps de temps durant lequel la police peut attendre avant l'arrivée d'un appareil de dépistage accrédité.
• 1005
Selon nous, il n'est pas nécessaire de fournir à la police des
pouvoirs élargis pour détecter le taux d'alcoolémie. Cependant, le
Code criminel ne contient aucune disposition autorisant une demande
pour facultés affaiblies en cas de consommation de drogues
uniquement. Et nous sommes d'avis qu'il faudrait adopter ce type de
disposition. À l'heure actuelle, seul le paragraphe 258(5) traite
du dépistage de drogues.
Nous estimons donc qu'il faudrait une disposition de ce genre. Nous exhortons le gouvernement, lorsqu'il décidera de concevoir une méthode de dépistage de la consommation de drogues, à accorder une attention considérable aux questions de vie privée en jeu et à recourir aux garanties adéquates pour protéger ces droits.
Il importe de noter que, du point de vue scientifique, nous avons un appareil, l'ivressomètre, qui permet de dépister rapidement et facilement l'alcool. Aucun dispositif de ce genre n'existe pour les drogues, qui ne peuvent être dépistées que par le biais d'une analyse de sang.
La section nationale de droit pénal n'approuve pas le projet d'abaisser à moins de 0,08 la limite légale du taux d'alcoolémie. Selon notre expérience, le contrevenant aurait plus de facilité à présenter une preuve à l'effet contraire si l'infraction se fonde sur des taux d'alcoolémie réduits. La plupart des accusations seraient déposées, mais ensuite abandonnées, ou aboutiraient à un verdict d'acquittement, ce qui ne ferait que bloquer le système de justice sans pour autant atteindre l'objectif visé.
Au lieu d'abaisser la limite, il serait plus judicieux d'adopter une procédure administrative en vertu de laquelle la police routière serait autorisée à suspendre temporairement, soit environ de 48 à 72 heures, le permis des conducteurs qui présentent un taux d'alcoolémie supérieur à 0,05. Ceci s'appliquerait également aux conducteurs qui refusent de subir un alcootest ou de répondre aux questions relatives à leur état d'ivresse.
Une fois que les substances corporelles ont été obtenues selon les prescriptions de la loi, la police devrait pouvoir utiliser ces substances pour n'importe quel test destiné à déterminer l'état ou la condition de la personne. Nous n'approuvons cependant pas les tests de dépistage de toutes les personnes impliquées dans un accident grave. Le dépistage automatique dans ce type de situation pourrait compliquer l'administration d'un traitement médical d'urgence, de même qu'il porterait atteinte à la présomption d'innocence.
Bien que le fait d'habiliter la police à obliger la production de substances corporelles après la survenue d'accidents graves puisse être critiquable, il faudrait envisager l'adoption d'une méthode qui permettrait aux agents de police d'avoir accès aux dossiers existants dans ces situations. Il est à noter que certains services de police le font déjà en exécutant des mandats de perquisition pour avoir accès aux dossiers médicaux des personnes dont ils soupçonnent qu'elles avaient les facultés affaiblies par l'alcool au moment de l'infraction.
Demander une évaluation pour tous les conducteurs avec les facultés affaiblies épuiserait des ressources déjà limitées et s'avérerait impraticable. Il faudrait cependant mettre des ressources à la disposition des tribunaux en vue d'ordonner une évaluation des récidivistes ainsi que des contrevenants souffrant manifestement de problèmes d'alcool. Une évaluation devrait aussi être exigée pour ceux et celles qui ont été condamnés pour des infractions plus graves de conduite avec facultés affaiblies, à savoir la conduite avec facultés affaiblies causant la mort et la négligence criminelle causant la mort ou des lésions corporelles.
L'article réservé aux sanctions pour conduite avec facultés affaiblies devrait être modifié de façon à conférer une plus grande souplesse dans la détermination de la peine, de façon à permettre d'adapter plus aisément la sanction au crime commis. Nous avons indiqué dans notre mémoire que les tribunaux devraient peut-être disposer d'une plus grande marge de manoeuvre dans l'imposition des interdictions.
Nous donnons l'exemple du Québec, où on peut faire installer, à l'expiration de l'interdiction de trois mois, un appareil faisant en sorte que le véhicule ne démarre que si l'haleine du conducteur est dépourvue d'alcool. Je crois savoir que ce système de blocage de l'allumage est également utilisé en Alberta et il peut s'ajouter à une suspension du permis ordonnée par le tribunal.
• 1010
Hélas, cet appareil n'est pas disponible à une échelle
uniforme étant donnée que les frais de location, d'installation et
de calibrage mensuel sont inabordables pour la plupart. Des mesures
inédites et créatrices de ce type pourraient empêcher des personnes
de perdre leurs moyens de subsistance dans des cas relativement
moins graves.
Si un conducteur a un taux d'alcoolémie de 0,089 et qu'il n'a pas provoqué d'accident—il a été arrêté à un barrage routier dans le cadre du programme RIDE—, la suspension d'un an du permis de conduire qui est habituellement imposée peut avoir de graves conséquences et même amener le conducteur à perdre son emploi. Dans le Code criminel, on prévoit une interdiction de trois mois; par la suite, on peut penser à des mesures novatrices qui permettront au contrevenant de continuer à conduire tout en protégeant le public en garantissant que cette personne ne peut conduire que si son taux d'alcoolémie est nul.
D'après notre expérience en la matière, une gradation des peines existe déjà, puisque les amendes imposées par les tribunaux reflètent en général le taux d'alcoolémie du contrevenant en l'espèce, tout en tenant compte des autres circonstances de la cause et de sa solvabilité. Des peines graduelles codifiées selon le taux d'alcoolémie dans le sang seraient cependant difficiles d'application, à l'instar d'autres facteurs, tels que les symptômes physiques et l'importance du dommage causé.
Pour que l'équité règne, il faut que les tribunaux continuent de disposer d'une marge de manoeuvre pour imposer une peine qui prenne en compte tous les faits ainsi que les antécédents de l'accusé. Le taux d'alcoolémie dans le sang, dans les causes où le dépistage indique 0,08, et l'importance des symptômes reliés à l'alcool, dans les cas de conduite avec facultés affaiblies, continueront de peser dans la balance de façon déterminante lors de la détermination de la peine. Je n'ai jamais entendu parler d'un tribunal n'ayant pas imposé de peine plus lourde à celui dont l'alcoolémie était de 0,9 par opposition à 0,25. Plus l'alcoolémie est élevée, plus les symptômes sont graves et plus la peine est lourde.
Si le but visé par une législation relative à la conduite avec facultés affaiblies est de protéger le public et de veiller à ce que la route soit sécuritaire, alors il serait plus avantageux de consacrer ces sommes d'argent à la réhabilitation et à la formation plutôt que de mettre les gens en prison. Nous constatons que plus le public est conscient des conséquences de la conduite en état d'ébriété, plus les chiffres de Statistique Canada relatifs à des cas de conduite avec facultés affaiblies diminuent de manière significative.
Selon nous, les dispositions relatives à l'absolution conditionnelle pour traitements curatifs prévues au Code criminel devraient exister de façon uniforme dans toutes les provinces comme moyen d'assister les personnes souffrant de problèmes d'alcool et devraient être élargies pour permettre aux tribunaux d'imposer des peines additionnelles.
L'article du Code criminel sur l'absolution conditionnelle pour cure de désintoxication s'applique comme dans tout autre cas de condamnation avec sursis: l'accusé n'a pas de casier judiciaire, mais le tribunal peut imposer jusqu'à trois ans de probation accompagnés de conditions parfois très strictes, habituellement une cure de désintoxication obligatoire et des limites à la conduite automobile. Seulement, l'accusé n'aura pas de casier judiciaire.
Nous constatons également l'incongruité inhérente aux dispositions relatives à l'absolution conditionnelle pour traitements curatifs, qui autorisent la libération du contrevenant si l'on reconnaît la nécessité du traitement, ce qui permet à un alcoolique de bénéficier de cette disposition, tandis que le contrevenant pris, pour la première fois, qui n'a pas de problème d'alcool et qui commet une infraction isolée dans des circonstances particulières, ne peut lui s'en prévaloir. On voudra peut-être régler ce problème lors d'un examen de cette disposition du Code.
Selon nous, le Code ne contient pas suffisamment de dispositions relatives au traitement et à la réhabilitation des conducteurs avec facultés affaiblies. Nous savons tous que la famille de la victime est durement éprouvée, mais il est juste de dire qu'en général, la conduite avec facultés affaiblies causant la mort ou des blessures graves est un événement qui marque la vie du contrevenant en cause pour le reste de ses jours. Nous estimons qu'un engagement à entreprendre des traitements rigoureux devrait constituer un facteur atténuant lors de la détermination de la peine.
