Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je vous souhaite la bienvenue à la 105e réunion du Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.
[Traduction]
Conformément au Règlement, la séance d'aujourd'hui se déroulera selon une formule hybride. Les députés sont soit présents en personne dans la salle, soit à distance à l'aide de l'application Zoom.
Finalement, je vous rappelle que toutes les interventions doivent être adressées à la présidence.
[Français]
Conformément à l'article 108(3)g) du Règlement, le Comité reprend l'examen du Rapport 1 de 2024 de la vérificatrice générale, intitulé « ArriveCAN », renvoyé au Comité le lundi 12 février 2024.
[Traduction]
Je souhaite à nouveau la bienvenue à notre témoin, M. Mark Weber, président national du Syndicat des Douanes et de l'Immigration. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation aussi promptement, et de vous joindre à nous une fois de plus.
Oui. Nous avons déjà tenu six réunions au sujet du rapport de la vérificatrice générale sur l'application ArriveCAN. D'ici la fin de la semaine, nous en serons à neuf réunions, mais nous n'avons toujours pas reçu de plan de travail ni de liste de témoins. J'aimerais donc savoir si vous comptez éventuellement nous faire parvenir ces deux documents.
Bien sûr, madame Yip. Les députés ont déjà reçu les documents qui sont actuellement à ma disposition, et si vous souhaitez me contacter par la suite, nous pourrons certainement en discuter.
Je prépare déjà notre prochaine réunion de mardi, et la vérificatrice générale doit nous transmettre de nouveaux rapports. Nous aurons alors l'occasion d'analyser ces rapports et d'en débattre.
Bref, je vous ai déjà transmis tous les documents en ma possession à ce stade, madame Yip.
Je souhaite obtenir une précision, monsieur le président. Alors que nous travaillons sans relâche sous votre présidence, je pense qu'il serait plus facile pour nous de recevoir des orientations claires, et d'avoir une idée de nos objectifs finaux.
Bien franchement, les libéraux n'ont jamais eu la possibilité jusqu'à présent de convoquer des témoins de notre choix. J'aimerais qu'on nous accorde cette possibilité, car je pense que, tout comme vous, monsieur le président, nous sommes préoccupés et nous aimerions entendre l'avis de certains témoins.
Très bien, je comprends. Vous pourrez contacter la vice-présidente du Comité, Mme Yip, et moi-même [inaudible] juste après cette réunion. Vous aurez donc l'occasion de nous exposer vos préoccupations, et nous pourrons discuter de la liste des témoins.
Nous allons maintenant céder la parole à notre premier témoin, M. Weber.
Monsieur Weber, vous nous avez fait part de vos remarques préliminaires lors de notre dernière réunion. Comme nous en avons reçu les copies, vous n'aurez pas besoin de vous répéter, et nous allons donc passer directement aux questions des députés.
Madame Block, vous avez la parole pour six minutes. Nous vous écoutons.
Merci de vous être joint à nous aujourd'hui, monsieur Weber. Je ne suis pas un membre régulier du Comité, mais je porte un intérêt particulier à la question de l'application ArriveCAN.
Je crois que vous avez comparu devant le comité sur lequel je siège en tant que membre permanent, le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, ou OGGO. Il y a longtemps, près de 18 mois, vous avez comparu devant le comité OGGO. J'ai réfléchi à votre déclaration d'ouverture à l'époque et j'ai eu l'occasion d'examiner celle que vous avez faite ici, le PACP. Je dirais que vos opinions sur le sujet n'ont pas vraiment changé, bien que nous ayons appris énormément de choses, compte tenu des enquêtes menées notamment par la vérificatrice générale et l'ombud de l'approvisionnement. Dans ce contexte, je souhaite d'abord revenir à ce que nous avons entendu au comité OGGO.
Je pense qu'il serait juste de dire que le développement de l'application ArriveCAN a été et continue d'être marqué par des fautes professionnelles et une mauvaise gestion. Lors de votre précédent témoignage devant le comité PACP, vous avez déclaré que le gouvernement n'a jamais daigné consulter les agents de première ligne. Cela n'a pas été le cas lorsque l'idée a été proposée pour la première fois, ni lorsque l'application a été développée initialement, et certainement pas à aucun moment au cours de l'une des plus de 70 mises à jour que l'application a dû subir.
Si le gouvernement n'a pas lancé ArriveCAN pour aider les travailleurs de première ligne et assurer la sécurité de nos frontières, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez être l'objectif derrière la création cette application?
Pour répondre à la question générale sur l'application et son développement à long terme, nous pensons que l'objectif de l'application est de remplacer nos agents. Plus précisément, elle a pour effet de rendre nos frontières moins sûres. L'objectif ultime d'une telle application est d'éliminer les interactions que nos agents ont avec les voyageurs.
Nous avons vu des commentaires de l'ASFC dans les médias. Nous avons vu des vidéos promotionnelles et autres. Par exemple, un voyageur s'approche de la frontière en voiture et montre son téléphone à un écran. La barrière s'ouvre et le voyageur passe. Le slogan est quelque chose comme le fait qu'ils n'arrivent pas à croire qu'ils viennent de passer la douane. Réfléchissez à ce que cela signifie réellement. Je ne sais pas si l'agence attend qu'un contrebandier ou quelqu'un qui essaie de faire entrer au Canada des produits illicites par autodéclaration. Cela n'arrivera jamais.
C'est ce que me disent quotidiennement nos agents de première ligne. Même si nous sommes en pleine négociation contractuelle, car cela fait en effet presque deux ans que nous travaillons dans le cadre d'un contrat qui a expiré, et que les salaires, les avantages sociaux et toutes ces choses font évidemment partie de leurs préoccupations, l'une de leurs principales préoccupations demeure la sécurité des frontières. Chaque jour, nos agents constatent son érosion. C'est inquiétant pour l'ensemble de la population canadienne, et cela constitue un contexte de travail particulièrement difficile pour nos agents.
Au cours de ce même témoignage, vous avez déclaré au Comité qu'ArriveCAN « n'est qu'un exemple d'une longue série de solutions technologiques à la recherche d'un problème et mal adaptées pour le long terme, des solutions qui, en fin de compte, ne parviennent pas à améliorer la sécurité et l'efficacité de la frontière de façon réelle ». Je pense qu'il s'agit là d'une description juste de cette application, car elle n'est pratiquement plus utilisée. Au lieu de cela, on est revenu au statu quo. Cette application, qui a coûté au moins 60 millions de dollars aux contribuables canadiens, selon la vérificatrice générale, a tout simplement été tablettée.
Comment ces 60 millions de dollars auraient-ils augmenté l'efficacité des agents frontaliers s'ils avaient été investis dans l'embauche d'agents supplémentaires et dans l'achat de machines à rayons X, une observation que vous avez également faite la semaine dernière, je pense, et de navires pour les services frontaliers? Pensez-vous que l'effet sur la sécurité des frontières et sur nos agents aurait été meilleur et plus durable?
Tout à fait. Nous estimons qu'ils auraient pu embaucher environ 600 officiers avec cette somme. Six cents, c'est plus que le nombre d'officiers que nous pouvons diplômer chaque année. Étant donné qu'il nous manque entre 2 000 et 3 000 agents à l'échelle nationale, 600 agents auraient été d'une grande aide. Bien entendu, un agent, contrairement à une machine, peut procéder à des mesures de vérification, d'arrestation, et de maintien de loi en général. Une application est évidemment incapable d'effectuer toutes ces opérations.
Vous avez également mentionné que l'application ArriveCAN a en fait créé des problèmes pour les agents de première ligne et a rendu leur travail plus difficile. Vous avez déclaré que la mise en œuvre de l'application a réduit les agents de première ligne en consultants de TI plutôt qu'en agents frontaliers. Bien que cette transformation du rôle de nos agents de première ligne se soit avérée très lucrative pour le gouvernement, cela ne nous a certainement pas aidés à assurer la sécurité de nos frontières, comme nous l'avons constaté au cours des deux dernières années. Pouvez-vous nous expliquer comment ces changements ont eu pour effet de compliquer le travail de nos agents de première ligne?
Étant donné qu'elle a été rendue obligatoire, nos agents ont consacré la quasi-totalité de leur temps à aider les voyageurs à remplir l'application. Nous avons eu des ports où il n'y avait pas de Wi‑Fi et des gens qui venaient au bureau, qui devaient l'imprimer et le faire. Nous avons eu des voyageurs qui refusaient de le faire et qui ne savaient pas comment s'y prendre, et des voyageurs qui n'avaient pas de téléphone intelligent. Il était évident pour les agents travaillant en première ligne que toutes ces choses ne fonctionneraient pas, mais encore une fois, nous n'avons pas été consultés lors de l'élaboration. Personne n'a demandé à quiconque travaillant à la frontière comment cela fonctionnerait à la frontière.
Nous savons que l'application existe toujours et que les gens ont la possibilité de l'utiliser. Compte tenu de ce que vous nous avez dit aujourd'hui, pensez-vous qu'il soit prudent pour l'ASFC de continuer à financer ce projet ou cette application tout en ignorant les problèmes urgents auxquels sont confrontés nos agents de première ligne?
Je pense que le financement doit toujours aller, d'abord et avant tout, aux agents, surtout avec le déficit que nous avons dans le personnel de première ligne. Encore une fois, nous ne sommes pas des dinosaures: nous savons que la technologie a son utilité, mais elle doit être là pour aider les agents. Si l'idée est que la technologie remplace les agents, c'est une grande préoccupation, en matière de sécurité, pour tous les Canadiens.
Merci d'être revenu en tant que témoin. Pouvez-vous nous dire ce que les membres de vos syndicats vous ont dit sur les gains d'efficacité qu'ArriveCAN a apportés par rapport à l'ancien système sur support papier?
En ce qui concerne les informations dont nous avions besoin pour nos agents des douanes, tout ce dont nous avions besoin était de pouvoir vérifier que l'individu était vaccine, ce que tout le monde a pu faire en nous montrant simplement son vaccin sur son téléphone ou une copie imprimée. Toutes les autres informations qu'ArriveCAN nous obligeait à obtenir ne nous concernaient pas; pour nous, c'était comme si nous passions notre temps à recueillir pour d'autres des renseignements que, dans une large mesure, nous ne jugions pas pertinents. L'application posait par exemple des questions telles que: « À quel hôtel allez-vous séjourner? Quelle est l'adresse où vous allez séjourner? ». Pour autant que je sache, personne n'était chargé de vérifier où les voyageurs logeaient. Les centaines d'heures que nos agents ont passées à aider les gens à recueillir ces informations à la frontière... Nous ne pensons pas que ce temps a été utilisé à bon escient.
Non. Encore une fois, la majorité du temps de nos agents pendant la pandémie consistait à aider les gens à utiliser l'application correctement. L'un des problèmes majeurs que nous avons rencontrés est que nous ne sommes pas considérés comme des agents de la paix en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine, ce qui, je l'espère, fera l'objet d'un examen avant le... Idéalement, nous n'aurons jamais à subir une autre pandémie, mais je pense qu'il serait naïf d'écarter complètement ce genre de scénario. En tant qu'agents de première ligne, nous devrions être considérés comme des agents de la paix.
Nous sommes des agents de la paix, mais nous ne sommes pas considérés comme des agents de la paix au sens de la Loi sur la mise en quarantaine. Si une personne se présente à nous et est visiblement malade, ce qui est l'une des choses que nous sommes censés examiner en tant qu'agents à la frontière, nous n'avons aucune autorité légale pour la détenir. Tout ce que nous pouvons faire, c'est appeler la police ou l'agence de santé publique.
Parfois, nous avons quelqu'un au téléphone, s'il y a quelqu'un de disponible, et une autre agence se présente pour s'occuper du voyageur. En réalité, nous n'avons actuellement aucune possibilité d'arrêter cette personne à la frontière avec les pouvoirs dont nous disposons en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine.
Par « format papier », vous entendez spécifiquement la collecte de renseignements liés à la COVID ou, plus généralement, la collecte de renseignements à des fins douanières uniquement?
En général, il y a des utilisations pour cela et il y a des utilisations pour un système automatisé. L'une des utilisations que nous voyons intéressantes avec une application comme ArriveCAN est que si les gens peuvent faire leur déclaration sur l'application ArriveCAN, l'agent pourra la consulter lorsque le voyageur se présentera à l'agent. Ce serait utile.
Dans le contexte actuel, le problème est que l'application ArriveCAN et d'autres technologies utilisées dans les aéroports, comme les bornes d'inspection primaire, sont utilisées pour se substituer entièrement à nos agents. On compte sur les voyageurs pour qu'ils déclarent en toute honnêteté qu'ils ne transportent aucun produit illicite.
Oui. Comme je l'ai dit, l'utilisation de nouvelles technologies peut s'avérer utile, mais tant et aussi longtemps que l'objectif de ces technologies est d'appuyer le travail d'agents en chair et en os.
Oui, nous sommes ouverts à toute technologie susceptible de nous aider. À l'heure actuelle, l'utilisation d'ArriveCAN et la manière dont il est utilisé ne sont pas utiles pour nos processus frontaliers et pour assurer la sécurité de la population canadienne.
Mais comme je le répète, pour réduire le temps d'attente, il faut du personnel aux postes frontaliers terrestre, et dans les aéroports. C'est la principale chose à faire. Il n'y a rien d'aussi efficace ou d'aussi sûr qu'une frontière dotée d'un personnel adéquat.
C'est ce que l'on constate dans les aéroports avec l'introduction de bornes d'inspection primaire, qui ont largement remplacé les agents. L'idée était d'accélérer le processus de vérification, mais nous constatons que le temps d'attente est le même qu'à l'époque où les voyageurs interagissaient avec des agents. Dans certains cas, le temps d'attente a même augmenté. Si la technologie est utilisée en conjonction avec un agent, elle peut être utile. Dans le cas contraire, nous n'en voyons pas l'intérêt.
Que, compte tenu des graves préoccupations entourant le PDG de Dalian et l'ancien candidat du Parti populaire du Canada pour 2021, David Yeo, le Comité tienne une réunion, et qu'il y convoque:
1. Le sous-ministre de la Défense nationale, Bill Matthews
2. Le sous-ministre adjoint (Matériels) Troy Crosby
3. La sous-ministre adjointe (Ressources humaines — Civils) Isabelle Desmartis.
Je propose cette motion, et j'espère que la question sera réglée rapidement.
Nous pourrions facilement appuyer cette motion, mais nous devons la modifier pour y inclure le ministre et la personne en question, M. Yeo. Cela semble facile à ajouter. La personne faisant l'objet de la motion devrait être invitée à comparaître comme témoin, de pair avec le ministre, parce que la responsabilité ministérielle est la pierre angulaire du système de Westminster. Je propose ces deux amendements à la motion, monsieur le président.
J'espère que nous pourrons traiter cette motion rapidement, car j'ai un certain nombre de questions à poser à M. Weber. Je le remercie, bien sûr, pour les services rendus par les agents de l'ASFC et les membres de ce syndicat partout au pays. J'appuie la motion. Je pense aussi que l'amendement a du sens. Je crois que nous pouvons nous en occuper rapidement et revenir, je l'espère, aux témoignages.
Je suis heureux d'entendre, monsieur le président, que le NPD appuie non seulement la motion, mais aussi l'amendement.
Il a été plutôt décevant, la semaine dernière, que M. Weber comparaisse devant le Comité pour ensuite se retrouver essentiellement dans la même situation qu'aujourd'hui. Malheureusement, les députés libéraux ont fait de l'obstruction pendant le temps dont nous disposions pour entendre M. Weber, et nous avons dû le laisser partir.
La transparence et la reddition de comptes complètes sont au cœur de cette question. Je pense que la motion présentée par Mme Yip a ses limites. Il est certain que les amendements proposés par M. Barrett comblent la lacune et permettent au Comité de vraiment fonctionner en tant que comité et d'aller au cœur du problème, car tous ces témoins ont des renseignements importants à communiquer. Voilà pourquoi j'appuie sans réserve l'amendement.
Je comprends les amendements proposés. Je suis d'avis qu'il est important que nous allions vraiment au fond des choses et que nous trouvions les bons témoins pour y parvenir. Ma seule réserve, c'est que le ministre n'a aucun rôle à jouer dans l'embauche.