• 1015
Contrairement à la plupart des autres actes criminels, l'abus
d'intoxicants est souvent sous-jacent à ces infractions. Certes,
une peine légère assortie d'un traitement peut s'avérer
insuffisante, mais les récidivistes ne devraient pas être exclus
systématiquement des bienfaits d'un traitement tout en se voyant
imposer une peine méritée et convenant à leur cas spécifique. Comme
je l'ai indiqué, ce sont les dispositions actuelles du Code
criminel qui permettent aux juges d'imposer une période de
probation outre les peines prévues qui servent à cela.
En ce qui a trait à la compétence des tribunaux, les cours provinciales ne devraient pas exercer une compétence absolue sur les infractions pour conduite avec facultés affaiblies. Si la Couronne doit monter un dossier pour une infraction de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, par exemple, de graves peines peuvent être imposées. Parfois—et je dirais même, depuis quelque temps, souvent—, des peines d'emprisonnement sont imposées aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles.
Étant donné cette éventualité, l'accusé devrait disposer d'un droit à l'enquête préliminaire, afin que la preuve soit examinée de façon exhaustive, et, s'il le souhaite, devrait pouvoir choisir un procès par jury. Étant donné que 90 p. 100 ou plus des cas de ce type sont à présent tranchés par une cour provinciale, nous ne voyons pas la nécessité de modifier le Code criminel à cet égard.
Ce sont là nos vues sur les questions que vous avez soulevées. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Merci, monsieur le président.
Merci de votre exposé. J'aimerais avoir votre opinion sur une chose. Dès qu'on peut obtenir son permis de conduire, à 16 ans ou plus tard, croyez-vous qu'il soit possible de ne pas savoir que c'est une infraction grave que de conduire après avoir bu? Croyez-vous qu'il soit le moindrement possible qu'on ignore cela?
Mme Heather Perkins-McVey: Je crois que tout le monde le sait. Les campagnes actuelles de sensibilisation qui sont menées dans les écoles disent clairement que c'est une infraction très grave dont il ne faut pas se rendre coupable.
De plus, je crois savoir que dans la plupart des provinces, du moins en Ontario, on prévoit l'accès graduel au permis de conduire et qu'on ne tolère aucune quantité d'alcool dans l'organisme des nouveaux conducteurs. Ces conducteurs novices ne peuvent donc pas profiter de ces dispositions du Code criminel. Si on constate qu'ils ont la moindre quantité d'alcool dans leur organisme, leur permis est automatiquement suspendu pour une période de trois mois.
M. Dick Harris: Je pense que nous nous entendons tous pour dire qu'aucun conducteur au Canada ignore que la conduite en état d'ébriété est une infraction très grave qu'il ne faut pas commettre. Cela dit, je me demande pourquoi nous entendons des témoignages selon lesquels...
Vous avez dit deux ou trois choses qui m'amènent à me demander pourquoi nous agissons ainsi. Vous avez d'abord dit qu'un test obligatoire constituerait une ingérence trop grande. Je ne suis pas avocat, alors, peut-être pourriez-vous m'expliquer cela. Par exemple, si un policier soupçonne quelqu'un de marcher dans la rue avec une arme sur lui, a-t-il le droit de l'arrêter et de le fouiller?
Mme Heather Perkins-McVey: Vous dites que le policier soupçonne quelqu'un de porter une arme. Vous avez employé le terme «soupçonne».
M. Dick Harris: Oui.
Mme Heather Perkins-McVey: Si le policier a des motifs probables et raisonnables de croire que quelqu'un porte une arme ou a commis une infraction ou est sur le point d'en commettre une, il a le droit de l'arrêter et de lui demander ses papiers et, si nécessaire, s'il a les motifs pour le faire, de le fouiller.
M. Dick Harris: Donc, il pourrait effectuer une fouille. Par conséquent, il me semble que si un policier a des motifs raisonnables de croire qu'un conducteur a bu, rien ne devrait l'empêcher d'exiger qu'il subisse un alcootest routier.
Mme Heather Perkins-McVey: Et rien ne l'empêche de le faire.
M. Dick Harris: Rien ne l'empêche de le faire?
Mme Heather Perkins-McVey: Si le policier a des motifs raisonnables de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme du conducteur, il a le droit non seulement d'exiger que le conducteur subisse un alcootest routier, mais aussi qu'il l'accompagne au poste de police pour se soumettre au test de l'ivressomètre.
M. Dick Harris: Oui, mais d'après les témoignages que nous avons entendus, il semble que ce qui se passe à l'heure actuelle...
Disons que le conducteur en question avait une alcoolémie supérieure à la limite légale et que des poursuites sont intentées. Il semble que c'est à ce moment que les problèmes commencent. Les tribunaux ont tendance à imposer des responsabilités énormes aux policiers et à la Couronne, qui doivent prouver que le policier avait des motifs raisonnables et probables de faire subir le test, peu importe le résultat de ce test. Même si l'alcoolémie du conducteur était de 2,0, des procureurs de la Couronne nous ont déclaré qu'ils avaient perdu de nombreuses causes parce que le policier avait oublié un mot dans son témoignage, n'avait pas suivi toutes les étapes ou avait oublié de prendre une chose en note.
Les résultats de l'alcootest semblent n'avoir aucune pertinence pour les tribunaux, qui, semble-t-il, accordent davantage de poids au témoignage de l'accusé qu'à celui de la Couronne. Comment pouvons-nous corriger cette situation? Comment régler ce problème?
Évidemment, les avocats de la défense préfèrent le statu quo, car cela leur donne du travail, mais nous voulons sauver des vies et prévenir des blessures.
Mme Heather Perkins-McVey: Je m'inquiète du fait que vous ayez généralisé au point de parler des tribunaux en général. Nous pouvons tous trouver des cas bien précis où des erreurs ont été commises, mais je ne crois pas qu'on puisse généraliser ainsi à partir de ces quelques cas.
Pour ma part—et je devrais peut-être vous préciser que je suis avocate de la défense—, je ne crois pas que les tribunaux rejettent régulièrement des accusations de conduite avec facultés affaiblies parce que quelqu'un a oublié un mot ici ou là. Les juges ne font cela que s'il y a eu violation grave des droits de l'accusé, une violation telle qu'elle jetterait le discrédit sur l'administration de la justice.
M. Dick Harris: Sauf votre respect, nous avons entendu la semaine dernière un procureur de la Couronne qui nous a dit que cela ne se produisait pas de temps à autre, mais que c'était plutôt la norme, du moins dans les causes dont il s'est occupé.
Mme Heather Perkins-McVey: J'aimerais bien voir les statistiques à ce sujet, mais je ne crois pas que ce soit le cas. Les dispositions actuelles du Code criminel ne permettent certainement pas...
Nous formons nos policiers et je crois qu'ils sont beaucoup plus conscients des étapes à suivre. Ils ont tous une liste de vérification très précise qu'ils doivent utiliser pour s'assurer qu'ils ont suivi toutes les étapes, que les appareils sont bien calibrés et que les délais sont respectés.
Je ne pense pas qu'il y ait là des obstacles. Les dispositions actuelles nous confèrent les outils dont nous avons besoin pour assurer l'application de la loi.
M. Dick Harris: Vous avez dit que selon vous, les peines infligées particulièrement pour conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles graves ou la mort étaient appropriées dans la plupart des cas. Si j'ai bien compris, cela va de 0 à 14 ans d'emprisonnement pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
Il est vrai que dans certains cas—moins que je ne le souhaiterais—, le coupable reçoit une peine de six ou huit ans d'emprisonnement, mais la plupart du temps, vous devez reconnaître que c'est beaucoup moins sévère. Votre déclaration me paraît donc inexacte. Les statistiques démontrent que la plupart des peines se situent entre zéro et quatre ans de prison.
• 1025
Quant à savoir si la peine est appropriée, je vais vous citer
un cas. Un homme déjà condamné cinq fois pour conduite avec
facultés affaiblies, dont le permis a été suspendu à trois
reprises, brûle un feu rouge à haute vitesse et tue un père et ses
deux enfants. Il a été condamné à deux ans et demi de prison. Cela
vous paraît-il adéquat ou peut-on dire que ce genre de sentence est
approprié?
Mme Heather Perkins-McVey: Je n'ai pas été nommée à la magistrature et je n'ai pas le dossier sous les yeux pour pouvoir examiner tous les faits et toutes les circonstances, mais je peux vous dire qu'une peine de deux ans et demi d'emprisonnement est déjà un châtiment sévère et dissuasif. Je ne sais pas si vous avez été à l'intérieur d'un pénitencier, mais si vous passiez 24 heures à Millhaven, vous verriez que c'est sans doute suffisant pour dissuader qui que ce soit jusqu'à la fin de ses jours.
M. Dick Harris: Mais ce n'est pas dissuasif. Il y a quand même 1 400 personnes qui sont tuées chaque année par des chauffards ivres, par des récidivistes.