Je suis tout à fait d'accord pour que M. Yeo vienne témoigner. Je me demande s'il ne serait pas plus pratique pour nous de nous concentrer uniquement sur les personnes qui peuvent réellement répondre aux questions, plutôt que de suivre la voie partisane qui consiste à blâmer les libéraux pour tout ce qui ne tourne pas rond dans le monde. Essayons d'aller au fond des choses en invitant le sous-ministre et M. Yeo à témoigner.
Je tiens moi aussi à répéter que notre objection ne concernait pas M. Yeo. Ce n'est certainement pas le cas. Notre objection portait sur la façon dont la motion nous a été présentée à la dernière réunion. Je suis heureuse de voir une discussion plus approfondie sur ce que nous cherchons à faire ici.
Je conviens moi aussi que, conformément à la pratique de notre comité, qui établit normalement un plan de travail et une liste de témoins, il y aurait le sous-ministre et non le ministre... Je me rappelle très bien que M. Christopherson, un député néo‑démocrate de longue date, avait fait valoir que nous ne devrions pas laisser les sous-ministres s'en tirer à bon compte; que ce sont les sous-ministres qui devraient répondre aux questions du comité des comptes publics, parce que nous parlons de processus et non de politiques; et que si nous cessions de procéder ainsi, cela nuirait à la crédibilité et à l'exercice d'enquête du comité des comptes publics.
Je suis d'accord pour inviter M. Yeo et le sous-ministre, mais il n'est pas nécessaire de faire comparaître le ministre, car il n'a pas participé à ce processus.
Je souligne que je n'ai toujours pas reçu la motion, pas même par courriel. Je ne sais donc pas quels sont les mots exacts de la version française de la motion. Il faudrait l'avoir par écrit avant de conclure quoi que ce soit.
Pour ce qui est de la substance de la motion, de manière générale, je suis d'accord avec M. Julian. D'ailleurs, j'ai bien aimé son intervention, qui était simple et directe.
Nous sommes en faveur de la motion ainsi que de l'amendement. Cela va de soi, puisque la responsabilité ministérielle est importante. De plus, vu l'ampleur des contrats que l'entreprise Dalian a reçus depuis 2004, je pense qu'il est pertinent que le Comité reçoive aussi le président-directeur général de cette entreprise.
Monsieur le président, tous les membres du Comité devraient recevoir les documents dans les deux langues officielles, pas seulement Mme Sinclair‑Desgagné.
Vous recevrez tous, dans vos boîtes de courriel, la motion dans les deux langues officielles. L'amendement dont nous débattons vise à ajouter M. Yeo et le ministre à la liste des témoins.
Je vois que Mme Shanahan a levé la main, mais j'ai d'abord M. Brock.
J'écoute mes collègues du Parti libéral, et ce que je trouve très curieux — non seulement au sein de ce comité, mais dans presque tous les autres comités qui étudient l'application ArnaqueCan et toutes les autres escroqueries auxquelles le gouvernement Trudeau est confronté —, c'est la rapidité avec laquelle ils défendent les ministres. Ils parlent de responsabilité ministérielle, mais ce sont des mots creux, car au bout du compte, la responsabilité ultime revient au ministre...
Madame Khalid, vous pouvez lever la main si vous le souhaitez. Il ne s'agit pas là d'un rappel au Règlement. Bien que ce ne soit pas une pratique courante, ce n'est pas nouveau non plus.
Comme je le disais avant l'interruption, monsieur le président, la responsabilité ultime incombe au ministre chargé du dossier et, en fin de compte, au premier ministre du Canada. Voici ce que j'ai remarqué au cours des derniers mois chez mes collègues libéraux: alors que nous avons littéralement décortiqué cette affaire, comme un oignon que l'on épluche, pour découvrir la véritable pourriture de cette arnaque particulière, les libéraux ont fourni ce qu'on appelle un « démenti plausible ». Des présidents et des sous-ministres nous ont dit que, même si la controverse liée à l'application ArnaqueCan faisait rage au sein de leurs ministères respectifs, personne n'a jugé prudent d'informer les ministres...
Monsieur le président, nous assistons à une réunion de comité parlementaire qui est censée se dérouler dans le respect, et il n'est pas juste que des députés insultent d'autres députés et salissent ainsi leur réputation. C'est tout à fait injuste, et je pense que vous auriez dû intervenir.
Là où je veux en venir, monsieur le président, c'est que les Canadiens avec qui je m'entretiens d'un océan à l'autre se demandent pourquoi il y a une sorte de cloison entre le scandale et le gouvernement — le premier ministre et les ministres.
Cela ne fait qu'accentuer la nécessité d'entendre directement les ministres, parce que tout ce que nous entendons à la Chambre, ce sont des ministres qui répètent sans cesse la même chose: « Je ne savais pas. Je n'en avais pas été informé. » Ce n'est pas suffisant.
Ma première intervention portait sur l'amendement. Vous avez clarifié ce point. En toute franchise, nous avons reçu ici des ministres à titre exceptionnel.
Je m'inquiète toujours du précédent que cela pourrait créer pour les travaux futurs du comité des comptes publics. Ce que nous faisons ici est important. Nous ne devrions pas laisser les sous-ministres s'en tirer à bon compte — absolument pas — parce que nous parlons vraiment d'un problème dans la fonction publique. Je suis convaincue qu'il ne s'agit que de quelques pommes pourries, ou de processus insuffisants et d'un manque de... Comme l'a souligné la vérificatrice générale, oui, il s'agissait d'une situation d'urgence, mais cela ne signifie pas qu'il faut faire fi des règles.
Je sais que nous allons passer à la motion sur les témoins, dans sa forme initiale. Je veux entendre notre collègue néo‑démocrate, mais je n'ai aucune objection à entendre l'avis de n'importe quel député sur cette question.
Je veux vraiment revenir aux questions posées à M. Weber. Je sais qu'il a beaucoup de renseignements importants à donner au Comité au nom des membres de son syndicat, alors je me contenterai de dire deux choses.
Premièrement, la responsabilité ministérielle signifie que le ministre devrait comparaître.
Deuxièmement, pour répondre à mon collègue conservateur, j'ai vécu sous le régime Harper, et de 2011 à 2015, les ministres conservateurs n'ont jamais assumé la responsabilité des divers scandales monumentaux dont nous avons été témoins — le scandale des Services techniques et d'ingénierie et le scandale Phénix, dont les effets continuent de se faire sentir aujourd'hui —, et je ne veux pas revenir à cette époque, caractérisée par l'absence de responsabilité ministérielle.
Je crois qu'il incombe au Comité d'avoir la liste des témoins impliqués dans cette affaire. C'est choquant. En tant que membre temporaire du Comité pour aujourd'hui, je pense qu'il est absolument essentiel, pour les besoins des comptes publics, que nous puissions interroger le ministre, le sous-ministre et la personne en question. C'est pourquoi j'appuie la motion et l'amendement.
J'espère que nous pourrons arriver à une entente rapidement afin de pouvoir reprendre l'interrogation de nos témoins, qui ont beaucoup de renseignements précieux pour le Comité et pour les Canadiens.
Vous pourriez peut-être commencer par nous parler de certaines des contraintes que la pandémie a imposées aux travailleurs de première ligne de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je sais qu'il ne reste que 45 secondes environ. Même si vous ne faisiez qu'amorcer une réponse, ce serait formidable.
La principale contrainte était liée à l'application ArriveCAN, c'est‑à‑dire le fait de recueillir des renseignements qui n'étaient pas vraiment utiles aux douanes et de travailler avec une application qui tombait souvent en panne, qui n'était pas très conviviale et dont de nombreuses personnes traversant la frontière ne pouvaient pas se servir.
Juste pour mettre tout le monde au courant avant de passer à la prochaine série de questions, je cherche des ressources supplémentaires pour que nous puissions également entendre notre prochain témoin. Je n'ai pas l'intention de garder les gens ici jusqu'à l'heure du souper, mais nous irons un peu au‑delà de 17 heures afin de donner à notre prochain témoin le respect qu'il mérite de s'être présenté.
[Français]
Madame Sinclair‑Desgagné, vous avez la parole pour six minutes.
Aux constatations 1.42 et 1.43, la vérificatrice générale relate certains éléments qui sont des soupçons d'inconduite de la part d'employés de l'Agence des services frontaliers du Canada.
D'abord, j'aimerais avoir votre avis sur le code de conduite existant. Le syndicat a-t-il un droit de regard sur ce code de conduite et sur son application?
Ensuite, avez-vous été informé de certains écarts à ce code de conduite?
Pour revenir à ce qui s'est passé avec ArriveCAN, disons qu'on ne nous a pas demandé notre avis et que nous n'avons pas été consultés. Nous n'avons rien à voir avec l'approvisionnement. Nous n'avons pas été impliqués dans cette affaire et nous n'en avons pas eu connaissance.
Pour ce qui est du Code de conduite de l'Agence des services frontaliers du Canada, ce que nous savons, c'est qu'il est beaucoup trop large. Le Code de conduite de l'Agence des services frontaliers du Canada est tellement vaste et global qu'il couvre les actions de nos membres au travail et à la maison. Je pense qu'une bonne façon de le dire, c'est que s'ils veulent vous attraper pour quelque chose, ils trouveront bien une raison de le faire parce que cela couvre absolument tout. C'est un aspect vraiment problématique du Code. Nous aimerions qu'il soit beaucoup plus resserré et beaucoup plus spécifique afin que nos membres sachent exactement ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils ne doivent pas faire.
L'autre problème que nous avons en général avec la façon dont les enquêtes ont été menées, c'est qu'à l'Agence, nous voyons qu'il y a un système à deux niveaux où les membres — les agents de première ligne — font l'objet d'enquêtes pour presque tout. Dans une large mesure, le style de gestion de l'Agence des services frontaliers du Canada consiste à enquêter plutôt qu'à gérer.
En revanche, si nous signalons des fautes graves commises par la direction et les cadres supérieurs, il n'y a jamais d'enquête. C'est comme si nous parlions dans le vide. Il m'arrive de signaler à la haute direction de l'Agence des faits pour lesquels, honnêtement, nos membres seraient menacés de perdre leur emploi s'ils les avaient commis, mais ces signalements ne font tout simplement pas l'objet d'enquêtes.
C'est vraiment décourageant. Lorsque nous voyons ce qui se passe avec les enquêtes d'ArriveCAN et que nous entendons les témoignages des enquêteurs des normes professionnelles, cela crée une atmosphère toxique sur le lieu de travail. Pour nos membres, c'est quelque chose qui est difficile à prendre compte tenu de ce qu'ils ont vécu au cours de leur carrière. Il est vraiment ardu de savoir si l'on enquête comme il se doit sur les choses qui méritent une enquête.
À cet égard, justement, y a-t-il eu plusieurs discussions sur des changements à apporter au code de conduite afin qu’il soit plus spécifique, qu'il s'applique mieux et, surtout, qu'il soit mieux suivi par les employés, dans certains cas?
Oui, nous avons eu des discussions sur la politique en matière de normes professionnelles, sur la façon dont les enquêtes sont menées, sur le Code de conduite lui-même et sur la grille disciplinaire utilisée par l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous avons eu ces échanges avec la direction, et nous ne voyons pas vraiment de changement dans la façon dont ces choses se font.
Encore une fois, la façon dont vous êtes traité à l'Agence des services frontaliers du Canada est tout à fait différente selon que vous soyez un gestionnaire ou un employé. C'est là le problème fondamental.
Ainsi, il est arrivé aux oreilles de Mme la présidente que le code de conduite n'était pas nécessairement approprié et, surtout, qu'il n'était pas suffisamment clair pour que les employés puissent savoir ce qu'ils doivent faire et en suivre les directives. Dans certains cas, d'ailleurs, elles ne relèvent que du gros bon sens, même si j'aime moins cette expression, de nos jours. De plus, comme vous l'avez bien dit, les enquêtes doivent être effectuées de manière claire et juste.
Vous avez donc connu des cas où il y avait perception d'inconduite et où les enquêtes n'étaient pas nécessairement les bonnes. Est-ce exact?
Absolument. Nous avons vu l'imposition de mesures disciplinaires sévères. Nous avons vu des enquêtes qui n'avaient pas lieu d'être. Il aurait suffi d'une simple discussion avec un employé. Comme je le disais, en général, l'Agence gère par l'intermédiaire de constatations de faits et d'enquêtes. La situation n'a cessé de s'aggraver au fil des ans, et ce, malgré le fait qu'on ait mis de plus en plus de gestionnaires sur le plancher. On pourrait croire qu'il y a une certaine capacité de gestion, mais ce n'est absolument pas le cas.
Selon moi, la discipline devrait avoir une fonction corrective et non punitive. Nos membres font régulièrement l'objet de mesures disciplinaires pour des choses sur lesquelles ils n'ont reçu aucune formation et sans même savoir comment ils auraient pu agir différemment pour éviter de faire l'objet de ces mesures disciplinaires. C'est une atmosphère de travail assez difficile pour eux. Lorsqu'ils voient le comportement des gestionnaires, qu'ils signalent des choses qui clochent et qu'ils constatent que rien ne se passe de leur côté, ils trouvent cela très décourageant.
Le changement prend du temps. Le syndicat fait tout ce qu'il peut pour représenter ses membres. Je pense que nous réussissons à les représenter dans une large mesure. Nous soumettons ces problèmes à l'employeur.
J'espère que la nouvelle présidente de l'Agence des services frontaliers du Canada, Mme O'Gorman, est en mesure de voir une bonne partie des choses qui doivent être changées. L'Agence des services frontaliers du Canada est un grand navire à redresser. Nous continuons à travailler à cela. Il reste qu'un changement est cruellement nécessaire. Il est devenu de plus en plus difficile pour nos membres de travailler à l'Agence.
Luc Sabourin était un employé de l'Agence des services frontaliers du Canada. Il a été un lanceur d'alerte relativement à des actes qui lui étaient demandés et qu'il jugeait totalement inappropriés. Il s'est plaint à la gestion, mais cette dernière s'est retournée contre lui. Il a été intimidé et a été forcé de partir.
Je suis d'ailleurs surprise que le syndicat ne soit pas au courant, parce que c'est un cas qui a été...
Merci, monsieur Weber, de votre incroyable patience avec nous aujourd'hui et lors des réunions précédentes des comptes publics. Vous avez également comparu devant le comité de la sécurité publique et nationale il y a quelques semaines, et nous vous en remercions au nom des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada et des employés du secteur public de tout le pays, qui font un travail fabuleux en notre nom.
À l'époque et à nouveau dans votre déclaration d'aujourd'hui, vous avez fait allusion aux compressions massives qui ont été imposées aux agents de l'Agence des services frontaliers du Canada dans tout le pays en 2014, sous l'ancien gouvernement conservateur. Cela est lié, bien sûr, à l'augmentation des vols de voitures que nous avons constatée, et le fait que ces postes n'ont pas été entièrement rétablis est généralement lié à la question d'ArriveCAN.
Pouvez-vous nous parler un peu des répercussions dramatiques que les compressions des conservateurs ont pu avoir et des investissements que le gouvernement aurait dû faire pour appuyer les agents de première ligne de l'Agence et assurer la présence de systèmes fonctionnels à la frontière?
Je pense qu'il faut investir dans le personnel. Nous n'avons pas vu ces chiffres augmenter. Depuis 2015, l'Agence des services frontaliers du Canada a ajouté environ 2 000 gestionnaires à ses effectifs, ce qui est précisément ce dont nous n'avons pas besoin. Nous sommes déjà inondés de gestionnaires. Nous avons des lieux de travail où il y a autant — et, dans certains cas, plus — de gestionnaires que de personnes qui prennent en main les voyageurs et contrôlent les entrées et les sorties.
Je pourrais donner des exemples extrêmes. À North Portal, en Saskatchewan, quel que soit le jour, il y a sept gestionnaires et cinq agents.
Oui, il y aura sept gestionnaires et cinq agents. Je visite régulièrement des lieux de travail où les chiffres sont similaires à ceux‑là. C'est devenu tellement lourd au sommet et, dans certains cas, dysfonctionnel.
Je peux vous faire part d'une expérience personnelle. J'ai travaillé comme agent dans la zone secondaire de l'aéroport Pearson avec un autre agent. Il y avait une file d'attente à la porte et quatre surintendants qui ne contrôlaient aucun voyageur. Nous constatons que cette...
Apparemment, ils nous supervisaient. Je ne veux pas être méchant et dire qu'ils ne faisaient presque rien, mais c'était assez proche de cela. Beaucoup de nos agents saisissent toutes les opportunités d'intérim qu'ils peuvent simplement parce qu'ils sont épuisés, et une mission de surintendant intérimaire est un peu une pause de quatre mois pour eux, un moment où ils ne font pas grand-chose. C'est la triste réalité.
Je suis stupéfait de voir que l'application ArriveCAN s'ajoute à ce qui n'est rien d'autre qu'une suppression des investissements essentiels qui devraient être faits pour assurer que nos agents de première ligne reçoivent le soutien dont ils ont besoin.
Je voudrais passer à la question de la procédure de gestion. Compte tenu de ce que vous dites — par exemple, les postes frontaliers où il y a plus de gestionnaires que d'agents de première ligne —, comment décririez-vous l'atmosphère de travail actuelle à l'Agence des services frontaliers du Canada? Diriez-vous qu'elle est toxique? Diriez-vous qu'elle est bonne? Quels mots utiliseriez-vous pour décrire la culture en milieu de travail actuelle, compte tenu des compressions des conservateurs et du refus des libéraux de rétablir les niveaux de financement antérieurs?
En général, je dirais qu'elle est médiocre ou toxique. Cela est lié aux effectifs, au fait qu'ils n'ont pas augmenté. Cela est dû à une dépendance excessive à l'égard de la technologie. La combinaison de ces deux facteurs fait en sorte que nos agents doivent travailler très fort pour faire le travail pour lequel ils se sont engagés: protéger les Canadiens et empêcher les choses que nous ne voulons pas d'entrer au Canada. C'est la raison pour laquelle ils optent pour cet emploi. Souvent, sur leur lieu de travail, ils ont l'impression qu'ils ne peuvent plus vraiment faire cela. C'est une situation qui est décourageante pour eux et qui rend leurs conditions de travail très difficiles.
Vous avez dit que vous aviez espoir que les choses changent. Quels conseils donneriez-vous au Comité quant aux recommandations que nous devrions faire au gouvernement pour assurer qu'une débâcle comme celle d'ArriveCAN ne se reproduise pas? Nous avons vu d'autres débâcles sous les conservateurs. Nous avons vu Phénix qui, là encore, a été maintenu par les libéraux.
Quelles recommandations pouvez-vous formuler pour que nos frontières fassent l'objet d'investissements de bonne tenue et que les agents des services frontaliers puissent faire leur formidable travail de la manière la plus efficace possible? Quelles sont les choses que nous devrions recommander?
Nos frontières ont besoin de personnel. Nous avons désespérément besoin de personnel. Comme je l'ai dit, nous avons besoin de 2 000 à 3 000 agents à l'échelle du pays. Nous devons cesser de remplacer les agents par de la technologie. La technologie doit être là pour aider les agents, pas les remplacer. Une application ne va pas interdire quoi que ce soit. Je pense que la dépendance excessive à l'égard de la technologie est vraiment ancrée dans la philosophie de l'Agence des services frontaliers du Canada.
L'ancien président de l'Agence, John Ossowski, siège au conseil consultatif de la Future Borders Coalition. Le principal mandat de cet organisme est de faire progresser la technologie afin d'accélérer considérablement le passage aux frontières. L'accent n'est pas mis sur la sécurité. La coalition milite en faveur d'une amélioration de la technologie des applications mobiles depuis la période pré‑COVID, soit depuis 2018 environ. Nous devons vraiment arrêter de penser qu'il existe une solution technologique magique qui va résoudre tous nos problèmes aux douanes.
Je pense que l'autre chose que l'Agence pourrait envisager, c'est de passer la prochaine décennie sans embaucher un seul autre gestionnaire. Au bout de 10 ans, il y en aurait probablement encore trop.
Deux récits ont circulé ici, à Ottawa, et dans l'ensemble du Canada. Le premier, c'est que l'application ArriveCAN a sauvé des vies. Tous l'ont affirmé, du premier ministre aux ministres en passant par les simples députés libéraux. Cependant, cette affirmation a récemment été démentie par certains députés libéraux ayant une formation médicale, ainsi que par le ministère de la Santé. Aucune preuve empirique ne montre que l'application a permis de sauver des vies.
Monsieur, en tant que président du syndicat, que pensez-vous de certaines des préoccupations exprimées en ce sens? Personnellement, avez-vous l'impression que l'application a effectivement sauvé des vies?
Je précise encore une fois que le travail de nos agents pendant la pandémie consistait principalement à recueillir des renseignements pour le compte d'un autre organisme. L'application n'a pas permis de collecter ces informations de manière satisfaisante. Il était vraiment difficile de maintenir la circulation à la frontière et d'aider les gens à fournir les renseignements qu'ils étaient légalement tenus de fournir pour franchir la frontière.
Nous n'avions aucun moyen de contourner l'application.
En réponse à une question posée par Mme Block concernant la manière dont ces 60 millions de dollars auraient pu être mieux utilisés au sein de votre agence, je pense que vous avez mentionné que 500 à 600 nouveaux agents auraient pu être embauchés. Au rythme actuel, quel est le déficit de l'ASFC en matière de gestionnaires et d'agents de première ligne?
Je le répète, il nous manque de 2 000 à 3 000 employés à l'échelle nationale. Nous sommes en mesure d'en former moins de 600 par année. Nous ne disposons que d'un seul collège. S'ils obtiennent le nombre maximal de diplômés par année, il y aura environ 592 nouveaux agents par an. Cependant, ils n'atteignent pas ce nombre maximal parce qu'ils ne peuvent pas emprunter suffisamment de personnel pour les former. C'est dire à quel point nous manquons de personnel.
Une autre affirmation erronée de Justin Trudeau, notre premier ministre, c'est qu'il est responsable de l'ajout de milliers de nouveaux postes à l'ASFC. Je pense que cette affirmation est inexacte, et il soutient souvent que c'est le gouvernement Harper qui a réduit le nombre d'agents de première ligne.
Lors de votre comparution devant le comité de la sécurité publique, on vous a posé une question qui indiquait ce qui suit: « au cours des huit dernières années, le gouvernement actuel n'a ajouté qu'environ 25 agents de première ligne à l'ASFC ». Est‑ce exact?
Voilà pourquoi nos frontières sont poreuses. Voilà pourquoi des armes illégales sont introduites dans notre pays. Voilà pourquoi des conteneurs ne sont pas correctement contrôlés par balayage. Voilà pourquoi nous sommes aux prises avec des opiacés qui entrent clandestinement dans notre pays. Voilà pourquoi nous avons un problème de vols de voitures.
Nous n'avons pas assez de ressources humaines pour utiliser la technologie existante. Le gouvernement actuel de Justin Trudeau n'a pas la volonté de sécuriser correctement nos frontières. Cette affirmation est-elle exacte?
Pensez-vous que la présidente actuelle, Erin O'Gorman, dialogue avec le syndicat d'une manière constructive ou qu'elle a réalisé des progrès concrets pour aider les agents de première ligne?
En ce qui concerne l'embauche d'employés supplémentaires, je n'ai pas eu connaissance de progrès réalisés. Elle est la présidente de l'ASFC. Le budget étant ce qu'il est, je pense que le nombre d'agents qui peuvent être formés est limité compte tenu de l'argent disponible.
En ce qui concerne les progrès accomplis pour régler d'autres problèmes liés à la toxicité des milieux de travail, quelques effets positifs ont été observés. Il faut que je demeure positif et que je continue d'essayer d'améliorer les choses. Je fais ce travail depuis longtemps, et je vois qu'il y a de l'espoir.
Nous avons parlé de l'utilisation de mesures correctives et punitives dans tous les secteurs, en particulier à l'ASFC. Nous savons que deux personnes, qui travaillaient à l'ASFC dans le passé et qui se considèrent comme des dénonciateurs, ont apporté des preuves impliquant des employés de l'ASFC, qui comprennent non seulement l'ancien président Ossowski, mais aussi l'actuelle présidente O'Gorman et le dirigeant principal de la technologie du Canada, Minh Doan, lequel est maintenant accusé d'avoir supprimé jusqu'à 30 000 courriels concernant son implication dans l'escroquerie d'ArriveCAN. Ces gens n'ont fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire, alors que deux personnes qui les ont montrés du doigt ont été disciplinées.
En tant que président d'un syndicat, que pensez-vous des mesures prises par la présidente O'Gorman et des instructions données aux présidents et sous-ministres des autres ministères?
Il est difficile de savoir ce qui se passe. Nous ne faisons pas partie de l'équipe d'enquête.
Nous observons constamment des situations de ce genre liées à nos membres. Qui est en congé sans solde en attendant les résultats d'une enquête? Qu'est‑ce qui fait l'objet d'une enquête? Qui a été interrogé? Toutes ces questions nous semblent aussi souvent arbitraires.
Face à cette escroquerie scandaleuse des contribuables, les agents frontaliers de première ligne ont-ils reçu une prime au rendement, tout comme les cadres supérieurs?
En tant que députée de la circonscription de Châteauguay-Lacolle, où se trouvent la frontière et le poste frontalier très achalandé de Lacolle et où travaillent un certain nombre de personnes de mon entourage, je tiens à dire à M. Weber à quel point je suis reconnaissante aux agents de leur travail. Je peux comprendre que ce travail soit très intense dans le meilleur des cas. Bien sûr, au début de la crise de santé publique, lorsque personne ne savait vraiment ce qui se passait, nous avons été forcés de fermer la frontière, et nous savions ce que cela signifiait pour les travailleurs, pour les agents qui se trouvaient au front.
Vous pourriez peut-être décrire brièvement les premiers jours qui ont suivi l'émission du décret d'urgence concernant la fermeture de la frontière. À quoi la situation ressemblait-elle?
C'était déroutant. De nombreux membres s'enquéraient des nouvelles pour savoir ce qu'ils étaient censés faire ce jour‑là — ce qui vous donne une idée du chaos et de la désorganisation qui régnaient parfois. Souvent, nos membres recevaient peu de directives. Au début, lorsque les voyageurs se présentaient à la frontière, nous ne savions pas exactement quelle était la procédure à suivre, et la situation était donc difficile. Je veux dire que des pandémies peuvent survenir. C'était une situation d'urgence, et personne ne savait ce qui allait se passer. Nous avons fait de notre mieux pendant cette période.
Une fois que l'application ArriveCAN a été mise en place, les membres ont fait part de leurs préoccupations au syndicat, que nous avons essayé de transmettre à l'employeur. En réalité, il ne semblait pas y avoir de volonté de prendre en compte nos commentaires. Si nos membres avaient été consultés dès le début, je pense qu'une grande partie de ce qui s'est passé n'aurait pas eu lieu.
Au vu des résultats des enquêtes, si nous avions bénéficié de certaines mesures de protection offertes aux dénonciateurs et de la possibilité de transmettre des informations au moyen d'un mécanisme prévu à cet effet, je crois que la situation actuelle aurait été un peu différente, mais nos membres ne bénéficient pas vraiment de ces avantages.
Nous en prenons bonne note. La consultation des utilisateurs est toujours une pratique exemplaire, n'est‑ce pas? Je pense que cette idée devrait être mise de l'avant, quelles que soient les circonstances.
Était‑il utile d'avoir en main une copie imprimée des directives, un document tangible qu'un agent pouvait conserver par la suite? Je pense aux périodes d'attente épouvantables qui ont dû se produire pendant que les frontières étaient fermées. Il ne fait aucun doute que certains agents avaient été exposés à la COVID et ne pouvaient pas se présenter au travail.
Comme nous l'a appris la vérificatrice générale, l'application ArriveCAN a fourni plus rapidement des renseignements de meilleure qualité à des fins de quarantaine, bien sûr, mais aussi afin d'apporter les données qui devaient être transférées à d'autres organismes tels que les gouvernements provinciaux et les organismes de santé publique. Je vous ai entendu dire tout à l'heure que l'application ArriveCAN avait son utilité, n'est‑ce pas?
La collecte de renseignements que d'autres organismes souhaitaient obtenir a effectivement été utile. Ce que nous avons remis en question à la frontière, c'est que nous ne savions pas comment ces renseignements étaient utilisés par la suite. Le fait de déterminer l'adresse de l'endroit où une personne séjournera semble quelque peu inutile si personne ne se rend à l'endroit où la personne dit séjourner. En ce qui concerne le suivi, nous ne savions pas s'il était assuré.
Je suis d'accord. L'application présentait certainement des lacunes et, comme nous l'avons entendu dire, elle avait besoin de nombreuses mises à jour, entre autres choses. Nous allons en discuter plus en détail.
Vous représentez les travailleurs de première ligne. Reviendriez-vous aujourd'hui à un système fondé sur des documents imprimés?
Non. Je pense que ce dont nous avions vraiment besoin à la frontière à l'époque, c'était que les gens prouvent qu'ils étaient vaccinés, et la plupart d'entre eux pouvaient afficher cette preuve sur leur téléphone. Ils pouvaient nous montrer cette preuve. Ils avaient la possibilité d'imprimer cette preuve si leur téléphone ne leur permettait pas de l'afficher, et l'affichage ou la présentation de cette preuve ne prenait que quelques secondes. C'est vraiment tout ce dont nous avions besoin.
Personnellement, je parle toujours aux jeunes et je leur explique qu'en raison de la proximité du poste frontalier de Lacolle, le travail à la frontière est une excellente carrière.
J'entends mes collègues conservateurs dire que nous avons besoin de plus de ressources de première ligne, mais M. Poilievre et son caucus conservateur ont voté contre le financement de l'ASFC et de la GRC en décembre. Le saviez-vous?
Je crains que vous ayez dépassé le temps qui vous était imparti en posant cette dernière question, mais vous avez obtenu la réponse que vous cherchiez, je crois.
[Français]
Madame Sinclair‑Desgagné, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
En ce qui a trait à ArriveCAN, j'aimerais savoir si vous avez reçu des plaintes de l'interne. Des questionnements ou des doutes ont-ils été soulevés auprès du syndicat de la part de certains employés?
Nous en avons reçu. Tout au long de la pandémie, nos membres communiquaient avec nous quotidiennement pour nous faire part de leurs préoccupations à propos d'ArriveCAN. Je pense qu'une frustration extrême est ce qui décrit le mieux l'expérience de nos agents qui ont essayé de faire fonctionner le système alors qu'ils n'avaient pas vraiment le pouvoir d'arrêter qui que ce soit ou d'infliger des amendes, en tant qu'agents de la paix en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine. Comme je l'ai indiqué au cours d'une précédente comparution devant votre comité au sujet des experts-conseils en informatique, c'est vraiment ce que leur travail est devenu, en grande partie, pendant la pandémie.
Y a-t-il eu des plaintes ou des soupçons quant à l'application elle-même, et pas nécessairement à son déploiement?
Je sais, par exemple, que les décisions relatives aux consultants étaient surtout prises par la gestion, et non par les agents, mais y a-t-il eu des plaintes au sujet des personnes impliquées dans le déploiement de cette application?
Non, nous n'avons pas reçu de plaintes de ce genre au moment où nous avons utilisé l'application au début de la pandémie. Compte tenu de ce qui a été révélé par la suite, les membres m'ont évidemment parlé de l'ensemble du processus d'approvisionnement et de la prise de décision qui en a découlé, mais à l'époque, non.
Nos membres ont suivi de nombreux témoignages. Ils m'ont vu témoigner devant vous. Nous voulons tous savoir ce qui s'est passé, car c'est inquiétant.