Mme Heather Perkins-McVey: Il faudrait également voir s'il existe des statistiques montrant que l'incarcération a véritablement un effet dissuasif. La question ne se pose pas particulièrement dans ce cas-ci, mais pour l'application du Code criminel en général.
M. Dick Harris: Que penseriez-vous si en plus d'une sentence adéquate, le coupable devait suivre avec succès un programme de rééducation avant de pouvoir faire une demande de libération conditionnelle?
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne vois rien de mal à cela. Malheureusement, les ressources dont dispose actuellement le système correctionnel ne permettent pas d'offrir ce genre de programme intensif.
À ma connaissance, certains des programmes les plus efficaces sont offerts dans la collectivité par les gens les plus touchés par ce genre d'infraction. À Ottawa, il y a un programme baptisé RIDO qui montre constamment des films sur les effets dévastateurs de la conduite en état d'ivresse. C'est un programme éducatif très convaincant.
Ce genre d'initiative semble avoir beaucoup plus de succès que les programmes offerts jusqu'ici dans les pénitenciers par l'entremise des Alcooliques Anonymes, de même que les programmes de traitement qui existent actuellement dans les prisons.
Les prisons n'ont pas ce genre de programme. On suppose que lorsqu'une personne est incarcérée, elle ne consomme plus d'alcool.
Le président: Merci, madame Perkins-McVey.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Vous ne semblez pas très favorables à un prolongement de la période de deux heures qui est actuellement accordée pour faire subir le test. Il est possible de présenter en preuve un test administré plus de deux heures après le fait, mais il y a alors un fardeau additionnel pour la Couronne puisqu'elle doit faire témoigner un expert. Évidemment, il est alors plus facile de semer le doute quant à la validité du test que lorsque l'échantillon a été prélevé à l'intérieur d'une période de deux heures. Plusieurs intervenants nous ont demandé de porter cette période à trois heures, par exemple, mais vous semblez peu favorables à cela, et j'aimerais savoir pourquoi.
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Je dois préciser que je ne suis pas une scientifique. Je ne suis pas une spécialiste de la consommation d'alcool ou toxicologue.
D'après les ateliers auxquels j'ai participé, pour ce qui est du test mesurant la consommation d'alcool, je crois que le délai de deux heures correspond au processus d'élimination. Cela tient compte des taux d'élimination biologique. Si ce test est fait trois heures plus tard, compte tenu du taux d'élimination, vous ne saurez pas exactement quelle était l'alcoolémie lorsque l'infraction a été commise.
[Français]
M. Pierre Brien: Je ne suis pas non plus un expert scientifique, mais si ma compréhension est bonne, cela ne jouerait qu'en faveur de l'accusé. Si, trois heures après l'accident, son taux se trouve encore au-delà de la limite, il est très probable qu'au moment de l'accident ou de l'arrestation, son taux ait été encore plus élevé. Donc, cela ne serait pas nécessairement défavorable à l'accusé.
Mme Heather Perkins-McVey: Ce n'est pas le cas. Cela dépend généralement du moment où vous avez bu, du moment où vous avez pris le volant, du moment où vous avez pris votre dernier verre et de l'alcool que contenait ce dernier verre. Ce sont autant de facteurs dont il faut tenir compte.
Si c'est une question qui vous préoccupe, vous devriez en parler aux toxicologues qui se spécialisent dans ce domaine. C'est ce que disait la preuve que j'ai entendue dans des causes portées devant les tribunaux.
[Français]
M. Pierre Brien: Si ces gens-là nous disaient que ce test aurait toujours une certaine valeur scientifique si la période était prolongée, vous seriez moins opposée à cela.
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: J'y serais moins opposée, en effet. Mais il faudrait que nous examinions les données avant de changer d'avis.
[Français]
M. Pierre Brien: Une autre des préoccupations qui m'habitent est celle des sanctions imposées lors d'infractions de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles. Il y a des sanctions très sévères au Code criminel pour cela: une peine maximale de 10 ou 14 ans d'emprisonnement. L'infraction de délit de fuite, elle, est passible d'une sanction maximale de 4 ans. On constate de plus en plus de délits de fuite des lieux d'accidents ayant causé des blessures corporelles ou le décès. Il y a eu quelques cas très célèbres au Québec au cours des deux dernières années.
N'y a-t-il pas là un problème d'écart entre les sentences ou un mauvais signal qui est envoyé par le législateur? Finalement, il dit que l'infraction de délit de fuite est beaucoup moins grave que l'infraction de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ou des lésions corporelles Il y a un écart très grand entre les sentences maximales. Je ne suis pas dans la peau d'un juge, mais il me semble que le délit de fuite est sanctionné beaucoup moins sévèrement.
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne connais pas d'article du Code criminel où il est question de «délit de fuite». Voulez-vous parler du défaut de rester sur les lieux d'un accident?
M. Pierre Brien: Oui.
Mme Heather Perkins-McVey: Généralement, cela dépend de l'accusation que la police décide de porter. Le délit de fuite vient généralement s'ajouter à d'autres infractions. Si quelqu'un meurt à la suite de ce genre d'accident, la police porte généralement des accusations de négligence criminelle. Cela représente une peine plus lourde.
[Français]
M. Pierre Brien: Je connais deux cas particuliers. La conduite avec conduites affaiblies est très difficile à prouver parce que vous devez faire le relevé de ce que la personne a fait durant les 24 dernières heures. Est-ce qu'elle a consommé, est-ce qu'il y a eu des témoins, etc.? Dans la plupart des cas, les accusations de conduite avec facultés affaiblies ayant causé des blessures sont abandonnées et seule l'accusation de délit de fuite est retenue. D'ailleurs, il y a du bargaining. Les gens abandonnent les accusations pour les infractions de conduite avec facultés affaiblies, et l'accusé plaide coupable au délit de fuite. Il me semble qu'il y a un problème, qu'il y a un incitatif à fuir les lieux, qui est contraire à l'intention de la société, à cause des écarts de sentences et de la difficulté qu'il y a à prouver la conduite avec facultés affaiblies quand la personne a quitté les lieux de l'accident.
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: En fait, il faut pouvoir prouver la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Lorsqu'il y a négociation de plaidoyer, cela soulève toutes sortes d'autres questions qui outrepassent notre sujet d'aujourd'hui.
Si la preuve est établie dans les circonstances que vous avez mentionnées—s'il y a des témoins et si la police a fait une enquête qui a permis à la Couronne d'intenter la poursuite—, la personne en question devrait être reconnue coupable. Il nous faut des garanties suffisantes en ce qui concerne la preuve. Nous ne pouvons pas présumer que les gens ont conduit avec facultés affaiblies.
Dans les circonstances que vous mentionnez, il faut s'en remettre à la magistrature si les autres accusations ne peuvent pas être prouvées. Dans le cas que vous avez cité, il était peut-être plus pratique de négocier le plaidoyer. Il se peut qu'autrement toutes les accusations auraient été rejetées. Il faut établir un juste équilibre entre les droits de l'accusé et la preuve. Il faut produire des preuves pour qu'une personne soit reconnue coupable.
[Français]
M. Pierre Brien: Si vous quittez les lieux de l'accident, il devient impossible de prouver par la suite que vous avez consommé antérieurement ou ultérieurement à l'accident. C'est une preuve qui, à toutes fins pratiques, est impossible à faire dans la réalité.
• 1035
Les procureurs de la Couronne à qui j'ai
parlé m'ont tous dit que c'était une preuve
impossible à monter dans la pratique. Même si vous
arrivez à prouver que la personne a consommé dans un bar,
c'est extrêmement difficile. À ce moment-là, il y a un mauvais
signal qui est envoyé parce que le délit de fuite est
jugé beaucoup moins sévèrement.
Dans les dispositions provinciales, celles du code de la
route et ainsi de suite, le délit de
fuite est jugé de façon aussi sévère que la conduite
avec facultés affaiblies, mais dans le Code
criminel, c'est une infraction beaucoup moins grave.
Je me demandais si cela vous posait un
problème. Vous me dites que c'est à la police
de faire la preuve que la personne a consommé,
mais c'est très difficile à faire dans la réalité.
La personne n'a qu'à se sauver. Elle peut avoir
consommé chez elle, par la suite, et vous ne pouvez pas
lui faire subir
le test de dépistage d'alcool. Vous ne pouvez pas
retracer facilement ce qu'elle a fait dans les 24 dernières
heures pour prouver qu'elle avait un taux
d'alcoolémie supérieur à la moyenne. Donc, il y a là un
problème, me semble-t-il. Nos vues diffèrent
évidemment à cet égard.
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Si vous avez la preuve qu'une personne a conduit avec facultés affaiblies, elle sera accusée de cette infraction et poursuivie. Si rien ne prouve qu'elle a bu, le tribunal devra s'en tenir au fait que l'intéressé n'est pas resté sur les lieux de l'accident.