L'une des principales mesures que le syndicat aimerait voir... J'ai comparu devant un autre comité qui étudiait le projet de loi C‑20, lequel concerne la Commission d’examen et de traitement des plaintes. Nous avons notamment insisté sur la possibilité pour nos membres de faire appel à cette commission, afin que nous puissions également faire état des actes répréhensibles lorsque nous en observons. À l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'un mécanisme de protection qui nous permet de le faire. Nous estimons qu'il est important de mettre un tel mécanisme en place si nous voulons voir un changement organisationnel.
Quand les choses vont mal au sein de l'agence, tous les gens souhaiteraient sûrement le savoir. À l'heure actuelle, la seule façon dont nous pouvons signaler les problèmes, c'est que je les communique à mes homologues à l'ASFC et, comme je l'ai expliqué plus tôt, la majeure partie des observations que je formule semblent être oubliées dès que j'ai fini d'en parler.
Monsieur Weber, ma porte d'entrée donne sur l'État de Washington. J'habite donc très près de la frontière, et je la franchis très fréquemment. Je suis toujours impressionné par l'incroyable professionnalisme des agents de l'ASFC. Ils sont hautement spécialisés et bien formés. Ils font un travail incroyablement efficace.
Je pense que les membres de notre comité seraient tous d'accord pour vous remercier pour tout le travail que vous réalisez au nom de vos membres et pour le travail que vos membres accomplissent pour faire en sorte que nos frontières fonctionnent de manière efficace et appropriée.
Au cours de votre exposé, vous avez déclaré ce qui suit:
C'est sans parler de la décision de l'Agence de dépenser des dizaines de millions de dollars dans le secteur privé, au lieu de choisir d'investir dans ses employés et de renforcer leur capacité à agir au nom des Canadiens. Pendant que nos membres se font presser comme des citrons à la table des négociations, ce n'est rien de moins qu'une claque en pleine face.
C'est un phénomène qui a commencé sous le gouvernement conservateur de M. Harper. Il s'agit d'une obsession pour la privatisation et l'externalisation de ce qui constitue des services publics qu'il est important de maintenir et d'améliorer.
Comme vous l'avez mentionné, nous pourrions embaucher des centaines d'agents des services frontaliers de plus si cet argent n'avait pas été dépensé pour élaborer l'application ArriveCAN. Si l'on combine ce projet à celui de Phénix, qui a vu le jour sous le gouvernement Harper — ce système a coûté 2,5 milliards de dollars et ne fonctionne toujours pas —, on remarque un autre exemple d'externalisation qui a nui aux gens, à notre fonction publique et aux personnes qui se dévouent pour servir notre pays.
Dans quoi devrions-nous investir? Vous avez mentionné les agents des services frontaliers de première ligne. Dans quoi pouvons-nous investir pour que la prochaine génération d'agents des services frontaliers ait les installations de formation dont elle a besoin? Que devrions-nous faire, au lieu d'externaliser nos services comme nous le constatons depuis une quinzaine d'années?
Comme vous l'avez déclaré, il est évident que nous avons besoin d'agents, de technologies qui leur viennent en aide sans les remplacer, et d'installations de formation. Comme je l'ai indiqué plus tôt, il y a en ce moment un collège à Rigaud, au Québec, qui peut former un maximum d'environ 592 agents par an, ce qui ne compense même pas l'attrition. Avec ce seul centre, nous ne pourrons jamais rattraper notre retard.
Nous avons besoin d'agrandir ce centre ou d'en créer un deuxième afin de pouvoir former suffisamment d'agents pour que nos effectifs reviennent à leur niveau normal.
Je ne sais pas à combien se chiffreraient ces coûts. Nous disposons essentiellement d'un deuxième centre de formation satellite à Chilliwack, que je pense utilisable. Nous avons aussi entendu parler d'endroits disponibles dans la région de Windsor qui pourraient fonctionner.
Différents plans sont envisagés, mais ils ne semblent jamais aboutir. Il faut vraiment investir des fonds dans la capacité de recruter et de former un nombre suffisant d'agents de première ligne prêts à travailler.
Pendant qu'ils facilitent la circulation des voyageurs et des échanges commerciaux légitimes, les agents des services frontaliers avec lesquels j'ai eu l'occasion d'interagir en tant que membre du public voyageur... Les circonstances sont toujours stressantes dans les aéroports, mais j'ai souvent l'occasion d'interagir avec eux dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, lorsque je traverse les frontières terrestres à Prescott ou à Lansdowne, dans les Mille-Îles, au point d'entrée dans ma collectivité. Les agents font preuve d'un professionnalisme exceptionnel.
Parce que je parle avec eux — ce sont des membres de ma collectivité, et ce sont mes voisins —, je sais que leur travail est stressant, et qu'il n'a pas été rendu plus facile par cette application ArnaqueCAN, qui a coûté 60 millions de dollars.
Lorsque j'ai franchi la frontière des États-Unis, les questions concernant la COVID-19 n'étaient pas: « Avez-vous rempli l'application ArriveCAN ou son équivalent? » et « Êtes-vous vacciné contre la COVID-19? ». Cependant, le processus permettant de détecter la tromperie ou d'interdire les armes à feu si leur présence était soupçonnée consistait à poser la question suivante: « Y a-t-il des armes à feu dans votre véhicule? ». C'est ce qui se produit.
Comment se fait-il que le gouvernement ait estimé qu'il ne pouvait pas se fier à vos agents pour ce qui est d'utiliser leur formation et leurs techniques pour déterminer si une personne était en train de faire croire qu'elle avait été vaccinée, et que le gouvernement ait au contraire dépensé 60 millions de dollars pour élaborer une application dans laquelle ils pourraient numériser les documents?
Je pense qu'au fil des ans, une dépendance excessive à l'égard des technologies s'est développée. Comme je l'ai mentionné, cela a commencé avec les machines automatisées de l'aéroport. Le projet initial avait pour but que les gens déclarent eux-mêmes leur arrivée au Canada et que nous n'interagissions pas du tout avec eux, ce qui est en grande partie ce que nous observons dans les aéroports de nos jours. Il est effrayant d'y penser, mais cette approche s'est développée de plus en plus, et nous voyons maintenant constamment ce qu'ils appellent des « plans de modernisation frontalière » de l'ASFC, qui se sont tous caractérisés par l'utilisation d'un nombre croissant de technologies et d'un nombre décroissant d'agents.
Nous disposons d'un magnifique centre à Lansdowne, un centre que je sais que vous avez vu. Il a cependant besoin de plus de personnel.
Les appareils à rayons X font partie des technologies utilisées par les agents. Combien d'appareils à rayons X pourraient être achetés avec 60 millions de dollars?
Ces appareils à rayons X sont importants pour la détection de drogues et d'armes, qui sont bien sûr un sujet d'actualité, et même pour contrôler les véhicules par balayage.
Quant aux chiens détecteurs et aux maîtres-chiens, c'est un investissement que le gouvernement Trudeau aurait pu faire. C'est une technologie qui peut s'avérer rentable, par exemple pour la détection de la monnaie. N'est-ce pas?
Absolument. Nos équipes canines sont essentielles à notre travail. Nous en manquons également, tout comme nous manquons d'agents. Oui, l'argent aurait certainement pu être utilisé à cette fin.
Je tiens à m'exprimer clairement. Compte tenu des 60 millions de dollars qui ont été dépensés pour élaborer cette application, vous ne serez pas surpris d'apprendre que je ne pense pas que cet argent ait été dépensé judicieusement. La vérificatrice générale a déclaré que l'argent des Canadiens n'avait pas été utilisé à bon escient.
Vos membres m'ont dit que cette application les avait empêchés de s'acquitter professionnellement de leur responsabilité de protéger notre pays. Pensez-vous que cet argent devrait continuer d'être investi dans cette application, ou devrait-il être réaffecté vers des ressources humaines, sous forme d'agents des services frontaliers de première ligne?
L'argent doit certainement être investi dans des agents des services frontaliers. Nous pouvons faire tout ce qui est nécessaire à la frontière, y compris assurer la sécurité de nos collectivités. Les technologies dont nous disposons, telles qu'ArriveCAN, ne nous permettent tout simplement pas d'atteindre cet objectif.
Vous avez témoigné devant différents comités. Vous avez témoigné il y a 18 mois. Je crois que Mme Block a dit que c'était au comité des opérations gouvernementales. Nous avons reçu d'anciens et d'actuels dirigeants de l'ASFC. Pensez-vous qu'ils sont à l'écoute?
J'espère que oui. Je n'ai certainement pas manqué de le répéter à maintes reprises.
Je pense qu'ils sont loin de la réalité. J'en ai parlé précédemment. Les cadres supérieurs de l'ASFC n'ont que rarement, voire jamais, fait partie du personnel de première ligne. Je dois souvent montrer ou expliquer à des gens qui n'ont jamais travaillé à la frontière quelles sont exactement les lacunes à la frontière, ce qui est souvent une tâche ardue.
J'ai eu de nombreuses discussions avec la présidente actuelle de l'ASFC. J'espérais qu'on fasse preuve d'un peu d'écoute, mais à la plupart de nos points d'entrée, la situation en première ligne est assez désastreuse.
Je trouve les questions de mon ami conservateur très intéressantes, car en décembre dernier, il a voté contre une augmentation des fonds alloués à l'ASFC pour qu'elle puisse faire son travail à la frontière en toute sécurité.
Quoi qu'il en soit, monsieur Weber, pouvez-vous nous dire quelle est la nature de votre travail et en quoi consiste le travail de votre syndicat? Comment soutenez-vous vos travailleurs?
Pour des griefs, des questions en matière de santé et de sécurité... En fait, pour toute situation dans laquelle on ne les traite pas comme on le devrait, ils s'adressent au syndicat.
Pourriez-vous nous dire, peut-être de façon plus générale si vous n'avez pas de chiffres précis, quel était le moral des agents de l'ASFC pendant la pandémie de COVID? Comment les gens utilisaient-ils et abusaient-ils des systèmes ou comment passaient-ils les frontières? Comment se sentaient les agents de l'ASFC?
Je dirais que le moral était bas. Les gens étaient frustrés. Encore une fois, puisque nous étions très peu en mesure d'appliquer quoi que ce soit, nous avons fini par passer la majeure partie de notre temps à la frontière à essayer de faire fonctionner l'application et de faire en sorte que les gens fournissent leurs renseignements dans l'application comme il se devait.
Le moral était bas à l'époque et les choses ne se sont pas beaucoup améliorées, évidemment, pendant la COVID. Les gens avaient d'autres préoccupations et soucis à gérer dans leur vie normale dans le contexte de la COVID...
Le moral était bas. Il y avait toujours différents problèmes. À l'heure actuelle, encore une fois, il y a le manque de personnel, le fait qu'il n'y a pas de convention collective, c'est...
En gros, nous avons simplement envoyé nos agents affronter la pandémie, faire face à un public très anxieux, puis utiliser une application sur laquelle ils n'avaient reçu — pratiquement — aucune formation. Est‑ce exact?
Est‑il question du rapport de la vérificatrice générale? Parlons-nous du coût financier de l'application, ou de la polyvalence ou de l'utilisation de l'application, selon vous?
Quel est votre objectif? Que voulez-vous faire figurer au compte rendu aujourd'hui?
S'il y a une chose que vous pourriez dire au Comité au sujet de l'application ArriveCAN, de la façon dont les agents de l'ASFC ont dû l'utiliser pendant la COVID — sans aucune formation, comme vous l'avez dit — et du fait qu'ils sont aux prises avec des problèmes de santé et que le moral est bas, quel message avez-vous à transmettre à notre comité?
Nos agents ont fait de leur mieux dans les circonstances, qui étaient extrêmement difficiles. Nous aimerions que l'application ne soit plus utilisée et que l'on cesse d'en élargir l'utilisation pour remplacer des agents et ainsi mettre en péril la sécurité de tous les Canadiens.
Est‑ce parce que l'application coûte trop cher, ou est‑ce en raison d'autres facteurs que vous, en tant que représentant syndical des agents de l'ASFC qui sont confrontés à des problèmes de ressources humaines, qui sont démoralisés et qui ont des problèmes de santé...? Est‑ce la cause?
Puisque vous dites que l'application ArriveCAN ne devrait pas être utilisée à l'avenir, je vous demande si c'est parce que, selon vous, l'application ne convient pas à la frontière. Est‑ce parce qu'elle remplace des agents de l'ASFC? Est‑ce parce que cela a une incidence sur eux, sur leur santé mentale, sur leur capacité à travailler et sur leur moral, comme vous l'avez souligné?
Est‑ce parce que le coût de l'application est trop élevé et que ces ressources pourraient être investies ailleurs? Nous avons vu les conservateurs refuser d'accorder plus de ressources à l'ASFC.
Les ressources représentent visiblement une préoccupation. Comme je l'ai dit, nous avons besoin de plus de personnel. Il y a aussi la question de la sécurité. Si nous attendons des voyageurs qu'ils déclarent eux-mêmes qu'ils font de la contrebande, nous laisserons entrer au Canada beaucoup de choses qui ne devraient pas s'y trouver. C'est essentiellement ce que nous faisons actuellement.
Je vous remercie beaucoup. Le temps imparti est écoulé.
Monsieur Weber, je tiens à vous remercier d'être venu. Je crois savoir que vous ferez parvenir des renseignements au Comité après la réunion.
Je vais suspendre la séance pendant une minute pour permettre à M. Weber de partir et pour accueillir le témoin suivant. Nous reprendrons les travaux dans environ 60 secondes.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à Dany Richard, président de l'Association canadienne des agents financiers. Nous vous remercions d'être ici aujourd'hui.
Nous avons un peu de retard sur l'horaire, mais à titre d'information, j'ai l'intention d'avoir trois séries de questions, ce qui nous mènera jusqu'à 17 h 30. La dernière série de questions sera un peu raccourcie. Les députés du parti ministériel et ceux de l'opposition officielle disposeront de quatre minutes, et les deux autres partis auront deux minutes chacun. Je ferai de mon mieux pour que nous ayons terminé à 17 h 30.
Monsieur Richard, vous avez cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Vous avez la parole.
Je vous remercie, monsieur le président et membres du Comité.
Je m'appelle Dany Richard et je suis président de l'Association canadienne des agents financiers. Nous sommes le plus grand syndicat d'Amérique du Nord qui représente exclusivement des comptables, des contrôleurs, des auditeurs et d'autres professionnels de la finance. Nous comptons plus de 7 000 membres dans plus de 70 ministères et organismes au sein de la fonction publique fédérale canadienne et à NAV CANADA. La majorité de nos membres sont titulaires d'un titre professionnel tel que CPA. Ils jouent un rôle essentiel dans la gestion efficace des fonds publics.
Après avoir examiné le rapport de la vérificatrice générale sur l'application ArriveCAN, j'ai été extrêmement déçu par les conclusions et les conséquences sur l'intégrité des vérifications internes et de la surveillance financière au sein de la fonction publique fédérale pendant la pandémie. Il n'est pas nécessaire d'être comptable pour comprendre l'importance de tenir les dossiers financiers à jour.
Si nos membres avaient été adéquatement consultés dans le cadre de ce processus, n'importe lequel d'entre eux aurait immédiatement souligné qu'il est essentiel d'établir une structure de gouvernance, mais dans la précipitation de la pandémie de COVID‑19, certaines pratiques exemplaires fondamentales ont été mises de côté, faute de temps. On a pris des raccourcis, ce qui entraîne des risques…
J'ai travaillé 10 ans comme comptable pour le gouvernement fédéral, et j'ai pu constater moi-même comment un cadre financier approprié peut contribuer à garantir que chaque dollar des impôts est pris en compte et utilisé à bon escient. Même si je suis déçu des conclusions du rapport, je ne peux pas dire que je suis surpris.
[Traduction]
À titre de syndicat, notre travail consiste à défendre les intérêts de nos membres. Trop souvent, nous recevons un appel d'un de nos membres qui fait face à un choix difficile. Doit‑il dénoncer quelque chose publiquement au risque de mettre sa carrière en péril ou doit‑il simplement faire part de ses préoccupations et s'en aller? Il est incroyablement difficile de soutenir et d'encourager nos membres à faire ce qui s'impose, car trop souvent, même s'ils prennent la parole, on ne tient pas compte de leurs conseils et de leurs recommandations.