Dans ce genre de situation, la peine imposée aura certainement un sérieux effet dissuasif. Une peine d'emprisonnement de quatre ans a de quoi faire réfléchir.
Le président: Merci.
Monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Je voudrais vous remercier tous les deux de votre témoignage et de votre comparution d'aujourd'hui. Ma première question s'adresse à Mme Perkins-McVey.
D'après vos commentaires, je crois que vous jugez nécessaire d'insister davantage sur l'appréhension des coupables que sur la procédure judiciaire qui intervient après coup.
Mme Heather Perkins-McVey: Nous estimons tous qu'il faut protéger le public et assurer la sécurité routière. Pour y parvenir, il faut éduquer le public, faire prendre des cures de désintoxication aux personnes qui ont un sérieux problème de toxicomanie et leur enlever leur permis.
Nous avons dit que, dans le cas des récidivistes, il faudrait songer à prononcer des interdictions plus sévères si les circonstances le justifient et si les études démontrent que cela a un effet dissuasif.
Nous croyons qu'il faudrait protéger le public et assurer la sécurité. La question est de savoir comment y parvenir. Les statistiques ne prouvent pas que l'incarcération est la solution.
M. Peter MacKay: Seriez-vous d'accord pour dire qu'il faudrait veiller à ce que les récidivistes en particulier reçoivent des peines plus sévères?
Mme Heather Perkins-McVey: Nous avons dit que, dans le cas des récidivistes, il fallait songer non seulement à suspendre leur permis pour une plus longue période, mais également à leur faire subir un traitement étant donné que, quelle que soit la durée de la peine de prison, les récidivistes finiront par être libérés.
Nous devrions désintoxiquer et traiter ces personnes afin qu'à leur sortie de prison, si cela fait partie de leur sentence, elles ne constituent plus un danger sur les routes. Un programme éducatif doit faire partie des mesures à prendre. Il faut imposer une période de probation et un programme de traitement.
Ce pouvoir existe actuellement dans le Code criminel et de nombreux juges imposent une période de probation en plus d'une amende. Ce pouvoir existe déjà. Si les circonstances le justifient, cela devrait certainement faire partie de la sentence.
M. Peter MacKay: Ce pouvoir existe déjà et c'est une des raisons pour lesquelles le public proteste et la police et les procureurs de la Couronne sont tellement découragés. L'application des sanctions, les sentences, semblent grandement manquer d'uniformité.
• 1040
Et cela donne, à l'occasion, des cas sur lesquels on insiste
peut-être un peu trop. Dans l'exercice de votre profession, vous
avez certainement vu des cas dont les journaux n'ont pas énoncé
tous les faits et qui scandalisent le public.
Ne croyez-vous pas qu'il faudrait mieux définir l'application des options qu'offre actuellement le Code criminel en ce qui concerne la sentence? En fait, cela m'amène à la question de la peine minimale obligatoire.
Mme Heather Perkins-McVey: Nous avons déjà une peine minimale.
M. Peter MacKay: Pas vraiment.
Mme Heather Perkins-McVey: Si. Nous avons...
M. Peter MacKay: Nous avons une amende minimale de 500 $ pour conduite avec facultés affaiblies...
Mme Heather Perkins-McVey: Pour une première infraction.
M. Peter MacKay: ...et ensuite un barème progressif pour la deuxième condamnation. Mais ne faudrait-il pas renforcer ces peines? C'est sans doute ce que je proposerais.
Mme Heather Perkins-McVey: Nous estimons que les peines minimales actuelles sont adéquates et qu'elles permettent aux tribunaux, lorsque les circonstances le justifient, d'imposer des peines beaucoup plus sévères. En cas d'accident, la première chose que vous dites au client est qu'il risque une peine d'emprisonnement et c'est aussi la première chose que réclamera la Couronne.
Par-dessus le marché, l'interdiction prévue dans le Code criminel est une interdiction minimale. Par conséquent, si les circonstances le justifient, un juge peut imposer une suspension de permis beaucoup plus longue et, dans le cadre d'une période de probation, il peut faire en sorte que l'accusé participe à un programme comme le programme RIDO et qu'il se fasse désintoxiquer et évaluer. Tous ces pouvoirs existent et sont bien connus des tribunaux.
Je ne crois pas nécessaire de préciser dans la loi que vous pouvez faire X, Y ou Z. Il est parfois utile de mettre l'accent sur la formation des juges, mais les dispositions actuelles sont plus que suffisantes pour leur laisser suffisamment de latitude.
M. Peter MacKay: Elles sont plus que suffisantes si les juges exercent leur pouvoir discrétionnaire.
Mme Heather Perkins-McVey: Il faut que les peines prévues tiennent compte également des types d'infractions les moins graves. Par exemple, si un conducteur est arrêté dans le cadre du programme RIDE alors qu'il conduisait normalement, mais qu'il a une alcoolémie de 0,089, le tribunal pourra considérer qu'il a commis une infraction moins grave que si le public avait été mis en danger par une conduite dangereuse ou s'il y avait eu un accident causant la mort ou des lésions corporelles.
M. Peter MacKay: Mais voilà le dilemme. Malgré l'imposition de peines plus sévères et l'accent qui a été mis sur l'éducation du public, la sensibilisation faite par des groupes comme MADD... L'Association des brasseurs s'est intéressée au problème ainsi que les associations d'automobilistes et plusieurs autres groupes de témoins. Le problème est bien là.
Comme vous le savez, un nombre alarmant de gens semblent quand même prêts à courir ce risque. Cela m'amène à croire que nous ne pouvons pas laisser les articles du Code criminel tels qu'ils sont. Ce n'est pas une possibilité. Il faut que nous fassions quelque chose.
Je vous poserai donc une ou deux questions plus précises. Comme vous le savez sans doute, au début des années 1980, les tribunaux ont rendu des jugements empêchant un policier d'exiger d'un conducteur qu'il se soumette à un test de sobriété et de présenter ses observations en preuve. Si la loi redonnait ce pouvoir aux policiers, quelles en seraient les conséquences, selon vous?
Mme Heather Perkins-McVey: C'est sans doute un aspect très technique. Voulez-vous parler du policier qui soupçonne quelque chose?
M. Peter MacKay: Je parle d'un policier qui a des motifs raisonnables et probables de demander à un conducteur «de sortir de sa voiture, de marcher sur la ligne et de se toucher le nez avec le doigt». Le policier peut le demander, mais le conducteur peut refuser, sans aucune sanction.
Mme Heather Perkins-McVey: C'est exact, et si le policier a des motifs raisonnables et probables de croire qu'il a bu, comme vous l'avez indiqué, il le soumet à l'ivressomètre.
M. Peter MacKay: Mais cela ne permettrait-il pas au policier de porter ce jugement? Faut-il passer à l'étape de l'ivressomètre?
Mme Heather Perkins-McVey: Vous ne pouvez pas condamner quelqu'un simplement parce que vous avec des motifs raisonnables de croire à sa culpabilité. Si une personne manque de coordination et ne peut pas marcher droit, c'est souvent pour des raisons très différentes. Si vous venez de subir une intervention chirurgicale au genou la semaine précédente, vous ne pourrez pas marcher droit comme vous le feriez autrement.
M. Peter MacKay: Cela ressortirait certainement devant le tribunal. Je souhaite seulement que l'on présente au tribunal davantage de preuves afin que le policier ne soit pas autant découragé en voyant ses preuves rejetées.
Mme Heather Perkins-McVey: Le problème est que les preuves ne sont pas toutes rejetées. On présente toujours en preuve le test de sobriété qui est fait avant de passer à l'ivressomètre.
M. Peter MacKay: Mais cette preuve est présentée de façon très astucieuse. Elle sert à déterminer si le policier aurait dû soumettre l'accusé à l'ivressomètre. Ce n'est pas admissible comme preuve d'ébriété.
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne suis pas d'accord avec vous. Le test de sobriété est effectué par le technicien qui administre l'alcootest et il sert à confirmer la validité de ce dernier. Souvent, il sert aussi à justifier les observations que le policier a faites sur place. Je ne suis donc pas d'accord avec ce que vous dites.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Saada.
M. Jacques Saada: Merci beaucoup de votre exposé.
Vous connaissez la publicité pour le shampooing à la télévision, qui dit que la première impression que vous donnez de vous est une occasion qui ne se représentera pas? L'un des témoins, le professeur Solomon, je crois, nous a dit qu'on ne prenait pas les empreintes digitales pour une première infraction, si bien que des gens pouvaient commettre une première infraction un grand nombre de fois. Pourriez-vous le confirmer?
Mme Heather Perkins-McVey: Ce n'est pas le cas. La Loi sur l'identification des criminels porte que l'on doit prendre les empreintes digitales et la photo des personnes coupables d'une première infraction. On le fait.
M. Jacques Saada: D'accord, j'avais donc mal compris.
Mme Heather Perkins-McVey: Oui.
M. Jacques Saada: Bien.
[Français]
C'est intéressant, parce qu'on n'a aucune réponse pour l'instant et que tout le monde attend des réponses à cela.
Vous avez fait allusion à l'intoxication par la drogue par opposition à l'intoxication par l'alcool. Vous avez dit qu'il fallait faire des choses à cet égard, mais jusqu'à présent, personne ne nous a dit quoi faire. Tout le monde nous dit que nous devons faire des choses, mais on ne nous fait pas vraiment de recommandations concrètes à cet égard. L'une de mes nombreuses préoccupations, c'est que l'effet d'affaiblissement des facultés se termine avant que la substance soit éliminée du corps. Autrement dit, quelqu'un peut très bien avoir des traces d'une drogue quelconque dans le corps un mois après avoir consommé, mais ses facultés ne sont aucunement affaiblies à ce moment-là.
Je suis préoccupé parce que je ne vois aucune recommandation concrète, à moins que j'aie mal compris ce que les témoins nous ont dit. Je ne vois aucune recommandation concrète pour traiter de ce problème. Bien sûr, cela pose la question du degré d'intrusion qui serait permis en vertu de la Charte pour obtenir la preuve.
Pourriez-vous élaborer là-dessus?
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: Je peux vous dire que nous n'avons pas vraiment examiné la question ensemble pour formuler des propositions concrètes. Personnellement, en examinant l'article 258 du Code criminel, je dirais qu'un policier qui a des motifs raisonnables et probables de croire que les facultés d'une personne sont affaiblies, non pas par l'alcool, mais par la drogue, compte tenu de son comportement, de son attitude ou de tout autre symptôme, devrait pouvoir exiger un échantillon de sang.
Alors les mesures de protection prévues dans le Code criminel—que l'échantillon soit prélevé par un technicien qualifié qui est autorisé à le prélever, que les ampoules soient mises dans des contenants scellés, que les conditions probantes appropriées soient maintenues pour assurer la continuité de l'échantillon et que le droit à une analyse indépendante de l'échantillon soit respecté—ce sont les sortes de mesures qui pourraient être utilisées afin de s'assurer non seulement d'une analyse pertinente mais aussi d'une protection suffisante pour le prévenu.
Le problème se pose—et l'aspect scientifique que vous avez soulevé entre en jeu ici—au niveau de la présence d'une drogue qui est consommée... Je crois qu'il y avait un athlète olympique qui prétendait avoir été à une fête où on consommait la marijuana un mois plus tôt, et pourtant le test a indiqué des résultats positifs au moment des Jeux olympiques. Je ne suis pas un scientifique, donc je ne saurais expliquer cela ou fournir les données scientifiques. Je présumerais que les concentrations seraient différentes s'il y avait consommation d'une drogue ou une capacité affaiblie par l'effet d'une drogue au moment de l'infraction plus tôt qu'un mois plus tard.
• 1050
Je ne peux pas préciser sauf pour noter que l'article 258
pourrait être étudié en vue de prévoir dans sa formulation que s'il
y a des motifs raisonnables de croire que la capacité de la
personne est affaiblie par l'effet d'une drogue seule, on serait
autorisé de prélever un échantillon de sang et de procéder ensuite
selon les modalités qui sont déjà prévues pour le prélèvement
d'échantillons de sang.
[Français]
M. Jacques Saada: J'ai une sous-question dans le même domaine. Si quelqu'un a consommé de l'alcool dans une quantité telle qu'il est en-dessous de la limite ainsi que de la drogue en-dessous de la limite, il est dégagé de toute responsabilité, les deux tests étant distincts, mais la combinaison des deux aurait dû l'incriminer. Qu'est-ce qu'on fait?
[Traduction]
Mme Heather Perkins-McVey: L'article actuel, l'article 258, permet le prélèvement d'un échantillon de sang aux fins de tests de dépistage de drogue pourvu qu'un ordre conforme a été donné en vertu de l'article 254. Alors, si la personne avait consommé de l'alcool et si l'agent avait des motifs raisonnables de croire que la capacité de la personne était affaiblie par l'effet de l'alcool et d'une drogue, alors l'article 258 deviendrait applicable et permettrait une analyse de l'échantillon.
Ce qui se produirait c'est que la personne serait trouvée coupable de conduite avec facultés affaiblies—affaiblies par l'effet d'une drogue et de l'alcool, plutôt que de conduite avec une alcoolémie qui dépasse 0,08. Donc la disposition concernant les capacités affaiblies, qui comporte la même sanction que la disposition concernant l'alcoolémie de 0,08, s'appliquerait afin de permettre...
M. Jacques Saada: Donc ce que vous dites en réalité c'est que nous avons en effet à l'heure actuelle les dispositions nécessaires dans le Code qui nous permettraient de faire face à ce problème.
Mme Heather Perkins-McVey: Oui, dans le cas de cette disposition globale, mais pas dans le cas où il n'y a pas d'alcool.
La difficulté réside aussi dans le fait que les dispositions actuelles du Code ont été conçues aux fins de dépister l'alcool par une méthode rapide et facile, par un alcootest routier ou par un autre appareil de détection. Comme j'ai déjà dit, nous n'avons pas une méthode semblable pour déceler rapidement et facilement la présence de drogues.
[Français]
M. Jacques Saada: Avant de passer à ma question suivante, je voudrais corriger quelque chose ou poser une question à mon collègue M. Harris.
[Traduction]
Monsieur Harris, vous avez mentionné dans vos déclarations que 1 400 personnes ont été tuées sur les routes dans une seule année, et vous avez affirmé que c'était à cause des récidivistes. Pouvez-vous apporter des statistiques à l'appui? Parce que j'ai cru comprendre qu'ils en étaient responsables pour une portion considérable, mais pas pour la totalité.
M. Dick Harris: Ce que je voulais dire probablement, c'était qu'une grande majorité de ceux-là sont des récidivistes.
M. Jacques Saada: D'accord, merci.
Si j'ai le temps, je reviendrai plus tard. Merci.
Le président: Monsieur Harris, deuxième tour, pour trois minutes.
M. Dick Harris: L'autre jour pendant les témoignages, nous avons entendu une suggestion selon laquelle les policiers devraient pouvoir demander un alcootest ou d'autres tests de détection. Le fait de se faire attribuer un permis de conduire ne devrait-il pas constituer une acceptation tacite de tests aléatoires futurs pour la détection de drogues ou d'alcool? Je voudrais simplement savoir ce que vous pensez de cela.
Je sais que vous avez parlé d'ingérence, mais on nous a suggéré qu'il serait possible ainsi d'éliminer beaucoup de problèmes. Si une personne fait une demande pour un permis et le reçoit, elle donnerait par le fait même son consentement; elle s'engagerait par le fait même à conduire selon la loi à tous les égards et elle donnerait son consentement à des tests de détection de drogue ou d'alcool pendant toute sa vie de conducteur. Que pensez-vous de cette suggestion?
Mme Heather Perkins-McVey: La jurisprudence permet effectivement aux agents de police d'arrêter les conducteurs au hasard pour vérifier leur identité afin de s'assurer qu'ils ont un permis de conduire valide, et alors qu'ils contrôlent l'identité du conducteur, ils peuvent, s'ils pensent que la personne en question a consommé de l'alcool, prendre les mesures nécessaires pour lui faire subir un alcootest pour mesurer leur taux d'alcool dans le sang.
• 1055
Ces mesures doivent être imposées par les provinces et
rattachées à l'octroi de permis de conduire; c'est d'ailleurs ce
que fait la province de l'Ontario avec son système de délivrance
par étapes du permis de conduire.
M. Dick Harris: Ce que je voulais dire tout à l'heure—et c'est un procureur de la Couronne qui nous en a fait part—c'est que l'immense frustration des agents de police qui n'arrivent pas à faire condamner un automobiliste avec facultés affaiblies est attribuable au fait que les juges ont tendance à ne pas accepter les dépositions des agents de police mais plutôt à croire l'accusé et les preuves présentées par les avocats de la défense. Notre témoin nous a dit que c'était la norme et non l'exception dans les tribunaux aujourd'hui. Qu'en pensez-vous?
Mme Heather Perkins-McVey: Je peux vous dire qu'au cours des deux dernières années, en préparant ma comparution devant vous aujourd'hui, j'ai demandé ici et là à des avocats de la Couronne et à des agents de police ce qu'ils en pensaient, et ils ne m'ont pas répondu qu'il fallait changer le système du tout au tout. Je leur ai montré les opinions que nous avions reçues et tous m'ont dit que la situation ne leur paraissait pas aussi mauvaise.