Tout cela a été confirmé lorsque nous avons interrogé nos membres qui se trouvent à l'ASFC, à SPAC et à l'ASPC sur leur participation à l'élaboration et à la mise en œuvre de l'application ArriveCAN. Sur les quelque 1 000 membres que nous comptons dans les trois ministères, moins d'une douzaine nous ont dit qu'ils avaient participé à ArriveCAN.
Comme on pouvait s'y attendre, cinq de nos membres ont déclaré avoir été témoins de quelque chose qui leur semblait problématique. La plupart de ces personnes ont indiqué qu'elles avaient fait part de leurs préoccupations à la direction. On peut donc se demander pourquoi un si petit nombre de nos professionnels financiers compétents et chevronnés qui travaillent dans ces ministères ont été consultés. Pourquoi les quelques personnes consultées, qui ont fait ce qui s'imposait en exprimant leurs préoccupations, ont-elles été mises de côté?
Permettez-moi d'apporter quelques éclaircissements. Je crois au cadre financier du gouvernement lorsqu'il est respecté. Lorsque la Loi sur la gestion des finances publiques est appliquée correctement, elle garantit une gestion financière responsable au sein du gouvernement du Canada.
Les règles de gouvernance sont clairement établies, mais que pouvons-nous faire lorsque les règles mises en place pour assurer une bonne gestion financière ne sont pas respectées? À titre de professionnels de la finance, nous avons l'obligation éthique de signaler ces enjeux, mais cette obligation éthique est contournée par l'embauche de consultants qui ont pour tâche de justifier toutes sortes de montants non divulgués. Nous devrions plutôt nous appuyer sur les connaissances et l'expertise institutionnelle dont dispose le gouvernement, et ce, sans coût supplémentaire pour les contribuables. C'est la raison pour laquelle nous devons réduire la dépendance à l'égard des agents contractuels, écouter nos experts internes et trouver de meilleurs moyens de protéger les dénonciateurs dans des occasions comme celle‑ci, afin que les gens n'aient pas peur de s'exprimer.
Les données relatives à cette crainte parlent d'elles-mêmes. Lors du dernier Sondage annuel auprès des fonctionnaires fédéraux, seulement 55 % de nos membres qui travaillent à l'ASFC ont déclaré qu'ils seraient à l'aise de déposer une plainte formelle sans crainte de représailles. Il est difficile de dénoncer quelqu'un lorsque la personne que vous dénoncez est celle qui évaluera votre rendement à la fin de l'année. En d'autres mots, les dénonciateurs deviennent souvent des boucs émissaires.
Nos membres peuvent veiller à ce que de telles bévues ne se produisent pas, mais nous devons les laisser faire leur travail au lieu de les mettre à l'écart. Nous ne devrions pas sous-traiter des tâches qui peuvent être effectuées par des fonctionnaires à un coût bien moindre, tout en réduisant la confiance des contribuables quant à la façon dont l'argent de leurs impôts est dépensé. J'entends souvent dire que les consultants sont nécessaires parce qu'ils font un travail de meilleure qualité plus rapidement et à moindre coût, mais ce qui s'est passé dans le cas de l'application ArriveCAN est un exemple qui montre clairement que ce n'est pas toujours vrai.
Je vous remercie de votre temps et je répondrai volontiers à vos questions.
Compte tenu du temps imparti et des ressources dont nous disposons, la première série de questions, qui est habituellement de six minutes, sera de cinq minutes.
Madame Block, vous avez la parole. Vous avez cinq minutes.
Je vous remercie, monsieur Richard, d'être ici aujourd'hui.
J'ai aimé votre déclaration préliminaire, ainsi qu'un article que j'ai lu et que vous avez écrit, si je ne me trompe pas, en 2021. Je vous poserai peut-être quelques questions sur cet article.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez fait référence aux plaintes de vos membres qui travaillent à l'ASPC, à l'ASFC et à SPAC. Vous avez également mentionné que vos membres hésitent à déposer des plaintes par crainte de représailles et qu'ils se contentent souvent de signaler leurs préoccupations et de passer à autre chose.
Savez-vous à qui vos membres ont fait part de leurs préoccupations?
Nous ne connaissons pas les détails exacts et je peux vous expliquer pourquoi. Nos membres ont peur. En prévision de ma comparution devant le Comité, nous leur avons envoyé d'urgence un sondage vendredi dernier pour connaître leur opinion. Ce sondage était anonyme. Nos membres nous ont fourni des renseignements, mais ils ne voulaient pas nous donner leur nom.
Quelques personnes ont communiqué directement avec moi — parce qu'elles me connaissent personnellement — et elles m'ont dit que je ne pouvais pas mentionner leur nom dans le cadre de mon témoignage. Elles s'inquiètent pour leur bien-être. La dénonciation nuit aux dénonciateurs. Ces personnes ne veulent pas attirer l'attention sur leur participation, car elles s'inquiètent pour leur bien-être.
Si vos membres qui ont des inquiétudes devaient en parler à quelqu'un au sein de l'organisation, est‑ce que ce serait au dirigeant principal des finances?
Cela dépend du niveau auquel ils se trouvent. D'une manière générale, nous conseillons toujours à nos membres de signaler le problème à leur superviseur immédiat et la plupart du temps il ne s'agit pas du dirigeant principal des finances. Il peut s'agir de différentes personnes à différents niveaux. Cela dit, je suis président depuis 2016. Lorsqu'un de nos membres me dit qu'il a constaté une irrégularité, je lui demande de la signaler, de la documenter et de laisser les choses suivre leur cours.
Je suis gêné de devoir dire cela à mes propres membres. Je préférerais leur dire que nous allons nous battre et que nous allons les aider. En revanche, parce qu'ils ne sont pas protégés, nous devons leur dire de faire ce qu'il faut et la bonne chose à faire est de le signaler à l'employeur, quel que soit le niveau. Je dis signalez‑le, documentez‑le et laissez les choses suivre leur cours, parce que je ne peux pas citer un seul cas dont j'aurais entendu parler et qui a eu une issue favorable pour un dénonciateur.
En ce qui me concerne, c'est vraiment très préoccupant. Je dois dire que nous avons eu tout récemment un collègue qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire sur les dénonciateurs et je reconnais qu'il s'agit d'un problème.
Vous avez également déclaré que moins d'une douzaine des 1 000 membres que vous comptez dans ces trois ministères avaient été consultés sur l'application ArriveCAN et qu'ils avaient tous exprimé des inquiétudes. Je crois que cela en soulève justement pour nous. J'en vois deux qui me viennent immédiatement à l'esprit. La première, c'est que si peu d'agents financiers aient été consultés. La deuxième, c'est qu'ils aient soulevé des inquiétudes et qu'elles aient été balayées d'un revers de main. Cela me semble typique du gouvernement actuel, à savoir de ne faire aucunement cas des inquiétudes concernant les dépenses excessives.
Est‑ce que l'un de vos membres — et vous y avez peut-être déjà répondu — a signalé que des mesures de représailles avaient été prises en rapport avec ArriveCAN?
Non, ce n'est pas le cas. Je crois cependant que c'est parce qu'ils savent qu'il ne vaut mieux pas aller trop loin.
Pensez aux histoires dont nous entendons parler dans les médias sur ce qui arrive aux dénonciateurs. N'oubliez pas que la majorité de nos membres sont des comptables qui ont un code de conduite qui les oblige à signaler les irrégularités. Ils doivent le faire. Je suis heureux qu'ils le fassent, mais parce que nous ne les protégeons pas, c'est difficile pour eux d'aller plus loin.
Aucun d'entre eux ne nous a signalé précisément qu'il y avait eu des mesures de représailles à son encontre, mais si vous regardez l'enquête interne du gouvernement, les données sont claires. Nos membres disent: « je ne me sens pas à l'aise quand il s'agit de soulever des problèmes. J'ai peur des représailles ».
Je voudrais passer au point concernant les consultants et l'obtention de leurs services.
Vous avez dit que, selon vous, les consultants étaient utilisés pour contourner la responsabilité financière quand on remplaçait les fonctionnaires par des consultants. Dans l'article que vous avez écrit, en 2021 il me semble, vous avez déclaré: « À tout moment, un pourcentage alarmant des effectifs de la fonction publique se trouve dans ce que vos collègues de l'Institut professionnel de la fonction publique ont appelé la fonction publique fantôme ».
Je me demandais si vous pouvez nous en dire davantage sur cette fonction publique fantôme et ce que cela coûte aux Canadiens.
Souvent, lorsque les gens veulent faire avancer un projet, nos membres sont perçus comme des obstacles, comme des bâtons dans les roues, comme si la finance et les comptables n'étaient pas favorables; ils n'aident pas. Ils demandent comment faire pour les contourner et disent: « Nous savons ce que nous voulons faire, alors obtenons les résultats ». Alors, au lieu de s'adresser à un comptable, ils sous-traitent et s'adressent à une société qui leur fournira exactement les résultats qu'ils attendent.
J'ai vu des membres qui faisaient des rapports sur les coûts ou des prévisions financières se faire dire: « Nous n'aimons pas ces chiffres ». Nos membres répondent: « Eh bien, les chiffres sont ce qu'ils sont. Je ne suis pas là pour vous donner le résultat que vous cherchez. Je vous dis que le chiffre est ce qu'il est ». La fonction publique fantôme pourrait être utilisée pour dire: « Si nous voulons contourner les contrôles internes, sous-traitons le travail. Adressons-nous à des gens qui nous donnent ce que nous voulons ».
Oui, bien sûr. Nous représentons les comptables, les contrôleurs et tous ceux qui travaillent dans la finance ou les audits. Ce sont essentiellement nos membres. Nous en avons 7 000 dans tout le Canada dans plus de 70 ministères.
En tant que président national, mon travail à temps plein consiste en trois volets principaux.
Je vais écouter ce que mes membres ont à dire. Quels sont leurs questions et les problèmes auxquels ils sont confrontés?
J'interagis avec la haute direction pour voir ce qui se passe et comment nous pouvons résoudre les problèmes. Généralement, cela fonctionne bien. Cependant, au niveau des cadres intermédiaires, il peut y avoir des problèmes.
Nous travaillons avec nos membres, avec la haute direction et avec les autres syndicats pour collaborer avec eux le mieux possible.
Cela dépend du ministère. D'une manière générale, nous essayons de maintenir une relation positive avec la haute direction. Dans l'ensemble, si un problème devait survenir avec nos membres, nous savons que si nous le transmettons à l'échelon supérieur, il sera généralement résolu, le mot-clé étant ici « généralement ».
Parfois, nos membres ne veulent pas se risquer. Je peux parler d'un exemple que j'ai vu.
Je suis président depuis 2016. Nos membres ont même parfois peur de nous appeler pour nous dire ce qui se passe, parce qu'ils ont peur qu'on appelle l'employeur et qu'on les dénonce, ce qui n'est pas notre rôle. Lorsque vous appelez votre syndicat, c'est confidentiel. Nous voulons aider nos membres.
Si un membre soulève un point, nous essayons de le transmettre à l'échelon le plus bas. Parfois, il s'agit de cadres intermédiaires, mais si on peut sauter un échelon et revenir à l'essentiel pour éviter un grief ou une plainte, c'est ce que nous préférons faire. Si, au bout du compte, cela ne marche pas, c'est à ce moment‑là que nous appliquons les recours formels.
Nous avons besoin de meilleures mesures pour protéger les dénonciateurs. Si seulement nous pouvions constater davantage de cas positifs où quelqu'un arrive à dire les choses plutôt que de sacrifier sa carrière. Le bien-être mental n'est pas là non plus. Et il y a des instabilités financières parce qu'ils ont dû changer de ministère.
Nous avons besoin de plus d'exemples de gens qui font ce qu'il fallait faire et qui se retrouvent dans une situation favorable, mais trop souvent — vous l'entendez tout le temps dans les médias — quelqu'un a dit les choses et sa vie s'est transformée en véritable enfer. Si vous êtes mal intentionné, vous allez essayer de couvrir vos traces et c'est trop souvent nos membres qui en payent le prix.
Et cela, même si nos membres... Pensez qu'ils travaillent avec des chiffres et que les chiffres ne mentent pas. Quand vos registres sont exacts, ils restent en place. Souvent, nos membres se trouvent dans une situation où ils sont en mesure de fournir des preuves de ce qu'ils allèguent, mais, même à cela, malgré cela, les gens mal intentionnés peuvent essayer de brouiller les pistes.
La vérificatrice générale a commenté la piètre tenue des livres qui rendait impossible la détermination exacte du prix de l'application. Votre syndicat se penche‑t‑il sur l'absence de normes?
Ce n'est pas notre rôle d'examiner ce volet. De façon générale, lorsque la Loi sur la gestion des finances publiques est respectée, elle fonctionne très bien. Les mécanismes de contrôle interne ne sont efficaces que s'ils sont appliqués partout.
Je ne veux pas insister là‑dessus, mais nous parlons de l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC. Si vous essayez de sécuriser la frontière et que vous placez des agents tout au long de celle‑ci, mais que tout est permis une fois par mois, cela va à l'encontre du but. C'est la même chose pour les contrôles financiers. Si vous faites les choses à l'aveuglette et que vous décidez quand vous appliquez les mesures, cela ne fonctionne pas.
Les contrôles internes doivent être appliqués de façon uniforme pour éviter les bévues.
Pendant la pandémie, presque toute la fonction publique fédérale travaillait à domicile. Selon vous, quelle incidence cela a‑t‑il eue sur la qualité du travail effectué?
Je peux vous dire que nos membres peuvent travailler à distance. La majorité d'entre eux composent avec des chiffres, des feuilles de calcul et des vérifications. C'est quelque chose que nous pouvons faire à distance, et je pense que nous avons montré au cours des deux dernières années que cette méthode a bien fonctionné, mais aussi augmenté la productivité parce que les travailleurs sont capables de vraiment se concentrer et faire leur travail.
Comprenez-moi bien. Je pense qu'il est utile de se rendre au bureau de temps en temps, mais nos membres ont montré qu'ils pouvaient travailler à distance et faire leur travail. Je dirais qu'ils sont plus productifs lorsqu'ils travaillent de la maison que lorsqu'ils sont au bureau.
Je suis le président national de l'Association canadienne des agents financiers, mais je ne travaille pas à l'Agence des services frontaliers du Canada. Cependant, nos membres sont là.
J'ai parlé avec mon équipe pour savoir si des membres voulaient communiquer avec nous afin de nous faire part de leurs craintes. Je ne suis pas étonné que la réponse ait été non. Je ne doute pas qu'il y ait eu des craintes, mais je crois que nos membres ont parfois peur de communiquer avec nous.
Mon équipe et moi-même, sachant que nous allions comparaître devant ce comité, avons alors décidé de faire un sondage anonyme pour tenter d'aller collecter de l'information.
Je peux vous dire que j'ai été déçu de voir à quel point nos membres étaient peu impliqués dans ce genre de transaction. Pour tout ce qui touche à l'argent, comme on le sait, il est bon d'avoir un agent financier ou un comptable, non seulement à la fin du processus, mais également au début et au milieu. Quand j'ai vu que, parmi les 1 000 membres que nous avons dans ces trois ministères, seulement 12 étaient impliqués, cela m'a inquiété.
Cela m'inquiète parce que cela veut dire qu'on ne fait pas valoir l'importance des agents financiers. Nous ne sommes pas là pour jouer à la police. Nous voulons nous assurer que l'argent des contribuables est utilisé à bon escient. À cette fin, il faut nous laisser faire notre boulot.
Nous avons donc recueilli l'information et, par la suite, deux de nos membres m'ont appelé et ont insisté pour que leur nom ne soit pas mentionné, parce qu'ils craignaient justement des représailles.
Pouvez-vous quand même nous dire, tout en protégeant leur identité, s'ils parlaient d'inconduite professionnelle au sein de l'Agence des services frontaliers du Canada?
Ce que j'en comprends, tout en restant suffisamment imprécise et qu'on puisse quand même comprendre la situation, c'est que certaines personnes ont potentiellement levé des drapeaux rouges à l'interne pendant la conception de l'application.
Je ne les connais pas tous personnellement, mais, si un de mes agents financiers n'était pas en mesure de faire un budget, je serais très déçu et j'aurais une discussion avec lui.