M. Dick Harris: Vous m'en voyez très étonné, car nous avons entendu les témoignages de la GRC, de l'Association canadienne des policiers, des chefs de police et des avocats de la Couronne et chaque fois, ce point était évoqué. Ils sont très insatisfaits de la manière dont les tribunaux traitent les preuves présentées en cas de conduite avec facultés affaiblies. Je trouve donc ce que vous dites très étonnant.
Mme Heather Perkins-McVey: Le problème vient peut-être de la façon dont les agents de police sont formés. Cela ne semblait pas être un problème particulièrement épineux chez eux. Je ne dis pas que les agents de police ne doivent pas veiller à respecter tous les critères énoncés à l'article 254, mais en règle générale ils le font.
Le président: Merci, monsieur Harris.
Monsieur DeVillers.
M. Paul Devillers: Merci, monsieur le président.
Lorsque vous avez répondu aux questions de M. McKay, vous avez abordé un petit peu la question des peines minimales. D'autres témoins nous ont dit qu'ils craignaient que l'imposition de plus en plus fréquente de peines minimales n'entraîne moins d'inculpations, certains juges hésitant à condamner ces personnes lorsque la détermination de la peine est laissée à leur discrétion. Qu'en pensez-vous?
Mme Heather Perkins-McVey: Le châtiment doit correspondre au délit perpétré. L'époque où Jean Valjean dans Les Misérables était condamné à 25 ans de travaux forcés pour avoir volé une miche de pain...
Nous devons faire confiance à nos magistrats. Nous les nommons parce qu'ils ont acquis une certaine expérience et que la formation qu'ils ont reçue leur permet d'évaluer les circonstances. Notre régime de peines minimales permet à un juge d'imposer, comme nous l'avons indiqué, des peines beaucoup plus lourdes lorsque les circonstances le justifient.
Notre appareil judiciaire permet aux deux camps de s'exprimer et le juge en est l'arbitre final. Lorsque les circonstances le justifient, les avocats de la Couronne n'hésitent pas à déposer des déclarations de victime. Le Code criminel l'autorise dorénavant. Ces avocats présentent les preuves requises pour convaincre un juge d'imposer des peines plus lourdes lorsque les circonstances le justifient.
Cependant, comme je l'ai déjà dit, lorsqu'un automobiliste conduit bien sa voiture mais que, pour une raison ou pour une autre, son taux d'alcoolémie dépasse 0,08, la question qui se pose est la suivante: Devrait-on lui imposer la peine la plus sévère? Il faut que la détermination de la peine soit laissée à la discrétion du juge.
M. Paul DeVillers: Les autres témoins—et il y en a eu plusieurs—ont dépeint les avocats de la défense comme étant ceux qui contribuent aux difficultés que poserait notre législation sur la conduite avec facultés affaiblies.
Je félicite M. Harris de ne pas avoir utilisé l'expression «vache à lait», à la mode ces jours-ci.
M. Dick Harris: Je vous ai laissé le faire.
M. Paul DeVillers: Je félicite M. MacKay car il n'a pas parlé de «diarrhée législative».
• 1100
M. Solomon est le professeur de droit qui accompagnait le
groupe MADD. Il a fait remarquer que ce groupe n'était pas
satisfait de notre législation actuelle en raison de certains des
moyens de défense techniques auxquels recouraient les avocats de la
défense. Mais si j'ai bien compris, un taux d'alcoolémie dépassant
0,08 est un quasi-délit.
Mme Heather Perkins-McVey: Absolument.
M. Paul DeVillers: Je voudrais simplement savoir ce que vous pensez des accusations portées contre les avocats de la défense qui recourraient à des moyens de défense techniques et également du rôle des avocats de la défense au sein de ce processus.
Mme Heather Perkins-McVey: Comme je l'ai déjà dit, je suis avocate de la défense. De ce point de vue, d'après la jurisprudence établie par les cours d'appel du pays, ces moyens de défense techniques sont en voie de disparition. Il est manifeste que les tribunaux n'appliquent pas à la lettre certaines des dispositions qui auparavant...
Par exemple, auparavant, si un automobiliste devait attendre 10 minutes après avoir été arrêté pour passer à l'ivressomètre, vous pouviez invoquer un vice de procédure et faire rejeter le test. Les cours d'appel disent maintenant que si les agents de police peuvent justifier le laps écoulé et qu'ils peuvent expliquer où était l'appareil pendant ce temps, on en tiendra compte.
Du point de vue de la défense, de plus en plus, les tribunaux font des pieds et des mains pour que toutes les preuves soient présentées devant le tribunal et pour qu'ils puissent ainsi évaluer en bonne et due forme si une infraction a été perpétrée ou non.
L'inculpation pour taux d'alcoolémie de 0,08 est une inculpation d'ordre technique dans la mesure où elle implique l'utilisation d'une machine; cette inculpation repose sur des données scientifiques, la machine devant lire certaines données dans un laps de temps donné entre deux lectures, ce qui s'explique en raison des faiblesses et des capacités de la machine. Pour obtenir des données exactes, il faut veiller à ce que les lectures effectuées soient suffisamment rapprochées. C'est ce que dispose le Code criminel.
Il faut également garder à l'esprit que très souvent, une personne peut être acquittée de l'inculpation pour taux d'alcoolémie de 0,08, mais inculpée pour conduite avec facultés affaiblies, parce qu'elle conduisait de telle façon que la présence d'alcool était manifeste et les manoeuvres étaient dangereuses. Alors, même si vous réussissez à faire acquitter votre client de l'inculpation pour taux d'alcoolémie de 0,08, cela ne veut pas nécessairement dire qu'il va être déclaré non coupable. Très souvent, l'inculpation pour conduite avec facultés affaiblies est celle qui est la plus difficile à faire contester.
La tendance veut que les tribunaux ne fassent pas grand cas des moyens de défense techniques.
Le président: Merci.
Peter Mackay.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Je pense que vous avez raison. Je crois qu'il y a eu un retour du balancier et qu'on cherche à colmater certaines de ces échappatoires; la science a également eu un effet dans la mesure où les appareils utilisés ont été grandement améliorés.
Mme Heather Perkins-McVey: Il est manifeste que l'intoximètre donne des données exactes. Cette machine est très précise et rigoureuse. Je ne sais pas si vous en avez déjà vu une, mais les rapports qui en ressortent sont très précis, ne donnent lieu à aucune interprétation et les données sont très rigoureuses.
Je crois que les tribunaux obtiennent un plus grand nombre de déclarations de culpabilité, très franchement, à cause de l'utilisation de cet intoximètre. Le Borkenstein était une machine relativement nouvelle qui a été mise au point au fil du temps mais présentait certaines faiblesses et difficulté. L'intoximètre ne semble pas présenter les mêmes problèmes.
M. Peter MacKay: Mais certains agents de police ont encore du mal à remplir tous les formulaires en cause. L'Ontario a essayé de rationaliser le processus d'inculpation.
Mme Heather Perkins-McVey: La police n'a pas seulement deux heures pour établir le rapport.
M. Peter MacKay: Non, c'est vrai.
Mme Heather Perkins-McVey: Elle peut l'établir au moment qui lui convient. Elle peut le faire deux jours plus tard, si elle n'a pas le temps avant. C'est seulement l'arrestation et les constatations qui doivent être faites dans un certain délai.
M. Peter MacKay: C'est vrai.
Vous avez répondu à la question de M. Saada concernant la prise des empreintes digitales et de la photo des conducteurs. J'ai constaté, en tant qu'avocat de la Couronne et avocat de la défense, que ce n'était fait qu'en cas d'accident ou de mise en accusation. À moins que les choses se passent en Ontario, je serais très étonné que l'on prenne vraiment la photo et les empreintes digitales des conducteurs accusés de conduite avec facultés affaiblies.
Mme Heather Perkins-McVey: Je peux seulement parler de mon expérience personnelle dans ma province où l'on prend la photo et les empreintes digitales.
M. Peter MacKay: Toujours?
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne peux pas affirmer que c'est «toujours», mais je demande systématiquement si la photo et les empreintes digitales ont été prises et elles le sont généralement.
M. Peter MacKay: Pourrais-je vous demander combien vous avez défendu de causes de conduite avec facultés affaiblies?
Mme Heather Perkins-McVey: Au cours de mes 11 années de carrière?
M. Peter MacKay: Oui.
Une voix: Neuf mille.
M. Peter MacKay: Je sais qu'il y en a eu beaucoup.
Mme Heather Perkins-McVey: Je peux vous dire que je ne m'occupe pas uniquement des cas de conduite avec facultés affaiblies.
M. Peter MacKay: Juste l'année dernière.
Mme Heather Perkins-McVey: L'année dernière, j'en ai sans doute eu une centaine au maximum.
M. Peter MacKay: Et diriez-vous que dans la majorité de ces cas, on a pris la photo et les empreintes digitales de vos clients.
Mme Heather Perkins-McVey: Si je me souviens bien, oui, on a pris leurs photos et leurs empreintes digitales. Si j'examine la promesse de comparaître, la plupart du temps, dans la case concernant les empreintes digitales il est inscrit «fait au poste de police».
M. Peter MacKay: D'accord.
Mme Heather Perkins-McVey: À part la photographie et les empreintes digitales, qu'elles aient été prises ou non, le plus important est que les accusations portées contre cette personne sont inscrites dans le CIPC.
M. Peter MacKay: J'allais en arriver là. J'ai vu de nombreux cas où une personne déjà reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies à Winnipeg était arrêtée au Nouveau-Brunswick sans que cela ne soit signalé. Un système informatique n'est utile que dans la mesure où les données y sont bien inscrites. Cela continue à poser un problème considérable et je crois que c'est surtout à cause du grand nombre de gens qui conduisent avec des facultés affaiblies ou du nombre limité de policiers. Il faut peut-être trop de temps pour inscrire ces données dans le réseau. Je crois que le CIPC est sur le point de flancher.
Mme Heather Perkins-McVey: Le fait que les données ne sont pas toujours inscrites dans le CIPC est un problème qui ne se limite pas à la conduite avec facultés affaiblies. Il est évident qu'il faudrait plus de personnel pour l'enregistrement des données. Il est vrai qu'il y a aussi des omissions, mais le Centre d'information de la police canadienne permet à quiconque arrête une personne déjà accusée d'être informé de ses antécédents.
M. Peter MacKay: Mais en tant qu'avocate de la défense, vous devez savoir qu'il est très avantageux de plaider pour une première infraction et que si la Couronne n'a pas fait ses recherches et n'obtient pas les renseignements voulus du CIPC, elle traitera l'accusé comme si c'était sa première infraction. Cela arrive souvent.
Mme Heather Perkins-McVey: Cette option serait très certainement avantageuse.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur MacKay.
Monsieur Saada.
M. Jacques Saada: C'est un peu tiré par les cheveux, mais j'aimerais poser une question de principe.
Une personne qui a le sida et qui se livre délibérément à des rapports sexuels sans protection peut se rendre coupable d'un homicide par imprudence. Je n'utilise pas la terminologie exacte, mais ça revient à cela. Un récidiviste qui est alcoolique et qui prend le volant... Voyez-vous un parallèle entre les deux situations?
Mme Heather Perkins-McVey: ...qui prend le volant alors qu'il a consommé de l'alcool?
M. Jacques Saada: Oui, nous pourrions préciser davantage les détails. Je reconnais que les détails sont importants, mais ma question porte davantage sur le principe que le crime commis, sur le fait que les deux prennent le risque de commettre un crime.
Mme Heather Perkins-McVey: La question qui se pose est toutefois celle de la conduite en état d'ébriété. Selon le système actuel, nous pouvons présumer que les personnes qui ne sont pas sous l'influence de l'alcool conduisent de façon sécuritaire, comme on leur a appris à le faire et en respectant le code de la route.
Le fait que certaines personnes représentent un risque en raison de leur alcoolisme est l'une des raisons pour lesquelles il faut insister sur la désintoxication et le traitement. Personnellement, je crois que certaines suggestions qui ont été faites, par exemple, celle d'obliger ces personnes à prouver qu'elles ont subi une cure de désintoxication suffisante pour pouvoir récupérer leur permis, aideraient à protéger le public et à maintenir la sécurité sur nos routes.
• 1110
Les récidivistes devraient être soumis à une évaluation. Quant
à savoir si toute personne qui est alcoolique présente un risque
chaque fois qu'elle prend le volant, je ne le crois pas, à moins
qu'elle ait consommé de l'alcool. C'est cela qui crée l'infraction.
M. Jacques Saada: Merci de votre réponse. Je crois toutefois que vous avez tourné autour du pot.
Mme Heather Perkins-McVey: Je suis avocate de la défense.
M. Jacques Saada: Oui, je sais, et vous jouez très bien ce rôle, mais j'ai toujours de la difficulté à accepter le principe.
Il est certainement très difficile, dans notre système, de juger des intentions des gens, mais de nombreux témoins ont fait valoir qu'un grand nombre des personnes trouvées coupables de conduite avec facultés affaiblies savaient dans une large mesure qu'elles couraient un risque. Je n'emploie pas la terminologie juridique voulue, mais vous comprenez certainement le parallèle que j'essaie d'établir.
C'est mon collègue, M. MacKay, qui a mentionné je crois, à deux ou trois reprises, que le fait de prendre le volant revient au même que de pointer une arme sur chaque voiture qui passe. Nous pouvons également établir un parallèle avec la situation que j'ai décrite tout à l'heure.
Mme Heather Perkins-McVey: Voilà pourquoi nous envisageons des suspensions de permis plus longues pour les récidivistes et c'est une mesure que nous appuyons, du moment que... Je n'ai pas de chiffres confirmant que ce genre de mesures a effectivement un effet dissuasif.
S'il s'agit d'assurer la sécurité routière, il faut certainement faire en sorte que ces personnes ne prennent pas le volant. La législation provinciale actuelle aborde ces questions. En Ontario, par exemple, le permis est suspendu de façon indéfinie si le conducteur récidive pour la troisième fois.
M. Jacques Saada: Que pensez-vous de l'antidémarreur?
Mme Heather Perkins-McVey: Je n'ai pas eu l'occasion d'en voir un. Mes collègues du Québec, en particulier, me disent que c'est un instrument très utile en ce sens qu'il permet seulement aux personnes qui ont une alcoolémie de zéro de conduire un véhicule. Ces dispositifs leur sont imposés après la suspension du permis. Leur véhicule n'en est pas équipé immédiatement. L'un des problèmes à résoudre est d'assurer l'accès à ce genre de dispositifs à toutes les personnes admissibles et pas seulement à celles qui ont les moyens de le payer.
Le président: Merci, Monsieur Saada.
Monsieur Harris.
M. Dick Harris: Je voudrais seulement poser une question à Mme Perkins-McVey, mais elle n'est pas obligée d'y répondre.
Sur les 100 cas que vous avez représentés l'année dernière, quel a été votre pourcentage d'acquittements?
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne conserve pas de statistiques. Je veille à ce que les droits de mes clients soient bien défendus et je suis assez satisfaite de mon taux de succès.
M. Dick Harris: Diriez-vous qu'il est plus élevé qu'on pourrait s'y attendre?
Mme Heather Perkins-McVey: Le problème, tel que je le vois...
Je suis moi-même mère de jeunes enfants. Je fais partie de la collectivité. Je veux être certaine de pouvoir conduire en toute sécurité sur les routes. Je n'approuve aucune activité illégale. Que ce soit pour une accusation de conduite avec facultés affaiblies ou tout autre type d'accusation, l'avocat de la défense a pour rôle de veiller à ce que les personnes qui doivent être punies soient punies et que celles qui ne doivent pas l'être ne le soient pas et à ce que le tribunal ait connaissance des faits.
Je ne mesure pas mon succès selon que j'ai gagné ou non une cause. Il faut parfois simplement veiller, au nom de votre client, à ce que le tribunal tienne compte de toutes les circonstances atténuantes.
M. Dick Harris: Merci.
Le président: Madame Bakopanos.
Mme Eleni Bakopanos: Merci beaucoup de votre exposé.
Comme nous mentionnons des cas particuliers, je vais demander à M. Harris de nous communiquer le cas dont il nous a parlé et dans lequel il n'y a pas eu de condamnation. Je voudrais voir quelles ont été les raisons que le juge a invoquées. Si nous citons des cas particuliers, il est important de savoir au moins quel a été le raisonnement suivi par le juge...
M. Dick Harris: Je le ferai avec plaisir.
Mme Eleni Bakopanos: D'accord. Merci, monsieur Harris.
Le président: C'est tout?
Mme Eleni Bakopanos: Oui, c'est tout. Merci.
Le président: Soyez bref, monsieur MacKay.
M. Peter MacKay: Je voudrais un simple éclaircissement.
Le président: Allez-y.
M. Peter MacKay: Et je veux demander au témoin de me donner également une brève réponse, car je sais que nous disposons de peu de temps.
Vous avez dit qu'en général, le Barreau de l'Ontario serait pour qu'on modifie le Code criminel de façon à moderniser les dispositions du Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies en ce qui concerne la drogue. Il s'agit d'aligner ces dispositions sur celles qui concernent l'alcool. Faudrait-il exiger un échantillon de salive, comme l'a recommandé un procureur de la Couronne de la Colombie-Britannique?
Mme Heather Perkins-McVey: Je tiens à préciser que nous parlons au nom de la section nationale de droit pénal de l'Association du Barreau canadien et que notre groupe représente donc à la fois des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense de tout le pays.