Je ne sais pas si vous avez entendu le dernier témoignage. On a su, par le rapport de la vérificatrice générale, que l'Agence de la santé publique, qui était censée gérer la conception et le déploiement d'ArriveCAN, n'a même pas fait de budget ni de suivi.
J'en déduis que les agents que vous représentez n'ont pas nécessairement été inclus, alors que, normalement, quand on a un projet et qu'on fait des budgets et un suivi, on est censé inclure les agents qui sont capables de faire ces budgets.
Ce n'est même pas une question de comptabilité. Mon neveu de 16 ans me demande comment une telle chose peut se produire alors qu'il sait lui-même qu'il faut une trace documentée et des contrôles internes.
Je peux vous assurer que, si n'importe lequel de nos membres avait été consulté à ce sujet, on aurait pu faire des choses de base. On n'a pas besoin de réinventer la roue. Les contrôles internes existent déjà depuis des décennies. On n'a pas besoin de les découvrir, on a seulement besoin de les mettre en application.
Si l'Agence de la santé publique compte une cinquantaine d'agents et qu'ils sont tous capables de faire des budgets, pourquoi n'ont-ils pas été sollicités pour gérer les applications, selon vous?
Est-ce un processus lié seulement à l'application ArriveCan? Cette application est-elle la pointe de l'iceberg ou est-ce plutôt un cas isolé?
Je ne connais pas les détails, mais d'après mon expérience au sein de plusieurs ministères, en général, les contrôles internes fonctionnent. C'est lorsqu'ils sont mis de côté qu'on ouvre la porte à des acteurs malicieux qui peuvent faire bifurquer des fonds de sorte qu'ils se retrouvent aux mauvais endroits.
Il y a deux raisons pour lesquelles on a tendance à ne pas consulter nos membres. Premièrement, au lieu de voir les agents financiers comme étant une valeur ajoutée en début de processus, les gens les voient comme étant des personnes difficiles qui leur mettent toujours des bâtons dans les roues, alors que ce n'est pas le cas. Nous essayons seulement de nous assurer, lorsqu'on nous demande tant de milliers de dollars, que cela a du bon sens.
Monsieur Richard, je vous remercie beaucoup de votre témoignage et de tout le travail que vos membres effectuent tous les jours pour s'assurer que les contribuables en ont pour leur argent. C'est une tâche extrêmement importante.
Ma première question porte sur un élément que vous avez soulevé dans votre discours préliminaire, soit le fait que la fonction publique a de plus en plus recours à la sous-traitance. En quoi cela rend-il le travail de vos membres plus difficile lorsque vient le temps de donner des conseils et des directives financières concernant les programmes du gouvernement, quand une grande partie des contrats sont réalisés à l'extérieur de la fonction publique?
Lorsqu'ils n'ont pas accès aux outils, à l'autorité, aux documents et à l'information dont ils ont besoin, cela rend leur travail plus difficile.
Quand vous allez voir le médecin, par exemple, il doit dresser un bilan de santé pour connaître votre situation. Si vous lui cachez de l'information, son diagnostic ne sera peut-être pas le meilleur. Il ne sera pas adéquat. Il en va de même pour nos membres. Ce sont des professionnels de la finance. La majorité d'entre eux sont des comptables qui ont fait du travail d'audit. Ils savent comment le faire et ils ont les outils nécessaires, mais, si on ne leur donne pas l'information nécessaire et qu'on les met de côté, ils ne peuvent pas faire leur travail. Pourquoi avoir recours à une firme externe pour savoir comment faire un budget et une analyse financière, alors qu'on a déjà cette expertise au sein de la fonction publique?
Nos membres me parlent souvent de cas où on a engagé un consultant pour mener un projet, mais où ce sont eux qui doivent rédiger le rapport. Le consultant fait tout, puis il va voir l'agent financier pour lui demander si c'est correct, et celui-ci corrige son travail. En fin de compte, c'est comme si le rapport final avait été fait par l'agent financier, puisque tous les changements qu'il a recommandés y ont été apportés.
C'est insultant pour nos membres d'entendre dire qu'il y a un manque de connaissances au sein de la fonction publique, alors que les consultants externes qui sont engagés ont besoin de travailler avec eux pour faire leur rapport.
Il faut faire confiance à nos membres et leur donner la chance de montrer leur expertise. Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut jamais recourir à des consultants. Quand il y a un manque de connaissances au sein d'une organisation, il faut absolument le faire, mais on a trop souvent recours à des consultants de façon automatique.
Je suis au Parlement depuis longtemps et j'ai été témoin de nombreux scandales liés à la sous-traitance. En ce qui concerne ArriveCAN, nous parlons de 60 millions de dollars. Le système Phénix qui a été mis en place sous le gouvernement Harper a maintenant coûté 2,5 milliards de dollars, et ce n'est pas fini. Le scandale d'Ingénierie et services techniques sous le gouvernement Harper a coûté 400 millions de dollars. Je pourrais continuer longtemps à parler des nombreux scandales du gouvernement Harper et du gouvernement actuel.
À un moment ou à un autre, avez-vous vu des gouvernements, notamment l'ancien gouvernement conservateur, consulter les experts de votre syndicat, les comptables financiers qui comprennent la meilleure façon de procéder? Avez-vous déjà été consultés — je parle de vos membres — au sujet de Phénix ou d'IST? Vous avez dit qu'ils ne l'ont pas vraiment été au sujet d'ArriveCAN.
En général, si on nous consulte, ce qui est rare, c'est après coup. Ce n'est pas au début du processus, pour s'assurer de bien faire les choses. Mettons-nous en place une diligence raisonnable et une reddition de comptes suffisante?
Nous essayons de mettre nos membres à l'avant-plan pour nous assurer de pouvoir éviter des bévues comme Phénix en calculant les coûts et en nous demandant si c'est logique. Nous avons récemment eu le Régime de soins de santé de la fonction publique. Combien va‑t‑il coûter?
Nous avons des professionnels des finances à l'interne qui peuvent aider à établir les coûts, le budget et les prévisions. C'est ce que nous faisons de façon professionnelle, mais nous avons besoin des outils, des pouvoirs et des données pour faire notre travail.
Vous avez parlé des dénonciateurs et du rôle important qu'ils jouent. Je me souviens très bien du cas de Sylvie Therrien, une dénonciatrice sous le gouvernement Harper. Elle a parlé de la mauvaise utilisation des fonds de l'assurance-emploi, et le gouvernement Harper l'a simplement mise à la porte. Elle a été sommairement congédiée. Il y a de nombreux autres exemples de dénonciateurs sous les conservateurs et sous le gouvernement actuel qui ont été intimidés ou congédiés.
Quelles sont les mesures de protection dont nous avons besoin pour avoir une culture où les dénonciateurs peuvent divulguer une information sans crainte de renvoi ou de congédiement sommaire, comme nous le voyons trop souvent?
Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a publié un rapport en 2017 sur ce qui doit être fait pour améliorer la protection des dénonciateurs, en particulier dans la fonction publique. Il y a une longue liste de recommandations, mais la première est de veiller à protéger une personne qui dénonce une situation.
Je vais vous donner un exemple.
Si je travaille pour un ministère quelconque — peu importe lequel — et que j'ai un malaise parce que j'ai l'impression d'avoir été harcelée sexuellement, je serai protégée en tant que victime. Les responsables vont me retirer du milieu de travail pour assurer ma protection à tout prix.
Si vous dénoncez une situation et que vous restez dans la même équipe, on vous impose le fardeau de la preuve. Les gens que vous avez accusés essaieront d'étouffer l'affaire. Étant donné le stress que vivent ces gens qui sont tout simplement laissés à eux-mêmes, nous devons nous assurer que les dénonciateurs sont protégés.
Monsieur Richard, la demi-heure de témoignage que nous avons écoutée jusqu'à maintenant est, à mon avis, une grave accusation à l'égard du gouvernement de Justin Trudeau. Les préoccupations concernant la culture de peur sont extrêmement troublantes pour les fonctionnaires professionnels. Elles ont augmenté de 40 % sous Justin Trudeau.
En 2015, il a promis de réduire le nombre de consultants externes. Pourtant, au cours du dernier exercice, Ottawa a dépensé 15,7 milliards de dollars pour des consultants externes, en contournant complètement la fonction publique professionnelle. Il s'agissait d'une augmentation de 88 %. Je tiens à soulever cette préoccupation.
Monsieur, je m'adresse à vous compte tenu de vos années d'expérience en matière financière, des comptes rendus de vos membres, du commissaire de la GRC qui dit faire enquête sur ArriveCAN, du rapport de la vérificatrice générale, des fonctionnaires de SPAC affirmant qu'ils sont suffisamment méfiants à l'égard des activités criminelles entourant le processus d'approvisionnement d'ArriveCAN, des preuves documentées de fabrication de faux documents et de fraude potentielle, et de la montagne de reportages dans les médias. À la lumière de tout ce que je vous ai présenté, que vous avez certainement écouté et lu vous-même, croyez-vous qu'il y a un fort élément de faute criminelle entourant ArriveCAN?
Malheureusement, je ne peux pas faire de commentaires à ce sujet. Ce n'est pas mon domaine d'expertise. Je peux vous dire, d'après les conclusions de la vérificatrice générale, qu'il y a eu un manque évident de respect du cadre financier en place.
Vous avez également lu dans le journal l'histoire de M. Yeo, l'un des dirigeants de Dalian, qui exerçait un emploi rémunéré non seulement au ministère de la Défense nationale, mais aussi à titre de sous-traitant. Dans ce cas‑ci, M. Yeo et l'autre entreprise à laquelle il est affilié, Coradix, ont reçu entre 40 et 50 millions de dollars en fonds publics. C'est une autre entreprise à deux personnes, un peu comme GC Strategies.
Croyez-vous qu'avoir un travail d'appoint dans la fonction publique tout en étant accusé d'avoir escroqué les contribuables constitue un incident isolé chez les fonctionnaires?
Non, ce n'est pas le cas, à ma connaissance. Cela ne veut pas dire que c'est impossible.
Faire preuve de la diligence la plus élémentaire aurait facilement pu régler ce problème. Un fonctionnaire a un code de conduite. Il y a certaines choses qu'il n'est pas censé faire. Nous avons des règles et des contrôles en place pour empêcher que cela se produise.
Que pensez-vous de la responsabilité ministérielle? Tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, c'est que le ministre est complètement dans le néant. La controverse fait rage au ministère, et il nie tout: « Personne ne m'a rien dit. Je n'ai pas pris la peine de poser la question. »
Que pensez-vous de la responsabilité ministérielle dans cette arnaque?
La responsabilité ministérielle est importante. Tous les ministères sont responsables, même à l'échelon des sous-ministres. Quelqu'un doit porter la responsabilité, mais pour des organisations comme SPAC, EDSC et le MDN, on parle de centaines de millions ou de milliards de dollars. C'est une tâche très ardue pour une seule personne. Voilà pourquoi les agents financiers doivent remplir leurs obligations de diligence raisonnable et de gestion financière. Ils doivent protéger les sous-ministres afin qu'ils puissent faire leur travail.
Une seule personne ne peut pas vérifier chacune des transactions. La diligence raisonnable est importante. Nos membres peuvent contribuer à la réalisation de cette tâche pour veiller à ce que l'argent des contribuables soit non seulement pris en compte, mais aussi utilisé à bon escient.
Selon vous, les sous-ministres ont-ils fait preuve d'incompétence ou les ministres cherchent-ils activement à se protéger contre la controverse qui fait rage parce que les contribuables se sont fait escroquer?
Monsieur Richard, je tiens à vous remercier pour votre témoignage. Vous êtes manifestement dévoué à vos membres et vous représentez très bien ce que j'appellerais votre code de conduite professionnelle. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Vous avez mentionné que certains de vos membres étaient titulaires d'un titre professionnel. Pouvez-vous nous donner des exemples des normes éthiques et professionnelles qu'ils doivent respecter?
En règle générale, tous les fonctionnaires doivent respecter un code de conduite. Pour nos membres qui sont titulaires d'un titre, cependant, les normes sont un peu plus élevées.
Je vous donne un exemple. Disons que vous voyez quelque chose d'anormal, mais que vous n'avez rien fait de mal; vous êtes alors un témoin. Si, durant un audit, vous remarquez une anomalie dans le paiement d'une facture qui éveille vos soupçons, vous êtes tenu de la signaler. Le problème, c'est que même si vous n'avez rien fait de mal — vous ne faites que votre travail —, vos actions pourraient se retourner contre vous.
C'est une situation que nos membres vivent. Ils savent qu'ils sont tenus, sur le plan éthique, de signaler l'anomalie. Comment peuvent-ils le faire sans ruiner leur carrière? Comment peuvent-ils faire ce qu'il faut, ce qu'ils sont censés faire, ce qu'ils savent qu'ils doivent faire? Ils ne veulent pas mettre leur carrière en péril. Voilà pourquoi c'est si difficile et c'est une des discussions les plus ardues que je dois avoir avec mes membres.
Malheureusement, je dois leur dire qu'ils n'ont rien fait de mal et qu'ils doivent signaler l'anomalie à leur superviseur ou à la personne de leur choix. Leurs actions doivent aussi absolument être consignées parce que s'il arrive quelque chose et si un scandale éclate, il faut pouvoir démontrer que la personne a fait ce qu'il fallait et qu'elle a porté l'anomalie à l'attention de son superviseur. Le...
Puis‑je vous poser une question à ce sujet, monsieur Richard? Par quel moyen ces actions devraient-elles être consignées? Je pose la question en sachant, bien entendu, que la vérificatrice générale et le Bureau de l'ombud de l'approvisionnement ont produit des rapports. Je présume qu'il y a eu des rencontres ou des entretiens avec les membres de votre syndicat qui ont joué un rôle dans les dossiers examinés.
Quels genres de documents auraient-ils été en mesure de fournir? D'ailleurs, pourquoi ces documents ne sont-ils pas fournis avant que l'audit soit réalisé? Pourquoi ne pas transmettre les préoccupations et les recommandations directement au Bureau du vérificateur général ou au Bureau de l'ombud de l'approvisionnement?
Malheureusement, c'est parce qu'ils ne sont pas protégés.
Je le répète, ils doivent faire ce qu'il faut, c'est‑à‑dire aviser l'employeur. S'ils constatent une anomalie, s'ils ont des soupçons, si quelque chose cloche, ils doivent le signaler. Après, nous recommandons toujours à nos membres de consigner leurs actions dans un document parce que l'important, ce n'est pas ce que l'on sait, c'est ce que l'on peut prouver.
Je vous donne un exemple. Quand un consultant est embauché, il arrive que des modifications importantes soient apportées aux montants et que les rapports contiennent des conclusions contradictoires et illogiques. Nous recommandons à nos membres d'envoyer un courriel pour soulever leurs préoccupations et pour les consigner. Ainsi, au moins la balle est dans le camp de l'employeur et nos membres sont protégés.
Il peut être envoyé à toute personne exerçant des fonctions de gestion, comme un directeur, un membre de la haute direction, un dirigeant principal des finances ou un superviseur immédiat.
Dès que les constatations sont transmises à l'employeur, nos membres sont protégés parce qu'ils ont signalé les anomalies ou les disparités qu'ils ont observées à la personne compétente.
Je vais vous poser une autre question. Vous avez déjà dit et nous savons que beaucoup d'employés travaillaient à domicile. La surveillance aurait-elle été plus rigoureuse si les employés travaillaient au bureau? Le mécanisme de reddition de comptes ou les interactions physiques qu'on a dans un bureau auraient-ils changé quelque chose à la situation? « Eh, soit dit en passant, avez-vous vu tel projet? Qu'est‑ce qui se passe? » Je parle de ce genre d'échanges.
Nos membres travaillent avec des preuves. Tout doit être consigné par écrit. Je peux seulement répondre du point de vue de nos membres. Toutes les informations se trouvent dans des courriels ou des factures. Il y a toujours des traces écrites ou électroniques.
Pour nos membres, cela n'aurait rien changé puisqu'ils doivent vérifier les informations qui se trouvent dans des documents ou des factures.