Je ne pense pas être en mesure de préciser s'il faudrait fournir ou non un échantillon de salive. Je n'ai pas les connaissances scientifiques voulues et je ne peux donc pas vous donner ce renseignement.
M. Peter MacKay: Très bien.
Encore à titre d'éclaircissement, vous avez mentionné les antidémarreurs. Voulez-vous dire qu'il faudrait réduire la peine infligée afin d'inciter les gens à installer un antidémarreur?
Mme Heather Perkins-McVey: Nous estimons qu'il faudrait que les peines soient imposées avec une certaine souplesse pour permettre...
Cela nous ramène à la question que mes clients me posent toujours, à savoir s'il n'y a pas une loi qui leur permet de conduire pour leur travail. Je crois qu'il y a peut-être eu une disposition de ce genre dans années 1950 et 1960.
L'exemple dont je parle—et j'ai eu plusieurs cas de ce genre—est celui du type qui rentre chez lui après avoir bu deux ou trois bières et qui est certain d'être en dessous de la limite. On l'arrête dans le cadre du programme RIDE, il accepte de souffler dans l'ivressomètre, parce qu'il est sûr de lui, mais il a une alcoolémie de 0,081. Disons qu'il est reconnu coupable. Avec la procédure de détermination de la peine telle que je la connais, cette personne perdra son permis pendant un an. Cela peut avoir des effets extrêmement dévastateurs, par exemple, en lui faisant perdre son gagne-pain et celui de sa famille.
Pour bien montrer que la sanction est proportionnelle à la gravité de l'infraction, on pourrait utiliser des dispositifs antidémarreurs—à la fin de la période minimale d'interdiction, qui a valeur de dissuasion—pour permettre l'utilisation du véhicule pour fins du travail.
Les tribunaux et les systèmes actuels devraient permettre de soumettre l'utilisation des véhicules à certaines conditions, par exemple la conduite pourrait n'être permise que pendant certaines heures. Je crois qu'aux États-Unis, on appose des collants sur les plaques d'immatriculation des personnes assujettis à ce genre de dispositif, ce qui permet aux policiers de vérifier immédiatement si le dispositif est bien installé. Il y a des inspections obligatoires. On pourrait envisager la même chose dans l'ensemble du pays.
M. Peter MacKay: C'est donc un incitatif intégré.
Mme Heather Perkins-McVey: Oui, et il est important de remarquer que la protection du public est prépondérante en l'occurrence, puisque ces véhicules ne peuvent se mettre en marche à moins d'un niveau zéro d'alcoolémie. Les appareils sont de plus en plus perfectionnés et il est impossible de les mettre hors circuit.
M. peter MacKay: Je comprends ce que vous dites concernant les dispositifs antidémarreurs, mais je suis intervenu dans des poursuites pour conduite avec facultés affaiblies et je n'ai jamais vu personne atteindre un niveau de .081 à moins d'un effet synergique. La police ne porte jamais d'accusation s'il n'y a pas d'autre élément que ce taux.
Je voudrais poser une dernière question, à titre de précision. En ce qui concerne l'absolution sous conditions, vous dites que vous êtes favorable à certains changements qui supprimeraient l'actuelle récompense accordée à l'alcoolique par opposition à l'auteur d'une première infraction.
Mme Heather Perkins-McVey: La disposition sur l'absolution curative nous intéresse au premier chef, mais elle a le même effet qu'une absolution sous conditions.
M. Peter MacKay: Exactement. Une absolution curative ne peut être accordée en cas de première condamnation pour conduite avec facultés affaiblies.
Mme Heather Perkins-McVey: C'est exact.
M. Peter MacKay: Que peut-on faire? Évidemment, c'est une mesure incitative, pour la personne qui présente un plaidoyer de culpabilité, lorsqu'elle sait qu'elle va obtenir une absolution curative, mais cela supprime totalement l'effet dissuasif de la sentence, puisque c'est la justice qui a le gros bout du bâton, dans la mesure où elle peut supprimer le privilège de la conduite et ouvrir un casier judiciaire.
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne suis pas d'accord avec vous: l'imposition d'un casier n'est pas la plus grande menace. C'est plutôt l'interdiction de conduire. Les dispositions actuelles, sous réserve de certains amendements, permettraient de maintenir cette interdiction si les circonstances le justifient. Elles permettraient de mettre davantage l'accent sur le traitement, l'évaluation, le suivi et la participation à des initiatives communautaires comme les programmes RIDE.
• 1120
D'après ce que j'ai pu observer, ces programmes communautaires
ont un effet extraordinaire et sans vouloir m'écarter du sujet, je
considère que certaines formules de justice réparatrice qui
concernent l'infraction et la détermination de la peine, qui
mettent l'accusé en face de la victime, pourraient être imposées à
titre de sanction dans les dispositions du code. Ces mesures
semblent très efficaces dans le cadre des programmes communautaires
et donnent des taux de succès très encourageants.
M. Peter MacKay: Donc à votre avis, l'interdiction de conduire serait toujours disponible au titre de l'absolution conditionnelle sous réserve de certains amendements.
Mme Heather Perkins-McVey: Oui.
M. Peter MacKay: Dans le cadre de l'absolution curative.
Mme Heather Perkins-McVey: C'est déjà le cas actuellement. L'absolution curative n'empêche pas l'interdiction de conduire.
M. Peter MacKay: Non, mais l'accusé perd...
Mme Heather Perkins-McVey: Cela signifie simplement...
M. Peter MacKay: Il n'y a pas de condamnation pénale.
Mme Heather Perkins-McVey: Ni d'emprisonnement pendant 14 jours.
M. Peter MacKay: C'est exact.
Mme Heather Perkins-McVey: Mais cela n'empêche pas que l'accusé subisse des sanctions très dissuasives, comme je l'ai dit, sous forme de traitement, de suivi, etc.
Les sentences d'emprisonnement n'ont pas fait la preuve qu'elles avaient l'effet dissuasif que nous recherchons. L'un de nos arguments insiste sur le fait que si l'on veut résoudre le problème, il faut notamment miser sur l'éducation et la réhabilitation des personnes qui présentent un problème.
M. Peter MacKay: Mais quelles modifications proposez-vous pour cet article?
Mme Heather Perkins-McVey: Il faudrait mettre tout le monde sur un pied d'égalité; les auteurs d'une première infraction qui bénéficient de circonstances atténuantes devraient pouvoir obtenir une absolution conditionnelle. On pourrait toujours y joindre une période probatoire de trois ans qui, en réalité, aurait un effet beaucoup plus tangible qu'une amende de 500 $.
M. Peter MacKay: Bien. Merci.
Le président: Merci.
Brièvement, monsieur DeVillers.
M. Paul DeVillers: Oui, monsieur le président.
Avant l'ajournement et pour reprendre la motion de M. Cadman sur l'invasion des foyers, je voudrais attirer l'attention des membres du comité sur les dispositions du Code criminel concernant les entrées par effraction. L'article 348 prévoit une sanction plus lourde lorsque l'accusé est entré par effraction dans une maison d'habitation. C'est un acte criminel dont l'auteur est passible d'une peine maximale d'emprisonnement à vie alors que lorsqu'il ne s'agit pas d'une maison d'habitation, c'est une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité assortie d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans.
Le président: Merci.
J'aurais quelques questions qui vont nous ramener à la conduite avec facultés affaiblies.
La majorité des Canadiens habitent à moins de deux heures de la frontière américaine. Je crois que la réciprocité existe entre certains États et certaines provinces. Par exemple, une suspension dans l'État de New York équivaut, pour un Ontarien, à une suspension imposée en Ontario.
Si un Canadien est condamné aux États-Unis et qu'il fait l'objet de la même accusation au Canada, est-ce que le Code criminel considère qu'il s'agit d'une deuxième infraction? Et dans la négative, est-ce qu'il ne devrait pas en être ainsi?
Mme Heather Perkins-McVey: Je ne pense pas que ce soit considéré comme une deuxième infraction. Les systèmes informatiques commencent à être utilisables et on commence à connaître les fichiers américains. Ce n'est que tout récemment que j'ai rencontré, dans ma pratique, une personne condamnée aux États-Unis et dont la condamnation apparaisse ici. Encore une fois, c'est une question de disponibilité de personnel: il faut que les données figurent dans les différents systèmes et qu'il y ait interaction entre les systèmes canadiens et les systèmes américains.
Quant à savoir si on devrait considérer qu'il s'agit d'une deuxième infraction, dans le cas d'une personne qui présente un problème d'alcoolisme et qui a déjà été condamnée, la condamnation aux États-Unis devrait être prise en compte.
Le président: Merci.
Comme il n'y a plus d'autres questions, je vous suis reconnaissant d'avoir renoncé à votre pratique pour nous rencontrer ce matin et je vous remercie d'avoir contribué à nos travaux. Merci beaucoup.
La séance est levée.