Il faut absolument que du personnel soit affecté à la tenue des dossiers financiers et à la surveillance.
Je vais poser la question que nous avions pour SPAC au sujet, entre autres, des autorisations. Comment est‑ce passé inaperçu? La fonction publique a subi des compressions importantes sous le gouvernement Harper, à l'époque où M. Pierre Poilievre était ministre de l'Emploi.
Vous avez dit que, généralement, les contrôles internes fonctionnaient. C'est très bien. D'un autre côté, la vérificatrice générale nous apprend qu'il y a eu des cas de non-respect des processus à l'Agence des services frontaliers, mais aussi à Services partagés Canada et à Services publics et Approvisionnement Canada.
Le cas d'ArriveCAN, qui a été passé au peigne fin par la vérificatrice générale, est-il un cas isolé, selon vous?
Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Généralement, lorsqu'on applique les contrôles internes, il n'y a pas de problème et il n'y a rien à signaler. C'est quand on les met de côté pour faire les choses plus rapidement qu'on risque de se retrouver dans de telles situations. Toutefois, je n'ai pas d'information là-dessus qui me permette de vous dire qu'il s'agit d'un certain pourcentage ou d'un certain montant d'argent. Ce que je peux vous dire...
Je comprends que vous ne puissiez pas chiffrer cela, mais j'imagine que vous recevez des plaintes. Vous en avez reçu récemment de la part d'employés de l'Agence des services frontaliers. J'imagine que vous recevez des plaintes de ce genre à d'autres moments aussi et que ce n'est pas seulement arrivé au cours des dernières semaines.
L'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques dit que, lorsqu'on reçoit la facture d'un fournisseur, quelqu'un doit être en mesure d'attester que les biens ou les services ont été reçus. C'est normal. Si j'ai commandé 10 chaises, je dois vérifier si je les ai toutes reçues. Pour ce qui est des services, évidemment, c'est plus difficile de vérifier si on a reçu 10 000 $ ou 100 000 $ de services, surtout s'il n'y a pas de détails. C'est certain que ce terrain est plus propice à la fraude.
Pour répondre à votre question, oui, il arrive que nos membres nous fassent part de leurs craintes ou qu'ils nous posent des questions sur des situations qu'ils voient. Cela ne veut pas nécessairement dire que ce sont des cas de fraude. Cela veut peut-être seulement dire qu'un plus grand contrôle doit être exercé.
Je ne peux donc pas en venir à la conclusion qu'il y a effectivement des cas de fraude, mais je peux vous dire que des anomalies sont soulevées, et c'est normal.
Monsieur Richard, vous venez de dire que vous vous inquiétiez de possibles compressions budgétaires au sein de la fonction publique. En décembre, nous avons passé 30 heures à voter et les conservateurs ont voté 120 fois, une fois après l'autre, pour supprimer plusieurs programmes et services au Canada.
Dans le cas des compressions qui touchent vos membres, quelle expertise nous feraient-elles perdre? En moyenne, combien d'années d'expérience et de formation vos membres ont-ils? Qu'est-ce qu'on perdrait, si les conservateurs revenaient au pouvoir et appliquaient les compressions budgétaires pour lesquelles ils ont voté en décembre?
En matière de gouvernance, revoir les dépenses est une bonne pratique. Il faut se demander si les dépenses engagées servent un bon investissement. Lorsqu'on procède à des coupes de l'ordre de 2, 5 ou 10 %, sans nécessairement revoir chacun des cas, on risque de procéder à des coupes là où on ne le devrait pas. Généralement, chaque dollar investi en vérification financière entraîne un retour sur investissement.
En moyenne, nos membres ont 40 ans, et la majorité d'entre eux sont comptables. Cela veut dire qu'ils ont obtenu un baccalauréat, qui comprend un stage, ou un diplôme d'études supérieures. Ils veulent faire leur travail. Quand on veut savoir où on peut économiser des sous, il faut le demander aux comptables.
Vous avez mentionné tout à l'heure que si la Loi sur la gestion des finances publiques avait été respectée, on aurait évité de nombreux scandales, dont le scandale d'IST qui a éclaté sous le gouvernement Harper, le scandale du système Phénix impliquant le gouvernement Harper et le gouvernement actuel, ainsi que l'affaire d'ArriveCAN dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Pourquoi la loi n'est-elle pas respectée? Y passe‑t‑on outre? Les décideurs politiques sont-ils d'avis qu'il n'est pas important de la respecter? Pourquoi passe‑t‑on outre à la loi si souvent?
C'est au cas par cas. Dans le cas précis d'ArriveCAN, je peux seulement vous dire ce que j'ai entendu de la part de deux députés. Je ne peux pas révéler leur identité, mais on leur a essentiellement dit qu'on n'avait pas de temps pour la gouvernance.
Comprenez-moi bien. Il y a un moment et un endroit pour tolérer un peu plus de risques, mais il faut comprendre le genre de risques que l'on prend et avoir des stratégies d'atténuation des risques.
Le gouvernement libéral-NPD a dépensé 21 milliards de dollars en contrats externes, et il semble que cette tendance se poursuivra. Cette accélération à des niveaux sans précédent préoccupe‑t‑elle vos membres?
Oui. Écoutez, il y a un moment et un endroit pour faire appel à des consultants. Ce n'est pas foncièrement mauvais lorsque c'est fait pour les bonnes raisons, mais quand cela devient la pratique courante, c'est un problème.
En ce qui concerne l'échec du programme ArnaqueCan, pour lequel le NPD et les libéraux ont voté afin de continuer à verser plus d'argent, deux des entrepreneurs les mieux payés ont reçu un total combiné de 27 millions de dollars, et de cette somme, 30 % des commissions ont été versées à quatre personnes.
Je suis certain que vos membres n'approuvent pas le fait d'avoir versé ces fonds à quatre personnes au lieu d'investir pour avoir plus de ressources, de personnel ou de formation pour vos membres.
Je peux vous dire que si mes membres avaient vu cela, ils auraient envoyé des signaux d'alarme.
Il existe ce qu'on appelle un examen des prix. Je vais vous donner l'exemple d'une chaise. Si on vend une chaise au gouvernement du Canada, la lui vend‑on au prix qu'on facturerait normalement à quelqu'un d'autre dans une autre entreprise, ou la lui fait‑on payer plus cher parce que c'est le gouvernement du Canada? En effectuant une simple comparaison sur le marché, nous pourrions dire si ces taux ont du bon sens. Le travail demandé prend‑il normalement autant de temps?
Vous avez parlé de signaux d'alarme. Quand deux entreprises qui comptent quatre employés empochent 27 millions de dollars, y a‑t‑il lieu de se poser des questions à ce sujet?
Si mes membres avaient été consultés et avaient comparé le prix à la valeur normale d'un bien sur le marché, oui, ils auraient sonné l'alarme. Ici encore, je ne peux pas parler de cet exemple en particulier, car je ne sais pas si c'est normal ou non.
Je ne peux pas faire de commentaires parce qu'il n'y a même pas de registre financier des sommes dépensées. Pour évaluer l'optimisation des ressources pour les Canadiens, il faut savoir exactement combien d'argent a été dépensé, et nous ne pouvons même pas faire de calcul de base... Selon le rapport de la vérificatrice générale, nous ne pouvons même pas déterminer combien ArriveCAN a réellement coûté.
Avez-vous déjà vu un projet aussi mal géré qu'ArriveCAN, dont la vérificatrice générale a évalué le coût à environ 60 millions de dollars? Je suis sûr que vous conviendrez que quand la vérificatrice générale dit qu'elle ne peut pas déterminer le coût du projet avec certitude, c'est une condamnation de la tenue de dossiers financiers.
Je n'ai jamais rien vu de tel. Pour mes membres, c'est très frustrant, car si l'un d'entre eux avait été consulté, on aurait pu simplement nous laisser faire notre travail. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. C'est de la simple tenue de livres de base. Il est facile de prévenir ce genre de situations.
Au cours de votre décennie à SPAC, à quelle fréquence avez-vous vu des tactiques d'appât et de substitution, selon les termes de l'ombudsman de l'approvisionnement, utilisées lors de la passation de marchés?
J'ai vu à quelques reprises des offres qui soulevaient des soupçons, et je pense que certains de nos membres en ont vu aussi. Je dis « soupçons » parce que, ici encore, nos connaissances se limitent à ce que nous voyons. Si nous ne voyons pas toute l'information, il nous est difficile de faire une évaluation juste de la situation.
Remarquez que cela fait parfois partie de la stratégie. Si l'information ne passe pas par un point de contact, on peut garder certaines personnes dans l'ignorance.
Dans le cas d'ArriveCAN, on a expliqué que près des trois quarts des ressources étaient des leurres. Avez-vous vu, ou entendu de la part de vos membres, quoi que ce soit d'une telle ampleur?
Pourquoi pensez-vous que le gouvernement exclut vos membres de ce processus? Nous avons entendu la vérificatrice générale dire que l'urgence de santé publique n'était pas une excuse valable pour faire fi des règles, ces mêmes règles que vos membres respectent quotidiennement. Pourquoi vous a‑t‑on écarté? Pourquoi le gouvernement n'a‑t‑il pas admis que c'était une erreur?
Je ne peux pas parler au nom du gouvernement, mais je peux vous dire qu'en général, on perçoit le recours aux agents financiers et aux vérificateurs comme une source de retard. Si on veut que quelque chose se fasse rapidement, on ne veut peut-être pas faire appel aux comptables et aux vérificateurs. Par contre, si on veut que quelque chose soit bien fait et apporte de la valeur aux Canadiens, on souhaite que des agents financiers soient de la partie. On veut de la reddition de comptes et des dossiers bien étoffés. On veut que quand les gens signent une facture, ils sachent de quoi il s'agit.
Même si on pense économiser de l'argent, on n'en économisera pas. C'est certain.
Pour faire suite aux questions de mes collègues conservateurs, je ferais remarquer que nous avons tenu de très nombreuses réunions à ce sujet. Je pense que nous sommes tous fort alarmés par les sommes d'argent dépensées pour cette application et par la manière dont cette affaire s'est terminée, avec l'absence de documents.
Je n'aime pas beaucoup la manière dont les conservateurs essaient de faire porter le blâme à Justin Trudeau, qui a signé des documents et qui passe pour un être infâme et je ne sais quoi d'autre, mais je pense que je laisserai M. Richard s'exprimer.
Nous représentons des professionnels des finances, soit des comptables, des contrôleurs, des vérificateurs et des membres qui sont là pour assurer l'intégrité financière et veiller au respect de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Cependant, si nos membres ne sont pas autorisés à faire leur travail... Par exemple, si quelqu'un venait me voir pour me dire qu'un membre n'a pas tenu les livres de façon adéquate, je répondrais qu'il n'a jamais eu accès à l'information et qu'il n'a jamais été consulté. Si un membre ne faisait pas son travail, je serais le premier à lui demander ce qu'il a fait et à quoi il pensait.
Il y a de la reddition de comptes. Ce n'est pas que pour nos membres, à titre de professionnels des finances...
J'en conviens entièrement. Il faut assurer la responsabilisation et obliger les bonnes personnes à rendre des comptes, plutôt qu'essayer de diminuer la valeur de nos institutions démocratiques à ce point‑ci.
Je pense que vous accomplissez un travail très important, monsieur Richard.
Vous pourriez peut-être nous aider à comprendre l'incidence qu'a eue l'élimination de 30 000 emplois par le gouvernement conservateur précédent sur la situation actuelle à l'Agence des services frontaliers du Canada et sur le dossier d'ArriveCAN.
Chaque fois qu'on fait des suppressions de postes, il y a plusieurs façons de procéder. La méthode la plus populaire est celle de l'attrition, perçue, à défaut d'un meilleur terme, comme étant la plus facile. Cependant, quand on laisse les gens partir par attrition, qui fera le travail?
Je vous donnerai un exemple simple. Disons qu'il y a une unité de deux personnes et qu'une d'entre elles prend sa retraite. Les décideurs disent qu'ils ne doteront pas ce poste pour économiser de l'argent. Mais qu'advient‑il de toutes ces tâches, de ces fonctions et de la charge de travail? À qui doivent-elles être confiées? Elles reviennent maintenant sur une seule personne, à qui on demande de faire non seulement son travail, mais aussi celui de son collègue.
Inévitablement, cette personne aura une charge de travail beaucoup trop lourde et elle ne pourra pas faire son travail. Elle aura des problèmes de rendement et elle sera stressée. Chaque fois qu'on supprime des emplois, il y a des conséquences.
Lorsque ces 30 000 emplois ont été supprimés, c'était le premier ministre Harper qui était au pouvoir, et l'actuel chef de l'opposition, Pierre Poilievre, était ministre de l'Emploi. Je pense que cela en dit long sur les répercussions à long terme des décisions stratégiques.
Qu'avez-vous à dire au sujet du rapport de la vérificatrice générale et de ses questions sur le processus d'approvisionnement de la fonction publique? Nous parlons de décisions prises par des cadres intermédiaires qui n'ont pas consigné tous les contrats financiers qui ont été conclus. Selon vous, quelles sont les prochaines mesures que nous pouvons prendre pour nous assurer que pareille chose ne se produise pas?
Nous sommes certainement sur la bonne voie. Oui, le gouvernement est là pour rendre des comptes. Oui, la responsabilité ministérielle existe. Cependant, au bout du compte, où en est la fonction publique à cet égard? Comment les fonctionnaires s'assurent-ils de respecter les exigences en matière de reddition de comptes pour faire en sorte qu'ils ne profitent pas des fonds publics?
Premièrement, nous avons besoin de reddition de comptes. La Loi sur la gestion des finances publiques n'a pas été respectée. Quelqu'un doit en être tenu responsable. Quelqu'un a fermé les yeux. Il s'est passé quelque chose. Je ne sais pas pourquoi et je ne sais pas qui, mais quelque chose n'a pas été fait correctement.
Deuxièmement, si nous protégeons les dénonciateurs, nous devons nous assurer, comme je le disais tout à l'heure, que lorsque quelqu'un voit quelque chose qui cloche, il soit plus susceptible de le signaler. Il voudra faire la bonne chose.
Troisièmement, nous devons réduire le recours aux entrepreneurs et laisser nos membres faire leur travail. Nous sommes des professionnels dévoués qui veulent fouiller pour trouver des anomalies et de l'argent pour le contribuable afin qu'il soit dépensé judicieusement et que nous puissions ajouter de la valeur. Il faut toutefois nous laisser intervenir. Laissez-nous agir et travailler. Nous voulons être des alliés.
Je le comprends parfaitement, et je pense que vous soulevez un très bon point. Nous devons nous assurer que notre fonction publique est suffisamment compétente et digne de confiance pour s'occuper de ces contrats et de ces rôles de consultants afin de combler les lacunes, au besoin.
Pour être précis, en ce qui concerne ArriveCAN, il faut assurer la reddition de comptes. Nous devons renforcer le message selon lequel les règles en place existent pour une raison. Nos membres peuvent vous aider. Laissez-nous simplement faire notre travail.
Nous allons maintenant passer à notre troisième série de questions. Comme je l'ai indiqué, les députés disposeront de quatre minutes. J'avertirai probablement chacun d'entre vous lorsqu'il restera 30 secondes afin de ne pas dépasser le temps accordé.
Madame Block, vous avez les quatre premières minutes.
Je vais examiner l'article d'opinion que vous avez écrit en novembre 2021. Vous y parlez de la connaissance qu'ont les Canadiens de l'important travail du vérificateur général. Vous dites ensuite que ce sont les 6 000 comptables, vérificateurs et professionnels de la gestion financière qui travaillent dans les programmes et les ministères qui sont, au premier chef, chargés de veiller à ce que les fonds publics soient dépensés de façon adéquate. Ce groupe inclut‑il les dirigeants principaux des finances?
Non, nos membres ne représentent pas les dirigeants principaux des finances. Cependant, le vérificateur général examine souvent les choses après les faits et se tourne seulement dans le passé. Nos membres, s'ils sont bien positionnés d'entrée de jeu, peuvent prévenir les faux pas.
Je crois comprendre que les dirigeants principaux des finances sont responsables ou à la tête d'un organisme d'approvisionnement et qu'ils approuvent les demandes de financement. Est‑ce là leur rôle?
Dans votre article, vous avez également indiqué que le système de dotation actuel récompense et priorise ceux qui savent comment fonctionner dans le système, et non les personnes les plus qualifiées et les plus compétentes. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par « fonctionner dans le système »?
Je ne pense pas que ce soit un secret. De façon générale, quand on travaille avec les chiffres, on tend à ne pas nécessairement avoir de l'entregent. On peut être introverti. Je dis cela parce que certains de nos membres accomplissent un travail formidable, mais ils ne sont pas nécessairement les plus populaires lorsqu'il s'agit d'être sociables, d'interagir avec leurs collègues, de sortir ou de se faire connaître. Ce qui arrive souvent, c'est que les gens qui sont promus... Qui aime‑t‑on? Avec qui est‑ce qu'on s'entend bien? Souvent, on ne s'entend peut-être pas avec un comptable qui pose des questions.
Lors de son témoignage devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, Botler AI a soulevé la question du soudoiement, et cette semaine encore, sur CTV, il a allégué qu'il y avait eu des pots‑de‑vin. Vous préoccupez-vous des ports‑de‑vin ou d'une possible criminalité?
Je n'ai jamais été témoin de soudoiements. Aucun membre n'a jamais soulevé la question, alors je ne peux pas en parler. C'est toujours une possibilité, cependant.
Ici encore, c'est la raison pour laquelle il existe un code de déontologie et des règles internes. C'est la raison pour laquelle on surveille les transactions le mieux possible. On ne peut jamais éliminer le risque, mais on peut le réduire, on peut l'atténuer et on peut s'assurer que des mesures de contrôle adéquates sont instaurées pour réduire les probabilités que des situations comme celle‑là se posent.
Vous avez répondu à un de mes collègues qu'on peut éviter d'ouvrir la porte à la fraude en implantant des mesures de contrôle adéquates. Considérez-vous que le dirigeant principal des finances de l'ASFC a accompli son travail en s'assurant que les fonds publics étaient dépensés de façon adéquate dans le dossier de l'application ArriveCAN?
Je ne peux pas me prononcer sur le dirigeant principal des finances. Je peux vous dire que quelqu'un n'a pas assuré une bonne surveillance. J'ignore de qui il s'agit, mais quelqu'un n'a pas fait son travail.
Il y a des comptes à rendre. Normalement, si on surveille les mouvements d'argent et la trace écrite, on découvrira le responsable, mais en l'absence de trace écrite ou de documents électroniques, il est très difficile de savoir où se trouvait la brèche dans l'armure.
Je vous remercie de votre témoignage, monsieur Richard.
Monsieur Richard, vous avez dit que quelqu'un doit rendre des comptes, mais quelles nouvelles mesures de protection des dénonciateurs qui n'existent pas déjà recommanderiez-vous? Vous avez déjà formulé des recommandations, mais quelles mesures de protection devrait‑il y avoir, selon vous?
Un groupe de travail se penche sur la question en ce moment, et nous y comptons un membre. Le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a publié un rapport en 2017.
On peut prendre de nombreuses mesures, mais je pense que la plus importante est celle que j'ai évoquée. Un lanceur d'alerte doit savoir qu'il sera protégé quand il se manifestera, car il ne peut pas mettre en péril sa carrière et son gagne-pain. Imaginez le stress que subit la personne quand elle fait la bonne chose. Elle a parlé, et tout à coup, tout le monde l'attaque. Elle se demande alors si elle aurait dû parler. Elle pourrait regretter sa décision pour le reste de ses jours.
La plus importante de toutes les recommandations, c'est de trouver une façon de protéger le lanceur d'alerte.
Je ne doute pas un seul instant que les niveaux de productivité ont augmenté. Par contre, le travail au bureau comporte des avantages non écrits. Voilà pourquoi je conseille toujours à mes membres d'aller au bureau de temps à autre.
Aujourd'hui, le nerf de la guerre, c'est l'information. Par exemple, un de mes membres peut croiser au détour d'un corridor un collègue qui lui parle d'un projet sur lequel ce dernier travaille, mais dont mon membre n'est pas au courant et sur lequel il n'a pas été consulté. Parfois, en étant au bureau, mes membres glanent des informations en dehors du cadre de leurs fonctions officielles, ce qui leur permet ensuite de poser des questions en toute bonne foi pour en savoir plus. Il arrive que les cadres supérieurs oublient tout simplement de consulter les conseillers financiers. Les conversations autour de la machine à café peuvent servir à cette fin.
Je crois sincèrement — je ne peux pas parler pour toute la fonction publique — que nos membres ont démontré que le travail à distance fonctionne bien, voire très bien. Cette formule améliore le moral des employés en leur permettant de faire ce qu'ils font le mieux et ce qu'ils adorent, c'est‑à‑dire travailler avec les chiffres.
Je veux me pencher également sur certaines firmes de consultants, notamment celles qui profitent du système d'approvisionnement. Comment pourrions-nous rendre le système plus robuste? Avez-vous des recommandations?
Nos membres ne travaillent pas directement dans l'approvisionnement. Ce ne sont pas des agents d'approvisionnement. Ils sont plutôt dans le domaine de l'analyse et de l'établissement de coûts.
Je ne peux pas parler du processus d'approvisionnement, mais je peux dire que le gouvernement fait appel à de grosses firmes de consultants — je ne vais pas nommer de noms. Lorsque nos membres savent que les services d'une firme ont été retenus, ils ont en règle générale le réflexe de demander pourquoi. Après avoir examiné l'énoncé de travail, ils concluent que les tâches en question auraient pu être exécutées par les ressources au ministère. Pourquoi ce travail est‑il imparti à des fournisseurs? C'est un non-sens.
Le plus insultant pour nos membres, c'est de se faire demander d'aider les consultants à faire les analyses et les prévisions. Nos membres coûtent moins cher que ces consultants payés à mille dollars par jour. Ils produisent en outre du travail de meilleure qualité plus rapidement.
Pour reprendre ce que vous disiez, monsieur Richard, beaucoup d'agents financiers doivent se sentir insultés, dans ce cas-là, puisque le nombre de consultants qu'on engage augmente depuis 2016. En fait, le nombre d'employés de la fonction publique a aussi augmenté, mais on embauche surtout des gens qui occupent des rôles opérationnels pour gérer les consultants. Une machine énorme sert donc à gérer les consultants, alors qu'on a déjà l'expertise nécessaire. J'ajouterais que, s'il y a une dépendance à une expertise externe, c'est notamment à cause des compressions faites par les conservateurs dans la fonction publique lorsqu'ils étaient au pouvoir.
Pour revenir au cas d'ArriveCAN et aux témoignages que vous avez reçus récemment, si les gens qui vous ont parlé anonymement avaient été écoutés et que leurs conseils avaient été pris au sérieux, cela aurait-il changé quelque chose, ou aurait-on trouvé un moyen de les contourner? À quel point auraient-ils pu être utiles pour éviter cette situation?
Je peux vous assurer que, si nos membres avaient été non seulement écoutés, mais aussi consultés, tout cela ne serait pas arrivé. Lorsqu'il est question de finances, on doit nous consulter et nous écouter.
Je vais encore donner l'exemple du médecin. Si je vais voir mon médecin parce que j'ai quelques livres en trop et que je ne suis pas dans la meilleure forme, il va me dire de faire attention à mon alimentation et de faire plus d'exercice. Il fera un bilan de santé et des recommandations. Nos membres font la même chose. Donnez-nous l'information, et nous allons nous assurer que les normes sont suivies et formuler des recommandations.
Toutefois, ultimement, ce n'est pas nous qui prenons les décisions. Même si le médecin vous dit d'arrêter de manger des beignes le matin, vous pouvez continuer de le faire. De la même façon, même si nos membres signalent qu'on court un risque en n'appliquant pas les contrôles internes, ultimement, ce ne sont pas eux qui prennent la décision. Ils font des recommandations, mais ils ne font pas la police.
Monsieur Richard, vous avez parlé des consultants payés mille dollars par jour. Cela me fait penser au contrat de 90 000 $ par jour que le gouvernement Harper avait attribué à une firme de consultants pour que cette dernière réduise les dépenses du fédéral. Les Canadiens qui nous écoutent doivent être renversés. Évidemment, cette affaire s'est soldée par la débâcle de 2,5 milliards de dollars appelée Phénix sous le gouvernement conservateur. Aujourd'hui, le gouvernement libéral est empêtré dans l'affaire ArriveCAN et les 60 millions de dollars qui ne servent évidemment pas du tout l'intérêt public.
Je reviens à la réponse que vous avez donnée en français à Mme Sinclair‑Desgagné. Si le gouvernement Harper ou le gouvernement actuel avait consulté vos membres, les ressources financières et les programmes fédéraux auraient-ils été beaucoup mieux gérés? Sous le gouvernement Harper, des sommes ont été englouties dans Phénix et dans le contrat attribué par Génie et services techniques. Le gouvernement actuel n'est pas en reste au chapitre du gaspillage de fonds publics avec des histoires comme ArriveCAN.
Les ressources seraient certainement mieux gérées. Pour réaliser des économies, la meilleure chose à faire est de consulter les personnes chargées de la gestion des fonds, qui voient les rentrées et les sorties d'argent et qui s'occupent des budgets, des prévisions et des dépenses. Nous n’avons pas de recette secrète, mais une bonne part de nos membres trouvent souvent insultant de voir que les cadres ne consultent pas les spécialistes des flux de trésorerie.
Nous sommes parfaitement en mesure de faire des recommandations sur les économies à réaliser et sur les stratégies à adopter pour en donner plus aux Canadiens pour leur argent. Nos membres sont au courant des rentrées et des sorties de fonds à la cent près. Il faut commencer par là. Le recrutement d'un nombre accru d'agents financiers et de vérificateurs est un rendement du capital investi, et non pas une dépense. C'est un investissement qui vaut son pesant d'or.
M. Jivani, un conservateur plein de gros bon sens, a connu une victoire écrasante dans la circonscription de Durham. Il a obtenu une majorité absolue avec 57 % des voix. Son plus proche rival est parvenu tant bien que mal à arracher 22,5 % du vote. La ministre de SPAC est même venue en renfort pour l'aider à obtenir ce résultat. Je me demande en quoi consistait cette aide fournie par la ministre, et j'aurais une question pour notre témoin à ce sujet. Évidemment, je me réjouis en constatant que M. Jivani contribuera aux politiques sensées des conservateurs visant à abolir la taxe, à construire des maisons et à faire échec au crime.
Monsieur Richard, lorsque vous étiez conseiller financier à SPAC, vous avez sûrement acquis une connaissance fine des processus en place au ministère. L'ancienne ministre de SPAC, qui est entrée en fonction à l'été 2022, a affirmé qu'elle n'avait jamais été mise au courant de l'affaire ArriveCAN. Des milliers, voire des dizaines de milliers de pages de documentation ont été détruites sur ce contrat qui s'est chiffré à environ 60 millions de dollars. Nous n'avons pas été en mesure de prouver l'existence de ces documents, car la vérificatrice générale n'a pas pu mettre la main dessus.
Est‑il plausible que la ministre n'ait pas été informée? Le cas échéant, doit‑on conclure que cette omission était délibérée? Comment se fait‑il qu'un projet de cette nature n'ait pas été présenté à la ministre?
Je ne peux pas déterminer si elle a été informée ou non.
Je peux vous dire par contre que mes membres déclarent toute anomalie ou toute situation qui leur semble douteuse. Ils ne font pas nécessairement ce signalement au niveau de la ministre. Ils s'adressent plutôt à l'un des nombreux échelons qui la précèdent.
Encore une fois, nous ne représentons pas les cadres supérieurs. Nous représentons nos membres et les professionnels des finances. Lorsqu'ils reçoivent des informations qui ne tiennent pas la route, nos membres ont le devoir et la responsabilité de les soumettre à un supérieur. Ils ne peuvent pas sauter trois ou quatre échelons pour porter directement ces informations à l'attention de la ministre. Il y a une hiérarchie à respecter.
Une partie des renseignements que nous avons maintenant s'échelonne sur près de deux ans, soit depuis que le problème a été signalé en premier lieu par les conservateurs, alors vos membres auraient pu voir certains de ces renseignements. Est‑ce que cela aurait fait partie de leurs rapports? Ces renseignements auraient alors été transmis à leur gestionnaire, puis au SMA, au SM et au ministre.
Quelle est la procédure officielle? Comme cela n'est révélé que dans les rapports des agents indépendants du Parlement, est‑ce que l'information se rend directement au ministre sans que vos membres aient un rôle à jouer?
Normalement, si l'on suit la procédure officielle, la façon normale de procéder, nos membres auraient été informés au début, et non à la fin. S'ils avaient vu quelque chose d'anormal... Il se peut qu'ils soient intervenus, mais n'aient rien vu d'anormal. Toutefois, selon le sondage que nous avons mené, je peux vous dire que pour ce projet, un nombre beaucoup plus élevé de nos membres auraient dû répondre qu'ils avaient été consultés et qu'ils étaient intervenus.
En me basant sur l'information limitée disponible qui a été tirée de notre sondage, je peux vous dire qu'il n'y a pas eu un nombre suffisant de nos membres qui ont été consultés et tenus au courant de la situation tout au long de ce processus.
Pour revenir sur les propos de mon collègue au sujet de l'élection dans Durham, 27 % de la population a voté, dont 57 % ont voté pour... J'ai oublié le nom du candidat; je m'excuse...
On voit vraiment à quel point les conservateurs propagent de la désinformation. En ce moment — et je suis certaine qu'ils vont en faire un clip — ils parlent des uns et des autres, de corruption, etc. Au cours des 24 dernières heures, j'ai reçu beaucoup de messages haineux, beaucoup de menaces qui reposent sur la désinformation propagée par les conservateurs.
J'en arrive à ma question.
Quand on propage de la désinformation, comme les conservateurs le font souvent, que ce soit sur la vaccination, l'objectif de l'application ArriveCAN, le fonctionnement de l'Agence des services frontaliers du Canada ou de la fonction publique, comment vos membres composent-ils avec cela? Quelles répercussions cela a‑t‑il sur eux quand les conservateurs répandent de la désinformation à leur sujet comme ils adorent le faire?
Ma question est la suivante: quelles répercussions ont les campagnes de désinformation sur vos membres, au sein de l'Agence des services frontaliers du Canada, dans la fonction publique, les campagnes contre la vaccination ou sur l'application « ArnaqueCan » — peu importe le nom qu'il lui donne — etc., quelles répercussions cela a‑t‑il lorsqu'ils offrent des services aux Canadiens?
Je peux vous dire que ce qui se passe dans les médias et au niveau politique a des répercussions sur nos membres. N'oubliez pas que nos membres sont sur la ligne de front. Ils ne font pas partie de la haute direction, ce sont les exécutants. Ils voient les chiffres, les états financiers.
Il est parfois difficile de faire le lien entre ce qu'on tente d'accomplir en mettant la barre a un très haut niveau, et ce qu'ils disent. On dit qu'on croit en l'intégrité, que les valeurs sont importantes, qu'il faut faire preuve de diligence raisonnable et favoriser l'optimisation des ressources. Toutefois, quand on voit un rapport comme celui de la vérificatrice générale, nos membres sont très frustrés, car tout cela aurait pu être évité si on avait simplement respecté le cadre financier en place.
Cela aurait pu être évité... voulez-vous dire dans le sens qu'on a dépensé trop d'argent, que cette application était une perte de temps ou que la COVID était une conspiration? Où se situe‑t‑on ici?
Je ne peux pas vous parler du montant d'argent, de ce que cela aurait dû coûter. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les principes fondamentaux en comptabilité, les pratiques exemplaires, n'ont pas été respectés. Au bout du compte, si nos membres avaient pu faire leur travail, tout cela ne serait pas arrivé.
Je ne sais pas qui est responsable. Il n'y a pas suffisamment de preuves pour suggérer... Encore une fois, on suivrait normalement les traces écrites, mais malheureusement, il n'y a pas de traces écrites.